Ce sont des formules imparfaites, souvent mensongères, car nous avons l’art de nous mentir à nous-mêmes.
Le Publiciste du 17 mai 1810 avait en effet un petit article ainsi conçu : « On lit dans le Journal de Lyon que, dans la dernière séance publique de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de cette ville, M. Camille Jordan a lu des fragments d’un discours fort étendu sur cette question : Quelle a été l’influence de la Révolution sur les progrès de l’art oratoire en France, et quels ont été les effets de l’éloquence sur la Révolution ?
L’art léger avec lequel l’habile patron essaye de lui en inoculer l’idée, l’espèce de négligence qu’il met à lui en apprendre, comme par hasard, la nouvelle courante ; le premier mouvement d’Alphonse qui regimbe, qui va s’indigner, et qui pourtant, peu à peu gagné par l’esprit de son rôle, s’y soumet presque : ce sont là des points savamment touchés.
Cet échelon se reconnaît à divers indices, à la possession d’un langage fondé sur des racines, à l’art d’allumer ou au moins d’entretenir le feu (un singe en est incapable), à l’invention de l’ornement (tatouage, peinture des sauvages, déformation volontaire du nez, des oreilles, des lèvres, etc.), à la fabrication des premiers outils (haches en silex, bâtons pointus, etc. ; un singe se sert d’une pierre ou d’un bâton, mais ne sait pas les transformer pour les approprier à un usage).
Partout j’ai vu une souveraine Intelligence, un art infini, et à la fois des contradictions apparentes.
Art monstrueux, je hais tes vains et faux prodiges.
(2) Les considérations que je viens d’indiquer relativement à la science logique, sont encore plus manifestes, quand on les transporte à l’art logique.
C’est ainsi, notamment, qu’on explique comment le développement des lettres et des arts a été si rapide et si intense à Athènes, si lent et si médiocre à Rome.
Littérairement, ce n’est peut-être pas là un chef-d’œuvre, c’est même, si l’on veut, une histoire que l’art doit refaire ; mais que nous importe !
Leur génie fut plus religieux que leur cœur, et même ce fut leur art qui fut plus religieux que leur génie. […] Tout jeune Français a inventé une philosophie, créé un art nouveau et improvisé un genre littéraire qui était inconnu. […] Nous pourrons ensuite (et c’est ce qu’il a fait plus tard) opposer comme un bloc homogène tout l’art hellénique, romain et européen depuis la Renaissance à l’art chrétien, et montrer combien celui-ci est pâle, inélégant et ridicule par comparaison à celui-là, et cette comparaison sera de très grand effet et de très grande influence sur l’esprit des hommes et, par répercussion, sur leur conscience. » Tel est l’état d’esprit de Voltaire. […] Le parti anticlérical était alors concordataire ou affectait de l’être, ayant appris quelque peu l’art de « sérier les questions ».
C’est là que j’ai entendu Roux et Darcet exposer leur théorie de la terre, Marmontel les excellents principes qu’il a rassemblés dans les Éléments de la Littérature, Raynal nous dire à livres, sous et deniers, le commerce des Espagnols à la Vera-Cruz et de l’Angleterre dans ses colonies », Diderot improviser sur les arts, la morale, la métaphysique, avec cette fougue incomparable, cette surabondance d’expression, ce débordement d’images et de logique, ces trouvailles de style, cette mimique qui n’appartenaient qu’à lui, et dont trois ou quatre seulement de ses écrits nous ont conservé l’image affaiblie.
La poussière de ces capitales du culte et de l’art ne nous a pas tout dit.
Villemain, j’avais vu madame de Staël dans cette maison et ailleurs éclairer d’une vive lumière quelques entretiens accidentels sur la politique, les lettres, les arts, parcourir le passé et le présent comme deux régions ouvertes partout à ses yeux, deviner ce qu’elle ne savait pas, aviser par le mouvement de l’âme ou l’éclair de la pensée ce qui n’était qu’un souvenir enseveli dans l’histoire, peindre les hommes en les rappelant, juger, par exemple, le cardinal de Richelieu avec une sagacité profonde, et il faut ajouter une noble colère de femme, puis l’empereur Napoléon qui résumait pour elle tous les despotismes, et que sa parole éloquente retrouvait à tous les points de l’horizon comme une ombre gigantesque qui les obscurcissait.
À peine un sentier pour se glisser à travers ces balayures des arts qui couvrent toute la terre ; et le fer de nos chevaux glissait et se brisait à chaque pas sur l’acanthe polie des corniches, ou sur le sein de neige d’un torse de femme : l’eau seule de la rivière de Balbek se faisant jour parmi ces lits de fragments, et lavant de son écume murmurante les brisures de ces marbres qui font obstacle à son cours.
Mais ces vers, rares d’abord — rari nantes in gurgite vasto, — matériels, d’ailleurs, comme des camées, des soucoupes, des vases ébréchés ; rompus souvent d’un hémistiche à l’autre, tous ces débris, où un reste d’art brille et s’exhale, ne peuvent arrêter le jugement définitif que la Critique est tenue, en honneur, de porter sur un talent qui n’a plus ni ensemble, ni articulations, ni vie régulière, ni chaleur vraie, ni lumière tranquille, ni rien enfin de ce qui constitue une créature, supérieure aux facultés sensibles et raisonnables de l’humanité, comme doit l’être un poète, et qui, au contraire, peut écrire des choses comme celles-ci : Tout est plein d’âmes !
La pratique et la politique ne s’accommodent pas des élans impétueux ni des mouvements brusques ; au contraire, l’art en profite.
Il serait facile de montrer comment la politique, réduite à ses données propres, n’est plus que l’art de Machiavel plus ou moins accommodé aux nécessités des temps et des lieux.
C’est donc là une question d’art qu’il nous faut ajourner ; mais nous y viendrons. […] Prisonnier quelquefois, diplomate souvent, guerrier le moins qu’il m’était possible ; car c’est surtout dans l’art de la politique que je brille.
Le style du poème du xie siècle était, il est vrai, sans éclat, et ne portait pas la marque d’une forte personnalité poétique ; mais sa simplicité rendait le poème facile à comprendre et à traduire, et il suffisait à des auditeurs qui demandaient à la poésie non des impressions d’art, mais des émotions et des excitations guerrières. […] Enea Silvio Piccolomini — le futur Pie II — fut un jour consulté par un Allemand, médecin du roi de Saxe, sur l’existence en Italie d’un « mont de Vénus » où l’on enseignait les arts magiques ; il répondit qu’il ne connaissait, en fait de mont dédié à Vénus, que le mont Éryx en Sicile ; quant à l’enseignement de la magie, il se rappelait qu’il y avait près de Norcia une caverne, où, disait-on, on pouvait converser avec les démons et se faire instruire dans la nécromancie. […] La musique se prêtait à ce rôle transcendant par son pouvoir unique de soulever au fond des cœurs toutes les vagues des passions humaines et de les apaiser en même temps, de faire tout pressentir sans rien expliquer nettement, d’être ce qu’il y a dans l’art à la fois de plus intime et de plus général, de plus expressif et de plus indéfini. […] Il l’a fait dans une forme simple et dénuée d’art, mais qui n’en est que plus piquante dans sa naïveté et qui sent encore, en plein xve siècle, comme le remarque M.