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460. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Mais aujourd’hui que ces jeunes gens introduisent dans la littérature des procédés dignes tout au plus de Basile, notre devoir impérieux est de protester au nom de la dignité de l’Art et de l’amitié qui lie plusieurs d’entre nous. […] Je trouve plus utile d’employer mon temps à leur prouver, par des ouvrages, que je suis digne de leurs injures, Permettez-moi néanmoins de répondre à M.  […] Existe-t-il un poète, vraiment digne de ce nom, qui ne soit ému devant la majesté du soleil couchant sur la mer ? […] Camille Lemonnier, compte désormais une littérature, et les cadets seront dignes de leurs aînés. […] Les mœurs électorales et le suffrage, — serait-il restreint, — sont peu dignes, je l’avoue, de la gent poétique.

461. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

J’ai voulu citer cette expression fidèle d’un regret d’amateur, parce qu’elle se rattache à un sentiment plus général, à celui que porte tout antiquaire et tout ami des souvenirs dans l’objet favori de son culte, dans ce coin réservé du passé où l’on a mis son étude, son investigation sympathique et pieuse, une part de son imagination et de son cœur, et où l’on ne voudrait appeler que ceux qui sont dignes d’en tout apprécier et comprendre. […] Et il définit cette vertu idéale à laquelle il faut tendre ; il n’ose se croire digne encore de l’atteindre, mais du moins il la recherche, il la poursuit, et partout où il lui est donné de la contempler, il l’aime et l’admire. […] Mme de Lambert estime que ce sentiment, qui n’est souvent qu’un essai et un doux refus d’amour se terminant en amitié, quand il a lieu entre personnes vertueuses et dignes de le partager, est de toutes les sortes d’affections celle qui a le plus de charme : Il est sûr que de toutes les unions, dit-elle, c’est la plus délicieuse.

462. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Il est dommage que cette date circonstanciée, qu’il note avec complaisance, ne se rattache pas à une œuvre plus digne de souvenir. […] Il me suffit de dénoncer ce côté chimérique et personnel, qui se mêle à d’autres idées élevées et vraiment dignes de n’y être pas compromises. […] Il mourut subitement dans le joli pays d’Aulnay, chez son ami le sénateur Lenoir-Laroche, le 13 octobre 1803. — Dans ce souvenir rapide que je viens de lui consacrer et dont j’ai cru qu’il était digne, je ne vais point jusqu’à conseiller de relire aucun ouvrage de lui : « Ceux qui ont de l’âme, disait-il, prêtent à mes ouvrages ce qui leur manque : ceux qui ne les lisent point avec leur âme leur refusent même ce qu’ils ont. » S’il disait cela en son temps et à l’heure de la publication, que sera-ce à plus de cinquante ans de distance ?

463. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

Mais parmi la centaine de portraits de tout genre tracés ou esquissés par MM. de Goncourt dans ce volume si plein, il en est un d’un caractère plus sérieux, plus digne, et qu’ils ont très-bien senti, celui de la femme qui peut-être résume le plus complètement en elle l’esprit et le ton du xviiie  siècle classique, dans tout ce qui tient à l’ancien régime et qui périt avec cette société, à la veille de 89 : je veux parler de la maréchale de Luxembourg, cet arbitre souverain de l’usage et de la politesse, cette Mme de Maintenon, moins prude et moins confinée à son cercle que l’autre fée, mais qui, comme elle, tient la baguette et marque nettement la fin d’une époque. Nous allons essayer, après tant d’autres, de repasser, nous aussi, sur les traits de ce caractère et de cette figure digne de mémoire et qui mérite la gravure. […] et de longs soupirs ridicules, mais celle que les délicats, les voluptueux, les prince de Ligne, les Saint-Évremont de tous les temps, ceux qui y ont vécu ou qui étaient dignes d’y vivre ont goûtée, ont décrite, ont vainement essayé de retrouver après l’avoir perdue, j’aurais voulu, moi aussi, te traverser et te connaître, mais non pas me renfermer en toi et y mourir !

464. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Le comte lui-même déclare Rodrigue bien digne d’être son gendre, en le voyant si prompt à renoncer à l’être. […] Il plaide ici pour le duel, pour la réparation à la pointe des armes, la seule digne d’un guerrier. […] Quand il a fini, elle plaide au long contre lui devant lui-même : « Je ne t’accuse point, je pleure mes malheurs… Je me dois, par ta mort, montrer digne de toi… » Lui-même il accepte son arrêt, il se met à genoux et lui tend la tête.

465. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

. — Dans la Réponse qu’il fit à la dénonciation venue de Brest en mai 1795, et où on l’accusait d’en avoir imposé à la France dans son Rapport sur le combat du 13 prairial, Jean-Bon n’opposait sur ce point que deux mots dignes et nets qui sentent l’homme vrai, sûr de lui-même ; on ne devrait pas omettre non plus cette partie de la Réponse dans les pièces du procès. — Le petit recueil que nous réclamons, avec un résumé sensé et simple, sans exagération ni faveur, aurait pour avantage, toutes dépositions entendues, de clore le débat sur une question déjà bien avancée ; le fait de la glorieuse bataille du 1er juin et de la part honorable qu’y prit Jean-Bon se présenterait désormais aussi entouré d’explications et aussi appuyé de témoignages qu’un fait de guerre peut l’être32. […] La difficulté d’y trouver un maire tient à plusieurs causes : d’abord à ce qu’ici comme partout ailleurs les anciens fonctionnaires capables d’administrer ont passé en Allemagne, à la suite de la conquête ; — en second lieu, parce que Worms est une ville de plaisir, où, hors les affaires personnelles de commerce ou de propriété, on se soucie fort peu de se donner d’autres occupations ; — en troisième lieu, parce que les idées et même les prétentions de l’ancienne ville libre et impériale y existent encore, avec plus ou moins de force, dans l’esprit et le cœur de ses habitants ; — 4°, parce que les soins d’un maire sur cette frontière sont pénibles et même dispendieux pour un homme qui a de l’honnêteté, et qui pourtant a un peu de cette avarice, laquelle est aussi un des principaux traits du caractère des habitants… » À Spire, c’était bien pis ; en 1813, le maire qu’on avait cru bon était décidément hostile à la France ; ses sentiments équivoques commencèrent à se démasquer avec nos revers : « Un reste de pudeur, écrivait Jean-Bon (28 mars 1843), lui fait sans doute garder encore une sorte de réserve, mais seulement ce qu’il en faut pour ne pouvoir pas être convaincu légalement de son aversion pour le gouvernement qui l’a cru digne de sa confiance. […] La maladie de ce digne magistrat affecte on ne peut pas plus péniblement tous ses administrés, qui le chérissent comme un père et oublient un moment leurs propres malheurs dans la crainte de perdre un préfet qui s’est tout entier consacré au bonheur du département… » Jean-Bon Saint-André rendit le dernier soupir le 10 décembre 1813.

466. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Camille Rousset nous l’a appris), une combinaison stratégique digne d’un grand capitaine : c’était de concerter une double invasion des troupes françaises en Piémont, Catinat y entrant de front par Pignerol et Suse, et une autre armée arrivant par la Savoie, pénétrant par le petit Saint-Bernard, la vallée d’Aoste, et prenant à revers et à dos l’armée ennemie pour venir rejoindre sur ses débris l’armée principale. […] Les embarras dont Catinat s’ouvre à son frère sur la manière de répondre aux compliments qui lui pleuvent en foule et de varier le thème selon les rangs et les convenances, font sourire et nous initient aux mœurs de cette digne et honnête bourgeoisie, non gâtée par les honneurs : « Je suis accablé de réponses à faire à tous les compliments dont petits et grands m’honorent. […] Catinat, sourd à tout, ne pensait qu’à justifier la confiance du roi, à se rendre digne de son nouvel honneur, et dès que le duc fut remis de sa maladie et que les hostilités recommencèrent, il se vit avec peine réduit d’abord à l’immobilité, à une défensive presque inerte ; il dut se résigner à voir Pignerol investi et se retirer du poste de La Pérouse qu’il jugea intenable.

467. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Un des dignes amis, témoins de ses derniers instants, écrivait à un autre ami peu de jours après sa mort : « Je ne sais si vous avez connaissance d’un fait bien remarquable qui a empreint d’un sceau de douleur l’un des derniers jours que Manuel a passés en ce monde. […] On peut remarquer, comme un fait moral assez naturel et digne de la race d’Adam, que le Mal qu’on a dit des Femmes a eu jusqu’à six éditions à 3,000 exemplaires, tandis que le Bien qu’on a dit d’elles n’en a eu que quatre à grand-peine. […] — Est-ce que la vie errante, entraînée, fragile, nécessiteuse, besogneuse, peu digne et cependant toujours pardonnée, de l’abbé Prévost, ne me dispose pas à mieux sentir son passionné chef-d’œuvre et à l’absoudre même, si quelque scrupule me venait par endroits en le lisant ?

468. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Capefigue à l’occasion de certains passages de son Histoire d’Europe sous l’Empire, Jomini a résumé en termes élégants et dignes la substance des précédents opuscules (février 1841) ; mais les curieux et ceux qui aiment les traits pris sur le vif ne sont point dispensés de les lire. […] Il a souvent le ton digne, élevé, et par instants la nuance ingénieuse. […] L’une de ses filles, mariée en France à un officier supérieur du génie71, le rattachait à nous, et d’autre part il était fier d’un fils digne de lui dans sa diversité de mérite, et qui remplit depuis plusieurs années un poste élevé au département des affaires étrangères à Saint-Pétersbourg.

469. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Ce qu’il en est sorti de productions nouvelles, marquées au coin d’un nouveau grand siècle, et dignes de prendre rang dans le trésor humain à la suite et à côté des premières reliques de l’antique héritage, je n’ai pas à le rappeler, les œuvres parlent : cette tradition-là est d’hier, et la mémoire en est vivante. […] Être humaniste, c’était se borner à lire les Anciens, et, entre les modernes, ceux qui paraissaient dignes, par endroits, de s’appareiller aux Anciens ; c’était les comprendre, s’en pénétrer, les posséder, et en être venu, dans cette familiarité de chaque heure, à y découvrir chaque fois de nouvelles délicatesses, de nouvelles beautés. […] Ce chapitre n’est pas digne des précédents.

470. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

XIII « Une intention droite au commencement ; un dévouement volontaire au peuple représentant à ses yeux la portion opprimée de l’humanité ; un attrait passionné pour une révolution qui devait rendre la liberté aux opprimés, l’égalité aux humiliés, la fraternité à la famille humaine ; des travaux infatigables consacrés à se rendre digne d’être un des premiers ouvriers de cette régénération ; des humiliations cruelles patiemment subies dans son nom, dans son talent, dans ses idées, dans sa renommée, pour sortir de l’obscurité où le confinaient les noms, les talents, les supériorités des Mirabeau, des Barnave, des La Fayette ; sa popularité conquise pièce à pièce et toujours déchirée par la calomnie ; sa retraite volontaire dans les rangs les plus obscurs du peuple ; sa vie usée dans toutes les privations ; son indigence, qui ne lui laissait partager avec sa famille, plus indigente encore, que le morceau de pain que la nation donnait à ses représentants ; son désintéressement appelé hypocrisie par ceux qui étaient incapables de le comprendre ; son triomphe enfin : un trône écroulé ; le peuple affranchi ; son nom associé à la victoire et aux enthousiasmes de la multitude ; mais l’anarchie déchirant à l’instant le règne du peuple ; d’indignes rivaux, tels que les Hébert et les Marat, lui disputant la direction de la Révolution et la poussant à sa ruine ; une lutte criminelle de vengeances et de cruautés s’établissant entre ces rivaux et lui pour se disputer l’empire de l’opinion ; des sacrifices coupables, faits, pendant trois ans, à cette popularité qui avait voulu être nourrie de sang ; la tête du roi demandée et obtenue ; celle de la reine ; celle de la princesse Élisabeth ; celles de milliers de vaincus immolés après le combat ; les Girondins sacrifiés malgré l’estime qu’il portait à leurs principaux orateurs ; Danton lui-même, son plus fier émule, Camille Desmoulins, son jeune disciple, jetés au peuple sur un soupçon, pour qu’il n’y eût plus d’autre nom que le sien dans la bouche des patriotes ; la toute-puissance enfin obtenue dans l’opinion, mais à la condition de la maintenir sans cesse par de nouveaux crimes ; le peuple ne voulant plus dans son législateur suprême qu’un accusateur ; des aspirations à la clémence refoulées par la prétendue nécessité d’immoler encore ; une tête demandée ou livrée au besoin de chaque jour ; la victoire espérée pour le lendemain, mais rien d’arrêté dans l’esprit pour consolider et utiliser cette victoire ; des idées confuses, contradictoires ; l’horreur de la tyrannie, et la nécessité de la dictature ; des plans imaginaires pleins de l’âme de la Révolution, mais sans organisation pour les contenir, sans appui, sans force pour les faire durer ; des mots pour institutions ; la vertu sur les lèvres et l’arrêt de mort dans la main ; un peuple fiévreux ; une Convention servile ; des comités corrompus ; la république reposant sur une seule tête ; une vie odieuse ; une mort sans fruit ; une mémoire souillée, un nom néfaste ; le cri du sang qu’on n’apaise plus, s’élevant dans la postérité contre lui : toutes ces pensées assaillirent sans doute l’âme de Robespierre pendant cet examen de son ambition. […] Illustrez, plaignez, vengez, vénérez ce qui fut digne à jamais de la pitié, de l’admiration, de l’immortalité dans l’avenir ; réprouvez, flétrissez, stigmatisez ce qui ne fut digne que du mépris ou de l’exécration de la mémoire.

471. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Cependant elle ne peut tout à fait s’abriter contre les souffles nouveaux : Jean Le Maire de Belges, qui fut historiographe de Louis XII, écrit les Illustrations des Gaules 162, vaste compilation de récits fabuleux, où se heurtent singulièrement l’érudition saugrenue du moyen âge et l’enthousiasme poétique de la Renaissance : le même qui fait des vers dignes de Molinet est un adroit ouvrier qui prépare avec un certain sentiment d’artiste l’instrument de la poésie future ; Clément Marot tiendra de lui quelques excellents secrets de facture163. […] Sa passion est de se créer des demeures dignes de lui, où sa royauté s’encadre et ressorte ; et s’il recherche les tableaux et les statues, c’est un peu parce qu’il y voit un mobilier royal. […] Le fond est digne des repues franches : la forme se ressent du voisinage de Jean Crétin et de Jean Lemaire.

472. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

En somme, s’il est vrai, comme je le pense, que la vie la plus digne d’être vécue est celle qui nous permet de connaître l’humanité à tous ses étages, sous tous ses aspects, par tous ses côtés pittoresques et dans tous ses recoins moraux, le mieux est d’être né du peuple, et du plus petit. […] Mme la Princesse note dans une lettre, comme un fait digne de remarque, qu’il s’est laissé embrasser par sa femme et lui a fait quelques caresses. […] Alors, par une inspiration digne d’un grand capitaine, il avait arrêté ses escadrons, les avait reformés, puis, tournant brusquement en arrière de l’armée espagnole, était venu prendre en queue leur aile droite triomphante.

473. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Nul n’a fait plus que lui usage de la réflexion et de la dialectique pour réagir sur lui-même et sur son idée, pour élever sa doctrine libérale première à une puissance plus haute, pour la couronner d’une idée religieuse qui la rendît sainte, pour lui trouver au-dedans de l’homme une base plus digne et plus intime que celle de l’utilité commune ou de l’intérêt bien entendu. […] Car enfin, ce droit de compter sur soi-même, et de mesurer son obéissance sur la justice, la loi et la raison ; ce droit de vivre et d’en être digne, c’est notre patrimoine à tous ; c’est l’apanage de l’homme qui est sorti libre et intelligent des mains de son Créateur. […] À ces morceaux de critique, de premier ordre d’ailleurs, et si dignes de haute estime, il faut joindre l’Éloge du savant orientaliste M. de Sacy, prononcé par le duc de Broglie à la Chambre des pairs le 27 avril 1840, très bel éloge, très grave, religieux de ton, sobrement orné, et de tout point conforme au sujet.

474. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « L’abbé Galiani. » pp. 421-442

Il avait des pensées grandes, élevées, sublimes, dignes de Vico sinon de Platon, dignes de la Grande-Grèce, et tout à coup ces pensées étaient déjouées par des lazzis, des calembours, par du bouffon, et du plus mauvais : « Mais voilà comme je suis, disait-il agréablement, deux hommes divers, pétris ensemble, et qui cependant ne tiennent pas tout à fait la place d’un seul. » Lu aujourd’hui, l’abbé Galiani perd beaucoup ; il fallait l’entendre. […] Il fait des réductions, des suspensions, et cause la banqueroute du savoir, du plaisir et de l’esprit humain. » En philosophie, le vrai système de l’abbé Galiani est celui-ci : il croit que l’homme, quand il n’a point l’esprit alambiqué par la métaphysique et par le trop de réflexion, vit dans l’illusion et est fait pour y vivre : « L’homme, nous dit-il, est fait pour jouir des effets sans pouvoir deviner les causes ; l’homme a cinq organes bâtis exprès pour lui indiquer le plaisir et la douleur ; il n’en a pas un seul pour lui marquer le vrai et le faux d’aucune chose. » Galiani ne croit donc pas à la vérité absolue pour l’homme, à la vérité digne de ce nom : la vérité relative, qui n’est qu’une illusion d’optique, est la seule, selon lui, que l’homme doive chercher.

475. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Est-ce là le digne effet d’une main toute-puissante ? […] Ceux qui ont écrit le récit de sa vie pénitente se sont plu à en citer des exemples singuliers, qui nous toucheraient trop peu aujourd’hui ; mais le principe qui les lui inspirait, et le but dont elle s’approchait par ces moyens, sont à jamais dignes de respect dans tous les temps, et de quelque point de vue qu’on les envisage : « J’espère, je crois et j’aime, disait-elle ; c’est à Dieu à perfectionner ses dons. » — « Espérer et croire, ce sont deux grandes vertus ; mais qui n’a point la charité n’a rien : il est comme une plante stérile que le soleil n’éclaire point. » Cette belle âme, réalisant désormais en elle les qualités de l’amour divin, se considéra jusqu’à la fin comme l’une des dernières devant Dieu : Je ne lui demande pas, disait-elle, de ces grands dons qui ne sont faits que pour les grandes âmes qu’il a mises dans le monde pour l’éclairer, je ne pourrais pas les contenir ; mais je lui demande qu’il incline mon cœur, selon sa parole, à rechercher sa loi, à la méditer nuit et jour. […] Sont-elles dignes de Bossuet ?

476. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Il est fâcheux seulement que cette juste sévérité contre la petite littérature du temps s’affiche en tête d’une tragédie sifflée, et assez digne de l’être, et non en tête d’une excellente satire à la Despréaux. […] Nos mœurs littéraires (sans être excellentes) sont devenues, j’aime à le remarquer, plus convenables et plus dignes. […] Il ne cessait de dénoncer, dans des phrases dignes de l’ancien et fougueux Raynal, « la superstition, disait-il, qui transforme l’homme en bête, le fanatisme qui en fait une bête féroce, le despotisme qui en fait une bête de somme ».

477. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Une autre gloire, bien différente de Shakespeare, mais non moins grande, Jeanne d’Arc, attend, elle aussi, et depuis plus longtemps encore, un monument national, un monument digne d’elle. […] La vertueuse femme en qui le peuple anglais, royaliste, comme on sait, voit et vénère sa personnification actuelle, cette digne mère, cette noble veuve, vient, avec le respect profond qui convient, incliner la majesté matérielle devant la majesté idéale ; la reine d’Angleterre salue Shakespeare ; l’hommage de Victoria répare le dédain d’Élisabeth. […] Chose digne de remarque, notre théâtre moderne a dû subir, sous les ciseaux de la censure des Bourbons, les mêmes mutilations cagotes auxquelles la censure des Stuarts condamnait le théâtre de Shakespeare.

478. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Aux premières cortès de Cadix, en 1809, parmi les incohérences d’une constitution délibérée entre l’admiration aveugle de 1789 et les feux des batteries françaises, il se dit des choses admirables de sagesse comme de grandeur, il s’éleva des caractères dignes des jours les plus glorieux, luttant contre l’anarchie du même cœur dont l’Espagne résistait à l’occupation étrangère. […] Laisse-moi regarder ton éclatante lumière ; et que mon âme, saisie d’un pur enthousiasme, soit digne de te contempler ! […] J’aime à le dire aujourd’hui : Lamartine, Victor Hugo, disputent aux cieux de la Havane, à la lumière de l’Andalousie, l’honneur d’avoir éveillé cette vive imagination et suscité une seconde gloire digne de la leur.

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