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1126. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XII. Demain »

Ce qu’il faut, c’est partir de bonne heure, marcher sans arrêt, agiter un drapeau bien connu, sourire à ses voisins en les rejetant en arrière d’un coude habilement anonyme et crier bien fort sans rien dire de nouveau ou de compromettant. […] Notre individualisme est un orgueil assez fort pour tuer en nous toutes les vanités.

1127. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Doyen » pp. 244-247

La douleur de ces suivantes est forte. […] Cela fait, tout sera ensemble, et votre scène sera une, forte et raisonnée.

1128. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

M. de Vigny ne quitta véritablement Paris et ne dut interrompre ses habitudes du faubourg Saint-Honoré, sa seconde patrie depuis son enfance, que lorsqu’il passa dans l’infanterie de ligne ; sa plus forte absence, entrecoupée de retours, fut de 1823 à 1826. […] La méditation de M. de Lamartine, intitulée la Retraite, ressemble assez bien à quelque belle épître de Voltaire ; Millevoye plus fort aurait écrit quelques-unes des plus légères pièces de ce premier recueil ; Fontanes aurait pu faire pressentir quelques tons de ces accords. […] Après les épanchements lyriques et les confidences qui avaient resserré l’union des poëtes, après les feux des Orientales, entremêlés du trépas de Madame de Soubise et des jeux de la Frégate la Sérieuse, les plus forts songèrent au théâtre, à cette arène où la poésie peut arriver au public face à face, en le prenant par ses sensations, en le domptant. […] Comme je n’ai en ce moment à cœur que de montrer l’inexactitude du mot de De Vigny m’accusant d’avoir, en 1835, parlé de lui à la légère et d’avoir porté l’analyse dans les procédés de son talent, en le connaissant à peine, je lui laisserai le soin de prouver jusqu’où allait notre connaissance et notre presque intimité (le mot n’est pas trop fort) depuis plusieurs années déjà. […] C’est donc lui qui continue de parler : « Après la douce et forte et grave Étude que l’on suit avec vous dans le premier volume, je ne sais rien de plus attachant que de lire les vers de Ronsard et vos réflexions qui les suivent : cela fait qu’on trouve tout de suite à qui parler du plaisir qu’on vient d’avoir.

1129. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Elle nous représente encore des hommes, c’est-à-dire des affaires sérieuses et des passions tristes ; elle nous touche de trop près ; son contrecoup est si fort qu’il nous fait mal. […] Nous avons le même plaisir que devant un beau tableau ou un beau livre ; au plus fort des passions qu’il nous présente, nous savons que les personnages sont des fantômes, et que ce n’est point un sang véritable que nous voyons couler. […] Mais il pose si lourdement ses larges pieds sur le sol, il se meut si fort en bloc, il s’étaye si solidement sur ses quatre jambes charnues et massives, qu’il est encore plus paysan que gentilhomme. […] Ses enfants sont « de petits monstres fort hideux », et il les juge « mignons, beaux, bien faits et jolis par-dessus tous leurs compagnons. »123 « Rechigné, un air triste, une voix de mégère », il a le défaut qui accompagne ou amène la réflexion et la misanthropie, je veux dire la laideur. […] Il s’inquiète fort peu du cerf poursuivi qui se cache dans son étable ; il reste à table et continue à manger en avertissant son hôte qu’il va périr.

1130. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Il voulait un gouvernement fort, pour protéger l’individu contre toutes les forces capables d’en gêner l’expansion, mais un gouvernement limité, si je puis dire, pour ne pas gêner lui-même ou opprimer l’individu. […] Les orateurs de l’orléanisme étaient pris entre deux oppositions : l’opposition légitimiste et l’opposition démocratique, assez peu fortes toutes les deux. […] Il n’était point profond ; ni l’exacte psychologie, ni la logique sévère n’étaient son fort. […] Par son éloquence imagée, pathétique, abondante en grands mouvements, il remuait de forts et vagues sentiments au fond des cœurs : ses sermons faisaient des effets analogues à ceux que produisaient nos grands lyriques, lorsqu’ils entreprirent d’agiter, à l’aide de la poésie et du roman, les inquiétudes morales et sociales de leurs contemporains. […] Didon cherche à faire apparaître dans le catholicisme le remède aux misères sociales, la réponse aux incertitudes morales de l’heure actuelle : de tous les prédicateurs qui veulent faire de la religion une chose vivante, efficace, pratique, il n’y en a pas qui soit mieux informé, plus habile et plus fort.

1131. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Il leur est fort égal qu’on révèle même leurs crimes. […] Sardou sur le témoignage de gens qui l’avaient vu jouer, était un fort médiocre comédien. […] Et voici un autre argument, accessoire, mais assez fort. […] À la vérité, je trouve que les loustics professionnels, les Vivier, les Sapeck, les Lemice-Terrieux, se sont souvent donné beaucoup de mal pour un fort petit effet. […] Elle s’exalte et s’attendrit sur Barbès, sur Raspail, sur le prince Louis au fort de Ham et sur Victor Hugo à Jersey.

1132. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Comme tout cela était jeune, nouveau, étrangement coloré, d’enivrante et forte saveur ! […] Nous le trouvions très fort, et nous pensions qu’il serait le grand homme spécial de la bande. […] Il ne portait pas son Romantisme arboré comme un panache et n’affectait pas de ces airs truculents si fort à la mode dans l’école. […] Le rapin dominait encore chez nous le poète, et les intérêts de la couleur nous préoccupaient fort. […] Mais cela n’altérait en rien sa forte individualité.

1133. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Non, c’est le droit du plus fort. […] Il s’agira d’être fort dans la pratique. […] La critique aurait fort à faire ! […] Vous l’instituez protecteur du faible contre le fort. […] L’élève était déjà fort sur ce chapitre et cherchait ardemment la voie.

1134. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

si c’est là ce qu’on appelle connaître « les rouages du cœur humain », ça n’est vraiment pas fort ! […] Anatole France risque fort d’être mal payé de sa défection. […] La césure subsiste, puisqu’il y a un temps fort à la sixième syllabe, sur toujours ! […] C’est un peu fort ! […] Chez les romantiques et chez les parnassiens, il s’en trouve de fort belles.

1135. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

Ses pitiés et ses aversions seraient trop fortes, si elles duraient ; leur pointe trop aiguë est émoussée par la rectification incessante15. […] Parfois enfin les petites sonnettes qui, en règle générale, reçoivent d’elle leur ébranlement, lui transmettent le leur ; et nous savons les principales conditions de ces effets singuliers. — Dans les hallucinations du microscope, la cloche a été si fortement et si constamment ébranlée en un seul sens, que son mécanisme continue à fonctionner, même lorsque le cordon est devenu immobile. — Dans le rêve et l’hallucination hypnagogique, le cordon est fatigué ; il ne rend plus ; le long emploi de la veille l’a mis hors d’usage ; les objets extérieurs ont beau le tirer, il ne fait plus sonner la cloche ; à ce moment, au contraire, les petites sonnettes dont les sollicitations ont été réprimées perpétuellement pendant la veille, et dont les tiraillements ont été annulés par le tiraillement plus fort du cordon, reprennent toute leur puissance ; elles tintent plus fort et tirent avec efficacité ; leur ébranlement provoque dans la cloche un ébranlement correspondant ; et la vie de l’homme se trouve ainsi divisée en deux périodes, la veille pendant laquelle la cloche tinte par l’effet du cordon, le sommeil pendant lequel la cloche tinte par l’effet des sonnettes. — Dans l’hallucination maladive, le cordon tire encore, mais son effort est vaincu par la puissance plus grande des sonnettes ; et diverses causes, l’afflux du sang, l’inflammation du cerveau, le haschich, toutes les circonstances qui peuvent rendre les hémisphères plus actifs, produisent cet accident ; le tiraillement des sonnettes, plus faible à l’état normal que celui du cordon, est devenu plus fort, et l’équilibre ordinaire est rompu, parce qu’une des fonctions qui le constituent a pris un ascendant qu’elle ne doit pas avoir. […] — Remarquez que toute image, à plus forte raison toute série d’images, a une durée ; car toute image répète une sensation, et on a vu que les plus courtes sensations, même celles que nous jugeons instantanées, sont des suites de sensations élémentaires, elles-mêmes composées de sensations plus élémentaires encore. […] En deux mots, elle crée des illusions et des rectifications d’illusion, des hallucinations et des répressions d’hallucination. — D’une part, avec des sensations et des images agglutinées en blocs suivant des lois que l’on verra plus tard, elle construit en nous des fantômes que nous prenons pour des objets extérieurs, le plus souvent sans nous tromper, car il y a en effet des objets extérieurs qui leur correspondent, parfois en nous trompant, car parfois les objets extérieurs correspondants font défaut : de cette façon, elle produit les perceptions extérieures, qui sont des hallucinations vraies, et les hallucinations proprement dites, qui sont des perceptions extérieures fausses. — D’autre part, en accolant à une hallucination une hallucination contradictoire plus forte, elle altère l’apparence de la première par une négation ou rectification plus ou moins radicale : par cette adjonction, elle construit des hallucinations réprimées qui, selon l’espèce et le degré de leur avortement, constituent tantôt des souvenirs, tantôt des prévisions, tantôt des conceptions et imaginations proprement dites, lesquelles, sitôt que la répression cesse, se transforment, par un développement spontané, en hallucinations complètes. — Faire des hallucinations complètes et des hallucinations réprimées, mais de telle façon que, pendant la veille et à l’état normal, ces fantômes correspondent ordinairement à des choses et à des événements réels, et constituent ainsi des connaissances, tel est le problème.

1136. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

La république, seule, était assez forte pour imprimer à la révolution cette halte après la victoire, qu’on appelle sang-froid, modération, droit de tous. […] Il est probable que les fauvettes et les mésanges du siècle dernier avaient fort jasé sur le compte de M. le président. […] « Cosette au couvent avait été dressée au ménage et réglait la dépense, qui était fort modeste. […] Il la conduisait au Luxembourg, dans l’allée la moins fréquentée, et tous les dimanches à la messe, toujours à Saint-Jacques-du-Haut-Pas, parce que c’était fort loin. […] mais c’est fort mal !

1137. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Que je ferme les yeux, que je m’absorbe dans une rêverie profonde, que je me rappelle fortement les circonstances dans lesquelles j’ai reçu un coup, je pourrai finir par me persuader un instant que je le reçois, plus ou moins fort ; je pourrai tressaillir comme si on me frappait encore. […] L’action réflexe, à son tour, décrit un arc de cercle plus ou moins étendu : une petite impression, comme un léger coup sur la tête, provoque une petite réaction, qui ne dépasse guère le cerveau ; une autre plus forte va jusqu’aux membres ; un coup violent met tout le corps en mouvement dans l’espace, etc. […] La vraie conscience primordiale et continue, c’est donc celle de l’appétit : vivre, c’est désirer, et désirer, c’est vivre ; l’effort est déjà chose dérivée, ainsi que la résistance, à plus forte raison la perception très complexe du mouvement dans l’espace. […] L’être complètement indifférent et insensible ne pourrait avoir aucune représentation, à plus forte raison en conserver, en reproduire, en reconnaître aucune. […] Au premier moment, nous l’avons vu, une sensation quelconque, forte ou faible, provoque un effort moteur.

1138. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Nous commencerons par les derniers échelons de cette échelle de Jacob de l’histoire, qui ne conduit pas au ciel, quoiqu’elle soit fort longue, et sur laquelle on voit peu d’anges monter ou descendre Nous irons des petits aux grands, ou des plus faibles aux plus forts, dans cette tournée critique que nous voulons faire, à travers les œuvres historiques de ce temps. […] Capefigue était, du moins pour nous, à une époque où le Scepticisme amollit et détrempe les plus fortes pensées, un historien qui, sur le fonds vital de l’histoire, n’avait pas fléchi, et nous admirions cette tenue. […] « Souvenez-vous — disait hier M. de Maistre, trop fort sur les choses de la vie pour avoir le bégueulisme de ceux qui les ignorent — que, dans toute affaire politique, il y a une femme. […] L’inconséquence entre les opinions qu’on a et la vie qu’on mène est bien plus commune que l’hypocrisie, ce vice des sociétés fortes, qui gêne comme un masque et suppose une volonté et un caractère inconnus aux sociétés faibles, lâchement et cyniquement sincères, mais cette inconséquence ne fausse pas la vérité des principes, parce qu’en pratique elle les viole, et tout au contraire, elle la proclame de plus haut ! […] XI Elle y était peut-être, mais passive et secondaire, instrument du règne en des mains plus fortes que sa tête, à elle, ployée par ces mains dans des intérêts plus grands que les siens.

1139. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

C’est une de ces fortes tendances qui doivent profiter, un jour ou l’autre, au catholicisme ; car le catholicisme, c’est le principe de l’unité et de l’universalité posé dans le monde et réalisé avec une incomparable splendeur. […] Plus haut que les autres par les facultés, plus fort par l’âme, il a marché plus vite ; sa conduite a tout le frappant d’un présage. […] Ces travaux curieux, ces espèces de statistiques, fort importantes, selon nous, en matière de prosélytisme, car on ne sait pas assez quelle influence la personnalité humaine exerce sur la personnalité humaine, et quelle puissante fascination c’est que l’exemple, nous n’avons point à les exposer. […] Lui qui, nourri à la forte mamelle de Rome, avait, tout en frappant et en reniant sa mère, conservé de son éducation vigoureuse le grand principe de vérité et de gouvernement : « Hors de l’Église pas de salut », il tendait maintenant une main épouvantée à tous ses frères en révolte, jusque-là si hautainement méprisés. […] Ce qui se passait dans le sein de l’Université anglicane devait avoir son contrecoup dans la nation tout entière, et plusieurs années dépensées dans une guerre de plume fort active l’avait merveilleusement disposée à le ressentir.

1140. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Si une forte voix est signe d’une bonne constitution, celui-ci paraîtrait doué d’une constitution robuste. […] L’art est fort libre au temps où nous vivons ; l’écrivain fait ce qu’il veut sans avoir à se soucier des formules, ni même des traditions : s’il fut un âge où des conventions de rhétorique l’opprimaient, cet âge est loin, et c’est tout justement à la génération romantique de 1830, — M.  […] Et maintenant il me semble que le problème dont nous poursuivons l’examen est fort avancé et approche de la solution. […] Ils cèdent plus que de raison à cette tentation toute française de frapper fort quand on frappe sur les siens, et de forcer la couleur de la satire. […] Ils auront quelque peine peut-être à faire comprendre à leurs lecteurs et les colères et les enthousiasmes qu’il a soulevés, Ils diront qu’avec tous ses défauts il a cependant rendu quelque service aux lettres françaises, qu’il a achevé la ruine de certaines conventions déjà fort ébranlées, qu’il a déblayé le terrain pour d’autres qui sont venus après et préparé la voie à un art plus libre.

1141. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Toutefois, dans son ensemble, et précisément parce qu’elle est pratiquée par de nombreux esprits d’espèces fort diverses, la littérature déconcerte souvent par sa richesse et sa variété ; la valeur relative et la valeur absolue se confondent, les goûts se contredisent, les idées heurtent des opinions personnelles, et, dans l’enchevêtrement des causes, des effets, des précurseurs, des attardés, des formes traditionnelles, des formes neuves et sincères, il est presque aussi malaisé de dégager la ligne essentielle qu’il est difficile de définir « la vie ». […] En effet la solidarité humaine est limitée dans l’espace par des communautés d’intérêts, intérêts immédiats, plus forts encore que l’unité idéale ; ces intérêts résultent par exemple de la nature du sol, de ses produits, des relations personnelles, des institutions, de la langue, des souvenirs, en un mot d’un ensemble de faits acquis par l’histoire. — Quels que soient les rapports de l’individu avec le milieu où il vit, qu’ils soient d’hostilité négative, ou au contraire de sympathie agissante, ou simplement de passivité, le fait est que l’existence d’un individu est inséparable de l’existence d’un certain groupe de contiguïté. […] Sans doute, le principe est toujours plus vaste que les groupes actuels, mais il y a toujours aussi une limite où son efficacité s’arrête, devant les intérêts plus forts d’autres groupes. […] Le système de la féodalité se ramène à un principe de solidarité : protection des plus faibles par un plus fort, à des conditions précises. […] Dans la réalité quotidienne, il est aisé de constater des différences entre hommes de même âge, de même province, de même père et de même mère ; et d’autre part des ressemblances frappantes entre individus d’origines et de conditions fort diverses.

1142. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Aussi toi-même tu leur as départi ta puissance : tu leur as donné la garde des fortes villes ; et tu résides toi-même sur les hautes citadelles, attentif à ceux qui gouvernent le peuple par d’iniques décrets ou selon la voie droite ; tu leur donnes à tous, par surcroît, la richesse et la prospérité, mais non dans une mesure égale. […] Elle eût mérité de les flétrir : mais sa voix était trop artificielle pour être forte et surtout populaire. […] Et, en vérité, au milieu de cette Alexandrie où, dès le premier siècle de sa fondation, le culte d’Israël, dans plus d’une synagogue, se célébrait en langue grecque, pour l’usage d’une partie du moins des transplantés et des prosélytes, le prodige serait que nul accent de la lyre hébraïque n’eût retenti en dehors du temple, que rien de cette poésie si forte ne fut arrivé jusqu’aux oreilles des savants et de la foule. […] Nul doute cependant que des écrits apocryphes et de médiocre valeur peut-être, mais justement reportés à cette date et fort accrédités, dans les temps qui suivirent, ne trahissent une visible empreinte de la croyance et de la poésie judaïques. […] « Comme l’aurore naissante a montré son beau visage, lorsque s’en va la nuit sainte, comme paraît le blanc printemps, quand l’hiver se retire, ainsi Hélène aux cheveux d’or a brillé parmi nous, forte et grande.

1143. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Ce n’était pas l’enthousiasme de l’ode que vous pouviez attendre d’un tel poëte, Il fut à la muse lyrique de l’antiquité ce que l’Italie du moyen âge était aux cités glorieuses de l’ancienne Grèce, Il représenta cette vie plus oisive que libre, plus agitée que forte, où l’Italie du quatorzième siècle souffrit et lutta, sans rien faire de grand au dehors, et sans s’affranchir elle-même. […] La flotte ottomane, forte de plus de deux cents galères poussées par les rames d’esclaves chrétiens, et traînant à sa suite une foule de navires, s’était embossée au rivage. […] « Les grands se sont troublés ; les forts, les puissants, se sont rendus avec effroi ; et toi, ô Dieu, comme la roue du vanneur jette les barbes de l’épi au souffle impétueux du vent, tu as livré ces méchants, qui, fugitifs par milliers, se pâmaient devant un seul homme. […] Le Seigneur, qui a montré sa forte main pour la foi de son prince chrétien, et qui, pour la gloire de son saint nom, accorde à son Espagne ce triomphe. […] Ajoutons-le : dans cette inégale mais forte civilisation du seizième siècle, où la vie était partout et s’accroissait par la division même, une ville de province, justement citée aujourd’hui pour son École de cavalerie, avait alors son éditeur de Pindare, Jean Benoist, docteur en médecine, professeur de langue grecque à l’Académie royale de Saumur.

1144. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Mémoires du comte d’Alton-Shée »

Enfin, et c’est là le sens de la légère étude que je voudrais faire, il est à mes yeux l’un des plus frappants exemples du courage et de l’effort qu’il a fallu à un homme entraîné dans sa jeunesse par la fureur de la dissipation et la fièvre du plaisir, pour se ravoir à temps et ressaisir possession de lui, pour devenir un esprit sérieux, conséquent, philosophique, un citoyen convaincu, ferme et inflexible, ayant réfléchi à toutes les grandes questions sociales et s’étant formé sur toutes une opinion radicale sans doute et absolue, mais qui, j’en suis certain, se rapproche fort de ce qui prévaudra dans l’avenir. […] Inculpé odieusement et bassement calomnié hier encore pour avoir eu l’effroyable audace de se laisser porter par une forte minorité démocratique, et de rester jusqu’à la fin en concurrence et en lutte avec un homme du plus grand talent en effet, et qui est subitement devenu l’idole des Parisiens, comme le fut autrefois M.  […] Un essai fort dramatique, le Duc Pompée, publié par la Revue des Deux Mondes, témoignait d’une aptitude remarquable ; une pièce composée depuis en vue du Théâtre-Français, l’ivresse, n’a pu s’y faire jour.

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