C’est le moyen âge mis à la portée de tout le monde, un bric-à-brac littéraire assez semblable à celui que nous aimons dans nos mobiliers, où nous préférons parfois du faux vieux aux si jolis meubles soyeux et capitonnés qu’on nous fabrique aujourd’hui. […] Les, faux sifflaient en cadence et les épis dorés se couchaient sous l’oblique morsure (obliquo morsu). […] Sully Prudhomme s’écrie dans son enthousiasme candide : Il est tombé pour nous, le rideau merveilleux Où du vrai monde erraient les fausses apparences… Le ciel a fait l’aveu de son mensonge ancien.
Mais cette nouvelle de la destruction des manuscrits se trouva fausse, et M. […] Au milieu des hardiesses et des irrévérences des Lettres persanes, un esprit de prudence se laisse entrevoir par la plume d’Usbek ; en agitant si bien les questions et en les perçant quelquefois à jour, Usbek (et c’est une contradiction peut-être à laquelle n’a pas échappé Montesquieu) veut continuer de rester fidèle aux lois de son pays, de sa religion : « Il est vrai, dit-il, que, par une bizarrerie qui vient plutôt de la nature que de l’esprit des hommes, il est quelquefois nécessaire de changer certaines lois : mais le cas est rare ; et, lorsqu’il arrive, il n’y faut toucher que d’une main tremblante. » Rica lui-même, l’homme badin et léger, remarquant que dans les tribunaux de justice, pour rendre la sentence, on prend les voix à la majeure (à la majorité), ajoute par manière d’épigramme : « Mais on dit qu’on a reconnu par expérience qu’il vaudrait mieux les recueillir à la mineure : et cela est assez naturel, car il y a très peu d’esprits justes, et tout le monde convient qu’il y en a une infinité de faux. » C’est assez pour montrer que cet esprit qui a dicté les Lettres persanes ne poussera jamais les choses à l’extrémité du côté des réformes et des révolutions populaires. […] Et n’est-ce pas lui qui, dans le secret du cabinet, a dit : « Les histoires sont des faits faux composés sur des faits vrais, ou bien à l’occasion des vrais. » Et n’est-ce pas lui qui a dit encore : « On trouve dans les histoires les hommes peints en beau, et on ne les trouve pas tels qu’on les voit. » Qu’est-ce donc quand on ne s’attache qu’au génie de l’histoire ?
Mais même en poussant aussi loin qu’on voudra cette exigence scrupuleuse de La Fontaine, et en estimant, d’après un précepte de rhétorique assez faux à mon gré, que chez lui la composition était d’autant moins facile que les résultats le paraissent davantage, on n’en viendra pas pour cela à comprendre par quel enchaînement d’études secrètes, et, pour ainsi dire, par quelle série d’épreuves et d’initiations, le pauvre La Fontaine prit ses grades au Parnasse et mérita, le jour précis qu’il eut quarante et un ans, de recevoir des neuf vierges le chapeau de laurier, attribut de maître en poésie, à peu près comme on reçoit un bonnet de docteur. […] Il est pourtant vraisemblable que le censeur austère qui se repentait d’avoir loué Voiture, qui sentait peu Quinault, et appelait Saint-Évremond un charlatan de ruelles, ne coulait pas toujours avec assez d’indulgence sur la fadeur galante, la morale lubrique, les restes de faux goût et les négligences nombreuses du charmant poëte200.
Poëte d’un vrai talent, doué par la nature de qualités riches et rares, amoureux de la gloire immortelle et capable de longues entreprises, il ne lui a manqué peut-être au début qu’une de ces disciplines saines, et fortes qui ouvrent les accès du grand par les côtés solides, et qui tarissent dans sa source, et sans lui laisser le temps de grossir, la veine du faux goût. […] Il en est de plus dignes en apparence, qui croient pouvoir dissimuler, et qui, pour cela, ne trouvent rien de mieux que de renchérir du côté de l’exagéré et de la fausse grandeur.
On suppose ce qui est en question, en établissant que le véritable intérêt, que le vrai bonheur d’un individu consiste à faire ce qui est utile à la société ; et partant de là, on déclare que tout individu qui agit différemment ne recherche qu’un faux bonheur et qu’il faut l’empêcher de nuire ainsi aux autres et à lui-même. […] Car l’aristocrate, dans son conflit avec la société, ne pourra manquer de se préférer à la société ; de préférer son propre idéal, c’est-à-dire le reflet de sa personnalité, à l’idéal social qu’il juge médiocre, faux et bas.
Ce lorgnon en colère, là-bas, c’est Retté ; ce justaucorps évidé, c’est du Plessys, et ce nez retroussé, c’est Cazals, l’Homère de ces « soirées épiques », Cazals, ce faux Delacroix qui prend des notes pour son futur Jardin des ronces 19. […] Même aux soirées de la Plume, j’ai vu le Poète s’imposer, un temps, la correction suprême d’un faux col anglais et d’un haut de forme, retrouvé derrière un meuble lors d’un déménagement.
Considérées comme des romans, les interminables fantaisies livresques d’Annunzio apparaissent encore plus fausses et plus puériles que les fantaisies scéniques de Hugo quand on essaie de les regarder comme des drames. […] Voici comment elle nous définit Lucie Altimare, « l’aventureuse », la plus significative de ses héroïnes : « Au fond, un cœur froid et aride, sans une palpitation d’enthousiasme ; au-dehors une imagination trompeuse qui grandissait toute sensation, qui augmentait toute impression… Au fond, un manque absolu de sentiment ; au-dehors, des rêveries sur les nobles utopies humanitaires, des aspirations flottantes vers un idéal incertain. » Et on nous fait connaître longuement « l’artifice de sa personne, un artifice si naturel, si absolu, si complet, qu’il la trompait elle-même, en lui donnant une fausse sincérité ; en devenant son véritable caractère, son tempérament, son sang, ses nerfs ; en la persuadant de sa propre bonté, de sa propre vertu, de sa propre supériorité ».
Une jeune fille qu’on croyait morte à la suite de cette maladie, — son père pleurant au pied de son lit, — rejette soudain le drap qu’elle avait sur la tête, se soulève dans une attitude de prière, montrant un visage à la beauté surnaturelle qui fait croire à un miracle, et après un petit discours de consolation adressé à son père, se recouche et repose le drap sur sa tête, en disant : « Je puis dormir maintenant. » * * * — J’ai connu un amant qui disait à sa maîtresse se plaignant d’avoir perdu une fausse dent de 200 francs : « Si tu la faisais afficher ? […] Il nous promène dans sa maison dont il nous raconte l’histoire : un ancien atelier de faux-monnoyeurs sous le Directoire, devenu la propriété du fameux Leroy, le modiste de Joséphine, qui utilisa la chambre de fer où l’on avait fabriqué la fausse monnaie à serrer les manteaux de Napoléon, brodés d’abeilles d’or.
Pour le seul mot clematis vitalba ou clématite, en véritable français, viorne, du latin viburnum, il n’y a pas dans la langue et dans les dialectes moins d’une centaine de noms34 ; en voici quelques-uns, parmi lesquels on pouvait choisir : aubevigne, vigne blanche, vignolet, fausse vigne, veuillet, vioche, vigogne, viorne, vienne, vianne, viaune, liaune, liane, viène, vène, liarne, iorne, rampille, et des mots composés très pittoresques : barbe de chèvre, barbe au bon Dieu, cheveux de la Vierge, cheveux de la Bonne Dame, consolation des voyageurs 35. […] Il ne faut pas confondre cette opulence imaginative ou verbale, qui témoigne de la vitalité d’une langue, avec l’indigente richesse dont on a parlé plus haut, qui ne met en circulation que de la fausse monnaie.
Et en effet, il n’est pas un seul caractère du rêve qui ne se rencontre dans la folie, et réciproquement : même incohérence dans les idées, mêmes associations fausses, mêmes raisonnements justes sur des principes faux, rapidité extrême des sensations et des idées, exagération des sensations, transformations d’une sensation interne en objet externe, etc.
Dans celui qui a pour titre : Contra Geometras, sive contra phastum Professorum, il reprend, une à une, les définitions d’Euclide, et montre ce qu’elles ont de faux, de vague ou d’arbitraire. […] Il est vrai que les esprits géométriques sont souvent faux dans le train ordinaire de la vie ; mais cela vient même de leur extrême justesse.
Les lettres étaient en crédit, car le faux savoir même était un moyen de fortune ; Les Femmes savantes en sont la preuve. […] Tu distinguas l’imposteur de l’homme religieux ; tu saurais séparer le faux philosophe du véritable ami de la sagesse ; le novateur factieux, du citoyen qui travaille à d’utiles découvertes ; le charlatan littéraire, de l’écrivain qui dédaigne les succès d’un jour, et qui n’aspire qu’aux suffrages de la postérité.
que la fausse métaphysique d’un esprit gâté par les philosophies allemandes, et qui lutta toute sa vie contre les deux impossibilités pour les femmes, la métaphysique et l’histoire. […] Ce qui est faux.
Jusqu’ici, en effet, nous n’avions pas encore rencontré, parmi ces moralistes qui ont retourné l’âme humaine comme un gant, d’homme assez bronzé par les idées fausses et l’amour dépravé des énormités pour s’agenouiller publiquement et ventre à terre devant cette affreuse bête, — qui d’ailleurs est si bête, — et qui de temps immémorial s’appelle le Veau d’Or. […] C’est peut-être là un faux semblant ; mais, si les faits qu’il rapporte sont tous vrais, il en ébranle un peu la vérité par les conclusions qu’il en tire.
Diderot, le bouillonnant Diderot, était un volcan d’idées, vraies ou fausses, toujours en éruption ; Gœthe, au contraire, une espèce de fleuve étendu de surface, mais froid, qui s’épandait en généralités limpides parfois, mais communes et souvent vaporeuses. […] un faux air de Talleyrand jusque dans la pensée, voilà le trait caractéristique de cette physionomie de Gœthe, lequel a eu plus de bonheur par ses défauts que par ses qualités, comme il arrive toujours, du reste.
Le sublime portrait qu’a fait de lui la Philosophie, croyant faire une caricature, est un portrait faux. […] Un historien a dit de Charles-Quint : « Les regrets de Worms furent tardifs. » Pour notre compte, nous croyons fort peu à ces regrets ; mais regrets ou remords dans la conscience du prince qui avait compromis également sa puissance et sa foi avec les ennemis de l’une et de l’autre, les faiblesses de Worms, les fausses habiletés du grand Habile qui ne vit pas à l’origine tout ce que le Protestantisme cachait, n’en furent pas moins un crime dans la pure conscience de l’Espagne, et un crime qui avait besoin d’expiation.
Dupe souvent de son faux goût en art, s’il se trompe souvent sur un tableau ou sur un vase, il se trompe rarement sur les hommes. […] Seulement, l’homme qui n’est dupe de rien, dans Walpole, l’est des deux faux bonshommes Turgot et Malesherbes, comme tous les niais du temps le furent.
« J’ai eu », dit-il dans une lettre à M. de Montalembert, « le fanatisme de l’expression, le fanatisme de la beauté dans les formes, et ce fanatisme est passé… Je dédaigne plutôt que je n’admire ce talent qui est plus une maladie de nerfs qu’un talent de l’esprit… », ce qui est assez insolent et assez faux, par parenthèse, et au moment même où il écrit cela, sans transition et comme pour se punir, il ajoute ce mot de rhéteur inconséquent, de rhéteur incorrigible, qui tout à coup reparaît « les formes d’une lettre ne sont ni littéraires ni belles », misérable axiome de rhétorique, non moins faux !
Une des confusions les plus fréquentes et les plus déplorables d’une fausse philosophie, c’est la confusion de la Raison et de l’Intelligence, qu’il faut si sévèrement distinguer. […] Mais, selon nous, si les faits cités sont incontestables, nous croyons que le savant jésuite en a tiré de fausses conclusions ; et c’est surtout quand on a lu cette histoire des Études classiques que M.