Politien, son ami, le décrit comme un homme d’une beauté accomplie : taille élevée, constitution solide et souple, force à la lutte, habileté à manier les coursiers, bravoure modèle, goût de tous les arts, passion pour la poésie, grâce pour les femmes, discrétion dans ses amours, tel fut son éloge ratifié par son temps. […] C’est le propre de ces coups : ils déroutent, et c’est leur force. […] Le marin qui nous raconte les dangers qu’il a courus dans sa navigation a plutôt en vue de nous faire admirer ses talents et sa prudence, que les faveurs dont il est redevable à sa bonne fortune ; et souvent, il lui arrive d’exagérer ses périls pour augmenter notre admiration : de même les médecins ne manquent guère à présenter la situation de leur malade comme beaucoup plus alarmante qu’elle ne l’est en effet, afin que, s’il vient à mourir, ce malheur soit plutôt attribué à la force de la maladie qu’à leur défaut d’habileté ; et que s’il en réchappe, le mérite de la cure paraisse encore plus grand. […] Bannis de ton cœur la vaine espérance ; que la partie plus noble et plus calme reprenne son empire sur tes sens ; armée d’une force irrésistible et d’une prudence plus grande, qu’elle soumette à ses lois tout désir contraire à sa volonté, et que ton funeste ennemi, désormais terrassé, n’ose plus dresser contre toi sa tête venimeuse. » C’est ainsi qu’il méditait en vers longtemps avant l’époque des Méditations. […] Son début était frappant et son regard plein d’expression ; je commençai à m’intéresser sérieusement à ce qu’il allait dire. — Il commence ; je suis attentif : une voix sonore, des expressions choisies, des sentiments élevés. — Il établit les divisions de son sujet : je les saisis sans peine ; rien d’obscur, rien d’inutile, rien de fade et de languissant. — Il développe ses arguments ; je me sens embarrassé. — Il réfute le sophisme, et mon embarras se dissipe. — Il amène un récit analogue au sujet ; je me sens intéressé. — Il module sa voix en accents variés qui me charment. — Il se livre à une sorte de gaieté ; je souris involontairement. — Il entame une argumentation sérieuse ; je cède à la force des vérités qu’il me présente. — Il s’adresse aux passions ; les larmes inondent mon visage. — Il tonne avec l’accent de la colère ; je frémis, je tremble ; je voudrais être loin de ce lieu terrible. » « Valori nous a laissé, sur les sujets particuliers qui occupaient l’attention de Laurent et de ses amis dans leurs entrevues au couvent de San-Gallo, des détails qu’il tenait de la bouche de Mariano lui-même.
Au moment où il commence, toutes les forces sont déjà convergentes et ramassées. […] Racine conçoit toutes les émotions, tous les états passifs comme mobiles, et principes d’activité ; il les exprime justement sous l’aspect où leur force d’impulsion ou d’inhibition se découvre le plus fortement : l’objet est toujours une résolution à prendre, qui est prise, rejetée, reprise, autant de fois que s’exercent l’impulsion ou l’inhibition, jusqu’à ce qu’une secousse plus forte amène l’action définitive. […] Cette façon de juger les forces respectives de l’instinct et de la raison pousse le drame aux dénouements funestes : où la passion domine, le crime et le malheur doivent suivre. […] Elle figure un pouvoir qui tombe, contre qui toutes les circonstances fortuites tournent fatalement, et qui n’a plus vraiment la force de se soutenir : il donne quelques secousses, violentes et inutiles, qui l’épuisent, et il est incapable d’une résistance ferme. […] Là, comme dans Mithridate, il en use librement avec ses auteurs, pour le détail des faits et pour la composition psychologique des caractères individuels : mais Plutarque et Tacite ont très fortement enfoncé dans son âme la vision d’une Asie barbare ou d’une Rome corrompue, qui se déploie par-dessus le mécanisme abstrait des forces morales.
Percevoir l’enchaînement des idées dans un raisonnement juridique, discerner le général et le particulier, distinguer l’argument et l’exemple, toutes ces opérations élémentaires de notre technique (et j’en pourrais citer bien d’autres) paraissent dépasser le niveau de leurs forces intellectuelles. […] De même le travail modéré qui consiste à herser un champ convient admirablement aux forces d’un jeune cheval de deux ans qu’il faut exercer sans l’épuiser. […] C’est la vertu de notre nourriture, c’est la force de notre sang qui nous arrête au moment de commettre une mauvaise action littéraire. […] Tout poste important exige une culture générale fondée sur les humanités ; les négliger c’est ôter des forces vives à la nation. […] Mais la force romaine, le bras romain, la langue et la pratique romaines sont aussi partout : ç’a été le grand instrument de propagation et de culture. » S’il existe un parlement et des ministres qui aient le loisir de songer à ces choses, qu’ils le prouvent.
Qui donc a la noble ambition de nous faire gravir un degré de plus de l’échelle mystérieuse par laquelle l’homme prétend s’élever jusqu’à Dieu avec les seules forces de sa raison ? […] Chez les uns, c’est l’affirmation violente, inflexible, avec l’idée du recours à la force, pour contraindre les résistances ; c’est l’affirmation s’imposant à la foi. […] Les images abondent, par cette illusion de l’esprit qui, n’ayant pas en vue une proposition considérable à prouver, donne à chaque détail un prix exagéré et force le langage, moins pour tromper les autres que parce qu’il se trompe lui-même. […] Mais après la gloire de guérir qui est donnée a si peu, la plus belle consiste à nous faire connaître notre mal et les ressources de notre nature, et par ce compte de nos faiblesses et de nos forces, à entretenir jusqu’à la mort le désir et l’espoir de la guérison. […] François de Sales ne lève qu’un coin du voile ; il ne nous montre des égarements humains que ce qui peut nous en donner ou le regret ou la crainte ; et toutefois telle est la force de ses peintures, qu’elles ne laissent jamais l’esprit incertain ni languissant.
Les fables ne sont pas le livre des jeunes gens ; ils préfèrent les illustres séducteurs, qui les trompent sur eux-mêmes, et leur persuadent qu’ils peuvent tout ce qu’ils veulent, que leur force est sans bornes et leur vie inépuisable. […] Ce temps d’ivresse passé, quand chacun a trouvé enfin la mesure de sa taille en s’approchant d’un plus grand ; de ses forces, en luttant avec un plus fort ; de son intelligence, en voyant le prix remporté par un plus habile ; quand la maladie, la fatigue lui ont appris qu’il n’y a qu’une mesure de vie ; quand il en est arrivé à se défier même de ses espérances, alors revient le fabuliste qui savait tout cela, qui le lui dit et qui le console, non par d’autres illusions, mais en lui montrant son mal au vrai, et tout ce qu’on en peut ôter de pointes par la comparaison avec le mal d’autrui. […] On prête à l’oiseau ce qui convient au quadrupède ; on fait faire au plus petit ce qui demanderait la force et la taille du plus grand. […] Comparé, sinon à Molière, chez qui les fautes contre le goût sont si excusables, et dont la fécondité et la force déjouaient cette surveillance délicate de l’esprit sur ses productions, mais à Racine et à Boileau, qui en avaient fait une sorte de science, La Fontaine a le goût aussi sain, et il l’a plus libéral. […] Il y a eu des hommes doués d’un beau naturel à qui le goût a manqué, et avec le goût la force de découvrir ce naturel, de s’y attacher, de le défendre contre la tentation des mauvais succès par des complaisances au tour d’esprit de leur temps.
Comme un cercle enchanté, le catholicisme embrasse la vie entière avec tant de force, que, quand on est privé de lui, tout semble fade. […] Telle est la force de l’habitude. […] L’habitude de l’Orient de ne marcher dans les rues que précédé d’un kavas me convenait assez ; car la modestie est relevée par l’appareil de la force. […] À force d’être juste, j’ai été peu serviable. […] Je serais désolé de traverser une de ces périodes d’affaiblissement où l’homme qui a eu de la force et de la vertu n’est plus que l’ombre et la ruine de lui-même, et souvent, à la grande joie des sots, s’occupe à détruire la vie qu’il avait laborieusement édifiée.
Ajoutez à ces habiletés merveilleuses, l’harmonie et l’éclat de la parole, la grâce et la force du langage, la véhémence de la passion, l’intérêt de l’action coupée avec art, et cette heureuse façon d’amonceler, sur un point donné, tous les mérites du héros de la comédie ou du drame, à condition que tous ces mérites si divers, se feront sentir, en même temps et tout à la fois . […] À quoi un père de l’Église vous répond, à la façon antique : — « On s’accoutume ainsi à jouer avec son mal, et non pas à le guérir : Satisfactio morbi non liberatio. » Les païens eux-mêmes, ces grands hommes, insultés naguère dans nos écoles de morale étroite et de rhétorique mesquine, ils recommandaient, et de toutes leurs forces, que l’on ne menât les jeunes gens au théâtre que lorsqu’ils seraient assez forts pour contempler, sans danger pour eux-mêmes, le spectacle de ces désordres : Cùm resfuerint in tuto ! […] De grands poètes sont venus qui ont corrigé ces excès, je le veux bien, mais ils ont remplacé ces grossièretés, repoussantes à la longue, par un charme irrésistible à ce point que la comédie est devenue une force. […] Je ne suis guère bien disposé à jouer ma symphonie du dimanche ; j’ai besoin, au contraire, de toutes mes forces et de tout mon courage ma partition m’apparaît confusément dans un nuage gris et froid l’idée est absente, et la parole aussi. […] D’ailleurs, cette petite fille est sans cœur à force d’être ignorante.
La mémoire est une puissance à la fois matérielle et formelle ; elle fournit toujours les éléments de l’activité expérimentale, et souvent elle suffit à les former en groupes plus ou moins complexes ; mais sa force est en raison inverse de l’étendue de ces groupes ; plus elle veut embrasser, plus il lui faut d’efforts pour écarter les jeux de l’imagination236. […] Ces jugements se fondent sur des caractères empiriques ; non que ces caractères suffisent à les expliquer : car ce serait dire que la faiblesse des images est ou la durée ou un des éléments de l’idée de durée, que la force des images est ou l’étendue ou un des éléments de l’idée d’étendue, propositions qui se réfutent d’elles-mêmes ; mais il est incontestable que la force ou la faiblesse des images contribue à provoquer nos jugements d’extériorité ou de reconnaissance, et qu’en général les caractères empiriques de nos états conditionnent ces deux jugements, sinon comme conditions suffisantes, du moins comme conditions nécessaires. […] La parole intérieure considérée comme habitude Pour expliquer cette force étrange, que les origines de la parole intérieure ne pouvaient faire prévoir, il est nécessaire de recourir à des causes d’ordre supérieur. […] VI], non le phénomène essentiel assurément, mais le plus évident, et comme le tuteur rigide de cette plante fine et délicate ; la pensée s’appuie sur elle, et, l’associant à sa vie, en fait presque une chose vivante, à tel point qu’il faut l’observation la plus attentive pour distinguer dans cette intime association l’élément fondamental, et l’élément emprunté qui lui sert d’auxiliaire, l’âme elle-même, et cette souple armure, à la fois son œuvre et sa force, qui se plie à tous ses mouvements, et, les revêtant de son éclat, les dessine avec netteté sur le champ de la conscience.
Il n’y a pas de conversion dans le critique, il y a de l’élargissement, de la franchise d’ailes, de l’élan par en haut, enfin tout le bénéfice des années, naturel dans un homme qui n’a pas la métaphysique de sa critique, mais qui s’en passe quelquefois, à force d’instinct sûr et de vive sensibilité. […] Avec cette sensibilité qui ne fut pas toujours en lui une force saine et gouvernée, mais qui est une force puisqu’elle n’a pas péri dans son excès même, Sainte-Beuve, fatigué probablement de l’esprit raffiné des décadences, sybarite blessé par plus que le pli de ces monceaux de roses dans le calice desquelles nous avons écrasé tant de cantharides pour qu’elles pussent mieux nous enivrer, Sainte-Beuve, en un temps donné, devait par sensualité intellectuelle revenir aux suavités vraies, et, de cette plume qui a écrit Volupté, analyser aussi le plaisir divin que nous donne le premier des grands génies chastes. […] Pendant que la philosophie de notre temps ne connaît en tout que la force individuelle de l’homme, pendant qu’en politique elle efface sur la carte du monde les lignes bleues et rouges des frontières et en littérature proclame l’invention et la fantaisie comme les supériorités incontestables et souveraines, on aime à voir une fois de plus la preuve faite de l’insuffisance de l’homme et de la nature lorsqu’il s’agit de marquer le génie de son trait le plus solide et le plus beau. […] Comment voulez-vous que ce qui n’est pas la Force soit la Justice ?
Il y a le naturel, il y a la force, il y a même la brutalité. […] Elle aura sa récompense, aussi mystérieuse que sa force, dans des repentirs qui ne seront jamais révélés, dans des larmes qui couleront pour d’autres, dans de longues patiences que la douleur ne lassera plus, dans les pardons, les oublis, et, plus souvent, dans l’allégement passager d’une créature faible qui retombera encore, mais qui porte en elle-même un principe de relèvement. […] Les héros de roman, pour la plupart, sont beaucoup plus anciens, dans ces réserves de l’esprit, que l’intrigue qui les a groupés, et leur vie littéraire a été précédée d’une période plus ou moins longue de disponibilité, d’où ils sortent tout à coup, appelés et désignés par cette force qui s’appelle l’idée, et qui n’hésite pas, et qui va droit à eux, et leur dit : « C’est toi que je veux, tu vas vivre ! […] Je vais donc lire d’abord le roman que mon amie a lu. » Un peu plus loin : « Seule, je n’ai aucune force. […] Elle apparaît ; elle possède une force créatrice ; elle dispose, elle assemble, elle se meut avec la souveraineté de la vie au milieu des éléments de l’œuvre encore dispersés et gisants.
Tant le préjugé a de force et roule l’évidence comme paille dans le torrent. […] Ces théories ici trop rapides, vagues à force d’être condensées expliqueront-elles à M. […] Telle la contexture du livre : l’effort intellectuel périssant par la lutte avec le développement physique, l’âme aspirant à l’être, inclinée par la mauvaise utilisation des forces vers la vie corporelle qui est le non-être, puisque la force mentale s’accroît par son effort et subsiste en toute apparence éternelle d’espace et de durée et que la force corporelle dépensée est irrémédiablement perdue et le temps d’effort qu’a coûté la dépense de force, aboli. […] après le départ, Mahaud consultera les forces magiques ; quarante jours et quarante nuits elle prépare les rites et se prépare aux rites. […] Seigneur, donnez-moi la force et le courage de contempler mon corps et mon cœur sans dégoût, dans cette phrase ; être un saint et un grand homme pour soi-même.
, notre petit être nerveux et frileux va maudire la pluie de toutes ses forces. […] Dans ces usurpations par force majeure, il voyait disparaître tous ses amis les uns après les autres. […] dit le père en riant de toutes ses forces, voilà la réquisition à vau-l’eau ! […] À force d’être bon à tout, il arriva qu’il ne fut bon à rien. […] Monteil : il n’a pas eu la force d’en écrire davantage.
C’est un fait ; nous n’y pouvons rien ; Dieu et la force des choses nous ont donné la France ainsi constituée. […] Le général Subervie, brave soldat et brave citoyen mal récompensé et calomnié par des ambitions obscures, prenait le ministère de la guerre ; La Moricière, le bras en écharpe d’une balle du peuple, venait à l’Hôtel-de-Ville quatre heures après le combat et prenait le commandement de Paris ; le général Pélissier, le commandement des vingt mille hommes de gardes mobiles, évoqués dans la nuit par moi-même pour opposer en eux à la force désordonnée de la révolution la force infaillible de la discipline ; Bedeau, de même. […] Et sans l’unité que devenaient la force et la discipline ? […] J’avais faim, j’espérai que c’était la voiture d’une cantinière, et, considérant mon pauvre cheval comme une chaloupe, je lui fis faire force de rames pour arriver à cette île fortunée, dans cette mer où il s’enfonçait jusqu’au ventre quelquefois. […] J’ai été arrêté le 15 fructidor et conduit à la Force ; jugé le 16, et condamné à mort d’abord, et puis à la déportation par bienveillance.
La Foi, dit-il, ne doit pas être la foi en quelque force extérieure, mais le sincère désir du salut, le désir qui donne le salut. […] Elle nous fournit, uniquement, un moyen rationnel d’améliorer notre vie par nos propres forces (p. 124). […] Mais il veut ces réformes volontairement faites par le joyeux accord des intelligences, et répugne, évidemment, le socialisme de la force. […] Alberich tâche à tenir de force Wellgunde ; elle s’élève rapide à un autre rocher. […] Il arrache, d’une terrible force, l’Or au rocher, et se précipite en la profondeur.
Le descendant recevait de l’ancêtre l’aide et la force dont il avait besoin dans celle-ci. […] Or c’est se tromper gravement que de placer ainsi la force à l’origine du droit. […] Il sentait à tout moment sa faiblesse et l’incomparable force de ce qui l’entourait. […] Elle naquit dans les différentes intelligences par un effet de leur force naturelle. […] Sa force est dans les paroles sacrées qui la composent.
Combien touchante est la musique de ces cloches de village qui, par intervalles, vient frapper l’oreille en douces cadences, tantôt mourant au loin, tantôt reprenant avec force et toujours plus haut, claire et sonore, selon que le vent arrive ! avec une force insinuante elle ouvre toutes les cellules où dormait la Mémoire. […] Si vaste et rapide est le coup d’œil de l’esprit, qu’en peu de moments je me retrace (comme sur une carte le voyageur, les pays parcourus) tous les détours de mon chemin à travers maintes années… Il poursuit de la sorte, et, par une association insensible, il arrive à se retracer quelques circonstances émouvantes de son passé ; une allusion directe nous ramène à la perte de son père, dont il se reproche de n’avoir pas assez apprécié l’amitié sous sa forme un peu sévère : « Un ami est parti, peut-être le meilleur ami de son fils, un père dont l’autorité, même quand elle se montrait en apparence le plus sévère et qu’elle rassemblait toute sa force, n’était que la contenance plus grave de la tendresse… » Puis tout d’un coup, et sans autre transition, il se met à tracer cet exquis et mémorable tableau qui a donné son titre au sixième livre, La Promenade d’hiver à midi. […] Partageant ton triste déclin, tes mains perdent leur peu de force ; cependant, doucement pressées, elles pressent doucement les miennes, ma Marie !
Il y a du mieux dans son mal ; logé rue Sainte-Anne, il peut faire quelques promenades au jardin des Tuileries après la messe ; il y mène son monde : Vendredi et samedi (19 et 20 octobre 1703) promenade aux Tuileries, et le reste comme ces jours passés ; mais, en montant et descendant les terrasses des Tuileries, il nous disait qu’il éprouvait ses forces par les pentes douces, afin de s’accoutumer à monter et à descendre, pour se mettre en état d’aller chez le roi. […] Dans une visite qu’il fait au père de La Chaise chez les jésuites de la rue Saint-Antoine, il demande à voir les principaux et les plus célèbres de la maison ; mais les pères Bourdaloue, de La Rue, Gaillard, sont absents : Le père Gravé, confesseur de Mme la duchesse de Bourgogne, s’est trouvé seul, et M. de Meaux l’a vu, et chez le père de La Chaise, et encore dans la salle où il s’est promené avec lui près d’une demi-heure et sans bâton, donnant cette marque de force et de courage, afin que le père Gravé en portât la nouvelle à Versailles comme il l’en priait. […] Le prélat mangea très peu, et seulement des nourritures douces et de peu de suc, le soir, par exemple, quelques cuillerées d’œufs au lait ; il ne but aussi que deux ou trois coups d’un petit vin blanc faible en couleur, et par conséquent sans force : on ne peut voir une plus grande sobriété et retenue. […] Ma santé est aussi meilleure, mon rhume fort diminué, et il ne me reste qu’à prendre des forces : c’est pourquoi j’ai retenu ma place au carrosse de voiture pour aller à Paris, Dieu aidant, lundi 30 janvier 1708.
et jamais, non jamais, je ne me sentirai la force de ployer la tête sous le joug qu’on veut m’imposer. […] L’entrée à Smolensk signala ainsi la troisième grande manœuvre manquée de la campagne : « ce fut la dernière de notre côté. » À partir de là, Napoléon n’eut plus qu’à pousser tout droit en avant et à marcher sur Moscou, en perçant de vive force au cœur de sa fatale conquête. […] Les services de Jomini dans cette retraite furent d’un autre ordre : il avait étudié le pays et savait les endroits moins ravagés, les chemins qu’on pouvait prendre pour avoir chance d’éviter l’ennemi, ou du moins pour le trouver moins en force. […] Consulté par l’Empereur sur le point où l’on pouvait franchir la Bérésina, il donna un bon avis, dissuada d’une manœuvre militaire, d’une concentration de forces dont Napoléon eut l’idée un moment, et qui eût été facile en Souabe ou en Lombardie, mais qui n’était plus de saison dans les circonstances présentes.
Ces tentatives toutefois, en redoublant, commençaient à donner une direction assez divergente à plusieurs talents jusqu’alors unis, et l’école poétique était en plein train de se transformer par la force des choses, quand la révolution de Juillet, en éclatant brusquement, abrégea l’intervalle de transition, et lança par contre-coup tout ce qui avait haleine dans une troisième marche dont nous pouvons déjà noter quelques pas. […] M. de Musset ne paraît pas s’être inquiété jusqu’ici d’établir en son talent une force concentrique et régnante : il embrasse beaucoup, il s’élance très-haut et très-avant en tous sens ; mais il brise, il bouleverse à plaisir ; il se plaît à aller, puis soudain à rebrousser ; il accouple exprès les contraires. […] Il y a force obscurités par manque de liaison ; ainsi, je n’ai pas compris le duc Laërte disant (page 168) : Nous voulons la beauté pour avoir la tristesse. […] Le procédé d’exécution répond tout à fait à ce qu’on peut attendre : une simplicité parfaite, une force continue ; point de pomposo ni de bavardage ; point de réflexions ni de digressions ; quelque chose de droit qui va au but, qui ne se détourne ni d’un côté ni de l’autre, et pousse devant, en marquant chaque pas, comme un bélier sombre ; point de vapeurs à l’horizon ni de demi-teintes, mais des lignes nettes, des couleurs fortes dans leur sobriété, des ciels un peu crus, des tons graves et bruns ; chaque circonstance essentielle décrite, chaque réalité serrée de près et rendue avec une exactitude sévère ; chaque personnage conséquent à lui-même de tout point ; vrai de geste, de costume, de visage ; concentré et viril dans sa passion, même les femmes ; et derrière ces personnages et ces scènes, l’auteur qui s’efface, qu’on n’entend ni ne voit, dont la sympathie ni l’amour n’éclatent jamais dans le cours du récit par quelque cri irrésistible, et qui n’intervient au plus que tout à la fin, sous un faux air d’insouciance et avec un demi-sourire d’ironie.