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1042. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

On y sent renaître par intervalle le beau génie de la Grèce antique. […] s’écriait, dans de beaux vers, une femme de ce temps, que médite le père des dieux ? […] Voilà les fictions que les Grecs dégénérés faisaient succéder à leurs belles fables poétiques. […] Milton l’a consigné dans une épitaphe en beaux vers, mêlés d’une affectation qui ne détruit pas l’enthousiasme. […] Il n’est pas né sous cet heureux climat ; il n’a pas ce beau naturel d’enthousiasme et de poésie.

1043. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Ce qu’il y a de romantique dans la tragédie actuelle, c’est que le poète donne toujours un beau rôle au diable. […] Legouvé, dans sa tragédie de Henri IV, ne pouvant pas reproduire le plus beau mot de ce roi patriote : « Je voudrais que le plus pauvre paysan de mon royaume pût du moins avoir la poule au pot le dimanche. » Ce mot, vraiment français, eût fourni une scène touchante au plus mince élève de Shakspeare. […] Il est intéressant, il est beau de voir Othello, si amoureux au premier acte, tuer sa femme au cinquième. […] Il y a dans ce poème de 400 pages, 40 vers plus frappants et plus beaux qu’aucun de ceux de Boileau.

1044. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

On est frappé et dégoûté un jour de la part énorme de superflu que contiennent même beaucoup de belles œuvres. […] (Les Ames du Purgatoire.) — Une statue antique de Vénus va, la nuit, étouffer dans ses bras d’airain un beau garçon qui, par jeu, lui a passé au doigt son anneau de fiançailles. […] Mérimée aime à voir se développer librement, bonne ou mauvaise, la bête humaine ; et quand elle est belle, il n’est pas éloigné de lui croire tout permis. Il goûte par-dessus tout les époques et les pays de vie ardente, de passions fortes et intactes : le XVIe siècle, la Corse des maquis, l’Espagne picaresque  Et ce sceptique a écrit le plus beau récit de bataille qui soit : L’enlèvement de la redoute.

1045. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

Les contes où « il a peur »  comme le Horla et une demi-douzaine d’autres dont les titres m’échappent  n’étaient point des fantaisies ; non plus que, dans Bel Ami, la description du détraquement lent d’un cerveau par l’idée ininterrompue de la mort. […] Or, pour en revenir à l’auteur de Bel Ami, sans doute la gloire de son œuvre sera de longue durée ; mais nous voyons que pour lui, la jouissance n’en aura même pas été viagère. […] Nous nous mîmes tous à parler de sa belle « santé ». […] À l’une des époques où notre littérature fut le plus complexe et nous distilla les boissons les plus travaillées, le génie conteur de Maupassant jaillit comme une source de belle eau merveilleusement claire.

1046. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

Comment la Bible est plus belle qu’Homère ; quelles sont les ressemblances et les différences qui existent entre elle et les ouvrages de ce poète : voilà ce que nous nous proposons de rechercher dans ces chapitres. […] On le parfume, on lui donne à laver dans des aiguières d’or et d’argent, on le revêt d’un manteau de pourpre, on le conduit dans la salle du festin, on le fait s’asseoir dans une belle chaise d’ivoire, ornée d’un beau marchepied. […] Une princesse a toujours de beaux bras ; elle est toujours comme la tige du palmier de Délos, et elle doit sa chevelure à la plus jeune des Grâces.

1047. (1761) Salon de 1761 « Récapitulation » pp. 165-170

Récapitulation Récapitulons ; jamais nous n’avons eu un plus beau Salon. […] La composition m’en a paru très belle ; c’est la chose comme elle a dû se passer. […] C’est une belle figure. […] Un homme riche qui voudrait avoir un beau morceau en émail, devrait faire exécuter ce tableau de Greuze par Durand qui est habile avec les couleurs que M. de Montami a découvertes.

1048. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Tout à fait à gauche, sous la lumière fulminante, abattu, troublé, effaré, le cheval de Saül, dont les jambes sont embarrassées dans les siennes ; ce cheval est beau et sa crinière flotte bien. […] La gloire m’a paru belle, la lumière forte et vraie ; le cheval assez beau, mais faible de touche et sans humeur. […] Le mérite d’une esquisse, d’une étude, d’une ébauche, ne peut être senti que par ceux qui ont un tact très-délicat, très-fin, très-délié, soit naturel, soit dévelopé ou perfectionné par la vue habituelle de différentes images du beau en ce genre, ou par les gens mêmes de l’art.

1049. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Mme Taine la mère était bonne et fort belle. […] Le nez était busqué, la voûte du front belle, les tempes bien renflées, encore que serrées aux approches du front, et l’arcade sourcilière nette, vive, arrêtée finement. […] « Au soir de Wagram, a le droit de dire un Bonaparte, j’étais si fatigué que je suis tombé de sommeil, que j’ai dormi couché tout de mon long dans un sillon : j’étais la semence d’une admirable moisson de dévouement, de belle volonté et d’un lyrisme jusqu’alors inconnu. »‌ Taine parfois justifie la timidité, le repliement sur soi-même et, sous le nom d’« acceptation », certaine servilité. S’il est vrai que les nations sont constituées par une poussière de fellahs, cet homme savant et vénérable en prend trop aisément son parti ; il a trop peur que la raison pure intervienne et dérange ces sommeils, cette belle ordonnance animale…‌ Mais, à peine ai-je écrit ce mot « servilité » que je l’efface et je reviens au terme exact : discipline.

1050. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Tant que l’homme ne mourra pas lui-même, la plus belle faculté de l’homme peut-elle mourir ? […] Elle avait jonché de toutes sortes de fleurs le tombeau et la terre alentour ; un beau tapis de damas était étendu sous ses genoux ; sur le tapis il y avait quelques vases de fleurs et une corbeille pleine de figues et de galettes d’orge, car cette femme devait passer la journée entière à pleurer ainsi. […] Ces trois femmes, toutes les trois jeunes et belles aussi, aux formes sveltes et au profil aquilin des nègres de l’Abyssinie, étaient groupées dans des attitudes diverses comme trois statues tirées d’un seul bloc. […] Nous suivîmes notre route entre le désert à gauche et les ondulations de l’Anti-Liban à droite, en longeant quelques petits champs cultivés par les Arabes pasteurs, et le lit d’un large torrent qui serpente entre les ruines, et aux bords duquel s’élèvent quelques beaux noyers. […] Elles auront été le soupir modulé de mon âme en traversant cette vallée d’exil et de larmes, ma prière chantée au grand être ; et aussi quelquefois l’hymne de mon enthousiasme, de mon amitié ou de mon amour pour ce que j’ai vu, connu, admiré ou aimé de bon et de beau parmi les hommes.

1051. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Il a lui-même de ces distractions qui trahissent la race et l’origine ; il vous dira dès son quatrième chapitre : « Or, dit le conte, que le beau roi Philippe de France (Philippe le Bel) eut trois fils, etc. » ; absolument comme le ferait un romancier. […] Les seigneurs et chevaliers avaient beau jeu à lui réciter leurs prouesses, il n’y faisait guère d’objections, et, les aventures une fois entendues, il ne s’inquiétait plus ensuite que de les mettre en ordre et dans un beau jour. […] Là eût-on pu voir grand’noblesse de riches armures, de belles armoiries, et toutes sortes de pennons et bannières ; car là étoit toute la fleur des seigneurs de France, et nul chevalier ni écuyer n’osoit demeurer à l’hôtel s’il ne vouloit être déshonoré. […] Son attitude dans toute cette journée est belle, entre ses deux chevaliers conseillers, messire Jean Chandos et messire Pierre d’Audelée, frère de Jacques. […] Cela fait encore une belle scène, qui bientôt après retrouve son pendant par celle du prince de Galles, qui ne veut pas être en reste de générosité avec messire Jacques, et qui, laissant ce don aux écuyers, lui octroie à lui-même en sus six cents marcs.

1052. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

N’est-ce pas là une belle description, et n’admirez-vous pas cet homme, qui a toujours des termes propres à exprimer tout ce qu’il pense, et qui voit dans toutes choses ce qui y est ?  […] Voilà un beau trio à la Bastille : Mme de Tencin, l’abbé Margon (un fou satirique), et Voltaire. » Telle était alors la condition des écrivains un peu libres ; ils pouvaient avoir des torts et payer trop volontiers tribut au malin ; mais que dire de la brutalité lâche qui se vengeait sur eux par surprise et en se dérobant ensuite à toute réparation légitime ? […] Il l’admire comme poète ; il n’a pas assez d’éloges pour sa Henriade ; il n’a jamais rien vu de si beau, c’est du véritable enthousiasme, et qui donne la mesure de celui des contemporains : « (Février 1724.) — Le poëme de la Ligue, par Arouet, dont on a tant parlé, se vend en secret. Je l’ai lu : c’est un ouvrage merveilleux, un chef-d’œuvre d’esprit, beau comme Virgile, et voilà notre langue en possession du poëme épique comme des autres poésies. […]   Ce n’était pas un sectateur du style raffiné ni un écrivain néologique que Massillon, un des beaux noms littéraires de la Régence.

1053. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Enjouement, moquerie, savoir, mouvement animé et un peu affecté, je le crois sans peine, c’étaient, à ce qu’il semble, les traits de la belle compagnie d’alors. […] Les étudiants de Lausanne aiment à marier de beaux airs allemands à des chants poétiques souvent composés par quelqu’un d’entre eux. […] Vinet, qui participait de tout son cœur à la revivification de la doctrine évangélique, mais qui ne donnait dans aucun excès, joua un bien beau rôle en cette querelle. […] Léonard n’est pas le Racan du dix-huitième siècle ; la belle pièce de la Retraite maintient à une haute distance la mémoire de Racan. […] Vinet impose, je crois, en pénitence à son style, pour le punir quand il a été simple et beau. » 20.

1054. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Et l’on ne s’étonnera plus, aussi, de tous ces préceptes, où l’on ne voulait voir que de mortels éteignoirs de l’imagination, un effort antipoétique pour réduire le beau à la mesure du bon sens bourgeois. […] Racine enfin jette au rebut les mannequins élégants de Quinault, et produit des hommes, de vraies âmes humaines, douloureuses et vivantes : si vrai, qu’avec sa grâce puissante, il fait parfois l’effet d’être brutal à ce beau monde, accoutumé à tout ennoblir et à tout affadir. […] L’horrible y a sa place, ainsi que le beau : Il n’est pas de serpent ni de monstre odieux Qui, par l’art imité, ne puisse plaire aux yeux. […] Il n’est pas besoin, comme le suggérait assez ridiculement d’Aubignac, que Camille se jette par mégarde sur l’épée d’Horace : le fratricide conscient, volontaire, est plus beau dans son immoralité barbare. Néron est beau comme « monstre naissant » : affadi par Quinault, il serait moins « plaisant » parce qu’il aurait moins de caractère.

1055. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Beaux côtés du génie de Calvin. — § VI. […] Beaux côtés du génie de Calvin. […] Sa sœur Marthe, qui craignait Dieu, et tenait à l’honneur de sa lignée, la décidait à aller entendre prêcher un jeune homme, le plus beau de tous, disait Marthe. […] En face de ce beau lac de Genève, de ce paysage la joie des yeux, Calvin est insensible. […] C’est sans doute un des beaux côtés de l’esprit français et de la langue, mais ce n’est pas le plus beau.

1056. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

… Ses caresses me désolent ; ses beaux rêves, ont elle me parle sans cesse et que je n’ai pas le courage de contredire, me navrent le cœur. […] Tout ce que j’y ai trouvé est pur, élevé, moral, beau et touchant. […] Les scolastiques se moqueraient de cela et triompheraient à montrer là un défaut de logique, En vérité, beau triomphe de montrer ce qui est clair ! […] Elle nous moralise délicieusement et nous élève au-dessus des misérables soucis de l’utile ; or là où finit l’utile, commence le beau. […] C’est la profession de la vie belle et pure, et, grâce à Dieu, j’en conserve toujours un goût très sensible.

1057. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIV, l’Orestie. — Agamemnon. »

Quand Achille, furieux du rapt de Briséis « aux belles joues », tire son glaive et veut le tuer, Pallas descend tout exprès du ciel, et le saisit aux cheveux, comme pour le détourner d’un crime de lèse-majesté. […] Avant Ménélas, l’antique Nestor, parlant au fils d’Ulysse de la catastrophe du palais d’Argos, lui contait cette belle tradition digne de passer par sa « voix de miel ». […] aurore d’un beau jour !  […] La grâce des plus belles statues lui est odieuse ; leur beauté n’est plus, car elles n’ont pas d’yeux. » — Image touchante d’une inexprimable tendresse. […] Cassandre était la plus belle des cinquante filles du vieux roi troyen, « semblable à Aphrodite », dit Homère.

1058. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Ces choses, qu’il vive cent ans ou un petit nombre d’années, il les verra toujours les mêmes, et il ne verra rien de plus beau qu’elles. […] Le dénouement, abrégé d’un acte, s’est allongé d’une belle scène. […] Tandis que Diane console et rassure la belle affligée, son jeune frère revient de ses esclandres. […] Qu’elle est belle à entendre jusque dans ses échos, cette langue du respect, de la soumission et de l’enthousiasme ! […] Un beau type de dévouement et de sacrifice, Diane.

1059. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

* * * — Les femmes demandant à être étonnées : le beau, c’est de les étonner par de la simplicité. […] Une femme ayant un beau c… et des jambes pas trop cagneuses, et qui sauve le drapeau français : on conçoit que c’est irrésistible. […] * * * — A-t-on remarqué que jamais un vieux juif n’est beau ? […] » * * * — Rien de si mal écrit qu’un beau discours. […] C’est ainsi que dans un musée, il ira tout droit, comme un somnambule, les yeux fermés, au tableau consacré par l’admiration commune, le suffrage universel du beau et le gros prix marchand, qui le fascine s’il est énorme — incapable de découvrir un chef-d’œuvre inédit, anonyme, méconnu.

1060. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

Ces fleurs qui en sont un des plus beaux ornemens y trouvent le même dépérissement qu’essuye le plus délicieux parterre aux approches de l’hiver. […] Le Sceau enlevé, Poëme du Tassoni, est regardé comme un des beaux monumens de la langue italienne. […] La mort d’Inés de Castro, femme du Roi Dom Pedre, qui fait partie de cette histoire, est racontée dans le troisiéme Livre, & ce morceau passe pour le plus beau du Camoens. […] Ils firent faire une belle édition du Paradis perdu. […] Il a fait de la piéce angloise le même usage que Virgile faisoit des ouvrages d’Ennius ; il a imité de Shakespear les deux dernieres scènes, qui sont les plus beaux morceaux d’éloquence qu’il y ait au théâtre.

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