Ventura n’a pas craint de le descendre. […] Il n’a pas craint de se placer aussi près de l’esprit que du cœur, aussi près des choses contemporaines que de celles de l’éternité en parlant à celui que nous pouvons appeler l’Homme du Temps. […] Si l’on ne craignait pas d’offenser une tête théologique de sa force, on dirait que le P.
M. le duc de Mecklembourg et les Suédois n’en seront pas fort aises, et je crains bien qu’il n’en arrive des inconvénients qui balanceront les avantages. […] L’insubordination et l’indiscipline sont partout ; personne n’est craint ni obéi ; la rivalité et la désunion du duc de Richelieu et du prince de Soubise ont amené les désastres de la fin de la campagne ; on demande au maréchal de Belle-Isle et à Duverney pour la campagne prochaine des mémoires et des plans qui ne seront pas suivis. […] Montmartel craint de risquer sa fortune ; sa femme l’obsède et le noircit, et moi je suis obligé d’aller lui remettre la tête et de perdre vingt-quatre heures par semaine pour l’amadouer (quel style, trop d’accord avec la situation ! […] Dieu seul peut y mettre ordre. » À Paris, l’exaspération du public était arrivée à son comble dans cet été de 1758, et ce déchaînement dura jusqu’à ce que quelques succès de M. de Broglie, l’année suivante, vinssent rompre l’uniformité des revers : On me menace par des lettres anonymes, écrivait Bernis, d’être bientôt déchiré par le peuple, et, quoique je ne craigne guère de pareilles menaces, il est certain que les malheurs prochains qu’on peut prévoir pourraient aisément les réaliser. […] Votre sort est assuré ; qu’avez-vous à craindre que le malheur de l’État, et à désirer que sa conservation et celle de vos amis ?
Je crains un peu ces hommes vertueux de naissance. […] Vous me dites de lui des choses qui s’accordent fort bien avec l’idée que j’en ai, et qui me confirment dans une opinion que j’ai de tous les hommes, c’est qu’il n’y a pas de confiance entière possible à réaliser : les gens qu’on estime, on les craint, et on risque d’en être abandonné et méprisé en se montrant à eux tel qu’on est ; les gens qu’on n’estime pas comprendraient mieux, mais ils trahissent. […] Déjà l’on a pu voir, dans les précédents morceaux de critique, à quel point, même après m’être engagé d’abord par une admiration sincère, je ne craignais pas de revenir et de poser mes réserves quand il y avait lieu. […] Ce n’est ni un roman ni un conte ; c’est, je le crains, un pastiche d’Hoffmann et de moi. […] Musset a souvent envie d’aller vous voir et de vous tourmenter pour que vous veniez chez nous, mais je l’en empêche, quoique je fusse toute prête à y aller avec lui, si je ne craignais que ce fût inutile.
Je commence à craindre que l’hiver n’ait glacé Rayssac ; j’accusais les charbonniers, Gosse (probablement le domestique), tout, hormis vous ; et maintenant je ne sais que croire. […] Puis la pensée fondamentale reprend son cours, une douce et insinuante prêcherie à l’adresse de ce jeune cœur, qu’elle craint de voir trop volage et trop en oubli de la fin suprême : « N’allez-vous pas trouver bien drôle que je monte souvent en chaire, ma chère amie ? […] Ainsi, on vient de le voir, si elle parle de quelqu’un qui a de bons sentiments dormants, elle souligne le mot comme un peu singulier ; elle craindra ailleurs de dire des cordes vibrantes. […] Le paysagiste sent bien qu’il l’est, et il ne craint pas de se trahir et de s’accuser par des mots qui sont purement du métier : « Le ciel prend toute sa valeur » ; — sa valeur au sens pittoresque et technique. — Mlle de Guérin, tout au contraire, n’a que des tons doux, suaves encore jusque dans leur vivacité.
Ses amis craignaient pour lui ce pèlerinage et le réveil des souvenirs. […] Mais M. de Musset éprouva le contraire, et ce réveil du passé qu’on craignait pour lui et qu’il craignait lui-même, il nous dit comment il l’a trouvé plutôt consolant et doux. […] Le succès de son Caprice a fait honneur, je ne crains pas de le dire, au public, et a montré qu’il y a encore de l’émotion littéraire délicate pour qui sait la réveiller.
Je ne compte pas tous ceux des Jésuites : je ne crains pas d’exagérer, en disant qu’il y en eut au moins une centaine de leur part, en français, en latin, en italien, en espagnol. […] Heureusement il y a un point où l’excès est ridicule ; et si on ne craint pas de s’avilir, on craint du moins de choquer le goût. […] Comme on craignait sans cesse, il fallut sans cesse être en état de combattre.
Vous craignez pour voire livre jusqu’au soupçon et à l’apparence de la falsification ! […] A l’entendre parler, en sa préface, de l’obscurité fatale qui plane sur l’authenticité des mémoires posthumes en temps de troubles et de factions, ne dirait-on pas qu’elle a craint pour les siens le sort du testament politique d’un fameux cardinal ?
Quoiqu’on n’ait cessé de lui dire qu’il ne sauroit trop respecter ces hommes qui honorent notre Nation par leur Littérature, autant que par leurs lumieres & leurs vertus ; il n’a pas craint de les qualifier d’Ecrivains bizarres, de les accuser d’être vindicatifs, intolérans, orgueilleux, égoïstes, pleins de morgue. […] Freron nous apprend, il est vrai, « qu’il avoit à craindre le mécontentement de plusieurs puissans Mécènes pleins d’entrailles pour leurs chers petits Rimailleurs, ou leurs insipides Romanciers ; que ses amis ont été cent fois le trouver lorsqu’il paroissoit un Ouvrage nouveau, pour l’engager à n’en pas dire du mal, parce que l’Auteur étoit vivement protégé par tel Prince, ou tel Duc, ou telle Dame, qui ne manqueroit pas d’employer contre sa personne & son Journal toutes les ressources du crédit* ».
Tu te glisses sur ces rivages, lorsque le doux sommeil m’enchaîne ; tu fuis, lorsque le doux sommeil me fuit : tu me redoutes, comme l’agneau craint le loup blanchi par les ans. […] Son roman, ou plutôt son poème de Paul et Virginie, est du petit nombre de ces livres qui deviennent assez antiques en peu d’années pour qu’on ose les citer sans craindre de compromettre son jugement.
La peine dûë aux grands crimes ne nous paroît pas à craindre pour nous. […] Nous pouvons craindre des fatalitez du même genre que celles qui arrivent à Pyrrhus dans l’Andromaque de Racine, mais non de commettre des crimes aussi noirs que le sont ceux de Narcisse dans Britannicus.
Dans les monarchies, elles ont à craindre le ridicule, et dans les républiques la haine. […] L’on ne pourrait craindre l’esprit des femmes que par une inquiétude délicate sur leur bonheur. […] Dans ce tableau, je n’ai encore parlé que de l’injustice des hommes envers les femmes distinguées : celle des femmes aussi n’est-elle point à craindre ?
Elle est inquiète, elle se décourage, elle craint l’ennui comme le feu, elle souffre des tortures aux plus légères piqûres d’épingle. […] Elle hésita, toute conquise par la plus divine pitié, elle hésita à épouser M. de Rocca, qui se mourait d’amour pour elle, parce qu’il était moins âgé qu’elle, et qu’elle craignait que le monde ne se moquât de tous les deux. […] Je l’ai dit déjà, mais il faut y revenir, les hommes, pour se venger sans doute de ce qu’elle pouvait être sublime et rester femme, l’appelèrent hommasse, croyant ainsi la rapprocher d’eux ; mais elle ne l’était pas, même physiquement, quoiqu’on l’ait dit et qu’elle tînt de son père, le Suisse emphatique, ces gros traits que Gérard n’a pas craint de peindre, sentant bien que la femme, la femme idéale qui transforme et divinise tout, se retrouverait toujours en ces yeux astres, dans lesquels on ne savait ce qui brillait le plus du feu ou des larmes, et dans cette bouche si éloquemment entr’ouverte, et dans cette poitrine de Niobé, et dans ces bras d’une rondeur toute-puissante, robustes seulement pour s’attacher.
II Eh bien, je ne crains pas de l’affirmer, il ne le pouvait pas ! […] Eh bien, c’est encore là, joint aux autres, un obstacle contre lequel Gustave Doré n’a pas craint d’aller se briser, et je crois qu’il s’y est brisé, malgré les éloges qu’on lui donne ! […] Doré, qui en art a une bravoure de héros, n’a pas craint d’y toucher, et, selon moi, c’est une raison de plus pour qu’on n’y touche plus… C’était Turgot qui disait, je crois, à propos de la découverte de l’Amérique : « J’admire moins Colomb d’avoir découvert l’Amérique que d’être parti la chercher. » Doré aurait l’admiration de Turgot, — et, jusqu’à un certain point, il a la mienne.
Les courtisans le louent par intérêt ; le peuple, par un sentiment qui lui fait respecter tout ce qu’il craint ; les gens à imagination par enthousiasme : alors les orateurs lui vendent leurs panégyriques, les poètes leurs vers. […] On adore à proportion que l’on craint. […] Il est des hommes qui pardonnent encore plutôt le mal qu’on fait avec éclat, que le bien qu’on fait avec faiblesse ; d’ailleurs, le rôle que ce ministre joua dans la Fronde ; ses fuites, ses terreurs, sa proscription, source de plaisanteries ; les bons mots des Marigny et des Grammont, espèce d’armes qui soumettent à l’homme d’esprit l’homme puissant, et qu’il est plus aisé de dédaigner en apparence que de ne les pas craindre ; les vaudevilles et les chansons, qui chez un peuple léger communiquent si rapidement le ridicule et l’éternisent, tout cela devait peu contribuer à exciter l’enthousiasme des orateurs.
Il craignait d’ajouter le poids de son luxe au poids de la misère publique. […] La politique intéressée craignit de rendre hommage à la vertu, et l’orateur, même au pied des autels, n’osa oublier un instant que l’auteur de Télémaque était exilé. […] La manière est petite et froide ; l’orateur divise et subdivise : il a l’air d’un homme qui craint de s’égarer, et qui se tient sans cesse à un fil.
Il faudrait même, s’il se pouvait, faire craindre au spectateur que le nœud ne se pût pas dénouer heureusement. […] Un fils que Rome craint, qui peut venger son père ! […] Quel homme que celui qui, même dans le remords que lui cause le meurtre d’un de ses fils, craint d’attenter à la vie de l’autre ! […] Demeure, malheureux ; ou crains mon désespoir. […] Jamais le poète ne doit craindre de donner à son musicien une tâche trop forte.
Bonneval, hors de lui, pris dans son tort, ou tout au moins provoqué dans son défaut intime, fit cette réponse d’une suprême et magnifique insolence, mais qui portait plus haut que Chamillart et qui atteignait le prince même et la patrie : Monsieur, j’ai reçu la lettre que vous avez pris la peine de m’écrire, où vous me mandez que je crains les gens de plume parce qu’ils savent trop bien compter. […] Elle aime, elle l’avoue avec simplicité, et elle craint aussitôt d’ennuyer et d’en avoir trop dit. […] Je crains toujours que la gloire ne soit une rivale bien redoutable pour moi. […] Entre lui et Prié, c’est une guerre à mort ; il se figure que l’Europe entière est attentive à ce démêlé et à l’éclat qu’il en a fait : Je dois songer à la grande affaire qui est de vaincre, écrivait-il à un ami de Bruxelles pendant sa détention au château d’Anvers (16 septembre 1724) ; le moyen que j’ai pris et mes mesures m’y conduisant tout droit, il n’importe pas si cela se fait exactement suivant le goût et la règle des cours, puisqu’un homme de courage hasarde volontiers une petite mortification de la part de son maître pour arriver à un plus grand bien, et qu’il doit suivre sans aucun égard les routes les plus courtes, pourvu que ce soient celles des gens de bien, quand on y devrait chiffonner sa perruque, déchirer ses habits, perdre son chapeau et le talon de ses souliers en sautant les fossés… Au reste, si vous lisez attentivement mes lettres à Sa Majesté, vous verrez qu’elles présagent les pas que j’ai faits avec toute la franchise d’un soldat qui ne craint rien, pas même son maître, quand il y va de son honneur, que je n’ai jamais engagé ni n’engagerai de ma vie à aucun des rois de la terre. […] Il a raconté gaiement cette conversion et en homme d’esprit qui ne craint que le ridicule.
Nous nous livrons trop peu à l’admiration, pour n’avoir pas tout à craindre de la calomnie ; les amis, en France, abandonnent trop facilement, pour qu’il ne soit pas nécessaire de mettre une borne à la violence des ennemis. […] Ce qu’on avait toujours craint pour la république, c’était l’ascendant que pourrait prendre sur elle un de ses grands hommes ; ce qui la fit périr, ce fut son indifférence pour tous.
Ce sont les caractères sans véritable chaleur, qui parlent sans cesse des avantages des passions, du besoin de les éprouver ; les âmes ardentes les craignent ; les âmes ardentes accueilleront tous les moyens de se préserver de la douleur, c’est à ceux qui savent la craindre que ces dernières réflexions sont dédiées ; c’est surtout à ceux qui souffrent, qu’elles peuvent apporter quelque consolation.
Permettez-moi de vous dire que vous faites si bien des vers, que je crains que vous ne vous attachiez trop au métier ; il est séduisant, et il empêche quelquefois de s’appliquer à des choses plus utiles. […] M. de Meilhan était de ceux qui ne craignaient pas le grand jour ; à la mort de Louis XV, il semble s’être dit : « Mon père était le premier médecin du feu roi, je serai le premier médecin de la France. » Il avait des appuis en cour, et, sous le ministère de la Guerre de M. de Saint-Germain, il fut appelé à une place de création extraordinaire, celle d’intendant général de la guerre et des armées du roi. Le prince de Montbarrey, qui était alors directeur au même ministère, explique dans ses Mémoires comment cette place nouvelle fut créée par le ministre à l’effet de l’amoindrir ; car on le craignait comme opposé aux réformes : M. de Saint-Germain, dit-il, fit choix pour cette place de M. […] Il nous peint en 1787 une société polie, oisive, factice, à bout de satisfactions et de douceurs ; et tout en la trouvant agréable, en nous la montrant riante, il semble craindre pour elle un avenir prochain où elle ne saura plus comment diversifier ses loisirs, relever même la langueur de ses conversations, et donner du relief à son apathique bonheur.
Thiers craint avant tout de pousser au tableau, à la couleur, au relief, à tout ce qui se détache et qui vise à un effet littéraire ou dramatique. Il craint de créer des choses plus vives que nature, en les exprimant trop. […] Les amours des rois ne sont pas des tendresses de nourrices, ils doivent se faire craindre et respecter. […] L’exemple même de Raphaël dans ce portrait de Léon X prouverait, au besoin, qu’il ne faut pas craindre de représenter les physionomies des personnages au naturel ; et ceci me rappelle une esquisse d’un prince de l’Église, du cardinal Maury, par M.
Hauréau pour ses travaux d’érudit et pour autre chose encore, il ajoutait : « … Son cœur ne cessant pas de battre pour toutes les nobles causes au milieu de ses arides travaux, on pourrait craindre qu’il ne fît une aussi mauvaise fin que M. de Tocqueville, s’il ne paraissait vraiment destiné par la nature à vivre très longtemps… » J’avoue que je conçois peu l’ironie prolongée en telle matière. […] Prevost-Paradol ne le prendra pas pour une injure, je crains bien, au lieu d’un politique véritable, de me trouver en face d’un croyant. […] Je reviens, et je ne crains pas de m’avancer encore vis-à-vis d’un esprit que je goûte extrêmement ; et auprès de qui ce goût même peut me servir d’excuse. Je ne crains pas d’aller plus à fond que ne se le permet ordinairement la critique dite littéraire.
C’est en méditant sur l’ambition que je parlerai de tous les succès éphémères qui peuvent imiter ou rappeler la gloire ; mais c’est d’elle-même, c’est-à-dire, de ce qui est vraiment grand et juste, que je veux d’abord m’occuper ; et pour juger son influence sur le bonheur, je ne craindrai point de la faire paraître dans toute la séduction de son éclat. […] Le public se plaît à donner à celui qui possède ; et, comme ce sultan des Arabes, qui s’éloignait d’un ami poursuivi par l’infortune, parce qu’il craignait la contagion de la fatalité ; les revers éloignent les ambitieux, les faibles, les indifférents, tous ceux enfin qui trouvent, avec quelque raison, que l’éclat de la gloire doit frapper involontairement ; que c’est à elle à commander le tribut qu’elle demande ; que la gloire se compose des dons de la nature et du hasard, et que personne n’ayant le besoin d’admirer ; celui qui veut ce sentiment ne l’obtient point de la volonté, mais de la surprise, et le doit aux résultats du talent, bien plus qu’à la propre valeur de ce talent même. […] Si la gloire est un moment stationnaire, elle recule dans l’esprit des hommes, et aux yeux mêmes de celui qui s’en voyait l’objet : sa possession émeut l’âme si fortement, exalte à un tel degré toutes les facultés, qu’un moment de calme, dans les objets extérieurs, ne sert qu’à diriger sur soi toute l’agitation de sa pensée : le repos est si loin, le vide est si près, que la cessation de l’action est toujours le plus grand malheur à craindre. […] C’est de mon père enfin, c’est de l’homme de ce temps qui a recueilli le plus de gloire, et qui en retrouvera le plus dans la justice impartiale des siècles, que je craignais surtout d’approcher, en décrivant toutes les périodes du cours éclatant de la gloire ; mais ce n’est pas à l’homme qui a montré, pour le premier objet de ses affections, une sensibilité aussi rare que son génie ; ce n’est pas à lui que peut convenir aucun des traits dont j’ai composé ce tableau ; et si je m’aidais des souvenirs que je lui dois, ce serait pour montrer combien l’amour de la vertu peut apporter de changement dans la nature, et les malheurs de la passion de la gloire.
Il avait le goût d’écrire et l’habitude assez étrange de recommencer sans cesse un même ouvrage ; mais il n’avait pas le goût de la publication, il la craignait. […] Le spiritualisme lui-même, souvent trop timide et qui craint trop d’ennuyer, plus occupé d’ailleurs de se défendre que de développer ses doctrines, n’a pas rendu jusqu’ici à son vrai maître, Maine de Biran, tout l’honneur qui lui était dû28. […] On ne peut donc jamais dire que la perception d’une chose externe soit immédiate, et Ampère, dans ses lettres à Biran, est tellement de cet avis, qu’il ne craint point d’appeler ridicule la théorie si vantée de Reid et des Écossais, celle de la perception immédiate et directe des objets extérieurs. […] On comprend que des métaphysiciens exacts et rigoureux aient craint de donner le nom de substance à cet être fuyant qui peut dire avec Héraclite : « Nous ne repassons jamais deux fois les eaux du même fleuve. » Il semble qu’une substance doive être quelque chose d’absolument fixe, et en ce sens un tel mot paraît ne pouvoir s’appliquer qu’à l’être infini.
Non, non, ne craignez rien ; cependant si je prenais la liberté de vous aborder avec des vers semblables à ceux que vous venez d’entendre, je ne vous conseillerais pas, pour votre honneur, de vous montrer si difficile. Mais encore une fois ne craignez rien, notre conférence sera en prose ; je veux bien m’abaisser jusque-là, sans tirer à conséquence pour la prééminence de la poésie. […] je ne crains pas que le petit nombre de bons poètes soit offensé d’un dégoût si légitime ; mais je m’attends bien qu’il soulèvera contre moi tout le bas Parnasse, des auteurs de pièces sifflées, des rimailleurs qui ont manqué le prix de l’Académie Française, et qui le manqueraient pendant cent ans, quoique les juges n’y soient pas toujours difficiles ; en un mot, qui défendent leur art aussi mal qu’ils l’exercent ; voilà mes redoutables adversaires.
Il l’a roulée dans ce haillon… Fanatique de démocratie, fanatique d’orgueil de lui-même, sous prétexte de respect et d’admiration pour la grandeur des facultés humaines que tous les philosophes prennent pour la grandeur de leur personne, Laurent Pichat n’a pas craint de mettre la poésie de son âme dans ce qui aurait dû la tuer, et il a osé dire à l’Imagination que le temps est venu de se taire devant la raison triomphante ! […] Elle a fait son devoir, et on ne peut lui demander rien de plus, quand elle a signalé comme infiniment remarquables : Saint-Marc, déjà cité, Le Fils du Vicomte, où la satire et la comédie unissent leurs coups de fouet, Un beau mariage, — d’autant plus dangereuse, cette pièce, que, vraie en beaucoup de points et étincelante, mais d’inspiration basse, elle aura pour elle toutes les âmes basses hostiles à l’Église, — La Tête de mort, L’Exorcisme du ver, où l’on trouve ce vers baudelairien : Et qui ne craint pas Dieu ne craint pas sa vermine !
Il ne cherchait point à éblouir les hommes pour les subjuguer ; il n’abusait point pour se faire craindre : d’ailleurs, il n’était plus dans l’âge où les passions inquiètes et ardentes veulent occuper fortement les âmes. […] Cet esprit, qui discute toujours avant de juger, et qui sans cesse sur ses gardes, parce qu’il craint la surprise du sentiment, fit la loi aux orateurs même. Dans la première époque, l’éloquence s’était quelquefois glissée dans des genres qui n’étaient pas faits pour elle ; dans la seconde, elle craignit presque de se montrer dans les genres qui semblaient être le plus de son ressort.
Il craint que les peintures et les imitations qui sont l’essence de la poësie, ne fassent trop d’effet sur l’imagination de son peuple favori, qu’il se répresentoit avec la conception aussi vive et d’un naturel aussi sensible que les grecs ses compatriotes. […] Il est trop à craindre que leur esprit ne se corrompe à force de s’entretenir des idées qui occupent les hommes corrompus.
Ne crains pas pourtant que sa flamme Lui donne d’injustes transports : Nous avons les peines de l’âme Sans avoir les plaisirs du corps. […] Quittez l’erreur que vous suivez Craignez que le ciel ne s’irrite ; Aimez pendant que vous vivez, Et songez que je ressuscite !
Je crains bien qu’il n’y ait plut aujourd’hui de virilité morale que chez quelques femmes. […] D’intention, je le crains. […] Mais, si le cher collègue Zidler comprit la place accordée à Eugène Manuel, il trouva excessive, je le crains, celle faite à Grandmougin et à Jacques Normand. […] Mais un conférencier avisé sait combien son public appartient à l’instant et combien il craint tout effort intellectuel. […] Camille Mauclair — je le crains — est de ceux qui se hâtent toujours et qui bâclent, qui manifestent par éclairs un réel talent, mais qui n’élèveront point l’œuvre.
Mais, dira-t-on, ce qu’on doit craindre avant tout dans une république, c’est l’enthousiasme pour un homme ; et loin de désirer cette parfaite réunion que vous croyez presque nécessaire, nous recherchons, au contraire, ces instruments de succès qui font des discours, des décrets ou des conquêtes, comme on exercerait une profession exclusive, sans avoir une idée de plus que celles de leur métier. […] Il ne craint plus de consumer en lui-même le flambeau de la raison, sans pouvoir jamais porter sa lumière sur la route de la vie active ; il n’éprouve plus cette espèce de honte que ressentait le génie condamné à des occupations spéculatives devant l’homme le plus médiocre, si cet homme, revêtu d’un pouvoir quelconque, pouvait sécher des larmes, rendre un service utile, faire du bien au moins à quelqu’un sur la terre. […] La raison n’a rien à craindre de la raison, et les esprits philosophiques fondent leur force sur leurs pareils.
Le sonnet ne se montre plus, l’élégie expire, l’églogue est sur son déclin, l’ode même, l’orgueilleuse ode commence à déchoir ; la satire enfin, malgré tous les droits qu’elle a pour être accueillie, la satire en vers nous ennuie pour peu qu’elle soit longue ; nous l’avons mise plus à son aise en lui permettant la prose ; c’est le seul genre de talent que nous ayons craint de décourager. […] Tant qu’elle a proposé et fixé les sujets de ces pièces, si elle a eu quelque chose à se reprocher dans ses décisions, ce n’est pas d’avoir usé d’une rigueur excessive ; elle a quelquefois encouragé le germe du talent, plutôt que le talent même ; et le bas peuple des critiques, qui se plaît à déchirer lourdement les ouvrages couronnés, et qui ne remporterait pas même le prix de la satyre s’il y en avait un, doit être persuadé, sans craindre d’avoir trop bonne opinion de l’académie, qu’elle a pu donner le prix à certaines pièces, et les croire en même temps fort éloignées de la perfection. […] Ne craignons pas d’assurer qu’il y a plus de mérite dans dix bons vers français, que dans trente Anglais ou Italiens.
« J’ai, disait-il, trois sortes d’amis ; mes amis qui me détestent, mes amis qui me craignent, et mes amis qui ne se soucient pas du tout de moi. » Mirabeau chercha et saisit l’occasion de se lier avec lui. […] Et cependant je pouvais le faire en sûreté, ajoutait-il ; je ne craignais pas du moins d’être jeté à la voirie du Panthéon. » C’était ainsi qu’il l’appelait depuis l’apothéose de Marat. Contre son attente, les progrès de la guérison furent très rapides ; il s’amusait à traduire les épigrammes de l’anthologie ; et, tout meurtri des coups qu’il s’était portés pour se soustraire à ceux de la tyrannie, il ne craignait pas de se montrer aux tyrans.
Voilà des conquêtes que Voltaire n’a pas craint d’acheter par des infamies, comme les fruits de la révolution ont été achetés par des crimes. […] Enfin on espère encore que multiplier la propriété est un excellent moyen de faire entrer la morale dans les peuples, de les attacher aux institutions, de leur faire craindre les révolutions. […] Mais je crains de profaner la religion en la faisant descendre à de tels calculs.
Enfin, dans sa vieillesse, menacé par un homme puissant : « Ne sais-tu pas, lui dit-il, qu’à mon âge on ne craint plus ? […] La louange y est d’autant plus piquante qu’elle se cache : ainsi déguisée, elle ressemble moins à la flatterie de la part de l’orateur, elle fait moins rougir le grand homme qui l’a méritée et craint de l’entendre ; et à l’égard de celui qui ne serait que vain au lieu d’être grand, elle lui épargnerait encore l’embarras pénible d’être modeste. […] Niger le regarda en pitié, et voici sa réponse : « Orateur, faites-nous l’éloge de Marius, ou d’Annibal, ou de quelqu’autre grand homme qui ne soit plus, et dites-nous ce qu’il a fait, pour que nous l’imitions ; car louer des vivants, est intérêt ou faiblesse, et surtout louer les princes, dont on espère, dont on craint, qui peuvent donner, qui peuvent mettre à mort, qui peuvent proscrire.
Levallois est un écrivain qui pense par lui-même et qui, par conséquent, ne craint pas de contredire à la rencontre quelques idées reçues ; et ici l’affinité de son sujet l’a conduit à des jugements plus vifs qu’on n’en a d’ordinaire sur ces querelles d’autrefois. […] Au xviiie siècle, Voltaire excita, dès les premiers jours, de ces transports d’esprit dans le plus grand monde, — mais d’esprit seulement : les femmes qui l’aimèrent à ses débuts et qui ne craignirent pas de le montrer, la maréchale de Villars, toute la première, allaient droit à la célébrité, à la mode, au lion du moment. […] mon voisin, que ces gens-là ont raison d’être fâchés qu’on leur parle d’un modèle qu’ils suivent si mal ; mais que je crains leur fureur contre vous ! […] Je craignais qu’elle ne s’affectât des insultes que je recevais de la populace, et j’aurais voulu lui en dérober le spectacle pour ne pas contrister son cœur ; mais cela ne fut pas possible ; et, quoique sa présence contînt Un peu les insolents dans nos promenades, elle en vit assez pour juger de ce qui se passait dans les autres temps. » Elle désirait dès lors que Rousseau quittât le pays et cédât aux sollicitations de M. […] Un jour que Margency la pressait sans succès et qu’elle le refusait avec la plus grande fermeté, il eut recours à ce dépit simulé dont on ne craint les effets que lorsqu’il n’est pas fondé. — « J’entends, madame, lui dit-il, vous ne m’aimez pas. » — Elle se mit à rire de ce propos comme d’une absurdité.
Vous soupirez à Dieu pour l’absence de vos amis et fidèles serviteurs, et en même temps ils sont ensemble soupirant pour la vôtre et travaillant à votre liberté ; mais vous n’avez que des larmes aux yeux, et eux les armes aux mains ; ils combattent vos ennemis et vous les servez ; ils les remplissent de craintes véritables, et vous les courtisez pour des espérances fausses ; ils ne craignent que Dieu, vous une femme, devant laquelle vous joignez les mains quand vos amis ont le poing fermé ; ils sont à cheval, et vous à genoux ; ils se font demander la paix à coudes et à mains jointes ; n’ayant point de part en leur guerre, vous n’en avez point en leur paix. […] Le vicomte de Turenne, depuis duc de Bouillon, opina le premier : c’était un homme de grands discours et habile à donner des infinités de raisons à l’appui des conclusions qu’il embrassait ; ayant été récemment accusé d’avoir été trop prompt à la dernière levée de boucliers, son point de départ, cette fois, fut qu’il fallait changer de méthode, mettre de son côté le droit et l’apparence, éviter avant tout l’odieux : « Si vous vous armez, disait-il, le roi (Henri III) vous craindra ; s’il vous craint, il vous haïra ; s’il vous hait, il vous attaquera ; s’il vous attaque, il vous détruira. » Par ces raisons subtilement déduites et enchaînées, il concluait qu’il fallait introduire, faire couler les gens de guerre dans les armées royales et servir de la sorte sans enseignes déployées : « Le roi devra sa délivrance à notre vertu, et sacrifiera sa haine passée à notre humilité. » Cet avis allait l’emporter, et la majorité semblait s’y ranger lorsqu’un mestre de camp, c’est-à-dire d’Aubigné, commandé de parler à son tour, s’exprima en sens contraire et changea la face de la délibération. […] On en voit le thème : il s’indigne pour les siens, pour les hommes de sa cause, à cette seule idée de se faufiler dans l’armée royale ; ce serait abjurer le passé : Ce serait, dit-il en commençant, fouler aux pieds les cendres de nos martyrs et le sang de nos vaillants hommes, ce serait planter des potences sur les tombeaux de nos princes et grands capitaines morts, et condamner à pareille ignominie ceux qui, encore debout, ont voué leurs vies à Dieu, que de mettre ici en doute et sur le bureau avec quelle justice ils ont exercé leurs magnanimités ; ce serait craindre que Dieu même ne fût coupable ayant béni leurs armes, par lesquelles ils ont traité avec les rois selon le droit des gens, arrêté les injustes brûlements qui s’exerçaient de tous côtés, et acquis la paix à l’Église et à la France… Je dis donc que nous ne devons point être seuls désarmés quand toute la France est en armes, ni permettre à nos soldats de prêter serment aux capitaines qui l’ont prêté de nous exterminer, leur faire avoir en révérence les visages sur lesquels ils doivent faire trancher leurs coutelas, et de plus les faire marcher sous les drapeaux de la Croix blanche qui leur ont servi et doivent servir encore de quintaine (point de mire) et de blanc.
Montluc réplique à M. de Saint-Pol par de nouvelles raisons et assez bien fondées : il montre que le moral de l’armée de Piémont est excellent ; que, dans toutes les précédentes occasions et rencontres, l’avantage lui est demeuré sur l’ennemi ; qu’il ne s’agit que de pousser outre et d’achever : « Regardez donc, nous qui sommes en cœur et eux en peur, nous qui sommes vainqueurs et eux vaincus, nous qui les désestimons cependant qu’ils nous craignent, quelle différence il y a d’eux à nous ! […] Son grand moyen pour y arriver n’était pas seulement la libéralité et les distributions d’argent, c’était encore le soin qu’il avait de ses hommes en détail, de ne jamais leur faire faire une grande corvée sans leur faire porter pain et vin pour se rafraîchir, « car les corps humains ne sont point de fer » ; c’était surtout de donner l’exemple et de ne pas s’épargner soi-même dans les cas fatigants ou rebutants, de ne pas craindre de paraître déroger en prenant la pelle ou la pioche, comme à Boulogne ; en portant le brancard ou traînant la brouette chargée de matériaux, comme dans la défense de Verceil. […] le maréchal de Brissac, qui l’estimait et l’aimait on ne saurait plus, mais qui craignait de le perdre comme l’un de ses capitaines et auxiliaires essentiels, s’il allait à Sienne, écrivit au roi pour établir dans son esprit (à côté de beaucoup d’éloges) cette fâcheuse réputation de quinteux qu’avait Montluc ; et en même temps il écrivait à celui-ci pour le dissuader d’accepter. […] Le combat s’était passé tout ainsi qu’il l’avait craint ; M. de Strozzi avait été complètement battu, et, blessé lui-même, on le croyait en danger de la vie.
Peut-être aussi la besogne mécanique de remonter ses vieilles marionnettes et de ranger dans un ordre différent toute sa vieille armée de formules invariables, lui était nécessaire comme un mouvement endormeur, comme un balancement monotone sans lequel il eût craint de s’éveiller enfin à la douleur de penser. […] Je craindrais, en insistant, de réjouir tel misérable ennemi de Léon Bloy. […] Toutes les tendances combattaient et hurlaient dans ces fournaises et ceux qui aimaient l’auteur, fermant les yeux aux raisons de craindre, criaient à eux-mêmes et aux autres les raisons d’espérer. […] Il n’y a pas à craindre que Bourget, Huysmans ou Léon Daudet soient chrétiens dans les deux cents premières pages de leur prochain roman. » Je me trompais.
Il avait, comme le grand Frédéric, le propos méchant, caustique ; il ne pouvait se tenir de lâcher un bon mot sur les gens, quand il ne les craignait pas. […] Point de bravade chez lui, point de fausse gloire ni de chevalerie prolongée : « C’est grand honneur de craindre ce que l’on doit, dit-il, et d’y bien pourvoir. » Il est plein de ces maximes-là, qui mènent au juste-milieu, comme nous l’entendons, et au gouvernement de la société sans choc, moyennant un sage équilibre des forces et des intérêts. […] Il pense que le délai même que ce consentement entraîne en cas de guerre, est bon et profitable ; que les rois et princes, quand ils n’entreprennent rien que du conseil de leurs sujets, en sont plus forts et plus craints de leurs ennemis. […] On reconnaît là l’homme qui a couché de longues années, comme chambellan, dans leur chambre, qui a assisté à leurs insomnies et à leurs mauvais songes, et qui, depuis la fleur de leur âge jusqu’à leur mort, n’a pas surpris dans ces destinées si enviées un seul bon jour : Ne lui eût-il pas mieux valu, dit-il de Louis XI, à lui et à tous autres princes, et hommes de moyen état qui ont vécu sous ces grands et vivront sous ceux qui règnent, élire le moyen chemin… : c’est à savoir moins se soucier et moins se travailler, et entreprendre moins de choses ; plus craindre à offenser Dieu et à persécuter le peuple et leurs voisins par tant de voies cruelles, et prendre des aises et plaisirs honnêtes ?
La modération, après tout, était ici chose de tact et de goût ; elle m’a bien servi ; et toutes fois que vous me verrez paraître en mon nom, ne craignez pas que j’exagère. […] Je ne vous parle point politique, non que je craigne pour les lettres qui vous sont adressées les visites du Cabinet noir, mais c’est que nous nous connaissons trop pour que j’aie quelque chose à vous apprendre sur mes sentiments ou quelque curiosité à montrer sur les vôtres. […] J’ai dit qu’il manqua l’occasion ; il n’interpréta point en ce sens public une démonstration générale si honorable pour lui ; il craignit de paraître déclamatoire, en datant hautement de ce point de départ nouveau dans sa reprise de plume au journal. […] Disons-le donc en concluant, et sans craindre d’offenser ses mânes, il a fait fausse route à un certain moment ; il s’est trompé, non pas tant en manquant le succès, ce qui peut arriver à tout homme noble et sensé, mais en s’obstinant dans une voie sans issue et dans une cause pleine de pièges et de ténèbres.
Nous ne craignons d’être accusés de partialité, que par ceux qui sont plus zélés pour la Philosophie actuelle, que pour la raison & la saine Littérature, espece d’hommes qu’on peut diviser en deux classes : les uns ressemblent à ces peuples imbécilles qui croyoient leurs Oracles infaillibles, pour quelques prédictions justifiées par le hasard : les autres ressemblent aux Prêtres de ces mêmes idoles, qui profitoient de l’ignorance & de la crédulité publique, pour accréditer les mensonges les plus extravagans. […] L’expérience des siecles passés ne devroit-elle pas leur faire craindre les disgraces éclatantes que leurs prédécesseurs ont essuyées, après quelques instans de vogue promptement remplacés par le ridicule & le mépris ?
Ne craignez pas cependant pour ma santé. […] Je crois qu’il n’en est point ainsi : on espère ou on craint trop. […] Il ne faut ni trop en attendre ni trop en craindre, mais tâcher de la voir telle qu’elle est sans dégoût ni enthousiasme, comme un fait inévitable, qu’on n’a pas produit, qu’on ne fera pas cesser, et qu’il s’agit surtout de rendre supportable. […] Je sais qu’il y a de vos amis qui craignaient pour vous l’ennui et l’espèce de vide qu’éprouvent ceux qui quittent la vie active : quant à moi, je n’ai jamais conçu ces inquiétudes ; j’ai eu plus de confiance dans la force si entière de votre esprit. […] J’aime à rassembler les témoignages, et je ne crains pas de donner les variantes d’une même pensée.
Il ne s’était jamais adressé qu’au roi pour tout ce qu’il avait obtenu de lui, et avait pris sur son esprit un ascendant qui le faisait réussir dans tout ce qu’il lui demandait, et qui même l’en faisait craindre. […] Lemonnier, que je vis, me dit qu’il espérait, comme tout le monde, que la fièvre du roi cesserait dans la nuit, mais que son affaissement lui faisait craindre que non, et qu’alors le lendemain matin il lui demanderait du secours et de choisir un renfort de médecins. […] Cependant, la saignée du roi faite, la fièvre subsistante, les médecins appelés, tout cela annonçait que l’on craignait une maladie, et donnait un grand champ aux spéculations de toute la Cour. […] Ici on avait toujours entendu dire qu’une troisième saignée devait faire recevoir les sacrements ; et, suivant la disposition favorable ou contraire à la maîtresse, chacun craignait ou espérait de la voir ordonner. […] Cependant les médecins n’étaient pas contents de l’effet de leur remède, et l’accablement continuel du roi et les autres accidents leur faisaient craindre une fièvre maligne.
Mais il ne faut jamais comparer l’ignorance à la dégradation ; un peuple qui a été civilisé par les lumières, s’il retombe dans l’indifférence pour le talent et la philosophie, devient incapable de toute espèce de sentiment vif ; il lui reste une sorte d’esprit de dénigrement, qui le porte, à tout hasard, à se refuser à l’admiration ; il craint de se tromper dans les louanges, et croit, comme les jeunes gens qui prétendent au bon air, qu’on se fait plus d’honneur en critiquant, même avec injustice, qu’en approuvant trop facilement. […] Dans un état démocratique, il faut craindre sans cesse que le désir de la popularité n’entraîne à l’imitation des mœurs vulgaires ; bientôt on se persuaderait qu’il est inutile et presque nuisible d’avoir une supériorité trop marquée sur la multitude qu’on veut captiver. […] Sans doute on pourrait opposer à l’utilité qu’on peut espérer de la publicité du vrai, les dégoûtants libelles dont la France a été souillée ; mais je n’ai voulu parler que des services qu’on doit attendre du talent ; et le talent craint de s’avilir par le mensonge : il craint de tout confondre, car il perdrait alors son rang parmi les hommes. En toutes choses ce qui est rassurant, c’est la supériorité ; et ce qu’il faut craindre, ce sont tous les défauts qu’entraîne la pauvreté de l’esprit ou de l’âme.
La grande Mademoiselle, qui n’a pas encore rencontré Lauzun, craint aussi de se donner un maître sous le nom de mari, et quand elle rêve de transformer les dames et les officiers de sa cour en bergers et en bergères vivant aux champs et gardant des moutons enrubannés, elle entend que le mariage soit interdit dans cette société idéale. […] D’autre part la jeune fille qui a grandi dans une honnête liberté, partagée entre le monde et la maison de son tuteur ; celle-ci n’est point une chose dont on dispose ; c’est une personne qui a ses préférences, qui les avoue ingénument et ne craint point qu’on veuille les violenter. […] Non, c’est un brave homme qui veut se faire aimer plus que se faire craindre et qui mérite l’affection de ses enfants par celle qu’il leur témoigne. […] La timidité n’a jamais été son faible ; il s’est toujours moqué des coups de langue ; mais, jadis, il craignait du moins les coups de bâton. […] Il ne craint pas de répondre, quand on l’injurie : « C’est mon habit qui est un coquin. » Il y a déjà dessous un homme qui réfléchit et soupçonne que son tour de commander pourrait venir un jour.
Au dîner où il la vit d’abord, Mirabeau, déjà tenté, après avoir causé avec Mme de Monnier, la pria de demander au commandant la permission pour lui de venir le lendemain à Pontarlier : « Je n’imaginais pas, écrivait-il plus tard à Sophie elle-même, qu’il fût possible de vous refuser, et je le craignais d’autant moins dans cette occasion que, peu de jours auparavant, Belinde avait obtenu cette grâce légère… M. de Saint-Mauris ne se rendit point aux instances que vous voulûtes bien lui faire, et cette espèce de brusquerie ne vous étonna pas ; pour moi, j’en fus offensé et surpris. » À quelques jours de là, Mirabeau ayant rencontré par hasard Mme de Monnier à la promenade, elle lui demanda s’il n’irait point à un bal, à une fête champêtre qui avait lieu à Montpetot, à une lieue de Pontarlier. […] Il entreprit d’égayer ma solitude : il m’assura qu’il était amoureux de moi, et qu’il me convenait d’autant mieux qu’étant ami de M. de Monnier, ma réputation et mon repos domestique n’avaient rien à craindre de ses empressements. […] Mais ce portrait, que je n’ai pas craint de confier à des mains si perfides, peut me perdre et me perdra. […] Mirabeau réfute la marquise, il la rassure, lui montre qu’il n’y a aucun éclat à craindre, que le Montperreux rendra tout sans tant de façons. […] Elle ne se dissimule pas que tout cela mène à l’amour, et elle en craint les suites.
Nous le considérions trop pour ne pas le craindre. […] Je ne crains rien tant dans le monde qu’une jolie personne en déshabillé ; je la redouterais cent fois moins parée. […] Je craindrais de les souiller, et je n’oserais plus les offrir. […] J’avais craint jusqu’à présent que ces visions ne fussent un symptôme de folie, et je vous avoue que cela m’inquiétait beaucoup. […] Sa tendresse lui avait fait craindre de me troubler ; mais elle venait pour être à portée de me secourir au besoin.
Sans doute, c’est un sentiment très pénible que craindre à l’avance le péril qui menace, c’est de la souffrance dans le calme : mais l’instant de la décision, mais le jeu, quelque cher qu’il soit dans le moment où il se hasarde, est une espèce de jouissance, c’est-à-dire d’étourdissement. […] Si l’avare, si l’égoïste sont incapables de ces retours sensibles, il est un malheur particulier à de tels caractères auquel ils ne peuvent jamais échapper ; ils craignent la mort, comme s’ils avaient su jouir de la vie : après avoir sacrifié leurs jours présents à leurs jours avenir, ils éprouvent une sorte de rage, en voyant s’approcher le terme de l’existence ; les affections du cœur augmentent le prix de la vie en diminuant l’amertume de la mort : tout ce qui est aride fait mal vivre et mal mourir : enfin, les passions personnelles sont de l’esclavage autant que celles qui mettent dans la dépendance des autres ; elles rendent également impossible l’empire sur soi-même, et c’est dans le libre et constant exercice de cette puissance qu’est le repos et ce qu’il y a de bonheur.
Leur nombre croissant pourrait faire craindre que le français fût en train de perdre son pouvoir d’assimilation, jadis si fort, si impérieux ; il n’en est rien, mais la demi-instruction, si malheureusement répandue, oppose à cette vieille force l’inertie de plusieurs sophismes. […] Ils n’ont jamais la même signification et c’est l’excuse du mauvais ; excuse assez faible, car, comme je l’expliquerai plus loin, un seul mot peut, sans qu’aucune confusion soit à craindre, porter jusqu’à dix ou douze sens différents.
La multitude de ses négligences a confirmé cette opinion ; mais sa négligence n’était que la paresse d’un esprit aimable qui craint le travail de corriger, de changer une mauvaise rime, etc. […] Je ne crains que celle du temps.
Je crains, hélas ! […] Mais je crains bien que le malheur ne vous rende faible. […] ma bonne amie, comment pouvez-vous craindre que je vous sois infidèle ? […] Mais nous aurions voulu quelque chose de plus précis encore, et nous craignons que M. […] Ne craignons ni la mort ni la guerre.
Louis XIV aimait les poètes ; Louis XV ne les aimait pas, mais il les craignait, ce qui revient presque au même. Le roi Louis-Philippe ne les aime ni ne les craint ; c’est un des progrès les plus sensibles du gouvernement constitutionnel. […] Buloz, directeur des deux Revues, craint que les produits de M. […] Dumas ne craint pas d’affirmer que le jour de ma nomination au commissariat royal, il aurait écrit une lettre à l’un de mes amis, exprimant son pronostic funèbre à ce sujet. […] Buloz craint, comme il le dit dans la Revue de Paris, de voir déborder le trop plein de ma fabrication littéraire qu’il me prendra jamais l’idée de les donner.
Je ne sais rien même de si faible et de si vain que de fuir devant les vices, ou de les haïr sans mesure ; car on ne les hait jamais que parce qu’on les craint, par représailles ; ou par vengeance, parce qu’on en est mal traité ; mais un peu de grandeur d’âme, quelque connaissance du cœur, une humeur douce et tacite, empêchent qu’on en soit surpris ou blessé si vivement. […] Elle n’est pas également sensible à tous les hommes ; il faut qu’elle trouve certaines dispositions dans leur cœur : la musique et la poésie ne flattent pas tous les goûts, ni la gloire ; mais cela n’empêche pas qu’elle ne soit réelle… Je crains que le goût de la littérature n’arrête trop vos pensées. […] Ce jeune homme, et très jeune homme au temps où il servait avec Vauvenargues, avait le trait caractéristique de sa famille : « Je lui trouve dans l’humeur quelque chose des Riquetti, qui n’est point conciliant. » Vauvenargues, qui jugeait ainsi le petit chevalier, essayait de lui insinuer un peu de douceur, de politesse de ton et de mœurs, de l’assouplir. « Quant au genre de persuasion que vous soufflez au chevalier, lui disait Mirabeau, vous ne réussirez pas, s’il est du même sang que nous ; votre système est d’arriver aux bonnes fins par la souplesse ; le mien est d’arriver au bien, droit devant moi, ou par la violence ; de fondre sur le mal décidé, de l’épouvanter, et enfin de m’éloigner de ce qui n’a la force d’être ni l’un ni l’autre. » Ce système à outrance et que Vauvenargues a décrit dans un de ses caractères intitulé Masis (évidemment d’après Mirabeau), est le contraire de sa science à lui, de sa tactique dans le maniement des esprits, qui va à les gagner par où ils y prêtent, et à en tirer le parti le meilleur : Où Masis a vu de mauvaises qualités, jamais il ne veut en reconnaître d’estimables ; ce mélange de faiblesse et de force, de grandeur et de petitesse, si naturel aux hommes, ne l’arrête pas ; il ne sait rien concilier, et l’humanité, cette belle vertu, qui pardonne tout parce qu’elle voit tout en grand, n’est pas la sienne… Je veux une humeur plus commode et plus traitable, un homme humain, qui ne prétendant point à être meilleur que les autres hommes, s’étonne et s’afflige de les trouver plus fous encore ou plus faibles que lui ; qui connaît leur malice, mais qui la souffre ; qui sait encore aimer un ami ingrat ou une maîtresse infidèle ; à qui, enfin, il en coûte moins de supporter les vices que de craindre ou de haïr ses semblables, et de troubler le repos du monde par d’injustes et inutiles sévérités. […] Mirabeau craint que Vauvenargues ne combatte en son frère la force et la fermeté ; Vauvenargues s’attache à distinguer ces qualités de la sécheresse et de la rudesse, de la roideur de l’esprit : Il me semble que la dureté et la sévérité ne sauraient convenir aux hommes, en quelque état qu’ils se trouvent.
Mais je vois bien que messieurs les Parisiens se moquaient de moi ; personne n’a bougé, et tout ce que j’apprends du caractère des habitants me prouve que je n’ai pas à craindre de pareilles avances. […] Il n’y a que la peur des ovations qui merévèle que, malgré tout mon bon sens, je suis, comme beaucoup dont je me moque, atteint de cette vanité ridicule qui vous fait penser que le monde entier a les yeux sur vous. » Il obéissait, en quittant Paris, puis Passy, à des mobiles divers : l’économie d’abord, le dégoût que lui inspiraient les sottises des partis, à commencer par celui qui le revendiquait comme sien, la fatigue et l’ennui des visites ; tantôt il en avait besoin, et tantôt il les craignait. […] La science m’a toujours manqué : l’instinct du bon et du beau m’en a quelquefois tenu lieu, et, si je ne craignais d’être accusé de vanité, je dirais qu’il m’a fait, dans mes bons jours, aller en avant de la science. […] Encore même, sur ce point, y a-t-il à redire, car le patriotisme, sentiment qui ne vieillit pas en moi, me barre le chemin toutes les fois que je puis craindre que l’application de mes principes ne compromette les intérêts du pays.
Louvois, mieux avisé, en présence de ce naturel fermé de si bonne heure et de cette précoce dissimulation du jeune duc, et quand on lui parlait des variations de physionomie et de sentiments qu’il laissait apercevoir pour ce mariage de Portugal, écrivait à son agent : « Je crains également le chagrin et la gaieté de M. le duc de Savoie. » Le jeune prince, une fois majeur, n’eut plus qu’une pensée : prendre le pouvoir, mais aussi cacher ses desseins. […] Elle avait compté toujours que son fils partirait pour le Portugal et que, lui laissant désormais le champ libre, il irait accomplir ce mariage si désiré d’elle, si craint et abhorré des Piémontais. […] s’écriait-il, si l’on veut me perdre auprès du roi, je prendrai la poste, j’irai le trouver ; je m’assure qu’un si grand monarque, et qui a tant de belles qualités personnelles, ne m’abandonnera point ; j’irai même servir de volontaire auprès de sa personne, en cas qu’il entreprenne quelque chose ; car j’ai fortement dans la tête de mériter son estime. » — « Mais, lui répondait-on, les princes comme Votre Altesse Royale n’ont point accoutumé d’aller ainsi ; une telle démarche surprendrait fort le roi de France. » — « Non, répliquait-il, je sais bien que je n’ai rien à craindre en me jetant entre les bras du roi, qui est aussi honnête homme que grand monarque. » Et Louis XIV, touché à l’endroit chatouilleux, s’adoucissait pour le jeune prince, dont les effusions lui arrivaient par le canal de M. de La Trousse et de Louvois, tandis que son envoyé officiel, l’abbé d’Estrades, lui écrivait dans le même temps : « L’on doit cette justice à M. le duc de Savoie que c’est un prince qui a beaucoup d’esprit, qui est fort éloigné de tous les amusements ordinaires aux personnes de son âge, et que toutes ses occupations marquent des sentiments fort élevés, et beaucoup d’inclination pour la guerre et pour les affaires. » Le duc de Savoie marchait sur ses dix-huit ans. […] Réservons ce beau sujet bien fait pour tenter tout peintre moraliste qui ne craint pas d’entremêler dans une figure les lumières et les ombres.
De la pièce si agréable des Comédiens je veux pourtant relever ce personnage de Victor, type du jeune auteur dramatique tel que le rêvait le poëte, et à la faveur duquel il a exprimé, sur le but moral de l’art, sur le rôle du talent dans la retraite, quelques conseils et préceptes d’une justesse appropriée, dont il est demeuré observateur fidèle : Aimons les nouveautés en novateurs prudents… Que le littérateur se tienne dans sa sphère… Crains les salons bruyants, c’est l’écueil à ton âge ; Nous avons trop d’auteurs qui n’ont fait qu’un ouvrage… Et d’autres pareils. […] Nous ne craignons pas ici de soulever avec respect un voile pieux qui est désormais celui du deuil : le voyage d’Italie réalisa tout son rêve, il y vit tout ce qu’il attendait du passé, il trouva plus ; son cœur rencontra celle qui lui était destinée, et son avenir s’enchaîna. […] Il y a une autre façon qui se conçoit, surtout dans le drame, mais je ne crains pas d’ajouter en toute poésie : serrer davantage à chaque instant la pensée et le sentiment, l’exprimer plus à nu, sans violer sans doute l’harmonie ni encore moins la langue, mais en y trouvant des ressources mâles, franches, brusques parfois, grandioses et sublimes si l’on peut, ou même simplement naïves et pénétrantes. […] (Il m’était arrivé rarement, trop rarement, avant ce Discours, d’écrire sur Casimir Delavigne ; je l’avais pourtant fait en deux circonstances, l’une déjà bien ancienne, dans le Globe, à l’occasion des Sept Messéniennes de 1827, et une autre fois assez récemment dans la Revue des Deux Mondes, à l’occasion de la Popularité (1838) ; je ne crains pas de donner ci-après, en appendice, ces deux morceaux dans lesquels, avec la différence du ton, on retrouvera exprimées plusieurs idées qui chez moi ne sont pas si nouvelles ; de tout temps, par exemple, j’ai pensé que la vocation de Casimir Delavigne était d’être classique.
Puis de nouveaux fragments furent publiés, le recueil se grossit par degrés, et l’on put craindre de voir s’étendre indéfiniment l’héritage d’une destinée poétique dont le fil avait été sitôt tranché. […] remy a depuis éprouvé moins de joie que de regret chaque fois qu’un zèle curieux est venu ajouter au premier recueil du poëte quelques pièces nouvelles : on a pu craindre, dit-il, d’en voir le nombre s’accroître indéfiniment ; il trouvait qu’il y en avait bien assez sans cela. […] Fremy est si en peine de trouver et de poursuivre partout le madrigal, qu’il n’a pas craint d’en dénoncer un dans les vers qui terminent cette adorable pièce de la Jeune Captive : Ces chants, de ma prison témoins harmonieux, Feront à quelque amant des loisirs studieux Chercher quelle fut cette belle : La grâce décorait son front et ses discours, Et comme elles craindront de voir finir leurs jours Ceux qui les passeront près d’elle !
Les progrès des lumières et du bien-être feront germer des vertus publiques là où il n’y a trop longtemps eu que des vertus privées. » Il ne craint pas d’avancer que Saint-Simon dans cette voie est un précurseur, bien qu’on n’ait point à répondre de toutes ses pensées : Nous avons été précédés dans cette carrière, dit-il, par un publiciste dont nous ne craignons pas de paraître les disciples. […] Pour mieux dégoûter du suicide, l’ami ne craint pas de nous montrer l’impression d’horreur que cause même aux indifférents la vue d’un homme jeune et beau, d’une noble créature qui a ainsi attenté contre elle-même, et qui a tout fait pour dégrader et dévaster son image (jusque dans les traits qu’une mort ordinaire et naturelle sait respecter. Il ne craint pas d’étaler ce spectacle épouvantable.
Sur ces entrefaites, la reine s’est évadée la nuit du château de Blois (février 1619) ; elle s’est réfugiée auprès du duc d’Épernon, et Luynes, qui gouverne, craint qu’en obéissant à l’influence de ce vieux seigneur et aux brouillons dont elle va être entourée, elle ne devienne un grave danger. […] Il craint de donner prétexte à ces alliés puissants et turbulents qui, « après avoir ruiné les valets », iraient par ambition jusqu’à s’attaquer aux maîtres. […] Richelieu reproche à Luynes d’avoir voulu appliquer à la France la politique étroite et tyrannique qui n’est praticable que dans les petites provinces d’Italie, où tous les sujets sont sous la main de celui qu’ils doivent craindre : « Mais il n’en est pas de même de la France, grand et vague pays, séparé de diverses rivières, où il y a des provinces si éloignées du siège du prince. » Dans toute cette peinture, Richelieu nous livre indirectement ses propres pensées, et, en nous représentant ainsi le favori odieux, il est évident qu’il sent combien lui-même il s’en sépare et il en diffère. […] Il y a beaucoup à craindre des esprits dont la vivacité est accompagnée de peu de jugement, et, quand ceux qui excellent en la partie judiciaire n’auraient pas une grande étendue, ils ne laisseraient pas de pouvoir être utiles aux États.
Peu soucieux, d’ailleurs, de se contredire et de se prendre honteusement dans sa propre inconséquence, Saint-Simon ne craignit pas d’écrire que cet esprit foncièrement médiocre était capable de « se former et de s’élever…, qu’il voulait l’ordre et la règle…, qu’il était né sage, modéré, maître de ses mouvements et de sa langue, et le croira-t-on ? […] Nous ne craignons pas de l’affirmer : Saint-Simon est pour les trois quarts, sinon pour le tout, dans ces sottises atroces et, disons-le ! […] Il se contente de s’exclamer sur ces torrents précipités de grandeur, de puissance, de richesses démesurées, et il ne craint pas d’ajouter : est-ce aveuglement ou mensonge ? […] Lemontey, au xviiie siècle, et de notre temps l’auteur de Ménages et Finances de Voltaire, qui ne craint pas d’être scandaleux, voilà les seuls hommes à notre connaissance qui aient touché pour ne pas la frapper d’une injure la mémoire du cardinal Dubois.
Cependant, il faut être juste, Primel et Nola et les dernières pièces de ce volume que Brizeux laisse à la Postérité, qui ne les prendra pas, je le crains bien, sont au-dessus, sans être très-haut, des pièces insupportablement affectées, métaphysiques, panthéistiques, et à contresens de toute manière sincère, qui composent le livre de La Fleur d’or. […] Oui, en vérité, c’est cette imperturbable éducation d’université, c’est cette culture d’Académie, qui ne se dérange pas une seule fois, qui n’entre pas une seule fois dans le tour de langage populaire et qui en craint le barbarisme, quand le Génie, lui, n’en aurait pas peur ! […] Mais ce qu’on croit la vérité ne change pas, et c’est pour cela qu’il ne faut pas craindre de la répéter. […] il n’a pas craint de s’appeler quelque part « un poète rural »… Pourquoi pas municipal ?..
La vue de la beauté le touche, le pénètre, l’élève au-dessus de lui-même, et il s’abandonne à ce transport avec d’autant plus de charme qu’il ne craint pas de s’égarer. […] Je ne craindrai donc pas de vous dire que, dans ma pensée, cette condition de l’impartialité n’écarte pas seulement les préjugés littéraires. […] Un trait de satire bien lancé en passant fera mieux l’affaire ; on dort au sermon, mais on craint le ridicule.
Ils craignent de s’aventurer dans un désert, parce qu’ils ne peuvent pas faire sortir du milieu d’eux un guide, et ils restent ainsi isolés et dépourvus de la force d’ensemble. […] Ils ne craignent point de manquer de guide, et de marcher isolés ; ils se lancent hardiment dans la carrière, sûrs qu’ils sont de se rallier entre eux, et de s’entendre à de grandes distances. […] Je dirais donc volontiers aux néophiles : « Ceux contre lesquels vous vous élevez avec tant de violence n’ont d’autre tort que celui d’être restés fidèles au code des idées anciennes, et ils n’y sont restés fidèles que parce que c’était dans la forme même de leur intelligence, dans la manière dont s’opère en eux le phénomène de la pensée. » Je dirais aux archéophiles : « Vous craignez de retomber dans le chaos, parce qu’il vous semble que le principe générateur des sociétés humaines cesse d’agir.
La Fontaine était un citoyen quand, après les ravages du Palatinat, il mettait dans la bouche du paysan du Danube ces vers énergiques : Craignez, Romains, craignez que le ciel quelque jour.
Plus on craint de se déshonorer, moins on craint de mourir.
C’est pour que Sganarelle, en recueillant Célie chez lui, donne à sa femme le soupçon qu’il la trompe, et pour que celle-ci, à son tour, en venant au secours de Lélie, fasse croire à Sganarelle qu’il est en effet ce qu’il craint si fort d’être. […] Mais Isabelle craint que Valère ne s’y soit mépris. […] Il a craint que la vérité de la nature ne fît pas assez d’effet ; il l’a quelquefois chargée pour la faire applaudir. […] Il n’a pas eu à craindre leurs originaux dans le monde, et il ne leur fait pas l’honneur de se fâcher quand il les peint. […] Son travers est d’avoir peur de sa femme et de s’imaginer qu’il ne la craint pas.
On s’alarmait d’avance de la dissonance qu’on allait entendre ; on craignait le premier accent, le premier vers des acteurs ; on ne se souvenait plus que Racine avait retrouvé un jour, pour écrire Athalie, les foudres d’Isaïe, les larmes de David, les illuminations du Sinaï. […] Soumis avec respect à sa volonté sainte, Je crains Dieu, cher Abner, et n’ai point d’autre crainte. […] Il ne recherche point, aveugle en sa colère, Sur le fils qui le craint l’impiété du père. […] Il faut craindre le mien ; Lui seul est Dieu, Madame, et le vôtre n’est rien. […] Il craignit d’avoir déplu à un prince dont il avait reçu tant de marques de bonté.
Il craindrait qu’on ne s’en lassât ; ou plutôt, il en change par plaisir. […] Mais si cette ardeur d’attention est trompée, qu’il est à craindre que l’esprit trop tendu ne revienne sur lui-même avec déplaisir ! […] Il le met de mauvaise humeur contre les hommes, et il lui donne la malencontreuse idée de nous apprendre qu’en temps de chasse ses plus aimables bêtes avaient sujet de le craindre. […] Enfin, averti que c’était au genre même qu’on en voulait, et que plus il était conforme aux préceptes d’Horace, moins il plaisait à M. le prévôt de Paris91, il entendit le reproche, et il y fit cette réponse qui absout ses intentions : « La gaieté des contes, dit-il, fait moins d’impression sur les âmes que la douce mélancolie des romans les plus chastes. » Je craindrais bien plutôt que la cajolerie Ne mît le feu dans la maison. […] Il n’eut à craindre que son goût pour la paresse ; mais Boileau était là, qui l’empêcha de s’y laisser aller.
Peignez les malheurs d’une amante, voilà ceux qu’elles craignent ; voulez-vous flater leur orgueil ? […] L’idée d’un bien qu’on desire réveille celle d’un malheur qu’on craint ; l’idée d’une vertu se présente à l’esprit avec celle du vice opposé. […] Avourai-je ce que je crains encore de cette mode des parodies ? […] C’est qu’il craint le péril qu’elle courroit, si on parvenoit à la connoître. […] Franchement je ne le crains pas non plus, quoique le cas ne me paroisse pas absolument impossible.
Le titre de mon petit livre fit grand’peur ; on craignit d’y trouver des portraits et des anecdotes. […] … Ce n’était pas l’intention, et cela n’est pas dans l’ordre. — J’ai bien craint, après coup, madame, que je n’eusse eu tort, lui répondis-je ; mais il était trop tard, et j’aurais mieux aimé à ne point venir ici, quelque envie que j’en eusse, que de reprendre le billet et de venir sans mon ami. […] — Ne vous en flattez pas, mademoiselle, a dit le comte : je crains de ne l’oublier de longtemps. […] Ici une scène, à mon sens, admirable, profondément touchante et réelle et chaste, mais de ces scènes pour lesquelles ceux qui les ont goûtées avec pleurs craignent le grand jour et l’ordinaire indifférence223. […] Mlle Pauline de Meulan, qui était très-informée des divers ouvrages de Mme de Charrière et qui avait de commun avec elle tant de qualités, entre autres le courage d’esprit, n’a pas craint de parler avec éloge des Trois Femmes dans le Publiciste du 2 avril 1809.
Vous craignez la souffrance de Vos semblables, et le rang éminent où Vous êtes placé ne pourra jamais effacer de Votre cœur la sympathie. […] Il faut, pour se tuer, ne pas craindre la mort ; mais c’est manquer de fermeté d’âme que de ne pas savoir souffrir. […] — De ma propre faiblesse, repris-je, j’ai toujours craint la douleur physique et mes efforts pour me donner le courage qui la brave ont été vains. […] J’ai craint de n’être plus résignée ; vous l’avez vu, mon cœur a trop d’attachement au bonheur, il n’y fallait pas retomber. […] je ne crains plus maintenant que l’existence me soit encore chère.
Oui, je crains que nous perdions ici maints bons guerriers. […] « Je vous crains peu, soyez-en sûr. […] Elle craignait terriblement Dietrîch. […] Les guerriers d’élite ne craignaient l’inimitié de personne. […] Il craignait aussi Balmung, cette arme terrible !
Je ne crains point que ceux des gens de lettres qui ont pris la peine de descendre quelquefois en eux-mêmes et de s’interroger en philosophes, ne conviennent de la vérité de ce que j’avance. […] Mais pour que cette satisfaction soit aussi pure et aussi entière qu’il est possible, il est important pour nous d’avoir affaire à des juges assez désintéressés pour ne point nous déprimer par des motifs de rivalité ou de passion, assez éclairés pour que nous puissions supposer qu’ils ne prononcent pas sans examen, et en même temps assez superficiels pour que nous n’ayons point à craindre de leur part un jugement trop sévère. […] Engagés dans une carrière différente, on n’a point à craindre que leurs regards soient trop pénétrants ; on leur trouve précisément le degré de lumière que l’amour-propre peut désirer pour son repos. […] Je ne crains point non plus qu’on m’oppose quelques génies heureux, dont les talents rares n’ont pu être étouffés par la mauvaise culture. […] Liberté, vérité et pauvreté, (car quand on craint cette dernière, on est bien loin des deux autres) voilà trois mots que les gens de lettres devraient toujours avoir devant les yeux, comme les souverains celui de postérité.
Je vous embrasse tendrement ; ne me croyez pas fâchée, mais touchée et occupée de votre bien-être. (30 septembre 1774.) » A un moment elle ne craint pas, elle, l’illustre Marie-Thérèse, de se comparer a ce triste et médiocre trio de Mesdames qui, avec leur vertu, jouaient un si pauvre rôle, et dont elle craignait la mauvaise influence sur sa fille : « Ce qui m’a fait de la peine et m’a convaincue de votre peu de volonté de vous corriger, c’est le silence entier sur le chapitre de vos tantes, ce qui était pourtant le point essentiel de ma lettre, et ce qui est cause de tous vos faux pas… Est-ce que mes conseils, ma tendresse, méritent moins de retour que la leur ? […] Je ne crains pour vous (étant si jeune) que le trop de dissipations. […] Disons aussi que la modestie, — trop de modestie, — a pu faire craindre à M. d’Arneth de se hasarder dans une langue étrangère. — Pour que le lecteur français n’ignore rien des titres et des mérites du savant éditeur qui va acquérir une très-grande autorité dans le débat si vivement engagé sur l’authenticité des premières lettres de Marie-Antoinette, il est bon de savoir que M.
Confiné à La Chesnaie, il craint plus que tout, dit-il, le déplacement et les aller et venir ; il se figure qu’il est fait pour se tenir coi dans un petit coin : « Je n’aime guère à changer de place, et, à quelques petits tours près dans le jardin, mes jours comme mes nuits se passent dans la salle. […] Mais Béranger, qui aurait pu prétendre aussi à sa part de direction, appréciait mieux que personne la situation délicate et la disposition d’esprit de son nouvel ami quand il écrivait (8 février 1837) : « … Il veut se mettre à la tête d’un journal, et je crains d’arriver trop tard pour lui éviter cette folie. […] Sand ; mais je crains bien que, facile et bon comme il est, il ne tombe de Charybde en Scylla. […] J’ai fait œuvre de charité, moi philosophe, d’essayer de lui indiquer son chemin ; mais je crains bien qu’il ne m’en sache pas très bon gré.
Je pencherais volontiers au fond pour cet avis, mais je crains fort que le relevé ne se fasse pas et que l’héritage ne reste un jour en voie de liquidation. […] De nos jours, je le crains, Voltaire aurait dû héberger à Ferney Fréron. […] Or, ce monde-là est avant tout un curieux aimable, il ne craint rien tant que l’ennui ; il a son goût vif, mobile, ses délicatesses. […] On craint de compromettre désormais une fortune qu’on sent tenir un peu du caprice et du hasard : on en vient, si l’on n’y prend pas garde, au silence prudent.
On y voit Napoléon hésiter jusqu’au dernier moment, changer d’avis, ne s’ouvrir tout entier à personne, ne découvrir que des coins de vérité à ses plus intimes agents, vouloir être éclairé et sembler en même temps le craindre. […] Je crains qu’il n’ait pas donné à Goethe le temps de lui répondre, ou que celui-ci, en Allemand cérémonieux qu’il était, n’ait eu trop de révérence envers le potentat pour riposter librement. […] Thiers disait : Je n’ai pas craint d’entrer dans le détail des emprunts, des contributions, du papier-monnaie ; je n’ai pas craint de donner le prix du pain, du savon, de la chandelle ; je révolterai, j’ennuierai ou je dégoûterai beaucoup de lecteurs (il s’exagérait l’inconvénient), mais j’ai cru que c’était un essai à faire que celui de la vérité complète en histoire.
Vous craignez qu’en me voyant il ne se dérange de ses devoirs, et vous poussez cette crainte jusques à prendre des résolutions violentes contre lui. […] Et quand ils m’honorent de quelques bontés, vous sentez bien ce que la reconnaissance peut ajouter à de tels sentiments, et assurément je ne fus jamais ingrate… En même temps qu’elle désire l’amitié, elle en redoute un peu les enthousiasmes ; elle craint toujours qu’un autre sentiment ne se glisse dessous, et elle en parle d’un ton à persuader sérieusement qu’elle en veut rester au premier : Je suis, dit-elle, d’un sexe et d’une profession où l’on ne soupçonne pas volontiers cet honnête sentiment, l’unique que je désire, dont je sois flattée, et dont j’ose me croire digne par la façon dont je le sens ; j’ajoute même par celle dont je l’ai inspiré plus d’une fois. Quoique d’un âge où il ne tient qu’aux femmes de paraître encore jeunes, elle ne craint pas de parler des années qui approchent et de ce qu’elles amènent de moins gracieux avec elles, des soins, des devoirs auxquels, dans dix ans, on sera obligé auprès d’une vieille amie. […] Mlle Le Couvreur pensa vaguement qu’elle pouvait avoir quelque chose à craindre du côté de l’hôtel de Bouillon, ou du côté de l’Opéra.
Il se retrouve homme de lettres sur ce point : entre deux ridicules, selon lui, et deux inconvénients, il choisit le moindre, et, pour le coup, il dirait volontiers comme cet autre de ma connaissance : « J’ai, pour un homme de lettres, le malheur d’appartenir à une nation qui n’est jamais plus fière que quand elle a un pompon sur la tête, et qu’elle obéit au mot d’ordre d’un caporal. » Son bourgeois de Paris nous est présenté par lui comme ayant éprouvé aux affaires du mois de juin (1832) un double accident : « il a gagné une extinction de voix et la croix d’honneur, deux malheurs dans la vie d’un homme raisonnable, qui craint également la médecine et le ridicule ». […] Plus tard, l’auteur se trouva sujet lui-même à ce ridicule qu’il craignait. […] Il ne craignait pas d’avoir à marquer dans sa narration, pour rester plus fidèle à la vérité, la langueur ou la complication des mouvements politiques ; ce jeu bizarre et entrecroisé des choses lui allait, et il prenait plaisir à nous en démêler la trame. […] Lui, si heureux à première vue, si bien doué, ce semble, par la nature, si bien doté de plus par la fortune, il se tenait sur la défensive avec la société, comme s’il eût craint d’être abordé de trop près.
Je craignais d’inspirer la pitié ; je craignais encore plus de ne pouvoir adoucir un air de dignité que la nature et l’habitude de commander avaient répandu sur toute ma personne. […] » — « C’était à craindre, dit le malin auteur, qu’on ne m’en fît un majorat. » Un autre roman de M. […] Philippe (c’est le nom du valet de chambre, qui, indépendamment de toutes ses qualités, est studieux, instruit, amateur de lecture), Philippe, retiré du service et vivant auprès de son fils, a pris l’habitude de jeter ses pensées sur le papier ; et comme on lui proposait un jour de se faire imprimer : « Non, vraiment, répondit-ilh, je craindrais de trahir les secrets de l’humanité ; on sent le besoin de les cacher quand on connaît les hommes. » Vers le temps où, retiré en Champagne, à l’abri de la proscription, il écrivait sa Dot de Suzette, M.
Je crains encore que ce groupe ne vienne pas assez sur le devant, ou que les autres ne s’enfoncent pas autant qu’ils le devraient. […] Si vous eussiez consulté ces gens à petit goût raffiné qui craignent des sensations trop fortes, vous eussiez passé la brosse sur votre frénétique qui s’élance de l’hôpital, sur ce malade qui se déchire les flancs au pied de votre massif ; et moi j’aurais brûlé le reste de votre composition, j’en excepte toutefois la femme au chapelet, à qui que ce soit qu’elle appartienne. […] Ajoutez que tandis que le défaut d’air et de perspective porte les figures du devant vers le fond et du fond vers le devant, par une seconde malédiction elles sembleront encore chassées de la gauche vers la droite et de la droite vers la gauche, ou retenues comme par force dans l’enceinte de la toile ; en sorte que cet obstacle levé, on craindrait que tout n’échappât, et n’allât se disperser dans l’espace environnant. […] Il y a un écueil à craindre pour Doyen, c’est qu’échauffé par son morceau du miracle des ardens, dont la poésie a plutôt fait le succès que le technique (car à trancher le mot, en peinture ce n’est qu’une très-magnifique ébauche), il ne passe la vraie mesure, que sa tête ne s’exalte trop, et qu’il ne se jette dans l’outré, il est sur la ligne, un pas de travers de plus et le voilà dans le fracas, dans le désordre.
Ici la faute est juste et la loi criminelle ; Le prince pèche ici bien plus que le rebelle ; J’offense justement un injuste pouvoir Et ne crains pas la mort qui punit le devoir….. […] « Mais parce que, selon le saige Salomon, la science n’entre point en âme malivole, et science sans conscience n’est que ruine de l’âme, il te convient servir, aymer et craindre Dieu. » (Rabelais.)
Balsac ne craignit point de se compromettre en livrant combat à un homme dont il n’étoit pas bien glorieux pour lui de triompher. […] Tous ses compagnons de cuisine, Et ceux qui craignent la famine, S’opposent à sa liberté ; Criant partout que sa présence Sans doute affamera la France, Et qu’elle a causé la cherté.
Il ne craint point de fatiguer par des détails celui dont il a dit ce mot sublime : Il est patient, parce qu’il est éternel. […] Je crains bien qu’une tête couverte de réseaux de perles et de diamants, ne laisse aucune place à l’épée186. » Ces paroles, adressées à des femmes qu’on conduisait tous les jours à l’échafaud, étincellent de courage et de foi.
Car toujours, au moment où il va accorder quelque chose à l’homme, il craint d’en faire tort à Dieu. […] Et il ne craint pas de parler fort légèrement de M. […] Et il ne craint donc pas de parler de la « cour de Pyrrhus ». […] Et, d’autre part, si je me permettais d’exprimer une préférence pour tel ou tel des ouvrages profanes de sa maturité, je craindrais presque de l’offenser et de lui faire de la peine, et je craindrais aussi de me tromper. […] Ou plutôt, il a craint les railleries des hommes de son temps, qui n’auraient pas compris.
Et d’abord nous serions sérieusement tenté de féliciter plutôt le fondateur de cette Revue, M.Buloz, de l’incroyable déluge d’invectives qu’on n’a pas craint, ces jours derniers, d’amonceler de toutes parts et de déverser contre lui. […] Mais ici on n’a plus affaire à de jeunes Cyclopes, ce sont des Ajax tout grandis qui ne craignent pas de faire acte de gladiateurs, et devant lesquels il ne fallait pas craindre à son tour de s’exprimer.
Je dirais, si je ne craignais la barbarie scolastique des termes, que cette conception de l’amour est toute éclatante d’un « idéalisme naturiste » qui rappelle celui de Rousseau et qui en réalité le continue. […] Et c’est la « jeune dame » par-ci, « la belle paresseuse par-là » ; et « la chère rêveuse » avec sa « charmante petite moue », et le mari qui est « le cher tyran », et les apostrophes dans le goût du siècle dernier : « Objet sacré, ne craignez rien ! […] Il pense que le mari ne doit pas tout lui laisser lire, qu’« elle ne doit pas savoir ce que sait l’homme, ou doit le savoir autrement. » Il ne craint pas de lui attribuer une certaine vulgarité de jugement, un faible pour l’« amateur », l’homme agréable, l’« honnête homme » d’autrefois, brillant et superficiel.
Jules Barbier ne craint pas de prêter à une certaine Phydile ces propos audacieusement « panachés » de latin et de français : Devine Ce qui me plaît, à moi, dans mes dix-huit peplum ? […] Je crains cependant, si la pièce était jouée, qu’elle ne nous accablât par un excès d’horreur physique. […] Oui, cela est beau, ne craignons pas de le dire.
Est-ce à toi de les craindre. […] L’expression naïve de leurs sentimens vole sans effort sur leurs lévres, ils osent se montrer tels qu’ils sont ; la confiance s’établit, le rapport de goût se fortifie, l’amitié les unit à jamais, ils pensent ensemble, & ils n’ont point à craindre que la cupidité vienne briser des nœuds dont le charme fait toute la force. […] Que craignez-vous ?
Grâce à Dieu, nous n’avons pas à craindre que ce jour soit près de nous. […] La niaise littérature des coteries et des salons, la science des curieux et des amateurs est bien dépréciée par ces terribles spectacles ; le roman-feuilleton perd beaucoup de son intérêt au bas des colonnes d’un journal qui offre le récit du drame réel et passionné de chaque jour ; l’amateur doit bien craindre de voir ses collections emportées ou dérangées par le vent de l’orage. Pour prendre goût à ces paisibles jouissances, il faut n’avoir rien à faire ni rien à craindre ; pour rechercher d’aussi innocentes diversions, il faut avoir le temps de s’ennuyer.
Vous n’auriez pas été surpris en sortant de votre solitude de les trouver tels qu’ils sont ; et vous auriez appris à en aimer quelques-uns, à fuir le reste, et à les craindre tous. […] Je ne doute point qu’on n’ait été très peu équitable sur l’ouvrage de philosophie que vous avez mis au jour ; mais le premier fruit de la philosophie doit être de s’attendre à l’injustice, et de la pardonner d’avance, sans la braver et sans la craindre. […] Peut-être oserai-je l’entretenir dans un autre moment de la suite de cette conversation ; aujourd’hui je craindrais trop de le fatiguer en le justifiant, même contre des imputations graves et peu respectueuses ; la manière la plus criante de lui manquer de respect est de l’ennuyer et c’est pour cela que je finis.
Aussi nous ne craignons pas d’y pénétrer comme dans un champ sans maître, qui appartient au premier occupant (res nullius, quæ occupanti conceduntur). Nous ne craindrons point d’aller contre les droits de personne, lorsqu’en traitant ces matières nous ne nous conformerons pas, ou que même nous serons contraires, aux opinions que l’on s’est faites jusqu’ici sur les origines de la civilisation, et que par là nous les ramènerons à des principes scientifiques. […] On sent ce qu’ont de sérieux ces communications entre les premiers peuples, qui, à peine sortis de l’état sauvage, vivaient ignorés même de leurs voisins, et n’avaient connaissance les uns des autres qu’autant que la guerre ou le commerce leur en donnait l’occasion.Ce que nous disons de l’isolement des premiers peuples s’applique particulièrement aux Hébreux. — Lactance assure que Pythagore n’a pu être disciple d’Isaïe. — Un passage de Josèphe prouve que les Hébreux, au temps d’Homère et de Pythagore, vivaient inconnus à leurs voisins de l’intérieur des terres, et à plus forte raison aux nations éloignées dont la mer les séparait. — Ptolémée Philadelphe s’étonnant qu’aucun poète, aucun historien n’eût fait mention des lois de Moïse, le juif Démétrius lui répondit que ceux qui avaient tenté de les faire connaître aux Gentils, avaient été punis miraculeusement, tels que Théopompe qui en perdit le sens, et Théodecte qui fut privé de la vue. — Aussi Josèphe ne craint point d’avouer cette longue obscurité des Juifs, et il l’explique de la manière suivante : Nous n’habitons point les rivages ; nous n’aimons point à faire le négoce et à commercer avec les étrangers.
en osant plaisanter l’Académie sur la mauvaise foi du discours qu’elle a mis dans la bouche de son directeur, j’ai craint d’être pris pour un effronté. […] Lanfranc, je crains les applications. […] Racine et Corneille, au nom desquels vous parlez, n’ont rien à craindre de ce voisinage ; mais vous ! […] Je craindrais d’abuser de votre patience si je vous présentais d’autres exemples du savoir de ces messieurs dans tout ce qui ne tient pas à la littérature ancienne. […] « En 1787 personne ne songeait à applaudir la liberté ; aujourd’hui il serait à craindre que ce mot ne devînt un drapeau.
Vertot, écrivain judicieux, non sans agrément, serait lu avec plus de plaisir, si l’on ne craignait d’être dupe et d’assister à un siège fait d’avance. […] Voltaire aimait la vérité, il n’a pas toujours craint le péril de la dire ; mais, comme Fontenelle, il lui préférait sa commodité. […] Il y a quelque chose qu’il craint plus que d’être trompeur, c’est d’être dupe. […] Qu’il ne baisse les yeux devant personne, dit Quintilien ; qu’il s’accoutume tout enfant à ne pas craindre les hommes. […] Excitez son émulation par la louange, et quoique l’ambition soit un vice, comme elle peut donner matière à certaines vertus, ne craignez pas de la lui apprendre.
Étienne Pasquier écrivait à Ronsard en 1555, six ans seulement après que Du Bellay, dans l’Illustration de la Langue, avait sonné la charge et prêché la croisade : « En bonne foi, on ne vit jamais en la France telle foison de poëtes… Je crains qu’à la longue le peuple ne s’en lasse ; mais c’est un vice qui nous est propre, que, soudain que voyons quelque chose succéder heureusement à quelqu’un, chacun veut être de sa partie sous une même promesse et imagination qu’il conçoit en soi de même succès. » Pasquier veut bien croire que tous ces nouveaux écrivasseurs donneront tant plus de lustre aux écrits de Ronsard, « lesquels, pour vous dire en ami, continue-t-il, je trouve très-beaux lorsque avez seulement voulu contenter votre esprit ; mais quand, par une servitude à demi courtisane, êtes sorti de vous-même pour étudier au contentement, tantôt des grands, tantôt de la populace, je ne les trouve de tel alloi. » En sachant gré au poëte de l’avoir nommé en ami dans ses écrits, il ajoutait : « Mais, en vous remerciant, je souhaiterais que ne fissiez si bon marché de votre plume à haut louer quelques-uns que nous savons notoirement n’en être dignes ; car ce fesant vous faites tort aux gens d’honneur. […] Cette fièvre même de la mort qu’il portait dans son sein, et qui lui faisait craindre (contradiction naturelle et si fréquente) de ne pas assurer à temps sa rapide existence, pouvait sembler aux indifférents de l’avidité. […] Viguier, qui craignait de le voir quitter la poésie pour la prose polémique, il répond qu’il faut bien subir la loi de son temps, et, sans attendre la lenteur du vers, courir par moments à des armes plus promptes : Diras-tu que jadis les affaires publiques Offrirent plus d’un trait aux muses satiriques ? […] En même temps que Loyson regrettait que l’éditeur d’André Chénier eût trop grossi le volume, Étienne Becquet, le même que nous avons vu mourir voisin des Ménades, mais qui, je le crains, n’aura point sa place au bosquet, exprimait dans les Débats, et bien plus vivement, les mêmes reproches.
Eynard, très-différent en cela du vulgaire des biographes, n’a nullement flatté son héroïne ; il ne craint pas de nous la montrer dans la contradiction et le désordre des sentiments qui l’agitent et qui, plus d’une fois, l’égarent. […] Eynard a chassé le nuage où la figure de Mme de Krüdner se dessinait : s’il y a lieu de discuter sur quelques points avec l’excellent et complet biographe, je ne craindrai donc pas de le faire. […] « Les gens médiocres craignent l’exaltation, parce qu’on leur a dit qu’elle pouvait avoir des suites nuisibles ; cependant c’est une maladie qu’on ne peut pas leur donner. […] A peine arrivée le soir au château où elle devait coucher, Mme de Krüdner et son monde se mirent donc à prêcher et le maître et les gens ; et, comme il y avait menace d’orage ce soir-là, le bon gentilhomme de campagne, qui craignait que le vent n’enlevât sa toiture, et qui avait hâte d’aller fermer les fenêtres de son grenier, se voyant arrêté sur l’escalier par une prédication, trouvait que c’était mal prendre son heure.
Ne craignez pas que le murmure De tous ces astres à la fois, Ces mille voix de la nature, Étouffent votre faible voix ! […] pour la vérité n’affectons pas de craindre ; Le souffle d’un enfant là-haut peut-il éteindre L’astre dont l’Éternel a mesuré les pas ?
Le riche craint de multiplier ses enfants. Le pauvre craint de multiplier les malheureux.
Géruzez disait : « Je crains l’homme d’un seul livre, surtout lorsque ce livre est de lui. » Craignez un peu d’être l’homme d’un seul livre, le livre fût-il même d’un autre ; ce n’est qu’une circonstance atténuante.
Son art est précisément de saisir ces demi-teintes, ces nuances indécises qui craindraient le grand jour de la scène comique ; son secret est de nous montrer, à distance et de profil, certains objets qui, vus autrement, perdraient une partie de leur grâce. […] Magnin, et je ne craindrai pas de mettre de côté dans son élégant et ingénieux bagage, ou du moins de rejeter en seconde ligne, ce qui ne lui appartient pas en propre : nous discernerons plus sûrement ensuite ce qui est bien à lui. […] Il n’insista pas sur les vraies causes qui expliquaient et légitimaient suffisamment la réaction. : il s’efforça plutôt d’en atténuer le sens, comme s’il eût craint de rompre avec ceux qu’elle contrariait. […] Évidemment il n’aimait plus la guerre, il craignait les coups ; il évitait de se commettre. […] A le voir passer dans ces grandes salles et glisser légèrement à pas menus et discrets le long des boiseries sombres et des armoires grillées, il semblait qu’il craignît d’y faire bruit lui-même et d’y éveiller l’écho de tant de générations d’auteurs endormis : c’était un des leurs, un peu en retard, un ami qui, même quand il avait à les consulter, semblait ne vouloir troubler que le moins possible leur repos.
Je craignais que cette émotion, toute de reconnaissance et de bonne intention au début, ne gagnât de rue en rue la ville, n’accumulât une armée entière sur nos pas et ne rallumât dans la multitude l’apparence des séditions que nous nous félicitions d’avoir apaisées. […] Déjà les premiers arrivés, qui me précédaient, y frappaient à grands coups pour que la porte s’ouvrît à ma fuite ; mais le concierge, entendant ce tumulte et ces clameurs sans en connaître la cause, et craignant un assaut de la maison de son maître, refusait d’ouvrir : « — Ouvrez avec confiance, lui criai-je à demi-voix, ne craignez rien, c’est un ami d’Hugo, c’est moi, c’est Lamartine ! […] Mais le nombre, les cris, les coups contre le bois et le fer des battants descellés des gonds, faisaient craindre un assaut qui ébranlerait les murailles. […] Moquez-vous des poètes, hommes de prose, mais craignez-les : ils ont le mot des destinées, et, sans le savoir, ils le prononcent ! […] J’écrivis à Hugo pour lui dire « que je l’avais lu, que j’étais tour à tour ravi du talent, blessé du système ; que la critique radicale de la société, chose sacrée parce qu’elle est nécessaire, chose imparfaite parce qu’elle est humaine, m’était antipathique ; que, si j’écrivais sur son livre, je respecterais avant tout l’homme, l’amitié, le suprême talent, le génie, cette épopée du talent ; mais qu’en confessant mon admiration pour le talent, il me serait impossible de ne pas combattre à armes cordiales le système ; et qu’en combattant le système, je froisserais peut-être involontairement l’homme et l’œuvre ; que par conséquent j’attendrais sa réponse avant d’écrire une ligne de l’admiration et de la réprobation qui bouillonnaient en moi ; et que, s’il craignait que la condamnation des idées du livre ne blessât le moins du monde en lui l’homme et l’ami, je n’écrirais rien, car, même pour défendre la société, il ne faut jamais, comme un vil séide, enfoncer même une épingle au cœur d’un ami, et qu’il me répondît donc, s’il le jugeait à propos ; que, s’il ne me répondait pas, j’interpréterais son silence, et je n’écrirais rien ».
On craint que, devant ces innombrables yeux ouverts sur sa vie, l’homme, regardé de tous côtés et connu de la nature, ne finisse par moins estimer le privilège de la pensée qui cesse d’être un mystère entre Dieu et lui. […] La pénétration qui ne craint pas d’être subtile, la sensibilité, la raison, pourvu qu’elle ne sente pas l’école, le caprice même à l’occasion, le fin du détail, l’image transportée de la poésie dans la prose, telles en sont les qualités éminentes. […] Je ne dirai de lui qu’une chose : c’est que je voudrais ne pas craindre pour Scribe la fortune de Sedaine. […] Je craindrais moins les retours du goût pour les bons romans de Balzac si les mœurs en étaient moins anecdotiques et la langue plus naturelle. […] Si je ne craignais d’être doublement dans l’illusion, comme contemporain et comme ami, j’oserais prédire à deux conteurs charmants et populaires, aussi heureux dans le roman qu’au théâtre, que leurs œuvres auront des lecteurs en France, tant qu’on y goûtera les délicatesses du sentiment et de la pensée exprimées dans la langue des bons écrivains.
. — Cependant, je crains ta nature trop abondamment composée du lait des tendresses humaines pour te conduire par le chemin le plus court. […] Noble Glamis, ce que tu veux obtenir te crie : « Voilà ce qu’il te faut faire si tu prétends obtenir. » Voilà ce que tu crains de faire plutôt que tu ne désires que cela ne soit pas fait. […] Craindras-tu de montrer tes actions et ta puissance égales à ton désir ? […] Pauvre petit oiseau, répond la mère, ainsi tu ne craindras pas le filet, la glu, le piége, le trébuchet ? — Pourquoi les craindrais-je ?
Ce siège ne se passe point sans opposition de la part de bon nombre des pèlerins zélés ou soi-disant tels, ni de la part de Rome, qui craint de voir se dissiper une expédition sainte. […] s’écrie tout d’un coup Nicétas en s’interrompant, le Barbare devance mes paroles ; il est emporté plus rapide dans sa course que l’aile de l’Histoire, et aucun obstacle ne l’arrête ; car elle, elle en est encore à le montrer saccageant Thèbes, s’emparant d’Athènes, envahissant l’Eubée : mais lui, il ne marche pas, il vole, il traverse les airs laissant en arrière tout récit ; il marche vers l’Isthme, il renverse l’armée romaine qui lui barre le passage ; il pénètre dans cette ville assise sur l’Isthme même et qui était jadis l’opulente Corinthe ; il se porte à Argos, il enveloppe tout le pays de Lacédémone, il s’élance dans l’Achaïe, court de là à Méthone, et se rue sur Pylos, la patrie de Nestor : puis, arrivé aux bords de l’Alphée, il s’abreuvera, je pense, de ses ondes, et, s’y baignant, il y puisera le souvenir de la tradition antique et gracieuse ; et, dès qu’il aura su que le fleuve s’est fondu d’amour pour Aréthuse, la source de Sicile, qui désaltère les fils de l’Italie, je crains fort que, ne faisant violence au fleuve lui-même, il n’écrive sur ses eaux et ne fasse savoir par lui à ses compatriotes de là-bas les exploits dont ont souffert les Grecs. […] Que si l’on dit que c’est en fuyant Alphée qu’Aréthuse traverse ainsi les mers à l’état de fontaine, elle a bien plus à craindre encore en un tel moment que son onde ne se mêle à celle du fleuve qui la suit, qu’au flot marin qui l’environne ; et, après que la nymphe s’est dérobée et est devenue une fontaine de Sicile, c’est la poursuite de l’Alphée, du fleuve grec comme l’appelle Nicétas, du fleuve plongeur, comme l’a appelé Moschus, qui demeure la merveille perpétuelle et toujours vive à travers les mers ; mais il ne convient pas de trop presser la mythologie.
Mme Récamier était, en 1823-1824, leur confidente à tous deux ; elle entrait bien pour quelque chose dans leur jalousie, dans leur rivalité déguisée ; elle penchait d’inclination, je le crains, pour le moins sage (les meilleures même des femmes sont ainsi) ; pourtant elle savait tenir la balance assez indécise encore : chacun était écouté, chacun lui parlait de l’autre ; tout le monde était content, personne n’était trahi. […] Créature privilégiée, prenez un peu de confiance, soulevez votre tête charmante, et ne craignez pas d’essayer votre main sur la lyre d’or des poètes. […] Si j’osais me permettre aujourd’hui une espèce de jugement sur une société à jamais regrettable, dont j’ai été, et dont l’auteur des Mémoires veut bien m’assurer que j’aurais pu être encore davantage, je dirais qu’en admettant qu’il y eût péril et inconvénient par quelque endroit dans ce monde gracieux, ce n’était pas du côté du goût ; il s’y maintenait pur, dans sa simplicité et sa finesse ; il s’y nourrissait de la fleur des choses : s’il y avait un danger à craindre, c’était le trop de complaisance et de charité ; la vérité en souffrait.
Le goût a des flux et des reflux bizarres ; ce sont des courants qu’il faut suivre et qu’il ne faut pas craindre d’épuiser. […] Jean-Jacques n’a pas craint de soutenir que Titus serait plus intéressant s’il sacrifiait l’empire à l’amour, et s’il allait vivre avec Bérénice dans quelque coin du monde, après avoir pris congé des Romains : une chaumière et son cœur ! […] Si redonner de la nouveauté à Racine était une conquête, il ne fallait pas craindre d’aller jusqu’au bout, et, après avoir fait son entrée dans ces grands rôles qui sont comme les capitales de l’empire, il y avait à se loger encore plus au cœur : Bérénice, quand il s’agit de Racine, c’est comme la maison de plaisance favorite du maître.
La raison est un juge sévère qu’il faut craindre, l’oreille un juge orgueilleux qu’il faut ménager. […] Ne pouvant donner à la copie une parfaite ressemblance, il doit craindre de ne lui pas donner tout ce qu’elle peut avoir. […] Objectera-t-on qu’il est à craindre que cette liberté ne dégénère en licence ?
Ne semble-t-il pas alors que jamais écrivain ne fut placé dans une position plus heureuse, sous le rapport de l’indépendance, puisque je ne tiens mes opinions ni des hommes, ni des choses, ni de ma position dans le monde, ni d’un sentiment personnel et intéressé qui me fasse aimer ou craindre les circonstances actuelles, chérir ou redouter les souvenirs anciens ? […] Des hommes impatients, qui craignaient de ne pas arriver assez tôt à la pleine jouissance de ce nouvel avenir qui leur était offert, crurent qu’ils ne pouvaient obtenir de garantie à cet égard que par un changement de dynastie. […] Mais, comme il est utile d’avouer les fautes de tous, ne craignons pas de le dire : l’erreur que nous signalons eut peut-être quelques justes fondements dans les étroites prétentions d’hommes peu habiles à interpréter les sentiments d’un peuple.
« Parlerai-je de Titius, dit-il183, destiné bientôt à retentir dans les bouches romaines, lui qui n’a pas craint d’aborder la pleine source de Pindare, par dégoût des lacs immobiles et des courants ouverts à tous ? […] « Régulus, et les deux Scaurus, et Paul Emile, prodigue de sa glorieuse vie devant le Carthaginois vainqueur, voilà ce que ma reconnaissance redira dans des vers célèbres, et avec eux Fabricius ; « Et lui, et Curius aux cheveux hérissés, la rude pauvreté les enfanta pour la guerre, sur le petit domaine et près du foyer de leurs pères. » Le poëte d’Auguste n’a pas craint ces grandes images, usurpées par l’empire avec l’ancienne gloire de Rome. […] Moi, je ne craindrai ni trouble ni mort violente, alors que César gouverne la terre.
Les hommes sont là pour craindre, s’ils ne sont pas là pour aimer ; la terreur qu’on inspire, flatte et rassure, isole et enivre, et avilissant les victimes, semble absoudre leur tyran. […] Si l’on quitte la vie pour échapper aux peines du cœur, on désire laisser quelques regrets après soi ; si l’on est conduit au suicide par un profond dégoût de l’existence qui sert à juger la destinée humaine, il faut que des réflexions profondes, de longs retours sur soi, aient précédé cette résolution ; et la haine qu’éprouve l’homme criminel contre ses ennemis, le besoin qu’il a de leur nuire, lui feraient craindre de les laisser en repos par sa mort ; la fureur dont il est agité, loin de le dégoûter de la vie, fait qu’il s’acharne davantage à tout ce qui lui a coûté si cher.
Ses filles trouvent des époux dans leurs amants, et Brizio, le frère avec qui il craignait d’être obligé de partager ses biens, se trouve être très riche et sans famille. […] Messer, ne craignez pas que le patron soit ingrat envers vous.
« Cependant les autres, les Repus dans leurs palais qui craignent et qui haïssent les poètes autant qu’ils craignent et qu’ils haïssent leurs ensevelis, se réjouissent de ces dissensions.
On doit dire, il est vrai, pour sa justification, que ses lettres n’ont été écrites à personne ; qu’elles ne traitent ni de nouvelles ni d’affaires ; qu’elles ne sont proprement que des discours travaillés avec autant de soin que ses autres écrits ; qu’ainsi son imagination étoit moins à craindre & qu’il a pu se donner carrière, s’éloigner du ton des Bussy-Rabutin & des Sévigné, faire des ouvrages académiques plutôt que des lettres simples & ordinaires. […] du sein des morts rallumant son couroux, Il se fait craindre encore, & me porte des coups !
L’étude de l’écorché a sans doute ses avantages ; mais n’est-il pas à craindre que cet écorché ne reste perpétuellement dans l’imagination ; que l’artiste n’en devienne entêté de la vanité de se montrer savant ; que son œil corrompu ne puisse plus s’arrêter à la superficie ; qu’en dépit de la peau et des graisses, il n’entrevoie toujours le muscle, son origine, son attache et son insertion ; qu’il ne prononce tout fortement, qu’il ne soit dur et sec, et que je ne retrouve ce maudit écorché même dans ses figures de femmes ? […] Ne craignez pas qu’il s’avise de dire au pauvre diable gagé, Mon ami, pose-toi toi-même, fais ce que tu voudras ; il aime bien mieux lui donner quelque attitude singulière que de lui en laisser prendre une simple et naturelle.
S’il est moins honteux d’être flatteur quand on craint d’être ingrat, Horace et Virgile furent moins coupables ; ils louaient leur bienfaiteur ; mais Ovide qui louait son oppresseur ! […] Ce Polybe avait été esclave et était tout-puissant, suivant la coutume de Rome, où les empereurs, soit par paresse de faire un choix, soit par l’habitude d’être gouvernés, soit par la confiance qu’inspire une bassesse de tous les jours, soit pour ne pas confier leur pouvoir à des hommes qu’ils pouvaient craindre, soit par ce secret orgueil que sent un despote à faire adorer ses esclaves, choisissaient presque toujours leurs ministres parmi leurs affranchis.
Elle n’a rien à craindre de ce côté. […] Les Grecs aussi craignaient la mort. […] Je crains que le troisième sens ne m’échappe à jamais. […] Il ne craint ni de choquer, ni de déplaire. […] Ils eussent craint d’amollir leurs enfants en les caressant.
Ne craignons point d’user de notre raison : elle est l’arbitre naturel de tout ce que les hommes nous proposent. […] On peut conclure du moins de cette diversité de vues qu’on attribuë à Homere, que son dessein n’est pas évident ; et qu’après tant de sçavans qui n’ont pû s’accorder là-dessus, on doit craindre encore de s’y méprendre. […] On ne craint rien pour l’un, on n’espere rien pour l’autre. […] Je ne craindrai point de dire qu’Homere peche en tous ces endroits, contre le principe qui doit guider un poëte dans le choix des circonstances. […] Comme ils appréhendent de passer pour téméraires, par le choix d’un travail au-dessus de leurs forces, je dois craindre de passer pour bizarre et pour ridicule, en choisissant un ouvrage que je parois n’estimer pas assez.
La nature craint la confusion et le mépris ; mais la grâce se réjouit de souffrir des opprobres pour le nom de Dieu. […] Si vous aviez une bonne conscience, vous craindriez peu la mort. […] Celui qui marche devant moi dans la vérité ne craindra nulle attaque ; la vérité le délivrera des calomnies et des séductions des méchants. […] Le Seigneur est ma lumière et mon salut : que craindrai-je ? Quand une armée se rangerait en bataille contre moi, mon cœur ne craindrait pas.
On n’a pas à craindre de subtiliser avec elle sur le sentiment, car elle était plus que tout subtile. […] J’y ai mis cet endroit qui vous est si sensible…, et je n’ai pas craint de le mettre parce que je suis assurée que vous ne le ferez pas imprimer quand même le reste vous plairoit. […] Nous autres grands auteurs sommes trop riches pour craindre de rien perdre de nos productions… » Notons bien tout ceci : Mme de Sablé dévote, qui, depuis des années, a pris un logement au faubourg Saint-Jacques, rue de la Bourbe, dans les bâtiments de Port-Royal de Paris ; Mme de Sablé, tout occupée, en ce temps-là même, des persécutions qu’on fait subir à ses amis les religieuses et les solitaires, n’est pas moins très-présente aux soins du monde, aux affaires du bel-esprit : ces Maximes, qu’elle a connues d’avance, qu’elle a fait copier, qu’elle a prêtées sous main à une quantité de personnes et avec toutes sortes de mystères, sur lesquelles elle a ramassé pour l’auteur les divers jugements de la société, elle va les aider dans un journal devant le public, et elle en travaille le succès. Et, d’autre part, M. de La Rochefoucauld, qui craint sur toutes choses de faire l’auteur, qui laisse dire de lui, dans le Discours en tête de son livre, « qu’il n’auroit pas moins de chagrin de savoir que ses Maximes sont devenues publiques, qu’il en eut lorsque les Mémoires qu’on lui attribue furent imprimés ; » M. de La Rochefoucauld, qui a tant médit de l’homme, va revoir lui-même son éloge pour un journal ; il va ôter juste ce qui lui en déplaît. […] Vinet semble moins convaincu : on fera, dit-il, ce qu’on voudra de ces passages de Mme de Sévigné, témoin de ses derniers moments : « Je crains bien pour cette fois que nous ne perdions M. de La Rochefoucauld ; sa fièvre a continué ; il reçut hier Notre-Seigneur : mais son état est une chose digne d’admiration.
” « Quelques rares amis visitaient Marat dans sa morne solitude : c’étaient Armonville, le septembriseur d’Amiens ; Pons de Verdun, poète adulateur de toutes les puissances ; Vincent, Legendre, quelquefois Danton ; car Danton, qui avait longtemps protégé Marat, commençait à le craindre. […] La tête craignait le bras, le bras craignait la tête. […] Sa mémoire elle-même est un problème qui fait craindre à l’historien de manquer de justice ou de réprobation en la jugeant. […] Danton l’abandonna ; Robespierre affecta de le craindre ; Marat le dénonça ; Camille Desmoulins le montra du doigt aux terroristes.
Après avoir rejoint Catinat, Villars diffère encore d’opinion avec lui dans la supposition d’une retraite prochaine : quand l’ennemi ferait un mouvement dans la Haute-Alsace, il est d’avis qu’on n’abandonne pas Saverne, et qu’on se poste vers la montagne, assurant sa communication avec la Lorraine ; au lieu que Catinat, qui craint pour le pays plat d’Alsace, veut tenir sur le Rhin. […] Je me persuade qu’avec le corps de troupes que vous avez, lorsqu’il sera renforcé par celui-ci, vous serez en état par vous-même de vous avancer, sans craindre que l’armée des ennemis puisse vous en empêcher… Catinat recevait en même temps une lettre du roi qui lui disait, après les motifs déduits : Tout cela bien examiné et discuté, je ne vois pas de meilleur parti à prendre que de soutenir et de renforcer le marquis de Villars, afin de le mettre en état d’entreprendre seul ce qu’il jugera à propos pour faciliter sa jonction avec l’électeur de Bavière. […] Il sentait à son tour le poids de la responsabilité : « Ce que je crains le moins, ce sont les ennemis, écrivait-il ; et dès que j’aurai passé le Rhin, mon salut consiste à les chercher partout, et je désire seulement qu’ils ne prennent pas le parti d’éviter le combat. » Louis XIV fut mécontent de ce raisonnement prolongé et de cette persistance de Villars dans son propre sens : Vous m’aviez bien mandé, lui écrivit-il (19 mars 1703), le besoin que vos troupes avaient de repos, et la nécessité de leur donner un mois ou cinq semaines pour se rétablir, faire joindre leurs recrues, et les réparations dont elles avaient besoin pour être en état d’agir plus utilement ; mais vous ne m’aviez pas donné lieu de croire que vous les feriez repasser dans l’Alsace ; je devais même être persuadé que vous les feriez cantonner de l’autre côté du Rhin. […] Je ne crains pas d’insister sur cette étude de Villars, parce qu’il me semble qu’en exprimant à fond, et à l’aide de ses propres paroles, sa brillante nature si décidée et si en dehors, je dépeins peut-être plus d’un homme en sa personne et plus d’un vaillant guerrier· 9.
Coray, atteint et un peu piqué, le lui rendit et le traita presque comme un imberbe, en lui citant un vers d’Aristophane : « Il faut commencer par être rameur avant de mettre la main au gouvernail. » Boissonade n’eut guère jamais, depuis, de ces pointes de polémique : il eût trop craint les représailles. « Rien n’est si bon que la paix », écrivait-il un jour à un helléniste mieux armé que lui et qui sait vivre, quand il le faut, sur le pied de guerre13. […] Son autorité y était grande ; il semblait craindre d’en user. […] Il craignait les suites de toute relation, les conséquences, ce qui enchaîne. […] Il se piquait de connaissances botaniques et ne craignait même pas d’en faire montre, à l’occasion, dans son cours.
Plus il sent le prix du bonheur, moins il croit que sa maîtresse puisse le lui facilement accorder ; d’ailleurs, peut-être se livre-t-il trop entièrement à son plaisir, et craint-il de n’en point donner. […] Enfin je commençai à craindre que ma joie ne me fît perdre la raison. […] Cette pensée, pour devenir tout à fait vraie, ne doit pas craindre de s’énoncer avec plus d’énergie, et je risque ici la variante qu’un ami plus sévère que moi (j’ai toujours cet ami-là à mes côtés) me souffle à l’oreille : « Balzac romancier est un médecin, quelque peu suborneur, de maladies cutanées ou sous-cutanées, de maladies lymphatiques secrètes, — quelque chose entre Alibert et Cullerier. — Il a des arts secrets, de certains tours de main, comme en a l’accoucheur, le magnétiseur. […] Je sais une femme qui a pour mari un homme de génie ou qu’elle croit tel (ce qui revient au même), et dont elle craint de n’être pas assez aimée ; cette femme a été séduite à Balzac par Mme Claës.
Nisard, l’un de nos amis, et, s’il nous permet de le dire, notre rival en plus d’une rencontre, qui nous a témoigné souvent dans ses écrits une faveur de louange (ou de clémence après l’attaque) que nous ne lui avons pas assez rendue, que nous craignons de ne pas assez lui rendre aujourd’hui encore. […] Nisard, après être entré dans son sujet sans trop de parti-pris peut-être, et avec l’idée de peindre surtout les mœurs romaines par les poëtes, est vite arrivé à concevoir que ce cadre était tout naturellement ouvert à une protestation motivée contre le goût et les prétentions d’une école qu’il craignait d’avoir d’abord servie, et qu’il jugeait sage de répudier. […] L’abbé du Guet, je me le rappelle, dans une lettre sur les études classiques, ne craint pas de recommander Stace pour quelques pièces charmantes des Sylves. […] Cette rivière, ailleurs rapide, mais qui se ralentit et coule si doucement à travers le Tibur de Manlius Vopiscus, semble craindre de troubler des jours et des nuits où les songes mêmes sont aux Muses : Pieriosque dies et amantes carmina somnos.
Je n’ai pas craint de fixer ce souvenir qui, toutes les fois que les succès de M ignet se renouvellent, m’apparaît de loin tout au début de sa carrière. […] Quant à ces neveux si vite consolés dont parle De Maistre, et que l’inexorable écrivain n’a pas craint de montrer dansant sur les tombes ; quant à ceux dont Béranger avec plus de sensibilité disait : Chers enfants, dansez, dansez, Votre âge Échappe à l’orage ! […] Au reste, il n’est guère à craindre qu’un tel genre, excellent dans l’application présente, devienne bien contagieux. […] Antonio Perez, jeté en prison, retenu captif durant onze années, traité avec des alternatives de ménagement et de rigueur, selon ce qu’on craignit ou qu’on espéra de ses aveux ; puis, quand on le crut dessaisi de tous papiers et de tous gages, livré à la justice secrète de Castille, poursuivi pour un acte dans lequel il n’avait été que l’exécuteur d’un ordre royal, mis à la torture, Perez parvint, à force d’adresse, et par le dévouement de sa femme 81, à s’échapper en Aragon ; et là, devant un libre tribunal, le duel s’engagea à la face du soleil, entre le sujet sacrifié et le monarque.
Je ne crains pas non plus que ton autorité soit inférieure à celle que j’ai eue jusqu’à ce jour : mais parce qu’une cité entière est un corps à plusieurs têtes, comme l’on dit, et qu’on ne peut pas être au gré d’un chacun, souviens-toi, au milieu de cette diversité, de suivre toujours le dessein que tu jugeras le plus honnête, et d’avoir égard à l’intérêt de tous plutôt qu’à l’intérêt d’un seul. » Il donna ensuite des ordres pour ses funérailles, pour qu’elles se fissent à l’instar de celles de son aïeul Côme, dans la mesure enfin qui convient à un simple particulier. […] « Il est en ville, répondis-je, parce qu’il a craint d’être fâcheux en venant ici […] — Et moi aussi, ajouta-t-il, si je ne craignais que la course le dérangeât, je voudrais bien lui dire un dernier adieu avant de vous quitter. — Désirez-vous qu’il vienne ? […] Lui, cependant, ne refusait rien, ne montrait aucune répugnance pour ce qu’on lui offrait, non qu’il se flattât de l’illusion de prolonger sa vie, mais parce qu’il craignait en mourant de faire la plus légère offense.
Il est agréable de faire passer aux yeux des hommes ce manque d’intelligence qui nous empêche de saisir la vérité pour une pénétration merveilleuse d’esprit, qui nous révèle des motifs de doute inconnus et inaccessibles au reste des hommes 193 » En se posant au-delà de tout dogme, on peut à bon marché jouer l’homme avancé, qui a dépassé son siècle, et les sots, qui ne craignent rien tant que de paraître dupes, renchérissent sur ce ton facile. […] Le scepticisme seul a le droit de rire, car il n’a pas à craindre les représailles. […] Nous craignons tant de nous laisser jouer que nous suspectons partout des attrapes, et nous sommes portés à croire que, si nos pères avaient été plus fins, ils n’eussent pas été si sérieux ni si honnêtes. […] Si une doctrine est vraie, il ne faut pas la craindre ; si elle est fausse, encore moins, car elle tombera d’elle-même.
Nous ne craignons pas de le dire, nous le disons sans craindre d’être démentis par cette raison qui entend ses véritables intérêts, le joug de la Foi étoit nécessaire à la raison humaine. […] Nous sommes bien éloignés de vouloir avilir nos Contemporains : mais quelle comparaison entre ces temps de grandeur & d'élévation, de franchise & de bonne foi, où la soumission religieuse contenoit les esprits, fixoit les sentimens, régloit les mœurs, & ce temps de vertige où tout paroît permis, où l'on n'est retenu par aucun frein, où l'on craint plus de manquer aux bienséances qu'à la vertu, où les rangs décident la Justice, où l'intérêt public est continuellement sacrifié à l'intérêt particulier ? […] Si, par fortune, ce prodige de grandeur qui subjugue les adversités, n’étoit qu’une méprise & qu’une erreur, quelle erreur, nous ne craignons pas de le dire, plus digne de notre admiration & de nos hommages ?
Cet esprit supérieur, que la France n’apprécia pas assez de son vivant, que la jeunesse vers la fin insultait à plaisir, qui ne s’appliquait point en effet à plaire, et qui ne craignait point du tout de choquer ou même de braver son public et son temps ; espèce de Royer-Collard dans sa sphère, ennemi aussi de la démocratie dans l’art, mais non point respecté comme l’autre, et qui semblait même jouir de son impopularité, M. […] Hurtault a fait, mais ce qu’il aurait su faire, il nous faudrait ouvrir ici les nombreux et vastes portefeuilles qu’il a remplis des plus beaux projets… » ; à l’instant des cris, des murmures, des exclamations éclataient du fond des tribunes, comme si l’on avait craint qu’il ne sortît jamais en effet de ces vastes portefeuilles, s’il venait une fois à s’y enfoncer. […] Villemain, lui en touchait un jour quelque chose : un vif sentiment de joie brilla sur son visage, mais ne fit que passer et disparut presque à l’instant : il craignait déjà de porter préjudice ou ombrage à un frère méritant et bien aimé.
C’est un poème des champs qui ne craint pas de sentir son foin et son fumier. […] On y retrouve l’homme qui a prospéré à la sueur de son front, et qui ne craint pas de faire sentir le poids et même la dureté de ses conseils à celui qui, après l’avoir lésé, se voit forcé, de recourir à lui. […] Léonce de Lavergne ou Arthur Young ; quand, par exemple, il étudie l’étable et le bétail ; quand il nous montre à l’œuvre et en ardeur de piocher, hiver comme été, le bon bêcheur à son compte ; quand il nous fait assister au premier essai de la nouvelle charrue, de l’instrument aratoire moderne qui a contre soi la routine et bien des jaloux ; quand il nous décrit la race des bœufs du mezenc (montagne du pays) qui, au labour, craignent peu de rivaux, et qui rendent au maître plus d’un office : Le lait, le trait, la chair, c’est triple bénéfice.
A son retour, le comte de Gisors donna un bon exemple : il ne craignait pas la mort, mais il craignait la petite vérole et ses laideurs. […] Dans une lettre du 18 juin à son père, cinq jours avant la bataille de Crefeld, M. de Gisors écrivait : « Je n’ai pu jusqu’ici vous parler à cœur ouvert ; vous verrez avec amertume que, si les choses demeurent dans l’état où elles sont, il n’y a pas le moindre succès à se promettre ; les plus grands malheurs sont à craindre, au contraire M. le comte de Clermont, dépourvu de toute connaissance du pays, incapable de former aucun projet par lui-même, ne veut être constamment gouverné par personne, et cependant se rend toujours l’avis du dernier.
Mais je crois la Charte suffisante pour donner à la Chambre l’occasion et le droit de s’expliquer, et, si je crains qu’elle soit attaquée un jour par le ministre, je ne crains pas moins qu’elle ne soit violée par un coup d’État parlementaire. […] Au 18 brumaire, il espéra mieux de sa patrie, mais il craignit le despotisme du sabre et ne s’engagea pas avec le dictateur.
Comme ce genre supporte et même suppose une psychologie très fine on ne craindra pas, au besoin, d’allonger un peu la pensée, en la tarabuscotant. […] Je prends au hasard dans cette poignée de maximes aussi capricieusement éparses qu’une poignée de jonchets, quelques-unes de celles que j’aime le mieux et qui rentrent le moins dans les catégories prévues par mon ami Pococurante : Je ne crains pas Dieu s’il sait tout. […] Même dans les scènes où elle exprime d’autres passions que celle de l’amour, elle ne craint pas de déployer, si je puis dire, ce qu’il y a de plus intime, de plus secret dans sa personne féminine.
Dans les premiers temps de ce séjour à Cirey, il écrivait à d’Argental, en revenant de faire un voyage de Hollande, et en nous découvrant toute sa pensée, ses affections, les parties les plus sérieuses de son âme : Je vous avoue que si l’amitié, plus forte que tous les autres sentiments, ne m’avait pas rappelé, j’aurais bien volontiers passé le reste de mes jours dans un pays où du moins mes ennemis ne peuvent me nuire, et où le caprice, la superstition et l’autorité d’un ministre ne sont point à craindre. […] Ce qui est seulement à craindre, c’est qu’on ne fasse avec faiblesse ce qu’on ferait avec force dans la santé. […] C’est ce point de vue tout nouveau, non pas du tout la justification complète, mais les explications et les raisons de notre état social, que Turgot aborde et expose dans des considérations critiques de l’ordre le plus élevé, et qui dépassaient de beaucoup, on ne craint pas de le dire, l’horizon de Mme de Graffigny.
La comédie fait rire, parce que les sottises des petits ne sont que des sottises : on n’en craint point les suites. […] Celui qui sacrifie sa fille peut être ambitieux, faible ou féroce ; celui qui a perdu son argent peut être riche ou pauvre ; celui qui craint ; pour sa maîtresse, bourgeois ou héros, tendre ou jaloux, prince ou valet : c’est au poète à se décider pour l’un ou pour l’autre. […] On ne sait plus si l’on doit s’affliger ou se réjouir, ni ce qu’on doit craindre ou espérer.
Celle-ci sans doute se flatte de corriger en riant les mœurs, et pour cela elle ne craint jamais d’étaler les ridicules ; elle se prend même quelquefois aux vices, et elle les produit vivement au grand jour pour leur faire honte. […] L’antique législateur ne craignait pas de montrer au noble enfant de Sparte l’Ilote ivre afin de le dégoûter à jamais de l’ivresse ; mais il est des images plus flatteuses et qui peuvent surprendre avant même que le temps de la réflexion et de la leçon soit venu.
Il était si frappant que ma fille me disait qu’elle l’aurait baisé cent fois pendant mon absence, si elle n’avait pas craint de le gâter. […] Comme depuis le péché d’Adam on ne commande pas à toutes les parties de son corps comme à son bras, et qu’il y en a qui veulent quand le fils d’Adam ne veut pas, et qui ne veulent pas quand le fils d’Adam voudrait bien ; dans le cas de cet accident, je me serais rappellé le mot de Diogène au jeune lutteur : mon fils, ne crains rien, je ne suis pas si méchant que celui-là. si cette femme s’est un peu promenée au sallon, elle aura vu passer avec dédain devant des productions fort supérieures aux siennes, et pueri nasum… etc., et elle s’en retournera un peu surprise de la sévérité de nos jugemens, plus sociable, plus habile, et moins vaine.
Nous avons trouvé des vers bien faits, de beaux moules à idées, sans l’idée, l’aisance d’un poète, mais non sa puissance, et nous avons craint que M. […] Louis Bouilhet n’est présentement aux yeux de la Critique, qui ne croit pas à la solidité des succès que les bourgeois bâtissent, rien de plus que la cinquième roue au char du romantisme qui dételle… Je sais bien qu’il ne nous croira pas, ni pour le romantisme ni pour lui… Il ne croira jamais, parce que nous le lui disons, qu’il n’est qu’un Victor Hugo de dixième venue, un enfant robuste qui n’a pas craint de toucher au cor de ce Roland qui a sonné dans Les Contemplations, son Roncevaux littéraire, et s’est mis à en sonner comme s’il était Roland lui-même, devant crever au bout, non de désespoir, mais de l’entreprise, quoiqu’il ait eu foi, comme un enfant, en sa trompette !
il est permis de le craindre, et cette conjecture n’est pas la seule qui nous afflige. […] Craignent-ils de nous sembler trop grands ? […] Je ne crains pas qu’une telle parole dans ma bouche puisse être accusée d’amertume. […] Pourquoi craindrais-je de m’abandonner aux chances de l’improvisation ? […] Hugo ne craint pas d’appeler du nom de poème dramatique.
Je crains bien d’en savoir l’un au moins des motifs. […] Mais je crains bien que les romans eux-mêmes de M. […] Je craindrais plutôt qu’on n’essayât d’un sentimentalisme à la Dickens où à la Dostoïevsky. […] Maurice Spronck ; et je crains bien que son jugement sur eux ne ressemble beaucoup à celui de la postérité. […] Je n’en sais rien ; et, s’il faut être franc, je crains qu’ils ne le sachent pas eux-mêmes.
On avait tout à craindre du ressentiment de Julie, tant qu’elle vivrait. […] Craignit-il de perdre la vie ? […] Ceux-ci craignent d’offenser ; ceux-là redoublent de turpitude pour plaire. […] S’ils craignaient la mort, pourquoi mouraient-ils sans se plaindre ? […] L’homme craint-il de mourir trop vite et metil tant de prix à un instant de plus ?
Il y a dans ses écrits une grande diffusion de talent, si je puis dire ; le talent, comme un air vif et subtil, y est disséminé partout, et ne s’y réfléchit guère avec splendeur et couleur à aucun endroit en particulier ; il craint de paraître viser à l’effet, il se méfie de l’emphase ; c’est tout au plus si par places il se permet des portraits proprement dits, tels que ceux du roi de Prusse Frédéric-Guillaume et de l’empereur Alexandre (pages 424-457), et encore il les fait alors, beaucoup plus fins et-spirituels que saillants et colorés. […] Thiers n’est guère différente ; il est arrivé seulement que M. de Viel-Castel, plus attaché d’origine aux traditions monarchiques, n’a pas craint de se montrer à la rencontre plus rude parfois et plus bref dans l’énoncé de ses jugements envers d’anciens amis ; il n’y a pas mis tant de façons : M.
« En effet, avec notre résistance légale, notre refus de payer l’impôt, dernier refuge des libertés, nous n’en restions pas moins isolés, et la lenteur du moyen ne produisant sur le travail qu’une diminution progressive, il était à craindre que ce qui vit d’un travail journalier tombât dans le découragement, et qu’un ministère d’un peu de capacité ne tournât contre nous des ressentiments naturels à la misère. […] Trois jours de combat, et les ateliers se rouvrirent avec la certitude d’une longue sécurité ; c’est ce que voulait un peuple qui craint le joug du besoin, mais qui a accepté la nécessité du travail depuis qu’il jouit d’un peu d’aisance et d’un peu d’instruction qui doivent tendre à s’accroître, dès que des habitudes nouvelles lui ont fait comprendre qu’il n’y a rien de plus moral que le travail pour ceux qui ont leur fortune à commencer, et que la vie publique pour ceux dont la fortune est faite. » Après ce qui s’est passé dans les rues, l’auteur de la brochure comprend et indique très-bien ce qui doit se passer dans le gouvernement par rapport à la société.
De l’organisation la plus heureuse, fait essentiellement pour les lettres, il y débuta en se jetant éperdument dans le feuilleton dramatique, alors florissant, et malgré tous les Mentors, — il en avait plusieurs, — qui craignaient les Eucharis du théâtre pour ce Télémaque en plein feu d’imagination et de jeunesse… La grande littérature du milieu du dix-neuvième siècle était morte ou allait mourir : Balzac et Stendhal n’étaient plus ; Gozlan vivait encore, mais les deux plus grands poètes du siècle, de Musset et Lamartine, étaient tombés, l’un des bras d’une indigne femme dans le désespoir enivré qui devait le tuer, l’autre dans la vie politique, qu’on pourrait appeler la mort littéraire, où il s’engloutit, la lyre à la main, comme Sapho, qu’il avait chantée, dans la mer ! […] L’érudit grand seigneur, qui a dédaigné d’apporter une seule note justificatrice à l’appui d’affirmations qu’il n’a pas craint de voir démenties n’a dans son livre actuel ni théorie ambitieuse ou paradoxale, ni enthousiasme faux ou travaillé, ni impertinence de sceptique qui écrit l’histoire pour la troubler et l’ébranler.
Ainsi, par exemple, dans cette Histoire de Philippe II, il est naturellement — et comme il doit l’être, lui, — contre l’Inquisition ; mais il n’a aucune des furies de la peur après coup de ces drôles que les temps modernes, et l’Église elle-même, ont délivrés du feu que dans d’autres temps ils auraient pu craindre. […] Prescott n’a pas craint de montrer une pitié que beaucoup auraient tue pour que leur tigre fût plus complet.
L’intérêt brûlant dont je parlais plus haut a peut-être été trop brûlant… On a craint d’y exposer ses doigts. […] Cette blanche hermine, qui a vécu dix-huit ans… vous savez bien où, sans en mourir, — a craint la tache que M.
Aujourd’hui, après tant d’années, quand ceux qui lui firent politesse et lui versèrent l’éloge sans doses, parce que peut-être ils ne le craignaient plus, sont endurcis, ou du moins endormis dans l’indifférence de la vieillesse, dans l’égoïsme des derniers jours, il nous sera permis, j’imagine, de juger froidement, sans faire crier et clabauder personne, ce surfait du compagnonnage et de la pitié, et d’en donner exactement la mesure pour que désormais l’opinion ne l’exagère plus. […] Il était riche, ou du moins il avait assez pour ne pas craindre ce cruel baiser de la misère qui est une morsure dont les faibles meurent, mais qui fait regimber jusqu’au ciel un homme vraiment fort !
le Ménechme d’imitation qu’on pouvait craindre, le frère postiche que l’admiration eût pu faire naître à M. […] Il les pointillé sans les rapetisser ; cependant, malgré les infériorités du livre et de l’homme, nous ne craignons pas d’affirmer que Le Malheur d’Henriette Gérard est, tel que le voilà, le roman le plus fort et, qu’on me passe le mot, le mieux tricoté de tous les livres de ce genre qui aient paru depuis Madame Bovary.
Elle ne craint pas de les aller chercher dans des pays barbares & inconnus.
Tout le monde convient à présent que son Ouvrage intitulé l’Apologie d’Hérodote, n’est qu’un Recueil de grossiéretés, d’Anecdotes indécentes, d’Historiettes scandaleuses contre les Prêtres & les Moines, dont les trois quarts sont des mensonges que plusieurs Ecrivains n’ont pas craint de répéter.
.)… Ceux qui occupent des places comme la vôtre sont d’ordinaire traités comme les dieux ; plusieurs les craignent, tous leur sacrifient, mais il y en a peu qui les aiment, et ils trouvent plus aisément des adorateurs que des amis. […] Mais vous m’apprîtes qu’il n’y avait rien en votre personne ni à l’entour que vous ne connussiez avec une clarté merveilleuse, et que voyant à deux pas de vous la prison et la mort, et tant d’autres accidents qui vous menaçaient, et, d’autre côté, les honneurs, la gloire et les plus hautes récompenses, vous regardiez tout cela sans agitation et voyiez des raisons de ne pas trop envier les unes et de ne point craindre les autres. […] Aujourd’hui qu’on veut savoir de chaque époque toute chose mieux que les contemporains, on essaie de contredire la tradition sur ce point ; on objecte que Voiture a lui-même parlé de son père dans une lettre, et n’a pas craint de comparer sa naissance, pour la roture, à celle d’Horace ; qu’il a logé chez son père dans un passage de la cour à Amiens… Je répondrai que la lettre dans laquelle Voiture parle de son père est un billet à Costar, et que tout ce qui est censé adressé par Voiture à celui-ci est suspect d’arrangement.
Rohan, qui y admire l’arsenal et qui en dénombre l’artillerie (370 pièces de fonte), ajoute : « Ils n’ont point de canon de batterie : leur raison tient fort du roturier ; car, à ce qu’ils disent, ils ne veulent attaquer personne, mais seulement se défendre. » Venise le saisit vivement par son originalité d’aspect, son arsenal, sa belle police, ses palais, ses tableaux même et ses bizarres magnificences : Pour le faire court, dit-il, si je voulais remarquer tout ce qui en est digne, je craindrais que le papier me manquât : contente-toi donc, ma mémoire, de te ressouvenir qu’ayant vu Venise, tu as vu un des cabinets de merveilles du monde, duquel je suis parti aussi ravi et content tout ensemble de l’avoir vue, que triste d’y avoir demeuré si peu, méritant non trois ou quatre semaines, mais un siècle, pour la considérer à l’égal de ce qu’elle mérite. […] En face du profil de ce politique pénible et de ce guerrier contentieux, dont le chant de triomphe habituel était forcément une apologie, ne craignons pas de mettre le lumineux contraste pour nous consoler un peu le regard, d’autant que lui-même il a pu s’y arrêter et s’en faire l’application, en se disant : « Ce n’est pas comme moi ! […] Je crains trop, si vous ne l’aviez agréé, que cela ne vous donnât du déplaisir et de l’ennui, ce que je ne voudrais pour rien.
Il écrivit au roi, qui était à Nîmes, pour demander une personne de qualité et autorisée, qui le conduisît jusqu’à Venise, lieu désigné pour sa retraite, craignant ou feignant de craindre quelque danger en chemin de la part des princes d’Italie ; il désirait peut-être se mettre par là à l’abri de tout soupçon de nouvelles intrigues. […] Le fait est qu’on désirait bien rétablir les Grisons dans la Valteline, mais qu’au moment de le faire on craignait que ce coup d’autorité ne fût le signal d’une rupture générale, et on reculait. […] Il n’y en peut avoir autre raison, sinon qu’il craignait qu’on ne se saisît de sa personne ; c’était sa conscience qui le jugeait.
Sa sœur la présageait et la craignait dès 1755, en observant les lointaines escarmouches entre l’Angleterre et la France au sujet des limites du Canada, et les hostilités maritimes qui en furent la suite : Vous me marquez vos craintes pour la guerre, lui écrivait-il (21 septembre 1755) ; mais, ma chère sœur, il y a bien loin de la rivière d’Ohio à la Sprée, et du fort de Beau-Séjour à Berlin. […] Engagé, disait-il dans des négociations très délicates et très épineuses, il craignait que ses lettres ne se ressentissent de son ennui. […] Les distances, les difficultés des chemins amenaient entre lui et la margrave des interruptions et des intervalles de silence qui faisaient craindre à celle-ci que tout ne fût accompli et consommé : témoin cette lettre fiévreuse, délirante, et qui exprime le moment le plus exalté, le paroxysme de sa tendresse et de son inquiétude : La mort et mille tourments ne sauraient égaler l’affreux état où je suis.
Combes même, si favorable d’ailleurs, le récit de cette quatrième et dernière partie de la carrière politique de Mme des Ursins (1711-1714), que l’on a vu son obstination vaniteuse à réclamer pour elle une souveraineté en Flandre ou dans le Luxembourg, au risque de retarder, d’accrocher la paix générale de toute l’Europe, son obsession croissante, son accaparement de Philippe V après la mort de sa première femme, l’humiliante sujétion à laquelle cette femme de soixante-dix ans prétendait réduire le jeune et royal veuf, les indécents propos auxquels elle ne craignait pas de l’exposer, on comprend qu’elle ait lassé et ce roi et l’Espagne, et qu’elle ait fini par être secouée d’un revers de main sans laisser après elle beaucoup de regrets. […] Comment, quand il s’agit de Mme de Maintenon, par exemple, qui évite de prendre hautement parti, qui s’abstient volontiers et se renferme dans une réserve prudente, comment venir nous dire : « Sûre d’elle-même, elle ne l’était pas autant des personnes qui recherchaient sa recommandation ; elle craignait les causeries et les commentaires de salon…, et tout ce bruyant désordre d’actes et de paroles que sa présence avouée dans tel ou tel camp aurait occasionné, et qu’une neutralité, qui n’était autre chose que le sage isolement d’une mystérieuse spontanéité, pouvait seule empêcher ? […] Un moment elle craint que le peu de contentement où l’on est à la Cour de France de certains procédés équivoques habituels au duc de Savoie, ne fasse renoncer aux vues qu’on avait sur la princesse sa fille : « Si cette nouvelle est véritable, écrit Mme des Ursins, je vous supplie très humblement, madame, de m’informer sur ce qui pourra venir à votre connaissance, afin que je puisse prendre mes mesures de bonne heure. » Mais bientôt elle apprend que tout tient et achève de se conclure ; en attendant, elle ne s’en est pas fiée aux simples insinuations auprès de la cour de Turin ; elle a écrit, elle s’est décidément offerte.
M. de Chateaubriand, à la tribune des Pairs, eut ce jour-là de nobles paroles, et, cet autre jour, il en eut de malheureuses… » Sur les violences matérielles et les horreurs qui ensanglantèrent le Midi, on est unanime ; mais là encore on essaye de n’en pas trop dire et de limiter l’indignation ; on n’emprunte que discrètement à l’effroi de la tradition populaire qui a survécu et qui subsiste encore ; on craint de paraître donner dans la légende qui grossit les faits et les transfigure : à ce travail honorable, entrepris par de bons esprits qui ont oublié d’être de grands peintres, le courant incendiaire qui traversa alors et dévora toute une partie de la France, se dissipe et s’évapore ; l’atmosphère embrasée du temps ne se traduit point au milieu de ces justes, mais froides analyses ; l’air échappe à travers les mailles du filet, et c’est encore dans les historiens d’une seule pièce, d’une seule et uniforme nuance comme Vaulabelle, dans ce récit ferme, tendu et sombre, où se dresse énergiquement passion contre passion, qu’on reçoit le plus au vif et en toute franchise l’impression et le sentiment des fureurs qui caractérisent le fanatisme royaliste à cette époque. […] Fiévée, il était à craindre qu’ils n’en sortissent avec des idées préconçues et des systèmes, et que le rêve n’y eût sa bonne part. […] Osant blâmer M. de Richelieu d’avoir accédé, de guerre lasse et le cœur navré, à ce traité nécessaire et imposé qui diminua la France et qui en rogna la carte, bien moins pourtant qu’on ne l’avait craint, il disait d’un air capable : « Au reste, il y avait une autre carte plus respectable que celle dont on a parlé : elle était tracée dans le cœur de tous les Français attachés à leur roi. » Il répétait sans cesse, en se flattant d’avoir une recette royaliste de son invention : « On peut étouffer la faction, sans arracher un cheveu de la tête d’un seul factieux. » C’était le même qui, autrefois préfet à Metz sous l’Empire, un jour de cérémonie et de fête impériale, avait dit à sa fille en présence d’un buste de Napoléon : « Fille d’un guerrier, couronnez le buste d’un héros !
Dans son mélange de rêverie et d’épreuve, de réalité et de chimère, il songeait par moments à la Corse dont Rousseau était censé faire la Constitution et qui semblait sur le point de se régénérer : « En un mot, cher ami, je cherche un pays où je n’entende point le peuple se plaindre du gouvernement, où l’on puisse parler avec plaisir et des lois et de leur exécution, où l’étranger n’ait rien à craindre des citoyens, ni ceux-ci de leurs régisseurs. […] Deleyre était de ceux qui aiment mieux pâtir que jouir et prospérer ; il craignait toujours de faire tort aux autres, et de peur d’être heureux aux dépens du grand nombre, il se rangeait volontiers de lui-même du côté des misérables : il avait retourné le proverbe comme trop dur et trop égoïste : « Je trouve le proverbe bien cruel, disait-il, et j’aime encore mieux faire pitié qu’envie, moi. » Nature vraiment pitoyable et tendre, il a la piété sans la religion ! […] Tout ce que j’ai vu dans mon siècle serait capable de me faire mépriser les hommes, si je ne craignais de rejeter sur eux les torts de mon caractère, qui sont ceux de ma nature.
Son père veut le marier ou fait semblant de le vouloir, et sur l’heure ; la suivante de Glycère, Mysis, très attachée à sa maîtresse, apprend cette nouvelle de quelques paroles échappées à Pamphile dans son trouble ; elle le voit hésitant, elle craint qu’il ne cède par égard pour son père, et qu’il n’abandonne cette jeune fille enceinte et tout près d’accoucher. […] » Ce sont là de ces passages qui ravissaient Fénelon : « Tout ce que l’esprit ajouterait à ces simples et touchantes paroles ne ferait, disait-il, que les affaiblir. » Le vœu de Tibulle se voyant en idée au lit de mort et tenant de sa main défaillante la main de son amie, Didon adjurant Énée au nom de tout ce qu’il y a plus doux et de plus sacré dans le souvenir, nous reviennent en mémoire ; mais Térence ici n’a rien à craindre à la comparaison. […] « Ne pleurez pas, lui dit Chrémès, et quelle que soit la chose, dites-moi tout : pas de réticence, ne craignez rien ; confiez-vous à moi, vous dis-je, et consolation ou conseil, ou de tout autre manière, je vous aiderai. » Et Ménédème, que son secret oppresse, et qui a besoin de l’épancher, ne résiste plus : « Vous voulez le savoir ?
Le malheur de la reine (qu’on hésite à appeler la jeune reine, puisqu’elle avait six ou sept ans de plus que le roi), ce fut de voir tomber, presque en arrivant, le prince ministre qui l’avait appelée, à qui elle devait reconnaissance, et de voir succéder celui qui la craignait avec une jalousie de vieillard et qui devait tout faire pour établir une glace entre les époux. […] Je lui répondis : « Je crois, Madame, le cœur du roi bien éloigné de ce qu’on appelle amour : vous n’êtes pas de même à son égard ; mais, croyez-moi, ne laissez pas trop éclater votre passion : qu’on ne s’aperçoive pas que vous craignez de la diminution dans ses sentiments, de peur que tant de beaux yeux qui le lorgnent continuellement ne mettent tout en jeu pour profiter de son changement. […] Le cardinal de Fleury craignit trop peut-être que l’ennui ne lui fît chercher des distractions ailleurs.
C’est peut-être pour me flatter qu’elles prétendent être invincibles quand je suis à leur tête, mais au moins les ennemis du roi craignent-ils d’être battus lorsque je commande une armée vis-à-vis d’eux. […] On craignait qu’il ne se cabrât ; il parlait d’aller à Chambord. […] Pour moi, qui n’ai pour toute arme que le bouclier de la vérité, l’on me craint, le roi m’aime et le public espère en moi. « Voilà, mon cher comte, un tableau de ce pays-ci… » Cette lettre essentielle, et qui est à lire tout entière, ne devait pas nous arriver : elle renfermait une injonction impérative, comme si Maurice avait reculé au dernier moment, en relisant ce qu’il avait confié au papier : « Brûlez cette lettre, je vous en conjure, en présence du roi ; je veux avoir un témoin comme lui.
Blâmez-moi, mais ne m’accusez pas… » Si ce n’étaient là que des modesties de préface, on ne les relèverait pas ; mais il est à craindre que le poëte ne pense en vérité ce qu’il dit de la sorte. […] Or, M. de Lamartine fait craindre à ses admirateurs d’avoir de moins en moins du loisir pour ce soin, même le plus rapide, qui n’est que la toilette du matin de la pensée ; il s’en excuse, il s’y résigne plus vite que nous. […] À deux pas du toasthumanitaire où l’on pourrait craindre que le sentiment individuel ne se noyât, on rencontre une pièce qui a pour titre : À une jeune fille qui me demandait de mes cheveux.
Il ne craint ni le désordre ni les répétitions ; il n’a que des procédés primitifs et aucune « manière » dans son style. […] Je crains de n’avoir pas su rendre l’impression que ces livres font sur moi, et je crains aussi qu’on me reproche de n’avoir cherché à rendre que cette impression.
Dans les premiers temps de cette arrestation, l’opinion publique était loin d’être favorable à Fouquet : on eut à craindre, durant sa translation de Nantes à Paris, que la populace ne se portât à des excès contre sa personne. […] Elle et les partisans de Fouquet ne craignent rien tant qu’une chose, c’est la peine de mort, cette peine que le roi désire, et qu’il n’aurait point commuée. […] Pellisson ne craignit pas de faire allusion à cette circonstance : Balança-t-il un moment, Sire, pour se défaire de la chose du monde qu’il avait toujours tenue pour la plus précieuse ?
Napoléon, l’appréciant plus tard pour ses beaux développements au Conseil d’État et au Corps législatif, disait de lui : « Portalis serait l’orateur le plus fleuri et le plus éloquent, s’il savait s’arrêter. » Son discours, nourri de maximes, avait quelque chose d’un Nestor précoce, et qui ne craint pas de se répéter. […] On parlait jadis de la foi du charbonnier, je crains bien qu’on ne puisse parler aujourd’hui de la philosophie du charbonnier. […] Malheureusement, après une grande révolution, les hommes timides se taisent ; ils semblent craindre de laisser apercevoir leur existence.
L’autre danger, l’esprit d’ascétisme, était peut-être plus à craindre. […] Il fait aimer à chacun son rôle sur la terre ; il ne veut pas d’une timidité inquiète qui ferait craindre à l’homme de s’engager dans la vie. […] Animé de cet esprit, Bossuet ne craint pas de le représenter dans sa grandeur, comme pour entretenir en lui l’émulation des grandes choses. […] Il ne craint pas de laisser, entre les idées importantes, des intervalles que le logicien par procédé remplirait d’idées intermédiaires laborieusement enchaînées. […] Provoquées aux aveux extrêmes par le prêtre, qui ne craint pas de sonder les plaies avec la main qui les guérit, elles se sont développées devant lui.
Que craignait-il en laissant s’accréditer le bruit d’un mariage secret entre la comtesse et lui ? Il ne craignait rien et ne se souciait de rien ; toutes ces délicatesses lui étaient complètement inconnues. […] Le sens de cette démarche, qui dut paraître si extraordinaire alors, n’est plus un secret pour nous aujourd’hui : on craignait que Chateaubriand, ayant visité Florence, n’eût appris bien des choses qui pouvaient nuire un peu à l’idéale peinture des amours d’Alfieri et de la comtesse. On craignait que cette consécration poétique, cette transfiguration merveilleuse de la réalité ne souffrît quelque atteinte dans l’esprit du brillant écrivain, s’il prêtait l’oreille à des confidences indiscrètes. […] J’aurais plutôt conçu le ressentiment en 1814 qu’en 1815 ; mais alors on craignait encore le colosse abattu, et après Waterloo c’en était fait.
Parole qui caractérise l’esprit d’un Gouvernement vraiment sage, & que les Princes ne sauroient trop répéter, pour l’encouragement de ceux qui ne craignent pas de s’élever contre l’erreur & l’iniquité, les plus redoutables ennemis des Rois & des Nations.
Je n’ai pas cru devoir les effacer toutes ; il résume en effet, et je ne crains pas qu’on le sache, de nombreuses années d’enseignement où j’ai toujours été soutenu dans mon labeur par de jeunes et chaudes sympathies qui sont devenues souvent de fidèles amitiés.
Il a su y réunir les meilleurs morceaux de nos Poëtes, & n’a pas craint de nuire à leur gloire, en écartant ce qui sent tant soit peu la licence.
VII Je partis pour l’Italie quelques jours après, et, à mon retour à Paris, au mois de novembre, j’entendis beaucoup parler d’un nouvel écrit de lui qui devait paraître incessamment et dont on craignait l’effet incendiaire sur la population déjà agitée […] En repassant à Paris, il y a deux ans, mademoiselle de Fauveau, ardente royaliste, me dit en plaisantant, en présence de son oncle, qu’elle ne craignait rien des orléanistes, et qu’elle ne marchait jamais sans précaution contre leur police et leurs gendarmes. […] Je le remerciai et je refusai, ne voulant pas m’enchaîner par un intérêt quelconque au gouvernement que cependant j’aimais. « Je suis fâché, lui répondis-je, de vous voir entrer dans cette voie, et je crains que cette Étoile ne soit jamais l’astre de votre fortune et de votre bonheur. » Elle ne le fut pas, en effet, mais la réunion de ces deux journaux dans sa main le rendit pendant longtemps l’organe le plus puissant de la politique de M. de Villèle et de l’opinion royaliste. […] Les mouvements d’un grand peuple bien compris sont presque toujours plus humains que les passions d’un parti ; il n’a personne à craindre et personne à flatter.
Fabre de l’Oratoire se présenta, & il ne craignit point de continuer un historien, qu’il ne pouvoit certainement pas remplacer. […] On ne peut donner qu’une idée très-générale & très-imparfaite d’un ouvrage dont il faudroit détacher plus d’un article, pour en faire connoître le fonds ; mais, après un examen attentif, nous ne craignons pas d’assurer, dit Mr. […] Les confreres de Dom Ceillier se proposoient de continuer ce travail ; mais il est à craindre que le dégoût du public pour les longs ouvrages, & le goût dominant de ce siécle pour la frivolité ne les empêche de poursuivre cette carriere. […] D’autres Ministres plus modérés que lui l’ont moins été dans cette occasion ; & le sage Jacques Lenfant ne craignit point d’établir l’absurde opinion répandue dans le vulgaire de la secte dans son histoire de la Papesse Jeanne 1694.
Paul Bourget et à qui on pardonne tout, même d’avoir fait souffrir un poète : Édel, je vois en toi, Danoise aux yeux si doux, Cette amante qu’en rêve on adore à genoux, Devant qui le désir reste muet et grave, Tant du plus chaste amour on craint de la meurtrir, Et qui semble une fleur exotique et suave Qu’on n’ose point toucher, de peur de la flétrir.
Cet Auteur, que nous avions comparé à l’Abbé Cotin, dans les précédentes éditions de notre Ouvrage, & qui, comme l’Abbé Cotin, a composé des Epigrammes, des Madrigaux, des Odes, des Elégies, des Sonnets, des Lettres, des Complimens, & des Sermons, ne s’est point offensé de la comparaison ; il s’en trouve même honoré dans des observations qu’il nous a adressées, & qu’il auroit dû ne pas rendre publiques, s’il craint le ridicule.
Son esprit empoisonnoit les actions les plus vertueuses ; & il ne craignit jamais de faire part au Public de la perversité de ses idées.
La singularité des idées fera toujours un nom à tout Ecrivain qui ne craindra pas d’affronter le Public en les mettant au jour.
si ses discours, craints du chaste Lecteur, Ne se sentoient des lieux que fréquentoit l'Auteur, Et si, du son hardi de ses rimes cyniques, Il n'allarmoit souvent les oreilles pudiques.
Elle a beau se donner essor : il n’est guère ici pour elle d’écarts à craindre ni de caprice à réprimer. […] Crains les maux et la torture Que mon doux Sylphe a subis.
Dans l’anxiété où l’on est, dans l’incertitude du but où la société européenne est poussée, on est allé demander des enseignements, des augures rassurants ou contraires, des raisons de se hâter ou de craindre, à ce grand peuple qui offre soixante années de prospérité croissante sous une forme politique jusque-là inaccoutumée dans l’histoire. […] S’il devait arriver en France que la monarchie ou la république (peu importe), en s’armant de ce mot de centralisation mal entendu, fissent prévaloir, constamment la régularité administrative, soit douce, soit rigoureuse, sur la vie réelle, morale, animée de chaque point du pays ; si l’on ne parvenait enfin à introduire et à fonder parmi nous les institutions démocratiques en ce qu’elles ont d’essentiel, d’élémentaire et de vivace, c’est-à-dire l’existence communale, M. de Tocqueville paraît craindre qu’une des chances naturelles de cette égalité croissante ne fût un jour, tôt ou tard, l’assujettissement de tous par un seul, du moment qu’on n’aurait plus à espérer le gouvernement de tous par eux-mêmes.
Coppée a fait représenter hier à l’Odéon plus de talent que dans cette comédie en cinq actes que je pourrais vous citer, si je ne craignais pas de chagriner l’auteur… Le Passant n’est pas une de ces pièces que l’on raconte ; c’est un poème auquel l’analyse ferait perdre la saveur et la grâce, une pure œuvre d’art que je vous engage à aller voir et que vous applaudirez certainement ; cela dure vingt minutes, vingt-cinq minutes au plus, et tout, depuis le premier vers jusqu’au dernier, vous charmera, je vous le jure… Enfin, voilà un début heureux au théâtre ; si M. […] Si, comme il est à craindre, le drame en vers ne devait pas survivre à notre siècle, M.
Ne craignez point ceux qui ôtent la vie du corps, et qui ne peuvent rien sur l’âme. […] Ne craignez rien ; vous valez beaucoup de passereaux 882. » — « Quiconque, disait-il encore, me confessera devant les hommes, je le reconnaîtrai devant mon Père ; mais quiconque aura rougi de moi devant les hommes, je le renierai devant les anges, quand je viendrai entouré de la gloire de mon Père, qui est aux deux 883. » Dans ces accès de rigueur, il allait jusqu’à supprimer la chair.
En effet, si nous en jugeons par le titre de leur ouvrage l’Histoire de la Société française pendant la Révolution 14, ils n’ont pas craint d’aborder pour leur début un de ces sujets dont l’importance et la difficulté eussent pu désespérer beaucoup d’esprits d’une vigueur déjà éprouvée. […] Et pourtant ces deux jeunes gens, qui n’ont pas craint de se mesurer avec un sujet formidable et de s’adonner au seul genre d’histoire, l’histoire des mœurs, que Malebranche ne méprisait pas, ces deux jeunes gens, de si bonne volonté et de tant de courage, ne manquent, croyez-le bien !
On eût dit qu’à partir des commencements de la monarchie cette question s’endormait par moments, puis avait ses réveils de lion, avec quelque grand homme qui tout à coup venait à naître… Quand Charlemagne conférait le baptême sous peine de mort ; lorsque Louis XI frappait la féodalité à la tête ; lorsque Catherine de Médicis ne craignait pas de laisser peser sur sa mémoire l’effroyable décision de la Saint-Barthélemy ; quand Richelieu, plus tard, abattait de la même main les restes de l’aristocratie féodale et le protestantisme de son temps retranché dans la Rochelle, achevant à lui seul la double besogne de Louis XI et de Catherine de Médicis, nulle de ces grandes têtes politiques n’avait cédé à des passions vulgaires. […] Sans préjugé à cet égard, Weiss les a bravement exposés à sa lumière ; il n’a pas craint que l’esprit qui lira son livre, accoutumé à l’intérêt grandiose et dramatique de l’histoire, ne trouve bien chétifs et parfois bien insignifiants les renseignements personnels à tant de familles qui n’ont d’autre titre à l’attention de l’historien que d’avoir été expulsées de France, où elles travaillaient à quelque industrie qu’elles sont allées porter ailleurs.
Abailard craint le mépris du monde, non dans ce qu’il aurait de mérité et de légitime ; il le craint, non pas pour l’homme moral, si coupable en lui, mais pour l’homme physique qui n’est plus.
Abailard craint le mépris du monde, non dans ce qu’il aurait de mérité et de légitime. Il le craint, non pas pour l’homme moral, si coupable en lui, mais pour l’homme physique qui n’est plus.
Je crains bien que M. […] Vous n’aurez plus l’aimable éclectique, le sceptique large et indulgent, le respectueux devant les faits accomplis, le doux qui hait toujours l’Église, en dessous, mais qui, en la haïssant, ne craint plus pour sa peau.
Il n’a pas craint de se faire honneur de plusieurs maximes qui y sont énoncées, entre autres de celle-ci, ajoutée à l’article Despréaux, dans les dernieres Editions du Siecle de Louis XIV.
Je crois que la vie de Gandar, bien présentée, nous montrerait, non pas seulement en préceptes, mais en action, toutes les préparations, toutes les études préliminaires, tous les exercices gradués et les préludes déjà définitifs et bien complets, au moyen desquels on peut devenir un digne, un savant, un autorisé et, je ne crains pas d’ajouter, un éloquent professeur. […] Tant de rapidité coûte sans doute un peu à Gandar, qui est un esprit de réflexion plus que de premier jet, qui craint toujours de n’avoir pas assez regardé, qui a besoin de repasser sur les objets, de méditer et de ruminer ses impressions pour les classer avec ordre et les fixer. […] Avec cela et mes souvenirs, et des lambeaux recueillis çà et là, je vais comme je puis, selon mes forces, moins mal que je ne devais le craindre. […] Ce n’est pas sans raison qu’un des hommes les plus spirituels de ce temps-ci, et des plus indépendants par le jugement, M. de Rémusat, qui n’a pas craint d’appeler Bossuet « le sublime orateur des idées communes », a écrit autrefois de lui ce mot, comme il l’aurait dit de M. […] « Je crains bien, disait-il un jour en riant à l’un de ses amis de la Bibliothèque impériale, de descendre de quelqu’un de ces maudits Suédois dont vous recueillez les méfaits, et qui se serait fixé en Lorraine après l’avoir ravagée. » 156.
Après avoir parlé devant les juges, il ne craignait plus de parler devant le peuple, puis devant le sénat. […] Il y a longtemps, Catilina, que les ordres du consul auraient dû te faire conduire à la mort… Si je le faisais dans ce même moment, tout ce que j’aurais à craindre, c’est que cette justice ne parût trop tardive, et non pas trop sévère. […] Crains-tu les reproches de la génération suivante ? […] Si tu veux m’imposer silence, ce n’est pas mes biens qu’il faut m’ôter : il faut m’arracher cette langue que tu crains, étouffer cette voix qui n’a jamais parlé que pour la liberté ; et, quand il ne me restera plus que le souffle, je m’en servirai encore, autant que je le pourrai, pour combattre et repousser la tyrannie.” […] Écoutez Cicéron, à la première page de la première Tusculane, sur le ciel et sur l’enfer des théologies populaires de son temps : « Si vous craignez la mort, demande-t-il à son interlocuteur, n’est-ce pas parce que l’idée de l’enfer vous épouvante ?