Vous ne pouvez absolument séparer votre cause de celle du comte d’Hunolstein, et je crois qu’il serait bon là-dessus, votre intérêt étant le même, de vous entendre. […] Ces deux textes mis à côté l’un de l’autre eussent été l’objet, assurément, d’un bien curieux examen : il n’a pas été donné au public — j’entends le public des amateurs et connaisseurs — de se livrer à cette comparaison73. […] Et puis cet examen des brouillons, de ce qui est censé de la main de la reine et des surcharges attribuées à Vermond, ne saurait se faire utilement que dans des conditions différentes, non point par portions congrues, non point par parcelles choisies, mais tout à fait cartes sur table et par-devant de vrais experts contradictoirement entendus.
Pourtant nous aimons à entendre des voix puissantes et graves nous le redire ; car, par moment, dans les fatigues de la marche, au milieu des inégalités du terrain, l’horizon échappe à nos yeux, et nous nous prenons à douter du but où notre ardeur aspire. […] L’occasion d’entendre sur ce sujet l’opinion de nos poètes est rare ; pour ceux que leur réputation a portés jusqu’ici à l’Académie, ç’a été presque toujours une affaire de tactique et de bon ton de ne pas se prononcer : leur discours de réception a ressemblé souvent à un discours du trône, vague et insignifiant à dessein. […] Poète de recueillement et de rêverie, on désirait savoir sa pensée encore ignorée sur cette renaissance poétique dans laquelle sa part est si grande ; on voulait entendre de quel ton il s’adresserait à ses devanciers, et comment il désignerait ceux qui le suivent.
Lorsque j’entends prononcer ce mot : lord Palmerston, ou que je lis les quatorze lettres qui le composent, il se forme en moi une image, celle du grand corps sec et solide, vêtu de noir, au sourire flegmatique, que j’ai vu au Parlement. De même, lorsque je lis ou j’entends ce mot Tuileries, j’imagine plus ou moins vaguement, en formes plus ou moins tronquées, un terrain plat, des parterres encadrés de grilles, des statues blanches, des têtes rondes de marronniers, la courbe et le panache d’un jet d’eau, et le reste. […] Ce mot ainsi réduit n’est point cependant un signe mort, qu’on ne comprend plus ; il est comme une souche dépouillée de tout son feuillage et de toutes ses branches, mais apte à les reproduire ; nous l’entendons au passage, et si prompt que soit ce passage ; il n’entre point en nous comme un inconnu, il ne nous choque pas comme un intrus ; dans sa longue association avec l’expérience de l’objet et avec l’imago de l’objet, il a contracté des affinités et des répugnances ; il nous traverse avec ce cortège de répugnances et d’affinités ; pour peu que nous l’arrêtions, l’image qui lui correspond commence à se reformer ; elle l’accompagne à l’état naissant ; même sans qu’elle se reforme, il agit comme elle.
La parole du maître ayant prodigieusement dépassé le cercle de son auditoire naturel, il a été très imparfaitement entendu ; et on l’a admiré ou haï tout de travers, et l’on a affreusement simplifié sa philosophie. Les béotiens l’ont trahi, quelquefois en l’aimant ; et, par béotiens, je n’entends pas seulement la foule, mais les gens du monde, les petits chroniqueurs et les faiseurs de revues de fin d’année. […] Ils l’ont aussi jugé sur des causeries improvisées à des banquets, sub rosâ, et où ce sage pliait par instants sa sagesse à une extrême indulgence pour les faiblesses ou la frivolité des personnes qui l’entendaient.
Perdons l’habitude de considérer comme stupide et comme ennemi quiconque n’entend pas et ne ressent pas le beau tout à fait comme nous, ce beau que, depuis vingt-quatre siècles, les philosophes ne sont pas parvenus à définir proprement. […] L’important, pour arriver à s’entendre, c’est de penser sincèrement tout cela, de n’être pas des hypocrites, d’être d’abord de braves gens, des hommes de bonne volonté. […] Remarquez que les positivistes même et les athées peuvent s’entendre sans trop de peine, pour la grande œuvre commune, non seulement avec les spiritualistes, mais avec les fidèles les plus fervents des religions confessionnelles.
Tout ceci est déjà bien amusant, mais le plus curieux c’est que ce bréviaire des « snobs » n’entend pas seulement inculquer les bonnes manières ; il veut aussi inculquer les bons principes. […] Il n’entend pas seulement vendre des recettes inédites de cuisine et de parfums. […] La pensée française, j’entends la pensée officielle — car l’autre, la vraie, continue à sourdre, mais couverte et méconnue — la pensée officielle, dis-je, stagne pour s’adapter au goût du jour et la moralité publique s’en ressent.
Voltaire a dit : « Pascal, fou sublime, né un siècle trop tôt. » On entend ce que signifie ce siècle trop tôt. […] Ils n’ont rien vu, ils n’entendent rien, ils n’ont pas même de quoi établir le néant auquel ils espèrent après cette vie, et ce misérable partage ne leur est pas assuré. » Et quels rapports moraux, politiques ou religieux se sont dérobés à Pascal ? […] Ceux d’entre eux qui sont sortis de l’ignorance naturelle, et n’ont pu arriver à l’autre, ont quelque teinture de cette science suffisante, et font les entendus.
La lumière d’où se fit entendre la voix qui disait : Saule, Saule, quid me persequeris ? […] Tout cela n’est ni mal entendu, ni mal ordonné. […] Je n’ai jamais entendu faire autant d’éloges d’aucun tableau de Van Loo, de Vernet, de Chardin que de ce maudit tableau de famille de Lépicié, ou d’un autre tableau de famille, plus maudit encore, de Voiriot ; ces indignes croûtes ont entraîné le suffrage public et j’avais les oreilles rompues des exclamations qu’elles excitaient.
La Bruyère était homme d’un seul goût, mais il savait que chacun se pique d’en avoir un qu’il croit bon, et c’est ce qu’il voulait faire entendre, quand il disait de son portrait de Ménalque : « Ceci est moins un caractère particulier qu’un recueil de faits, de distractions. […] Nos chicaneurs se déclarent « tout éblouis » de m’entendre dire que les beautés littéraires sont fixes. […] Un esprit droit entendrait ce qu’on veut lui dire.
Et cependant il y a eu deux livres — tous les deux de simples romans — qui ont fait entendre leur petit bruit de guimbarde à côté du vaste mugissement de la Vie de Jésus. […] Madame George Sand, dont le talent vieillit et prend des fanons de plus en plus tombants, a voulu — dans l’ordre des idées, bien entendu ! […] Madame Sand a fait le sien comme Feuillet ; seulement ce bruit, qui ne vient pas du mérite intrinsèque des œuvres, s’est promptement dissipé, et quoique nous ne soyons pas très loin du moment où il s’est produit, il semble qu’il y ait longtemps déjà qu’on ne l’entend plus !
Ils ne font rien entendre au-delà de ce qu’ils disent. […] Ils sont chantés à l’unisson, de manière queje n’ai pu en entendre un traître mot. […] Camille Mauclair, n’ayant entendu que les dernières phrases de son oraison. […] Qui sait s’il ne t’entendra point ? […] Le César moribond « a des oreilles pour ne pas entendre ».
Enfin, il jouissait d’une fortune aisée, telle qu’on l’entend parmi nous, et termina sa vie par la mort la plus brillante. […] J’aurai soin, au surplus, de m’assurer si tu as obéi. » « Le pâtre, ayant entendu, prit l’enfant et retourna avec lui dans sa rustique demeure. […] Lorsque Mitradate fut de retour, sa femme, qui avait presque perdu l’espoir de le revoir, s’empressa de lui demander par quel motif Harpagus l’avait envoyé chercher en si grande hâte. « Ô ma femme, répondit le pâtre, j’ai vu et entendu dans Ecbatane des choses qu’il eût été mieux pour moi de ne pas voir et de ne pas entendre. […] Les mages répondirent qu’ils l’avaient entendu en ce sens : « qu’il était dans la destinée que l’enfant devait régner un jour, si sa vie était épargnée, et s’il ne périssait pas en naissant. — Eh bien, dit Astyage, il vit ! […] C’est donc, ô roi, une lâche très-pénible pour moi d’avoir à dire encore des vérités qui blessent votre opinion ; cependant, veuillez m’entendre.
Car, au fond, la justification du réalisme, c’est que tout parle et que tout mérite d’être entendu : le difficile est de savoir entendre. Et le réel est loin d’être toujours entendu, contenu, exprimé surtout, dans un réalisme exagéré. […] L’artiste entend la nature à demi-mot ; ou plutôt c’est elle-même qui s’entend en lui. […] Le réalisme mal entendu rend le demitalent absolument intolérable. […] Un hurlement se fait entendre, vos joues sont couvertes de pleurs.
Nous ne pouvons entendre une marche funèbre sans nous représenter des images de deuil. […] Cela bien entendu n’est pas obligatoire. […] J’entends les chocs d’armure, les gémissements, les clameurs de la bataille. […] Mes personnages vont, viennent, discutent comme ils l’entendent ». […] Bouleversez comme vous l’entendrez toutes les règles de la prosodie, mais ne touchez pas au rythme.
La France m’a entendu et a été sauvée, moi perdu, et voilà tout. […] Nous ne voulions pas lui faire de mal, au contraire : mais il était étonné que quelqu’un vînt troubler la solitude de son nid depuis cinq ou six ans qu’on n’avait plus entendu le sabot de votre cheval. […] Nous étions déjà bien loin de sa maison, que nous l’entendions encore à travers les feuilles chanter un cantique de joie au Seigneur ! […] Nous ne la vîmes pas sans émotion, et nous nous mîmes à parler tout bas comme si vous nous aviez entendues. […] Puissent nos prières être entendues !
Cette poésie, j’essayais quelquefois de l’exprimer dans des vers ; mais ces vers, je n’avais personne à qui les faire entendre ; je me les lisais quelques jours à moi-même ; je trouvais avec étonnement, avec douleur, qu’ils ne ressemblaient pas à tous ceux que je lisais dans les recueils ou dans les volumes du jour. […] Ce sera aussi le dernier cri que le créateur entendra s’élever de son œuvre quand il la brisera. […] Elle se penchait de moment en moment vers cette étroite ouverture ; elle y chantait des choses entremêlées de sanglots, elle y collait ensuite l’oreille comme si elle eût entendu la réponse, puis elle se remettait à chanter en pleurant encore ! […] C’était un dimanche ; à deux cents pas de moi, derrière les murailles épaisses et hautes de Jérusalem, j’entendais sortir par bouffées de la noire coupole du couvent grec les échos éloignés et affaiblis de l’office des vêpres. […] Il y a un morceau de poésie nationale dans la Calabre, que j’ai entendu chanter souvent aux femmes d’Amalfi en revenant de la fontaine.
Il s’entend aux fortifications, à la théologie, à la poésie. […] Mais ce public définit la clarté par ce que son esprit entendait : et ces femmes, ces gentilshommes ne voulaient pas ou ne pouvaient pas entendre bien des choses, qui eussent bien mérité qu’on les leur fit entendre. […] Avec cela, les Italiens imposaient, parce qu’ils entendaient l’art ; épopée, comédie, histoire, de quelque genre qu’on parlât, ils faisaient autorité : ils écrivaient selon les règles. […] Ils n’entendent rien au genre qu’ils traitent, et en cela ils continuent Ronsard et annoncent Boileau. […] La raison en est facile à entendre : la vie pastorale, au sortir du xvie siècle, avait enchanté une génération fatiguée, qui aspirait au repos ; mais on eut bientôt assez du repos, quand les forces revinrent, avec elles la fièvre du mouvement et de l’action.
L’expression s’entend de la communication de la vérité, de l’art de la persuader aux autres, de leur en faire partager la possession. […] J’entends même ceux qui le sont de parti pris. […] J’entends par sa méthode, tout à la fois ce dessein de rechercher la vérité par les seules forces de la raison, et l’art de la communiquer. […] Et qu’entend-on par la nature dans l’ordre intellectuel, sinon ce qu’il y a de semblable et d’identique dans tous les hommes, c’est-à-dire la raison ? […] Qu’est-ce qu’on entend par une personne naturelle, sinon une personne dont tous les mouvements sont réglés, qui est vraie et judicieuse, qui parle et agit selon la vérité et la raison ?
Les rochers et les bois n’entendent nuit et jour Que de pauvres bergers qui se plaignent d’amour. […] L’homme de lettres de nos jours entend perpétuellement ces deux voix. […] Mais ce qui vaut surtout la peine d’être étudié en détail, c’est l’autre face de la question, j’entends la série des effets que leur position sociale produit sur la nature de leurs œuvres. […] On a entendu des chefs de maisons bien assises dire à des débutants : « Donnez-nous donc quelque chose d’épicé, de poivré ! […] Il est encore, et trop souvent avant tout, une affaire, une spéculation, un instrument entre les mains d’un richard désireux de s’enrichir encore ou d’une société anonyme qui entend placer ses fonds au taux le plus élevé possible.