/ 2203
741. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

On s’explique comment leur promoteur Polignac a pu dire plus tard en parlant d’elles : « Je ne prévoyais pas de résistance. » Mais la cause ou plutôt les causes ? […] Quelle leçon, et qui explique l’autorité qu’exerce encore son souvenir, bien qu’il nous ait quittés depuis près d’un demi-siècle ! […] La chose s’explique par le fait que les artistes de Sienne ont travaillé beaucoup à la décoration d’édifices construits pour des ordres monastiques. […] La situation de l’Allemagne expliquait trop ce conflit et en présageait tant d’autres. […] Beyens explique très intelligemment les causes : l’hostilité des grandes puissances entre elles est suspendue un moment.

742. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Son peu de goût pour le clergé chrétien s’explique en partie par là. […] Il y a contradiction en effet ; mais elle s’explique. […] La chute l’explique, et il démontre la chute. […] Par exemple, il s’agit d’expliquer par les lois de la nature animale les lois de la nature humaine. […] Quinet n’explique pas seulement l’histoire de l’homme par l’histoire du monde ; il explique aussi l’histoire du monde par l’histoire de l’humanité, tant il croit à l’existence certaine d’une harmonie préétablie entre les deux.

743. (1921) Esquisses critiques. Première série

Autrement s’expliquerait-on que M.  […] Cela s’explique cependant. […] * *    * Certains esprits tenteraient d’expliquer ce dernier trait de l’auteur par ses origines intellectuelles. […] Il nous le dit expressément, nous convie à faire cet effort, nous engage, nous pousse à pénétrer dans cette heureuse contrée que dépeint avec poésie son œuvre de romancier, et dont son œuvre de chroniqueur explique le système. […] Bataille, dans Écrits sur le Théâtre, p. 146, explique sa prédilection pour Jeannine de l’Enchantement, parce qu’elle est l’instinct pur et sans mélange.

744. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

I Je commençais à démêler ces idées lorsque, pour la première fois, je débarquai en Angleterre, et je fus singulièrement frappé des confirmations mutuelles que se prêtaient l’observation et l’histoire ; il me sembla que le présent achevait le passé et que le passé expliquait le présent. […] Vous entrez dans une ferme, même médiocre, de cent acres par exemple ; vous trouvez des gens décents, dignes, bien vêtus, qui s’expliquent clairement et sensément, un grand bâtiment sain, confortable, souvent un petit péristyle avec des fleurs grimpantes, un jardin bien tenu, des arbres d’ornement, les murs intérieurs blanchis tous les ans à la chaux, les carreaux du sol lavés tous les huit jours, une propreté presque hollandaise ; avec cela un assez grand nombre de livres, des voyages, des traités d’agriculture, quelques volumes de religion ou d’histoire, au premier rang la grande Bible de famille. […] Ils soutiennent et président les Sociétés scientifiques ; si les libres chercheurs d’Oxford, au milieu du rigorisme officiel, ont pu expliquer la Bible, c’est parce qu’on les savait soutenus par les laïques éclairés et du premier rang. […] Ainsi fixé et exprimé, il est désormais le moteur du reste ; c’est lui qui explique le présent, c’est de lui que dépend l’avenir ; sa force et sa direction produisent la civilisation présente ; sa force et sa direction produiront la civilisation future.

745. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Qui de nous, en y regardant d’un peu près, n’a surpris en soi, ou autour de soi, même chez les personnes qu’il pensait connaître le mieux, des phénomènes qui déroutent, des volontés ou des faiblesses qu’on ne s’explique pas entièrement, des effets dont les causes en partie se dérobent et qui font parler de la fatalité ou des nerfs, deux manières de nommer l’inconnu ? […] L’épithète étant toujours, dans cette manière d’écrire, le mot le plus important, voici des tournures qui mettent l’épithète au premier plan en la transformant en substantif neutre (à la façon des Grecs) : «… Mais c’était le ciel surtout qui donnait à tout une apparence éteinte avec une lumière grise et terne d’éclipsé, empoussiérant le mousseux des toits, le fruste des murs…37 » — «… Des voix fragiles et poignantes attaquant les nerfs avec l’imprévu et l’antinaturel du son38. » — « Et il mit une note presque dure dans le bénin de sa parole inlassable et coulante39. » Les mots abstraits surabondent dans cette prose si vivante : ce qui semble contradictoire, mais s’explique avec un très petit effort de réflexion. […] Je crois avoir indiqué et expliqué les principales affectations de MM. de Goncourt. […] Ce goût malsain s’explique si l’on considère que ce qui nous attache à un grand artiste, c’est ce qu’il a de particulier, ce sont ses qualités propres et vraiment originales, c’est-à-dire précisément celles qui, développées à outrance et sans contrepoids, deviendront des défauts aux yeux des critiques non prévenus et des esprits amis de la mesure ; mais les initiés ne s’en apercevront point, ou bien, comme ces défauts ne font qu’accentuer la marque personnelle par où ils ont été séduits, s’ils les sentent, ils les aimeront comme des qualités de plus en plus singulières.

746. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Il n’y a pas place pour la critique là où il n’y a pas un historien qui recherche à la fois le vraisemblable et le vrai ; qui non-seulement raconte les événements, mais qui les explique ; qui pénètre les causes et prévoit les effets ; qui raisonne sur les intérêts des peuples, sur les caractères sur les mœurs ; qui discerne le bien du mal, et qui approuve ou blâme ; qui, pour tout dire, sent en homme de cœur, examine en philosophe et décidé en juge. […] Les Mémoires de Comines sont l’histoire de sa vie, de ses débuts à la cour du duc de Bourgogne contre la France, puis de sa désertion, qu’expliquent les mœurs du temps, à la cour de Louis XI, dont il devint le confident et le conseiller de ses services publics et secrets ; de ses disgrâces sous Charles VIII, de son emprisonnement à Loches dans une de ces cages de fer imaginées par Louis XI, et qu’on appelait les fillettes du roi ; de sa rentrée en grâce ; de la part qu’il prit aux guerres d’Italie, et de ses dernières années, sous le règne de Louis XII. […] Froissart, c’est le drame sans ses ressorts cachés, sans ce qui l’explique, sans sa moralité ; Comines, c’est le drame complet, moins peut-être quelque mise en scène, qui n’y eût pas beaucoup servi. Indiquer les causes des événements et les motifs des actions entre ces causes distinguer les véritables de celles qui n’ont été qu’apparentes ; entre ces motifs, discerner ceux qui ont déterminé les actions de ceux qui n’ont servi que de prétextes ; descendre dans le fond de l’homme et découvrir la pensée secrète sous le rôle enfin, par une réserve admirable, quand les événements ont été trop grands ou trop soudains pour que l’historien les puisse expliquer par des raisons humaines, y voir des effets de la sagesse et de la justice de Dieu voilà, ce semble une première ébauche de l’histoire assez belle si ce n’est pas encore l’histoire elle-même, c’est seulement parce qu’il y manque une dernière et suprême convenance, une langue mûre pour les choses de l’art.

747. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

» Dans cette solitude de Port-Royal, au sein de fortes études théologiques et littéraires, il concentra toutes ses pensées sur ce sujet vivant, l’homme, dont il portait en lui toutes les grandeurs et toutes les misères : non pas l’homme tel que Montaigne le peint, arrivant par le doute universel à ne croire qu’à lui-même ; ni l’homme selon Descartes, qui se contente de savoir qu’il y a un Dieu, qu’il existe une âme distincte du corps, et qui s’arrange dans ce monde de façon à y vivre le plus agréablement et le plus longtemps possible ; mais l’homme tel que le christianisme l’a expliqué, l’homme dont Montaigne n’avait pas vu toute la grandeur, ni Descartes toute la petitesse. […] Laquelle de nos contradictions n’a-t-elle pas expliquée ? […] Eût-il été plus beau que Pascal lâchât pied, ou que, s’éblouissant de sa propre raison, il la mît au-dessus du mystère qu’il essayait d’expliquer par elle ? […] » Et la manière plaisante dont l’interlocuteur s’en corrige aggrave les confidences du père : « Je ne m’expliquais pas assez, mon père.

748. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Cela s’explique par la nature des mathématiques. […] Avant Galilée, elle n’est qu’une métaphysique avec quelques faits grossièrement expliqués en plus. […] Le linguiste accepte à titre de faits l’existence de divers idiomes et dialectes, il les classe, en suit et en explique la filiation ; mais les questions d’origine lui semblent téméraires, au moins prématurées. […] Le progrès des sciences particulières les conduit nécessairement à des généralisations de plus en plus larges, appuyées sur les faits, mais qui souvent les dépassent : telles sont les hypothèses qui expliquent tant de phénomènes, résument tant de lois, ont résisté à tant de vérifications, que ce sont presque des vérités démontrées.

749. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

Si le psychologue recherche les lois des phénomènes, ce sont surtout leurs lois de génération ou de genèse interne, qui font sortir un état de conscience d’un autre état de conscience par un processus dont les divers termes s’impliquent et s’expliquent mutuellement. […] Dans le chronomètre, tous les mouvements se déroulent et s’expliquent d’une manière adéquate, sans aucune considération de l’heure, tant du moins qu’on ne sort pas du chronomètre pour remonter à l’horloger. […] Le reste tombe nécessairement dans le domaine de la représentation, par cela même de l’objectif ; et c’est ce qui explique l’illusion de ceux qui nient le subjectif. […] Nombre et espace, mouvement, constitution des corps, tous les autres aspects des choses qui sont les objets des recherches positives, sont en même temps, dans tous leurs modes variés, des phénomènes mentaux et, au sens strict du mot, des idées, dont les éléments et la composition doivent être expliqués du point de vue psychologique.

750. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

C’est le musée Curtius de tous les dieux, demi-dieux, héros et hommes célèbres de l’antiquité : on les explique, on les commente ; ils sont en cire et leurs costumes ont été achetés au Temple ; mais cela ne fait rien : on pousse le ressort, ils remuent les yeux, ils baissent la tête, ils lèvent le bras, cela suffit ; on se persuade qu’ils sont vivants. […] Ce langage impossible que les savants parlent entre eux, c’est à nous de l’étudier, de connaître ses secrets, afin de pouvoir expliquer à ceux qui les ignorent les étranges spectacles qui nous entourent. […] Enfin, il expliquera et commentera les richesses, les étrangetés, les mystères de cette planète que nous habitons et que nous connaissons si peu. […] Les fleuves coulent fatalement de leur source à leur embouchure ; s’ils s’arrêtent, c’est en vertu d’un miracle, et encore cela arrive une fois, pour laisser passer les Hébreux qui expliquent ainsi leur découverte du gué de Rihah !

751. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

La difficulté était bien plutôt alors d’expliquer comment il nous arrive de rire d’autre chose que d’un caractère, et par quels subtils phénomènes d’imprégnation, de combinaison ou de mélange le comique peut s’insinuer dans un simple mouvement, dans une situation impersonnelle, dans une phrase indépendante. […] Ainsi s’explique que le comique soit si souvent relatif aux mœurs, aux idées — tranchons le mot, aux préjugés d’une société. […] Quand nous avons traité du comique des formes et du mouvement, nous avons montré comment telle ou telle image simple, risible par elle-même peut s’insinuer dans d’autres images plus complexes et leur infuser quelque chose de sa vertu comique : ainsi les formes les plus hautes du comique s’expliquent parfois par les plus basses. […] Il faudrait peut-être rapporter à cette origine le comique tout à fait grossier de certains effets que les psychologues ont insuffisamment expliqués par le contraste : un petit homme qui se baisse pour passer sous une grande porte ; deux personnes, l’une très haute, l’autre minuscule, qui marchent gravement en se donnant le bras, etc.

752. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Voici comment il explique ce premier pas et toute cette démarche. […] Le président déjoua ses menées, rendit cœur aux notables habitants, leur expliqua nettement l’intention du duc de Mayenne, qui était que le pays s’aidât du duc de Savoie contre les ennemis communs, et non qu’on se donnât à lui.

753. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Il l’expliqua un jour très gaiement, et avec beaucoup d’imagination et d’esprit, au roi Henri II, qui, au retour de ce siège, l’accueillit comme il devait et l’entretint longuement durant cinq heures d’horloge, se faisant tout raconter, et ses harangues, et ses ruses, et le détail des souffrances, mais le roi ne pouvait, malgré tout, concevoir encore comment il avait su s’accorder si bien et si longtemps avec une nation étrangère et délicate, surtout en de pareilles détresses. […] Je ne fais qu’indiquer ce qu’il déduit et explique.

754. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

. — Tout cela encore est bien vague, bien peu défini ; Déroulant devant nous le mouvement scientifique et le mouvement industriel de notre temps, l’auteur essaie de préciser ce rôle qu’il assigne au littérateur, au poète, et qui est, selon lui, d’expliquer la science, de la revêtir de charme et de lumière : « Il se passe parfois, dit-il, de planète à planète, de fer à aimant, de mercure à mercure, de chlore à hydrogène, des romans extraordinaires qu’on dissimule pudiquement derrière des chiffres et des A+B. » L’auteur voudrait que le poète expliquât et rendît sensibles à chacun de nous ces mystères.

755. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Et d’où ce retard que rien n’explique, à moins qu’on ne dise qu’il était assez insouciant jusque-là ? […] Quelques autres prétendent que le cas de Roger est trop singulier et trop poussé à bout pour être tout à fait vrai, que l’impitoyable rigueur logique avec laquelle procède sa passion est plus logique que la vérité même, ou du moins que la vraisemblance en pareil cas ; que cette impression se prononce surtout en avançant, et qu’on y croit sentir un parti pris ; que ce n’est que quand on invente que l’on est tenté ainsi d’exagérer, et que tout s’expliquerait pour la critique s’il n’y avait de tout à fait observés que les trois quarts de l’histoire de Roger, le reste étant inventé et composé.

756. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Veuillot, est de se le bien expliquer. […] C’est ici que ma querelle sérieuse avec lui commence, et qu’avant de louer l’écrivain, l’excellent prosateur, et d’admirer le peintre vigoureux de la réalité, j’ai besoin absolument de m’expliquer sur le fond des choses, de marquer mes réserves ; car tout ce qui n’est pas croyant et convaincu à sa manière, gallicans, protestants, à plus forte raison déistes, naturistes ou panthéistes, comme on dit, tout y passe ; il les raille, il les crible d’épigrammes flétrissantes (car il a la touche flétrissante) ; il les traite même, en ses heures d’indignation, comme des espèces de malfaiteurs publics.

757. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Cependant Hamilcar, sans qu’on s’explique trop comment, reprit encore une fois le dessus, et après une suite de marches et d’actions habilement ménagées, il fit si bien qu’il enferma les étrangers dans un lieu, dans une espèce de champ clos appelé La Hache, parce que le terrain offrait assez la forme de cet instrument ; il les y réduisit d’abord à une telle famine qu’ils se virent contraints de se dévorer les uns les autres ; et finalement, après s’être saisi de la personne de leurs chefs, qui étaient venus parlementer auprès de lui, il écrasa avec ses éléphants ou tailla en pièces toute cette armée, dont pas un soldat ne réchappa : elle n’était pas moindre que de quarante mille hommes. […] Mâtho veut savoir ce qu’il a dit : Spendius le Grec, l’homme de toutes les langues, le lui explique.

758. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Je suis moins étonné de ce changement de goût que je n’en ai l’air ; il s’explique très-bien et se justifie même en grande partie. […] » — Pour le bien expliquer, il faut, dit le père, reprendre les choses dès l’origine. » Et ici commence tout un récit fort admiré des Anciens, proposé comme un modèle de narration aux orateurs eux-mêmes par Cicéron, qui y fait remarquer le développement approprié, le mouvement dramatique, le parfait naturel des personnages introduits et des paroles qu’on leur prête, et, par instants, mais par instants seulement, la brièveté excellente, qui à toute cette abondance persuasive ajoute une grâce.

759. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Il n’y est tenu aucun compte de l’élément intérieur, du ressort principal qui explique les actions et toute la conduite de Racine dans ses dernières années, de son inspiration religieuse véritable, de son âme en un mot : et c’est elle qu’un ami du dedans va nous découvrir dans toute sa sincérité. […] Alors il m’ouvrit son cœur et m’expliqua confidemment ses idées sur le mariage et la qualité de l’alliance qu’il cherchait pour sa fille, ajoutant que s’il trouvait de quoi remplir solidement ces idées, comme serait un jeune avocat de bon esprit, bien élevé, formé de bonne main, qui eût eu déjà quelque succès dans des coups d’essais et premiers plaidoyers, avec un bien raisonnable et légitimement acquis, il le préférerait sans hésiter à un plus grand établissement, quoi que lui fissent entrevoir et espérer des gens fort qualifiés et fort accrédités qui voulaient marier sa fille.

/ 2203