Avant 1815, on a un autre Courier, qui a devancé l’autre et qui l’explique, mais qui n’a rien encore de l’homme de parti ; soldat déjà trop peu discipliné sous la République, devenu incompatible et tout à fait récalcitrant sous l’Empire, mais curieux de l’étude, amateur du beau en tout ; un Grec, un Napolitain, un Italien des beaux temps, le moins Gaulois possible ; s’abandonnant tant qu’il peut à tous les caprices de sa libre vocation ; indépendant avec délices ; délicat et quinteux ; misanthrope et pourtant heureux ; jouissant des beautés de la nature, adorant les anciens, méprisant les hommes, ne croyant surtout pas aux grands hommes, faisant son choix de très peu d’amis. […] La colonne Trajane est cependant à peu près telle que vous l’avez vue, et nos curieux, qui n’estiment que ce qu’on peut emporter et vendre, n’y font heureusement aucune attention40. […] Quand on a fait la part du rhéteur et du prêtre d’Apollon en lui, il reste une bien plus large part encore, ce me semble, au collecteur attentif et consciencieux des moindres traditions sur les grands hommes, au peintre abondant et curieux de la nature humaine.
Et comme je lui dis que ces colloques doivent l’ennuyer il me répond que non, et que c’est très curieux, ce que l’on tire parfois de ces gens sans instruction, et dont la tête sans cesse travaille dans la solitude et le recueillement. […] C’est curieux ce navrement au milieu de cet immense succès. […] Aujourd’hui il est entré chez moi, en disant : « C’est curieux maintenant, quand une affaire est faite avec un banquier, ce n’est pas fait avec son argent, mais avec l’argent d’un autre, qu’il se met à chercher… » Et le voilà, sauf le temps d’un rapide dîner, jusqu’à onze heures, toujours en marche, parlant de la puissance intelligentielle des gens qui ne savent ni lire ni écrire ; parlant de la virtualité des révolutionnaires espagnols, complètement détruite par les cabinets des restaurants de Paris, et qu’il compare aux sauvages, ne prenant des civilisés que l’eau-de-vie ; parlant du travail idéologiste des socialistes, complètement arrêté en 1848, par la bêtise des radicaux, dont toute la politique est rapetissée à manger du prêtre, etc., etc.
Ce sont des illusions bien curieuses, bien mystérieuses, mais ce sont des illusions. […] On a gardé une curieuse relation de la construction de Notre-Dame de Chartres. […] Il y a beaucoup de curieuses observations dans la première partie du livre de M. […] Les jeunes chiens dans leurs jeux sont presque aussi curieux que les enfants. […] Un jeune savant d’un esprit très curieux, M.
Il a su y réunir aux anciennes Traditions, des détails curieux & utiles qui n’appartiennent qu’à lui seul.
Mais il n’en est que plus curieux ou plus significatif, et ces notes à peine digérées, où nous surprenons les procédés de travail du rhéteur, ne sont que plus intéressantes ; dans leur confusion même. […] Je ne tranche pas la question ; je la propose seulement, et je voudrais qu’elle vous parût curieuse. […] Les preuves en ont été données dans une curieuse brochure — sur les Unités d’Aristote avant le Cid de Corneille — publiée, en 1879, à Genève, par M. […] Si vous êtes curieux d’en connaître les plus importants, vous en trouverez la liste dans l’ouvrage d’Eugène Hatin : Histoire de la Presse en France. […] Aussi n’ai-je jamais compris que Sainte-Beuve — tout au début de sa carrière, il est vrai, dans un article d’ailleurs extrêmement curieux— ait fait de Bayle le modèle ou le parangon du « génie critique ».
Nulle conception qui retienne, nulle évocation qui captive ; ni image séduisante ou belle, ni sensation curieuse, rare ou simplement naïve, d’une charmante naïveté.
Qui est-ce qui n’est pas curieux de voir d’avance un édifice qu’on élève à si grands frais ?
Rigault, même en le renfermant dans les termes de la seule littérature, est un des plus heureux et des plus féconds que l’on pût choisir, et son travail est devenu un livre qui offre le tableau complet d’un des épisodes les plus curieux de l’histoire de l’esprit. […] Rigault avait à remplir, et sur lequel il a semé avec infiniment d’esprit toutes les variétés d’une érudition curieuse et piquante.
Il a aussi gravé des eaux-fortes d’une attaque franche de curieuses vues de Paris, terrains vagues blancs de gravats et rôtis de soleil, va-et-vient pressé de la foule au travers des rues, où tremblotent des clartés vagues dans la brume, à la pointe de l’hiver. […] Richepin, je voudrais réveiller le souvenir d’un roman de lui, très ferme, très curieux en son originalité réussie, le Cadet, un roman de la terre et de la propriété, qui n’est peut-être pas considéré par tous à sa vraie valeur.
On pourrait assurer, sans les connaître, que ce sont les plus curieuses, les plus piquantes, les plus variées, les plus charmantes. […] Qu’il serait curieux de voir comment elle lui écrivait !
ces curiosités ne sont pas si curieuses que cela. […] … Pour ma part, je n’ai pas très bien vu ce que l’information pure et simple a gagné au livre de Fournier ; je n’ai pas vu quelles modifications importantes en sont résultées dans l’ordre des connaissances, ordinaires ou vulgaires, — et, excepté le divertissement qui vient de toute nouveauté pour la masse des esprits ennuyés et superficiels, heureux et surpris de trouver un passe-temps dans des études qui devraient toujours rester sévères, excepté le divertissement des enfants et des femmes qui a fait son succès, je ne vois rien en l’Esprit dans l’histoire qui le recommande aux esprits seulement curieux.
Tel est l’un des plus curieux éclairs de cette histoire, qui en a d’autres… Henri IV fut toujours plus catholique que protestant, et c’est un catholique qui le dit et qui nous l’apprend. […] Que surtout les ennemis du catholicisme apprennent d’un homme qui ne déclame point une seule fois, qui ne crie point et qui s’est peut-être comprimé le cœur pour ne pas crier, en écrivant ces choses désespérées qui, pour lui, sortent de son livre ; qu’ils apprennent ce que fut ce Sixte-Quint qui aima la France, et même Henri IV, mais qui sut résister à Henri, à la France, à la Ligue elle-même, à l’Espagne, la catholique Espagne, qu’il finit par impatienter, — car, chose curieuse !
: « l’incompréhensible », dans cette Histoire de la Révolution française où il le rencontre, à la suite de ce pauvre Pharaon de duc de Brunswick, noyé dans une Mer Rouge de crotte ; badaud à cheval qui badaudait avec le canon, curieux du vent du boulet et de l’impression qu’il faisait sur les intestins. […] Chose curieuse et qui n’est pas rare !
L’auteur des Souvenirs de Madame de Créqui, dont on peut tout croire et tout suspecter, fut un des excentriques les plus curieux de la littérature contemporaine. […] Sainte-Beuve, le critique littéraire et le poète, a bien montré le côté intime et curieux de cette vie, mais la beauté morale qu’elle révèle plus que tout l’a-t-elle assez frappé ?
Il est curieux de voir l’historien de l’intelligence s’abstraire de l’histoire tout en critiquant l’abstraction, et, par suite, négliger le profond enseignement de la Tradition, qui fait partie de l’homme cependant. Oui, cela est curieux, car nous n’imaginons pas que, pour un esprit comme celui de M.
Il y fut excité « par le plaisir qu’il prit, dit-il, à la lecture de ceux du maréchal de Bassompierre. » Bassompierre avait dit pourtant un mot des plus injurieux pour le père de Saint-Simon : cela n’empêche pas le fils de trouver ses Mémoires très curieux, « quoique dégoûtants par leur vanité ». […] Un ou deux ans après, à l’occasion d’une quête que Saint-Simon ne voulut point laisser faire à la duchesse sa femme, ni aux autres duchesses, comme étant préjudiciable au rang des ducs vis-à-vis des princes, le roi se fâcha, et un orage gronda sur l’opiniâtre et le récalcitrant : « C’est une chose étrange, dit à ce propos Louis XIV, que depuis qu’il a quitté le service, M. de Saint-Simon ne songe qu’à étudier les rangs et à faire des procès à tout le monde. » Saint-Simon averti se décida à demander au roi une audience particulière dans son cabinet ; il l’obtint, il s’expliqua, il crut avoir au moins en partie ramené le roi sur son compte, et les minutieux détails qu’il nous donne sur cette scène, et qui en font toucher au doigt chaque circonstance, montrent assez que pour lui l’inconvénient d’avoir été dans le cas de demander l’audience est bien compensé par le curieux plaisir d’y avoir observé de plus près le maître, et par cet autre plaisir inséparable du premier, de tout peindre et raconter. […] » Elle dit encore à un autre endroit (2 décembre) : Les Mémoires de Saint-Simon m’amusent toujours, et comme j’aime à les lire en compagnie, cette lecture durera longtemps ; elle vous amuserait, quoique le style en soit abominable, les portraits mal faits ; l’auteur n’était point un homme d’esprit ; mais comme il était au fait de tout, les choses qu’il raconte sont curieuses et intéressantes ; je voudrais bien pouvoir vous procurer cette lecture. […] Mme de Turpin mourut, j’en demeurai là ; cela est mal écrit, mais le goût que nous avons pour le siècle de Louis XIV nous en rend les détails précieux. » Il est curieux de voir comme chacun s’accorde à dire que c’est mal écrit, que les portraits sont mal faits, en ajoutant toutefois que c’est intéressant. […] C’est ce qu’on ne saurait trop maintenir, et Saint-Simon n’a eu que raison quand il a conclu de la sorte en se jugeant : « Ces mémoires sont de source, de la première main : leur vérité, leur authenticité ne peut être révoquée en doute, et je crois pouvoir dire qu’il n’y en a point eu jusqu’ici qui aient compris plus de différentes matières, plus approfondies, plus détaillées, ni qui forment un groupe plus instructif ni plus curieux. » La postérité, après avoir bien écouté ce qui s’est dit et se dira encore pour et contre, ne saurait, je le crois, conclure autrement.
Or MM. de Goncourt ont donné comme qui dirait la note la plus aiguë de la littérature contemporaine ; ils ont eu au plus haut point l’intelligence et l’amour de ce qu’ils ont appelé eux-mêmes la « modernité » ; ils ont enfin inventé une façon d’écrire, presque une langue, qu’on peut apprécier fort diversement, mais qui est curieuse, qui a eu des imitateurs et qui a marqué sa trace dans la littérature des vingt dernières années Mais peut-être est-il nécessaire, pour les bien goûter, d’avoir un esprit peu simple et en même temps d’être de ceux « pour qui le monde visible existe3 ». […] Comme leur talent naturel allait plutôt à la peinture curieuse et trépidante des « milieux » qu’à l’invention et à la narration continue d’« histoires » intéressantes, ils en ont, dès le premier jour, pris hautement leur parti, même avec affectation. […] Il se trouvait que ce farceur, ce paradoxeur, ce moqueur enragé des bourgeois avait, pour les choses de l’art, les idées les plus bourgeoises, les religions d’un fils de Prudhomme… Il avait le tempérament non point classique, mais académique comme la France…12 … Ce tableau était, en un mot, la lanterne magique des opinions d’Anatole, la traduction figurative et colorée de ses tendances, de ses aspirations, de ses illusions… Cette sorte de veulerie tendre qui faisait sa bienveillance universelle, le vague embrassement dont il serrait toute l’humanité dans ses bras, sa mollesse de cervelle à ce qu’il lisait, le socialisme brouillé qu’il avait puisé çà et là dans un Fourier décomplété et dans des lambeaux de papiers déclamatoires, de confuses idées de fraternité mêlées à des effusions d’après boire, des apitoiements de seconde main sur les peuples, les opprimés, les déshérités, un certain catholicisme libéral et révolutionnaire, le Rêve de bonheur de Papety entrevu à travers le phalanstère, voilà ce qui avait fait le tableau d’Anatole … 13 Anatole présentait le curieux phénomène psychologique d’un homme qui n’a pas la possession de son individualité, d’un homme qui n’éprouve pas le besoin d’une vie à part, d’une vie à lui, d’un homme qui a pour goût et pour instinct d’attacher son existence à l’existence des autres par une sorte de parasitisme naturel, etc. […] Nous répondrons simplement : Ces fantaisies sont curieuses et font, plaisir à ceux qui les aiment. […] D’autres trouvent cela fort curieux.
Si Descartes faiblit dans ses preuves, tout au plus en sera-t-il troublé, à cause des curieux qui ont les yeux sur lui, et qui regardent s’il ne va pas être contredit par sa propre méthode. […] Pascal : Mais vous qui êtes curieux, vous devriez faire quelque chose. […] Le mot d’Arnauld à Pascal, « Vous qui êtes curieux », éclaire une époque de cette noble vie, et nous fait voir quelle était, à l’heure où parlait Arnauld, la direction d’esprit de Pascal. […] Il cherchait sa foi après avoir cherché les lois du monde physique ; il cherchait l’homme ; il était curieux de la vie et de la mort ; son dernier jour le trouvera cherchant encore. […] Ce n’est plus l’esprit curieux dont parle Arnauld, mais l’ardent solitaire qui sentait, dans son cœur et dans sa foi, les blessures faites par ces odieuses maximes à la nature, à la raison, à la piété.
De même la psychologie de l’humanité devra s’édifier surtout par l’étude des folies de l’humanité, de ses rêves, de ses hallucinations, de toutes ces curieuses absurdités qui se retrouvent à chaque page de l’histoire de l’esprit humain. […] J’espère pourtant faire sortir de cette insignifiante étude quelques traits curieux pour l’histoire de l’esprit humain ; on y verra en présence deux esprits profondément divers et incapables de se pénétrer l’un l’autre, une éducation superficielle et sans résultats durables, qui fera comprendre par contraste le fait immense de l’éducation hellénique des peuples occidentaux ; de singuliers malentendus, d’étranges contre-sens décèleront des lacunes, dont la connaissance servira à dresser plus exactement la carte de l’esprit sémitique et de l’esprit indo-germanique. […] Telle littérature de l’Asie, qui n’a absolument aucune valeur intrinsèque, peut offrir pour l’histoire de l’esprit humain des résultats plus curieux que n’importe quelle littérature moderne. […] Je voudrais bien savoir comment les critiques absolus feraient pour prouver que ce poème est en effet supérieur à l’Iliade, ou pour mieux dire que l’Iliade vaut un monde, tandis que l’œuvre du moderne est destinée à aller moisir sur les rayons des bibliothèques, après avoir un instant amusé les curieux. […] C’est donc uniquement au point de vue de l’esprit humain, en se plongeant dans son histoire, non pas en curieux, mais par un sentiment profond et une intime sympathie que la vraie admiration des œuvres primitives est possible.