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467. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Telle qu’elle se manifeste — harmonies proprement dites, ou timbres, — on ne peut la réaliser que dans la durée, mais, cela me paraît acquis, elle en dépend moins exclusivement que le Rythme et, à la différence de celui-ci, participe aussi de l’espace. […] Aussi, à voir la différence de ses premiers livres et de ceux qu’il a publiés récemment, on sent que les rythmes nouveaux — appelons-les provisoirement rythmes subjectifs — étaient nécessaires à l’épanouissement de sa personnalité et en contiennent la forme naturelle. […] On remarquera pourtant qu’il y a entre un fragment exécuté au piano par exemple (un seul timbre) et un fragment pour orchestre, la même différence qu’entre un dessin monochrome et un tableau ; une aquarelle diffère d’un vitrail comme telle instrumentation diffère de telle autre.

468. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

L’évocation de la Garonne et du dieu du fleuve est du genre burlesque et n’est qu’une parodie qui put paraître agréable à ceux que ne rebutait point Scarron : Il (le fleuve) se moucha, cracha, toussa, Puis en ces mots il commença… N’oublions point cette différence essentielle entre les modernes et les anciens. […] Quelle différence avec la tempête qui se lit dans le journal du Voyage à l’Île-de-France de Bernardin de Saint-Pierre, et que ce dernier essuya entre le cap de Bonne-Espérance et le canal de Mozambique.

469. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Mais ce jour-là, quelles que soient, les différences de race, de tempérament, d’éducation, d’expression entre lui et Guérin, différences qui sont presque autant d’antipathies et de contrastes, tous deux ils se ressemblaient par un fonds de paganisme, par l’amour et la poursuite ; du grand Pan, et par le sentiment d’abandon, de fureur et d’ivresse démoniaque ou sacrée qu’il leur inspirait.

470. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Les frères Le Nain, nés et élevés à Laon, eurent pour premier maître un étranger et probablement un Flamand, qu’on ne nomme pas ; ils étaient trois, Antoine, Louis et Mathieu, « vivant, est-il dit, dans une parfaite union » ; ils offraient, dans l’application de leur pinceau, des différences, qui paraissent avoir été de dimension plutôt que de manière. […] Champfleury la différence de la vieille porcelaine à la faïence.

471. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Bien que les vents régnants déplacent continuellement les sables, les proportions de ces changements sur les dunes ne sont point notables et appréciables à l’œil : il y faut la vie d’un homme pour constater quelque différence sensible. […] À la différence des marabouts arabes qui attendent leurs clients à domicile, les marabouts des Touâreg, pour peu qu’ils veuillent exercer de l’influence sur leurs contribules ou concitoyens, sont obligés, comme des missionnaires, de se rendre partout où leur intervention est nécessaire.

472. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

De même les esprits ordinaires sentent bien la différence d’une simple vraisemblance à une certitude entière, mais il n’y a que les esprits fins qui sentent le plus ou le moins de certitude ou de vraisemblance, et qui en marquent, pour ainsi dire, les minutes par leur sentiment. » C’est délicat, exquis d’expression comme de vérité. […] Il est dans le vrai encore et dans la ligne de la science lorsque, rappelant combien les conditions de la vie ont varié sur cette terre depuis la première apparition des êtres organisés et des espèces vivantes, il ajoute qu’il n’y a pas lieu de les circonscrire, de les limiter à une seule sphère, et que cette différence de conditions et de formes qui a éclaté successivement (comme la géologie l’atteste) sur notre globe terrestre, peut varier et se diversifier à plus forte raison de globe à globe, de planète à planète.

473. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

C’est trop oublier, je pense, la différence des points de vue dans ces sortes de scènes, et combien la perspective est chose relative : chacun se fait centre, chacun voit de son foyer particulier, sous son angle, à lui, et avec son œil. […] Il a parfaitement distingué chez Saint-Simon ce qu’il y faut distinguer, la différence des moments et des époques : lorsque Saint-Simon parle des événements et des hommes d’avant sa naissance, d’avant son entrée dans le monde, il est nécessairement moins bien informé ; il est sujet aux traditions et préventions qui lui ont été transmises : il a pu et dû se tromper plus fréquemment.

474. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

La différence de ces autographes viennois avec les fac-similé français qui ont été donnés saute aux yeux. […] Elle n’a certainement pas d’amour pour lui, et il serait difficile qu’elle en eût : mais, malgré cela, elle paraît sensible à sa complaisance et déférence pour elle, et ils sont, malgré la différence de leurs agréments personnels, de leurs caractères et de leurs goûts, aussi bien ensemble qu’on puisse le souhaiter.

475. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

L’auteur, dès les premières pages, m’a rappelé tout d’abord combien, au sein d’un même mouvement littéraire, il y a de différences entre les générations qui se succèdent, qui se dépassent : c’est, toute proportion gardée, et si parva licet componere magnis, comme dans notre grande Révolution. […] L’un fait de la poésie d’homme gras, l’autre de la poésie d’homme maigre, voilà la différence ! 

476. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

C’est sans doute faute d’avoir fait ces remarques et de s’être rendu compte de la différence des temps, que plusieurs esprits distingués de nos jours paraissent assez portés à juger avec autant de légèreté que de rigueur un des plus délicieux génies qui aient existé. […] Mme de Staël représente toute une société nouvelle, Mme de Sévigné une société évanouie ; de là des différences prodigieuses, qu’on serait tenté d’abord d’expliquer uniquement par la tournure différente des esprits et des natures.

477. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

Sous les différences d’éducation et de fortune, on découvrirait peut-être chez toutes deux d’autres rapports. […] L’effet des mêmes catastrophes sociales, qui ont leur retentissement dans les écrits de Mme de Souza et dans ceux de Mme de Duras, est curieux à constater par la différence.

478. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Est-il besoin de rappeler à l’éminent historien, qui a connu et manié les deux pays, ces différences essentielles de génie et de caractère ? […] Guizot attribue cette différence à ce que Guillaume III et Washington, « même au milieu d’une révolution, n’ont jamais accepté ni pratiqué la politique révolutionnaire ».

479. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Les observateurs comme La Rochefoucauld, ayant surpris l’homme dans un temps d’intrigue et dans une société corrompue, avaient insisté dans le même sens ; avec cette différence qu’ils ne lui offraient point de remède, de sorte que, sous ce regard également inexorable des moralistes tant chrétiens que philosophes, sous ce double concert déprimant, toutes les vertus naturelles périssaient. […] Jean-Jacques Rousseau continuera après lui, et renchérira dans l’éloge et la revendication des vertus naturelles ; mais quelle différence dans le procédé et dans le ton !

480. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Lorsque sous la Restauration, à cette heure brillante des tentatives valeureuses et des espérances, de jeunes générations arrivèrent et essayèrent de renouveler les genres et les formes, d’étendre le cercle des idées et des comparaisons littéraires, elles trouvèrent de la résistance dans leurs devanciers ; des écrivains estimables, mais arrêtés, d’autres écrivains bien moins recommandables et qui eussent été de ceux que Boileau en son temps eût commencé par fustiger, mirent en avant le nom de ce législateur du Parnasse, et, sans entrer dans les différences des siècles, citèrent à tout propos ses vers comme les articles d’un code. […] Nous connaissons deux frères de Boileau, Gilles et Jacques Boileau, et tous deux sont marqués du même caractère avec des différences qu’il est piquant de relever et qui serviront mieux à définir leur cadet illustre.

481. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Faisant la part des différences du siècle et du goût, j’ai cherché à aller au-delà, et à me bien définir la différence d’esprit des deux méthodes, et la double famille des deux âmes.

482. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Kahn dit, de l’e muet : « Une autre différence entre la sonorité du vers régulier et du vers nouveau découle de la façon différente dont on y évalue les e muets. […] Il n’y a point de prononciation intermédiaire, quant au son, entre eu et e (nul) ; les différences sont d’intensité, en hauteur ou en durée.

483. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Pourtant, entre l’Art et la Science, signalons une différence radicale. […] Identité de cœur, différence d’esprit ; tout est là.

484. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Si, comme l’a dit Pascal, plus on a d’esprit, plus on voit de différences entre les choses qui se ressemblent, Macaulay a dû en avoir une fière quantité ce jour-là. […] Doué de l’imagination la plus opulente, qui saisit et reproduit avec éclat toutes les analogies et toutes les différences, puissant par la vaste étendue de l’esprit et par une étendue non moins vaste de connaissances, Macaulay pourrait être regardé comme un critique complet s’il avait le jugement souverain, qui est le coup de hache définitif et mérité par lequel le critique ressemble à l’homme d’État, et dont l’un ne peut pas plus se passer que l’autre.

485. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

C’est un rabâchage de choses qu’il a dites, et mieux dites, sur l’indépendance et le désintéressement absolus de la science, et sur la différence qui existe entre la critique et la théologie… Et voilà probablement la raison pour laquelle les journaux, ces échos des livres quand les livres ont de la voix et de la sonorité, ont laissé, en toute indifférence, Renan se morfondre à jouer de sa guimbarde ordinaire dans le petit coin de son introduction… Et on ne peut pas même dire « autre guimbarde », comme on dit parfois « autre guitare » ; car Renan ne varie ni son instrument, ni sa manière de jouer, ni son air. […] Elle ne pensait pas que l’Église, c’était précisément cette robe bleue de Jésus-Christ qu’elle demandait ; mais avec cette différence que cette robe ne passait point et qu’on pouvait la voir toujours !

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