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548. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

De fort bons esprits affirment que ce serait plutôt le contraire. […] D’où la naissance d’une corporation, d’un nouvel esprit corporatif. […] L’esprit français serait un tempérament de l’un et de l’autre. […] une niaise qui a l’esprit de l’amour. […] une femme d’esprit confondue par une coquette.

549. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Je me borne à rendre l’impression que me fait cette lecture continue, et à en tirer la forme de talent et d’esprit de l’auteur. […] Fidèle à son humeur, même dans les procédés de son esprit, il égalise trop toutes choses. […] Gibbon, j’ai tort ; je lui crois beaucoup d’esprit ; sa conversation est facile et forte de choses ; il me plaît beaucoup, d’autant plus qu’il ne m’embarrasse pas. […] Gibbon ; c’est véritablement un homme d’esprit ; tous les tons lui sont faciles ; il est aussi Français ici que MM. de Choiseul, de Beauvau, etc. […] Gibbon a ici le plus grand succès, on se l’arrache ; il se conduit fort bien, et sans avoir, je crois, autant d’esprit que feu M. 

550. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

C’est sous cette forme qu’elle a toute sa valeur, tout son esprit et son originalité. […] Elle avait l’esprit naturellement tourné à la morale. […] Si l’on croyait à la métempsychose, on penserait que l’esprit de Montaigne est venu animer Arsène. […] Leurs esprits se devinèrent, se prirent de goût l’un pour l’autre. […] Une fois faufilé dans le grand monde, et la Révolution aidant, avec de l’audace et de l’esprit il devint ce qu’on l’a vu.

551. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

Il faut tout dire : Catinat, à son âge et avec ses habitudes d’esprit, était peu propre à recommencer une telle guerre. […] On dira, à un moment, qu’il avait baissé ; il le donnera à entendre lui-même dans sa méfiance et son esprit de mortification ; ce n’était pas exact : son esprit n’avait pas baissé, mais son initiative, lente de tout temps, s’était ralentie encore. […] Catinat y porta le même esprit de réserve et de circonspection qui avait fini par ressembler à de l’abstention pure. […] Nous laissons à ceux qui ont plus de loisir que nous le soin de démêler le vrai du faux, là où un véritable esprit de critique n’a point encore passé. […] Il avait de l’esprit, un grand sens, une réflexion mûre ; il n’oublia jamais le peu qu’il était.

552. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

 » La réminiscence est, en un mot, un réveil fortuit de traces anciennes dont l’esprit n’a pas la conscience nette et distincte. […] Vatout était aussi un barbiste de ce temps-là, Vatout gai, vif, léger dans sa lourdeur, esprit frivole sous son enveloppe épaisse ; M.  […] Il s’y forme une sorte d’esprit public. […] Si l’on prétendait juger de l’esprit qui se dépensait à ces fameux dîners de l’Opposition par les notes qu’en rapporte M. Coulmann, on en prendrait une faible idée : ce menu d’esprit est un peu maigre.

553. (1890) L’avenir de la science « XIII »

On lira peu les auteurs de notre siècle ; mais, qu’ils s’en consolent, on en parlera beaucoup dans l’histoire de l’esprit humain. […] Prêcher la philosophie à certains savants, c’est se faire regarder comme un esprit léger et une pauvre tête. […] Chacune de ces études n’a de valeur que par sa place dans le tout et par ses relations avec la science de l’esprit humain. […] Bien loin donc que les travaux spéciaux soient le fait d’esprits peu philosophiques, ce sont les plus importants pour la vraie science et ceux qui supposent le meilleur esprit. […] Est-ce humilité d’esprit, est-ce amour des humbles choses pour elles-mêmes ?

554. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Vieux, devenu gros et replet, il eut une faiblesse de jambes dont il se traita d’abord assez mal ; il en résulta un affaiblissement même de l’esprit : Comme je fus longtemps privé de tout commerce, dit-il, le bruit se répandit que mon esprit n’était plus comme auparavant, et peut-être sur quelque fondement. […] Il était de cette famille d’esprits la plus opposée à celle des L’Hôpital et des Montausier. […] Mazarin distingua à temps Gourville dans les rangs des adversaires et résolut de l’employer ; il le reconnaissait pour avoir de l’esprit, et capable de servir le roi. […] Dans cette négociation, comme dans toutes, il met en avant de cette gaieté naturelle et de cet esprit de plaisanterie qui sert à couvrir les affaires sérieuses et qui les rend plus faciles. […] Car Gourville est un artiste en intrigue, il aime l’aventure pour l’aventure, puis il aime encore à la raconter à des gens d’esprit qui s’y connaissent.

555. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — III »

Or notre vie est une, nous le sentons ; qu’elle nous soit révélée par l’intelligence ou par la force, par la pensée ou par l’acte ; qu’elle se rencontre dans la fonction ou dans l’organe, sous l’aspect de l’esprit ou sous celui de la matière, elle est toujours une, comme le sentiment que nous en avons. […] L’amour, qui s’était développé en l’homme sous l’égide de la force victorieuse du mal, délaissa cette force qui se complaisait dans son triomphe incomplet, et se mit tout entier du côté de l’esprit. […] Cependant l’esprit, maudissant la chair et se plaçant hors du monde, proclamait la paix, la charité universelle, la communion des âmes et la règle d’un seul Dieu. […] Mais enfin, quand ce progrès exclusif et par conséquent incomplet de l’esprit eut touché à son terme, l’équilibre entre les deux aspects de la réalité se rétablit graduellement. […] Les préjugés pourtant survécurent, et les esprits les plus philosophiques ne s’en sont pas encore débarrassés.

556. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Sévigné » pp. 243-257

Le livre que voici est la révolte (ce n’est pas la revanche) d’un homme d’esprit, qui vit encore, contre l’ennui qui nous tue partout, même dans l’Histoire. […] La notion de l’esprit est maintenant fort gâtée. […] pour que la surprise y fût mieux, une ou deux fois il s’est risqué à être profond, et il l’a été, cet esprit capable de tout. […] On les trouvait jolis, scintillants, dardants, agaçants ; ils plaisaient à l’esprit ; mais ils ne disaient rien à l’âme ! […] Esprit français, tempérament français, gaîté française, génie de style, — intraduisible, tant il est français !

557. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

Elle n’existait pas pour le commun des esprits, qui a pourtant besoin de savoir quelque peu d’histoire. […] Mais l’ubiquité de la pensée diabolique est pour les sots autant que pour les gens qui ont le plus d’esprit, et les égalise dans une perversité de génie. […] Les esprits sains comme les esprits d’élite l’ont bien senti et des Critiques se sont levés de partout autour de ce terrible M.  […] Nous l’avons dit, c’est un esprit médiocre de forme et de fond. […] Le druidisme le voue à cette excentricité que les esprits, pour lesquels il écrit, détestent.

558. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

Elle prend le corps, le cœur, l’esprit, leur dresse un Thabor sous les pieds et les transfigure ! […] Nous chercherions, sans les trouver, son esprit, son âme, et ce parfum d’un corps, transfiguré comme son esprit et son âme, — ce parfum immortel qu’exhale encore ce qui nous reste d’elle, — nous affirment ceux qui l’ont respiré. […] On ne comprend plus, même le langage de Sainte Térèse, ce langage trop simple, trop raréfié, trop irrespirable pour l’épaisseur de nos esprits. […] Seulement, avant de terminer, nous voulons dire un mot d’un livre plus facile à comprendre pour les esprits positifs du siècle (positifs ! […] C’était une grande scrutatrice humaine, un esprit trempé et aiguisé pour découvrir.

559. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Th. Ribot. La Philosophie de Schopenhauer » pp. 281-296

Il y a de plus celui de l’esprit métaphysique. […] Jeu terrible, où l’esprit humain se fait lui-même échec et mat. […] Mais s’il engouffra la force de son cerveau, fait pour mieux que cela, dans le creux d’un système, il eut, du moins, la mousse des mots et le sel de l’esprit. […] On a vu Jean-Paul et Henri Heine, Henri Heine surtout, qui eût peloté avec Voltaire, et qui vaut, à lui seul, toute une génération de gens d’esprit ! […] Les mots même qu’il cite de Schopenhauer compromettent l’esprit qu’il lui accorde.

560. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Christophe »

L’orthodoxie, en effet, donne à la pensée une sûreté, une élévation sans vertige et sans trouble, plus nécessaire qu’ailleurs dans l’appréciation de l’esprit de l’Église et de son action, même humaine. […] La défense trop vantée de l’Esprit des lois n’a pas empêché ce livre célèbre de s’écrouler pan par pan, et de n’être plus maintenant qu’une ruine, comme le Colysée. […] L’histoire de l’Église est la seule, enfin, qui permettrait à l’esprit humain de se passer de toutes les autres histoires. […] Ce mal du temps infectait si cruellement les esprits, qu’il atteignait jusqu’aux plus robustes. […] L’esprit corporatif peut jouer de ces tours aux plus fermes esprits !

561. (1864) Études sur Shakespeare

La matière était là, attendant l’esprit et la vie. […] L’obscurité, l’agitation et le trouble ont régné dans les esprits comme dans les États. […] En un tel état du théâtre et des esprits, que pouvait être la comédie proprement dite ? […] Preuve singulière de la disposition générale de l’esprit de Shakespeare ! […] Qu’est-ce pour notre esprit que l’enchaînement des heures auprès de cet enchaînement des idées ?

562. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVI » pp. 100-108

Manuel mourant, feront celles de tout esprit délicat et fin dans les meilleures journées de loisir. […] A force d’esprit, en un mot, et de souplesse, Villemain aura toujours toutes les qualités qu’on lui contestera. Et pourtant… ce qu’il y a de plus naturel chez lui dans tout cela, c’est son esprit, c’est la beauté de sa parole. […] Ce sont trois grands esprits, trois merveilleux talents. […] Comme il s’est mis sur les rangs pour la députation sous le patronage de Laffitte et d’Arago, les Débats s’en sont égayés et ils ont bien fait ; ils l’ont fait de plus avec grand esprit.

563. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VI. De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité »

Il faut que les figures soient spontanées, qu’elles naissent dans l’esprit avec la pensée qu’elles revêtent, comme s’il n’y avait pas d’autres termes qui la pussent rendre. […] Où le travail de l’esprit fait éclore une métaphore, c’est qu’elle est plus propre en ce lieu que le mot propre : comment cela se peut-il faire ? […] Mais là est précisément le danger, et il ne suffit pas que les figures jaillissent spontanément de l’esprit, pour avoir ce caractère de nécessité que j’y réclame. […] Tout au plus a-t-on lié en eux le nom de chaque écrivain à une certaine impression vague et confuse : mais on ne leur a mis dans l’esprit aucune véritable connaissance. […] C’est de l’esprit gaspillé par ostentation.

564. (1903) Le problème de l’avenir latin

Il n’importe : dans l’esprit public, l’œuvre est accomplie. […] Par excès d’esprit on tend à se prouver inintelligent. […] C’est que l’« esprit », je le répète, est parfois le contraire de l’intelligence. […] Cela sous le prétexte d’orner l’esprit et de le « former ». […] Au sein de chacune des nations latines, il est des esprits d’avant-garde en opposition plus ou moins violente avec l’esprit de la collectivité.

565. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Le sujet a été plus fort que les ressources de son esprit. […] … au moins un jet de son esprit ? […] Eh bien, quelle est-elle, cette philosophie, dans l’esprit de Gœthe ? […] Elle ne l’aurait pas pu, avec son esprit de feu. […] Gœthe ne dit même pas l’influence qu’Herder exerça sur son esprit.

566. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Pourtant, pour qui sait lire, il y a de jolies choses comme partout avec lui, et des aperçus d’homme d’esprit qui font penser. […] Son Octave, jeune homme riche, blasé, ennuyé, d’un esprit supérieur, nous dit-on, mais capricieux, inapplicable et ne sachant que faire souffrir ceux dont il s’est fait aimer, ne réussit qu’à être odieux et impatientant pour le lecteur. […] La part de vérité de détail, qui peut y être mêlée, ne me fera jamais prendre ce monde-là pour autre chose que pour un monde de fantaisie, fabriqué tout autant qu’observé par un homme de beaucoup d’esprit qui fait, à sa manière, du marivaudage italien. […] Il a fort loué dans La Chartreuse le personnage du comte de Mosca, le ministre homme d’esprit d’un petit État despotique, et dans lequel il avait cru voir un portrait ressemblant du prince de Metternich : Beyle n’y avait jamais pensé. […] Il y a des époques d’artistes, il en est d’autres qui ne produisent que des gens d’esprit, d’infiniment d’esprit si vous voulez. » Beyle répondait à cette théorie désespérante dans une lettre insérée au Globe le 31 mars 1825 : Pour être artiste après les La Harpe, il faut un courage de fer.

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