/ 1833
404. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Après quarante ans d’une lutte glorieuse, durant laquelle fortes de leur droit, de leur patriotisme et de leur conscience, elles avaient tenu en échec la toute-puissante monarchie espagnole et prouvé leur souveraineté à la face du soleil, les Provinces-Unies de Hollande, lasses enfin, aspiraient à la paix. […] S’adressant au prince Maurice, au comte Guillaume son cousin et aux divers membres de cette maison, qui sont tout-puissants en Zélande, il les adjure de ne pas s’opposer, mais d’aider à la réunion de tous, et il rappelle au prince Maurice en particulier le noble exemple de Phocion, grand et sage capitaine, lequel, à l’occasion d’un conseil qu’il avait dissuadé et qui réussit pourtant à l’exécution, disait « qu’il ne se repentait pas d’avoir rejeté un conseil qu’il avait jugé en sa conscience devoir être dommageable, mais qu’il était très aise que le succès en eût été meilleur et plus heureux qu’il n’avait pensé ». […] Davantage, je crois fermement que lesdits États feront bien pour eux et pour leur république de n’affliger et désespérer lesdits catholiques ; car nous avons éprouvé en nos jours quel pouvoir a dedans les âmes et courages des hommes la liberté de conscience et le soin de la religion : tant s’en faut que la vexation et affliction les en rende plus nonchalants et abattus, qu’elle fait des effets tout contraires.

405. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Mais ce gueux, ce marmiteux, ce goinfre, ce balourd, cet incongru, comment Orgon, homme riche et notable, dont la conduite pendant la Fronde a été signalée au roi avec éloge ; comment ce bourgeois, qui a sûrement les préjugés de sa classe et de son rang, a-t-il pu le recueillir chez lui, l’y traiter en ami intime et en directeur de conscience ? […] Selon divers besoins, il est une science D’étendre les liens de notre conscience, Et de rectifier le mal de l’action Avec la pureté de notre intention, ne peuvent être que d’un terrible pince-sans-rire et d’un railleur raffiné et hardi. […] D’ailleurs, la foi fait des miracles de plus d’un genre, et l’on a vu souvent des dévots beaucoup plus intelligents qu’Orgon traiter avec la déférence la plus sincère et la plus aveugle et prendre pour directeur de conscience tel « petit Frère » aussi grossier et trivial que celui de la Rôtisserie de la reine Pédauque… « Mais comment, disais-je encore, un bourgeois comme Orgon, et qui doit avoir les préjugés de sa classe et de son rang, peut-il bien s’entêter à donner sa fille à un ancien mendigot ?

406. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

… Telle est la question qui divise les consciences. » Personnellement M.  […] Elle est dangereuse à moins qu’elle ne s’asservisse à la religion laïque qui n’est pas encore promulguée, mais pour la Bible de laquelle tant de fidèles demandent à souscrire ; la science est dangereuse parce qu’elle est autonome, et que nul ne saurait prévoir les conclusions qu’elle commandera et qui contrediront peut-être les dogmes moraux improvisés ; l’art est à proscrire aussi, s’il ne veut pas servir, s’il prétend vivre pour lui-même, non pour l’adorable je ne sais quoi dont de tendres consciences ont cure. […] Tel, moins contaminé, reconnaîtra qu’il est plus modeste, plus pieux, de s’humilier, de s’avouer borné, c’est-à-dire limité à la conscience de soi-même, de ne pas prêcher par conséquent sa petite religion (ce qui est d’un orgueil inouï, quand fait défaut toute révélation), et, même pour soi, de ne pas sacrifier d’un cœur léger la rectitude de son intelligence au vagabondage de sa sensibilité ; il ne conclura pas, comme M. 

407. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

La plus haute conscience de Dieu qui ait existé au sein de l’humanité a été celle de Jésus. […] Peu originale en elle-même, si l’on veut dire par là qu’on pourrait avec des maximes plus anciennes la recomposer presque tout entière, la morale évangélique n’en reste pas moins la plus haute création qui soit sortie de la conscience humaine, le plus beau code de la vie parfaite qu’aucun moraliste ait tracé. […] Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait 248. » Un culte pur, une religion sans prêtres et sans pratiques extérieures, reposant toute sur les sentiments du cœur, sur l’imitation de Dieu 249, sur le rapport immédiat de la conscience avec le Père céleste, étaient la suite de ces principes.

408. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre IV. La comédie »

Deux surtout : la fièvre des spéculations, la poursuite enragée de la fortune par le mélange de l’adresse et de l’effronterie, par l’alliance de la Bourse et du journal (les Effrontés, 1861) : puis la « blague », l’ironie dissolvante qui tourne les scrupules de conscience en ridicules gothiques, et nettoie le terrain pour l’âpre et sec matérialisme (la Contagion, 1866 ; Jean de Thommeray, 1873). […] Et je n’en veux pour preuve que le jugement porté par l’auteur sur les actes de ses personnages : il s’en faut que nous en estimions comme lui la valeur morale ; l’écart est précisément d’autant plus grand que nous les prenons davantage comme individus réels, astreints aux infirmités, aux incertitudes, aux délicatesses des réelles consciences.

409. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VI. L’Astronomie. »

Nous atteignons ainsi à la conscience de notre force, et c’est là ce que nous ne saurions acheter trop cher, parce que cette conscience nous rend plus forts.

410. (1856) Cours familier de littérature. I « IIe entretien » pp. 81-97

Nous aimerions presque autant discuter pour savoir si c’est l’homme qui a inventé la pensée, c’est-à-dire si c’est l’homme qui s’est créé lui-même ; car il nous est aussi impossible de concevoir la pensée sans la parole qui lui donne conscience d’elle-même, que de concevoir la parole sans la pensée qui la constitue. […] La parole contenue dans la première langue a dû être révélée divinement à l’homme le jour où l’âme a pensé, c’est-à-dire le jour où elle a été créée avec la faculté d’avoir des sensations, de produire et de combiner des idées, d’avoir conscience de son existence et des choses existantes en elle et hors d’elle.

411. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 348

Bouhours, en matiere de langage, à ces Directeurs rigides qui troublent les consciences, pour vouloir trop les épurer, on ne sauroit trop recommander la lecture de ses Ouvrages aux jeunes gens.

412. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Il sourit même, en homme qui n’a pas de remords, mais tout au contraire la conscience d’un devoir accomplu. […] Augier proteste contre tout cela, et en appelle à la conscience. […] partis d’une conscience sincèrement scandalisée. […] S’il avait l’ombre d’une conscience et un atome de réflexion, ce M.  […] Sa conscience en émoi a besoin d’être rassurée.

413. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Le pécheur s’y confond, il s’y abîme, et pour parler comme Luther, il s’y « engloutit » dans la conscience de son indignité, dans la terreur de son juge, dans l’effroi de la damnation. […] Berthelot. « La conscience est comme le cœur et il lui faut un au-delà !  […] Richet : « Quelles idées en morale, s’écrie-t-il, Bossuet avait-il sur la guerre, sur l’esclavage, sur les tortures, sur la liberté de conscience, sur l’égalité des hommes, sur le respect de la vie humaine ? […] On répond à cela qu’il ne saurait y avoir de « gouvernement » en matière de conscience, mais c’est une question ; et, pour en montrer l’importance en deux mots, si ma conscience m’interdisait de porter les armes ou de payer l’impôt, je voudrais savoir quel est aujourd’hui « le gouvernement » qui respecterait mon scrupule. Ajoutez qu’il suffit à un gouvernement des consciences de n’être pas coercitif pour être parfaitement légitime.

414. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 372

Elles consistent dans un Abrégé de l’Histoire Ecclésiastique, un Dictionnaire portatif des Cas de Conscience, un Dictionnaire portatif pour la Géographie ancienne, un autre Dictionnaire portatif pour l’Histoire ancienne, &c.

415. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

On ne saurait demander à un volume composé de tant d’extraits et de notices dues à des plumes différentes une unité qui est plus de décorum que d’utilité réelle ; mais ce qui vaut mieux, ici, la variété est infinie, et les choix ont été faits avec goût et conscience, même quand il s’y est mêlé un peu de caprice. […] Asselineau, avec lui, a été l’un des ouvriers les plus actifs de cette tour immense à tant d’étages qui n’est pas une Babel : esprit net et vif, plume dégagée, il a su apporter dans l’exercice de son rôle critique une conscience, un soin qui est déjà une bienveillance et qui est fait pour toucher le cœur des vieux poëtes : demandez plutôt à notre vieil ami, Ulric Guttinguer.

416. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — I »

La vie d’un être, c’est le développement de sa nature vers l’accomplissement de sa destinée ; mais tous les êtres n’ont pas conscience de la fin pour laquelle ils ont été créés. […] Le célèbre professeur de Berlin regarde la religion ou le sentiment comme le premier moment du développement de l’humanité, la philosophie ou la raison ou la réflexion comme le dernier moment, l’art qui représente la forme étant le terme intermédiaire de cette évolution ; aussi, à ses yeux, la nouvelle époque de l’histoire où nous allons entrer ne sera pas autre chose que la religion chrétienne passée à l’état de philosophie, ou, comme il dit, ayant acquis la conscience de soi.

417. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

Les succès ou les revers ne donnent à la conscience des dévots ni contentement ni regret ; la morale religieuse ne laissant aucun vague sur aucune des actions de la vie, leur décision est toujours simple. […] Enfin, un homme avait vu toutes les prospérités de la terre se réunir sur sa tête, la destinée humaine semblait s’être agrandie pour lui, et avoir emprunté quelque chose des rêves de l’imagination ; roi de vingt-cinq millions d’hommes, tous leurs moyens de bonheur étaient réunis dans ses mains pour valoir à lui seul la jouissance de les dispenser de nouveau ; né dans cette éclatante situation, son âme s’était formée pour la félicité, et le hasard qui, depuis tant de siècles, avait pris en faveur de sa race un caractère d’immutabilité, n’offrait à sa pensée aucune chance de revers, n’avait pas même exercé sa réflexion sur la possibilité de la douleur ; étranger au sentiment du remord, puisque dans sa conscience il se croyait vertueux, il n’avait éprouvé que des impressions paisibles.

418. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

Les événements ordinaires de la vie, les situations sans nombre que créent les devoirs multiples, parfois contraires, de la famille, de la société, de la conscience, voilà le pays où il faut situer les caractères qu’on veut faire vivre. […] S’il vous est arrivé jamais de concevoir l’idée d’un enfantillage, d’une équipée, d’une folie, pure fantaisie de l’esprit inquiet et désœuvré, et de passer à l’exécution sans autre raison que l’idée conçue, sans entraînement, sans plaisir, mais fatalement, sans pouvoir résister ; — si vous avez repoussé parfois de toutes les forces de votre volonté une tentation vive, si vous en avez triomphé, et si vous avez succombé à l’instant précis où la tentation semblait s’évanouir de l’âme, où l’apaisement des désirs tumultueux se faisait, où la volonté, sans ennemi, désarmait ; — si vous avez cru, après une émotion vive, ou un acte important, être transformé, régénéré, naître à une vie nouvelle, et si vous vous êtes attristé bientôt de vous sentir le même et de continuer l’ancienne vie ; — si par un mouvement de générosité spontanée ou d’affection vous avez pardonné une offense, et si vous avez par orgueil persisté dans le pardon en vous efforçant de l’exercer comme une vengeance ; — si vous avez pu remarquer que les bonnes actions dont on vous louait n’avaient pas toujours de très louables motifs, que la médiocrité continue dans le bien est moins aisée que la perfection d’un moment, et qu’un grand sacrifice s’accomplit mieux par orgueil qu’un petit devoir par conscience, qu’il coûte moins de donner que de rendre, qu’on aime mieux ses obligés que ses bienfaiteurs, et ses protégés que ses protecteurs ; — si vous avez trouvé que dans toute amitié il y a celle qui aime et celle qui est aimée, et que la réciprocité parfaite est rare, que beaucoup d’amitiés ont de tout autres causes que l’amitié, et sont des ligues d’intérêts, de vanité, d’antipathie, de coquetterie ; que les ressemblances d’humeur facilitent la camaraderie, et les différences l’intimité ; — si vous avez senti qu’un grand désir n’est guère satisfait sans désenchantement, et que le plaisir possédé n’atteint jamais le plaisir rêvé ; — si vous avez parfois, dans les plus vives émotions, au milieu des plus sincères douleurs, senti le plaisir d’être un personnage et de soutenir tous les regards du public ; — si vous avez parfois brouillé votre existence pour la conformer à un rêve, si vous avez souffert d’avoir voulu jouer dans la réalité le personnage que vous désiriez être, si vous avez voulu dramatiser vos affections, et mettre dans la paisible égalité de votre cœur les agitations des livres, si vous avez agrandi votre geste, mouillé votre voix, concerté vos attitudes, débité des phrases livresques, faussé votre sentiment, votre volonté, vos actes par l’imitation d’un idéal étranger et déraisonnable ; — si enfin vous avez pu noter que vous étiez parfois content de vous, indulgent aux autres, affectueux, gai, ou rude, sévère, jaloux, colère, mélancolique, sans savoir pourquoi, sans autre cause que l’état du temps et la hauteur du baromètre ; — si tout cela, et que d’autres choses encore !

419. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Réponse à M. Dubout. » pp. 305-316

Il arrive d’ailleurs à ces maîtres d’être inattentifs, ou bienveillants par lassitude et dédain, ou par scrupule de conscience et pour ne pas risquer de faire tort à une pièce qu’ils ont peu écoutée. — Il y en a un qui dit que votre langue « est solide », et je vous avertis que ce n’est pas vrai. […] Je viens, là-dessus, de relire mon article, et je ne puis, en conscience, en retrancher un seul mot.

420. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

Loin de penser comme ce poète, je voudrais affirmer, en théorie de l’Art, cette vérité : L’âme est en devenir vers elle-même ; à tous les stades de son épanouissement, le moi ne peut être connu que par ses phénomènes, les idées, qui évoluent selon la durée, et le regard direct ou la conscience des spiritualistes n’a pour objet qu’une synthèse d’idées, elle aussi mouvante : nous ne sommes pas les mêmes, au plus profond de nous, dans l’adolescence et dans la vieillesse ; ce n’est point comme on l’a dit le voile qui se déchire ou retombe en lourds plis, ce n’est pas la conscience qui s’obscurcit ou s’éclaire, — c’est notre âme qui s’est renouvelée.

421. (1890) L’avenir de la science « I »

La première victoire philosophique de ma jeunesse fut de proclamer du fond de ma conscience : Tout ce qui est de l’âme est sacré. […] Il lui faudrait une vie pour savoir, une vie pour sentir et aimer, une vie pour agir, ou, plutôt, il voudrait pouvoir mener de front une série d’existences parallèles, tout en ayant dans une unité supérieure la conscience simultanée de chacune d’elles.

422. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

Le premier de ces maîtres établirait et développerait les principes de la loi naturelle, mais relativement à la conscience. […] Jacques de Sainte-Beuve, dont les Décisions de cas de conscience (1986) sont, on effet, beaucoup plus sages et surtout plus prudentes que celles des casuistes dont les Provinciales nous ont fait connaître la morale.

/ 1833