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320. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Andrieux est un homme de bon goût ; mais ses ouvrages ne conviennent plus au siècle vigoureux et sérieux au milieu duquel nous vivons. La génération des poupées, qui commença la Révolution en 1788, a été remplacée par une génération d’hommes forts et sombres, qui ne savent pas bien encore de quoi il leur conviendra de s’amuser. […] Hugo et Delavigne nous conviennent mieux que les petits vers doucereux et d’excellent goût de MM. 

321. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Villars avait des ennemis ; il les méritait par son bonheur à la guerre, qui ne s’était démenti et ne devait se démentir que cette fois, et par cet air de jactance qui accusait des défauts en partie réels, et qui recouvrait des qualités dont les malveillants se gardaient bien de convenir ; mais il est certain qu’il valait infiniment mieux que n’affectaient de le montrer les mauvais propos des courtisans et des jaloux. […] Villars en est lui-même convenu dans ses Mémoires. […] Mais il est beau que sa fortune fasse la fortune publique. » Et songeant moi-même à Villars, à Masséna, à ces grands hommes de guerre qui ont eu des vices, mais qui peuvent aussi montrer dans leur vie ces nobles pages, Rivoli, Essling et Zurich, ou bien Friedlingen, Hochstett et Denain, je dirai qu’il convient de leur appliquer les paroles de Périclès dans l’Éloge funèbre des guerriers morts pour Athènes : « A ceux qui ont de moins bonnes parties il est juste que la valeur déployée contre les ennemis de la patrie soit comptée en première ligne ; car le mal disparaît dans le bien, et ils ont été plus utiles en un seul jour par ce service public, qu’ils n’ont pu nuire dans toute leur vie parleurs inconvénients particuliers. » C’est la conclusion qui me paraît la plus digne pour ce chapitre d’histoire.

322. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

« Ces préparatifs peuvent n’avoir rien d’horrible, lorsque l’homme, altéré par la haine ou le ressentiment, a soif de la vengeance ; mais, lorsque le cœur est sans fiel et que l’imagination n’a pas usé toutes les douces émotions, il faut, pour ne pas s’effrayer de la pensée toujours affreuse d’un duel, toute la force d’un préjugé qui résiste aux lois mêmes qui le condamnent. » Le duel, malgré sa menace, n’a rien ici de fratricide : le pistolet à la main, Émile fait des excuses à Édouard ; un témoin s’en étonne à haute voix plus qu’il ne convient, et c’est lui qu’Émile choisit à l’instant pour adversaire, priant Édouard lui-même de lui servir de témoin. […] « Moins qu’à tout autre, je le sais, il m’appartient, en cette douloureuse circonstance, de prononcer ici les noms de la Religion et de la Raison ; aussi leur langage élevé n’est-il pas celui que je viens faire entendre, mais l’humble langage qui me convient… » Et il donnait quelques conseils pratiques, des conseils qui s’adressaient particulièrement aux témoins, seuls juges du cas d’inévitable extrémité auquel il fallait réduire de plus en plus cette odieuse pratique, débris persistant d’une autre époque. […] Ces deux hommes d’ailleurs, également courageux et sans peur, marchant également tête haute et la poitrine en dehors, aimaient la liberté, mais différemment : l’un, qui n’a pas donné son dernier mot et dont on ne peut que deviner l’entière pensée tranchée avant l’heure, aimait la liberté, mais armée, glorieuse, imposante, et, pour tout dire, la liberté digne d’un consul : — il faut convenir aussi que cette forme a bien de l’éclat et de l’attrait ; — il aimait la liberté réglée par les mœurs, par les lois mêmes, la liberté organisée et peut-être restreinte ; l’autre aimait et voulait la liberté complète, cosmopolite, individuelle au suprême degré dans tous les genres, civile, religieuse, intellectuelle, industrielle, commerciale, à la manière d’un Hollandais, d’un Belge ou d’un citoyen de New-York : le plus Américain des deux n’était pas celui qui croyait l’être.

323. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Taine comme il convient, j’ai besoin d’ajouter encore quelques remarques et une réflexion. […] Taine nous entretenait l’autre jour27, — occupés, dis-je, à rechercher uniquement et scrupuleusement la vérité dans de vieux livres, dans des textes ingrats ou par des expériences difficiles ; des hommes qui voués à la culture de leur entendement, se sevrant de toute autre passion, attentifs aux lois générales du monde et de l’univers, et puisque dans cet univers la nature est vivante aussi bien que l’histoire, attentifs nécessairement dès lors à écouter et à étudier dans les parties par où elle se manifeste à eux la pensée et l’âme du monde ; des hommes qui sont stoïciens par le cœur, qui cherchent à pratiquer le bien, à faire et à penser le mieux et le plus exactement qu’ils peuvent, même sans l’attrait futur d’une récompense individuelle, mais qui se trouvent satisfaits et contents de se sentir en règle avec eux-mêmes, en accord et en harmonie avec l’ordre général, comme l’a si bien exprimé le divin Marc-Aurèle en son temps et comme le sentait Spinosa aussi ; — ces hommes-là, je vous le demande (et en dehors de tout symbole particulier, de toute profession de foi philosophique), convient-il donc de les flétrir au préalable d’une appellation odieuse, de les écarter à ce titre, ou du moins de ne les tolérer que comme on tolère et l’on amnistie par grâce des errants et des coupables reconnus ; n’ont-ils pas enfin gagné chez nous leur place et leur coin au soleil ; n’ont-ils pas droit, ô généreux Éclectiques que je me plais à comparer avec eux, vous dont tout le monde sait le parfait désintéressement moral habituel et la perpétuelle grandeur d’âme sous l’œil de Dieu, d’être traités au moins sur le même pied que vous et honorés à l’égal des vôtres pour la pureté de leur doctrine, pour la droiture de leurs intentions et l’innocence de leur vie ? […] On me dira que les Pope, les Horace, les Joubert, ne font pas autre chose dans leur genre : mais convenez que l’esprit trouve mieux son compte avec eux.

324. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Convenait-il qu’un livre, publié au profit de la fille de l’auteur, et d’une fille d’un âge si tendre, contînt de semblables passages ? S’il y avait trace aussi et aveu de quelque passion d’âge mûr, de quelque mystère de cœur, opposé au sentiment parfait d’une épouse fidèle, convenait-il de laisser de tels endroits et de découvrir le sein au défaut de la cuirasse ? […] Il était difficile, on en conviendra, et à peu près impossible que dans ce groupe brillant, éloquent, qui l’entourait et dont elle était l’âme, Mme Roland ne fît pas un choix ; qu’elle n’eût pas une préférence secrète, un faible.

325. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Esprit, bon sens, propriété d’expression, raison piquante, grâce naïve, tout cela coulait sans étude entre des dents d’ivoire et des lèvres rosées : force était de s’y résigner. » Le portrait est brillanté, mais convenez qu’il est des plus jolis. […] J’ai eu occasion de passer quelques jours avec elle en 1791 ; cette femme, il faut en convenir, joignait un esprit supérieur à toutes les grâces de son sexe ; elle avait tout l’art nécessaire pour faire croire que tout chez elle était l’ouvrage de la nature. […] Louis Blanc a dit encore en parlant du groupe de la Gironde et pour le définir : « Ce furent des artistes égarés dans la politique. » Artistes, je l’accorde ; mais il convient encore de se bien entendre sur le mot ; ils l’étaient peut-être (l’un d’entre eux du moins, Vergniaud), par l’éloquence ; comme écrivains, ils n’étaient artistes nullement.

326. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

Convient-il de rejeter ces lumières imprévues comme vaines et trompeuses, et parce qu’il s’y est mêlé un excès de chaleur et d’ardeur, des teintes forcées et quelques lueurs fantastiques, de considérer le tout comme non avenu ? […] On convient communément que le maréchal de Noailles est fol et hypocrite ; il est cependant à la mode de dire qu’il est dévot et homme de beaucoup d’esprit : tant le discernement à la Cour se plie sous l’empire de la mode et des apparences, et tant l’habitude est formée de voir de méchants hommes dans les grandes places et de les craindre ! […] Convenez que ces historiens de l’ancienne école, bien qu’ils pensent, en écrivant, à Tacite ou à Salluste, ont du bon.

327. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Le mensonge et le convenu la soutenaient ; le triomphe du vrai la tue. […] Ce n’est en aucune façon le spiritualisme convenable et convenu des romans romanesques ; c’est exactement le contraire de la philosophie de M.  […] Oubliez Madame de Givré, écartez Jane Spring, qui me paraît fort embellie ( Dans le monde), et quelques autres personnages un peu convenus, et vous reconnaîtrez que M. 

328. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Au reste, je ne voudrais pas répondre que Napoléon n’eût lui-même suggéré au peintre cette idée du cheval fougueux ; il aimait les genres tranchés, comme il disait ; il les aimait jusqu’au point de ne pas haïr le convenu. […] L’analogie et la vérité des descriptions étaient frappantes ; elles conviennent encore à ce pays, après tant de siècles et de vicissitudes. » Il y eut là un moment où cette grande destinée faillit se détourner à jamais ; une victoire de plus pouvait la faire verser du côté de l’Asie. […] Il convient d’avoir fait d’aussi grandes choses pour avoir le droit d’être aussi nu.

329. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

la haine ne convient pas aux croyants. […] Le poète a eu raison de dire, au début de son livre, en le comparant à un haut cyprès : « Celui qui se tient sous un arbre puissant, sera garanti du mal par son ombre. » Ce sentiment de moralité profonde est égayé, chemin faisant, par des parties brillantes et légères, comme il convenait à un poète nourri dans le pays du pêcher et de la rose. […] Pour moi, la moralité que je déduirai ici sera à la moderne, tout étroite et toute positive : c’est qu’il convient que l’impression de ce grand livre où se trouve ce bel épisode, et d’autres épisodes encore, se remette en train au plus vite et s’achève, et que les contrariétés, les ennuis qui, il y a huit cents ans, sous le régime du sultan Mahmoud, ont traversé la vie et l’œuvre du poète Ferdousi, ne continuent pas aujourd’hui de le poursuivre dans la personne de son savant éditeur et traducteur, qui mérite à la fois si bien et de lui et de nous.

330. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

La tradition nous a entretenus mainte fois des beaux jours de la critique littéraire à cette époque du Consulat et de l’Empire ; on regrette ce règne brillant de la critique, on voudrait le voir renaître sous une forme qui convînt à nos temps. […] Il faut convenir que celui qui sent de la sorte, quand il vient à porter un coup juste, doit l’assener vigoureusement. […] Les sujets qui convenaient le plus à ses habitudes et à ses goûts, et dans lesquels il réussissait le mieux, étaient ceux qui avaient trait à la société du xviiie  siècle.

331. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Chaque parti a vite arraché la page qui convenait à ses vues ou à ses haines, sans trop examiner si le revers de la page ne disait pas tout le contraire, et ne donnait pas un démenti, un soufflet presque à ce qui précédait. […] J’ai prononcé le mot d’homme à bonnes fortunes ; il convient de l’expliquer à l’instant et de le relever. […] Religion et morale à part, il n’y a qu’à s’incliner, convenons-en, devant l’expression d’une si désolée et si suprême mélancolie.

332. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Le texte, typographiquement, est admirable ; les titres sont d’un grand goût ; les portraits sont beaux : je ne trouve à blâmer que les espèces de vignettes qui terminent les pages à la fin des chapitres, et qui font ressembler par moments ce volume royal à un livre d’illustrations : ces enjolivements, dont le sujet est souvent énigmatique, ne conviennent pas à la gravité monumentale de l’édition. […] Pour le juger comme politique, il convient de se dégager du point de vue français, des illusions françaises, et de ce qui nous est resté de l’atmosphère du ministère de Choiseul. […] Dans une appréciation complète et impartiale de Frédéric, il convient de tenir compte des faits sur lesquels M. 

333. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Le témoignage le plus grave qu’on puisse alléguer contre elle est un mot de son amie Ninon, au sujet de M. de Villarceaux, leur ami commun ; mais, dans ce même malin propos, Ninon convient qu’elle ne sait pas jusqu’où allèrent les choses, et que Mme Scarron lui parut toujours « trop gauche pour l’amour ». […] Telle Mme de Maintenon était chez ses amies, Mme d’Heudicourt, Mme de Montchevreuil, telle à l’hôtel d’Albret et à celui de Richelieu ; d’une attention à plaire à tout le monde, et d’une complaisance industrieuse que Saint-Simon a notée avec raison et qu’il a peinte aux yeux comme il sait faire : car, au milieu de ses exagérations, de ses injustices et de ses inexactitudes, il y a (ne l’oubliez pas) de grands traits de vérité morale dans ce qu’il dit de Mme de Maintenon ; mais l’explication qu’il donne de ce zèle empressé a plus de dureté qu’il ne convient, et je m’en tiendrai à celle qui nous est indiquée par Mme de Maintenon elle-même. […] Pour se compléter l’idée de Mme de Maintenon, il convient, en les lisant, d’y ajouter un certain enjouement de raison, une certaine grâce vivante qu’elle eut jusqu’à la fin, même dans son austérité ; qui tenait à sa personne, à son désir de plaire en présence des gens, mais qui n’allait pas jusqu’à se fixer par écrit.

334. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

C’est lui qui, entendant dire un jour à un jésuite que Pascal, retiré à Port-Royal-des-Champs, y faisait des souliers comme ces Messieurs, par pénitence, répliqua à l’instant : « Je ne sais s’il faisait des souliers, mais convenez, mon Révérend Père, qu’il vous a porté une fameuse botte. » Ce Jacques Boileau, par ses calembours et ses gaietés, me fait assez l’effet d’un Despréaux en facétie et en belle humeur. […] Pascal s’était moqué de la poésie et de ces oripeaux convenus, siècle d’or, merveille de nos jours, fatal laurier, bel astre : « Et on appelle ce jargon, disait-il, beauté poétique !  […] Et pourtant il y a la race encore de ceux qui, voyant ce faux et ce convenu hypocrite, n’ont pas de cesse que, sous une forme ou sous une autre, la vérité, comme ils la sentent, ne soit sortie et proférée.

335. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 150-151

Les Lettres d’Osman sont écrites avec la légéreté qui convient à ces sortes de productions.

336. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 466-467

Il faut néanmoins convenir que ces deux derniers Ouvrages, accompagnés de notes historiques & critiques, annoncent un Littérateur érudit, qui, malgré la froideur de son style, écrit beaucoup mieux que la plupart de ses confreres de l’une & l’autre Académie.

337. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 434-435

Il en convient lui-même, dans son Livre intitulé l’Esprit de S.

338. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 48-49

On a dit que le nom de son frere étoit un honneur dangereux pour lui : on doit en convenir ; mais, malgré cela, son frere ne pouvoit être mieux remplacé à l’Académie Françoise.

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