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310. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Oui, nous sommes encore et nous resterons, je l’espère, quelque chose de tout cela ; à ceux qui pensent que notre jeunesse est en train de se faire doctrinaire, à ceux qui craignent que la future République n’affecte trop un jour le goût américain, nous répondrons par ce carnaval de 1833. […] L’Aquilon te soulève, ô ma jeune hirondelle, Et l’horizon lointain abaisse ses sommets ; Tu tardes ; craindrais-tu de paraître infidèle, Parce qu’aux mêmes lieux tu ne reviens jamais ?

311. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

...................Je crains que la race des symbolistes ne soit aux trois quarts éteinte. […] Mais je crains qu’il ne faille une expérience déjà longue pour en découvrir le sens profond.

312. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

Tant que le maître est là, je suis tranquille, et, tant que je le lis, je suis charmé ; mais je crains les disciples. […] Oui, je crains par moments que le maître, avec son magnifique style, ne mette les colonnes du Parthénon comme façade à une école de Byzantins.

313. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

Heureusement le Saint-Esprit n’est pas exposé aux persécutions, et ne les craint pas plus qu’il ne les inspire ou ne les approuve. […] Craignait-il plus les moines que les rois ?

314. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

Le physicien peut peser l’air dans son tube, sans craindre d’offenser Junon. […] Platon, ce génie si amoureux des hautes sciences, dit formellement, dans un de ses plus beaux ouvrages, que les hautes études ne sont pas utiles à tous, mais seulement à un petit nombre ; et il ajoute cette réflexion, confirmée par l’expérience, « qu’une ignorance absolue n’est ni le mal le plus grand, ni le plus à craindre, et qu’un amas de connaissances mal digérées est bien pis encore149. » Ainsi, si la religion avait besoin d’être justifiée à ce sujet, nous ne manquerions pas d’autorités chez les anciens, ni même chez les modernes.

315. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

Il y mettait des bouquets de fleurs avec leur rosée, des parfums d’autel, et surtout cette petite flamme de lampe du génie qui y trembla toujours et qu’on craignait toujours de voir s’évanouir. […] Tous, tant ils l’aimaient, ne cessèrent de craindre qu’il ne se brisât tout à fait à la chaleur continue de cette petite flamme de génie, laquelle était sa vie aussi, et menaçait à chaque instant de s’exhaler comme la lumière du flambeau épuisé s’exhale, haletante et palpitante, sur la bobèche en cristal qu’elle finit par faire éclater !

316. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Guizot » pp. 201-215

il craint trop « d’être trop shakespearien ». […] Il y a eu, je crois, une société shakespearienne qui ne craignait pas, elle, de l’être trop, et qui a payé au poids de l’or tout renseignement vrai sur Shakespeare.

317. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

Il est de la race de ces esprits qui ne craignent pas de serrer l’histoire d’une époque autour d’un ou deux personnages qui la centralisent. […] Mais rien peut-il étonner de l’écrivain qui, plus tard, n’a pas craint d’insulter Marie-Antoinette, l’archange majestueux de la royauté et de l’échafaud ?

318. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes et la société au temps d’Auguste » pp. 293-307

Le dilettante, le raisonneur, le psychologue, comme Blaze de Bury s’appelle, le chercheur du vrai humain plus que du vrai historique, n’a pas craint d’aller, qui sait ? […] c’est un moderne, qui se jette et tombe dans son sujet avec son armature moderne, — et c’est d’une originalité et d’une sensation surprenantes que cette langue moderne, hardie, familière, pittoresque, cette langue que nous parlons tous dans le plain-pied de notre vie : à souper, entre les portants de deux coulisses, partout ; la langue du monde et non de la littérature, qui touche presque à l’argot et au néologisme, qui ne craint ni le mot plaisant, ni le mot débraillé, ni le mot cru, ni le mot nu, et que voici parlée comme les chroniqueurs de notre temps la parleraient dans un journal de notre temps, et appliquée hardiment aux plus hauts sujets et aux plus majestueuses figures, avec une aisance, un sans-façon et un brio dignes de Fervacques et de Bachaumont dans des chroniques d’hier !

319. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIII. M. Nicolardot. Ménage et Finances de Voltaire » pp. 297-310

Quand un livre est fort et d’une discussion difficile, les tortionnaires de bonne volonté qui craignent la force de la victime ont une manière de l’étouffer : — ils n’en parlent pas9 ! […] Guizot, dans son Histoire de la civilisation en Europe, n’a pas craint d’écrire avec cette magnifique puissance d’affirmation dont la nature se soit jamais amusée à douer un sceptique, que la plus grande époque de l’histoire a été le siècle de la Régence, de Louis XV et de la Révolution.

320. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gobineau » pp. 67-82

On se le rappelle, quand l’auteur de Rouge et Noir et De l’amour avait produit quelque chef-d’œuvre, il décampait de Paris comme s’il avait craint l’explosion d’un pétard. Et pourtant, il pouvait être bien tranquille, si c’était une explosion qu’il craignait !

321. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Le ridicule que M. de Mouy craint peut-être pour Madame Geoffrin, je ne le crains pas, moi.

322. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « II. Jean Reynaud »

Au moins, pour expliquer de cette façon le problème surnaturel de l’homme et de sa destinée, pour revenir en plein dix-neuvième siècle, — après les travaux philosophiques de Hegel et de Schelling, — à ce risible système de la métempsychose, digne tout au plus d’inspirer une chanson au marquis de Boufflers ou à Béranger qui l’a faite, fallait-il se sentir une force d’induction et de déduction irrésistibles ; fallait-il que la grandeur des facultés philosophiques sauvât la misère du point de vue que l’on ne craignait pas de relever. […] … Ce manque de précision qui, en métaphysique, se noue si vite en erreur ou s’étale si pompeusement en bêtise, on le signalerait à toutes pages dans le livre de Terre et Ciel, si on ne craignait pas de fatiguer le lecteur par des citations trop abstraites !

323. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

L’enseignement du prêtre qu’on pouvait craindre y est remplacé par la sentimentalité d’un philosophe, chrétien encore, mais d’un christianisme qui n’est point farouche, d’un christianisme humanisé ; et le moine, le moine qui inquiète toujours les yeux purs et délicats de la Philosophie, s’y est enfin suffisamment décrassé dans les idées modernes, pour qu’il n’en reste rien absolument sur l’académicien, reluisant neuf ! […] Ce livre, dont je crains le succès, n’exprime pas à la rigueur un tout radicalement mauvais et qui doive être rejeté intégralement ; mais il a les corruptions du temps, sa sentimentalité malade, son individualisme, son mysticisme faux, son rationalisme involontaire.

324. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

Une fois mort, au contraire, on ne le craignait plus ; on était tranquille. […] Littré craindrait de jurer qu’il croit à l’édifice religieux et social bâti par Comte, pour abriter, sous sa coupole, les générations de l’avenir.

325. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

L’auteur, qui a de l’âme, du reste, à défier tous les railleurs de la terre, n’a pas craint de revenir à un genre vieilli et condamné par une critique superficielle. Quand on a du talent, c’est comme quand on a du courage, qu’est-ce qu’on craint ?

326. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « E. Caro »

Caro pourrait bien arriver à temps pour enfin terminer un débat sans bout dont tout le monde est las, et dont il restera, je le crains, à l’esprit français, — cet esprit qui d’ordinaire traverse les questions comme une balle, — un immense appesantissement ! […] Il a beau mettre des applications de charité tardive et de baume samaritain sur les blessures qu’il ne craint pas de faire à la vanité sophistique, il ne les y met que parce qu’il a donné ce coup de pointe inconnu à Caro, qui reste l’accent grave, quand sa politesse n’en fait pas l’accent circonflexe.

327. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

Lord Byron, qui craignait l’embonpoint physique, ne prenait que des biscuits et du soda water, et se mesurait tous les jours les poignets pour voir s’ils n’avaient pas grossi. […] Mérimée, qui n’avait pourtant pas à craindre l’embonpoint intellectuel, semblait appliquer à son esprit et à son style les expériences et le système de lord Byron… Si les sociétés de tempérance étaient possibles en littérature, M. 

328. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

» Puis tout à coup il craint d’en avoir trop dit. […] Il faut que les hommes ordinaires veillent sur eux ; il faut que dans l’impuissance d’être grands, ils soient du moins toujours nobles : ils se voient sans cesse en présence des spectateurs, ils n’osent se fier à la nature, et craignent le repos.

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