Partout où il est passé, il s’est mis en relation avec les griots, qui forment en quelque sorte la caste littéraire chez les populations du Soudan, et il a collectionné toutes les histoires qu’il a pu se faire conter.
Réfutation des opinions que l’on s’est formées jusqu’ici sur les commencements de la civilisation.
Comme toute attitude, comme toute pensée venues d’une profondeur, les raisons de cette courtoisie forment un cercle non vicieux, mais vivant. […] Une logique abstraite, une continuité forment le sel conservateur de toute parole humaine. […] Ses puissances de rêve, ses espaces de page sous le mot, d’eau sous la rame, forment autant de robes fuyantes et vaporeuses d’un futur qui joue et qui recule. […] Il lui avait plu de se former pour public seulement la jeunesse littéraire dont il environnait son foyer comme d’une couronne un peu distante. […] A partir de la Prose pour des Esseintes une concentration excessive réduit la métaphore à son minimum de place, parfois à un mot (le goût de l’hypallage formait la transition).
Ces divers ouvrages, que je suis bien loin de mettre tous sur la même ligne, et dont le dernier, par exemple, est digne d’une très médiocre estime, ont cela de commun qu’ils s’appuient à chaque instant sur des pièces émanées de Bernis, et que leur texte en mainte page en est presque tout formé. […] « Ce fut lui qui fit le pape Clément XIV, et qui forma son Conseil », a dit Voltaire. […] La conduite de Bernis dans quelques affaires délicates telles que le procès du cardinal de Rohan, où il fallut se prononcer entre sa propre cour et celle de Rome, quelques négociations de confiance et de famille dont il fut chargé, telles qu’une tentative de rapprochement entre le roi d’Espagne Charles III et son fils Ferdinand, roi des Deux-Siciles, et le voyage qu’il fut autorisé de faire à Naples dans cette vue, ne purent qu’accroître son autorité paisible et l’idée qu’on s’était formée de sa sagesse9.
Les contemporains de Marivaux ont dit de lui à peu près tout ce qu’on en peut dire : si l’on prend la peine de recueillir ce qu’ont écrit à son sujet Voltaire, Grimm, Collé, Marmontel, La Harpe, et surtout d’Alembert dans une excellente notice, on a de quoi se former un jugement précis et d’une entière exactitude : et pourtant il vaut mieux, même au risque de quelque hasard, oublier un moment ces témoignages voisins et concordants, et se donner soi-même l’impression directe d’une lecture à travers Marivaux. […] Vers l’âge de vingt-six ans, son esprit se forma dans ce petit camp philosophique et y trouva son école. […] Il n’y a point de ces mines-là dans le monde ; c’est un embonpoint tout différent de celui des autres, un embonpoint qui s’est formé plus à l’aise et plus méthodiquement, c’est-à-dire où il entre plus d’art, plus de façon, plus d’amour de soi-même que dans le nôtre… Ne croyez pas qu’il ait fini de ce portrait, il ne fait que le commencer.
Ce Saint-Alban père a la passion de l’indépendance ; à peine maître de lui-même, dès sa jeunesse, il s’est affranchi de la gêne des devoirs de la société et s’est livré à un goût raisonné pour le plaisir, avec un petit nombre d’amis ou de complaisants qui formaient une petite secte de philosophes épicuriens dont il était le chef : Le goût des plaisirs, le mépris des hommes, et l’amour de l’humanité et de tous les êtres sensibles, formaient la base de leur système ; mon père (c’est son fils qui parle) méprisait les hommes en théorie par-delà ce qu’on peut imaginer, et cédait à chaque instant à un sentiment de bienveillance et d’indulgence qui embrassait les plus petits insectes. […] Il est bon d’exercer son esprit pour se procurer des plaisirs à tous les âges ; il est bon de se former des plaisirs intellectuels qui servent d’entractes aux plaisirs des sens, qui sont les seuls réels… Il faut croire assez à l’amitié pour avoir de douces illusions, mais jamais ne s’abandonner assez fortement pour être surpris de n’avoir embrassé qu’un nuage.
Mais savez-vous que ce récit de voyage est des plus agréables, que ces lettres forment une série intéressante, et qu’elles mériteraient fort, avec la série de lettres sur la Russie et quelques autres écrites de l’Algérie, d’être réimprimées et recueillies en un petit volume qui présenterait Horace Vernet sous un nouveau jour ? […] les voyages qui forment la jeunesse ne déforment pas la vieillesse. » C’était une de ses maximes. […] Bien ou mal formé, c’est le mot qu’il emploie et qu’il crée, et non pas daguéréotipillons, comme on l’a imprimé.
Je faisais ces réflexions en repassant depuis lundi dernier quelques-unes des versions qui ont été données de la glorieuse bataille du 1er juin 1794, et je me prenais à désirer que parmi les compatriotes montalbanais de Jean-Bon qui ont déjà tant fait pour sa biographie, il y en eût un qui prit soin de former et de réimprimer un dossier complet des pièces qui peuvent mettre en pleine lumière ce point éclatant dans l’histoire de la Révolution et capital dans la vie du vaillant conventionnel. […] Parler ensemble de la pairie, faire des vœux pour la prospérité de ses armes, se pénétrer réciproquement de l’honneur qu’il y a d’être martyr du zèle qu’on a mis à la servir, devancer par la pensée ses triomphes et sa gloire, telles étaient les idées que je me formais des moments que j’allais passer aux Sept-Tours jusqu’à l’époque de notre délivrance commune. » Il arrangeait sa persécution à souhait et se faisait en idée un martyre commode. […] Le mobilier de son cabinet consistait dans un bureau formé de quatre planches de sapin solidement unies, de six chaises de bois et de la lampe devant laquelle il passait souvent des nuits.
Cependant Ney, qui, avec Bernadotte, formait la gauche de l’armée, ne pouvait rester immobile. […] Napoléon, dans la situation extrême où il s’était placé, n’avait plus le choix ni l’initiative de l’action, et « c’était l’ennemi cette fois, qui le forçait à lever ses quartiers. » Il forma aussitôt un grand plan dans ses données habituelles : attirer par Bernadotte l’armée russe sur l’extrême gauche, marcher sur ses derrières, la couper de ses communications, l’acculer à la mer, l’anéantir ; — en un mot, recommencer Iéna. […] Au premier coup de canon, le major général m’ordonna de retourner auprès du maréchal Ney, de lui rendre compte de la position des deux armées, de lui dire de quitter la route de Creutzburg, d’appuyer à sa droite, pour former la gauche de la grande armée, en communiquant avec le maréchal Soult.
Elle luttait ainsi en vain contre une passion dont elle ne s’était pas soupçonnée capable, et qu’elle découvrait déjà formée en elle. […] Ils étaient bien d’accord à former ensemble ces vœux, sur lesquels ils reportaient et variaient sans cesse leur présent bonheur. […] Il était sorti un matin selon son habitude ; les derniers jours avaient été ardents ; et il regagnait son avenue voilée, quoique le ciel, ce jour-là, fût plus frais et comme formé d’un dais de petits nuages suspendus.
L’élite des connaisseurs n’existe plus, en ce sens que chacun de ceux qui la formeraient est isolé et ne sait où trouver l’oreille de son semblable pour y jeter son mot. […] La classe libre d’intelligences actives et vacantes qui se sont succédé dans la société française à côté de la littérature qu’elles soutenaient, qu’elles encadraient, et que, jusqu’à un certain point, elles formaient ; cette dynastie flottante d’esprits délicats et vifs aujourd’hui perdus, qui à leur manière ont régné, mais dont le propre est de ne pas laisser de nom, se résume très-bien pour nous dans un homme et peut s’appeler M. […] J’en ai quelquefois cependant ; et si mes pensées s’inscrivaient toutes seules sur les arbres que je rencontre, à proportion qu’elles se forment et que je passe, vous trouveriez, en venant les déchiffrer dans ce pays-ci après ma mort, que je vécus par-ci par-là plus Platon que Platon lui-même : Platone platonior.
Je les gardai longtemps avec les siennes comme deux reliques qui ne formaient qu’un seul être, et un jour que je me sentis près de mourir moi-même, je pris mon grand courage et je brûlai ces deux rouleaux, qui formaient deux volumes, pour que les deux cendres ne restassent pas après nous sur cette terre, mais que nous les retrouvassions au ciel où elles allaient avant nous. […] Chactas s’extasie : « Pompe nuptiale, digne de nos malheurs et de la grandeur de nos amours : superbes Forêts qui agitiez vos lianes et vos dômes comme les rideaux et le ciel de notre couche ; Pins embrasés qui formiez les flambeaux de notre hymen ; Fleuve débordé ; Montagnes mugissantes, affreuse et sublime Nature, n’étiez-vous donc qu’un appareil préparé pour nous tromper, et ne pûtes-vous cacher un moment dans vos mystérieuses horreurs la félicité d’un homme !
De quels éléments s’est formé le roman de Renart ? […] Car nombre de ces apologues, émanant des écoles, finirent par former une sorte de tradition savante, où puisaient librement les conteurs sans faire à proprement parler œuvre de traducteurs. […] Dédier que les auteurs de fabliaux : n’ont point mis à contribution les recueils de contes d’origine certainement orientale, tels que la Discipline de Clergie ou le Directorium humanæ vitæ ; que dans les sujets communs à l’Occident et à l’Orient il n’est pas toujours certain que la rédaction orientale — la plus anciennement écrite — soit la source réelle et primitive des versions occidentales ; que la tradition orale où puisaient nos conteurs renfermait des contes de toute provenance, où l’Inde a pu apporter son contingent, mais autant et pas plus que n’importe quel autre pays77 ; enfin que la plupart des sujets de fabliaux ont pu naître n’importe où, étant formés d’éléments humains et généraux, et ne portant aucune marque d’origine.
Il a essayé de déterminer sa vision par une solide et vaste érudition, de diriger et limiter son imagination par tout ce qui pouvait contribuer à former la connaissance exacte de la vie carthaginoise : visite des lieux et vue de tous les débris de l’art punique, étude de textes anciens et modernes, examen de toutes les formes analogues ou voisines de civilisation. […] Car toutes les branches de la famille des Rougon-Macquart poussent de tous côtés, à toutes hauteurs, et la série ne me donne pas même cette impression générale que produit la Comédie humaine de Balzac : les récits divergents ne concourent pas à former en moi l’idée d’un vaste ensemble social, où les diverses parties se tiennent et se raccordent. […] Une fois formé, au gré de son maître, Maupassant se mit à écrire des nouvelles et des romans remarquables par la précision de l’observation et par la simplicité vigoureuse du style.
Ce sont ces différens plaisirs de notre ame qui forment les objets du goût, comme le beau, le bon, l’agréable, le naïf, le délicat, le tendre, le gracieux, le je ne sais quoi, le noble, le grand, le sublime, le majestueux, &c. […] La Poésie, la Peinture, la Sculpture, l’Architecture, la Musique, la Danse, les différentes sortes de jeux, enfin les ouvrages de la nature & de l’art, peuvent lui donner du plaisir : voyons pourquoi, comment & quand ils les lui donnent ; rendons raison de nos sentimens ; cela pourra contribuer à nous former le goût, qui n’est autre chose que l’avantage de découvrir avec finesse & avec promptitude la mesure du plaisir que chaque chose doit donner aux hommes. […] Ainsi ce que nous pourrions dire ici, & tous les préceptes que nous pourrions donner pour former le goût, ne peuvent regarder que le goût acquis, c’est-à-dire ne peuvent regarder directement que ce goût acquis, quoiqu’il regarde encore indirectement le goût naturel : car le goût acquis affecte, change, augmente & diminue le goût naturel, comme le goût naturel affecte, change, augmente & diminue le goût acquis.
Mieux placé que la Rochefoucauld, qui, durant l’âge où se formait le trésor de ses pensées, n’avait vu que la cour et les grands seigneurs, ou cette espèce d’hommes avides ou crédules qu’on appelle les hommes de parti, La Bruyère, par son emploi, avait vue sur la cour, et, par sa condition, sur la ville, et il mêlait dans ses peintures les grands et les petits. […] C’est ainsi que, de la cinquième à la neuvième édition, chaque division du livre forma comme une salle particulière, où vinrent se ranger, à mesure que le siècle les faisait passer devant lui, les originaux les plus marquants de la même famille. […] « Il s’est dispensé, disait-il, du plus difficile dans l’art d’écrire, à savoir, les transitions112. » Il ne s’agit pas de tours d’adresse et comme de plans inclinés pour faire glisser commodément l’esprit d’une idée à l’autre, mais d’idées considérables et nécessaires, qui ont leur place marquée dans le discours et qui en forment la chaîne.
Je ne prétends pas manier, un par un, les cubes colorés qui forment ce qu’on pourrait appeler la Mosaïque littéraire de notre temps. […] D’ailleurs, vous savez aussi bien que moi qu’il se forma dans l’art, et même dans les arts, entre 1885 et 1800, un état d’esprit connu sous le nom de Symbolisme, de l’appellation qui succéda à celle des Décadents. […] Peu à peu l’opinion se forma, parmi les jeunes écrivains d’il y a quinze ans, qu’on pourrait peut-être bien se délivrer de cette servitude, que le vers, après tout, n’est qu’une conséquence et qu’un résultat, qu’il doit naître à mesure, se subordonner et se proportionner à ce qu’il veut dire ou suggérer, qu’il n’est rien en lui-même et ne doit être que ce qu’on le fait.
Un petit procédé pour se former le bon sens, une façon de se bien poser dans la vie et d’acquérir d’utiles et curieuses connaissances. […] L’établissement social, comme l’établissement politique, s’est formé sous l’empire de l’instinct aveugle. […] Tout n’est point ici synonyme de chaque, pas plus que dans cette phrase : Tous les départements de France forment un espace de tant de lieues carrées.
Dans l’hypothèse, infiniment peu probable, où les barbares (et ces barbares, bien entendu, ne doivent être cherchés que parmi nous) la renverseraient brusquement et sans qu’elle eût eu le temps de se les assimiler, il est indubitable qu’après l’avoir renversée ils retourneraient à ses ruines pour y chercher les matériaux de l’édifice futur, que nous deviendrions à leur égard des classiques et des éducateurs, que ce seraient des rhéteurs de la vieille société qui les initieraient à la vie intellectuelle et seraient l’occasion d’une autre Renaissance, qu’il y aurait encore des Martien Capella, des Boèce, des Cassiodore, des Isidore de Séville, bouclant en un viatique portatif et facilement maniable les données civilisatrices de l’ancienne culture, pour en former l’ali-ment intellectuel de la nouvelle société. […] Ces natures effacées, formées par une sorte de moyenne proportionnelle entre les extrêmes, sont de nulle valeur à une époque d’analyse. […] Le négatif et le positif réunis forment le complet, ce qui ne désire plus rien.