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430. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

la royauté, ce n’est qu’un homme, qu’une famille tout au plus contre la nation entière ; nous le savons. […] Encore une fois, tout cela serait charmant et d’une singularité pleine de grâce dans un jeune et brillant militaire qui veut qu’on soit avant tout avec lui de la religion des braves ; mais, transposé dans l’ordre de la discussion politique et dans un système qui professait une entière liberté de presse, cela criait et jurait à chaque pas. […] Et restituant à la révolution de Juillet son sens général et unanime, la montrant indépendante des menées souterraines du carbonarisme, régulière, pour ainsi dire, et légale, et avouable en plein soleil, il ajoutait ces mémorables paroles, où un vrai patriotisme respire : Cette victoire est celle de la nation entière, et la nation qui n’a jamais conspiré, la nation qui croit ne s’être pas insurgée, mais avoir réprimé et puni l’insurrection du pouvoir, la nation, disons-nous, s’étonnerait et s’alarmerait de manifestations qui ne lui rappellent point des efforts et une gloire à elle, mais des dévouements particuliers à des affiliations politiques, et qui ne peuvent être appréciés à toute leur valeur que par ceux qui les ont vus de très près. […] Là seulement il est tout entier dans la voie de son tempérament.

431. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

C’est une de plus que pour Scudéry… La première représentation a été fort tumultueuse, comme on peut se l’imaginer, et si extraordinairement longue, qu’on n’est sorti du spectacle qu’à dix heures, quoiqu’il n’y eût pas de petite pièce ; car la comédie de Beaumarchais, remplit le spectacle entier, ce qui est même une sorte de nouveauté de plus. […] C’est une de plus que pour Scudéry… La première représentation a été fort tumultueuse, comme on peut se l’imaginer, et si extraordinairement longue, qu’on n’est sorti du spectacle qu’à dix heures, quoiqu’il n’y eût pas de petite pièce ; car la comédie de Beaumarchais, remplit le spectacle entier, ce qui est même une sorte de nouveauté de plus. […] Il y a des moments où il semble que la société tout entière réponde aux avis du docteur comme Figaro : « Ma foi ! […] Une telle pièce où la société entière était traduite en mascarade et en déshabillé comme dans un carnaval de Directoire ; où tout était pris à partie et retourné sens-dessus-dessous, le mariage, la maternité, la magistrature, la noblesse, toutes les choses de l’État ; où le maître-laquais tenait le dé d’un bout à l’autre, et où la licence servait d’auxiliaire à la politique, devenait un signal évident de révolution.

432. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Bernardin de Saint-Pierre, avec tous ses défauts de raisonnement et sa manie de systèmes, est profondément vrai comme peintre de la nature ; le premier de nos grands écrivains paysagistes, il est sorti de l’Europe, il a comme découvert la nature des Tropiques, et, dans le cadre d’une petite île, il l’a saisie et embrassée tout entière : là est son originalité après Buffon et Rousseau et avant Chateaubriand. […] Parlant quelque part des instincts variés des animaux et les assimilant à ces affections secrètes et innées qui sont réparties à chaque homme destiné à percer ou à souffrir : Notre vie entière, dit-il, n’en est pour chacun de nous que le développement. […] Sans quelques fruits, l’Europe n’aurait qu’à pleurer sur des trophées inutiles ; mais des peuples entiers vivent en Allemagne des pommes de terre venues de l’Amérique, et nos belles dames mangent des cerises qu’elles doivent à Lucullus. […] J’ai pensé qu’il ne serait pas sans intérêt de faire lire en entier deux lettres de M. 

433. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Des hommes peuvent parler une journée entière, et toute leur vie, sans proférer une phrase qui n’ait pas été dite. […] Que l’on se figure donc un atelier typographique où les casses, organismes géants, contiennent non pas des lettres, non pas des mots entiers, comme on l’a expérimenté, mais des phrases ; cela sera l’image de certains cerveaux : « A…, destiné à la noble carrière des armes, recevait une éducation virile, et se préparait à porter dignement le nom de son père […] Dès que le mot et l’image gardent dans le discours leur valeur concrète, il s’agit de littérature : la beauté n’est plus tout entière dans la raison, elle est aussi dans la musique. […] Figurons-nous la même langue parlée dans l’univers entier, — sauf dans la république d’Andorre.

434. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Il n’y a point d’ouvrage si accompli qui ne fondît tout entier au milieu de la critique, si son auteur voulait en croire tous les censeurs, qui ôtent chacun l’endroit qui leur plaît le moins. […] Les sots lisent un livre, et ne l’entendent point ; les esprits médiocres croient l’entendre parfaitement ; les grands esprits ne l’entendent quelquefois pas tout entier : ils trouvent obscur ce qui est obscur, comme ils trouvent clair ce qui est clair ; les beaux esprits veulent trouver obscur ce qui ne l’est point, et ne pas entendre ce qui est fort intelligible. […] Le sublime ne peint que la vérité, mais en un sujet noble, il la peint tout entière, dans sa cause et dans son effet ; il est l’expression, ou l’image la plus digne de cette vérité. […] L’on a cette incommodité à essuyer dans la lecture des livres faits par des gens de parti et de cabale, que l’on n’y voit pas toujours la vérité : les faits y sont déguisés, les raisons réciproques n’y sont point rapportées dans toute leur force, ni avec une entière exactitude ; et, ce qui use la plus longue patience, il faut lire un grand nombre de termes durs et injurieux que se disent des hommes graves, qui d’un point de doctrine, ou d’un fait contesté se font une querelle personnelle.

435. (1864) Études sur Shakespeare

Ce fut l’heureux sort de la Grèce que la nation tout entière grandit et se développa avec les lettres et les arts, toujours au niveau de leurs progrès et juge compétent de leur gloire. […] Et ainsi c’est le monde entier, c’est l’ensemble des réalités humaines que Shakespeare reproduit dans la tragédie, théâtre universel, à ses yeux, de la vie et de la vérité. […] C’est dans le développement de la haute fortune et de ses terribles vicissitudes que paraît l’homme tout entier, avec la richesse et dans l’énergie de sa nature. […] Le génie est tenu de suivre la nature humaine dans tous ses développements ; sa force consiste à trouver en lui-même de quoi satisfaire toujours le public tout entier. […] Il nous faut des tableaux où se renouvelle ce spectacle, où l’homme tout entier se montre et provoque toute notre sympathie.

436. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

« Tout homme — avait-il écrit dans ses Lettres persanes — est capable de faire du bien à un autre homme, mais c’est ressembler aux Dieux que de faire le bonheur d’une société entière !  […] Nous sommes donc à son égard dans une dépendance entière ; et par conséquent nous ne nous devenons intelligibles à nous-mêmes qu’autant que nous nous saisissons dans la complexité des rapports qui nous unissent à elle. […] Jamais émotion ne fut plus légitime, si jamais erreur judiciaire ne fut plus déplorable. « D’un bout de l’Europe à l’autre », c’est le cas de le dire, le scandale en retombe sur la magistrature entière, et voici que tout le système du droit criminel de France en est remis en question. […] Idéal commun de l’Europe entière pendant cent cinquante ans, le classicisme ne pouvait durer qu’autant que cette Europe elle-même ; mais cette Europe venant à se défaire, il ne se pouvait pas que le classicisme ne se déformât, ne se désorganisât, et ne disparût finalement avec elle. […] Disons mieux, et si l’on met à part quelques Correspondances de femmes, ou plutôt les seules Lettres de Mme de Sévigné, la Correspondance de Voltaire est un monument unique dans notre littérature ; et, de son œuvre entière, la partie la plus vivante.

437. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « AUGUSTE BARBIER, Il Pianto, poëme, 2e édition » pp. 235-242

C’est l’Italie tout entière, sa tristesse de servitude et de tombeau, l’imagnificence de ses peintures aux murailles des palais et des temples que rien autre de grand ne remplit, sa foi en ruine, ses mains aux fers, sa noble mamelle que l’oisiveté flétrit ou que souille l’étranger, — c’est tout ce spectacle, amèrement beau, qui a inspiré le poëte ; de la blessure qu’une telle vue lui a causée sont nés à l’instant et, pour ainsi dire, ont ruisselé ses vers. […] Barbier l’a embrassé dans son entier.

438. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

Lorsque Victorin fut mort, Auguste, atteint du coup, se renferma dans l’appartement de son frère, laissa croître sa barbe, ne sortit plus, ne permit plus qu’on enlevât la poussière des papiers et des meubles, désormais consacrés à ses yeux ; il mourut tout entier à ce deuil, et constatant sa pensée fixe dans un testament dont un récent procès est venu révéler les dispositions singulières. […] Elle reste pour nous un échantillon piquant du goût d’alors ; la péroraison est tout entière empruntée au monde d’Ossian, que Napoléon aimait, que Girodet traduisait aux yeux ; car Victorin Fabre croyait à Ossian, c’était là son romantisme à lui ; que voulez-vous ?

439. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

C’est à la spiritualité des idées chrétiennes, à la sombre vérité des idées philosophiques qu’il faut attribuer cet art de faire entrer, même dans la discussion d’un sujet particulier, des réflexions touchantes et générales, qui saisissent toutes les âmes, réveillent tous les souvenirs, et ramènent l’homme tout entier dans chaque intérêt de l’homme. […] Si quelques circonstances peuvent faire craindre qu’une condamnation soit injuste, qu’un innocent ait péri par le glaive des lois, les nations entières écoutent avec effroi les plaintes élevées contre un malheur irréparable.

440. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

La bonté recueille aussi toutes les véritables jouissances du sentiment ; mais elle diffère de lui par cet éminent caractère où se retrouve toujours le secret du bonheur ou du malheur de l’homme ; elle ne veut, elle n’attend rien des autres, et place sa félicité tout entière dans ce qu’elle éprouve. […] Voyez Almont, sa fortune est restreinte, mais jamais un être malheureux ne s’est adressé à lui sans que, dans cet instant, il ne se soit trouvé les moyens de venir à son aide, sans que, du moins, un secours momentané n’ait épargné à celui qui prie, le regret d’avoir imploré en vain ; il n’a point de crédit, mais on l’estime, mais son courage est connu ; il ne parle jamais que pour l’intérêt d’un autre ; il a toujours une ressource à présenter à l’infortune, et il fait plus pour elle que le ministre le plus puissant, parce qu’il y consacre sa pensée tout entière.

441. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

Au dehors, çà et là, sur la face de l’Europe, des peuples tout entiers qu’on assassine, qu’on déporte en masse ou qu’on met aux fers, l’Irlande dont on fait un cimetière, l’Italie dont on fait un bagne, la Sibérie qu’on peuple avec la Pologne ; partout d’ailleurs, dans les états même les plus paisibles, quelque chose de vermoulu qui se disloque, et, pour les oreilles attentives, le bruit sourd que font les révolutions, encore enfouies dans la sape, en poussant sous tous les royaumes de l’Europe leurs galeries souterraines, ramifications de la grande révolution centrale dont le cratère est Paris. […] Car la poésie ne s’adresse pas seulement au sujet de telle monarchie, au sénateur de telle oligarchie, au citoyen de telle république, au natif de telle nation ; elle s’adresse à l’homme, à l’homme tout entier.

442. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VIII. La mécanique cérébrale »

Dans la nouvelle modification il y aura quelque chose de la première, dans la troisième de la seconde, et ainsi de suite ; enfin, dans la modification dernière, la série entière des modifications antérieures sera, à certains égards, réalisée et vivante. […] L’observation semble démontrer que cette tendance se manifeste par une suite d’oscillations, en raison desquelles la série entière des modifications antérieurement éprouvées est parcourue en deux sens alternativement opposés.

443. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre premier. »

On le voit à travers un nuage ; cela est si vrai, que La Fontaine est obligé d’expliquer son idée toute entière, et de dire enfin : Et quant au canal, c’est celui Que chacun sait, le livre des Maximes. […] La morale est toute entière dans le récit du fait.

444. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 40, si le pouvoir de la peinture sur les hommes est plus grand que le pouvoir de la poësie » pp. 393-405

Quatre lignes tracées sur le papier concilieroient ce que des volumes entiers de commentaires, ne sçauroient accorder. […] Ainsi un poëme entier nous émeut plus qu’un tableau, bien qu’un tableau nous émouve plus qu’une scéne qui representeroit le même évenement, si cette scéne étoit détachée des autres, et si elle étoit luë sans que nous eussions rien vû de ce qui l’a précedée.

445. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

En fait, comme ils ne séparent pas l’idée de la sensation, comme ils ne distinguent pas le sensible de l’intelligible, ils considèrent le monde tout entier comme soumis aux mêmes procédés d’investigation ; les méthodes qui ont réussi dans l’étude du monde matériel sont aussi celles qui doivent être employées à connaître l’esprit, car il n’en existe pas d’autres. […] Tout en portant aussi loin que l’empirisme par le domaine de la science, tout en ouvrant le monde entier à la libre réflexion et en affirmant qu’il y a une explication possible des choses, il oppose une fin de non-recevoir aux explications sommaires et simples.

446. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Louandre »

Un pouvoir, si vigoureux et si intelligent qu’il soit, ne change pas tout à coup, même en France, où son action est plus irrésistible qu’ailleurs, l’âme tout entière d’une époque. […] C’était Chamfort, je crois, qui aurait voulu mettre la vie tout entière dans une cuiller à café pour l’avaler d’un seul trait et mieux en goûter la poignante sensation.

447. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre premier. De la louange et de l’amour de la gloire. »

On peut dire que par elle le génie s’étend, l’âme s’élève, l’homme tout entier multiplie ses forces ; et de là les travaux, les méditations sublimes, les idées du législateur, les veilles du grand écrivain ; de là le sang versé pour la patrie, et l’éloquence de l’orateur qui défend la liberté de sa nation. […] Ou il n’existe pas, ou il occupe l’âme tout entière.

448. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

nous habitions autrefois la belle ville de Corinthe ; maintenant l’île d’Ajax, Salamine, nous retient ; et de là, vainqueurs des vaisseaux phéniciens, des Perses et des Mèdes, nous avons préservé le sol sacré de la Grèce104. » Puis encore, et pour mieux expliquer cette présence des Grecs de Corinthe dans l’île de Salamine, c’est-à-dire la sépulture qui conservait sur ce rivage les restes d’une partie d’entre eux, Simonide disait avec une familière énergie : « Quand la Grèce entière se tenait sur la lame d’un couteau, au prix de nos vies, nous l’avons délivrée, nous ensevelis ici. […] Salamine garde nos ossements ; et notre patrie, Corinthe, pour prix de notre fidèle service, a élevé ce monument. » Ailleurs, sur la lyre du même poëte, c’est la Grèce entière qui est célébrée, soit dans la dédicace d’un temple à Jupiter Libérateur, soit dans l’éloge de la part que même les tyrans grecs de Sicile avaient prise à la lutte commune contre les barbares : « Depuis, dit le poëte, que la mer a séparé l’Europe de l’Asie, et que l’impétueux Mars excite les guerres des mortels, jamais il ne fut fait ici-bas par les hommes plus grand effort qu’aujourd’hui, et sur le continent et sur mer.

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