Nous admirons alors, avec un singulier plaisir, les miraculeuses habiletés de ce hasard que nous supposons aveugle parce que nous le sommes nous-mêmes, et notre imagination se réjouit à l’idée d’une force irraisonnable présidant aux destinées d’un homme de génie. […] Les besoins de la curiosité l’emportent trop souvent sur ceux du goût, et le plaisir d’aller encore admirer Shakespeare devait céder à l’intérêt plus vif d’aller juger les nouvelles productions de ses émules. […] Dans l’imitation du style antique, les statuaires modernes n’éprouvent d’autre gêne que la difficulté d’atteindre à sa perfection : le plus fervent et le plus puissant adorateur de l’antiquité n’oserait, sur le théâtre le plus soumis, reproduire tout ce qu’il admire dans une tragédie de Sophocle.
Le patricien qui, dans son adolescence, avait admiré ces types de distinction, Brummel et le comte d’Orsay, trouvait toujours un air d’emprunt aux façons des gens de roture, et la rudesse primitive de l’homme inculte le choquait moins que l’élégance apprise du parvenu. […] Joseph de Maistre admire cette formation inconsciente des idiomes. […] Il sait admirer aussi et aimer. […] Des herbes drues, des brindilles se mêlent, et l’invasion de ces jeunes pousses semble figurer cette rapide expansion de la vie universelle qu’il admirait avec effroi.
N’a-t-elle pas été mieux servie par Grotius, par Bossuet, par Nicole, & par tant d’autres écrivains, dont on admire les ouvrages clairs, profonds & méthodiques, que par cette foule de Scholastiques, qui, depuis le douzième siècle, ont paru dans l’église, & dont les imaginations ne se sont exercées que sur des subtilités absurdes, sur des hypothèses extravagantes, sur de misérables disputes de mots. […] Dans Blaise Pascal, on admire un génie précoce, subtil, pénétrant, créateur en bien des parties ; un écrivain unique qui le premier développa les vrais caractères de la langue ; qui la fixa ; qui lui donna cette force, cette précision, cet agrément qui la distinguent. […] Newton, qu’admirent les sages, Par l’envie est insulté.
Le monde diplomatique et les honneurs dont elle fut l’objet la laissèrent nonchalante et assez rêveuse ; elle en pensait volontiers ce qu’elle dit un jour en bâillant de la Pucelle de Chapelain, qu’on lui voulait faire admirer : Oui, c’est bien beau, mais c’est bien ennuyeux.
Celui qui ne l’admire pas n’est pas digne de parler des sociétés civiles.
Fermons donc ce livre, et plaignons le philosophe d’avoir rencontré un tel peuple pour l’admirer, et plaignons le peuple d’avoir eu un tel philosophe pour législateur !
On y roulerait jusqu’au néant, et c’est là cependant ce qu’on fait étudier ou admirer sur parole au genre humain, depuis plus de deux mille ans !
Jeune, beau, illustre déjà par les promesses de son génie, honoré de la faveur intime de son prince, admiré de cette sœur d’Alphonse que toute l’Italie regardait comme supérieure à la Béatrix de Dante, à la Laure de Pétrarque, cher même comme un ami à cette autre sœur Lucrézia, maintenant duchesse d’Urbin, qui partageait pour lui le penchant de Léonora, enivré des plus légitimes perspectives de gloire poétique et peut-être des plus douces illusions de grandeur par l’amour mystérieux de Léonora, achevant lentement dans le loisir des délicieux jardins de Bello Sguardo, ce Versailles des ducs de Ferrare, le poème qui devait élever son nom au-dessus du nom de ses protecteurs, rien ne manquait à sa félicité que ce qui manque à toutes les choses humaines : la durée.
On peut l’admirer parfois, car elle a sa beauté esthétique et sa grandeur, mais il faut bien la prendre pour ce qu’elle est.
Ceux qui visaient à la sainteté le consultaient, l’admiraient.
Certes, il est impossible, en présence des merveilles que l’industrie a réalisées en si peu de temps, de ne pas admirer la puissance de la science et du génie humain.
C’est la vilenie prise sur nature : et j’admire l’art avec lequel les auteurs ont su tirer des traits saillants et des contours expressifs de cette platitude.
Lacuzon est, en tous cas, un artiste puissant, et, s’il n’avait autant l’air de s’en rendre compte à travers son œuvre, on admirerait celle-ci sans restrictions.
VIII Et, en effet, pour cet historien catholique, qui n’est pas venu, comme pour l’historien politique que voici, le règne de Philippe II, — malgré sa foi, qu’admire encore la nôtre, et qui le tenait par la dernière fibre de ses entrailles, devenues cruelles et corrompues, — le règne de Philippe II, il faut bien en convenir, fut un temps affreux.
Et c’est la trahir, pour parler comme elle, que d’admirer ses ennemis, fussent-ils admirables cent fois !
Ou bien il admire les beaux scélérats, et il s’accoutume aux horreurs. […] Mais l’idée essentielle, originale et absurde de l’Émile se plie si mal à la pratique, que Jean-Jacques, consulté par des mères, des abbés précepteurs, même des princes, fait ce qu’il avait déjà fait à propos du Discours sur les sciences et du Discours sur l’inégalité : il avoue sa propre outrances ou bien il l’atténue, ou même il se contredit. — A madame de T… (6 avril 1771) il conseille nettement d’éloigner et de mettre en pension un enfant indisciplinable, et ne se soucie nullement de laisser faire la nature chez ce jeune vaurien. — A l’abbé M… (28 février 1770) il écrit (et je ne sais trop s’il n’y met pas une ironie sourde de pince-sans-rire, bien que ce sentiment lui soit, en général, très étranger) : S’il est vrai que vous ayez adopté le plan que j’ai tâché de tracer dans l’Émile, j’admire votre courage : car vous avez trop de lumières pour ne pas voir que, dans un pareil système, il faut tout ou rien, et qu’il vaudrait cent fois mieux reprendre le train des éducations ordinaires et faire un petit talon rouge que de suivre à demi celle-là pour ne faire qu’un homme manqué… Vous ne pouvez ignorer quelle tâche immense vous vous donnez : vous voilà, pendant dix ans au moins, nul pour vous-même, et livré tout entier avec toutes vos facultés à votre élève ; vigilance, patience, fermeté, voilà surtout trois qualités sur lesquelles vous ne sauriez vous relâcher un seul instant sans risquer de tout perdre ; oui, de tout perdre, entièrement tout : un moment d’impatience, de négligence ou d’oubli peut vous ôter le fruit de dix ans de travaux, sans qu’il vous en reste rien du tout, pas même la possibilité de le recouvrer par le travail de dix autres. […] Puis il réfléchit, il se rappelle les leçons de stoïcisme de son maître ; il trouve des excuses à Sophie ; il admire même ce qu’elle a gardé de franchise et de vertu dans la faute. […] Et Jean-Jacques admire Wolmar. […] A partir de là, en effet, nous n’aurons plus qu’à plaindre Jean-Jacques, quelquefois à l’admirer ; car, je le dis très sérieusement, son âme se purifie à mesure que ses maux et sa folie augmentent.
Il repasse dans sa mémoire, riche en souvenirs classiques, tous les exemples de suicide que nous a laissés l’histoire, et celui qu’il admire le plus est le fait de l’Empereur Othon, qui, après avoir perdu une bataille, avait soupé gaiement avec ses amis, et le lendemain avait été trouvé percé d’un poignard qu’il s’était enfoncé dans le cœur. […] Mme de Staël ne se borne pas à comprendre Rousseau, elle l’admire. […] Joubert, en 1795, que je ne pourrai vous admirer à mon aise et vous estimer tant qu’il me plaira, que lorsque j’aurai vu en vous le plus beau de tous les courages, le courage d’être heureuse. […] Avant d’être le grand Dominicain que l’on admire, il cherchait péniblement sa voie (1822).
Il a toujours été admiré par tous comme pris sur le vif avec un bonheur étonnant. […] En dehors de ces deux défauts et de celui qui consiste, de temps en temps, en une trop grande subtilité d’expression, imperfection très distinguée et que Corneille a connue, mais qui demeure au théâtre un inconvénient assez dangereux, je ne vois guère qu’à admirer dans la très belle œuvre que je vais analyser. […] C’est un coup risqué et qui ne sera pas jugé gagné par tout le monde ; mais c’est un beau coup de dés dramatiques et dont, pour mon compte, j’admire très sincèrement la hardiesse. […] Ce n’est pas dans son second acte, avec ses effets très faciles de porte de droite secouée et de porte de gauche cherchée à tâtons que je l’admire le plus, encore que tout cela soit fait avec adresse et selon toutes les meilleures traditions du mélodrame et que tout cela jette le public dans l’extase ; mais en son troisième acte, où il faut montrer de véritables qualités de grande artiste, elle a été admirable de prostration, d’attendrissement en embrassant sa pauvre petite fille qu’elle a la naïveté de plaindre plus que soi-même, de pudeur chaste et enfin de désespérance résignée.
La révolution française, d’abord admirée comme une sœur, avait paru une furie et un monstre. […] Mais le métal est véritablement noble, et, outre plusieurs sonnets très-beaux, il y a telle de ses œuvres, entre autres la plus vaste, Une Excursion, où l’on oublie la pauvreté de la mise en scène pour admirer la chasteté et l’élévation de la pensée.