I Dans l’état présent des mœurs littéraires, — s’il y a encore des mœurs littéraires, — j’aime particulièrement les livres qui savent attendre l’heure de la Critique au lieu de la lui demander. […] … Seulement, la critique des œuvres de l’esprit n’a pas été instituée pour couronner les intentions vertueuses ; et, d’ailleurs, elle ne croit guères, cette critique, qui connaît ses auteurs, à la modestie ou à la défiance de soi dans un homme qui se carre en un livre d’histoire de cinq cents pages in-8º ; car s’il y a quelque chose qui doive caler l’aplomb d’un homme, ce doit être cela ! […] Rocquain, qui n’y est pas et que j’y cherchais, se console de la sévérité de ma critique en pensant à la bienveillance du public.
Je n’ai pas peur de ce que j’avance : c’était un critique que Collé, et c’est aux facultés du critique qui étaient en lui qu’il aurait dû demander sa gloire… s’il eût cru à cette vanité. […] un critique, — un indépendant, — et un juge ! […] un critique net et un moraliste aussi, à côté du chansonnier polisson.
On se rappelle le bruit que fit naguères cette première gloire littéraire de l’Amérique, qui éclata tout à coup comme un aloès qui fleurit et dont la fleur est déjà tombée… Des philanthropes, Narcisses humanitaires qui trouvaient l’humanité jolie en se regardant, prirent sur le poing et présentèrent à l’Europe attendrie cette Mistress Edgeworth américaine, et placèrent son livre sous la protection d’une telle émeute de sensibilité insurgée, que si la critique littéraire avait osé planter son scalpel dans cette œuvre esthétiquement médiocre, les Wilberforce du journalisme auraient crié au scandale, comme si on eût voulu toucher littérairement à l’Imitation de Jésus-Christ. […] , nous avons bien moins songé à faire de la critique qu’à déterminer fortement, en les opposant, la différence de deux idées et de deux doctrines. Nous savons trop que le poinçon de la critique littéraire n’a rien à voir dans ces œuvres qui sont des actes et des vertus. Pour ces poèmes héroïques racontés par un vieux croisé comme Joinville, qui revient de la rescousse, ou quelque vieux capucin qui revient du martyre, pour ces dits et gestes rapportés avec des simplesses de cœur inconnues à tous les Naïfs littéraires les plus vrais, à tous les La Fontaine les plus profonds, la critique ne saurait vraiment exister, et elle se désarme dans l’émotion et dans le respect.
II Tels sont les mérites qui sautent aux yeux d’abord et qui ne tardent pas à les captiver, de cette biographie critique de Milton : une simplicité mâle et une droiture saine et forte, sans aucun des contournements de la pensée moderne et des affreuses loucheries des faiseurs de philosophies de l’Histoire. […] Taine, le dernier critique de Milton, il ne dira, certes ! […] Il se gardera comme du feu, lui, le cerveau bien fait, de ces éblouissantes sottises qu’un siècle moins sot que le nôtre aurait outrageusement sifflées, et, pur de toutes ces inepties prétentieuses, son livre sera certainement la meilleure réponse qu’on puisse faire, par le temps qui court, aux interprétations critiques et aux systèmes de tant de pédants affolés ! […] À côté des pédants de la Critique, il y a les pédants de la Politique, — une race nouvelle, — il y a les caporaux de la Démocratie, qui donnent, depuis quelque temps, le mot d’ordre contre la Poésie, qui lui refusent le droit d’exister, à cette sublime fille de la tête humaine, et qui la traitent comme une amusette de peuple enfant, comme un polichinelle cassé.
… Les grands fondeurs… en carton-pâte de la Critique contemporaine élèveront-ils une statue à un écrivain qui a bien assez écrit pour que beaucoup d’esprits le croient un colosse ? […] Un jour, l’un de nos critiques les plus spirituels, pour lequel il n’était encore qu’un inconnu, le rencontra chez une duchesse. […] Cette voix surtout frappa le critique, mais elle le frappa bien davantage, quand, en sortant, la porte à peine refermée, de velours redevenue… ce qu’elle était, cette voix de salon reprit tout à coup son timbre de marine et ses grossiers jurons de bord. […] Il y eut deux parts dans sa vie, et la critique doit bien les marquer.
un peu plus il passait Jean, et qui sait, Gros-Jean peut-être, lorsque tout à coup, avec une souplesse d’Arlequin, — un gros aussi, très-gracieux et très-souple, — voilà qu’il repart et rebondit sur ce tremplin de critiques qu’on risquait contre lui, superbe et Janin comme devant !! […] Il faut évidemment qu’il y ait ici l’exercice d’une faculté excessivement rare, et devant laquelle une Critique, un peu profonde, est obligée de s’arrêter. […] Janin ; ce n’est pas tout que la vérité des détails et la beauté des épisodes pour faire conclure à la Critique que M. […] Janin, si l’Académie française ne donnait pas à l’auteur de La Fin du Neveu de Rameau le fauteuil de Diderot, dont il a pris le talent et dont il va partager la gloire, elle manquerait terriblement de sens critique, l’Académie !
Tout le monde l’a loué hyperboliquement, d’une seule voix, excepté pourtant un critique que j’honore pour la fermeté de son esprit et pour son indépendance (M. Alphonse Duchesne, du Figaro), car le monde est si comiquement fait, que c’est presque une hardiesse, à cette heure, de se livrer au mouvement d’une critique vive et franche sur un livre de M. […] Et cependant, si aujourd’hui, à propos d’un livre qu’il m’est impossible d’admirer, je veux prendre exactement la mesure de ce talent, et si j’ose introduire mes petites réserves sur des procédés d’exécution dont je connais la profondeur et la portée, dussé-je m’adresser aux esprits les plus connaisseurs, ayant au fond la conviction que la critique que je me permets est fondée ! […] et qu’il est plus que temps, pour l’honneur de tous, d’en finir avec ce capitonnage dérisoire du même mot qu’on répète contre la Critique, surtout quand il s’agit d’un homme qui ne demande pas quartier, lui, et qui a bien assez de talent pour entendre une fois la vérité, — ce qui le changera !
Monseigneur ne s’est pas aperçu qu’il continuait cette faute de charité en sens inverse commise par tout l’Épiscopat quand, à force de mandements, d’anathèmes et de coups de cloche, il a mis, de ses mains bénies, cinquante mille écus dans le chapeau de Renan, et a fait à ce petit gratte-papier d’une critique impie une position officielle, très confortable, contre Dieu ! […] Franchement, je ne sais trop comment m’y prendre pour vous parler convenablement d’un livre dont le caractère est la platitude, — une platitude comme je n’en ai jamais vu, — une platitude ineffable, qui ne ressort ni de la critique sérieuse ni même de la plaisanterie, et dans lequel, si par hasard le Diable y était pour quelque chose, je le tiendrais, lui qu’on a toujours regardé comme une personne d’esprit, pour complètement déshonoré ! […] La thèse de l’auteur, ou des auteurs du Maudit, — car des critiques plus aigus ou plus fins que moi, malgré l’unité de platitude qui règne dans ce livre de l’un à l’autre bout, ont prétendu qu’il y avait plusieurs astres en conjonction sous les trois étoiles de l’occulte abbé, qui ne serait pas un si pauvre diable alors et pourrait s’appeler Légion, — la thèse donc du Maudit, qu’on a voulu traduire en récit romanesque, sans doute pour plus vite la vulgariser, est la malédiction jetée par l’Église sur la tête du prêtre qui comprend que le vieux sacerdoce du passé croule de toutes parts, pour faire place au sacerdoce de l’avenir ! […] Parce que sur les murs de Paris on lisait alors : Barbey d’Aurevilly idiot, réponse à sa critique des Misérables.
Tout ce qu’il a fait consiste en des Epîtres en Vers, des Lettres en Prose, différentes Critiques imprimées séparément ; Ecrits ingénieux, qui, réunis ensemble, pourroient former un Recueil agréable & piquant. […] Ses Lettres critiques sur Roméo & Juliette prouvent que les applaudissemens momentanés donnés à cette Tragédie n’en ont pas imposé à son discernement ; & les Etrennes à ses Amis, qu’il n’est rien moins qu’atteint de la maladie philosophique, & qu’il a le bon esprit de sentir les maux qui en sont le résultat.
Le grand critique de Bonn écrivait à M. […] Audin, catholique zélé, qui a déjà donné une histoire (très-partiale) de Luther et de Calvin, vient de publier celle de Léon X : ici il est plus intéressant parce qu’il apporte, au milieu de son flot de louanges, quantité de renseignements puisés aux sources italiennes, bien que sans y joindre aucun contrôle de critique. […] Latouche s’est rendu célèbre dans la littérature d’il y a quinze ou vingt ans par une foule de traits pareils, malicieux et même (quelques-uns disent) méchants : il a drapé les ridicules de la jeune École d’alors dans un article critique, intitulé la Camaraderie ; mais il a oublié de dire que ces ridicules de coquetterie et de cajolerie poétique, il les avait autant que personne partagés, caressés, — sauf à les dénoncer ensuite avec esprit, avec fiel aussi et âcreté.
Ami de Collin-d’Harleville et de Picard, avec moins de sensibilité coulante et facile que le premier, avec bien moins de saillie et de jet naturel que le second, mais plus sagace, emunctae naris, plus nourri de l’antiquité, avec plus de critique enfin et de goût que tous deux, il préluda par Anaximandre, bluette grecque, de ce grec un peu dix-huitième siècle, qu’Anacharsis avait mis à la mode ; en 1787, il prit tout à fait rang par les Étourdis, le plus aimable et le plus vif de ses ouvrages dramatiques104. […] Cette image piquante nous offre le critique respectueux et minutieux dans ses proportions vraies, et le doux air d’espièglerie qui s’y mêle n’y messied pas. […] Andrieux y déploya dans un cadre plus général les qualités précieuses de critique, de finesse délicate, de malice inoffensive et ingénieuse, qu’attestaient ses œuvres trop rares, et dont ses amis particuliers avaient joui.
On a fait bien des critiques d’Atala, et dans le temps même où elle parut et depuis. […] Je l’ai dit ailleurs : « malgré tout, Atala garde non pas son charme (c’est un mot trop doux et que j’aime mieux laisser à Virginie), mais son ascendant troublant ; au milieu de toutes les réserves qu’une saine critique oppose, la flamme divine y a passé par les lèvres de Chactas ou de l’auteur, qu’importe ? […] Le livre est fait, et, par conséquent, le moment critique est passé.
La décadence des principes qui avaient fait la force et la grandeur de l’âme féodale, les victoires de l’intérêt sur l’honneur, de la ruse sur la force, de la sagesse pratique sur la folie idéaliste, l’infiltration de la science cléricale dans le monde laïque, moins sévèrement enfermé dans l’abstraction, moins étroitement contenu par l’orthodoxie théologique, l’essor du bon sens bourgeois et de la logique disputeuse, l’éveil de la curiosité, de la critique, du doute, et la diffusion d’un esprit grossièrement négatif et matérialiste, tout cela, dans ce xive et ce XVc siècle qui sont moins le moyen âge que la décomposition du moyen âge, fait naître et fleurir toute sorte de genres, narratifs, didactiques, satiriques, prose ou vers, contes, farces, allégories. […] Enfin au xixe siècle, après la reprise du sentiment religieux et du sens artistique qui produit l’explosion romantique, voici que jusqu’à une date très rapprochée de nous, l’esprit critique et expérimental devient le principal ressort de l’âme française, et se traduit littérairement par l’abondante floraison du roman et du théâtre réalistes, par l’étonnant développement de l’histoire et de la critique, par un effort enfin universel et sensible pour soumettre l’inspiration de l’écrivain aux lois de la méthode scientifique.
Ce mot, qui sent l’argot d’atelier d’une lieue, devrait être supprimé du dictionnaire de la critique. […] ô critique ! ô critiques ! […] Nous avons vu plus d’un critique, important dans la presse, lui jeter en passant son petit mot pour rire — que l’auteur n’y prenne pas garde. — Il est beau d’avoir un succès à la Saint-Symphorien. […] Les critiques et les journalistes se sont donné le mot pour entonner un charitable De profundis sur le défunt talent de M.
On y ajoute souvent des critiques injustes de leurs ouvrages. […] Le grand succès de ce petit ouvrage lui attira des critiques, que l’Étourdi et le Dépit amoureux n’avaient pas essuyées. […] On représenta sur le théâtre de l’hôtel de Bourgogne, à la suite de La Femme juge et partie, La Critique du Tartuffe. […] Molière aurait pu donner moins de prise à la critique, en supposant quelque autre homme que le fils du Grand Turc. […] S’ils avaient été bons, et si leur auteur avait valu quelque chose, la critique sanglante de Molière et celle de Despréaux ne lui eussent pas ôté sa réputation.
Pour Mabillon, nulle critique ne le fâchait : il avait en lui un principe d’inaltérable paix. […] C’est une grande grâce que l’amour de la vérité ; on l’obtient par les gémissements et la prière. » Ce grand critique mourait en repos dans la certitude paisible où il avait vécu que l’esprit critique est un don de Dieu. […] Ainsi la critique érudite aurait faussé le développement naturel de notre poésie dramatique. […] Pourquoi faut-il que le jeune critique n’ait pas osé mettre ses qualités en liberté ? […] On oublie qu’après tout rien ne vaut, en critique, l’intuition individuelle.
Oui, j’en serais persuadé depuis quinze jours si je ne l’avais été déjà auparavant, la critique impersonnelle est le vrai ; et « l’application de la doctrine évolutive à l’histoire de la littérature et de l’art » est presque seule « capable de communiquer au jugement critique une valeur vraiment objective »5. […] Supposez qu’un critique, ayant à parler des auteurs dramatiques du mois, se trouve avoir, avec tous, commerce d’amitié ou de camaraderie. […] La critique au jour le jour, la critique des ouvrages d’hier n’est pas de la critique : c’est de la conversation. […] Et ainsi la critique impressionniste et personnelle, si humble mine qu’elle ait au prix de l’autre, n’en est pas, du moins, l’opposé, comme on le croit communément. […] (L’auteur ne nous a pas montré cette enfant, et des critiques s’en sont plaints ; mais je m’en console, parce que je me la représente très facilement.)
Mon analyse n’a qu’une valeur critique, c’est-à-dire secondaire. […] L’artiste qu’est Mithouard se double d’un critique avisé. […] Êtes-vous poète, philosophe, romancier, critique ? […] Ses études critiques ont nui à sa réputation d’artiste créateur. […] Il s’agit donc là de critique expérimentale et d’enseignement pris sur le vif.
. — La critique. […] SA PHILOSOPHIE, SA MORALE ET SA CRITIQUE. […] Il a composé sur les écrivains allemands une longue série d’articles critiques. […] Sa philosophie, sa morale et sa critique. […] Cette découverte a renouvelé la critique.