Malgré les frères et amis, qui ne le vantent pas, malgré une fortune qu’on dit considérable, — une fortune à payer des condottieri, s’il en voulait, — et la bassesse des journaux toujours prêts à la réclame, Laurent Pichat avait la distinction d’être obscur, et pour moi, qui aime les distinctions et qui l’avoue sous ce régime d’égalité républicaine, celle que j’aime le plus, par ce temps de gloires insultantes, c’est l’obscurité !
Georges-Alfred Lawrence serait un brillant officier, très-aristocratique d’origine et de fortune, aimant la chasse, les armes, les chevaux, qu’il monte lui-même sur le turf, et « ayant gagné un grand nombre de steeple-chases. » C’est entre deux de ces courses, probablement, qu’il aura écrit ce premier roman de Guy Livingstone, publié d’abord à la mode anglaise, sans nom d’auteur, et dans lequel il a montré une vaillance de talent qui ressemble fort à la vocation la plus déterminée. […] Guy Livingstone est le frère du Giaour, de Lara, de Conrad le Corsaire, moins coupable sans doute que ces sombres figures de la Force blessée au cœur et qui continuent de vivre avec la fierté de la Force jusqu’au moment où, d’un dernier coup, Dieu les achève… C’est un héros de lord Byron, resté au logis (at home), dans son ordre social, qui a été très-bon pour lui et qui lui a donné à peu près tout ce que l’ordre social peut donner : la naissance, la fortune, l’éducation, les relations, tout ce qui s’ajoute à la force individuelle dans un pays où l’ordre social est si bien fait, qu’un homme s’y dira, avec la certitude qu’on n’a jamais ailleurs dans les pêles-mêles que l’on prend pour les sociétés : Je nais ici, et c’est là que je puis mourir.
Si touché qu’il ait été de la réputation, dans ces courtes années de vie flatteuse et brillante qui précédèrent sa retraite à Port-Royal, jamais il ne le fut jusqu’à faire passer la fortune de son esprit avant la vérité, et à chercher la célébrité dans l’éclat de quelque différence entre son illustre devancier et lui. […] Le doute de Montaigne, comme la croyance philosophique de Descartes, veulent la réunion des biens de fortune et de santé dans le même homme, avec assez de raison pour ne les point compromettre, et pour en honorer la possession par quelque noble occupation de l’esprit. […] En même temps que Dieu lui envoyait la maladie à la suite de la santé, lui-même s’infligeait la pauvreté pour expier la fortune qu’il avait connue ; traversant ainsi les divers états de l’homme, dont il voulait pénétrer le mystère redoutable. […] Les habiles gens s’entendront mieux avec Descartes écrivant que « les poils blancs qui commencent à lui venir l’avertissent qu’il ne doit plus étudier, en physique, à autre chose qu’au moyen de les retarder. » Et ailleurs : « Qu’il n’a jamais eu tant de soin de se conserver que maintenant. » Et plus loin : « Qu’il fait un abrégé de médecine, dont il espère pouvoir se servir par provision pour obtenir quelque délai de la nature. » Ceux qui souffrent, et c’est le grand nombre, ceux qui ont la mauvaise part dans la distribution des biens de fortune, d’opinion ou de santé, ceux pour qui en particulier le Christ est venu, aimeront mieux Pascal disant dans cette sublime prière que j’ai citée : « Je ne trouve en moi, Seigneur, rien qui vous puisse agréer ; je ne vois rien que mes seules douleurs, qui ont quelque ressemblance avec les vôtres. […] Noble exemple, dans ce monde où tant d’habiles gens, qui n’ont rien à donner, invitent néanmoins les autres à les aimer, afin de les avoir plus sous la main pour le service de leur fortune !
Le Concert ridicule n’est qu’une de ces heureuses Bagatelles, qui doivent leur fortune passagere aux circonstances.
La raison de cette différence de fortune sur un même objet, est assez sensible : M.
Dans cette âpre lutte contre les préjugés sucés avec le lait, dans cette lente et rude élévation du faux au vrai, qui fait en quelque sorte de la vie d’un homme et du développement d’une conscience le symbole abrégé du progrès humain, à chaque échelon qu’on a franchi, on a dû payer d’un sacrifice matériel son accroissement moral, abandonner quelque intérêt, dépouiller quelque vanité, renoncer aux biens et aux honneurs du monde, risquer sa fortune, risquer son foyer, risquer sa vie.
Des choses, on le remarque moins ; car quelle apparence que les disgrâces de la fortune touchent en rien les choses ? […] La fortune a justifié leur passion, non leur jugement. […] La pleine fortune pour un chef de gouvernement, la gloire peut-être, c’est de mourir entre les deux. […] C’est un compte qui s’est réglé entre nous depuis longtemps, par une affection qui n’a pas souffert de la différence dernière de nos fortunes. […] Depuis que ces lignes sont écrites, le 4 Septembre a fait tomber ma fortune au-dessous même de leur estimation.
La fortune du pays s’augmentait dans des proportions inouïes. […] Le crime de la France fut celui d’un homme riche qui choisit un mauvais gérant de sa fortune, et lui donne une procuration illimitée ; cet homme mérite d’être ruiné ; mais on n’est pas juste si l’on prétend qu’il a fait lui-même les actes que son fondé de pouvoirs a faits sans lui et malgré lui. […] La plupart des gens n’y demandent guère qu’une seule chose, c’est qu’on les laisse tranquillement faire fortune. […] De la vertu et de la fortune des Romains, il ne pouvait y avoir de doute sur ce qui se préparait. […] La roue de fortune tourne et tournera toujours, après avoir monté, on descend ; et voilà pourquoi l’orgueil est quelque chose de si peu raisonnable.
Parmi ces gens dévoués, le plus grand nombre, il faut leur rendre justice, s’est tout d’abord laissé séduire par les Alcine qu’ils allaient arracher au mal ; et ils ont joyeusement perdu santé et fortune, et souvent mieux que cela dans leur expédition manquée. […] Unique descendant des comtes Mignon de la Bastie et ancien colonel de la garde impériale, il vient, au moment où commence le livre, de perdre une fortune immense que, depuis la Restauration, il avait su acquérir au Havre, dans le commerce d’outremer. […] Les demandes et réponses n’auraient point de fin si le colonel Mignon ne reparaissait tout à coup avec une fortune beaucoup plus considérable qu’avant ses premiers malheurs. […] C’est le modeste La Brière, qui n’a presque pas de nom pas de fortune, pas de réputation, qui ne vient que parce qu’il est amoureux. […] Sainte-Beuve fut un de ces quelques monarques élevés par la mauvaise fortune.
Et ceux de Stéphen Liégard, sans être toujours assez frémissants, sont toujours de bons vers, et souvent des vers fortifiants, cueillis sur l’âpre coteau des vertus, ou des vers splendides, cueillis sur la « Côte d’Azur », pour rappeler l’expression qui sert de titre à l’un de ses volumes en prose, qu’il a créée, je crois, et qui a fait fortune.
Plus d’un Philosophe a souvent reproché à ses Adversaires leur naissance, leur état, leur peu de fortune.
On sent qu’il n’étoit pas encore parvenu à ce point de maturité que demande la perfection de l’art : mais quand on se rappelle les obstacles que la fortune la plus cruelle n’a cessé d’opposer à son amour pour la gloire littéraire, on a lieu d’être étonné du parti qu’il a tiré de ses talens naturels.
S’il est bon d’avoir de la sévérité pour l’ouvrage, il est mieux encore de ménager la fortune et le bonheur de l’ouvrier.
La fortune du Passant de M.
Ses liaisons avec le Comédien Baron ont pu le faire soupçonner d’avoir un goût plus decidé pour le Théatre, que son état ne le permettoit : on étoit même persuadé, de son temps, comme on l’est encore aujourd’hui, que l’Andrienne & l’Homme à bonnes fortunes devoient beaucoup à ses talens.
Ce mot né coiffé expliqueroit assez bien la petite fortune littéraire & civile de quelques merveilleux Auteurs de nos jours.
L’esprit universel peut tout ; la fortune avare et aveugle ne nous donne qu’un rôle quand la nature nous a façonné souvent pour tous les rôles à la fois ; voilà pourquoi il est si cruel pour les riches natures de mourir sans avoir, comme elles disent, accompli leur destinée. […] Napoléon, resté à Iéna, hésite à croire à ce second et complet triomphe de sa fortune. […] L’alliance est scellée par ces promesses mutuelles ; la Prusse presque entière est abandonnée par son dernier allié Alexandre au vainqueur d’Iéna ; elle a mérité son sort par la duplicité de sa diplomatie depuis qu’elle existe ; mais Napoléon traite avec dédain son héroïque et belle reine, que la fortune amène en larmes à Tilsitt. […] Ce n’est plus de la diplomatie raisonnée d’un homme d’État, c’est le songe d’un favori de la fortune. […] Thiers ont été, selon nous, une des bonnes fortunes de Napoléon.
J’ai été enjoué, galant, plaisant, et j’ai fait fortune. […] A lire, par exemple, la jolie chanson intitulée les Inconvénients de la Fortune (1812), se douterait-on de ce demi-ton de tristesse, de ce filet de mélancolie qui se mêle si bien au refrain chanté ? […] Ma fortune est faite. Ce refrain : Ma fortune est faite, revient chaque fois plus tristement.
Tous étaient au même rang, tous aventureux, tous braves ; la fortune avait fait en France des vainqueurs et des vaincus, mais elle n’avait fait ni coupables ni lâches. […] La fidélité méritoire à ses princes, l’esprit d’aventure, le caractère assoupli aux fortunes diverses de l’exil, et l’intarissable conversation qu’on y puise. […] M. de Surville quitta une seconde fois sa compagne chérie et son asile en Suisse pour aller chercher dans l’Ardèche quelques débris de sa fortune. […] Combien que boutions touz au dauphin de fiance, Tant est profond gouffre de nos revers, Qu’eust mesme de Salmon fortune et sapience, Pour le combler, n’a trop de vingt hyvers.