Si tu n’as pas de cette poussière, si tu n’as jamais marché dans mon sentier, tu ne me connais pas et je ne te connais pas. […] Puissance que le moyen âge connaît et subit non moins que l’antiquité. […] Ne connaître Fingal que par Macpherson, c’est comme si l’on ne connaissait Amadis que par Tressan. […] Quand Bayle émet avec sang-froid cette maxime : « Il vaut mieux affaiblir la grâce « d’une pensée que d’irriter un tyran », je souris, je connais l’homme ; je songe au persécuté presque proscrit, et je sens bien qu’il s’est laissé aller à la tentation d’affirmer, uniquement pour me donner la démangeaison de contester. […] S’il connaît le monde une fois, de dupe il devient fripon. » — … — « La sainte liberté de la presse, quelle utilité, quels fruits, quel avantage vous offre-t-elle ?
Je ne connais que par des lectures les phénomènes dont la Société s’occupe ; je n’ai rien vu, rien observé moi-même. […] Je connais, moi aussi, un fait extraordinaire. […] Je ne reproduirai pas ici la critique à laquelle j’ai soumis jadis la théorie courante des aphasies — critique qui parut alors paradoxale, qui s’attaquait en effet à un dogme scientifique, mais que le progrès de l’anatomie pathologique est venu confirmer (vous connaissez les travaux du Pr Pierre Marie et de ses élèves). […] Il en connaîtrait tout juste ce qui est exprimable en gestes, attitudes et mouvements du corps, ce que l’état d’âme contient d’action en voie d’accomplissement, ou simplement naissante : le reste lui échapperait. […] Telles sont, brièvement résumées, les conclusions auxquelles me conduit un examen impartial des faits connus.
Enfin l’abbé Prévost (c’est tout simple) proposait un plan agréable, expéditif et un peu mondain, et il n’entrait pas dans celui de dom Rivet, dont l’originalité était dans le complet même : Ce sont, disait encore dom Rivet insistant sur ce plan qu’il voulait fertiliser à force de patience et animer d’une certaine vie suffisante aux esprits solides, ce sont les monuments connus de la littérature gauloise et française, recherchés avec soin, réunis avec méthode, rangés dans leur ordre naturel, éclaircis avec une juste étendue, accompagnés des liaisons convenables, dont nous formons l’Histoire littéraire de la France. […] Nous connaissons Figaro, Gil Blas, Tartuffe, Panurge ; nous connaissons l’esprit qui circule dans la farce de Patelin et dans les débauches de Villon. […] Nous connaissons tout cela ; eh bien, le Roman de Renart dans ses parties diverses nous rend tour à tour ces divers types : aux bons endroits, il a des touches très fines, gracieuses et légères ; aux mauvais endroits, il en a de grossières ou même d’immondes. […] Ainsi donc, supposons Renart déjà connu par ses méfaits : il est en guerre habituelle avec son compère Ysengrin, le Loup ; sous prétexte d’alliance et de cousinage, il lui joue mille tours odieux, dans lesquels Ysengrin succombe presque toujours. […] On ne fait jusqu’ici qu’entrevoir les rapports d’esprit et de talent qu’il peut y avoir entre notre grand fabuliste La Fontaine et ces ancêtres homériques qu’il n’a point connus.
Celui qu’une longue expérience a formé, l’emporte sans doute par la précision des idées ; il a rassemblé plus de faits, et la vérité lui est mieux connue : on y parvient plus difficilement avec l’autre, mais on la désire plus vivement, et il sait mieux la faire aimer. […] Antoine Petit, pour le dédommager, le choisit pour son suppléant dans la chaire d’anatomie du Jardin des plantes, et Vicq d’Azyr y retrouvait le même public, la même affluence ; mais cette fois ce fut Buffon, intendant du Jardin des plantes, qui, destinant cette chaire à Portal plus ancien et plus connu, ne permit pas à Vicq d’Azyr de continuer. […] Les sciences accessoires à la médecine, telles que la chimie, l’anatomie, l’histoire naturelle, y étaient surtout très négligées : mais on y savait tout ce que les Grecs, les Latins et les Arabes ont écrit sur ces divers sujets ; et, si l’on y avait connu la nature aussi bien que les livres, M. […] Les nombreux éloges de Vicq d’Azyr ne portent pas tous sur des sujets importants ni sur des hommes supérieurs ; mais dans tous, même dans les plus tempérés, on sent des parties vives, l’art de connaître et de faire aimer les hommes. […] Que ceux qui connaissent les charmes de l’amitié se peignent le réveil de Gessner, sa surprise et leurs embrassements ; que l’on se représente enfin, au milieu d’un désert, cette scène touchante et si digne d’avoir des admirateurs.
Au xviiie siècle, nous avons par Voltaire l’opinion de ceux qui daignaient avoir une opinion sur Dante ; dans tout ce qu’il dit du grand Florentin, l’irrévérence perce par tous les pores : Vous voulez connaître Dante, dit-il dans le Dictionnaire philosophique. […] Ceux même qui connaissaient le mieux l’Italie, tels que de Brosses, et qui y mettaient plus d’application et de sérieux, n’étaient pas d’un sentiment très différent. […] Mais il ne le prit que rapidement, par les traits les plus connus, et en se portant bientôt de préférence sur Milton. […] Ces recherches de Fauriel, connues bien des années avant qu’il les écrivît et même avant qu’il les professât, transpirant hors du cercle intime où il vivait, communiquées par lui à tous ceux qui l’interrogeaient avec la libéralité du savant généreux et du galant homme, viennent seulement d’être réunies en volumes et de paraître dans leur ensemble30 : on peut dire quelles étaient depuis longtemps dans la circulation, et que le niveau du goût en France (je ne parle que de la classe instruite) s’en est ressenti. […] Longtemps on n’a connu Dante qu’incomplétement et par les chants de L’Enfer.
Peu après son arrivée à Rome, on croit qu’il écrivit des dialogues sur des questions philosophiques et politiques, qui le firent connaître d’Auguste. […] Ceux qui ont connu Laromiguière, M. […] Jouffroy, pourront désirer quelque chose pour la parfaite ressemblance et nuance des physionomies : évidemment, l’auteur, jeune et solitaire, a causé avec quelques amis qui les avaient connus, mais surtout il a lu leurs écrits, il s’est enfermé avec eux comme avec des morts d’autrefois, dans le tête-â-tête de la pensée, et il a rendu avec une vivacité sans mélange l’impression pure qu’il en recevait. […] La plupart des hommes ne cherchent à concevoir, connaître, ou travailler d’une manière quelconque leur intelligence que pour la produire au dehors. […] Je néglige les expressions, je ne fais jamais une phrase dans ma tête : j’étudie, j’approfondis les idées pour elles-mêmes, pour connaître ce qu’elles sont, ce qu’elles renferment, et avec le plus entier désintéressement d’amour-propre et de passion.
Et dans une âme bien faite, l’amour qui n’est que le désir du bien, se portera toujours au plus grand bien connu : et le degré de l’amour sera en relation avec la perfection connue de l’objet ; il sera goût, amitié, dévotion. « On peut avoir de la dévotion pour son prince, pour son pays, pour sa ville, et même pour un homme particulier, lorsqu’on l’estime beaucoup plus que soi » ; mais « son principal objet est sans doute la souveraine divinité, à laquelle on ne saurait manquer d’être dévot lorsqu’on la connaît comme il faut294 ». […] Révoquant tout en doute, tout ce que les hommes estiment le plus certain, et ce que lui-même avait cru jusque-là, bien résolu à « ne recevoir jamais aucune chose pour vraie qu’il ne la connût évidemment être telle », il s’attache à saisir une vérité et comme un bout du fil infini des vérités, qui s’entretiennent toutes. […] Tallement des Réaux, les Historiettes des contemporains de Henri IV et de la Régence ; et Saint-Evremond, la lettre connue au comte d’Olonne. […] Biographie : Jean Chapelain (1595-1674), fils d’un notaire, se fit connaître d’abord par la Préface de l’Adone, puis par des Odes, et par son poème épique de la Pucelle, dont les 12 premiers chants parurent en 1656, au bout de vingt ans de travail.
S’il est obligé de répéter après d’autres des vérités connues, il semble qu’il les découvre, tant il sait les rajeunir par la vivacité de l’impression, par le style, par l’accent. […] Dès que la pièce étudiée prête à quelques réflexions sur l’histoire des mœurs, le voilà parti là-dessus, et je ne connais pas de moraliste mieux informé, plus acéré ni plus clairvoyant. […] Il sait la vie, il sait l’histoire ; il connaît les hommes, ceux d’autrefois et ceux d’aujourd’hui. […] V Nous connaissons donc à présent les goûts dominants de M. […] Toutes les fois qu’il parle d’une œuvre sur laquelle son sentiment ne m’est pas connu d’avance, j’ai cette impression, s’il l’exalte, qu’il aurait aussi bien pu la mépriser, et s’il la trouve médiocre, qu’il aurait aussi bien pu la juger admirable.
Je ne connais pas de volume de débutant plus vraiment jeune que le petit livre des Amoureuses. […] Alphonse Daudet, un écrivain déjà connu et qui fait des chroniques et des « variétés » au Figaro. […] Je ne citerai pas les contes les plus connus, les plus brillants, les plus populaires, mais quelques-uns des plus unis et des plus simplement vrais. […] Ce fils, devenu grand garçon, vient voir son père, « seulement pour le voir, pour le connaître. C’est vrai, ça m’a toujours un peu taquiné de ne pas connaître mon père Sans doute, sans doute ; vous avez bien fait, mon garçon », dit le père Achille.
C’est donc de l’examen seul de l’œuvre que l’analyste devra tirer les indications nécessaires pour étudier l’esprit de l’auteur ou de l’artiste qu’il veut connaître, et le problème qu’il devra poser est celui-ci : Etant donnée l’œuvre d’un artiste, résumée eu toutes ses particularités esthétiques de forme et de contenu, définir en termes de science, c’est-à-dire exacts, les particularités de l’organisation mentale de cet homme. […] Si ces particularités esthétiques sont nombreuses, en d’autres termes, si l’œuvre analysée est considérable et variée, ces particularités sont importantes, en d’autres termes, si l’œuvre analysée est originale et grande, les particularités psychologiques seront nombreuses et importantes ; elles pourront suffire à définir l’artiste, en permettant de connaître l’indice individuel de ses principaux groupes d’idées, d’images, de sensations. […] Ces émotions ont été ou voulues consciemment et nourries par l’auteur, parce qu’elles lui paraissaient belles à connaître, conformes à son idéal et son tempérament, ou ressenties inconsciemment parce que l’auteur les éprouvait en écrivant et qu’elles se sont exprimées dans son œuvre comme dans un monologue. […] Les âmes de Flaubert et de Leconte de l’Isle nous sont connues ; le pessimisme ironique de l’un, hautain de l’autre, leur amour d’une sorte de beauté opulente, barbare et dure, leur fuite vers les époques lointaines qui la réalisent et leur mépris tacite ou haineusement exprimé pour les temps modernes qui la nient, sont autant de traits aisément discernables de leur physionomie morale, que leur œuvre cache mais moule. […] Sur cette vaste et complexe question de l’hypnose, qui connut un regain d’actualité à l’époque de la querelle entre l’Ecole de Nancy et l’Ecole de la Salpêtrière, voir notamment J.
Cet homme connaît le réel ; certaines de ses observations, celle par exemple sur la façon dont les femmes boivent le vin, sont aussi précises et oiseuses que certaines constatations détaillées des réalistes français. […] Il ne semble pas que Dostoïewski parle des événements et des êtres comme un homme qui les connaîtrait d’une longue familiarité. […] Il connaît les crimes tolérés par la loi et enjoints par la misère. […] Quoi qu’il en eût, Dosloïewski était de ce siècle et en connaissait les doctrines qui sont exclusivement scientifiques, c’est-à-dire de raisonnement, et, en particulier, de raisonnement sur les origines. […] Comme tous ceux que le froid plaisir de connaître les choses ne distrait pas de s’en émouvoir, incapable d’arriver à la paix philosophique des idées, il s’est troublé, il s’est désolé, et a produit des œuvres qui sont plus des traités d’éthique et d’humanité, que d’intéressants romans.
Voici, par exemple, comme il ouvre l’histoire de Jacqueline Pascal : « Commençons par deux documents authentiques, inédits ou peu connus. […] Si nous étions plus jeune, nous tâcherions d’être cet éditeur-là, d’autant que nous pourrions joindre aux lettres déjà connues bien des lettres nouvelles, parmi lesquelles il en est de fort importantes. […] Toutes les souffrances et toutes les hardiesses du Pascal que nous connaissions sont faibles auprès des ardeurs et des témérités du Pascal que M. […] Puis tour à tour une suite de discussions excellentes, conduites avec une clarté parfaite et une raison soutenue, font voir que Roscelin fut le maître d’Abailard, qu’Abailard était très-ignorant en mathématiques, qu’il ne savait pas le grec, qu’il ne connaissait tout au plus de Platon que le Timée dans la version de Chalcidius, qu’il ne connaissait d’Aristote que l’Organum, et de l’Organum que les trois premières parties traduites par Boèce, et qu’ainsi la philosophie scolastique est sortie d’une phrase de Porphyre traduite par Boèce. […] Il connut Mme de Sévigné, Mme de la Fayette, Mme de Sablé, et il entrevit une fois Mme de Longueville.
Il est resté pour moi, et je crois bien pour nombre de ceux qui l’ont le plus connu, un problème et une énigme. — Mais, me direz-vous, quel homme n’est pas une énigme ? […] Elle émigra, en Italie d’abord, avec sa famille ; elle connut à Naples la jeune princesse qui fut depuis la duchesse d’Orléans, la reine Marie-Amélie, et y noua avec elle une véritable amitié de première jeunesse. […] De nouveaux arrivants s’y plurent et apprirent à la connaître. […] Pour tous ceux qui l’ont connue, on peut dire que c’est une personne unique qui meurt, quelqu’un à qui nulle autre ne ressemblera plus. […] Dans la vie si au hasard que je mène depuis des années et où j’obéis aux nécessités de chaque jour, j’ai gardé du moins et réservé un coin de ma vie antérieure : c’est une appréciation profonde et encore plus juste que reconnaissante des personnes si distinguées, si à part, que j’ai eu le bonheur de connaître et qui m’ont honoré de leur bonté en même temps qu’élevé par leur commerce.
En revanche, le plus héroïque et patient effort pour le faire connaître tout entier, dans tous ses ouvrages même secondaires, dans tous ses aspects même accessoires. […] Sainte-Beuve lui donna la curiosité, une curiosité avertie des sujets et des questions ; Benoist, le procédé régulier, et la volonté de connaître par érudition et critique plutôt que par divination et flair. […] Je le connus au moment où il achevait sa thèse, quand je commençais la mienne. […] Dans sa rapide étude sur Racine, il pouvait écarter simplement les témoignages auxquels sa critique n’ajoute pas foi : ce sont ceux-là au contraire qu’il transcrit avec soin ; il ne les rejette qu’après les avoir fait connaître. […] J’ai goûté, si je n’y insiste pas, les qualités charmantes et légères que tout le monde a connues.
Une idée de plaisir ou de douleur est un état de conscience très net et connu de chacun. […] Nous connaissons le mécanisme de la mémoire. […] Mais si vous venez à mieux connaître cet homme ; que son commerce, son esprit, son cœur, ses relations, soient pour vous la cause d’autant de plaisirs, et qu’ils soient répétés pendant de longues années, il se produira une affection solide, résultant d’une masse de sentiments d’affection résultant eux-mêmes d’une masse de sentiments de plaisirs. […] Il est bien connu d’abord que les plaisirs et les peines d’autrui nous affectent, c’est-à-dire s’associent avec les idées de nos plaisirs et de nos peines propres. […] « Un récent philosophe60 a montré d’une manière incontestable que la cause et la puissance c’est tout un ; et par suite tout se réduit à rechercher quel est l’état de l’esprit qui précède immédiatement une action. » Nous n’analyserons point ce chapitre sur la Volonté, notre but étant surtout de faire connaître des résultats nous les retrouverons avec plus d’ampleur dans M.
L’utilité humaine, parce qu’elle représente en cet ordre la seule réalité qui nous soit connue, l’utilité humaine apparaît donc la loi qui préside à l’invention de toute réalité. Il semble tout d’abord, pour le moi humain, comme pour l’Etre universel que cette utilité s’exprime dans la joie de connaître : tous les efforts de l’homme, pour augmenter la somme de ses sensations heureuses au détriment de ses déplaisirs, se heurtent, ainsi qu’on l’a montré, à cette faculté de mécontentement qui transforme l’assouvissement de ses convoitises en une sensation d’ennui ou en un malaise nouveau : à cette fin, que les individus semblent poursuivre et qu’ils ne réalisent jamais un surcroît de bien-être, il semblerait donc qu’il convienne do substituer cette autre qui se montre sans cesse et par chaque effort accomplie, l’embellissement et l’enrichissement du spectacle phénoménal offert à l’esprit. […] Vivre a une telle importance, pour connaître que les esprits qui spéculent du point de vue de la connaissance comme but se doivent montrer bienveillants pour ces intelligences adverses, en se gardant d’attendre ou de réclamer d’elles une indulgence pareille. […] Sans doute sont-elles propres au contraire à piquer vivement notre curiosité et à stimuler notre ardeur à connaître. Il en est de même en ce qui touche à beaucoup d’autres parts du domaine scientifique, où l’on voit que les vérités se succèdent et se détruisent les unes les autres, sans qu’il en résulte autre chose qu’un épanouissement et une exubérance de ht faculté de connaître.
Nous avons pensé, en nous souvenant, à travers les Méditations du Discours de la Méthode et en contrôlant le Discours de la Méthode par les Méditations ; et nous avons fait comme le tour du problème de la connaissance, nous apercevant que notre moyen essentiel de connaître est subordonné à quelque chose que nous ne pouvons pas connaître ; nous apercevant que notre connaissance se résout en foi, soit à elle-même, soit à quelque chose d’inconnaissable. […] Et d’abord, c’est un jeu divertissant, donc une jouissance ; mais ce n’est pas seulement un jeu ; c’est posséder son auteur jusqu’en son fond, c’est saisir comme sa racine, comme le germe d’où son œuvre est sortie et d’où elle pouvait sortir la même sans doute, mais dans une autre direction ; et c’est en vérité le bien connaître. On ne connaît sans doute quelqu’un que quand on sait ce qu’il est et aussi ce qu’il pouvait être. […] J’ai connu deux hommes qui ne conversaient jamais que de Proudhon.
Un livre donc qui nous ferait connaître la Russie, qui nous la montrerait tout entière, non dans les clartés d’éclairs du renseignement, mais dans la calme, profonde et fixe lumière de l’Histoire, un livre pareil, à toute époque, serait digne d’occuper la curiosité de la Critique ; mais, aujourd’hui, il mériterait de la passionner. […] Connu déjà par plusieurs ouvrages, l’auteur de celui-ci appartient à cette race d’écrivains qui s’établissent volontiers sur les sujets graves, avec plus de bonne volonté que de bonheur. […] L’histoire, qui met la main sur toutes les artères d’une société, ne saurait naître que quand une société existe assez pour avoir le besoin de se raconter et de se connaître. […] Mais Lermontoff est moins connu. […] On peut donc affirmer, sans même toucher à l’amour-propre de ces messieurs, que la Russie, « le fruit pourri avant d’être mûr » de Diderot, — éclair de bon sens qui avait passé dans son génie à travers les fumées grisantes du moka de Catherine II, — n’a pas encore un grand artiste, un grand poète, un grand penseur, un homme, enfin, qui se soit une seule fois servi en maître d’une langue que de Maistre (qui s’y connaissait) comparait à celle d’Homère, et qui pourrait devenir un des plus merveilleux instruments dont l’imagination des hommes put jouer.
Mais ce que je veux surtout, c’est traiter Buloz comme une idée générale… Je veux lui faire cet honneur… Je ne connais d’ailleurs personne qui soit plus que lui sain à étudier, car le succès est peut-être la plus grande corruption de l’âme humaine, et Buloz le fait dédaigner, II Il est né en 1803, à Vulbens, près de Genève, pays commerçant et puritain. […] Buloz — dit Vapereau dans cette langue originale qu’on lui connaît — débuta dans la littérature par des traductions de l’anglais. » Mais Vapereau a oublié de nous dire les titres des ouvrages que Buloz a traduits, et dont il nous aurait été si doux de rendre compte. […] Je ne connais guères qu’une personne de ce temps-ci qui ait eu un honneur égal à celui de Buloz, et c’est Véron, ce gros mauvais sujet de Philibert, devenu le docteur Véron vers le tard. […] On y parlait, au début, de Platon et des siens, et le pauvre rédacteur, épris d’antiquité, disait élégamment : « Lorsque les brises de la mer Égée parfumaient l’atmosphère de l’Attique, quelques hommes, préoccupés de l’éternel mystère, venaient, dans les jardins d’Acadème, se suspendre aux lèvres de Platon, etc. » Buloz prit peur de cette phrase comme de la plus audacieuse hardiesse, et de sa patte dictatoriale et effarée il supprima le tout et mit à sa place ; « Il y eut aussi dans la Grèce des sociétés savantes. » Une autre fois, dans une étude sur la mystique chrétienne, on disait : « L’amour de la vérité cherche celle-ci dans les solitudes intérieures de l’âme » ; mais Buloz, qui ne connaît pas les solitudes intérieures de l’âme, traduisit d’autorité : « Les esprits curieux fuient les embarras des villes », qu’il connaît !