Il est bien vrai aussi que Phèdre, qui craint l’enfer, mais « qui se consolerait d’une éternité de souffrances si elle avait joui d’un instant de bonheur », ressemble souvent à une « chrétienne réprouvée ». […] Et Porus : Seigneur, jusqu’à ce jour l’univers en alarmes Me forçait d’admirer le bonheur de vos armes ; Mais rien ne me forçait, en ce commun effroi, De reconnaître en vous plus de vertu qu’en moi : Je me rends, je vous cède une pleine victoire. […] Nous savons seulement, par la préface de Racine, que Bérénice eut « le bonheur de ne pas déplaire à Sa Majesté ».
On veut même qu’elle ait occasionné sa conversion(*) : d’autres prétendent que son aversion pour le monde fut causée par la mort ou par les disgraces de quelques-uns de ses amis, ou bien par le bonheur qu’il eut d’être sorti, sans aucun mal, de plusieurs grands périls : peut-être tous ces motifs, réunis, contribuèrent à son changement de vie. […] Un bonheur extrême pour eux, c’est de mourir, tenant une queue de vache à la main. […] Le prélat zélé rendit à sa sainteté quelques conversations tout-à-fait édifiantes qu’il avoit eues avec l’abbé de Prades, les beaux sentimens dont toutes ses lettres étoient remplies, sa soumission aveugle au saint siège, dont il avoit ignoré la censure avant qu’il fît paroître son apologie ; son courage à défendre la religion catholique, en présence des rois ses ennemis ; le bonheur qu’il avoit eu de la servir en différentes occasions, & les grands biens qu’il pourroit lui faire encore, s’il parvenoit à rentrer en grace avec Rome.
Et au nombre des causes de ces mystérieuses vicissitudes, Naudé ne craint pas de mettre « la grande bonté et providence de Dieu, lequel, soigneux de toutes les parties de l’univers, départit ainsi le don des arts et des sciences, aussi bien que l’excellence des armes et établissement des empires, ou en Asie, ou en Europe, permettant la vertu et le vice, vaillance et lâcheté, sobriété et délices, savoir et ignorance, aller de pays en pays, et honorant ou diffamant les peuples en diverses saisons ; afin que chacun ait, part à son tour au bonheur et malheur, et qu’aucun ne s’enorgueillisse par une trop longue suite de grandeurs et prospérités. » C’est là une belle page et digne de Montaigne.
Aristote a rencontré parfois ce bonheur ; et la logique, par exemple, a été construite de toutes pièces par ses seules mains, sans que ce prodigieux édifice eût été préparé par des travaux antérieurs, sans qu’il ait été agrandi ou changé par les travaux qui ont suivi.
« Quel bonheur !
et a dit sur l’amour les choses les plus pénétrantes. (« L’on veut faire tout le bonheur ou, si cela ne se peut ainsi, tout le malheur de ce qu’on aime. ») et les plus délicates (« Être avec les gens qu’on aime, cela suffit ; rêver, parler, ne leur parler point, penser à eux, penser à des choses plus indifférentes, mais auprès d’eux, tout est égal. ») — Il a senti et aimé la nature infiniment plus qu’il n’était ordinaire en son temps.
Alors l’autre jeune femme, sous le rire chaud de ses yeux noirs, et ce ses dents, et de sombres chevelures dénouées, révéla qu’elle était la Joie ; elle enseignait les tendresses parfumées, le délice des longues nuits, comment les âmes se courroucent en des tumultueux frissons et les hurlements éperdus d’un bonheur qui angoisse, et les sommeils tranquilles, après la tourmente.
Jamais leur volonté ne prévaudra contre l’ordre établi par Zeus. » — Les Muses de l’Hymne Homérique ne regardent pas notre espèce, du haut de l’Olympe, avec un mépris plus superbe, lorsque « se répondant avec leurs belles voix elles chantent le bonheur éternel des Dieux et les misères infinies des hommes, lesquels, ainsi qu’il plaît aux Immortels, vivent insensés et impuissants, et ne peuvent trouver un remède à la mort, ni une défense contre la vieillesse. » — Mais aux reproches des Océanides, Prométhée répond par un mot qui le met au-dessus des dieux : — « J’ai eu pitié des hommes ; c’est pourquoi on n’a pas eu pitié de moi. » — Mot sublime qui rattache son cœur d’Immortel aux entrailles humaines, qui rassemble en lui pathétiquement deux natures, et qui fait du Titan souffrant l’image prophétique du Rédempteur à venir.
Depuis tant de siècles, elle ne s’est pas encore familiarisée avec elle-même, elle ne se connaît pas, elle se fait peur ; elle est également exposée aux vapeurs de l’orgueil et aux orages de l’envie ; elle se hait, elle se méprise, elle se vante, elle s’adore, elle est la comédie universelle, elle est le drame sans fin ; elle a l’Univers pour témoin, et le genre humain pour complice ; elle réunit au génie et à l’expression des idées créées, la paresse et la lâcheté des plagiaires ; elle invente avec bonheur, elle copie avec rage ; elle est sublime et elle rampe !
Dans le déshabillé de l’intimité, il n’est pas de plus folle créature, avec moins de sans-gêne et de souci de tout ce qui n’est pas le bonheur de vivre. — C’est un rire exhilarant, une gaieté pyrique qui s’enivre du bruit des pétards qu’elle vous bombarde aux oreilles. […] Ce premier personnage, très réel et très authentique dans l’individualité littéraire de M. de Pontmartin, a, comme de raison, des airs suprêmement surannés, et exhale un parfum de l’autre siècle, conservé dans un bonheur du jour.
On voit combien nous sommes loin ici de la sociologie rationnelle qui occupe les premiers plans de L’Esprit des lois ; ce fondateur de la politique abstraite, qui monte les constitutions comme des machines, qui s’imagine avoir assuré le bonheur social, quand il a bien équilibré toutes les pesées dans ses artificieuses constructions de cadres législatifs, sans se douter que ses formules n’enchaînent pas l’humanité vivante, ce sociologue trop convaincu est placé juste à l’opposé du très original et très moderne point de vue où les Réflexions sur la politique nous invitaient à nous mettre. […] Pendant que Destouches travaille avec plus de conscience que de bonheur à maintenir la comédie de caractère, les comédies de genre, satiriques, spirituelles et glacées, pullulaient. […] Il admet les scènes épisodiques de personnages qu’on ne revoir plus, comme dans la réalité passent, souvent des gens qui font en un moment notre bonheur ou notre malheur, et qui disparaissent comme ils sont venus.
Celui qui a le bonheur de posséder ses parents vivants le repousse de sa table en l’offensant par d’amères paroles.
« Quoique rien ne soit plus à désirer pour l’homme qu’une félicité toujours égale et constante, qu’une vie dont le cours ne soit troublé par aucun orage, toutefois, si tous mes jours avaient été purs et sereins, je n’aurais pas connu ce bonheur délicieux, ce plaisir presque divin, que vos bienfaits me font goûter dans cette heureuse journée.
« J’emploierai donc, disais-je à ces amis, ma première jeunesse à la poésie, cette rosée de l’aurore au lever d’un sentiment dans l’âme matinale ; je ferai des vers, parce que les vers, langue indécise entre ciel et terre, moitié songe moitié réalité, moitié musique moitié pensée, sont l’idiome de l’espérance qui colore le matin de la vie, de l’amour qui enivre, du bonheur qui enchante, de la douleur qui pleure, de l’enthousiasme qui prie.
Est-il d’autre bonheur que la tranquille paix D’un cœur qui t’aime ?
Ce tableau, voyez-vous, me rappelle un souvenir d’allégement, de délivrance, de bonheur. » Et de la collection du baron d’Ivry, il est amené à me parler de la belle collection de livres provenant du prince de Poix et de sa mère, qui était une bibliophile passionnée : collection qui fut brûlée, lors de l’incendie du Pantechnicon à Londres.
Quel bonheur de monter côte à côte, le bras autour de sa taille, pendant que sa robe balayerait les feuilles jaunies, en écoulant sa voix sous le rayonnement de ses yeux !
Un romancier contemporain a peint avec beaucoup de bonheur l’innocent travers des imaginaires : « M.
Car l’action accomplie n’exprime plus alors telle idée superficielle, presque extérieure à nous, distincte et facile à exprimer : elle répond à l’ensemble de nos sentiments, de nos pensées et de nos aspirations les plus intimes, à cette conception particulière de la vie qui est l’équivalent de toute notre expérience passée, bref, à notre idée personnelle du bonheur et de l’honneur.