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439. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 2. Caractère de la race. »

Race enfin discoureuse, conteuse, sociable, tempérant par la vanité le goût, des idées générales et par le désir de plaire l’âpreté du dogmatisme.

440. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la comédie chez les Anciens. » pp. 25-29

C’est, par exemple, un fils amoureux de la personne que son père veut épouser, et qui imagine des ruses pour arriver à son but ; c’est une fille qui, étant destinée à un homme dont elle ne veut point, fait agir un amant, une soubrette ou un valet, pour détourner ses parents de l’alliance qu’ils lui proposent, et parvenir à celle qui fait l’objet de ses désirs.

441. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IV. Suite des précédents. — Julie d’Étange. Clémentine. »

Comme il promet toujours une récompense pour un sacrifice, on croit ne rien lui céder en lui cédant tout ; comme il offre à chaque pas un objet plus beau à nos désirs, il satisfait à l’inconstance naturelle de nos cœurs : on est toujours avec lui dans le ravissement d’un amour qui commence, et cet amour a cela d’ineffable, que ses mystères sont ceux de l’innocence et de la pureté.

442. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre IV. Pourquoi les Français n’ont que des mémoires. »

Son amour-propre se satisfait ainsi ; il étale son esprit devant le lecteur, et le désir qu’il a de se montrer penseur ingénieux, le conduit souvent à bien penser.

443. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Il souffre d’un travail intérieur dont vous ne le guérirez pas, d’un désir religieux que vous n’exaucerez pas, si vous ne le guidez dans la recherche de ses traditions idéales. […] L’intelligence et la passion créent les types qui expriment des idées complètes ; la rêverie répond au désir légitime qui entraîne vers le mystérieux et l’inconnu. […] Pleine de regrets stériles, de désirs impuissants et de rancunes inexorables, elle traduit au public indifférent et paresseux ce qu’elle ne comprend pas, elle explique gravement ce qu’elle ignore et n’ouvre le sanctuaire de sa bienveillance qu’à la cohue banale des pseudo-poètes. […] Est-ce le désir de plaire à la race impure des Philistins modernes ? […] C’est le plus fécond, le plus éloquent, le plus lyrique, le plus extraordinaire des amateurs poétiques du dix-neuvième siècle ; mais le goût ardent, le désir puissant du Beau n’en valent point la passion absolue et satisfaite, et nul ne possède la Poésie, s’il n’est exclusivement possédé par elle.

444. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

» Dans son désir de vivre de la vie supérieure et de réaliser de l’idéal, il s’écrie : « Ah ! […] … » Il est las de sa vie présente ; son âme rêve d’actions démesurées, et la disproportion qu’il sent perpétuellement entre son désir et la réalité, l’énerve et le démoralise. […] Il retourne en Angleterre avec la volonté de jouer un rôle et le désir de marquer sur le monde une empreinte durable, en souvenir de son passage. […] Et s’ils reprochent quelque chose au symbolisme, c’est d’avoir été un mouvement superficiel, fait beaucoup plus du désir d’étonner que du désir profond et sincère d’apporter des vérités nouvelles. […] La mesure et le ton de votre critique m’enchantent et m’inspirent le plus sincère désir d’examiner avec vous les conditions de l’art des vers, mais je vous avoue que pour aller à votre rencontre je sens le terrain me manquer.

445. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

En admettant même la simultanéité des deux actes, l’acte fondamental, sans lequel ne surgirait point le désir de se communiquer à autrui, est nécessairement la création artistique, l’évocation d’émotions et d’images ; car il est logiquement impossible que ce désir se produise avant l’existence de la chose qui en est l’objet. […] C’est par l’Art qu’elle manifeste son désir d’un retour vers une ordonnance harmonieuse des choses. […] La société bourgeoise d’à présent est dans ce cas ; le comte Tolstoï en est un exemple frappant, malgré le vif désir qu’il a de s’en dégager. […] Il reconnaît, dans ces deux instincts, l’impression du puissant désir de l’illusion, de la délivrance par l’illusion, que l’humanité porte en elle. […] Or, ce puissant désir, c’est la Musique qui est le plus apte à l’exprimer ou plutôt à le satisfaire.

446. (1911) Nos directions

Leur désir d’action ne débordera-t-il pas leur œuvre ? […] La troupe en était diverse, bizarre, composée d’éléments contradictoires, mais mue par le désir commun de rénover la poésie. […] La seconde une pleine possession de la langue, et le courageux désir de joindre la logique à l’harmonie. […] le désir le brûle d’avouer à la face du monde. […] Biographie d’un homme de désirs, Paris, Presses de la Renaissance, 2008, p. 82, et passim.

447. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Pour toi, sauvage oiseau, lorsque le soir viendra Des jours qu’à vivre encor le Ciel t’accordera150, Tu ne te plaindras point, docile à la nature, Passereau solitaire, et ton secret murmure N’ira pas regretter la saison du plaisir ; Car c’est le seul instinct qui fait votre désir. […] L’éclair de désir passionné qui se reflète si vivement dans la pièce à Aspasie ne mérite pas le nom d’amour. […] Avant de mourir, je vais protester contre cette invention de la faiblesse et de la vulgarité, et prier mes lecteurs de s’attacher à détruire mes observations et mes raisonnements plutôt que d’accuser mes maladies. » J’ajoute, avant de donner le commentaire, cette autre phrase d’une lettre écrite de la campagne près de Naples (22 décembre 1836), et qui touche, dans un sentiment plus doux et avec délicatesse, cette idée de la vie d’au delà ; cette fois je traduis : « Adieu, mon excellent ami, j’éprouve un continuel et bien vif désir de vous embrasser ; mais comment et où le pourrai-je satisfaire ? […] Lorsque nouvellement au sein d’un cœur profond Naît un germe d’amour, du même instant, au fond, Chargé d’une fatigue insinuante et tendre Un désir de mourir tout bas se fait entendre. […] Peut-être que d’abord le regard s’épouvante Du désert d’alentour où l’amie est absente ; Peut-être que l’amant n’a plus devant les yeux Qu’un monde inhabitable et qu’un jour odieux, S’il n’atteint l’objet seul, l’idéal de son rêve : Mais, déjà pressentant l’orage qui s’élève, L’orage de son cœur, il tend les bras au port, Avant que le désir ne rugisse plus fort.

448. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

« L’homme ne peut se perpétuer, sur ce globe, sans l’union des sexes, car c’est un désir naturel que de vouloir laisser après soi un être fait à son image. […] Aristophane, dans sa discussion sur l’amour, dit précisément que la passion, quand elle est violente, nous donne le désir de fondre notre existence dans celle de l’objet aimé, et de ne faire qu’un seul et même être avec lui. […] Si le nombre des enfants n’est plus en rapport avec la propriété, il faudra bientôt enfreindre la loi ; et même, sans en venir là, il est dangereux que tant de citoyens passent de l’aisance à la misère, parce que ce sera chose difficile, dans ce cas, qu’ils n’aient point le désir des révolutions. […] « C’est que les hommes sont poussés au crime non pas seulement par le besoin du nécessaire, que Phaléas compte apaiser avec l’égalité des biens, excellent moyen, selon lui, d’empêcher qu’un homme n’en détrousse un autre pour ne pas mourir de faim ou de froid ; ils y sont poussés encore par le besoin d’éteindre leurs désirs dans la jouissance. Si ces désirs sont désordonnés, les hommes auront recours au crime pour guérir le mal qui les tourmente ; et j’ajoute même qu’ils s’y livreront non-seulement par cette raison, mais aussi par le simple motif, si leurs caprices les y portent, de n’être point troublés dans leurs jouissances.

449. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Je suis persuadé qu’il y avait en lui, malgré les mauvais conseils et les mauvaises habitudes qu’on lui donnait, un magnifique désir du beau poétique et des élévations intellectuelles. […] Cette réserve, ce désir de n’être pas vu, ni entendu, vous les retrouverez dans les livres de Sully Prudhomme. […] Que mon lit garde encor ta place toute chaude, Ô désir vainement chassé ! […] Et bien des nids sont vides, Âme humaine, où chantaient dans ta jeune saison Les désirs gazouillants de tes aurores brèves. […] Et l’exaspération du désir augmentera les délices.

450. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

L’Homme de douleurs, préfiguré par l’Homme de désir, est au sommet de leur Foi et toute vérité, toute vertu, toute beauté, toute grandeur aboutissent à lui et s’accomplissent en lui. […] Il se consumait du désir d’être littéraire et ne se pardonna pas de n’être qu’un goujat, même formidable. […] Sa terreur est faite comme son âme et comme son génie, c’est-à-dire pleine de désirs et pleine de larmes, très mystique et très humble, à la façon des Premiers Coupables dans les fresques naïves des Primitifs. […] Ils ont affirmé que je mourais du désir d’assister à l’apostasie scandaleuse du misérable religieux que je m’efforçais de ramener au sentiment de la pudeur sacerdotale. Isolant une phrase, ils m’ont accusé d’exprimer avec cynisme ce monstrueux désir.

451. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Les poètes sont des hommes de désir, et c’est leur pensée qui engendre. […] Si donc la poésie ne faisait pas entendre aujourd’hui ce concert de douleur qui annonce le besoin d’une régénération sociale, et si en même temps elle ne jetait pas déjà, dans toutes les âmes capables de la sentir, le germe de cette régénération ; si elle n’y versait pas, avec la douleur de ce qui est, le désir de ce qui doit être ; en un mot si elle n’était pas, ce qu’elle a toujours été, prophétique, nous aurions tort de représenter l’état actuel de la société comme une crise qui doit enfanter une société nouvelle. […] Ils ne peuvent pas plus nous apprendre quelle est la tendance de l’esprit humain, quel germe de progrès l’Humanité porte actuellement dans son sein, quels désirs la tourmentent, quel est son sort aujourd’hui, quel sera son lendemain, que ne le feraient des chants grecs ou illyriens. […] J’aime mieux la chrysalide se développant dans le tombeau qu’elle s’est filé elle-même, préparant ses ailes brillantes dans sa vieille peau, et paraissant cadavre au moment où elle va s’élancer dans les airs, éclatante merveille de sa propre création ; j’aime mieux cela qu’une pensée mélancolique, une pensée de mort et de renaissance, une pensée de ruine et de construction nouvelle, qui va se loger dans les vieux débris du passé, dans les tours des seigneurs du Moyen-Âge ou dans les églises gothiques, et qui dit : — Voilà mes palais, j’ai retrouvé mon héritage ; — et qui ment en disant cela, puisqu’elle se lamente en elle-même amèrement, et qu’elle désire autre chose d’un désir brûlant qui la dévore.

452. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Toujours le désir des choses défendues trouble la paix des amours féminines, et voici que le premier homme est chassé du paradis terrestre, et qu’Éros s’envole éveillé par la goutte d’huile, et que Lohengrin interrogé s’en retourne, pour ne plus revenir, vers les splendeurs désormais sans joie de Monsalvat. […] L’antique poésie populaire est dans son cœur : elle frémit dans sa tête ; elle enflamme son désir. […] En dépit de tout ce que les feuilletonnistes ont écrit, le peuple anglais a, pour Wagner, un haut respect mêlé d’une curiosité timide, et un grand désir de connaître ses œuvres. […] Ils ont considéré, non sans étonnement, la soubrette jusqu’alors occupée des rubans de son corsage fripés par son bel ami le garde-française, et, pleins d’un beau rêve, dévorés du désir des cimes, ils ont violemment saisi Dorine, Fanchon ou Marinette, et l’ont forcée à lever la tête, sans lui prendre le menton.

453. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

» il m’a avoué qu’il y avait chez lui le désir de la continuation et de la survie par l’enfant. […] Et dans ces heures, il vous prend un désir de vous retirer de tous et de toutes, et de vous réfugier dans une sauvage solitude. […] Le soir, chez Zola, que je trouve triste, morose, agité du désir de quitter Paris, « dont il a plein le dos ». […] À cette idée sacrifiez beaucoup de choses, des désirs de mariage, des envies d’avoir, à votre chevet de mourant, une affection, une compagnie douce de la dernière heure.

454. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

Le cœur gonflé de désirs inassouvis, il habitait un monde vide pour lui ; pauvre et privé de plaisirs, il les épuisait par l’imagination ; il se désabusait de tout avant d’avoir usé de rien. René jeune, ambitieux, vigoureux, embrasé du désir de la femme, vivait « inconnu dans la foule » et les femmes parées et enivrantes allaient et venaient autour de lui et l’ignoraient. […] La peur tuait l’amour de la vie et paralysait jusqu’au désir de la défendre. […] Le Bulletin de Paris (12 thermidor an X) déclarait que « les désirs des citoyens demandaient à Napoléon Bonaparte de sceller pour jamais le cratère des révolutions ».

455. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

De même pour l’immortalité et pour l’avenir des destinées humaines : rendant compte, dans son Éloge de Buffon, des Époques de la nature et rappelant l’hypothèse finale du grand naturaliste lorsqu’il peint la lune déjà refroidie et lorsqu’il menace la terre de la perte de sa chaleur et de la destruction de ses habitants : Je demande, s’écrie-t-il, si cette image lugubre et sombre, si cette fin de tout souvenir, de toute pensée, si cet éternel silence n’offrent pas quelque chose d’effrayant à l’esprit ; je demande si le désir des succès et des triomphes, si le dévouement à l’étude, si le zèle du patriotisme, si la vertu même, qui s’appuie si souvent sur l’amour de la gloire, si toutes ces passions, dont les vœux sont sans limites, n’ont pas besoin d’un avenir sans bornes ? […] Par exemple, dans l’Éloge de M. de Montigny, amateur des sciences et des arts et administrateur éclairé, il nous le fait voir dans sa jeunesse tout près d’entrer dans une compagnie célèbre3 qui façonnait tous ses membres à son usage, mais contrarié heureusement dans son désir et se félicitant plus tard d’avoir échappé au danger des sectes, dont le grand inconvénient, dit Vicq d’Azyr, est « de ne voir dans le monde entier que deux partis, l’un pour lequel on ose tout, et le parti opposé contre lequel on se permet tout ».

456. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

François Ier, qui était à Avignon, avait plusieurs fois exprimé tout haut le désir qu’on détruisît lesdits moulins, et y attachait de l’importance ; mais chacun rebutait à l’exécution pour un danger si réel à la fois et bien peu chevaleresque. […] Il advint même, pour plus de vérité et pour que cela ressemblât davantage à ce qui s’est passé trop souvent, que François Ier ne fut point informé que c’était à lui qu’on devait l’exécution de son désir.

457. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Sans trop presser cette conjecture, il est du moins certain qu’il songea à combler un désir discret de la personne qu’il venait d’associer devant Dieu à sa destinée domestique. […] L’idée si élevée de faire de Saint-Cyr un abri et un foyer chrétien, un refuge et une école de simplicité vertueuse et pure, à mesure que la corruption et la grossièreté augmentent parmi les jeunes femmes de la Cour, se montre à découvert dans ces lettres de Mme de Maintenon : Que ne donnerais-je pas, s’écrie-t-elle (octobre 1703), parlant à l’une des maîtresses, pour que vos filles vissent d’aussi près que je le vois combien nos jours sont longs ici, je ne dis pas seulement pour des personnes revenues des folies de la jeunesse, je dis pour la jeunesse même qui meurt d’ennui parce qu’elle voudrait se divertir continuellement et qu’elle ne trouve rien qui contente ce désir insatiable de plaisir !

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