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1362. (1912) L’art de lire « Chapitre IX. La lecture des critiques »

Ajoutez qu’une certaine paresse aidant, ou, si vous voulez, la loi du moindre effort, je me contenterai bientôt de savoir ce que pensent des auteurs les critiques les plus autorisés, sans jamais lire les auteurs eux-mêmes ; d’abord, parce que — si l’on sait choisir ses critiques — c’est plus court ; ensuite, parce que même les critiques prolixes ont débrouillé la matière et me donnent, par les citations qu’ils font de leur auteur, le meilleur, évidemment, de cet auteur-là, ce qui peut me suffire ; ensuite et surtout parce que, devant, quand je lirai l’auteur après le critique, subir l’influence de celui-ci et lire dans la disposition d’esprit où il m’aura mis ; si je dois, l’auteur lu après le critique, avoir la même impression que le critique seul étant lu, j’épargne du temps en lisant le critique seul.

1363. (1761) Apologie de l’étude

Dans le premier cas on est payé par ses propres mains, dans le second on ne peut l’être que par les mains des autres ; d’un côté plus d’éclat, mais plus de danger ; de l’autre une fortune moins brillante, mais plus sûre ; prenez votre parti, et choisissez.

1364. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

Thucydide vécut à l’époque la mieux connue de l’histoire grecque, celle de la guerre du Péloponnèse ; et c’est afin de n’écrire que des choses certaines qu’il a choisi cette guerre pour sujet.

1365. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

. — Honore ton père et ta mère, tes parents les plus proches ; et, parmi tous les autres, choisis, dans l’ordre de la vertu, le meilleur pour ton ami. » Ce sont là des maximes belles dans tous les temps ; une part d’enthousiasme s’y mêle.

1366. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Aussi ses feuilletons réunis forment-ils un véritable Cours de littérature dramatique, et peut-être le meilleur que nous ayons dans notre langue ; c’est même la persuasion où nous sommes à ce sujet, qui nous a engagé à choisir le titre sous lequel nous avons publié ce recueil. […] Enfin, dans un spectacle qui dure deux heures, ils n’en paraissent occupés qu’au moment où l’on exécute les morceaux choisis. […] Le résultat de toutes les remarques de Voltaire, c’est que le sujet d’Horace est mal choisi, qu’il convient à l’histoire et non pas au théâtre, que ce ne peut être un sujet de tragédie . […] Le rhéteur Sénèque, cet écrivain si énervé, ne paraît pas digne d’avoir été choisi pour modèle par le plus énergique de nos poètes ; mais le sujet n’en est pas moins grand pour avoir été proposé dans les classes de rhétorique, et peut-être ne rend-on pas assez de justice à Sénèque. […] Il choisit dans le camp de ses ennemis Salluste, les Cocceius, les Duillius, et toute la première classe de ses amis ; il devait à sa clémence les Domitius, les Messala, les Asinius, les Cicéron et toute la fleur des citoyens : Lépidus lui-même, combien de temps ne respecta-t-il pas ses jours !

1367. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Le temps où nous sommes semble heureusement choisi pour écrire et pour publier ce livre. […] Pour bien disposer l’opinion, on choisit dans l’ouvrage un épisode marqué d’un caractère de nouveauté qui devait frapper les esprits ; Atala, comme la Colombe biblique, se détacha gracieusement de l’arche pour aller effleurer de ses blanches ailes ce monde lui aussi récemment sorti d’un déluge, et où toutes les idées, tous les sentiments que le Génie du christianisme rapportait à la France, avaient hâte de s’élancer. […] C’est parce que cet ouvrage contient les idées générales de M. de Bonald, arrivées à leur formule définitive, que nous l’avons choisi comme l’expression de l’influence qu’il exerça sur le mouvement de réaction intellectuelle qui remplit les dernières années du dix-huitième siècle et les premières du dix-neuvième. […] Le sujet qu’avait choisi M.  […] Dans ces vers, qui n’étaient pas destinés au public, il avait épanché son âme, ces premiers souvenirs du cœur à la fois si amers et si doux, dans un temps de la vie ou l’on n’a presque que des espérances, ces troubles intellectuels, que bien peu d’hommes de cette génération n’ont pas ressentis, avant de choisir leur route ou de la retrouver.

1368. (1888) Poètes et romanciers

Avec de pareils éléments, avec les ressources d’un style dont chaque nuance est soigneusement étudiée, chaque trait délicatement choisi, on écrit un beau drame psychologique, mais on doit renoncer aux grands effets et aux grands succès de la scène. […] L’analyse ou la vie, il faut choisir. […] Comme le peuple, dont il a les instincts, comme l’illustre Carnot, qui était bien un libéral, je suppose, quand l’heure de choisir fut venue, il subordonna toute doctrine politique à l’intérêt pressant du patriotisme. […] Jamais titre ne fut mieux choisi ni mieux justifié. […] C’est dans le détail bien choisi, exprimé d’un trait élégant et sobre, c’est dans la nuance délicatement saisie qu’est le charmant triomphe de l’auteur.

1369. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Ils cherchent la propriété du mot, et, ne la trouvant pas, ils nous donnent à choisir entre les diverses formes qui leur semblent traduire à peu près leur pensée. […] Il faut choisir. […] Sans doute, empêchées de passer par cette route qu’elles avaient choisie, elles en ont pris une autre, comme il arrive toujours dans l’histoire des idées, qui ne disparaissent point avant d’avoir accompli leur œuvre. […] Ami fidèle et sûr, on le choisissait entre vingt autres pour lui confier un dépôt dont l’honneur, dont la liberté, dont la vie d’un ami dépendaient. […] Mais nous nous reprocherions d’attendre pour parler de l’ouvrage qu’il soit entièrement terminé, puisque aussi bien nous n’avons pas attendu jusque-là pour nous en servir ; et, parmi les questions qu’il décide, nous en avons choisi deux où l’on verra clairement, je pense, le genre d’intérêt qu’il y avait à l’écrire.

1370. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Charron est méthodique ; il choisit sa matière, il s’applique à l’épuiser, il ne se fait grâce d’aucune des conséquences de ses systèmes. […] Mais nous hâterons-nous de conclure de ce fait, habilement choisi, l’intégrité de la loi naturelle ? […] Nous l’avons vu, la conscience, séparée de Dieu, ne suffit plus à ses fonctions ; on choisit entré ses prescriptions ; on incline vers ce qui est conforme à sa nature individuelle ; on finit par s’obéir à soi-même. […] Par des faits encore il en proclame l’inviolabilité ; une sanction prompte, terrible, immédiate apprend au peuple choisi que Dieu prétend être obéi. […] Mais, pour le moment, renonçant à voir dans son œuvre un recueil de satires, une galerie de portraits, voyons-y pourtant, suivant le titre qu’il a choisi, un tableau de son siècle, point de vue trop négligé.

1371. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Je vous répondrai qu’il a choisi, pour aller à Rome, le temps où l’on avait à Rome bien des idées et bien des sentiments que l’on a aujourd’hui à Paris. […] Il faut que celui qui parle paraisse chercher et choisir ses idées et ses paroles. […] Sandeau a très bien saisi le caractère de l’époque qu’il a voulu peindre ; il a choisi avec un bonheur parfait ses personnages et son action. […] Si elle cesse de choisir et d’aimer, elle est déchue comme la femme qui se livre sans préférence. […] Napoléon choisit la princesse Catherine.

1372. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Flaubert, quand il fut choisi par cette muse, avait déjà, à vingt-trois ans, le goût du travail et l’horreur de la contrainte. […] Mais pourquoi choisir ? […] Alors il choisit plus volontiers, pour y promener son esprit, les jardins et les salons de la fin du dernier siècle. […] Je choisirai sans crainte le dialogue le plus intime de tout le livre, parce qu’à le bien entendre il est aussi le plus philosophique. […] Et, s’il fallait absolument choisir, à M. 

1373. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Le Bidois sur le terrain qu’il a choisi. […] — Il a choisi son monde. — Il le congédiera. […] J’aurais voulu qu’il y insérât quelque page bien choisie de J. […] Pourquoi ont-ils choisi celle du boulevard et non pas l’autre ? […] Mais mariez une affection paternelle avec un amour-passion, vous aurez uni les deux choses les plus inconciliables que vous puissiez choisir.

1374. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

L’âge imbécile qui vient de finir demeure enfoui sous le dédain avec ses radotages de versificateurs et ses manuels de cuistres, et parmi les libres opinions qui arrivent de l’antiquité, de l’Italie, de la France et de l’Espagne ; chacun peut choisir à sa guise, sans subir une contrainte ou reconnaître un ascendant. […] Un rêve bien vain, bien ridicule. » Certainement, il est bien conté et encore mieux choisi, de sens profond, et de sens fort clair. « Charmant démon, dit tout bas son frère, l’entremetteur, elle lui apprend sous couleur de rêve à expédier son mari et la duchesse. » En effet, le mari est étranglé, la duchesse empoisonnée, et Victoria, accusée des deux crimes, est amenée devant le tribunal. […] Bien vrai, mon père aurait dû me choisir un mari, et alors mes petits enfants n’auraient pas été bâtards ; mais il est trop tard pour me marier maintenant ; je suis trop vieille pour avoir des enfants ; ce n’est pas ma faute… Donne-moi ta main ; crois-moi, je ne te ferai pas de mal ; ne te plains pas si je la serre trop fort, je la baiserai. […] Là sont des fleurs choisies, toutes celles que donne le jeune printemps, des chèvrefeuilles, des narcisses, des chrysanthèmes. » — Le soir venu, « la brume monte, les gouttes de rosée viennent baiser chaque petite fleur et se suspendre à leur tête de velours, comme une corde de grains de corail. » Ce sont là les plantes et les aspects de la campagne anglaise toujours fraîche, tantôt enveloppée d’une pâle brume diaphane, tantôt luisante sous le soleil qui l’essuie, toute regorgeante d’herbes, d’herbes si emplies de séve si délicates qu’au milieu de leur plus éclatant lustre et de leur plus florissante vie, on sent que le lendemain va les faner.

1375. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

(Il me faudra choisir pour la rime flambeau.) […] Il est juste d’y reconnaître l’influence de Descartes, le père de l’art de penser, qui n’est que l’art de choisir, parmi ses pensées, celles qui ont la marque du vrai, reconnue par la raison ; mais il fut glorieux pour Boileau d’introduire dans la poésie l’esprit du Discours de la méthode. […] » De même, pour personnifier le progrès de la poésie française après Villon, quel goût d’aller choisir Marot, cet autre poète bourgeois, un Villon avec des inclinations plus honnêtes, au lieu de Guillaume de Salluste, seigneur de Dubartas ! […] Choisi par le roi pour historiographe, il en remplit d’autant plus mal les fonctions, qu’il se connaissait peu propre à ce genre de travail.

1376. (1933) De mon temps…

De cette époque qu’il avait choisie entre toutes à cause de son mélange de raffinement et de rudesse, de luxe et de grossièreté, de misère et d’élégance, de cette époque à la fois cruelle et fanatique, galante et guerrière, ardente et retorse, de cette époque où coula tant de sang en des luttes féroces et fratricides, de « son seizième siècle », Maurice Maindron savait tout, les âmes comme les corps, les passions comme les goûts, les modes, les parures et le vêtement. […] Il choisit ses mots avec une minutieuse exactitude et conduit sa phrase avec une charmante et fine rigueur. […] Il faut choisir parmi eux, et ce choix ne se fait pas sans hésitations et sans scrupules. […] S’asseoir « en costume » aux côtés du récipiendaire et avoir été choisi par lui pour « l’encadrer » est, de sa part, un témoignage d’amitié et de confraternelle gratitude.

1377. (1896) Le livre des masques

Comme il sait toutes les théogonies et toutes les littératures, J’ai connu tous les dieux du ciel et de la terre, comme il a bu à toutes les sources, il connaît plus d’une manière de s’enivrer : dilettante d’espèce supérieure, quand il aura épuisé la joie des navigations, quand il aura choisi sa demeure (sans doute près d’une vieille fontaine sacrée), ayant beaucoup cueilli, ayant beaucoup semé de nobles graines, il se verra le maître d’un jardin royal et d’un peuple odorant de fleurs, Fleurs éternelles, fleurs égales aux dieux ! […] Herold est l’un des plus objectifs, parmi les poètes nouveaux ; il ne se raconte guère lui-même ; il lui faut des thèmes étrangers à sa vie, et il en choisit même qui semblent étrangers à ses croyances : ses reines n’en sont pas moins belles, ni ses saintes moins pures. […] Il aime ces juxtapositions de mots, et quand il les choisit, comme ceux-là, doux et vivants, le paysage qu’il veut s’évoque assez agréablement, mais souvent on ne voit, se découpant sur un ciel artificiel, que des formes inconnues et dures, des processions de larves carnavalesques. […] Sans doute, mais bien choisis et mêlés avec art.

1378. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

En sorte que les tristes vaincus, que nous consentirons à ne point accabler s’ils ont la franchise d’avouer leur défaite et leur honte, ont perdu le bénéfice de l’alternative où nous les laissions se mouvoir : « Ou mauvaise foi, leur disions-nous, ou aveuglement ; messieurs, il faut choisir. » Frappés, malgré eux, de la lumière qu’ils repoussaient, comment pourraient-ils désormais se dire ignorants et mal informés ? […] Le royaume de la gloire est aux violents et aux habiles d’abord ; il appartient aussi à quelques heureux, que choisit le hasard, pour se moquer de nous. […]   En résumé, la question reste obscure, de savoir par quelles causes le public se détermine, si, d’une part, non seulement son intelligence et sa capacité de choisir, mais son existence même et sa réalité objective s’évanouissent à l’examen ; si, d’autre part, l’action des individus qui le poussent et le mènent dans une grande mesure ne semble pas être une explication suffisante de tous ses mouvements. […] Leur passion dominante est le besoin de produire, qui doit être assez impérieux pour résister d’abord, dans leur jeunesse, quand il s’agit pour eux de choisir une carrière, à la volonté de leurs parents ; plus tard, à l’indifférence de la foule, à l’ironie de l’élite intellectuelle et même à l’opposition de toute la critique. […] Le style que j’aime et que je cherche est celui qui présente à la pensée, amusée ou sérieusement attentive, un sens riche dans l’économie des mots, sans fatigue pour le lecteur, sans effort apparent de l’écrivain, avec la clarté brillante qui rend l’idée sensible à l’imagination, avec le nombre et les sons bien choisis qui sauvent l’oreille de toute offense.

1379. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

De là le terrible chapitre sur la Corruption du principe de la Démocratie (Esprit, VIII, 2) : « Le principe de la Démocratie se corrompt, non seulement lorsqu’on perd l’esprit d’égalité, mais encore quand on prend l’esprit d’égalité extrême et que chacun veut être égal à ceux qu’il choisit pour lui commander. […] Il ne doit entrer dans le gouvernement que pour choisir ses représentants, ce qui est très à sa portée. Car, s’il y a peu de gens qui connaissent le degré précis de la capacité des hommes, chacun est pourtant capable de savoir en général si celui qu’il choisit est plus éclairé que la plupart.  » Rousseau, lui, n’admet pas, ou n’admet qu’à peine, ou admet pour s’en repentir et pour revenir sur cette concession, que le peuple délègue ses pouvoirs. […] On ne lit pas ce livre — je dis non pas en dilettantes comme nous le faisons, mais en disciples respectueux et fervents — sans se complaire dans l’idée qu’on est peuple de Dieu et choisi par lui pour le faire redouter des peuples qui ne l’entendent pas comme vous et pour le venger de leurs offenses. […] Ma mère m’a crue digne de penser de moi-même et de choisir un jour un époux moi-même.

1380. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Je fus très surpris, quand je fis la connaissance de Barrès, de voir un grand garçon souriant et ironique, qui semblait choisir ses mots et doser ses paroles. […] Pourquoi, d’ailleurs, choisir tel dialecte plutôt que tel autre ? […] Le caractère esthétique des pièces qu’il dut choisir pour ce nouveau cadre raviva le goût de la tragédie, tel qu’il régnait en France au XVIIe et XVIIIe siècle. […] Elle m’indiquait les meubles ; je sortais les papiers ; elle choisissait ce qu’elle voulait lire, ébauches de nouvelles, plans de romans ou de pièces, beaucoup de poésies inédites. […] Il choisissait ses mots.

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