La porte d’ivoire par laquelle, selon le poète, s’échappent les songes faux, est toujours plus agréable que la porte de corne qui seule donne passage à la vérité. […] Catinat, depuis quelque temps caché sous un faux nom dans la citadelle de Pignerol où il passait pour un certain Guibert ingénieur, qui aurait été arrêté par ordre du roi pour avoir emporté des plans de places fortes à la frontière de Flandre (ce qui ne laisse pas de faire un rôle étrange dans l’idée qu’on s’est formée à bon droit du grave et sérieux personnage), — Catinat jeta tout d’un coup son déguisement, redevint homme de guerre et alla prendre possession du gouvernement de Casai. […] Bien habile qui aurait su là dedans démêler le vrai du faux !
De ce que Newton, contrôleur de la monnaie de Londres, a été d’avis qu’on devait pendre un faux monnayeur convaincu de ce crime par-devant le jury, et de ce qu’il n’ait pas donné à l’avance dans l’opinion de Beccaria contre la peine de mort, je ne vois pas ce qu’on en peut conclure par rapport à son génie ou même à son caractère, et il faut bien être de cette date philanthropique de 1865 pour voir là dedans autre chose qu’une opinion des plus ordinaires et des plus simples, des plus commandées à la date et dans la position de Newton. […] Sur cette fin du xviie siècle, lorsque Fontenelle publia son livre de la Pluralité des Mondes, les conditions d’instruction pour l’immense majorité des esprits étaient très différentes de ce qu’elles sont de nos jours, et il mérite peut-être mieux que des excuses pour avoir piqué l’attention des ignorants, forcé leur paresse, et fait entrer dans leur cerveau quelques idées saines, au lieu des préjugés tout à fait faux et absurdes qui les remplissaient. […] Fontenelle se présenta donc très à propos en venant expliquer, rendre agréable pour tous et séduisante même, la nouvelle doctrine qui, sauf quelques points particuliers à la théorie cartésienne des tourbillons, était la seule vraie, et dont le premier mérite était de détrôner les fausses et accablantes hypothèses.
Là est le crime de Noailles envers Saint-Simon, et il s’ensuivit la colère, l’animosité, l’impitoyable vengeance de l’ami aliéné et ulcéré, devenu ennemi jusqu’à la mort ; il n’y eut jamais entre eux qu’un faux raccommodement et pour la forme, après bien des années, à l’occasion d’un mariage de famille. […] À la guerre, il est avantageux, c’est-à-dire faux brave ; à la Cour, sa grande politique est de protester beaucoup d’amitié à ceux qu’il veut perdre. […] La plupart des traits de cette biographie du duc de Noailles sont forcés ou faux.
En général, tout ce début n’est pas net ; l’auteur voudrait dire et ne dit pas ; mais j’arrive à l’opinion fondamentale, et je la résume ainsi : André Chénier, en regard de l’antiquité, n’est qu’un copiste, un disciple qui s’attache à la superficie et aux couleurs plutôt qu’à l’esprit ; il abonde en emprunts forcés, il pille au hasard et fait de ses larcins grecs et latins un pêle-mêle avec les fausses couleurs de son siècle. […] atin, qui tous les jours, dans son Cours de poésie latine, éclaire le rôle de Catulle ou d’Horace chez les Latins par celui de Chénier parmi nous, tous ces esprits supérieurs ou délicats ont fait fausse route à cet endroit. […] Le châtiment d’un jugement si faux et surtout si maussade ne s’est pas fait attendre, car, après avoir transcrit pour les blâmer les deux vers touchants, voici la phrase un peu étrange d’allure que M.
XXII Tacite peint en satiriste consommé les jactances et le faux enthousiasme des hommes intéressés que la peur avait dissipés, que la peur ramène. […] XXIII Ce bruit était faux. […] Plus les démonstrations sont fausses, plus ils les redoublent.
Mais ces deux éléments : illusion, mensonge, sont malaisés à discerner dans les choses sociales et fausses comme les appelle A. de Vigny. — Le plus souvent, ils sont si bien emmêlés et enchevêtrés qu’il est impossible de déterminer la part exacte qui revient à l’un et à l’autre élément dans les croyances collectives. […] Les logiciens ont distingué les sophismes ou faux raisonnements faits dans l’intention de tromper autrui et les paralogismes ou faux raisonnements faits innocemment.
Il aurait eu besoin plutôt de se modérer parfois et de se contenir ; car, au milieu d’un retour général louable et d’un désabusement salutaire, le vent poussait à la réaction, et le danger était, comme toujours, qu’on ne sortît d’un faux courant que pour se jeter aussitôt dans un autre. […] Il a traduit Théocrite en le travestissant, en lui prêtant des fleurs de rhétorique et en l’affublant d’une fausse élégance. […] Nous aussi, nous sommes revenus à une de ces époques où l’on sent très bien que la critique, celle même qui se bornerait à résister au faux et au déclamatoire, aurait son prix.
Les hommes ne jouaient pas de meilleurs rôles, et moi j’étais abîmée dans les réflexions les plus noires : je pensais que j’avais passé ma vie dans les illusions ; que je m’étais creusé moi-même tous les abîmes dans lesquels j’étais tombée ; que tous mes jugements avaient été faux et téméraires, et toujours trop précipités, et qu’enfin je n’avais parfaitement bien connu personne ; que je n’en avais pas été connue non plus, et que peut-être je ne me connaissais pas moi-même. […] « Ce Saint-Lambert, dit-elle, est un esprit froid, fade et faux ; il croit regorger d’idées, et c’est la stérilité même. » Ce qu’elle dit là de Saint-Lambert, elle le disait, sauf variantes, de bien d’autres. […] Mme de Maintenon n’est pas moins saisie au naturel : « Je persiste à trouver que cette femme n’était point fausse, mais elle était sèche, austère, insensible, sans passion… » Tout ce portrait de Mme de Maintenon est à lire chez Mme Du Deffand, et reste le plus ressemblant de tous ceux qu’on a pu faire.
Quand M. de Chateaubriand essaie de nous peindre la douleur qu’il éprouva dans le temps, après avoir brisé le cœur de Charlotte, il parvient peu à nous en convaincre ; des tons faux décèlent le romancier qui arrange son tableau, et l’écrivain qui pousse sa phrase : « Attachée à mes pas par la pensée, Charlotte, gracieuse, attendrie, me suivait, en les purifiant, par les sentiers de la Sylphide… » et tout ce qui suit. […] Cette charmante femme méritait certes bien des exceptions ; une telle parole toutefois est ingrate et fausse. […] Opposons vite ce divin tableau d’Ève encore innocente aux flammes quelque peu infernales qu’on trouve sous le faux christianisme de René : Ainsi parla notre commune mère, dit le chantre du Paradis, et, avec des regards pleins d’un charme conjugal non repoussé, dans un tendre abandon, elle s’appuie, en l’embrassant à demi, sur notre premier père ; son sein demi-nu, qui s’enfle, vient rencontrer celui de son époux, sous l’or flottant des tresses éparses qui le laissent voilé.
Je mets Montaigne à la tête de ces faux sincères qui veulent tromper en disant vrai. […] De telles pages étaient en littérature française la découverte d’un monde nouveau, d’un monde de soleil et de fraîcheur qu’on avait près de soi sans l’avoir aperçu encore ; elles offraient un mélange de sensibilité et de naturel, et où la pointe de sensualité ne paraissait qu’autant qu’il était permis et nécessaire pour nous affranchir enfin de la fausse métaphysique du cœur et du spiritualisme convenu. […] Qu’on se rappelle cette nuit qu’il passe à la belle étoile au bord du Rhône ou de la Saône, dans un chemin creux près de Lyon : Je me couchai voluptueusement sur la tablette d’une espèce de niche ou de fausse porte enfoncée dans un mur de terrasse ; le ciel de mon lit était formé par les têtes des arbres ; un rossignol était précisément au-dessus de moi, je m’endormis à son chant ; mon sommeil fut doux, mon réveil le fut davantage.
En ce temps de centralisation, quand les derniers rameaux de pouvoir féodal qui gênaient les belles allées du pouvoir royal furent ébranchés, en ce temps de Le Nôtre, il fallut, pour toutes choses, un jardinier aux plans rectilignes ; on ne s’occupa nullement, pour donner l’apparat et la noblesse au vers français (cette noblesse, chape de plomb, manteau lourd et sans forme aux épaules de la Muse) que la règle fût juste ; on la rechercha suffisante mais surtout uniforme et majestueuse ; il y eut une flexion sur un jarret pendant un pas majestueux : l’hémistiche ; et cette règle de Boileau est antipoétique, parce qu’elle ne naît pas des besoins du poème, qu’elle découle, fausse, d’une visée sociale. […] Leur vers est le vers « délicieusement faux exprès ». […] Il en résulte que les libertés romantiques, dont l’exagération (plaisante) se trouverait dans des vers comme ceux-ci Les demoiselles chez Ozy menées ne doivent plus songer aux hy ménées sont fausses dans leur intention, parce qu’ils comportent un arrêt pour l’oreille que ne motive aucun arrêt du sens.
Un barbarisme contemporain qui veut dire… Si vous voulez des renseignements précis, allons ensemble à Cette échoppe aux vitres poussiéreuses qui se dresse là-bas avec de faux airs de temple. […] Nisard, parce que la prodigalité de tons faux, — pas plus que l’absence complète de tons — ne fait le coloriste. […] Il marche au hasard, il se heurte gauchement à toutes les pierres de la route, il donne du front contre tous les obstacles, — il voit à faux, ou plutôt il n’y voit pas du tout — et finit par tomber dans les bas-fonds du mélodrame.
Si toute idée réelle, vraie ou fausse, doit pouvoir être exprimée clairement, et comprise par la bonne foi intelligente, ne serait-on pas autorisé à soupçonner qu’une prétendue doctrine, qui échappe à l’analyse et se refuse à la définition, est quelque chose de fantastique, dont l’apparence déçoit ceux qui l’attaquent, comme ceux qui la défendent ? […] En conclurai-je que le genre romantique est plus essentiellement faux dans ses peintures que le genre classique ? […] Ces vapeurs sont le délire de quelques orgueils adolescents, le vertige de quelques coteries enthousiastes, les sophismes de quelques esprits faux, et peut-être aussi les alarmes de quelques esprits timides, trop peu confiants dans la raison et le goût de notre nation.
Celui-ci avait le gosier solide ; quoique ses airs soient très-monotones et souvent faux, ils valent la peine d’être déchiffrés. […] Voyons la seconde obscurité : « Si la collection de tous les modes, de toutes les qualités sensibles étant brisée par l’abstraction, la substance imaginaire n’est plus rien ou n’a plus qu’une valeur nominale, la substance abstraite du mode dans ce point de vue intellectuel conserve encore la réalité qui lui appartient, à l’exclusion de toutes les apparences sensibles qui n’existent qu’en elle et par elle. » Je traduis : « Enlevez toutes les qualités sensibles de cette pierre, la couleur, la dureté, l’étendue, la porosité, la pesanteur, etc., et essayez de concevoir la substance intime : par l’imagination vous ne le pouvez, car la substance n’a rien de sensible ; par la raison vous le pouvez, car la substance est indépendante de ces qualités et leur survit. » L’idée est fausse, mais qu’importe ? […] La preuve en est qu’il est faux quelquefois ; car une croyance peut l’être, et une vue ne peut pas l’être.
C’était là sans doute pour la poésie un arrêt fatal ; et, dans l’alternative du scepticisme ou du faux zèle, la licence hardie de l’abbé de Chaulieu devait parfois sembler plus lyrique peut-être que la pompe religieuse de Rousseau. […] Son art éclatant, mais non sans faux goût, n’arrêtait pas une décadence que précipitait, dans le cours du dix-huitième siècle, le génie même qui la rendait si piquante et si populaire. […] On avait applaudi comme une belle œuvre d’art le Guillaume Tell de Schiller : mais sa tragédie des Brigands charmait aussi beaucoup d’esprits faux en Allemagne, comme autorisant la révolte contre une société où ils ne croyaient pas avoir assez bonne part.
Quelle force de propagande en effet dans la généreuse candeur d’un esprit faux à la Tocqueville ! […] Cette fausse richesse ne résiste pas à l’épreuve. […] Commencer une addition par 2 et 2 font 5, c’est se condamner à un total faux. […] Ceux que possède ce faux esprit de réforme les ignorent. […] Nous tenons là un des types les plus instructifs de la fausse analogie historique et de ses périls.
La mode est venue de calomnier les Arts & les Gens de Lettres, & l’on se dispense ainsi de l’admiration & de la reconnoissance, deux fardeaux bien pesans pour le cœur ingrat de l’homme, & l’on seroit en droit avec ce faux mépris de rejetter leurs leçons.
Pradon perdit, par le faux enthousiasme de ses Prôneurs, le droit qu’il pouvoit avoir à l’estime pour quelques-unes de ses bonnes Productions.
Jamais on n'attaqua plus finement & avec plus de force, des vices consacrés par le pouvoir & la grandeur, & respectés par la flatterie & la fausse Philosophie.