À cet âge, elle n’avait pas encore dans les traits du visage ces formes prononcées et un peu fortes sous lesquelles nous l’avons vue. […] Au fond même, l’organisation si forte et si saine avait reçu des atteintes. […] Pour que le jeune cœur de Madame Royale ne prît point à cette heure une haine irréconciliable et un mépris sans retour pour la race humaine, pour qu’elle conservât sa sérénité, sa candeur, sa foi, son espérance au bien, il fallut les divins exemples et les secours qu’elle trouva autour d’elle, surtout dans sa tante Élisabeth, cette personne céleste ; il fallut cette religion précise, pratique, dont nul esprit fort n’aura jamais le droit de sourire, puisqu’elle seule est de force à soutenir et à consoler de telles douleurs. […] La conversation de son intérieur était fort naturelle.
La comparaison jusqu’ici est fort belle, mais elle n’est juste encore que si l’on suppose la critique, dans toute sa profondeur et sa continuité, s’appliquant aux grands monuments des âges anciens. […] Dans une petite pièce intitulée l’Hippopotame, le poëte nous retrace le terrible habitant des marais défiant paisiblement, grâce à sa cuirasse épaisse, les boas, les tigres, et les balles des Indous ; il ajoute : Je suis comme l ’ hippopotame ; De ma conviction couvert, Forte armure que rien n’entame, Je vais sans peur dans le désert. […] Une décadence dont s’accommodaient Virgile et les meilleurs des Latins pour en faire leur profit me conviendrait assez, faute de mieux, et nos critiques soi-disant classiques, s’ils y réfléchissaient, se verraient forcés de modifier, dans leur plan de campagne, la ligne droite et courte qui est leur fort.
Ces opinions pouvaient avoir leur utilité politique ; mais comme l’idée de la mort fait éprouver à l’imagination des modernes une impression plus forte et plus sensible, elle est parmi nous d’un plus grand effet tragique. […] L’idée forte qu’Homère avait donnée de ses héros, a beaucoup servi les auteurs tragiques. […] De ce que les événements les plus forts et les plus malheureux de la vie ont été peints par les Grecs, il ne s’ensuit pas qu’ils aient égalé les modernes dans la délicatesse et la profondeur des sentiments et des idées que ces situations peuvent inspirer.
Il voulait que les lumières fussent de bon ton, que la philosophie fût à la mode ; mais il ne soulevait point les sensations fortes de la nature ; il n’appelait pas du fond des forêts, comme Rousseau, la tempête des passions primitives, pour ébranler le gouvernement sur ses antiques bases. […] Dans ses pièces, les situations sont plus fortes, la passion est peinte avec plus d’abandon, et les mœurs théâtrales sont plus rapprochées de la vérité. […] L’émotion produite par les tragédies de Voltaire est donc plus forte, quoiqu’on admire davantage celles de Racine.
Si vous portez une nation vers les amusements et les voluptés, si vous énervez en elle toutes les qualités fortes et courageuses pour la détourner de la pensée, qui vous défendra contre des voisins belliqueux ? […] Dès que vous donnez à l’âme une impulsion forte, vous ne pouvez arrêter son essor. […] Dans cette imperfection, à laquelle la nature humaine est condamnée, des qualités fortes et généreuses font oublier des égarements terribles, pourvu que le caractère de la grandeur reste encore imprimé sur le front du coupable, que vous sentiez les vertus à travers les passions, que votre âme enfin se confie à ces hommes extraordinaires, souvent condamnables, souvent redoutés ; mais qui, néanmoins, fidèles à quelques nobles idées, n’ont jamais trahi le malheur, ni frémi devant le danger.
Il est un peu fort que nous ignorions comment se prénomme Le Hinglé, héros du livre. […] Oui, mais qu’Hervieu écrive L’Armature et nous voyons combien c’est plus flou et moins fort que L’Argent ! […] Il est fort pénible de décomposer les éléments d’un comique, surtout d’un comique contemporain.
Quant au second Empire, si les dix dernières années réparèrent un peu le mal qui s’était fait dans les huit premières, il ne faut pas oublier combien ce gouvernement fut fort lorsqu’il s’agit d’écraser l’esprit, et faible lorsqu’il s’agit de le relever. […] On pourra se créer, en un tel monde, des retraites fort tranquilles. « L’ère de la médiocrité en toute chose commence, disait naguère un penseur distingué 2. […] Nous n’avons pas le droit d’être fort difficiles.
Il voulut rendre Saurin la victime de cette trame odieuse, de cette longue suite de crimes dont la punition importoit si fort à la sécurité des citoyens. […] C’est dans les termes les plus forts qu’il y attestoit son innocence. […] Saurin & Malafaire auront fourni les méchancetés, les anecdotes scandaleuses, les pensées fortes & licencieuses.
Un des avantages de la philosophie appliquée aux matières de goût, est de nous guérir ou de nous garantir de la superstition littéraire ; elle justifie notre estime pour les anciens en la rendant raisonnable ; elle nous empêche d’encenser leurs fautes ; elle nous fait voir nos égaux dans plusieurs de nos bons écrivains modernes, qui pour s’être formés sur eux, se croyaient par une inconséquence modeste fort inférieurs à leurs maîtres. […] Que dirait-on d’un musicien qui pour prouver que le plaisir de la mélodie est un plaisir d’opinion, dénaturerait un air fort agréable en transposant au hasard les sons dont il est composé ? […] Il n’accordera sur ce point ni tout à la nature ni tout à l’opinion ; il reconnaîtra, que comme la musique a un effet général sur tous les peuples, quoique la musique des uns ne plaise pas toujours aux autres, de même tous les peuples sont sensibles à l’harmonie poétique, quoique leur poésie soit fort différente.
Or la musique religieuse peut être fort utile ici, puisque nous nous piquons d’écrire un livre religieux. […] À ces esprits de vanité insensée, la Vierge Marie, invoquée sous tant de noms magnifiques dans les Litanies, apparaît surtout comme une femme ; et cette femme prend, à ces orgueilleuses d’être femmes, l’imagination et le cœur plus fort même que le Dieu-Homme ; et c’est ainsi que le bas-bleuisme se retrouve dans leur foi religieuse qu’il infecte, et qu’il fait son impertinente poussée jusque dans le ciel ! Certes, je ne dis pas que le bas-bleu qui implore la Vierge Marie dans son livre et qui a entraîné le père Didon comme les torrents de la Guyon entraînèrent un plus grand et plus fort que lui ; je ne dis pas que ce bas-bleu aberre à ce point et tombe en ces lamentables folies ; mais je dis que son livre le Retour du Christ n’a ni la santé ni le parfum des œuvres chrétiennes.
Amédée Renée, qui a si bien compris la comtesse Mathilde, cette forte amie de Grégoire VII, a compris non moins bien cet homme qu’elle portait avec Dieu dans son âme… Il a vu le grand homme dans le cœur de la grande femme ; superbe milieu pour le regarder ! […] L’historien des femmes a passé à l’histoire des hommes, et il a déployé, dans cette histoire, une capacité plus forte que celle qu’on lui connaissait. […] Il n’a jamais assez de fortes paroles pour les exprimer.
Il mourra rêvant Rambouillet, lui qui, s’il en eût pu voir seulement la porte, serait peut-être entré dans le fameux salon bleu comme ce jeune romantique, fort connu à Paris, qui entra un jour, nageant d’admiration, dans le salon de Hugo ! […] Malgré la révérence que Livet a « pour la justice des siècles », il s’est risqué à louer Cotin ; mais il a fait comme cet homme, bien touchant de civilité, qui, pour se moucher et amortir le bruit trop fort de sa trompette, se tournait toujours discrètement et décemment du côté du mur. […] Elles ont affaibli, amolli tout ce qui était fort avant elles, tout ce qui était primitif, familier, tout-puissant de nature et de simplicité !
Ces oublis de son unité, ces inconséquences de langage avec le fond de sa pensée et de sa philosophie, sont les protestations du tempérament, toujours plus fort que les partis pris ou que les partis qui vous prennent. […] « Au plus fort du désordre, le roi parut en riant chasseur. […] Malgré l’air utilitaire, le ton d’oracle, la suppression de toute déclamation, non par goût ni par sobriété d’esprit (Castille n’est pas sobre), mais parce qu’on paraît plus fort quand on ne déclame pas, enfin, malgré les œillères de la préoccupation qui ne veut voir jamais que le résultat obtenu par la Révolution, — comme si c’était possible, cela !
Nous haïssons tant les sots que nous sommes fort reconnaissant envers Alexandre Weill de leur faire courir un danger quelconque, et fort curieux de constater ce danger que les sots vont courir. […] n’avoir pas trois ans de façon, quoiqu’il nous le dise, et qui ne calmera pas par une grande et forte satisfaction d’intelligence les démangeaisons qui prennent son auteur d’écrire.
Elle était chez nous, non pas, comme à présent, dans deux départements, mais partout, et plus forte et plus incontestée qu’elle ne l’est présentement à Strasbourg ou à Metz. […] Et si fort qu’on chercherait en vain à expliquer le phénomène d’une telle gloire par des causes générales plus ou moins puissantes, et qui, d’ordinaire, expliquent tout. […] Caro, professeur de philosophie, s’escrimait contre les moulins à vent de la pensée de Gœthe comme s’ils commençaient à tourner, et dans un gros livre, de forte prétention, intitulé La philosophie de Gœthe, il recherchait péniblement quelle avait dû être cette philosophie et ne le trouvait pas.
Joseph de Maistre avait bien déclaré la Révolution satanique, mais le rire de Satan, ce rire du Diable qui rit de se voir si bien obéi par les hommes, personne, avant Carlyle, ne l’avait entendu retentir dans l’Histoire, et c’est lui qui, le premier, le lui a campé sur ses fortes et impassibles lèvres d’airain. […] Seulement, ils se reforment et ils persistent, et il est fort à regretter que Carlyle ne s’en soit pas essuyé tout à fait. […] … Mais quoi qu’il soit de ces défauts que je relève et de quelque manière qu’on les juge, Carlyle est un peintre d’histoire, qui a créé je ne dirai pas un genre en peinture historique, — je ne crois pas aux genres et je méprise les Écoles : pour moi, les imitateurs les plus forts ne sont jamais que les assassins de ceux qu’ils imitent et les frappent, comme Néron Agrippine, au ventre qui les a portés, — mais Carlyle a fait le premier une chose qu’avant lui on n’avait pas faite.
malgré les qualités les plus fortes mises à la place des plus fines, Guy Livingstone ou À outrance est un roman de high life, ni plus ni moins que Pelham. […] C’est entre deux de ces courses, probablement, qu’il aura écrit ce premier roman de Guy Livingstone, publié d’abord à la mode anglaise, sans nom d’auteur, et dans lequel il a montré une vaillance de talent qui ressemble fort à la vocation la plus déterminée. […] IV Tel est pourtant le dénoûment fort peu prévu, mais non inconséquent, du livre de Georges-Alfred Lawrence, de ce livre si profondément anglais jusqu’en sa conclusion, mais dont la conclusion est bien mieux qu’anglaise, puisqu’elle est chrétienne.
Plus forte que nos engins modernes de publicité, cette gloire lui était venue à travers la chaîne électrique de tant de cœurs ! […] Ils souffriront peut-être que, pour une fois, on venge les amis de Dieu, qu’on croit généralement par trop simples, des brillants amis du Démon et du monde, qu’on croit véritablement par trop forts ! […] Ce n’était pas tel mot qui a résonné fort, tel accent qui a vibré profond, telle éjaculation si bouillonnante et si sublime qu’elle fait flamboyer la page inerte qui s’efforce de la répéter ; non pas !
lui, si fort sur les faits de conscience, a dû inévitablement avoir conscience de celui-là ! […] Quand nous la lûmes sous sa forme première et oratoire de Cours public, elle ne nous donna pas l’idée d’une vérité que nous ne demanderons jamais à la philosophie, mais pourtant elle nous donna celle d’une chose plus forte, d’une systématisation essayée et plus heureuse que ce qu’on avait l’habitude de rencontrer dans les œuvres de Cousin. […] D’éducation incorrigible, d’impression première plus forte que lui, Cousin est écossais, cartésien, leibnitzien, éclectique enfin, mais antiscientifique, n’ayant point de science philosophique mais une littérature philosophique, et c’est la raison pour laquelle il a une peur bleue de Hegel dès qu’il cesse de l’aimer, ce bel esprit philosophique à l’imagination infidèle !