Du reste, ayant toujours eu soin de prendre un exercice modéré, Fritz se portait de mieux en mieux ; sa fortune s’augmentait raisonnablement, parce qu’il n’achetait pas d’actions et ne voulait pas s’enrichir d’un seul coup. […] Seulement, je vous en prie, monsieur Kobus, réfléchissez.… réfléchissez bien à ce que nous sommes et à ce que vous êtes… Réfléchissez, que vous êtes d’un autre rang que nous ; que nous sommes des gens de travail, des gens ordinaires, et que vous êtes d’une famille distinguée depuis longtemps non-seulement par la fortune, mais encore par l’estime que vos ancêtres et vous-même avez méritée. […] Si par malheur elle ne m’aime pas, la fortune, le rang, la considération du monde, tout n’est plus rien pour moi !
Les plus francs, les plus coléreux, les plus pléthoriques, dans la bassesse des événements, du ciel, des fortunes de ce temps, au contact du monde, au frottement des relations, au ramollissement des accommodements, dans l’air ambiant des lâchetés, perdent le sens de la révolte, et ont de la peine à ne pas trouver beau, tout ce qui réussit. […] Elle reste en ce jardin, presque nue, par le froid de la soirée qui nous gèle tous, dégageant autour d’elle la froideur d’un marbre, et manquant de l’éducation, de l’amabilité, de l’acquit, du tact, sans la douceur du charme, sans la caresse de la politesse, sans le liant de la femme, sans même l’excitant de la fille, et sotte tout le temps, — mais jamais bête, et vous surprenant, à tout moment, par quelque réflexion empruntée à la vie pratique ou au secret des affaires, par des idées personnelles, par des axiomes qui semblent l’expérience de la Fortune, par une originalité sèche et antipathique qu’elle paraît tirer de sa religion, de sa race, des hauts et des bas prodigieux de son existence, des contrastes de son destin d’aventurière de l’amour. […] la vie, même pour les plus heureux et les plus écrasés de fortune, même pour les meilleurs.
Les hommes se ruent en des chocs douloureux pour la vie, pour l’ambition, la fortune ou la gloire. […] Et il arrivait ceci : c’est que la mère témoignant tout haut au visiteur, l’ennui, qu’elle éprouvait de voir sa fille, qui avait un brevet d’institutrice et la faculté de gagner sa vie, courir les aventures, la fille criait de l’autre côté du drap : « Tu te trompes, maman… un jour je ferai la fortune de la maison ! […] Lundi 9 décembre Le fils de Bleichröder, le banquier allemand, protégé par Bismarck, a été refusé en mariage par une jeune fille sans fortune, et comme la mère de la jeune fille lui demandait de réfléchir, et lui disait que la différence de religion n’avait pas l’importance qu’elle lui attribuait, la jeune fille répondait à sa mère : « Les juifs, ce n’est pas une religion, c’est une race !
Il n’a jamais pris grand souci de la fortune de ses ouvrages, et il s’effraye peu du qu’en dira-t-on littéraire. […] C’est l’instant où Cromwell, arrivé à ce qui eût été pour quelque autre la sommité d’une fortune possible, maître de l’Angleterre dont les mille factions se taisent sous ses pieds, maître de l’Écosse dont il fait un pachalik, et de l’Irlande, dont il fait un bagne, maître de l’Europe par ses flottes, par ses armées, par sa diplomatie, essaie enfin d’accomplir le premier rêve de son enfance, le dernier but de sa vie, de se faire roi. […] Il a cédé, lui, au désir de peindre tous ces fanatismes, toutes ces superstitions, maladies des religions à certaines époques ; à l’envie de jouer de tous ces hommes, comme dit Hamlet ; d’étager au-dessous et autour de Cromwell, centre et pivot de cette cour, de ce peuple, de ce monde, ralliant tout à son unité et imprimant à tout son impulsion, et cette double conspiration tramée par deux factions qui s’abhorrent, se liguent pour jeter bas l’homme qui les gêne, mais s’unissent sans se mêler ; et ce parti puritain, fanatique, divers, sombre, désintéressé, prenant pour chef l’homme le plus petit pour un si grand rôle, l’égoïste et pusillanime Lambert ; et ce parti des cavaliers, étourdi, joyeux, peu scrupuleux, insouciant, dévoué, dirigé par l’homme qui, hormis le dévouement, le représente le moins, le probe et sévère Ormond ; et ces ambassadeurs, si humbles devant le soldat de fortune ; et cette cour étrange toute mêlée d’hommes de hasard et de grands seigneurs disputant de bassesse ; et ces quatre bouffons que le dédaigneux oubli de l’histoire permettait d’imaginer ; et cette famille dont chaque membre est une plaie de Cromwell ; et ce Thurloë, l’Achates du Protecteur ; et ce rabbin juif, cet Israël Ben-Manassé, espion, usurier et astrologue, vil de deux côtés, sublime par le troisième ; et ce Rochester, ce bizarre Rochester, ridicule et spirituel, élégant et crapuleux, jurant sans cesse, toujours amoureux et toujours ivre, ainsi qu’il s’en vantait à l’évêque Burnet, mauvais poëte et bon gentilhomme, vicieux et naïf, jouant sa tête et se souciant peu de gagner la partie pourvu qu’elle l’amuse, capable de tout, en un mot, de ruse et d’étourderie, de folie et de calcul, de turpitude et de générosité ; et ce sauvage Carr, dont l’histoire ne dessine qu’un trait, mais bien caractéristique et bien fécond ; et ces fanatiques de tout ordre et de tout genre, Harrison, fanatique pillard ; Barebone, marchand fanatique ; Syndercomb, tueur ; Augustin Garland, assassin larmoyant et dévot ; le brave colonel Overton, lettré un peu déclamateur ; l’austère et rigide Ludlow, qui alla plus tard laisser sa cendre et son épitaphe à Lausanne ; enfin « Milton et quelques autres qui avaient de l’esprit », comme dit un pamphlet de 1675 (Cromwell politique), qui nous rappelle le Dantem quemdam de la chronique italienne.
C’est à cette disposition inconsidérée de l’esprit public qui, à la légère, apprécie favorablement tout ce qui s’annonce avec fracas, que le naturalisme doit sa fortune. […] Ce fut un motif pour lui de s’intéresser à l’odyssée de l’édification et de la chute d’une fortune. […] Il faut que nous cessions d’établir la réputation, la fortune, la gloire d’écrivains sans idées et sans grandeur.
Détrompez-vous : M. de Balzac ne veut plus être l’instrument de la fortune naissante de M. […] Dix ans, vous l’avez aidé à faire sa fortune littéraire et politique, dix ans il a été contraint par intérêt à dire du bien de vous ; dix ans, si nous le laissons vivre dix ans, il va être occupé à en dire du mal ; il y a des gens qui ne sauraient pardonner ni le bien qu’on leur a fait, ni les services qu’on leur a rendus. […] Buloz, me dire que mon opinion sur lui était fausse ; qu’il arrivait avec le plus profond désir d’être l’homme de la jeune littérature qui avait fait sa fortune, et que la preuve en était que le premier acte de son administration serait la reprise de Christine.
… Du fait de cette tête de médaille que, par un coup de fortune, je m’étais imposée, je conquérais une personnalité ! […] Je suis rivé à ce boulet : la fortune ! […] … je ne le dissimule pas… ma fortune subit, en ce moment, une éclipse… Mais les éclipses ne sont pas éternelles. […] … Rêves de gloire, de fortune, d’amour ! […] Et c’est la déchéance définitive, le craquement, l’émiettement des fortunes, c’est l’imbécillité finale, la folie, le crime, la mise hors la vie, enfin, de tous ceux-là qui, par calcul égoïste, ou par système, ou par mollesse, n’ont pas voulu accepter les lois de la vie.
N’est-ce pas plutôt au succès qu’ils en veulent, et la fortune qu’ils envient ? […] De ces deux fractions de société dont la fortune a fait, des oisifs et qui réunissent leurs nullités et leurs vices, est née une troisième classe intermédiaire, race hybride qui n’a plus ni la hauteur de sentiments de l’aristocratie, ni les vertus solides de la vraie bourgeoisie. […] Bien qu’il soit avant tout respectueux des belles traditions de notre poésie, M. de Heredia a la rare fortune de plaire aux poètes de l’école nouvelle, quoique il ait toujours combattu leurs essais de démolition du vers français. […] Il a eu sa part de puissance, il a joui de grands honneurs, de grandes dignités, d’une grande fortune ; mais plutôt que d’entrer, comme lui, dans l’histoire par la porte des hontes et de l’abjection, il vaudrait mieux n’avoir été qu’un garde-chasse avec six cents francs de gages et le droit au bois-mort. […] L’homme, qui, ayant débuté à trente ans, n’est pas encore ignoré vers sa quarantième année, n’a pas été desservi par la fortune.
Libraires et revues ont fini par refuser leurs œuvres, et ils se sont trouvés au seuil de la vieillesse à peu près sans notoriété et sans fortune. […] L’auteur d’Eugénie Grandet rêva toute sa vie la fortune ; mais ses besoins d’argent n’influencèrent jamais sa conscience d’artiste. […] Quand on lui vole sa fortune, il n’a qu’une pensée : « Je vais perdre Manon. » Il parle d’elle comme d’une divinité. […] Le bonheur de cette famille est détruit le jour où on cède à la tentation d’envoyer Virginie faire fortune en France. […] Henri Fouquier gagna une fortune à publier plusieurs articles par jour, pendant des années.
L’immense fortune que M. de Montfort, son père, avait acquise à l’île Bourbon… » Ici je ne sais plus. […] Aujourd’hui encore, les membres de l’aristocratie anglaise, dit-on, et peut-être, chez nous, quelques rares héritiers de grandes fortunes territoriales savent être riches avec aisance et noblesse. « C’est de naissance », comme dit l’amiral suisse. Mais, quand on a gagné sa fortune dans l’industrie ou la finance, ou quand cette fortune ne remonte qu’à une ou deux générations, c’est autre chose. […] Les grandes fortunes étant aujourd’hui dans la banque, les hommes les plus riches ignorent les beaux loisirs, travaillent comme des commis et emploient principalement leurs millions … à en gagner d’autres. […] Rien de moins oratoire, mais rien de plus persuasif ni qui inspire plus de confiance… Il faut ajouter qu’un nom illustre, une très grande fortune, un long et brillant passé politique, — ce sont de ces choses qui permettent la simplicité et qui donnent à cette simplicité un assez bon air.
Le réalisme existe depuis que la littérature existe, il a éclairé de quelques-unes de ses lueurs les livres de bien des génies qui se sont succédés, et il a fait leur fortune, il arrive au jour où on le reconnaît, où on le nomme. […] Vacquerie, et pour en finir avec lui ; puisqu’il prédit à l’épopée des Misérables « la fortune miraculeuse de Notre-Dame de Paris », et puisque depuis trois mois qu’il en a entendu le commencement, il n’a pu encore « penser à ces pages sacrées sans se sentir troublé à un point indicible », et qu’« il ne reprendra parfaitement ses sens que quand la publication de ce poème unique lui permettra de parler et de répandre au dehors l’admiration qui lui étreint la gorge » je lui ferai à mon tour une prédiction qui ne manquera pas de le flatter. […] Les marchands de romans-joujoux Un jeune littérateur de mes amis qui courra à la renommée et à la fortune aussi vite que M. […] Le réalisme existe depuis que la littérature existe, il a éclairé de quelques-unes de ses lueurs les livres de bien des génies qui se sont succédé, et il a fait leur fortune. […] Un jeune dandy parisien à qui le malheur donne quelques jours de sensibilité qui, forcé de lutter corps à corps contre la fortune et d’adopter des mœurs californiennes, s’y pétrifie, y devient un égoïste dur et basé, oublie Eugénie et perd à son insu les trésors de sa chaste tendresse et les dix-sept millions du père Grandet.
En considérant son Monneron, il n’a point pensé (ce serait, d’après un mot aristophanesque auquel Maurras a fait une fortune nouvelle, une Nuée,) que c’est déjà pour l’humanité une sorte de progrès que ce fils de paysans ait pu connaître, non seulement les commodités de la vie bourgeoise, mais aussi de hautes satisfactions intellectuelles. […] Ce jeune homme, nourri dans la foi révolutionnaire, a eu pourtant l’heureuse fortune de recevoir, durant ses classes de philosophie, l’enseignement du traditionaliste Ferrand. […] L’épithète de « roussien » n’a pas fait fortune. […] Ils parlent de leurs fortunes amoureuses comme d’un dessein formé de toute éternité par la Providence universelle sur leurs individus. » Ainsi l’amour est un crime, s’il n’est la plus haute vertu. […] Seulement, qui avait connu une fois ces courtes fortunes ne pouvait se résigner à ne plus les rechercher. » Combien les amis de la vie, et de la vie heureuse, doivent affectionner certaines pages de ce roman !
Le dieu Faveur, chez les mythologistes romains, étoit fils de la Beauté & de la Fortune. […] On appelle les bons poëtes les favoris des Muses, comme les gens heureux les favoris de la fortune, parce qu’on suppose que les uns & les autres ont reçu ces dons sans travail. […] Un homme galant est tout autre chose qu’un galant homme ; celui-ci tient plus de l’honnête homme, celui-là se rapproche plus du petit-maître, de l’homme à bonnes fortunes. […] Ils ont d’ordinaire plus d’indépendance dans l’esprit que les autres hommes ; & ceux qui sont nés sans fortune trouvent aisément dans les fondations de Louis XIV. de quoi affermir en eux cette indépendance : on ne voit point, comme autrefois, de ces épîtres dédicatoires que l’intérêt & la bassesse offroient à la vanité. […] La statue de la fortune avoit parlé ; les Scipions, les Cicérons, les Césars à la vérité n’en croyoient rien ; mais la vieille à qui Encolpe donna un écu pour acheter des oies & des dieux, pouvoit fort bien le croire.
Au défaut de bonnes fortunes dont son âge et sa figure l’excluoient, il y suppléoit par de l’argent, et l’intimité de son fils et de lui, de M. le prince de Conti et d’Albergotti, portoit presque toute sur des mœurs communes et des parties secrètes qu’ils faisoient ensemble avec des filles. […] Une telle nature de grand écrivain posthume 95 ne laissait pas de transpirer de son vivant ; elle s’échappait par éclat ; il avait ses détentes, et l’on conçoit très bien que Louis XIV, à qui il se plaignait un jour des mauvais propos de ses, ennemis, lui ait répondu : « Mais aussi, monsieur, c’est que vous parlez et que vous blâmez, voilà ce qui fait qu’on parle contre vous. » Et un autre jour : « Mais il faut tenir votre langue. » Cependant, le secret auteur de Mémoires gagnait à ces contretemps de la fortune.
Un jeune homme de vingt ans, orphelin, destiné à une immense fortune que lui assure un oncle son parrain, s’ennuie et bâille tout le jour. […] Il me semble pourtant, dût la proposition d’abord étonner un peu, que, maintenant que l’Académie française entreprend un Dictionnaire historique de la langue, ce dépôt de vieux parler cantonal, rassemblé dans le Presbytère, pourrait devenir un des fonds à consulter ; on en tirerait à coup sûr des remarques utiles sur la fortune et les aventures de certains mots. — Parmi les observations plus ou moins sérieuses que Charles transmet à Louise à travers l’effusion de ses sentiments, il en est qui touchent à des personnages historiques, célèbres dans le pays ; je noterai le dîner chez M.
Et moi un homme si las de malheurs, si ballotté de la fortune, que je mettrais ma vie sur le premier hasard qui me promettrait de l’améliorer ou de m’en délivrer. […] Jamais portion de fortune ne fut plus sacrée ; elle est encore confondue dans le peu qui me reste, et forme à Saint-Point le complément du victuaire de couvent annexé au château pour l’éducation rurale d’une cinquantaine de jeunes filles des champs.
L’hypocrisie de Trissotin, de Béline et de Tartufe détruit la paix et la fortune des maisons. […] Plus tard, dans les vingt années qui suivent la mort de Molière, c’est Baron395 qui, dans son Homme à bonnes fortunes, donne le plus considérable document sur les mœurs françaises, sur cette égoïste sécheresse qu’il sera du bel air désormais de porter dans l’amour : il dessine un don Juan au petit pied, sans ampleur et sans scélératesse, précurseur des méchants et des jolis hommes du xviiie siècle.
Il assista à la bataille de Nancy, et il vit la fin de cette puissante maison de Bourgogne, dont la fortune, un moment éblouissante, ressemble si fort à la renommée de ses historiens et de ses poëtes, de leur vivant portés si haut et si enviés, aujourd’hui relégués, par lambeaux, dans des recueils où l’on compte mais où l’on ne pèse pas les noms. […] Il y a d’ailleurs tant de vérité dans une morale qui fait sortir des conseils de Dieu les grandes fortunes comme les grandes catastrophes d’ici-bas, qu’elle devait inspirer des pages durables à un homme qui ne pensait qu’à mettre des notes sur le papier.
Il prétend monter une œuvre dont la fortune est faite depuis longtemps dans toute l’Europe, que tous les musiciens s’accordent à trouver admirable dans son ensemble, et dont Paris ne connaît encore que quelques rares fragments. […] Gounod de pousser la roue du char qui porte l’Œuvre de Wagner et sa fortune ; il fera preuve assurément d’une grandeur d’âme surhumaine.