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957. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Le jugement est le quatrième, parce qu’il nous enseigne seul dans quel ordre, dans quelle proportion, dans quels rapports, dans quelle juste harmonie nous devons combiner et coordonner entre eux ces souvenirs, ces fantômes, ces drames, ces sentiments imaginaires ou historiques, pour les rendre le plus conformes possible à la réalité, à la nature, à la vraisemblance, afin qu’ils produisent sur nous-mêmes et sur les autres une impression aussi entière que si l’art était vérité.

958. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Outre les vastes recueils de Mémoires sur l’Histoire de France, qui furent une mine de romans et de drames, il faut signaler tout particulièrement la publication des Mémoires de Saint-Simon, qui renouvelèrent dans les esprits l’image du siècle de Louis XIV et de la cour de Versailles.

959. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

La plupart des drames tempérés que nous conte M. 

960. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

On lira toujours avec plaisir chez Rulhière de curieux et saillants portraits, la description de Varsovie à l’ouverture de la diète électorale, les scènes de tumulte et de confusion grandiose dont il traduit aux yeux le drame.

961. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

Dans le monde on pouvait sourire quand on le voyait arriver d’un air de conquête, « bien poudré, en habit de velours noir, avec sa veste dorée et ses manchettes de filet brodé », dans sa double coquetterie d’homme galant et de bel esprit, comme il était enfin quand il allait faire une de ces cent lectures de son drame de Mélanie, pour lesquelles on se l’arrachait.

962. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Le roman et le drame se sont mainte fois exercés, comme c’était leur droit, sur cette captivité de Madrid et sur ces entrevues de François Ier et de sa sœur qui prêtaient à l’imagination ; mais la lecture de ces simples lettres si dévouées montre les sentiments à nu et en dit plus que tout.

963. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

La strophe, l’épopée, le drame, la palpitation tumultueuse de l’homme, l’explosion de l’amour, l’irradiation de l’imagination, toute cette nuée avec ses éclairs, la passion, le mystérieux mot Nombre régit tout cela, ainsi que la géométrie et l’arithmétique.

964. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Carrière d’Augier Son premier collaborateur fut un jeune avocat, Nogent Saint-Laurens, avec lequel il perpétra un drame, Charles VIII à Naples, qui ne fut jamais représenté, malgré les démarches sans nombre d’Émile Augier.

965. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Un jour, Shakespeare, le plus spontané des génies, lança dans un de ses drames cet éclair en passant, et comme passent les éclairs : que « la douleur est une culture ».

966. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Là il n’était pas ridicule, il était admirable, il sortait du domaine comique, il devenait un acteur du grand drame qu’est la vie d’une nation : il était un bon serviteur de la France.

967. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

« Parisiens, ne voyons pas le seul drame de notre ville. […] Enfin, quand le drame allait se dénouer, il manqua d’énergie : « e n’ai plus de force pour continuer », dit-il. […] Un drame du cœur ? Non ; et, ici comme dans les romans d’André Lafon, nul drame : une très discrète douleur, et sage ! […] Il a été, il continue d’être l’un des « acteurs du drame » ; il ne s’est pas détaché du drame dont il se fait l’historien.

968. (1923) Nouvelles études et autres figures

Le drame dont ils règlent les péripéties, ils n’en sont pas seulement les metteurs en scène, il faut qu’ils y jouent leur rôle. […] Elle forma son goût des horreurs qui lui dictait plus tard Rosalinde et Hélène et qui le portait vers le drame monstrueux des Cenci. […] Ce fut un beau drame à la Jean-Jacques. […] On le remarquait déjà dans ses drames. […] Mais l’émotion qui nous étreint vient aussi du problème que posent tous les drames de l’amour et qui n’est autre que celui de la liberté humaine.

969. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Gustave Toudouze vient de publier chez Victor Havard un volume intitulé Madame Lambelle ; c’est un drame qui, sans imiter Balzac ni George Sand, sans entrer dans les détails prescrits par le Code du Naturalisme, participe un peu de ces trois formes du roman d’aujourd’hui ; l’action est simple, et, sans gros moyens, l’auteur arrive à l’émotion ; en un mot, c’est un livre honnête et qui repose l’esprit de toutes les exagérations qui rendent si pénible la lecture des romans modernes. […] Il n’y a que cela : un honnête homme qui meurt avec les secours de la religion, entre sa femme et ses enfants ; drame doux et cruel, qui vous poursuit longtemps après la lecture finie. […] Le roman continue, et vingt-cinq ans après seulement, Mme de Ferjol apprend le drame, le nom du coupable et sa mort. […] Je persiste à croire que j’ai raison dans le fond même des choses, et je livre aux œuvres complètes, c’est-à-dire au définitif, le drame tel qu’il a été composé. […] Je crois que le lecteur la préférera à l’autre, et, si le drame est destiné à être repris dans l’avenir, je me figure qu’elle prévaudra même sur le théâtre.

970. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Au lieu que les drames de Hugo, qui soulevèrent tant de colères et d’enthousiasmes, nous apparaissent aujourd’hui comme d’une absurdité équivalente à la platitude de ceux de Ponsard, lesquels étaient censés représenter l’esthétique d’en face. […] Frappé par les contradictions du code napoléonien et de la vie contemporaine, il extrait, de ces heurts, des drames qui passèrent pour généraux, et qui ne sont que circonstanciels. […] Cette soudaineté initiale, quasi explosive, qui offre plus d’une analogie avec la fécondation sexuelle, assure l’unité du roman, de l’ouvrage de critique, du drame ou du poème. […] Très bien, mais que reste-t-il de ses copieux romans et de ses burlesques drames, et qu’en restera-t-il dans vingt ans ? […] Peu à peu l’on a remarqué que le divorce, considéré comme sujet de vaudeville, était plutôt un sujet de drame.

971. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

La tragédie s’efforce autant que possible de se renfermer dans une seule révolution du soleil, ou du moins de très peu sortir de ces limites ; l’épopée, au contraire, n’a pas de limite de temps ; et c’est là une différence essentielle, quoique dans le principe on se donnât cette facilité pour la tragédie aussi bien que dans la comédie. » * * * « La tragédie, continue-t-il, est selon moi l’imitation de quelque action sérieuse, noble, complète, ayant sa juste dimension et employant un discours relevé par tous les agréments qui, selon leur espèce, se distribuent séparément dans les diverses parties, sous forme de drame et non de récit, et arrivant, tout en excitant la pitié et la terreur, à purifier en nous ces deux sentiments. […] « La terreur et la pitié peuvent venir du spectacle qu’on met sous les yeux des assistants ; mais on peut faire sortir ces sentiments de l’intrigue même du drame, ce qui est bien préférable et annonce un poète plus habile.

972. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Et à mesure que le drame se déroule, Tissot s’animant, s’exaltant, et toujours parlant avec une voix plus basse, plus profonde, plus religieusement murmurante, prête aux choses représentées, des sentiments, des idées, des exclamations qui feraient une glose curieuse à joindre aux Évangiles apocryphes. […] Dimanche 23 mars Ce jeune souverain allemand, ce névrosé mystique, ce passionné des drames religioso-guerriers de Wagner, cet endosseur en rêve de la blanche armure de Parsifal, avec ses nuits sans sommeil, son activité maladive, la fièvre de son cerveau, m’apparaît comme un souverain bien inquiétant dans l’avenir.

973. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Mme de Boufflers avait fait une pièce, une espèce de tragédie ou de drame en cinq actes et en prose, qui ne fut point imprimée, mais qu’elle lisait à ses amis.

974. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

« Les autres emplois civils et militaires avaient été également distribués, par élection, entre ces républicains imberbes qui s’engageaient à secourir les pauvres (on avait un trésor) et à défendre les faibles. » D’autres joueront au drame ; d’autres, à la guerre et au conquérant : ici c’est l’économiste et le philanthrope en herbe qui se dessine.

975. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Hélène et Priam, au sommet de la tour, nommaient les chefs de l’armée grecque ; Antigone, amenée par son gouverneur sur la terrasse du palais d’Œdipe et cherchant à reconnaître son frère au milieu du camp des Sept Chefs, voilà des tableaux qui me passionnent et qui me semblent contenir toutes les solennités possibles de la nature et du drame humain. « Quel est ce guerrier au panache blanc qui marche en tête de l’armée ?

976. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Cette histoire est la comédie du genre : celle de Magalon en est le drame… » En lisant cette lettre de Mme Sophie Gay, ne croirait-on pas lire déjà un piquant feuilleton de sa fille ?

977. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Ainsi lorsque plus tard, à l’Odéon (1813-1815), elle jouait dans un drame de Rigaud, Evelina, le Mercure la louait en ces termes : « Mlle Desbordes représente Evelina avec décence.

978. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Elle ne revint à Paris qu’en 1813, où elle débuta à l’Odéon, le 27 mars, dans le rôle de Claudine de la pièce de Pigault-Lebrun, la Claudine de Florian ; elle avait beaucoup de succès, notamment dans le rôle de Clary du Déserteur, drame de Mercier ; dans le rôle d’Eulalie, de Misanthropie et Repentir : elle faisait verser d’abondantes larmes.

979. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Quand le drame public se déclara pour elle, par combien de scènes dut-elle l’acheter !

980. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Le drame mis à part, on peut considérer Malherbe et Boileau comme les auteurs officiels et en titre du mouvement poétique qui se produisit durant les deux derniers siècles, aux sommités et à la surface de la société française.

981. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Un drame fantastique, ou, comme il l’avait intitulé, un drame-ballade, fut présenté par lui à M. 

982. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Duruy, est un moraliste qui tire, à mesure, la morale de l’énorme drame dont sa scrupuleuse érudition a vérifié les innombrables scènes.

983. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Il y a ici une objection : une œuvre d’art, — un drame par exemple, — peut rendre nécessaire l’existence simultanée de formes nullement connexes.

984. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Mais je ne peux approuver un William Jones, qui, sans être philosophe, déverse son activité sur d’innombrables sujets, et, dans une vie de quarante-sept ans, écrit une anthologie grecque, une Arcadia, un poème épique sur la découverte de la Grande-Bretagne, traduit les harangues d’Isée, les poésies persanes de Hafiz, le code sanscrit de Manou, le drame de Çakountala, un des poèmes arabes appelés Moallakat, en même temps qu’il écrit un Moyen pour empêcher les émeutes dans les élections et plusieurs opuscules de circonstance, le tout sans préjudice de sa profession d’avocat.

985. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

— Pose seulement la main sur lui, — Et tu ne songeras pas à recommencer le combat. » Le Feu surgit, et un changement à vue prodigieux s’opère dans le drame de la Création.

986. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Puis il passa à la littérature moderne, la compara à l’ancienne, se montra toujours le même en fait d’art comme en fait de politique, partisan de la règle, de la beauté ordonnée, et, à propos du drame imité de Shakespeare, qui mêle la tragédie à la comédie, le terrible au burlesque, il dit à Goethe : “Je suis étonné qu’un grand esprit comme vous n’aime pas les genres tranchés.”

987. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Cette longue nuit étant ainsi plus qu’à demi écoulée, chacun à bout d’émotion et de drame va se coucher enfin, et les plus affligés dorment le mieux ; mais Saint-Simon, encore enivré d’une telle orgie d’observation, dort peu.

988. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Greuze est l’idéal de Diderot comme artiste ; c’est un peintre sincère, affectueux, de famille et de drame, touchant et honnête, à la fois légèrement sensuel et moral.

989. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Il y a souvent plus d’actions et de pensées décisives dans un drame qui dure vingtquatre heures et se déroule en une chambre de dix mètres carrés que, dans toute une vie humaine.

990. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

Le récit historique, l’épopée, le drame, rentrent avec de légères modifications dans la classe du roman.

991. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Ce ne sont pas positivement des analyses qui élucident, ni des drames qui simplifient, grandissent ni carrent l’homme en une seule passion dominante, ni des récits d’aventures qui surprennent sur le merveilleux et le hardi des péripéties.

992. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Selon les uns, les systèmes sont des opinions arbitraires et de fantaisie, nées dans l’imagination des philosophes, comme les épopées et les drames dans l’imagination des poètes : ils n’ont aucune valeur objective.

993. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Dès vingt-huit· ans, il écrivait à un ami : « La vie que je mène est un drame si ennuyeux que je prétends toujours que c’est Mercier qui l’a fait. » Cet homme, le dandy de ce temps frivole, qui portait des habits fleur de pêcher et de la poudre de la couleur des cheveux de la Reine, regrettait de ne s’être pas fait homme des champs.

994. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Vraiment, dans un tel drame, cette volupté de collectionneur… Eh !

995. (1868) Curiosités esthétiques « VI. De l’essence du rire » pp. 359-387

C’est en pleine Italie, au cœur du carnaval méridional, au milieu du turbulent Corso, que Théodore Hoffmann a judicieusement placé le drame excentrique de la Princesse Brambilla.

996. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Voici venir ce génie, cependant ; et, sans avoir secoué tout à fait la poussière du temps, il réunira bien des vertus poétiques : il aura l’accent du drame et de la satire, comme celui de la poésie lyrique et de l’enthousiasme.

997. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

d’examiner les drames de Diderot ; c’est Diderot qui l’a demandé, parce que La Virotte est comme lui de la société du marquis de Croismare, et qu’il en augure un jugement favorable. […] Malheur au poète qu’on aperçoit dans son drame ! […] Malesherbes, en effet, toujours soucieux de ne pas abuser de son pouvoir, avait envoyé le drame à deux autres censeurs : Moncrif, de l’Académie française était l’un ; et l’autre, Bonamy, de l’Académie des inscriptions. […] Mais il faut croire qu’à ce propos Diderot s’obstina comme dans l’affaire de son drame. […] » mais en présence d’une belle toile il veut pouvoir s’écrier : « Quel drame ! 

998. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Une femme qui fait des romans et des drames était entrée en relations avec une autre qui fait des vers. […] Ses drames sont tous le même, ses poésies lyriques toutes la même. […] Gozlan, « tout ce qu’il écrivait, livres, articles, romans, drames, comédies, n’était que la préface de ce qu’il comptait écrire ». […] Je ne vois pas d’individualité dans votre lettre, au contraire cela ne me semble être qu’une voix dans la foule comme dans les drames de votre empereur Victor Hugo. […] * *   * Dans un drame de Lope de Vega intitulé Fontovéjune, on trouve ceci : « Voulez-vous que je vous dise ce que je pense des poètes ?

999. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Il y a dans l’histoire des aventures bouffonnes, des événements de cuisine, des scènes d’abattoir et de cabanon, des comédies, des farces, des odes, des drames, des tragédies. […] Ces allées, ces venues, cette main si avidement tendue vers le sceptre, et tant de fois retirée, ces débats du Parlement excités ou apaisés en cachette, ces manœuvres infatigables, et, par-dessus tout, les enroulements de ces dialogues entortillés à dessein, composent un petit drame qui paraît froid au lecteur ordinaire et qui semble vivant au lecteur attentif : c’est la diplomatie en action. — Avec l’art, M.  […] Vous sentez, à chaque instant, que l’Angleterre vous revient ou vous échappe, et vous n’êtes point disposé à écrire un drame, ni une comédie, ni un roman. […] Que je moule aux hautes et froides régions qui s’illuminent, je me livre moi-même ; le givre saisira, ralentira mes ailes. » N’y a-t-il point là tout un drame ? […] Le drame finit par une ode qui est l’hymne du rossignol.

1000. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

D’ordinaire, on ne connaît l’Espagne que par son drame, ses romans picaresques et sa peinture ; quand, sur de tels documents, on essaye de se figurer la vie réelle, on hésite et on n’ose conclure ; de pareilles mœurs semblent fabuleuses. […] On les sent corporels, palpables, vivants et mêlés à notre vie ; on les représente sur le théâtre ; ils entrent, par leur action ou par leur présence, dans les drames laïques ; ils ont le costume, les sentiments, les préjugés, les habitudes des contemporains. […] On n’a jamais senti plus à fond, par une sympathie plus personnelle, avec une pitié plus largement étendue, le drame douloureux de la vie. — Il y a un homme dont la main tremblait et qui indiquait ses conceptions par des taches vagues de couleur ; on l’appelait le coloriste ; mais la couleur pour lui n’était qu’un moyen. […] — Il ne soulage pas le cœur, comme les paroles vraies. — Il tourmente celui qui « en secret l’a forgé, — et, comme une flèche, il retombe, — renvoyé et conduit par un dieu — sur l’archer qui l’a lancé. » — Tout le nœud du drame est là : fera-t-elle un mensonge ? […] Non seulement ce sont là de grands sujets, et les seuls qui soient dignes d’occuper toujours l’attention des hommes, mais encore il n’y en a pas de plus dramatiques, car le vrai drame est toujours ‘celui qui se passe au dedans de nous.

1001. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Dès lors, il prit sa plume et, depuis ce temps, ne cessa d’écrire… Quelques mois après, ayant griffonné un vaudeville qu’il intitula le Major de Strasbourg, et bâclé un drame sur la tragique histoire des Abencerages, il vint à Paris et se lança, corps et âme, dans la grisante, amusante et charmante carrière des lettres. […] Cent trente volumes de romans, de contes et de nouvelles, trois vaudevilles, deux tragédies, quarante drames, quatorze comédies, deux opéras comiques, dix volumes de Mémoires, sans compter une bibliothèque de « scènes et d’études historiques », d’« impressions de voyages » et même de critique, voilà son héritage. […] Je ne parlerai pas davantage de ces préfaces où le doux Racine accablait de son mépris les personnes qui ne rendaient pas justice aux immortelles beautés de ses drames. […] L’auteur de l’Employée semble fait pour substituer aux dissertations où s’enveloppent, s’amortissent, s’évanouissent ces drames obscurs, l’évocation directe des êtres vivants qui disent leur peine, des âmes douloureuses et timides qui n’osent pas crier leur volonté de vivre et leur fatigue de trop souffrir. […] Les romans de M. de Rouvre, venant au même moment que les drames de M. 

1002. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

La marquise descend dans un petit couvent de la rue Saint-Jacques ; Amaury fait choix d’une chambre dans le voisinage ; et voici, pendant la captivité du mari, les relations qui s’établissent entre la marquise et l’étudiant : « Tous les soirs, quand les religieuses s’étaient retirées et les enfants endormis, nous demeurions très tard, très avant même dans la nuit, près de la cendre éteinte, en mille sortes de raisonnements, de ressouvenirs, de conjectures indéfinies sur le sort, la bizarrerie des rencontres, des situations, la mobilité du drame humain, nous étonnant des moindres détails, nous en demandant le pourquoi, tirant de chaque chose l’esprit, ramenant tout à deux ou trois idées d’invariable, d’invisible et de triomphe par l’âme ; jamais ennuyés dans cet écho mutuel de nos conclusions, toujours naturels dans nos subtilités. » J’ai cité cette phrase tout au long, parce qu’elle me dispense de raconter ; en effet, elle résume merveilleusement toute l’histoire de cette liaison vraiment étrange, qui n’est ni amitié ni amour, ni mystère ni éclat, ni passion ni calme, ni innocence ni crime. […] Sainte-Beuve : son titre, son héros, la crudité de ses peintures, la simplicité de son drame, et ce mélange si nouveau de mysticisme et de lubricité, cette odeur de sacristie et de carrefour, enfin tout cet alliage adultère de la poésie érotique et de l’inspiration religieuse. […] Les sens n’ont plus de rôle à jouer dans ce drame qui a les deux plus grands royaumes de la terre pour théâtre, et pour spectateurs le monde entier.

1003. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Il prédit, il dessine à l’avance un futur rival romantique de Racine et de Corneille ; nous aussi nous le croyons possible, mais nous l’attendons toujours : Les tragédies de Corneille, de Racine, de Voltaire (en nommant Voltaire à côté des précédents, il paie tribut au siècle) semblent devoir durer éternellement ; mais si un homme de génie donnait plus de mouvement à ses drames, s’il agrandissait la scène, mettait en action la plupart des choses qui ne sont qu’en récit, s’il cessait de s’assujettir à l’unité de lieu, ce qui ne serait pas aussi choquant que cela paraît devoir l’être, ces hommes auraient un jour dans cet auteur un rival dangereux pour leur gloire.

1004. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Qu’on se figure, dans ce cadre auguste et approprié, une de ces solennités telles qu’on les célébrait au Moyen-Âge les grands jours de fêtes saintes, un de ces drames liturgiques comme il s’en représentait alors dans les églises, avec musique et personnages, le clergé faisant les rôles, — les trois Mages à la crèche, les trois Maries au saint Tombeau, ou la scène des disciples d’Emmaüs au lendemain de la résurrection du Sauveur.

1005. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Ce n’est plus une adresse, c’est un drame dont chacun veut voir le dénouement : on écoute encore, le secrétaire poursuit ; il arrive à l’effrayant tableau des désordres, des crimes, de la dissolution qui s’avance : le côté droit, qui avait d’abord été consterné de l’hommage, s’exalte sur la censure.

1006. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Je remets donc toujours à transcrire mon petit drame indépendant, et je dévore mes jours à des soins tout aussi graves. » (15 janvier au soir, 1856)… Tu dis, chère âme fidèle, que la poésie me console.

1007. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

La mise en train des premières campagnes, les tâtonnements et les inexpériences, une opinion motivée sur la valeur de ces premiers généraux improvisés de la République, la mesure exacte et proportionnée de ces hommes tour à tour exaltés ou dépréciés, le compte rendu clair et intelligible de leur marche, de leurs essais, de leurs fautes et de leurs bévues, comme aussi de leurs éclairs de perspicacité stratégique et de talent, toutes ces parties sont rendues dans une narration bien distribuée et lumineuse, sans que le côté militaire devienne jamais trop technique, sans que la considération politique et morale des choses soit oubliée ; car ce tacticien éclairé est le premier à reconnaître que « la guerre est un drame passionné et non une science exacte 60. » Rien de tranché d’ailleurs ni d’absolu dans la pensée ni dans l’expression : la modération et un esprit d’équité président.

1008. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Le drame industriel a eu, à d’autres moments, d’autres théâtres encore, la Porte-Saint-Martin, l’Odéon, les Français même, qui, pour n’en pas subir les conditions ruineuses, ont dû bientôt l’éloigner ou ne s’y ouvrir qu’avec précaution.

1009. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Dans le drame politique qui se joue presque en regard du Verre d’eau, il y a de ces conditions réunies de tristesse et de contradictions en grand dont je parlais tout à l’heure, et qui seraient capables d’éclipser même la haute comédie.

1010. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Ce drame de Shakspeare n’était pas seulement un noble spectacle ; c’était une machine de guerre.

1011. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Magnin a su montrer la persistance et faire comme l’histoire de la faculté dramatique aux époques même où il n’y a plus de théâtre ni de drame à proprement parler, M.

1012. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Mais il n’avait pas le génie assez artiste pour étendre au drame entier cette configuration concentrique qu’il a réalisée par places ; et, d’autre part, sa fantaisie n’était pas assez libre et alerte pour se créer une forme mouvante, diffuse, ondoyante et multiple, mais non moins réelle, non moins belle que l’autre, et comme nous l’admirons dans quelques pièces de Shakspeare, comme les Schlegel l’admirent dans Calderon.

1013. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Il y a tel drame dont personne ne voudrait être l’auteur, et qui déchire le cœur bien autrement quel’Enéide.

1014. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Il n’y a là-dedans ni sentiment, ni passion, ni roman, ni drame, ni comédie.

1015. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Dans sa litière, où cette infatigable voyageuse passa la moitié de son existence, elle travaillait, conversait, dictait : vers ou prose, chant, drame ou récit, religion ou galanterie, mythologie ou réalité, toute forme et tous sujets lui étaient bons.

1016. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Voilà la grande erreur et la grande inconséquence de Boileau dans sa théorie du comique : et c’est autrement grave que de proscrire le mélange du rire et des larmes, que de condamner à l’avance le drame, les pièces mixtes.

1017. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Le drame sacré a commencé par être écrit en latin, la langue de l’Eglise.

1018. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

Buchez et Roux, le discours avec les circonstances indiquées des interruptions, il est impossible, si l’on n’est pas déjà averti et si l’on prend le tout au pied de la lettre, de saisir l’esprit du drame.

1019. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

Cependant il vivait trop de la vie brillante, dissipée, mondaine, de la vie de plaisirs, et, à peine âgé de vingt-huit ans8, il se disait lassé et vieilli : Quant à la vie que je mène, écrivait-il à un ami (janvier 1785), c’est un drame si ennuyeux, que je prétends toujours que c’est Mercier qui l’a fait.

1020. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Carrel, qui voulait de l’une de ces révolutions, n’entend pas pour cela vouloir de l’autre ; il nie qu’il y ait aucun rapport entre innover dans les formes de la Constitution, et innover dans les formes du drame.

1021. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

La pièce pour moi se gâte du moment que la Marceline, en étant reconnue la mère de celui qu’elle prétend épouser, introduit dans la comédie un faux élément de drame et de sentiment : cette Marceline et ce Bartholo père et mère me salissent les fraîches sensualités du début.

1022. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Préface de la première édition (1857)39 Quand les civilisations commencent, quand les peuples se forment, l’histoire est drame ou geste.

1023. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

Sa conférence sur La mission du Drame atteint une réelle hauteur de pensée — malgré quelques concessions aux erreurs de l’art démocratique.

1024. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

que M. de Vigny aborde le drame !

1025. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Si je possède assez de bonne humeur pour m’amuser cordialement d’une comédie considérée comme telle, j’admire que d’autres possèdent assez de sérieux pour y voir un drame.

1026. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Guinaudeau est de s’être fait l’évocateur vibrant de ce vibrant spectacle ; d’avoir rejeté tous les ornements, toutes les thèses, tous les incidents et d’avoir concentré dans le drame lui-même toute la force du récit.

1027. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

C’est là l’intérêt, la nouveauté, l’entraînement du drame La scène suivante en donnera une idée. […] C’est là qu’est le drame. […] Autour d’elle, on racontait le drame. […] Voilà tout, le drame est fini ; il y a peut-être dix vers de dénouement ; c’est un chef-d’œuvre. […] Ici commence le drame.

1028. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Il ne décrit point, comme Walter Scott, pour offrir une carte de géographie au lecteur et pour faire la topographie de son drame. […] Un homme vient qui, tout d’un coup, les rend intéressantes ; bien plus, il en fait des drames ; il les change en objets d’admiration, de tendresse et d’épouvante.

1029. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Le souci de l’exactitude, du réalisme, dont s’enorgueillit la Comédie larmoyante ou drame, entraîne la prédominance de la condition et des moyennes conditions sur le caractère « abstrait ». […] Ils nous démontent les rouages intellectuels qui machinèrent ses drames et, loin d’avoir servi de moules tout faits où le théoricien n’a plus qu’à couler son art, mais bien au contraire, étant comme l’empreinte prise à même l’œuvre, ils nous avertissent qu’un artiste ressemble toujours plus ou moins à M. 

1030. (1891) Esquisses contemporaines

Il place le drame de cette existence douloureuse dans la lutte intérieure que se livrent la conscience morale et l’intellectualisme hégélien. […] Le nombre de ceux qui ont répété comme nous-même le type monotone de la vie, qui ont eu en partage les mêmes joies et les mêmes douleurs dont nous disons qu’elles sont les nôtres, qui ont tressailli aux mêmes passions et tendu vers les mêmes buts, qui ont vécu, souffert, joui comme nous-mêmes, et qui sont morts comme nous mourrons après avoir été le théâtre d’un drame microscopique et s’être crus un instant le point central de l’univers, voilà certes, pour qui s’y prête, des compréhensions terrifiantes. […] Que si la pensée persiste, il se livre alors, entre l’intelligence qui ne veut pas abdiquer et la conscience qui ne veut pas mourir, une lutte suprême dont les péripéties présentent un spectacle tragique au cours du drame quotidien qui va de la naissance à la mort de l’homme. […] Voici ce qu’il écrivait à Mme Adam dans la préface du second volume des Essais : « Prendre au sérieux, presque au tragique, le drame qui se joue dans les intelligences et dans les cœurs de sa génération, n’est-ce pas affirmer que l’on croit à l’importance infinie des problèmes de la vie morale ? […] Une organisation sociale comme la nôtre, écrasant de son poids séculaire toute initiative personnelle et réglant à l’avance les moindres détails de la vie, ne comporte plus guère d’autres drames que ceux de la pensée morale.

1031. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Non satisfait d’enseigner les langues les plus savantes et de répandre sur nos têtes des torrents de philosophie et d’histoire, il dévoile l’origine du langage, réforme l’esprit et les mœurs, éclaire les littératures, écrit même pour le théâtre des sphères, des drames tels que Caliban et l’Eau de Jouvence, et, du promontoire d’Épicure, contemple avec sérénité l’océan de la politique dont les fureurs et les inconstances n’ont plus d’étonnements ni de secrets pour lui. […] Quand la critique a dégagé cette idée ou cette conception, que voulez-vous qu’il lui reste à faire et qu’est-ce, après cela, que le frisson plus ou moins troublant du Guignol fictif de l’action qui ne peut jamais être que la traduction patoise du drame de la pensée ? […] Mais j’ai lu passablement de comédies ou de drames et j’ai toujours vu par la pensée les mêmes fantoches dramatiques s’agitant dans la même demi-douzaine de situations à effet certain, tandis qu’au-delà de l’absurde coupe transversale, dans la buée de l’amphithéâtre, l’innombrable bétail humain mugissait au diapason. […] Venu en critique à la Porte-Saint-Martin, j’ai écouté son drame avec toute l’attention que la Providence m’a fait capable d’octroyer à une œuvre de néant et voici, en conscience, ce qui m’a le plus frappé. […] On ne peut dire ce qu’elle est, sinon la mère de la Pitié, de la Tendresse infinie, de la Douleur et de l’Épouvante, pendant toute la durée du drame imbécile immensément agrandi et transfiguré par elle.

1032. (1900) Molière pp. -283

Telle est l’impression que pour ma part j’ai éprouvée ; je viens de relire Molière, plume en main, pour la troisième fois ; et je ne sais pas s’il a écrit les plus bouffonnes des comédies ou les plus lugubres des drames ! […] Un grand acteur mort récemment, Provost, jouait toujours en drame le rôle d’Arnolphe, qu’on avait toujours joué en comique. Peut-être outrait-il ce côté du rôle ; mais, ce qu’il y a de certain, c’est que, pour le rendre complet, il faut le jouer en comédie et en drame à la fois. […] Le génie du poète a mis une particulière empreinte sur cette pièce, conçue en quelques jours, écrite d’un jet puissant, pleine de choses, de choses tristes et profondes, tantôt comédie, tantôt drame, ou l’un et l’autre à la fois. […] Vous le connaissez tous, vous avez assisté à son éclosion et à ses manifestations dans la vie de tous les jours, dans le drame ou le roman de tous les jours.

1033. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Explorer les coulisses de ce drame, pour y voir des grimaces de blessés, des rires d’idiots, des farces d’ivrognes, cela parut drôle à nos mandarins de lettres, fiers de leur virtuosité verbale, de leurs bibelots, de leurs livres, et regardant avec mépris la foule, la foule naïve qui allait tout de même, bonnement, aux vitrines de leurs éditeurs. […] Ses rapports étaient si tristes avec Raffraye, banal et brutal viveur, qui, l’ayant épousée pour son argent, était aussitôt retourné aux filles, après un de ces drames d’alcôve qui laissent chez une jeune femme une inexprimable rancune. […] Mieux vaut se laisser prendre à l’émotion tendre et douloureuse qui anime tout ce drame moral, et féliciter M.  […] L’érudition est devenue si minutieuse, elle descend à des détails si précis, et recueille tous les jours, sur les plus humbles accessoires de la vie humaine, des notions si claires que nous ne pouvons garder notre sérieux, si l’on tente de nous, emmener, à la suite de certains faiseurs de drames « historiques », en quelque décor prétentieux et faux, parmi des costumes de bal masqué, des figurants d’opéra-comique et des mobiliers d’occasion. […] Il faut gagner l’argent que le peuple français nous donne. » Impossible aux secrétaires généraux, chefs de bureau, commis, expéditionnaires, de s’assoupir dans leurs paperasses, ou de composer des drames derrière leurs grilles, commodément assis sur leurs ronds de cuir.

1034. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

C’est sur les fatalités de nature, sur le déterminisme universel que nos romanciers les plus puissants fondent leur morale et déroulent leurs drames. […] Je considérais les séances du conseil comme une sorte de drame, et j’écoutais curieusement les interlocuteurs et surtout l’empereur. […] Maurice Montégut, s’est avisé que la situation capitale de l’Obstacle était tirée d’un sien drame, en vers, le Fou, qui fut imprimé en 1880, et il en écrivit aux journaux. […] La grande artiste jouait ce soir-là le rôle de Marie Stuart dans une traduction italienne du drame allemand. […] Il y avait soixante ans qu’il avait fait sa tragédie, et il ne se la rappelait plus guère ; mais il se rappelait bien moins encore le drame de Schiller.

1035. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Des prêtres en costume jouaient devant les Initiés, vêtus de robes blanches, le drame hiératique du rapt de Proserpine et des douleurs de Cérès. […] Éternellement la nature répète le drame sacré d’Éleusis. […] Le drame admis, il n’y a plus qu’à louer le comédien. […] Un effarement de visionnaire idéalise cette tête ravagée : on croit voir Hamlet, au cinquième acte du drame. […] Tel fut le XIVe siècle, qui créa le drame aux mille tableaux de la Danse Macabre.

1036. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Il n’y a que le long drame de la Révolution française qui puisse fournir cette époque.

1037. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

« Vous voyez à quel drame obscur je vous invite. — J’ai chancelé durant bien des minutes, pensant aux tristes offrandes que vous fait ma reconnaissance ; mais votre cœur attire le mien, j’y vais comme l’oiseau au soleil, — et je vous porte l’adresse du blessé, nº  10, rue Richelieu.

1038. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

L’armistice qui suivit la demi-victoire de Bautzen fut la période fatale pour Jomini et dans laquelle le drame moral s’agita en lui dans tout son orage (4 juin-16 août 1813).

1039. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Saint-Évremond, dans ses vues, est en avant de son siècle pour le drame comme pour l’histoire.

1040. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Ces chapitres, dans lesquels le drame romanesque de Perez rejoint et traverse les grands intérêts de l’histoire, et où les deux ressorts se confondent, sont d’un suprême intérêt ; et en tout, dans le cours de cette publication épisodique, M.Mignet a su combiner le genre de piquant qui tient à une destinée individuelle et aventurière, avec la gravité habituelle qu’il aime dans les conclusions.

1041. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

Nous confessons que la vie du prophète berger et du poète roi dans la Bible est par elle-même un poème mille fois plus riche en aventures, en pittoresque, en intérêt, en pathétique, en drame, que l’Iliade.

1042. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Ce témoin, cet acteur des brillants drames de l’amour et de l’ambition, une fois qu’il a quitté la scène, nous dit ce qu’il a trouvé, en lui, autour de lui ; toujours, partout, une base d’égoïsme et de calcul.

1043. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Dryden lui donna l’idée d’un drame plus violent ; Addison, par son Caton, l’instruisit à moraliser la tragédie, à y poser nettement la thèse philosophique.

1044. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Il a peu connu les autres, et la vie moderne passerait presque tout entière entre ses pastorales et ses drames cléricaux.

1045. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Le nœud du drame est à cette époque si fameuse et si fatale.

1046. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

L’intrigue et le drame, c’est la déclaration officielle des amours de Saint-Victor et de l’actrice en scène.

1047. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Tel poëme, tel drame, tel roman, fait plus de besogne que toutes les cours d’Europe réunies.

1048. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

C’est une des sagesses de nos pères que dans leurs récits ou dans leurs drames les vieillards amoureux soient toujours ridicules et indignes de pitié.

1049. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

L’intention du professeur du lycée est d’opposer à Corneille, fondateur de la tragédie de l’esprit, de la tragédie héroïque et politique, Racine, créateur de la tragédie du cœur, de la tragédie amoureuse et pathétique : il va plus loin, il semble vouloir ôter le titre de tragédie au drame héroïque et politique, pour en décorer exclusivement le drame amoureux et pathétique. […] Ce genre de tragédie historique me paraît cependant celui qui mérite le plus d’être cultivé, aujourd’hui surtout, où l’on doit être blasé sur les fictions romanesques, sur les fureurs extravagantes et les frénésies amoureuses : il faut accoutumer le public à des drames solides et nerveux qui éclairent l’esprit, nourrissent et fortifient l’âme ; et n’inspirent que de nobles passions. […] Un moderne eût pris ce vice au grave ; il eût fait d’un pareil sujet un drame pathétique et moral, où il eût prodigué les exclamations et les apostrophes, sans oublier le mot nature, qui dans chaque phrase eût admirablement roulé. […] Ce fait pouvait seul fournir la matière d’un drame en un acte, fort intéressant et fort supérieur à cet amas de conversations ennuyeuses, de fables puériles, où il n’y a ni sel ni enjouement.

1050. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

. — Elles sont à peu près à la tragédie classique ce que les mélodrames de Guilbert de Pixerécourt seront un jour au drame romantique de 1830. — Que, pour s’y intéresser, il faut les considérer comme des « expériences » à la recherche des lois ou des conditions du théâtre futur ; — et aussi comme un témoignage de la recrudescence de l’influence espagnole ou italienne. […] Arnaud, Théories dramatiques au xviie  siècle, Paris, 1887]. — Des caractères de l’imagination de Corneille. — Il l’a eue d’abord forte et hardie ; — c’est-à-dire portée de nature, et aussi par les circonstances, vers l’extraordinaire ou l’invraisemblable ; — et de là, sa théorie que le sujet d’une belle tragédie doit n’être pas vraisemblable [Voyez l’édition Marty-Laveaux, V, 147] ; — de là, sa théorie sur l’emploi de l’histoire dans le drame [Voyez l’édition Marty-Laveaux, I, 15], — de là, sa théorie de l’héroïsme : Le sort qui de l’honneur nous ouvre la carrière Offre à notre constance une illustre matière… — De là encore, dans son théâtre, l’allure épique des personnages [Cf. dans La France d’Henri Heine une jolie page à ce sujet] ; —  l’absence relative d’analyse et de psychologie ; — la subordination des caractères aux situations [Cf.  […] Examen de Rodogune, édition Marty-Laveaux, IV, 621], — « Le second acte passe le premier ; le troisième est au-dessus du second ; et le dernier l’emporte sur tous les autres. » — Il est le maître de ses sujets comme ses héros sont les maîtres de leurs destinées, [Voyez le contraire dans le drame romantique.] […] Les Époques du théâtre français]. — Que la retraite de Racine a favorisé le développement de l’opéra. — La Psyché de Thomas Corneille, 1678 ; — le Bellérophon de Fontenelle, 1679 ; — la Proserpine de Quinault, 1680. — Les « auteurs tragiques » prennent l’habitude de s’exercer indifféremment dans la tragédie, ou dans la tragédie lyrique. — De quelques conséquences de cette habitude ; — et comment, après avoir agi sur le style, dont elle relâche le tissu, — elle s’étend de la forme au fond ; — amollit la conception du drame ; — et, à l’art de peindre des caractères ou des passions, — substitue l’art d’émouvoir la sensibilité. […] 3º Les Œuvres. — Elles se composent, ainsi qu’on l’a vu : — 1º de son Théâtre ; — 2º de ses traductions de l’espagnol, drames, comédies, ou romans picaresques ; — 3º de ses romans originaux qui sont : Le Diable boiteux, Gil Blas, Les Aventures du chevalier de Beauchesne, Le Bachelier de Salamanque ; — 4º de son Théâtre de la Foire, en collaboration avec d’Orneval et Fuselier [quatre volumes] ; — et 5º d’un certain nombre de travaux « de librairie », parmi lesquels on cite sa révision des Mille et Un Jours de l’orientaliste Pétis de la Croix.

1051. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Il a tenté enfin, dans son œuvre, une synthèse de tous les genres, l’églogue et le drame, l’idylle et l’épopée. […] C’est ainsi que dans la Faute de l’Abbé Mouret, le principal acteur du drame devient le Parc du Paradon, cette gigantesque personnalité végétale, qui clame de toutes ses roses, de toutes ses cassolettes, de toutes ses odeurs et de toutes ses sèves, le plus beau cantique d’amour qui soit dans les Lettres humaines.

1052. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

On pourrait écrire par ses chansons l’histoire de l’esprit public pendant la Restauration ; elles sont véritablement l’almanach chantant des drames divers, comiques ou sérieux, qui firent rire, gronder, saigner la France jusqu’à la chute tragique de la monarchie des Bourbons. […] J’avais donc résisté inflexiblement, le lendemain de la révolution de Juillet, à toutes les avances du prince nouveau et à son gouvernement, qui m’offraient avec instance un rôle dans le drame.

1053. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

C’est la vie de tous les jours, de toutes les heures, sur tous les degrés de l’échelle sociale avec ses manifestations privées, publiques, politiques, théâtrales, industrielles, financières ; avec ses drames de la passion, de l’intérêt, du vice, du crime qui défilent, pris sur nature, devant les tribunaux. […] Celui-ci n’a que la théorie, celui-là y joint la pratique, l’action, le drame.

1054. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

La Comédie sauve chichement quelques drames de Molière, de Corneille, de Racine, de Marivaux et de Beaumarchais, et puis c’est tout. […] Roman grivois, roman psychologique, roman politique, scènes de mœurs, drame, vaudeville, poésie byronienne, hymnes populaires, madame Sand et M.  […] Les drames seuls de M.  […] Comme la comédie et le drame, le vaudeville populaire a attiré l’attention de l’auteur. […] Dans vingt ans, on ne le lira peut-être plus, lui et tout son génie, de même qu’on ne lit plus les drames de Diderot, où ne manque pas pourtant l’invention.

1055. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Tant que Napoléon n’a pas mis le pied sur la passerelle du Bellérophon, on ne sent pas le drame fini. […] Langlois, sans quoi la réalité intelligible du drame lui échapperait. […] Deux publications ont coïncidé, probablement de dessein prémédité, sur Choderlos de Laclos, c’est à savoir : Un acteur caché du drame révolutionnaire, le général Choderlos de Laclos, auteur des « Liaisons dangereuses » d’après des documents inédits, par M. 

1056. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Margot aime en effet le mélodrame et le préfère au drame. […] Il y a deux ou trois ans, il faisait représenter un drame plein de généreux sentiments et de beaux vers, intitulé Pour la couronne. […] Le malheur, c’est que, dans le même temps, et pendant qu’on jouait Pour la couronne à l’Odéon, de l’autre côté de la Seine, au Théâtre-Français, on jouait un autre drame où un père tuait son fils.

1057. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

A partir de la Renaissance, l’antiquité restaurée est venue surajouter toutes ses conceptions aux nôtres, parfois brouiller nos idées, nous imposer à tort son autorité, ses doctrines et ses exemples, nous faire Latins et Grecs de langue et d’esprit comme les lettrés italiens du xve  siècle, nous prescrire ses formes de drame et de style au xviie  siècle, nous suggérer ses maximes et ses utopies politiques comme au temps de Rousseau et pendant la Révolution. […] Dans les montagnes de la Calabre ou de la Sicile, aux jours de danse, les jeunes gens figurent par leurs poses et leurs gestes de petits drames et des scènes d’amour. […] Tel est le cas de la statuaire grecque : elle devient adulte juste au moment où finit l’âge lyrique, dans les cinquante années qui suivent la bataille de Salamine, quand, avec la prose, le drame et les premières recherches de la philosophie, commence une nouvelle culture, On voit tout d’un coup l’art passer de l’imitation exacte à la belle invention.

1058. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

. — Quant à la description en elle-même, au point de vue littéraire, je la trouve, moi, très-compréhensible, et le drame n’en est pas embarrassé, car Spendius et Mâtho restent au premier plan ; on ne les perd pas de vue.

1059. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Ceci n’est pas du drame fait à plaisir : c’est de l’histoire toute fraîche et toute saignante de vérité.

1060. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Auger redoublait ses anathèmes contre la forme du drame romantique, contre « cette poétique barbare qu’on voudrait mettre en crédit », disait-il, et qui violait de tout point l’orthodoxie littéraire.

1061. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Victor Hugo ; les succès fatigués de ses derniers drames s’interprétaient en chutes ou du moins en échecs ; la critique avait eu contre son œuvre, contre sa personne, depuis quelques mois, de presque unanimes et vraiment inconcevables clameurs.

1062. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Certes, si quelque prophétique vision, quelque miroir enchanté lui avait déroulé à l’avance sa carrière publique si courte et si remplie, ses dépêches au Pape et au roi du fond du boudoir austère, son apparition toujours applaudie à la barre des assemblées, et, pour clore le drame, elle-même en robe blanche, la chevelure dénouée, montant triomphalement à l’échafaud, si elle eût pu choisir, certes elle n’aurait pas hésité ; comme l’antique Achille, elle eût préféré la destinée militante, tranchée à temps et immortelle, à quelque obscure félicité du coin du feu.

1063. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Nous pourrons recréer le drame en vers, la plus belle forme d’art, certes ; interpréter avec l’âme actuelle les mythes dans le poème ; et dire sans malice les airs anciens et toujours neufs dans la chanson.

1064. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

Ses Drames lyriques sont de la plus pauvre invention, & d'un style entiérement opposé à celui qui convient à ces sortes de Pieces : Samsom, Pandore, le Temple de la Gloire, n'ont servi qu'à le mettre un peu au dessus de l'Abbé Pellegrin, quand il ne s'agira pas de Jephté.

1065. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

Diderot a inauguré le roman moderne, le drame et la critique d’art.

1066. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

Dans la prochaine, je vous parlerai des fables de La Fontaine qui sont naturistes, comme j’ai dit, qui sont de petits drames de la nature ; et aussi des fables purement philosophiques.

1067. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Drames, romans, nouvelles, beaux-arts et jusqu’aux modes, tout, depuis trente ans, a porté, plus ou moins, l’empreinte de ce règne dont l’abbé Galiani disait avec son filet de voix claire : « Il y a des empires qui ne sont jolis que dans leur décadence », et pour lequel les Austères révolutionnaires de l’histoire, séduits comme des bourgeois par des duchesses, se sont parfois senti une indulgence, — que l’on comprend très bien, du reste, quand on regarde ce règne et ce temps, entre leurs trois grandes cariatides, Rousseau, Montesquieu et Voltaire.

1068. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Michelet, qui a la haute habitude historique pourtant, s’obstine à vouloir faire une histoire qui remplacera Dieu par la légende révolutionnaire, et des fêtes dramatiques comme à Athènes, et dans lesquelles on verra les Eschyle et les Sophocle de l’avenir jouer dans leurs propres drames, inspirés par les héroïsmes de l’avenir !

1069. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Nous n’admettons pas que l’homme seul existe et que seul il importe, persuadés au contraire qu’il est un simple résultat, et que pour avoir le drame humain réel et complet, il faut le demander à tout ce qui est. »9.

1070. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Je crois avoir montré qu’en Italie, comme en France, nous trouvons trois ères, dont chacune commence par une période lyrique ; en Italie cette évolution s’arrête à mi-chemin, à l’épopée, et n’aboutit dans le drame qu’à des œuvres isolées ; j’en ai dit les raisons ; la principale, c’est l’absence de vie nationale.

1071. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Toute l’œuvre de Vigny, c’est le drame de l’effort qu’il a dû accomplir, étant lui, pour trouver, dans le contact de son époque et de lui, la maxime de son existence. […] Avant le drame, une magnifique étude, « le Réveil de l’âme celtique », nous conduit à la pensée de l’auteur. […] Ce qui me touche, dans ce drame poétique, c’en est la qualité nationale. […] La comédie, extrêmement gaie, se termine en terrible drame. […] Un drame se prépare, avec une rapidité effarante ; de plusieurs côtés, accourent les menaces ; des coïncidences les groupent : et l’on dirait d’un ciel où s’accumulent les préambules de l’orage.

1072. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Tels sont les drames de la vie intérieure. […] Flaubert, pendant sept années, fit déchirer à Maupassant vers, contes, nouvelles, drames, et enfin tous ces essais dont plus d’un sans doute eût été bien accueilli des lecteurs. […] Mais tandis que l’auteur de l’Assommoir se complaît au spectacle du progressif abrutissement de l’ouvrier zingueur et qu’il semble triompher quand la force fatale et mauvaise a enfin accompli toute son œuvre, elles sont poignantes et douloureuses, contées par Loti, les phases de ce drame qui met aux prises avec le fléau héréditaire les bonnes résolutions d’Yves, toujours renouvelées, toujours vaincues. — Yann, le pécheur d’Islande, avec les quelques sentiments très simples et très profonds qui composent toute son âme, est vraiment une figure de grande idylle, presque d’épopée. — Je ne sais pas de pages plus empreintes de patriotique émotion que le récit de la mort de Sylvestre, le petit héros tonkinois. […] Et peut-être sa critique mêlée de fantaisie devait-elle quoique chose aux procédés du roman ; mais ses récits et ses drames sont conçus par un critique. […] Faguet écoute avec aussi peu de préventions un drame réaliste ou un vaudeville de la vieille école ; il admire franchement les Revenants d’Ibsen, après avoir, lui seul à peu près, échappé à l’engouement auquel a cédé presque toute la critique pour la Puissance des ténèbres de Tolstoï.

1073. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

En littérature, c’est la querelle des Anciens et des Modernes qui déclenche le mouvement, et, pour tout critique, la séance académique du 27 janvier 1684 que Boileau quitta en criant au scandale avant que Perrault eût achevé la lecture de son poème sur le Siècle de Louis le Grand, représente, comme la journée du 14 juillet 1789 dans l’histoire politique, le commencement d’un drame que nous n’avons pas fini de vivre et qui prête encore actuellement son terrain à nos positions littéraires. […] « L’épopée, dit Victor Hugo, a pu être fondue dans le drame, et le résultat c’est cette merveilleuse nouveauté littéraire qui est en même temps une puissance sociale, le roman. » C’est vrai, et quand on a écrit les Burgraves, la Légende des siècles et les Misérables, on met sous cette vérité bien des réalités intérieures que les critiques n’y mettent pas. […] L’oubli, cette araignée, suspend sa toile entre le drame d’Eschyle et l’histoire de Tacite. […] Ainsi la critique, faute de ces corps individuels que sont les romans ou les drames, se construit ces corps généraux, à la fois abstraits et artificiels, que sont les genres littéraires.

1074. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Nina, ou la Folle par amour, ce touchant drame de Marsollier, fut représentée, pour la première fois, en 1786 ; André Chénier put y assister ; il dut être ému aux tendres sons de la romance de Dalayrac : Quand le bien-aimé reviendra Près de sa languissante amie, etc.

1075. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Or vous n’êtes pas morts, vous n’êtes pas même assoupis comme hommes : deux mille ans, la barbarie, les invasions, les conquêtes, l’anarchie, les dominations diverses étrangères, les Grecs de Byzance, qui avaient transporté à Byzance le sceptre italien, les Sarrasins, les Normands, les Lombards, les Hongrois, les Souabes, les Impériaux, les Savoyards, les Espagnols, les Suisses, les bandes de condottieri soldées par vos propres souverains pour ravager ou assujettir vos provinces, ont démembré, morcelé sous les pas de millions d’hommes votre propre nationalité ; l’Italie n’a plus été que le champ de bataille du monde moderne, la scène vide du drame politique où tout le monde a joué un rôle excepté vous.

1076. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Si quelqu’un pouvait faire une épopée évangélique par la foi et par le talent, c’était M. de Laprade ; mais nul ne peut faire qu’une doctrine soit une poésie, ou qu’une morale soit un drame.

1077. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Ajoutez à cela les simples accidents ordinaires de la vie privée, la mort de l’aïeule, la naissance d’un nouveau-né, le départ du fils pour l’inconnu de sa destinée, hors du nid et du pays, les amours, le mariage de la sœur aînée, les fêtes du foyer, la religion introduisant l’infini des espérances et la sainteté des amours dans ce petit monde qui s’étend de la cheminée à la fenêtre, et du seuil au cimetière : voilà l’épopée de famille, sujet dont le drame s’agite sous quelques tuiles, et qui ne se dénoue que dans l’éternité, ce rendez-vous de tout ce qui s’aime ; voilà ce qu’il se chante tout bas à lui-même, ce jeune Homère de l’Iliade du cœur !

1078. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

Ces hommes sont le chœur chantant de l’humanité ; ils regardent d’en haut ou d’en bas le drame que le siècle ou les siècles jouent sur la terre, et ils s’y associent par le regard et par la voix seulement, tantôt pleurant sur la chute de l’homme, tantôt le relevant de ses déchéances, tantôt le célébrant dans ses triomphes, prêtres de l’enthousiasme portant jusqu’au ciel, sur leurs strophes lyriques, l’apothéose du génie humain.

1079. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

V Je n’ai jamais compris les drames de son théâtre, et je m’en accuse.

1080. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

Saint Augustin, ce bel esprit du christianisme, excepté dans les passages qui peignent sa conversion, ce drame intérieur de sa vie, vise plus à briller qu’à convaincre ; il veut éblouir plus qu’émouvoir ; d’ailleurs son livre est écrit pour le public.

1081. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

Les scènes de ces drames innocents étaient les matériaux sur lesquels mon imagination brodait ses plus doux rêves.

1082. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Je dois le dire à tous ; les études littéraires qui vont nous occuper ne ressembleront point à ces traités de rhétorique, à ces cours de littérature où l’art d’écrire est formulé en règles et en préceptes : je ne vous dirai point comment se font les poèmes et les tragédies, mais je vous ferai connaître les chefs-d’œuvre de la poésie épique et du drame tragique.

1083. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

S’agit-il, par exemple, de l’usage des passions dans le drame, elle recueille dans les auteurs dramatiques les plus divers et les plus inégaux les traits vrais ou spécieux dont ils ont peint une passion ; elle compare les morceaux, non pour donner des rangs, mais pour faire profiter de ces rapprochements la vérité et le goût ; elle y ajoute ses propres pensées, et de ce travail de comparaison et de critique elle fait ressortir quelque vérité de l’ordre moral.

1084. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Le lyrisme, le calme épique, la tendresse de l’idylle, le drame et ses violences, la brutalité satirique, réveillent à chaque pas l’attention, nous étonnent à la fois par l’inattendu et l’à-propos.

1085. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Il n’y a là ni passion qui trouble, ni drame qui entraîne, ni émotion qui aveugle : nous sommes en affaires, et les bons comptes font les bons succès.

1086. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

La loi qui lie indissolublement à la sensation le mouvement persiste jusque dans nos méditations les plus philosophiques ; seulement le drame devient intérieur et cérébral : au lieu de mouvoir nos jambes, nous accomplissons des promenades à travers les idées ; nous nous attachons aux unes et nous détournons des autres.

1087. (1904) En méthode à l’œuvre

Musicien de la masse des mots-instruments, des sons qui parlent, nous ne savons » selon les thèmes ou grands leit-motiv de la Pensée, que leur évolution à travers la diversité par eux-mêmes mesurée, et, mis à leurs plans, l’évolution de thèmes secondaires : précipitant en une Action, en un drame multiplement et pourtant unanimement sonnant, non seulement toutes périodes, mais tous poèmes du livre, tous livres de l’Œuvre.

1088. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Mais cependant cette tragédie même avait par sa nature pathétique, pour le cœur humain, l’intérêt palpitant et passionné qui attache l’âme aux combats du cirque, aux grands crimes, comme aux grandes vertus sur la scène où les peuples jouent les drames de Dieu.

1089. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

J’avais douze ans, j’en avais vingt, j’en avais trente ; regards de ma mère, voix de mon père, jeux de mes sœurs, entretiens de mes amis, premières ivresses de ma vie, aboiements de mes chiens, hennissements de mes chevaux, expansions ou recueillements de mon âme tour à tour répandue ou enfermée dans ses extases, matinées de printemps, journées à l’ombre, soirées d’automne au foyer de famille, premières lectures, bégayements poétiques, vagues mélodies : tout se levait de nouveau, tout rayonnait, tout murmurait, tout chantait en moi comme ce chant de résurrection, comme l’Alleluia trompeur qu’entend Marguerite à l’église le jour de Pâques dans le drame de Gœthe.

1090. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Ce ne sont pas de mauvais vers, mais ce sont des vers qui ne portent pas du tout le cachet de Voltaire, à moins qu’il ne s’agisse des discours moraux ou philosophiques qu’il introduit dans ses drames et qui, alors, sont tout simplement du Voltaire proprement dit, du Voltaire des Discours sur l’homme ; il y a certainement là la marque de Voltaire ; mais tout le reste, tout ce qui est dialogue, tout ce qui est tirades, tout ce qui est récit, cela pourrait être écrit par de Belloy aussi bien que par Voltaire.

1091. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Il eût mis, dans le récit de ce drame sombre et douloureux, des points de suspension et d’exclamation, des tortures de phrase, des frémissements d’expression, signe d’un certain malaise. […] Voici la société ambiguë, variée et brillante, à la fois religieuse, libertine, dépendante du passé, et déjà, par moments, presque moderne, où est né Jeffrey Chaucer ; — voici, après la lente éclosion d’une nouvelle langue, le magnifique élan de la Renaissance païenne, l’énergique réaction contre l’idée séculaire de l’impuissance et de la décadence humaines, le recommencement de l’invention et de l’action, l’effort de la société laïque, qui rejette la théocratie, maintient l’État libre et retrouve, une à une, les sciences et les industries, entreprise généreuse s’il en fut, semaille féconde, d’où devaient sortir, comme une riche moisson, la réforme de Luther en Allemagne, les statues de Michel-Ange en Italie, en Angleterre les drames de Shakespeare ; — voici encore la Renaissance chrétienne, retour d’exaltation biblique et piétiste, dont le chaudronnier Bunyan fut le type populaire, dont Milton devait être l’expression glorieuse ; — puis la révolte de la chair et du sang, la brutale débauche de la Restauration, orgie déchaînée où les personnages de Wycherley sont les dignes pendants des portraits de Lely ; — enfin, après la révolution morale du xviiie  siècle, « climat » tout à fait propice à la pousse des idées de Locke et de l’éloquence de lord Chatham, c’est l’avènement de la démocratie moderne, le début d’une ère nouvelle, où les hommes sont à la fois positifs et mystiques, où l’âpre besoin de parvenir se concilie tant bien que mal avec le désir de l’au-delà, mêlée confuse où le plus clairvoyant ne peut discerner, dans l’incertitude du présent, les promesses ou les menaces de l’avenir. […] Or, c’est dans la suavité sévère du paysage florentin, au-dessus des oliviers, des pins et des cytises où s’épanouit la « Cité de la Fleur », parmi les chapelles et les oratoires, sur la sainte colline de Fiesole, que se noue le drame d’amour très profane auquel l’auteur nous initie sans colère et sans réticences. […] Lisez le récit d’une cérémonie de vêture chez les bénédictines de Saint-Louis-du-Temple (p. 154-165), la messe des servantes à Saint-Sulpice (p. 115-116), surtout (p. 221-458), le séjour à la Trappe, l’admirable scène de la confession, le drame affolant qui secoue le malheureux homme, venu de si loin vers l’asile où il espère goûter le repos.

1092. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Mais laissez passer la fougue juvénile, prenez l’homme aux grands moments, dans la prison, dans le danger, ou même seulement quand l’âge vient, quand il arrive à juger la vie ; prenez-le surtout à la campagne, sur son domaine écarté, dans l’église du village dont il est le patron, ou bien seul le soir, à sa table, écoutant la prière que son chapelain récite, et n’ayant d’autres livres que quelque gros in-folio de drames graissé par les doigts de ses pages, son Prayer Book et sa Bible ; vous comprendrez alors comment la religion nouvelle trouve prise sur ces esprits imaginatifs et sérieux. […] Ils ont aboli comme impies le libre drame et la riche poésie que la Renaissance avait portés jusqu’à eux. […] Le voilà seul encore, replié sur lui-même par la monotonie du cachot, assiégé par les terreurs de l’Ancien Testament, par le délire vengeur des prophètes, par les dogmes fulminants de saint Paul, par le spectacle des ravissements et des martyres, face à face avec Dieu, tantôt désespéré, tantôt consolé, troublé d’images involontaires et d’émotions inattendues, apercevant tour à tour le démon et les anges, acteur et témoin d’un drame intérieur dont il peut raconter les vicissitudes.

1093. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Si j’insiste, c’est que l’épisode qui a été le plus blâmé par tous les critiques sans exception est justement le plus indispensable à l’intelligence du poème, et comme le nœud de ce merveilleux drame moral. […]     Les personnages du drame sont un jeune homme, Isnel, une jeune femme, Ichmé, et un enfant de six mois, leur fils. […] ces jeux d’arène, ce drame brutal, ces tableaux vivants et ces exhibitions toutes crues, je crains bien que notre théâtre ne s’y achemine tous les jours… Mais, je le répète, les cruautés lamartiniennes ne nous hérissent pas plus que les luxures lamartiniennes ne nous avaient troublés.

1094. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

La Fayette avait attaché de bonne heure son honneur et son renom au triomphe de certaines idées, de certaines vérités politiques ; cela était devenu sa mission, son rôle spécial, dans les divers actes de notre grand drame révolutionnaire, de reparaître droit et fixe avec ces articles écrits sur le même drapeau. […] Le public est ingrat ; si belle, si soutenue qu’ait été la pièce donnée à son profit, il ne veut pas que la dernière scène soit traînante, et que l’acteur principal demeure, en se croyant encore indispensable, lorsque le gros du drame est fini.

1095. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

La guerre mondiale, par exemple, apparaîtrait sous une lumière différente si demain les papiers intimes, écrits et abandonnés à leur mort par les acteurs du grand drame, sortaient des archives de famille où ils sont enfouis. […] Et ainsi de suite pour le drame, la critique, les voyages, etc.

1096. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Chosroès est un drame historique sévèrement conçu. […] Ainsi, nous savons à présent toute sorte de choses sur l’histoire du pré-romantisme au théâtre, sur les origines du drame romantique. […]   À vrai dire, ces découvertes à propos des origines du drame romantique datent de loin.

1097. (1894) Critique de combat

J’avoue que le mélodrame, renouvelé du drame de Meyerling où mourut l’héritier de la couronne d’Autriche, est adroitement machiné. […] La Révolution, vieille de cent ans, est assez lointaine pour devenir historique ; spectateurs et acteurs sortent un à un de la tombe pour redire le grand drame social et la prodigieuse épopée militaire qui, trente ans durant, étonnèrent, épouvantèrent éblouirent l’Europe de leur tragique splendeur. […] C’est ainsi qu’il a publié coup sur coup le Drame terrestre, la Révolution, Formose, trois grandes épopées lyriques animées d’un souffle puissant ; il nous donne maintenant : La Chanson panthéiste. […] Après cette accumulation d’horreurs, la famille se sépare ; le public, bien qu’il ignore les détails du drame, s’écarte soupçonneux. […] Le voilà arrêté, accablé sous un faisceau de preuves écrasantes, triste héros d’un drame de cour d’assises ; il va être condamné par l’infaillible justice, quand la Rose de Grenade reparaît à point nommé.

1098. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Il faut un peu d’illusion au train de la vie : quand on en sait trop le fin mot, la nature vous retire, parce que, rien qu’à le regarder d’un certain air, on empêcherait le drame d’aller.

1099. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Il y prend le dé de la conversation, conduit l’orgie, et par contagion, par gageure, dit à lui seul plus d’ordures et plus de « gueulées » que tous les convives476  Pareillement, dans ses drames, dans ses Essais sur Claude et Néron, dans son Commentaire sur Sénèque, dans ses additions à l’Histoire philosophique de Raynal, il force le ton.

1100. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Parmi les documents vivants les plus précieux à consulter sur les hommes célèbres, parmi les terroristes et parmi les victimes, était un vieillard de beaucoup d’esprit et de beaucoup de vertu, qui, dans sa plus verte jeunesse, avait été lié avec Danton d’une amitié confiante et intime, amitié d’entraînement d’un adolescent pour un grand acteur dans un grand drame, mais sans aucune complicité dans aucun crime.

1101. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Ses premiers essais de lyrisme et de drame furent malheureux.

1102. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Son esprit observateur et pénétrant ourdissait un de ces grands drames de caractère, qu’elle avait la force de nouer et de dénouer d’une main sûre.

1103. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

Est-ce un drame ?

1104. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Et cependant (ici je ne comprends plus très bien), au moment où Paris était si curieux et si grisant et présentait tous les jours, à ce passionné de drame et d’images, un spectacle unique et irretrouvable, tout à coup il part pour l’Amérique du Nord. […] Sans doute une vie ordinaire et tout unie peut contenir des sentiments violents, et des drames de l’esprit ou du cœur ; et sans doute, d’autre part, il y avait eu dans notre littérature (au dix-septième siècle même) de beaux aventuriers, et qui avaient vu bien des choses étonnantes, et qui n’en avaient rien tiré du tout. […] Il y a tel drame dont personne ne voudrait être l’auteur et qui déchire le cœur bien autrement que l’Énéide… Les vraies larmes sont celles que fait couler une belle poésie ; il faut qu’il s’y mêle autant d’admiration que de douleur. […] Et d’ailleurs, pour nous, sinon pour eux, le Rousseau des Confessions, le Chateaubriand des Mémoires sont des personnages aussi objectifs que ceux des poèmes, des drames ou des romans. Ou plutôt, quel personnage de roman ou de drame a la vie étendue, minutieuse et frémissante du héros des Confessions ou du héros des Mémoires d’outre-tombe ?

1105. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

De là sa passion pour le drame de Wagner dans lequel il a cru — avec raison selon moi — retrouver la tragédie grecque. Et de là aussi (sans tenir compte des raisons d’ordre intime, que je conviens qu’il faudrait compter), sa colère, plus tard, contre ce même drame de Wagner, quand il eut cru reconnaître qu’il était la fleur d’automne, maladive et malsaine, du romantisme. […] Ils ont cherché des puissances alliées, des intercesseurs, des couvertures — tel le poète qui appelle à son aide la philosophie, le musicien qui a recours au drame [voilà pour Wagner] et le penseur qui s’allie à la rhétorique [voilà, consciemment ou inconsciemment, qui est bien pour Nietzsche]. — De même le style surchargé, en art, est signe de faiblesse ou d’affaiblissement, soit dans un auteur, soit dans une école, soit dans une époque, soit dans une civilisation. […] Ce n’est pas la faute et ses conséquences fâcheuses qui les intéressent, Shakespeare tout aussi peu que Sophocle (Ajax, Philoctète, Œdipe) ; bien qu’il eût été facile, dans les cas indiqués, de faire de la faute le levier du drame, on évite cela expressément. […] — C’est ainsi qu’il parle en une époque inquiète et vigoureuse, qui est presque ivre et stupéfiée par sa surabondance de sang et d’énergie, en une époque bien pire que la nôtre Et voilà pourquoi nous avons besoin de nous accommoder commodément le but d’un drame de Shakespeare, c’est-à-dire de ne le point comprendre. » Le théâtre ne fait pas détester les fautes qu’il représente, il les fait aimer par ceux qui y sont portés, en les idéalisant même par le malheur, même par la mort.

1106. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Tel drame en cinq actes, Louis XI, est un griffonnage de collège : il sert au moins à nous montrer que la passion malheureuse de Flaubert pour le théâtre, celle qui nous a valu le Candidat et le Château des Cœurs, remontait à son enfance, à son goût pour les cartonnages et les actrices du théâtre de Rouen. […] Certaines scènes de la Tentation, comme l’entretien d’Antoine, d’Apollonius et de Damis, auraient pu fournir le pur et parfait modèle de ce style dramatique nerveux, harmonieux, riche en répliques condensées et en coupes puissantes qui manqueraient à notre prose si Victor Hugo ne l’avait en partie réalisé dans le drame d’ailleurs lamentablement vide de Lucrèce Borgia. […] * *   * Le quatrième chapitre concerne le drame des passions, en lequel se résout la Comédie humaine. […] Les problèmes qui ont opposé les Éléates et les Ioniens, Platon et Aristote, désignent beaucoup plus certainement les formes éternelles de la philosophie que l’épopée d’Homère ou le drame de Sophocle ne figurent les formes éternelles de l’art.

1107. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

A-t-on bien senti de quelle pénétrante atmosphère s’enveloppaient les drames de Maeterlinck ? […]  »   Entreprendre d’illustrer par des exemples empruntés aux drames de Maeterlinck ces théories communes à tous les poètes symbolistes, depuis Griffin et Verhaeren, jusqu’à Francis Jammes36, serait un peu fastidieux. […] Étudiez un à un chacun des drames de Maeterlinck, vous verrez tous les personnages s’agiter aux prises avec le destin et la mort, c’est-à-dire avec les deux plus redoutables puissances de l’invisible. […] Nous sommes en présence d’un poème composé, d’un drame avec prélude et conclusion. […] Ceux-ci, tels Maeterlinck et Bataille développent la chanson rustique en drame légendaire ; ceux-là avec Vielé-Griffin marient heureusement le rêve à la vie.

1108. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Il a beau dire, plus on place haut le drame du supplice sur l’échafaud, plus l’univers est attendri : le respect se joint à la compassion ; ce sont deux douleurs !

1109. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

« Le cygne : Ma vie tranquille se passe dans les ondes, elle n’y trace que de légers sillons qui se perdent au loin, et les flots à peine agités répètent comme un miroir pur mon image sans l’altérer. » « L’aigle : Les rochers escarpés sont ma demeure, je plane dans les airs au milieu de l’orage ; à la chasse, dans les combats, dans les dangers, je me fie à mon vol audacieux. » « Le cygne : L’azur du ciel serein me réjouit, le parfum des plantes m’attire doucement vers le rivage, quand, au coucher du soleil, je balance mes ailes blanches sur les vagues pourprées. » « L’aigle : Je triomphe dans la tempête quand elle déracine les chênes des forêts, et je demande au tonnerre si c’est avec plaisir qu’il anéantit. » « Le cygne : Invité par le regard d’Apollon, j’ose me baigner dans les flots de l’harmonie ; et reposant à ses pieds, j’écoute les chants qui retentissent dans la vallée de Tempé. » « L’aigle : Je réside sur le trône même de Jupiter : il me fait signe et je vais lui chercher la foudre ; et pendant mon sommeil, mes ailes appesanties couvrent le sceptre du souverain de l’univers. » « Le cygne : Mes regards prophétiques contemplent souvent les étoiles et la voûte azurée qui se réfléchit dans les flots, et le regret le plus intime m’appelle vers ma patrie, dans le pays des cieux. » « L’aigle : Dès mes jeunes années, c’est avec délices que dans mon vol j’ai fixé le soleil immortel ; je ne puis m’abaisser à la poussière terrestre, je me sens l’allié des dieux. » « Le cygne : Une douce vie cède volontiers à la mort : quand elle viendra me dégager de mes liens et rendre à ma voix sa mélodie, mes chants jusqu’à mon dernier souffle célébreront l’instant solennel. » « L’aigle : L’âme, comme un phénix brillant, s’élève du bûcher, libre et dévoilée ; elle salue sa destinée future, le flambeau de la mort la rajeunit en la consumant. » XLVIII Mais rien ne surpasse son analyse et sa traduction du drame de Faust, par Gœthe, et cette scène à laquelle ni l’antiquité ni Shakespeare n’ont de scène tragique à opposer.

1110. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

De fait, il n’y a ni drame ni action dans ces interminables lettres du marquis, du comte, et d’Émilie.

1111. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Du temps de Molière, elle était à elle seule une comédie ou un drame.

1112. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Il n’approuve que les drames de collège.

1113. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Et de là que de luttes et quel drame dans la conscience des générations nouvelles !

1114. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

un jeune homme, employé modeste dans un de nos ministères se présente un jour à six heures du matin chez le directeur de la Comédie-Française ; il insiste pour être admis, et demande à lire le premier acte d’un drame qu’il apporte.

1115. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Seulement, Proudhon est plus fort que le puritain du drame.

1116. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

C’est un drame très noir qui se termine en comédie par un dénouement accidentel. […] Mais ce qu’il faut dire surtout à ceux qui accusent Molière de sacrifier les sots aux coquins et de s’en prendre aux travers plutôt qu’aux vices, c’est d’abord qu’il est de l’essence de la comédie de faire cela, que les coquins sont justiciables de la loi et de la satire et du discours public et non de la comédie ; que la comédie raille les travers et non les horribles vices et les profondes scélératesses, lesquels ne sont pas comiques ; qu’en conviant Molière à flétrir les criminalités ‘on lui demande de faire non des comédies mais des drames, des drames comme du reste il en a fait (Don Juan, Tartuffe), mais comme il n’était pas dans son métier d’en faire toujours. […] Elle fait de temps en temps une excursion du côté du drame et flagelle les vices ; mais alors elle est plutôt la satire que la comédie. […] Le Misanthrope est presque le triomphe de la pièce sans sujet : querelle de deux amants qui n’ont pas le même caractère ; les jeunes gens qui se marient à là lin sont des personnages secondaires, li n’y a pas là un système, puisque Tartuffe est un drame où le sujet est très important ; mais il y a là une habitude théâtrale toute nouvelle qui a dû avoir beaucoup d’influence sur les esprits. […] Comment, par exemple, pourrait-il accepter la distinction rigoureuse des genres, lui qui fait des comédies qui touchent à chaque instant au drame ?

1117. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Chaque roman tient aux autres : les mêmes personnages reparaissent ; tout s’enchaîne ; c’est un drame à cent tableaux ; chacun d’eux rappelle le reste ; jugez de l’effet par ce seul mot. […] Car le drame ou le roman isolé, ne comprenant qu’une histoire isolée, exprime mal la nature. […] Je n’ai plus d’admiration pour une femme vertueuse, quand, au bout d’une belle action, je la vois se poser en pied comme une actrice et réciter une tirade de drame. […] Pour les exprimer, il abusait du roman, comme Shakespeare du drame, lui imposant plus qu’il ne peut porter. […] Comment des gens ainsi élevés supporteraient-ils les excès du drame ?

1118. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Thomas Moore, le plus gai et le plus français de tous, moqueur spirituel1199, trop gracieux et recherché, et qui fit des odes descriptives sur les Bermudes, des mélodies sentimentales sur l’Irlande, un roman poétique sur l’Égypte1200, un poëme romanesque sur la Perse et l’Inde1201 ; Lamb, le restaurateur du vieux drame ; Coleridge, penseur et rêveur, poëte et critique, qui, dans sa Christabel et dans son Vieux Marinier, retrouva le surnaturel et le fantastique ; Campbell, qui, ayant commencé par un poëme didactique sur les plaisirs de l’Espérance, entra dans la nouvelle école tout en gardant son style noble et demi-classique, et composa des poëmes américains et celtes, médiocrement celtes et américains ; au premier rang Southey, habile homme qui, après quelques faux pas de jeunesse, devint le défenseur attitré de l’aristocratie et du cant, lecteur infatigable, écrivain inépuisable, chargé d’érudition, doué d’imagination, célèbre comme Victor Hugo par la nouveauté de ses innovations, par le ton guerrier de ses préfaces, par les magnificences de sa curiosité pittoresque, ayant promené sur l’univers et l’histoire ses cavalcades poétiques, et enveloppé dans le réseau infini de ses vers Jeanne d’Arc, Wat Tyler, Roderick le Goth, Madoc, Thalaba, Kehama, les traditions celtiques et mexicaines, les légendes des Arabes et des Indiens, tour à tour catholique, musulman, brahmane, mais seulement en poésie, en somme protestant prudent et patenté. […] Pendant longtemps, il parut dangereux ou ridicule. « Tout ce qu’on savait de l’Allemagne1216, c’est que c’était une vaste étendue de pays, couverte de hussards et d’éditeurs classiques ; que si vous y alliez, vous verriez à Heidelberg un très-grand tonneau, et que vous pourriez vous régaler d’excellent vin du Rhin et de jambon de Westphalie. » Quant aux écrit vains, ils paraissaient bien lourds et maladroits. « Un Allemand sentimental ressemble toujours à un grand et gros boucher occupé à geindre sur un veau assassine. » Si enfin leur littérature finit par entrer, d’abord par l’attrait des drames extravagants et des ballades fantastiques, puis par la sympathie des deux nations qui, alliées contre la politique et la civilisation françaises, reconnaissent leur fraternité de langue, de religion et de cœur, la métaphysique allemande reste à la porte, incapable de renverser la barrière que l’esprit positif et la religion nationale lui opposent.

1119. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Lès poëtes se sont faits érudits, philosophes ; ils ont construit leurs drames, leurs épopées et leurs odes d’après des théories préalables, et pour manifester des idées générales. […] Elle n’est point pour lui un drame grandiose, joué sur le théâtre de l’infini, avec les soleils pour lampes et l’éternité pour fond… mais une pauvre insipide dispute de club dévidée dix siècles durant entre l’Encyclopédie et la Sorbonne.

1120. (1933) De mon temps…

José-Maria de Heredia n’avait pu voir le blessé, mais François, le domestique de Maupassant, lui avait conté le détail du drame dont on sait les suites funestes. […] Pour être initié aux splendeurs du drame musical, il fallait accomplir le pèlerinage de Bayreuth, à quoi ne manquaient pas nos wagnériens.

1121. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Tout frémissant encore d’une horreur sacrée des bourreaux du Christ, comme s’il sortait d’assister au drame du Calvaire, il n’y a rien là de personnel que l’accent, que l’éclat de la parole, que l’allure du discours.

1122. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

L’esprit humain est si complexe et les choses sont si enchevêtrées les unes dans les autres que, pour expliquer un brin de paille, il faudrait démonter tout l’univers ; et il n’est dans aucune langue aucun mot de race sur lequel une intelligence lucide ne puisse bâtir un traité de psychologie, une histoire du monde, un roman, un poème, un drame, selon les jours et la qualité de la température. […] Cet état est donné aux uns par la musique, à d’autres par la peinture, le drame. […] Pascal, et quoique janséniste, a mis les cas de conscience en comédie ; de Genève on voyait cela tel qu’un drame de douleur et de scandale. […] Alcan, 1900), où, à propos des drames sexuels de cour d’assises, Racine est, comme référence et point de comparaison, cité toutes les dix pages.

1123. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Le siècle leur paraîtrait comme un vaste drame dont le dénouement était inévitable, de même que le Commencement et la marche étaient nécessaires. […] Quand on fait des tragédies ou des comédies avec le souvenir de celles qui sont faites, en calculant des caractères, des situations et des effets ; quand on regarde le drame comme un ouvrage d’art, dont la perfection dépend d’une pratique plus ou moins industrieuse, il ne faut pas espérer de longs succès. […] À côté de ces comédies éphémères, les drames imités de Diderot montraient un autre genre d’affectation. […] Ainsi disparaissent rapidement les acteurs et les témoins de ce grand drame, dont nous espérons avoir atteint le dénouement.

1124. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

L’essai, le roman, le pamphlet, la dissertation remplacent le drame, et l’esprit anglais classique, abandonnant des genres qui répugnent à sa structure, commence les grandes œuvres qui vont l’éterniser et l’exprimer. […] Sur ce pauvre homme assez plat, il n’y a pas de quoi bâtir un drame ; et les grandes situations que Sheridan prend à Molière perdent la moitié de leur force en s’appuyant sur un si mesquin support. […] Avec la chute de la cour et avec l’arrêt de l’invention mimique, le vrai drame et la vraie comédie disparaissent ; ils passent de la scène dans les livres.

1125. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Il y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n’était pas le théâtre et le drame de mon coucher, n’existait plus pour moi, quand un jour d’hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j’avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. […] On peut même dire qu’il y a un drame immanent à l’intelligence de Proust et que c’est celui-là. […] Il y a une virtualité de drame en chacun de nous.

1126. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Une épigraphe commune sert de préface à ces petits drames en caricature : « Va, petit livre et choisis ton monde ; car aux choses folles, qui ne rit pas bâille ; qui ne se livre pas résiste ; qui raisonne se méprend, et qui veut rester grave en est maître. » Mais, sans vouloir raisonner, et en croyant seulement consulter notre goût d’ici, j’avouerai que je leur préfère et je n’hésite pas à recommander surtout deux relations de voyages par M.

1127. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

V Le plus souvent, c’est encore sur une description, sur un tableau que s’achèvent leurs petits drames lamentables : tant ils sont, avant tout, peintres et descripteurs !

1128. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

Tant que nous ne connaîtrons pas Wagner, nous serons, en matière de drame musical, inférieurs aux Allemands.

1129. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

* * * — En littérature, il n’y a plus que les choses et les drames de l’âme qui m’intéressent : les faits divers les plus curieux de l’existence des gens, me semblent du domaine des romans des cabinets de lecture.

1130. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

XL D’acteur que je fus pendant vingt ans dans ce triste drame oratoire ou populaire de ma patrie, le prompt dégoût du peuple et la mobilité ordinaire des choses humaines m’ont rejeté au rang des spectateurs les plus oubliés ; je ne m’en plains pas : c’est le bon côté des disgrâces ; quand la foule se précipite où l’on ne veut pas aller, heureux l’homme seul !

1131. (1914) Boulevard et coulisses

Croyez-vous que le combat de la volonté humaine contre le hasard, qui est le drame même de la vie, ait jamais été aussi furieux et aussi émouvant qu’aujourd’hui ?

1132. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Conséquemment, la somme des changements constatés entre les fossiles enfouis dans deux formations consécutives ne peut être égale, et il s’ensuit que chaque formation ne représente pas un acte complet de la création, mais seulement une scène détachée au hasard dans ce drame perpétuel et lentement changeant.

1133. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Pour isoler « une préparation de poésie à l’état pur », il faut dissocier et écarter les éléments qui sont aussi ceux de la prose : narration, drame, didactisme, éloquence, images, raisonnement, etc. ; l’essence de la poésie, la « poésie pure », ce sera ce qui restera après cette opération. […] C’est le drame assez fréquent dans l’ordre religieux, beaucoup plus rare chez les poètes, du croyant, qui coupe une à une les racines toujours renaissantes de sa foi-Scherer, par exemple-; du poète né, qui veut tuer en soi le poète, et qui, pour notre bonheur, ne réussit jamais qu’imparfaitement dans ses tentatives de suicide.

1134. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Avant 89, il y avait en France un très-réel commencement de romantisme, une veine assez grossissante dont on est tout surpris à l’examiner de près : les drames de Diderot, de Mercier, les traductions et les préfaces de Le Tourneur, celles de Bonneville.

1135. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Cette analogie et cette fidélité sont à ses romans ce que le paysage est aux grandes scènes du drame.

1136. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

J’achetai ses œuvres en douze volumes, et je voyageai par tous pays muni de ce viatique ; je fus longtemps avant de découvrir que le vide était plus sonore que le plein, et que la froide déclamation n’était pas de la poésie, encore moins du drame.

1137. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

N’y cherchez pas l’intérêt qui naît de la lutte d’un caractère et d’une passion ; tout le drame est dans les complications qui séparent les deux amants.

1138. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

C’est là que se passe le drame silencieux et insaisissable, intraduisible, en mots, de notre existence. — Il semblerait donc résulter de cette hypothèse que toute la vie sociale restât en dehors de notre existence vraie et qu’elle dût être pour nous sans intérêt véritable comme elle est sans réalité essentielle.

1139. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Ils préparent qui une idéologie, qui « un drame à valeur d’éthopée ».

1140. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Il aurait besoin de passer un mois dans une ferme, en Beauce… et dans ces conditions… avec une lettre de recommandation d’un riche propriétaire à son fermier… lettre, qui lui annoncerait l’arrivée avec son mari, d’une femme malade, ayant besoin de l’air de la campagne… « Vous concevez, deux lits dans une chambre blanchie à la chaux, c’est tout ce qu’il nous faut… et bien entendu, la nourriture à la table du fermier… autrement je ne saurais rien. » Les chemins de fer, son roman sur le mouvement d’une gare, et la monographie d’un bonhomme vivant dans ce mouvement ; avec un drame quelconque… ce roman, il ne le voit pas dans ce moment-ci… Il serait plus porté à faire quelque chose, se rapportant à une grève dans un pays de mine, et qui débuterait par un bourgeois, égorgé à la première page… puis le jugement… des hommes condamnés à mort, d’autres à la prison… et parmi les débats du procès, l’introduction d’une sérieuse et approfondie étude de la question sociale.

1141. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

L’inanimé et l‘irresponsable, la nature, les cieux et la mer, les drames changeants que jouent en ce théâtre la lumière, les nuages et la nuit, n’ont pas d’attrait pour lui.

1142. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Michelet, c’est la masse acéphale, c’est le peuple obscur qui l’emporte sur tous les états-majors de la Révolution, en instincts, en vertus, en dévouements, et, qu’on nous passe le mot, en spiritualité révolutionnaire ; c’est le peuple qui est le vrai chef dans cette terrible campagne contre les principes éternels des sociétés et contre Dieu ; c’est le peuple qui est le grand et, de fait, l’unique acteur de ce vaste drame, le bourreau masqué de sa masse même, comme le bourreau de Whitehall l’est de son voile noir !

1143. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Henri de Régnier ne dédaigne même pas Angelo, que la plupart des critiques musicaux ont mis plus bas que terre tout récemment à l’occasion du drame lyrique de M.  […] Drame poignant ! […] ou Shakespeare et le drame. […] Ses romans mêmes en ont souffert, et l’Étape ou un Drame dans le monde ne valent à mon gré ni Crime d’amour, ni cette Physiologie de l’amour moderne, si spirituelle et si aiguë, où M. 

1144. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Celle d’Hernani est la seule qu’on puisse lui comparer ; mais Hernani fut une bataille, Figaro fut un triomphe ; le drame de Victor Hugo n’avait qu’une portée littéraire, la comédie de Beaumarchais contenait la Révolution. […] Vous devriez bien me procurer quelques-unes de ces badineries charmantes de M. de Forcalquier que nous voyions quelquefois à Paris, et qui sortaient de son esprit comme un éclair. » Le comte de Forcalquier était auteur ; il avait écrit un drame historique en prose, Charles VII à l’imitation du François II du président Hénault, et ces « badineries charmantes » dont parle Montesquieu étaient des comédies de société, la partie la plus légère et la meilleure de son bagage littéraire. […] André Theuriet l’a compris, et ses délicieux paysages des bois, tout imprégnés de la senteur forestière, sont animés d’un sentiment profond qui s’élève parfois jusqu’au pathétique ; quelques-unes de ses églogues sont de véritables petits drames dont la concision augmente le tragique effet : voyez Une nuit de printemps, et dans le Chemin des bois la pièce intitulée La veillée, c’est poignant. […] On peut s’armer de froideur, d’ironie, de dureté, cela n’empêche point qu’on ne soit nerveux comme une femme ; on peut s’amuser à prodiguer les carnages, écrire la Jacquerie, la Famille Carvajal, et, de même qu’Agnès, « ne pouvoir sans pleurer voir un poulet mourir. » Tel était l’auteur de ces petits drames féroces : la vue des souffrances lui faisait mal, plus même qu’il n’est permis à un homme.

1145. (1914) Une année de critique

Derrière ces brusques départs, quels beaux drames intérieurs, quels déchirements n’est-il pas permis de soupçonner ? […] Toi, du sommet de ta tour, tu regardes les drames du monde comme des batailles de fourmis ; et, monté si haut, tu crois peut-être devenir un dieu : garde-toi seulement de cesser d’être un homme. […] Alors, nous assistons à un drame qui a juste autant de réalité que ceux qui se déroulent sur la plupart de nos théâtres, un de ces conflits créés par un décret de la Providence des auteurs dramatiques, une bataille-fantôme, un duel entre deux moulins à vent.

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