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924. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Il remplissait de son importance l’État tout entier ; il effaçait le roi, la cour, la noblesse, le peuple. […] D’ailleurs, à l’exception de Voltaire, qui avait trop de muscles dans la pensée pour recourir à l’enflure, tout le dix-huitième siècle déclamait un peu : Diderot, Thomas, Buffon, Guibert, Raynal, Marmontel, la cour entière de philosophes et d’hommes de lettres groupés autour de M.  […] Les accents en étaient émus et rappelaient l’éloquence virile du grand orateur anglais Burke, qui avait fait frémir et pleurer l’Europe entière sur les outrages et la captivité de Marie-Antoinette. […] Le soir, les portes de la prison ne s’ouvrirent plus, et cet événement, dont le bruit remplissait alors le monde, retombe tout entier sur deux femmes solitaires et malheureuses, et qui n’étaient soutenues que par l’attente du même sort que leur frère et leur époux.

925. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Il embarqua sur la mer et il fit remonter par le Tibre jusqu’à Rome une telle quantité de blocs de marbre, que la place entière de Saint-Pierre, plus vaste alors qu’aujourd’hui avant la construction des colonnades, en fut couverte comme une carrière. […] XII Michel-Ange, revenu à Florence dans toute la force de ses années, de sa renommée, de sa faveur chez les Médicis et de son génie, s’y consacra tout entier à ses tombeaux de San Lorenzo. […] Sa seule volupté était de s’enfermer dans l’atelier mystérieux que le pape Jules II lui avait fait construire au milieu de ses blocs accumulés sur la rive du Tibre, ou d’errer, pendant des journées entières, dans la Campagne de Rome, parmi les tombeaux de la voie Appienne. […] Il est temps que mon âme, arrivée au bord de l’autre rivage, saigne des blessures d’un autre amour et se consume d’un feu plus éternel. » Le vieillard, toujours entier de génie à quatre-vingt-dix ans, restait comme un débris vénéré des règnes des quatre Médicis à Florence et de sept règnes de pontifes à Rome, comme pour surveiller la construction de l’édifice de Saint-Pierre, qu’il était seul capable parmi les hommes d’avoir conçu et de voir finir.

926. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

Si nous considérons d’abord cette première division, il est évident que c’est seulement des connaissances théoriques qu’il doit être question dans un cours de la nature de celui-ci ; car il ne s’agit point d’observer le système entier des notions humaines mais uniquement celui des conceptions fondamentales sur les divers ordres de phénomènes, qui fournissent une base solide à toutes nos autres combinaisons quelconques, et qui ne sont, à leur tour, fondées sur aucun système intellectuel antécédent. […] Ainsi, par exemple, non seulement l’étude spéciale de la terre, considérée sous tous les points de vue qu’elle peut présenter effectivement, exige la connaissance préalable de la physique et de la chimie, mais elle ne peut être faite convenablement, sans y introduire, d’une part, les connaissances astronomiques, et même, d’une autre part, les connaissances physiologiques ; en sorte qu’elle tient au système entier des sciences fondamentales. […] Le problème général de l’éducation intellectuelle consiste à faire parvenir, en peu d’années, un seul entendement, le plus souvent médiocre, au même point de développement qui a été atteint, dans une longue suite de siècles par un grand nombre de génies supérieurs appliquant successivement, pendant leur vie entière, toutes leurs forces à l’étude d’un même sujet. […] Chaque siècle ne compte qu’un bien petit nombre de penseurs capables, à l’époque de leur virilité., comme Bacon, Descartes et Leibnitz, de faire véritablement table rase pour reconstruire de fond en comble le système entier de leurs idées acquises.

927. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Ce fond historique, sur lequel on sera bien obligé de se prononcer quand on aura la pensée tout entière de l’auteur touchant les Origines de la France contemporaine n’est point en solution dans ce premier volume. […] Un seul l’avait aperçue, — un seul, qui n’était pas Français, avait vu à travers les décrets, les législations, les discours, la coupe réglée des échafauds, toute cette politique de la Révolution, qui la cache dans les histoires, la France tout entière dans le bas-fond où elle s’agitait, abominable et terrible ! […] Taine vient de nous donner la Bête humaine tout entière, et sur cette Bête, il n’y a pas moyen de penser autrement que lui ! […] Taine a cette originalité d’être écrit presque tout entier par la plume des autres.

928. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Le traité de Balzac devait embrasser la vie élégante tout entière, avec ses faces multiples et ses développements, et il n’en a touché que la première partie, mais d’une main si sûre, si juste, si habile, si raffinée, et, qu’on me permette le mot ! […] Rabelais n’est pas tout entier dans sa langue prodigieuse ! […] Je le souhaite vivement pour eux, pour nous, pour le monde entier, parce que le monde entier doit bénéficier de tout Balzac.

929. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Convenons qu’il doit y avoir une Providence divine, une intelligence législatrice du monde : grâce à elle, les passions des hommes livrés tout entiers à l’intérêt privé, qui les ferait vivre en bêtes féroces dans les solitudes, ces passions mêmes ont formé la hiérarchie civile, qui maintient la société humaine. […] Les traditions vulgaires doivent avoir quelques motifs publics de vérité, qui expliquent comment elles sont nées, et comment elles se sont conservées longtemps chez des peuples entiers. […] Les philosophes grecs précipitèrent la marche naturelle que devait suivre leur nation ; ils parurent dans la Grèce lorsqu’elle était encore toute barbare, et la firent passer immédiatement à la civilisation la plus raffinée ; en même temps les Grecs conservèrent entières leurs histoires fabuleuses, tant divines qu’héroïques. […] Ainsi les Égyptiens rapportaient au type du sage dans les choses de la vie sociale toutes les découvertes utiles ou nécessaires à la vie, et comme ils ne pouvaient atteindre cette abstraction, encore moins celle de sagesse sociale, ils personnifiaient le genre tout entier sous le nom d’Hermès Trismégiste.

930. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — I » pp. 93-106

Ne maudissons pas ceux à qui nous devons les commencements de l’égalité devant la loi, la première ébauche de l’ordre moderne qui nous a affranchis, nous et nos pères, et le tiers-état tout entier, de cette quantité de petits tyrans qui couvraient le sol, grands seigneurs ou hobereaux. […] Plongé dans les archives d’une seule province, il n’avait pas assez présent à l’esprit l’entier tableau de cet ancien régime dont il exagérait et dont il méconnaissait à la fois quelques derniers bienfaits ; car c’était un bienfait que ce qu’il y avait de régime moderne préexistant depuis cent soixante ans dans l’ancienne monarchie, mais ce n’était pas tout.

931. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Et le poëte, en cet instant, assailli de pensées, se met à comparer cette cloche, ainsi défigurée, mais puissante encore et entière de timbre, à son âme, à l’âme du poëte, qui d’abord sans tache, et sortie du baptême natal aussi vierge que la cloche de Schiller, a été bientôt souillée, hélas !  […] Il n’a pas vu que l’impression de tous serait qu’un objet respecté eût été mieux honoré et loué par une omission entière

932. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

Je vous supplie de ne me la pas donner si entière une autre fois, et de croire que, hors une volonté fort foible de m’attacher aux choses de mon devoir plutôt qu’à celles qui n’en sont pas, il n’y a rien en moi qui ne soit tout à fait misérable et qui ne soit digne de votre compassion bien plus que de votre estime. » C’est en ces termes voilés, mais significatifs pour nous, plus significatifs peut-être qu’ils ne l’étaient pour le bon abbé Favier, que Rancé donne les premiers signes de son repentir. […] C’est qu’en effet, à ne considérer que ce passage fatal, la perspective entière est retournée.

933. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

Hippolyte Babou Les Odes funambulesques, c’est vous trait pour trait, c’est vous tout entier, avec votre fougue savante et votre lyrisme excessif, avec vos gammes tournoyantes d’allégresse, avec cette double force native qui ne s’est révélée qu’à demi, je le crois, dans les Cariatides et dans les Odelettes… J’ai entendu dire un jour à quelqu’un, qui songeait sans doute au vers de Boileau : La rime est une esclave, et ne doit qu’obéir, que vous étiez le commandeur de la rime. […] Son esprit y descendrait tout entier.

934. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Sa tête a un aspect guerrier et dominateur, et tant par la ferme ampleur que par le développement des joues, indique les appétits d’un conducteur d’hommes qui se nourrit de science et de pensées, comme il eût mangé sa part des bœufs entiers au temps d’Achille, et qui, s’il n’est qu’un buveur dans la réalité matérielle, peut vider d’un trait le grand verre, pareil à la coupe d’Hercule, dans lequel […] Cela suffit à expliquer pourquoi les Poèmes antiques et les Poèmes barbares n’ont jamais obtenu de vogue parmi les lecteurs qui sont emprisonnés dans le domaine de la sensation, et pourquoi leur place est plus haute parmi ceux qui pensent ; si haute, que la poésie contemporaine en est dominée tout entière.

935. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Conclusion »

Il diffère donc, sous ce rapport, des psychologues précédemment étudiés, dont la doctrine est presque tout entière indigène. […] L’association est le fond de ces phénomènes, quoiqu’elle ne les explique pas tout entiers.

936. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

On eut l’entière liberté, mais avec ses rumeurs confuses, ses jugements contradictoires et toutes ses incertitudes. […] Ce qu’il faut de plus en plus à la France, appelée indistinctement à la vie de tribune et jetée tout entière sur la place publique, c’est une école de bonne langue, de belle et haute littérature, un organe permanent et pur de tradition.

937. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — IV »

Le monde objectif tout entier sort ainsi du fait confus de la sensation, enfanté par ce labeur d’artiste et de poète qui transforme en couleurs, en sons, en odeurs, en résistances et en contacts ce phénomène indistinct et solitaire. […] L’idée de ce qui est vivant attachée par les premiers observateurs à l’animal tout entier fut ensuite reléguée, dans la cellule.

938. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

Lorsqu’une question qui intéresse l’Europe, c’est-à-dire l’humanité entière, est obscure, si peu de lumière qu’on ait, on doit l’apporter. […] Dans cette situation, l’observateur, quel qu’il soit, pour peu qu’il se soit livré quelquefois à la publicité, doit, s’il veut conserver entière son indépendance de pensée et d’action, garder l’incognito comme s’il était quelque chose et l’anonyme comme s’il était quelqu’un.

939. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IX. La pensée est-elle un mouvement ? »

La science, disons-le, ne connaît pas de réponse à ces doutes et à ces questions, et là sera éternellement le point d’appui de la foi, car l’homme ne veut pas mourir tout entier ; peu lui importe même que son être métaphysique subsiste, s’il ne conserve, avec l’existence, le souvenir et l’amour. […] « L’âme peut être ainsi l’image du corps et de l’univers entier sans s’étendre au-delà du périmètre d’un point mathématique. » Nous objectons à cette explication (en la supposant même géométriquement exacte) que le point mathématique est une conception tout idéale, tandis que l’âme est une substance réelle.

940. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre IV. Littérature dramatique » pp. 202-220

Je suis l’esclave entière à ton service Et qui sera selon ta chair et qui sera selon ton âme ; Et mon âme et ma chair veulent ce que tu veux, Que tu daignes m’aimer saintement à genoux Ou traîner dans la boue l’or ingénu de mes cheveux ! […] Car il agit sur l’être humain tout entier : sens, âme, esprit ; et il agit par un exemple, par une action éloquente, aussi réelle et plus intense que la vie.

941. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 12, des masques des comédiens de l’antiquité » pp. 185-210

Nos yeux seuls sont capables d’enseigner distinctement tout ce qui se passe sur le visage, et pour user de cette expression, ils le font voir tout entier malgré le masque. […] Par exemple, comme les anciens ne nous ont pas laissé la description de l’interieur du colisée, les architectes doutent encore quelle étoit la distribution intérieure du troisiéme étage de cet amphithéatre, quoique les deux premiers étages intérieurs soient encore à peu près dans leur entier.

942. (1860) Ceci n’est pas un livre « Décentralisation et décentralisateurs » pp. 77-106

Il fut un temps où la France aussi était féodale, et tout entière — esprit de localité. […] C’est alors, c’est à partir de ce moment seulement que l’écrivain de génie peut demander et recevoir la gloire : Paris-centre a seul la voix assez puissante pour faire entendre au monde entier le nom qu’il lui crie.

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