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1065. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  premier article .  » pp. 326-341

Mais en même temps que cette force intérieure s’est redoublée et que, dans les directions diverses, on poursuit des travaux curieux et profonds, le sentiment littéraire des beautés, faut-il le dire ? […] La structure des vers lyriques, la cadence des vers dramatiques, échappent volontiers, et je n’oserais répondre qu’à force d’application l’oreille des érudits l’ait en effet reconquise ; le vers d’Homère, large et régulier, est d’une mesure aussitôt intelligible et sensible à tous ; l’harmonie, cette portion si essentielle du poëte, ne reste pas un seul moment absente avec lui : en le lisant, nous l’entendons chanter. […] Entre l’Iliade et l’Odyssée, si l’on y découvre à toute force deux époques bien différentes et que n’ait pu embrasser une seule et même vie de poëte, on pourrait toujours admettre le partage ; l’Iliade serait d’Homère, l’Odyssée serait du premier et du plus grand des homérides.

1066. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

La France, où le protestantisme avait pris des forces sans parvenir à dominer, et qui déjà sentait assez son unité nationale pour ne pas y souffrir de rupture par la division religieuse, la France fut un des grands champs de bataille que l’Église et la Réforme se disputèrent. […] Enfin, sans y penser, sans y prétendre, Palissy est un écrivain : il y a dans son style si net et si spontané, une force d’imagination qui fait jaillir l’expression non seulement adéquate à l’idée, mais représentative de la vie. […] D’assez bonne maison pour ne pas s’inquiéter trop de sa fortune, aventureux et aventurier, il n’a l’âme ni féodale ni moderne : sans foi chevaleresque, et sans patriotique affection, il court le monde, pour sa fortune, mais surtout pour voir, curieux admirateur de tous les égoïsmes qui se déploient avec force ou avec grâce.

1067. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Leurs âmes de trafic éperdues déserteraient peut-être la lutte… La force du peuple est là, dans l’alliance avec Dieu. » Un anarchisme catholique, voilà au juste la tendance et le goût de Paul Adam. […] Celui-ci abdique devant la force, concède le phalanstère à une société urbaine, et se demande en quelle route désormais il lui faut se diriger. Une voix amie lui dit : Renonce au peuple, Karl, tu veux sauver les papillons du feu, tu les retiens de force, il n’y a que leur expérience qui sera capable de les instruire.

1068. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre II. La mesure du temps. »

Ils disent d’abord que le frottement des marées produisant de la chaleur doit détruire de la force vive. Ils invoquent donc le principe des forces vives ou de la conservation de l’énergie. […] En d’autres termes, ils définissent la durée de la façon suivante : le temps doit être défini de telle façon que la loi de Newton et celle des forces vives soient vérifiées.

1069. (1890) L’avenir de la science « Préface »

Seulement, il faut éviter que ce magistère ne dispose de la force et ne fasse appel, pour maintenir son pouvoir, à des impostures, à des superstitions. […] Même la gloire, comme force de traction, suppose à quelques égards l’immortalité, Le fruit n’en devant d’ordinaire être touché qu’après la mort. Supprimez l’alcool au travailleur dont il fait la force, mais ne lui demandez plus la même somme de travail.

1070. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

Mais la tour Antonia, quartier général de la force romaine, dominait toute l’enceinte et permettait de voir ce qui s’y passait 606. […] Quand on le poussait à bout, il levait tous les voiles, et déclarait que la Loi n’avait plus aucune force. […] Mais si Bounaï est le Banou de Josèphe, ce rapprochement est sans force.

1071. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

Son analyse a pour objet de montrer que nos sentiments les plus forts sont des agrégats, et que c’est de là qu’ils tirent leur force ; qu’ils sont formés par la juxtaposition, ou pour mieux dire, par la fusion des sentiments simples ; que l’affection étant le résultat d’un plaisir, une affection profonde résulte d’une grande somme de plaisirs ressentis. […] Ces causes, en s’associant dans notre esprit avec les plaisirs et peines qu’elles produisent, deviennent d’abord agréables, ou désagréables en elles-mêmes ; ensuite, en s’associant avec ceux de nos actes qui peuvent les mettre à exécution, elles deviennent des motifs d’une très grande force. […] Dans la séquence d’événements appelée cause et effet, on imaginait une troisième chose appelée force ou puissance, qui n’était pas la cause, mais en émanait.

1072. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

Les notions d’étendue, Solidité, Nombre, Force, etc., quoique acquises par les sens ne sont pas des copies d’impressions faites sur les sens, mais des créations des lois propres de notre esprit mises en action par les sensations. L’expérience, au lieu d’être la source et le prototype de nos idées, est elle-même un produit des forces propres de l’esprit, élaborant les impressions que nous recevons du dehors : elle contient un élément mental ainsi qu’un élément externe. […] Elle déclare non que telle chose arrivera toujours, mais que l’effet d’une cause donnée sera tel, tant que cette cause opérera sans être contrariée, par exemple : c’est une proposition scientifique, que la force musculaire tend à rendre les hommes courageux, mais non qu’elle les rend toujours tels ; que l’expérience tend à donner la sagesse, mais non qu’elle la donne toujours.

1073. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

L’élégance dans la force, qui est le caractère distinctif de sa tournure intellectuelle, il l’a, sans nul doute, acquise et développée dans sa vie aux gardes ou à l’armée, car la vie active pénètre la pensée et la trempe, et c’est un fier bonheur pour elle ! […] Il montait un bel étalon noir plein de force et de grâce, calme, ruisselant d’or, inondé de longs crins luisants. […] Il est toujours un talent plein d’alacrité et de force, qui se moque bien, par l’attitude, des idées qu’il a l’air de respecter le plus, naturellement à cinq cents pieds de toutes les niaiseries dont sa réflexion le rapprocherait, s’il l’écoutait !

1074. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

Et véritablement, pour qui n’a pas abandonné l’observation et l’analyse, le Mysticisme, — quelle que soit la forme qu’il revêt, — n’est jamais qu’une aberration du sentiment religieux en vertu de sa propre force, si une autorité extérieure ne le règle pas et ne contient pas, d’une main souveraine, la turbulence de ses élans. Or, nous ne connaissons dans l’histoire du monde que le Catholicisme qui ait jamais pu régler et contenir cet extravasement de la faculté religieuse, parce que le Catholicisme, cette force organisée de la vérité, a, par son Église, l’autorité éternellement présente et vigilante, qui sauve l’homme de son propre excès et le ramène tout frémissant à l’Unité, quand le malheureux s’en écarte, fût-ce même par une tangente sublime ! […] Alors il ne s’agissait plus des excentricités de la pensée d’un homme plus ou moins doué d’imagination ou de génie, il s’agissait du génie même ou de l’imagination de son époque, dont un homme, quels que soient sa force et son parti pris, dépend des jours.

1075. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Gustave Flaubert » pp. 61-75

Flaubert n’est pas un roman comme Caleb William, Robinson Crusoé et Arthur Gordon Pym, où la force exaspérée des passions les plus viriles est en cause et aux prises avec la fatalité des événements ou de la nature. […] Tel est le défaut radical d’un ouvrage qui se recommande par des qualités d’une grande force, mais que la critique devait signaler tout d’abord, avant tout détail et toute analyse, parce que ce défaut affecte l’ensemble et le fond du livre même, — parce que cette indigence de sensibilité, d’imagination, et je dirai plus, de sens moral et poétique, se retrouve à toute page et frappe l’œuvre entière de M.  […] Il a peut-être un superbe avenir9, mais son succès d’aujourd’hui force la Critique à plus de rigueur dans la vérité.

1076. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Vertueux, dit-on, mais circonspect, tour à tour brave et timide, aimant la patrie, mais craignant les dangers, ayant plus d’élévation que de force ; sa fermeté, quand il en eut, tenait plus à son imagination qu’à son âme. […] Avec cette vigueur de caractère, il devait avoir une éloquence pleine de hauteur et de force ; aussi trouvait-il que Cicéron manquait de reins , pour me servir de son expression13. […] que la faiblesse permette quelquefois à la force de se sentir elle-même : et s’il nous est possible, consentons à avoir de grands hommes, même à ce prix.

1077. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

Il a donné à ce genre d’ouvrages un ton plein de dignité et de force, et qu’il n’avait point du tout avant lui. […] Ce n’est pas même par le courage, par la patience, par la force ; ce n’est pas même par le mépris des voluptés ; aucunes de ces vertus de l’homme ne conviennent à Dieu : ces vertus tiennent à des faiblesses. […] Dans ce moment, l’orateur se peint vieux, accablé d’infirmités et de faiblesse, courbé sous le poids des ans, mais ranimant ses forces languissantes, pour former ce prince destiné à commander un jour au monde : « Viens mon fils, dit-il, viens sur les genoux d’un faible vieillard, recevoir les leçons que la sagesse destine aux princes ; ce sont celles que reçut Antonin, Numa, Marc-Aurèle et Titus.

1078. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Certainement il y a là une force d’expansion intérieure. […] Sa force d’expression en est accrue d’une manière remarquable. […] Je ne crois pas en avoir atténué la force. […] Il sait ce qu’il veut : c’est une force. […] Il est allé jusqu’au bout de ses forces, et sa puissance s’en est accrue.

1079. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Si, trop haut s’élevant, il adore un visage Adorable par force à quiconque a des yeux. […] Il y a une force cachée qui fait servir nos actes à des fins que nous n’avions ni prévues, ni souvent souhaitées, qui nous effraient quelquefois nous-mêmes ; — et cette force, c’est Dieu. […] Ni Bolingbroke, ni Collins, ni Toland n’ajouteront rien à la force de ses déductions. […] L’ouvrage entier en recevrait une force interne et une utilité secrète, dont les effets sourds seraient nécessairement sensibles avec le temps. […] La Force est enfin condamnée.

1080. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. L’Angleterre en 1688 et la France en 1830 »

Il éclata enfin sous M. de Villèle par des élections inespérées ; et depuis lors la force et la maturité du pays se déclarèrent en toute occasion ; l’expérience nous était venue. […] N’allons donc pas le grever de gaieté de cœur par des systèmes ; ne retombons pas, en politique, dans notre péché, si familier en toutes choses, d’imitation étrangère : profitons des exemples sans croire aux identités ; ne concluons pas d’une Révolution spéciale et tout insulaire à une Révolution véritablement européenne et humaine : n’introduisons pas dans les pouvoirs de l’État des proportions de forces peu en harmonie avec nos futures destinées, ne recomposons pas de toutes pièces des difficultés évanouies.

1081. (1875) Premiers lundis. Tome III «  La Diana  »

On a pourtant souffert dans ce pays de Saint-Étienne autant et plus que dans d’autres depuis deux années ; l’industrie y a traversé une pénible crise ; mais on a eu la force de souffrir sans s’irriter, sans accuser le gouvernement qu’on savait attentif et plein de sollicitude les plaintes étaient patientes, elles sentaient qu’elles arrivaient en lieu sûr, et personne n’eût dit ce mot injuste : « Ah ! […] Que chacun y travaille selon ses forces, à sa portée, ou sur plusieurs points ou sur un seul.

1082. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Avertissement »

Ils assoupliront la rudesse de leurs esprits masculins ; ils dépouilleront leur logique d’une certaine âpreté sèche et brutale ; ils comprendront ce qu’a d’efficace pour persuader et convaincre cette force subtile qui ne s’analyse pas, la sincérité d’un cœur ému ; capables de poursuivre méthodiquement la vérité, ils acquerront de plus le sens de ces choses insaisissables, que nulle méthode ne révèle, et qui sont presque toute la beauté, dans la littérature comme dans l’art ; enfin, ils gagneront insensiblement cette politesse de l’esprit, qui ne se rencontre pas toujours avec la culture, et qui rend la science aimable. […] Jusqu’à ce que leur intelligence ait acquis un peu de force et de fécondité, permettons-leur les écarts et l’irrégularité, ou plutôt redressons les fautes quand elles se produisent, aux occasions particulières ; n’essayons pas de les prévenir par un règlement universel qui paralyserait les esprits et les empêcherait de remuer.

1083. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les derniers rois »

et cette vision, que tout ici devait obscurcir (car il n’est pas encore arrivé qu’on naquît impunément d’un sang impérial), quelle force d’esprit elle suppose, ou quel incomparable désenchantement ! […] Quant à l’Italie … attendez la fin de la triple alliance, laquelle n’est sans doute pas éternelle… Ce que l’antiquité n’avait pas même conçu, la possibilité de républiques aussi vastes que les anciens empires devient chaque jour évidente… Si notre République était sage, vous verriez quelle serait bientôt sa force de propagande, même involontaire, et quelle fascination elle exercerait, rien qu’en durant, sur tous les peuples de la vieille Europe… Les temps sont mûrs ; cela commence : … Magnus ab integro seclorum nascitur ordo ; Qui sait ?

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