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405. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

L’abbé Prévost On a comparé souvent l’impression mélancolique que produisent sur nous les bibliothèques, où sont entassés les travaux de tant de générations défuntes, à l’effet d’un cimetière peuplé de tombes. […] Si pourtant l’objet de notre étude ce jour-là, et en quelque sorte de notre dévotion, est un de ces morts fameux et si rares dont la parole remplit les temps, l’effet ne saurait être ce que nous disons ; l’autel alors nous apparaît trop lumineux ; il s’en échappe incessamment un puissant éclat qui chasse bien loin la langueur des regrets et ne rappelle que des idées de durée et de vie. […] Par l’effet d’une intrigue qu’il avait ignorée jusqu’au dernier moment, le bref ne fut pas fulminé, et sa position de déserteur devint tellement fausse qu’il n’y vit d’autre issue qu’une fuite en Hollande. […] Ce bon doyen de Killerine, passablement ridicule à la manière d’Abraham Adams, avec ses deux bosses, ses jambes crochues et sa verrue au front, tuteur cordial et embarrassé de ses frères et de sa jolie sœur, me fait l’effet d’une poule qui, par mégarde, a couvé de petits canards ; il est sans cesse occupé d’aller de Dublin à Paris pour ramener l’un ou l’autre qui s’écarte et se lance sur le grand étang du monde. […] Lenglet l’avait brutalement accusé de s’être laissé enlever par une belle : Prévost répondit que de tels enlèvements n’allaient qu’aux Médor et aux Renaud, et il exposa en manière de réfutation le portrait suivant, tracé de lui par lui-même : « Ce Médor, si chéri des belles, est un homme de trente-sept à trente-huit ans, qui porte sur son visage et dans son humeur les traces de ses anciens chagrins ; qui passe quelquefois des semaines entières dans son cabinet, et qui emploie tous les jours sept ou huit heures à l’étude ; qui cherche rarement les occasions de se réjouir ; qui résiste même à celles qui lui sont offertes, et qui préfère une heure d’entretien avec un ami de bon sens à tout ce qu’on appelle plaisirs du monde et passe-temps agréables : civil d’ailleurs, par l’effet d’une excellente éducation, mais peu galant ; d’une humeur douce, mais mélancolique ; sobre enfin et réglé dans sa conduite.

406. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Quant à ceux qui, ne croyant pas à la doctrine tâchaient néanmoins de vivre innocemment, il le leur interdisait ; car leur innocence, remarquait-il, eût été l’effet de l’élection de Dieu et n’étaient-ils pas hors de l’élection de Dieu, puisqu’ils ne croyaient pas à la doctrine ? […] Calvin en donna le premier modèle, et l’on a pu voir à ses effets pendant plus de soixante ans, et depuis lors à l’empreinte dont il a marqué tous ceux qui ont étudié Calvin, combien cet instrument a eu de puissance et comment il l’a tirée de sa parfaite conformité avec l’esprit français. […] L’esprit du radicalisme, dans les autres pays, paraît être l’effet du malaise de la société qui aigrit ceux qui en souffrent, et les emporte au-delà des bornes ; en France, ce n’est que l’esprit logique poussé jusqu’à l’absurde. […] Si Calvin n’avait pas l’excuse de la bonne foi, certes ce théologien bourreau qui allumait par le bras séculier le bûcher de Servet, qui de sa logique injurieuse tuait Gentilis à Berne, serait au-dessous de la haine et du mépris du genre humain ; Mais dans un homme de mœurs si austères, capable d’affections domestiques et d’amitiés durables, courageux, d’une si grande édification de son vivant et après sa mort, ce fut moins la cruauté que l’effet de cette superbe de la raison, par laquelle nous croyons avoir conquis l’impartialité des purs esprits, parce que nous avons dépouillé tout sentiment humain. […] Le premier traite de Dieu ; le second, de Jésus-Christ, médiateur ; le troisième, des effets de la médiation de Jésus-Christ ; le quatrième, de la forme extérieure de l’Église.

407. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

Dimanche 31 mars Déjeuner chez Flaubert avec Sari et Lagier, et conversation toute spéciale sur le théâtre… Ce n’est que depuis ce siècle que les acteurs cherchent en leurs silhouettes l’effet tableau : ainsi Paulin Ménier montrera au public des effets de dos pris aux dessins de Gavarni ; ainsi Rouvière apportera à la scène les poses tordues et les épilepsies de mains, des lithographies du Faust de Delacroix. […] Puis une trop belle syntaxe, une syntaxe à l’usage des vieux universitaires flegmatiques, une syntaxe d’oraison funèbre, sans une de ces audaces de tour, de ces sveltes élégances, de ces virevoltes nerveuses, dans lesquelles vibre la modernité du style contemporain… et encore des comparaisons non fondues dans la phrase, et toujours attachées par un comme, et qui me font l’effet de ces camélias faussement fleuris, et dont chaque bouton est accroché aux branches par une épingle… et toujours encore des phrases de gueuloir, et jamais d’harmonies en sourdine, accommodées à la douceur des choses qui se passent ou que les personnes se disent, etc. […] Ce ne sont qu’évêques dégingandés au pas saltateur de Dupré, grands prêtres de bacchanales, anges qui tiennent le saint-ciboire avec le geste d’un arc qu’un Amour détend, saints qui se renversent sur le crucifix avec des attitudes de violonistes, effets de lumière derrière les autels qui ressemblent à une gloire derrière une conque de Vénus : toute une religion descendue du Corrège, et que Noverre semble avoir réglée comme le plus délicieux opéra de Dieu ; — si bien qu’au son des flûtes, des bassons, de la musique la plus chatouillante, la plus enivrante, la plus ambrée, si l’on peut dire, on s’attend à voir un joli homme d’évêque, avec le geste sautillant d’un marquis tirer l’hostie d’une boîte d’or, et l’offrir comme une pastille ou une prise de tabac d’Espagne. […] En arrivant devant le Rembrandt, qu’on est convenu d’appeler La Ronde de nuit, j’ai retrouvé le même effet, je n’ai vu qu’un plein, un chaud, un vibrant rayon de soleil dans la toile.

408. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Le geste, à la vérité, n’est pas noble ; l’outrage est avilissant ; mais quand il en résulte, comme dans le Cid, un effet terrible, il est ennobli, il devient théâtral et tragique. […] Il ne faut pas être grand médecin pour prévoir l’effet que doit produire à la longue un pareil régime sur le corps social. […] C’est par l’effet du même vertige que les princes, les prélats et les grands seigneurs prônaient les livres des philosophes qui prêchaient l’irréligion, l’anarchie et l’égalité. […] Pourquoi la plupart des tragédies de Voltaire ne produisent-elles aujourd’hui aucun effet au théâtre ? […] Ce trouble est-il un effet dont la poésie puisse s’applaudir et s’honorer ?

409. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

L’effet produit par Athalie était un effet d’étonnement, et rien autre. […] Alors, l’effet est quelquefois très grand. […] Je crois que l’effet serait meilleur. […] C’est l’effet d’une douce et assez niaise satisfaction de soi-même. […] L’effet est extraordinaire.

410. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

La production de cette substance est une fonction indépendante de ces circonstances extérieures dont nous devons cependant établir les conditions physiologiques pour interpréter les variations qu’elles peuvent apporter à l’état pathologique, et les effets qui peuvent en résulter. […] Pendant la vie, il y a des conditions qui, ainsi que nous le verrons plus tard, empêchent de semblables effets de se produire à travers les membranes. […] Les reptiles et les poissons se distinguent des animaux à sang chaud par une résistance beaucoup plus considérable aux effets de l’abstinence et par une disparition plus lente du sucre dans le foie. […] Mais cette surexcitation a ses limites, et si l’on pousse la température à 50 ou 60 degrés, l’excitation générale fait place à un effet opposé ; le sucre disparaît, et l’animal meurt au bout d’une heure à une heure et demie, sans en présenter la moindre trace dans le tissu hépatique. […] On produira un effet analogue en retirant une grande quantité de sang dans une artère.

411. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

De ce vers qui n’était plus qu’un mécanisme, une simple loi de combinaison des mots pour produire, avec des difficultés en plus, les mêmes effets qu’on cherchait dans la prose, de ce vers atone, les romantiques ont fait une volupté de l’oreille. […] Jamais les romantiques n’abusèrent de ce vers : ils le mêlèrent discrètement à l’alexandrin classique, pour le diversifier ; ils le ménagèrent précisément en raison des effets qu’on en peut tirer. […] Le rythme ternaire est rare ; la dislocation, l’enjambement sont des effets exceptionnels. […] Il y retrouvait un autre principe directeur et consolateur, qu’il énonçait dès ses premiers essais : l’amour, ayant pour essence la pitié, pour effet le sacrifice. […] Il obtient de saisissants effets de contraste par l’irréalité fantastique du sujet général et par la trivialité réaliste de certains détails.

412. (1875) Premiers lundis. Tome III «  Chateaubriand »

Qu’il y ait eu de l’arrangement et de la symétrie jusque dans le désordonné des peintures ; que les paysages soient tout composites, et ne se retrouvent nulle part, avec tout cet assemblage imaginatif, dans la nature même et dans la réalité ; qu’à côté de ces impossibilités d’histoire naturelle, il y ait des anachronismes non moins visibles dans les sentiments ; qu’il y ait des effets forcés et voulus ; que, sous prétexte d’innovation, l’auteur moderne ait sans cesse des réminiscences de l’Antiquité ; qu’il parodie souvent Homère et Théocrite en les déguisant à la sauvage, tout cela est vrai ; et il est vrai encore que les caractères de ses deux personnages principaux ne sont pas consistants et qu’ils assemblent des qualités contraires, inconciliables, tenant à des âges de civilisation très différents. […] Tel est l’effet magique de ces petits chefs-d’œuvre venus à leur moment : ils sont comme un miroir où chacun se reconnaît et apprend, pour ainsi dire, à se nommer ; on se fût cherché sans cela vaguement, bien longtemps encore, sans se bien comprendre ; mais voilà qu’on se regarde à l’improviste dans un autre, dans le grand artiste de la génération dont on est, et l’on s’écrie tout à coup : C’est moi, c’est bien moi !

413. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Un grand voyageur de commerce »

Stanley vient de publier en dix langues sous ce titre à effet : Dans les Ténèbres de l’Afrique. […] C’est un échauffement factice de reporter à demi lettré qui s’évertue à « chercher l’effet ».

414. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La réforme prosodique » pp. 120-128

Sans s’embarrasser d’une barrière inutile, il donna au vers ternaire le droit de cité : Il a vaincu — la Femme belle — au cœur subtil… Néoptolème — âme charmante — et chaste tête… Et sur mon cœur — qu’il pénétrait — plein de pitié… Ces braves gens — que le Journal — rend un peu sots… Quoi que j’en aie — et que je rie — ou que je pleure… Rien de meilleur — à respirer — que votre odeur… Pour supporter — tant de douleur — démesurée… Pour, disais-tu, —  les encadrer — bien gentiment… Cette coupe nouvelle de vers, d’où l’on allait tirer des effets si imprévus, offrait toutes les garanties d’une réforme née viable, puisqu’elle était l’épanouissement naturel d’une idée lentement mûrie et qu’elle avait subi le contrôle à la fois du Génie et du Temps. […] … Essayez de les déclamer et vous verrez que vous éprouverez tous les effets de l’hiatus, puisque la liaison écrite se fond dans la prononciation.

415. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Composés dans un dessein secret, particulier, leur effet seul les trahissait. […] A la fin, pressé par les prélats, il céda, soit triomphe de la vérité chrétienne, soit effet d’un changement de fortune qui l’avait rendu ou indifférent ou plus facile sur des choses de pure spéculation. […] N’est-ce point par les effets que se jugent les doctrines ? […] Bossuet avait donc bien raison de se déclarer ouvertement contre la doctrine du pur amour, et de la condamner pour les effets mêmes que, de l’aveu de Fénelon, elle produisait chez certaines personnes. […] Comment Bossuet est le défenseur de la tradition, et Fénelon celui du sens individuel. — Effets de la victoire de Bossuet en ce qui regarde l’esprit français et la langue.

416. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

De là la médiocrité — pour ne pas dire plus — de la plupart des pièces ; ce qui guide avant tout l’auteur, c’est le désir patent, que, dans sa pièce, le grand acteur à qui il la destine rencontre tout ce qui peut lui plaire, c’est-à-dire tout ce qui peut lui offrir des effets faciles et bien dans sa nature, flatter ses goûts personnels, même ses manies. […] Au théâtre, tout est en trompe-l’œil et en fausse esthétique ; c’est un métier à ficelles, à gros effets, où tout ce qui est finesse d’esprit, subtilité de verbe, délicatesse de pensée, ne peut franchir la rampe ; une pensée de Chamfort tomberait dans le vide, un vers de Baudelaire serait sans effet. […] L’auteur dramatique charpente, assemble, groupe ; il s’efforce de faire vivre, par effets de mise en scène, une action, d’exprimer par des synthèses expressives des caractères d’humanité, de tirer des effets compliqués de certains conflits personnels, presque toujours les mêmes. […] Soit effet de la publicité intensive, soit éblouissement devant les bilans de recettes, soit penchant naturel vers ce que l’on comprend mieux, il est évident qu’aujourd’hui, pour la masse moyenne, le théâtre constitue « la branche » la plus haute de l’arbre littéraire.

417. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Au total, malgré de nombreux vices d’exécution et une débilité de style qui contraste trop souvent avec la hardiesse des idées, Voltaire a dû produire tout l’effet qu’il a produit, et il est impossible de ne pas reconnaître qu’il a étendu, sinon agrandi notre scène tragique, et qu’il a passionné encore le dialogue et les situations ; enfin il a ouvert une source nouvelle et abondante de pathétique, et on lui doit de fortes et nobles émotions qu’on n’avait pais éprouvées au même degré avant lui. […] Chez tous les peuples, les arts, à certaines époques, changent de formes et de moyens, quoique leur but et leurs effets soient toujours les mêmes. […] Ils font l’effet de ces latinistes qui sont tout déconcertés quand on les sort de l’Hexamètre de Virgile ou du Pentamètre d’Ovide. […] Certains beaux vers sont plus difficiles à réciter que certains autres, mais qu’une voix habile vous les lise, et vous serez surpris d’y trouver des grâces et des effets que vous chercheriez en vain dans des vers en apparence plus mélodieux. […] Lorsqu’après une page de narration écrite en vers si faussement nommés prosaïques, se trouve une suite de beaux vers d’inspiration, pleins et cadencés, comme ceux de l’ancienne école ; ils se détachent avec bien plus de grâce et de noblesse, et l’effet en est bien plus puissant.

418. (1888) Poètes et romanciers

C’est l’ordinaire effet de l’imagination. […] Ici, tout a son effet prévu, tout va au but. […] Quand on produit de pareils effets sur un peuple, on en est le maître ; les sages n’y peuvent rien. […] Le bel effet littéraire ! […] Elles ont produit leur effet, elles ont fait leur temps.

419. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Catherine de Médicis y est peinte dans sa dissimulation et ses entrecroisements d’artifices où souvent elle se prend elle-même, ambitieuse du souverain pouvoir sans en avoir la force ni le génie, et tâchant d’y atteindre par ruse ; usant à cet effet, comme nous dirions aujourd’hui, d’un système continuel de bascule, « réveillant et élevant tantôt cette faction, et tantôt endormant ou rabaissant celle-là ; s’unissant quelquefois avec la plus faible par prudence, de peur que la plus forte ne l’accable, quelquefois avec la plus forte par nécessité, et parfois se tenant neutre quand elle se sent assez puissante pour leur commander à toutes deux, mais n’ayant jamais intention de les éteindre tout à fait ». […] Il voulait que pour assurer une bonne paix, stable et de longue durée, on allât jusqu’aux racines qui reproduisaient sans cesse les discordes et les troubles ; que, pour cet effet, on accordât un concile national, etc. ; qu’on assemblât les États généraux de deux en deux ans, etc. » Dans toutes ces parties de son Histoire, l’opinion et les préférences personnelles de Mézeray percent assez : pourtant il n’y met pas de système ; il s’accommodera fort bien que, sous Henri IV, on arrive au bien public sans toutes ces machines qui sont à double fin en temps de passion, et qui ne sont parfaites que dans l’esprit des vertueux. […] Mézeray, nous racontant la Saint-Barthélemy et le contrecoup de cette nuit sanglante dans les provinces, me fait l’effet d’un historien qui raconterait les massacres de Septembre après en avoir recueilli toutes les circonstances dans les auteurs originaux et de la bouche de quelques témoins survivants : un historien qui déroulerait aujourd’hui, comme il le fait, la longue traînée de forfaits qui s’alluma à ce signal dans les provinces, la bande de massacreurs en bonnets rouges à Bordeaux, les massacres des prisons à Rouen en dépit du gouverneur, « si bien qu’il y fut assommé, tué ou étranglé six ou sept cents personnes qu’ils appelaient par rôle les uns après les autres », les scènes de Lyon qui surpassèrent tout le reste en horreur, arquebusades, noyades dans le Rhône, le tout par le commandement de Pierre d’Auxerre, homme perdu de débauche, arrivé tout exprès de Paris, le Collot d’Herbois de ce temps-là ; — un historien qui écrirait, de nos jours, ces mêmes pages de Mézeray, paraîtrait avoir voulu faire des allusions aux personnages et aux événements de la Révolution française : et c’est en cela que le récit de Mézeray me paraît préférable à tous autres et d’un intérêt inappréciable, en ce que l’historien, encore à portée de ces temps, a résumé dans son propre courant tous les narrateurs originaux du xvie  siècle, et qu’en nous rendant naïvement les faits et les impressions qu’ils excitent, il nous en fait sentir l’expérience toute vive, sans soupçon de complication ni de mélange. […] On sait la célèbre réponse du premier président Achille de Harlay au duc de Guise, qui lui vient demander son concours dès le soir même du triomphe des Barricades : « C’est grand pitié quand le valet chasse le maître, etc. » Faisant quelque mention de cette réponse, Mézeray ajoute : Toutefois ceux-là sont plus croyables qui racontent que ce sage magistrat, usant d’un procédé plus convenable à un temps si dangereux, écouta patiemment ses excuses et les offres qu’il lui fit pour le maintien de la justice, le remercia de la bonne intention qu’il lui témoignait de ne s’éloigner jamais du service du roi, et l’exhorta de la confirmer par de bons effets, afin de rejeter tout le blâme de cette journée sur le front de ses ennemis.

420. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Il avait coutume de dire que la politique intervenant tout à coup dans une conversation agréable et désintéressée, ou dans une œuvre littéraire, « lui faisait l’effet d’un coup de pistolet dans un concert ». […] Par exemple, sur la route de Langres à Dijon, il rencontre une petite colline couverte de bois qui, vu le paysage d’alentour, est d’un grand effet et enchante le regard : « Quel effet, se dit Beyle, ne ferait pas ici le mont Ventoux ou la moindre des montagnes méprisées dans les environs de la fontaine de Vaucluse !  […] Au sortir de cette lecture, j’ai besoin de relire quelque roman tout simple et tout uni, d’une bonne et large nature humaine, où les tantes ne soient pas éprises de leurs neveux, où les coadjuteurs ne soient pas aussi libertins et aussi hypocrites que Retz pouvait l’être dans sa jeunesse, et beaucoup moins spirituels ; où l’empoisonnement, la tromperie, les lettres anonymes, toutes les noirceurs, ne soient pas les moyens ordinaires et acceptés comme indifférents ; où, sous prétexte d’être simple et de fuir l’effet, on ne me jette pas dans des complications incroyables et dans mille dédales plus effrayants et plus tortueux que ceux de l’antique Crète.

421. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Mais ces données serviront à mettre en lumière des sentiments de l’âme humaine, des effets de mécanique et de chimie morales, qu’on aurait beaucoup plus de peine à observer dans les conditions fortuites et communes de la vie. […] Il l’avait employé à former le cadre de la peinture des mœurs ou des caractères ; ou bien il en avait recherché les effets plaisants et ridicules ; ou bien il l’avait fait servir à provoquer des manifestations de l’humeur intime. […] Si le Glorieux (1772) se laisse lire encore, c’est que l’auteur, ayant renoncé à faire rire et cherchant un point d’appui pour fonder l’intérêt, s’est décidé à orienter tout à fait la comédie vers les effets sentimentaux et pathétiques. […] Destouches, qui avait fait le Glorieux, protesta que le rire était l’effet unique et nécessaire de la comédie.

422. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Quand elle entre dans le bal où elle va chercher son ennemi, les hommes chuchotent, les femmes se voilent de leurs éventails : l’entrée de la grande Courtisane de l’Apocalypse, montée sur son dragon à sept têtes, ne produirait pas un effet pareil. […] C’est pour lui qu’il va se déguiser en Chouan, et sonner la charge dans le régiment de voltigeurs du marquis d’Auberive. « Il veut être un fumier pour y faire pousser un lis. » Cette confession du vieux bohème est d’un effet poignant : elle arrache la sympathie, elle fait violence au dégoût. […] On ne pouvait obtenir un plus grand effet par un plus simple moyen. […] J’admets cette palinodie, pleine de gaieté et d’effets comiques, mais je n’admets pas que Maxime s’en fasse le complice.

423. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

Il ne seroit pas moins témeraire de décider la question sur ce que nos tableaux ne font point ces effets prodigieux que les tableaux des anciens peintres ont fait quelquefois : suivant les apparences, les récits des écrivains qui nous racontent ces effets sont exagerez, et nous ne sçavons pas même ce qu’il en faudroit rabattre pour les réduire à l’exacte verité. […] Sçavons-nous d’ailleurs quel effet auroient produit sur des hommes aussi sensibles et aussi disposez à se passionner que l’étoient les compatriotes des anciens peintres de la Grece, plusieurs tableaux de Raphaël, de Rubens et d’Annibal Carrache ? […] Les touches de la nopce Aldobrandine qui sont très-heurtées, et qui paroissent même grossieres quand elles sont vuës de près, font un effet merveilleux quand on regarde ce tableau à la distance de vingt pas.

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