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39. (1875) Premiers lundis. Tome III « Profession de foi »

Il aida puissamment à la chute des préjugés, des barrières qui existaient encore sur le terrain du libéralisme. il était mu dans ce travail de démolition, non plus par haine et par colère, comme les autres feuilles libérales, mais par une sympathie généreuse pour une ère d’avenir qu’il entrevoyait confusément et dont il voulait bâter la venue. […] Et d’ailleurs les circonstances politiques devenant de jour en jour plus pressantes, le principe, qui n’aurait dû servir que d’instrument à prendre ou à laisser, devenait lui-même une arme de plus en plus chère, un glaive de plus en plus indispensable et infaillible ; le but lointain d’association et d’unité s’obscurcissait derrière le nuage de poussière que soulevaient les luttes quotidiennes ; car le Globe s’y lança sans hésiter dès que les besoins du pays lui parurent réclamer une pratique plus active ; mais ses tentatives de science générale y perdirent d’autant ; ce sentiment inspirateur, cette tendance générale et ce but d’avenir que nous signalons plus particulièrement ici s’éclipsèrent devant une application directe à la situation politique du moment, et, dans la préoccupation naturelle des rédacteurs comme du public, notre journal parut se réduira au travail du principe de liberté jouant et frappant dans toutes les directions. […] L’avenir nous parut avoir avancé d’un demi-siècle ; au lieu d’en gémir ou de nous taire, il nous sembla beau et bon d’en être joyeux et d’y aider. […] Une doctrine jeune et pleine d’ardeur, le Saint-Simonisme, se proclamait de tous côtés autour de nous comme possédant la solution définitive et la clé de l’avenir.

40. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Le demonium n’a jamais explicitement révélé l’avenir ; mais c’est une conséquence des théories de Socrate sur la nature du bien et du mal que tout avertissement divin enveloppe une prédiction : ne fais pas cela équivaut à : si tu fais cela, tu t’en repentiras ; car les conséquences bonnes ou mauvaises, soit sensibles, soit supra-sensibles, font la bonté ou le mal de nos actes ; l’avenir et le devoir sont deux corrélatifs ; connaître l’avenir, c’est connaître le bien ; celui qui a la raison théorique complète, comme les dieux et par leur secours, a toute la raison pratique. Cela suffit pour que Socrate ait comparé les signes démoniques à des révélations ; ils équivalaient logiquement, selon sa doctrine, à des aperçus anticipés sur un avenir inaccessible à la prévision humaine213. […] Je compte parmi les prédictions d’avenir la promesse qu’une épée serait découverte dans les fondations d’une église ; cette prédiction, qui se trouva réalisée, est la plus hardie qu’aient faite les voix de Jeanne d’Arc et la seule où l’espace soit franchi au lieu du temps ; mais, philosophiquement, l’espace lointain, c’est l’avenir. […] Chaignet (Vie de Socrate, p. 118, 124-125, 147-148), la voix du demonium n’aurait aucun rapport avec ce que nous appelons la parole intérieure morale, car le demonium et, en général, les dieux auraient révélé seulement l’avenir, y compris les conséquences de nos actes, laissant à la raison humaine la tâche et l’honneur de découvrir le devoir ; « la théorie de Socrate exclut l’intervention du surnaturel dans les questions d’ordre moral ». — Nous ne voyons pas comment l’avenir et la moralité pouvaient former, selon Socrate, deux domaines distincts. […] Ensuite, les esprits exercés à la méditation savent se passer de ce secours d’un état fort [voir plus haut, § 3], ou bien, s’il leur faut absolument associer une sensation à leur pensée du moment, ils remplacent avec avantage les sons par l’écriture, qui conserve les idées pour l’avenir, après les avoir aidées à naître.

41. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre troisième. La volonté libre »

Il a sa première origine dans la réelle activité du désir, qui n’est point un état passif ni reposant en soi, mais un effort vers l’avenir. […] Cette conception d’une indétermination relative de l’avenir par rapport à nous est la condition sine qua non de notre acte volontaire. On a soutenu que l’avenir devait apparaître absolument indéterminé à toute volonté, pour que la volonté même pût agir. […] Il est seulement nécessaire que l’avenir apparaisse à toute volonté comme non déterminé indépendamment de sa volition ; ce qui n’empêche pas la volition elle-même, déterminante du côté de l’avenir, d’être déterminée du côté du passé. […] Cette parfaite détermination de l’avenir dans ma pensée prouve que mon avenir, ici, dépend véritablement de moi, être conscient et raisonnable, non de telle ou telle influence extérieure, non de telle passion, qui se réduirait elle-même à une action extérieure et à une perturbation nerveuse.

42. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Tout ceci peut être appliqué trait pour trait à l’avenir de la civilisation moderne. […] » Et pourtant ils l’auraient dû, s’ils avaient eu le sentiment de l’avenir 178. […] Mais il se peut qu’un jour l’humanité arrive à un tel état de perfection intellectuelle, à une synthèse si complète que tous soient placés au point le plus légitimement gagné par les temps antérieurs et que tous partent de là d’un commun effort pour s’élancer vers l’avenir. […] Laissez là l’avenir et soyez du présent  Rien de grand, répondrai-je, ne se fait sans chimères. […] À quoi bon travailler pour l’avenir, si l’avenir devait être pâle et médiocre ?

43. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

De telles idées, en un mot, à ce degré de crudité et de réaction, tendaient à ramener violemment cette société vers un état à jamais détruit et de toutes parts dépassé ; et, si l’on n’y parvenait pas, elles n’allaient à rien moins qu’à faire jeter, comme on dit, le manche après la cognée, à faire désespérer de tout, du présent et de l’avenir. […] On ne saurait s’imaginer, en parcourant aujourd’hui ces écrits oubliés31, tout ce qu’on y rencontre de vues rétrospectives perçantes, et d’aveuglement aussi et d’aheurtement du côté de l’avenir. […] Notre avenir politique, comme nation, est sans doute lié et subordonné à l’apprentissage pratique que nous ferons, tous, de la tolérance, cette vertu la plus contraire à notre défaut. […] N’oublions pas que, dans ce plan d’avenir qu’il décrit, M.  […] Je rappellerai encore une pensée de M. de Bonald : « Il y a des hommes qui par leurs sentiments appartiennent au temps passé, et par leurs pensées à l’avenir : ceux-là trouvent difficilement leur place dans le présent. » Lui, il a voulu faire mentir le mot et montrer qu’il appartient au présent36.

44. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Les peuples s’entre-regardent à la lueur de l’incendie, et, agités d’un sentiment inconnu, attendent avec anxiété un avenir plus inconnu encore. » Il combat tour à tour et en toute occasion le Globe, les éclectiques, les doctrinaires ; il réfute et malnène les gallicans, M. […] Il y avait donc en un sens, et malgré l’extrême contrariété des moyens, lien étroit et, en quelque sorte, unité de but, entre la fondation de l’Avenir et la brochure des Progrès de la Révolution. […] Et puis, seulement en se taisant, Rome imposait à ces démocrates catholiques plus d’une discordance évidente : ainsi, pour prendre un point de détail, en fait d’insurrection, dans l’Avenir, on défendait les Polonais, on inculpait les Bolonais. […] Il s’étonne que le cardinal Lambruschini, autrefois approbateur de ses actes et de ses doctrines, ne le soit plus, comme si l’Avenir et le Conservateur étaient la même chose. […] Or, je trouve que, dans ses griefs contre Rome, il n’y a rien dont l’abbé de La Mennais l’ancien, celui d’autrefois, celui même de l’Avenir, pour nous en tenir là, n’eût eu de quoi se jouer si on lui en avait fait matière à objection.

45. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

A l’avenir — et peut-être même au présent — de juger s’ils ont eu tort ou raison. […] L’avenir, tel qu’il est possible de le concevoir ou, du moins, de le conjecturer, lui est nettement odieux. […] Sa réaction naïve, son rêve de « Primitif » sont emportés dans les remous violents du monde moderne et nous pouvons conclure que l’idéal Ruskinien est en majeure partie l’opposé de tout ce que nous entrevoyons pour l’avenir. […] A dire vrai, non seulement ils sont demeurés totalement étrangers au mouvement de l’art moderne, mais ils représentent un art essentiellement rétrograde, un art de réaction, un art sans avenir. […] Aussi lorsque nous comparons sa renommée bruyante et sa valeur réelle vis-à-vis du présent et surtout de l’avenir, nous ne pouvons nous empêcher de répéter qu’elle a fait banqueroute.

46. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Sans rentrer dans une discussion rétrospective où tout a été dit (au Corps législatif, puis au Sénat), et dit de part et d’autre on sait avec quelle force et quel talent, j’ai cependant besoin absolument de revenir unpeu en arrière pour introduire les observations que je crois utiles et les exprimer à l’état du moins de regrets dans le présent et de vœux pour l’avenir. […] Quel que soit le parti qu’on prenne à l’avenir pour ces comptes rendus, et la question dût-elle être de nouveau soumise au Sénat, il n’est pas moins vrai que ce qui s’est passé précédemment a été le commentaire extérieur le plus intempestif, le plus maladroit, le plus maussade, à la loi sur la presse qui était proposée et qui allait se discuter dans le même temps. […] Je ne suis point de ceux-là ; et, tout en reconnaissant qu’il est bon de ralentir la marche quand il le faut, de la suspendre même, quand les circonstances le commandent, je pense aussi qu’il ne faut jamais changer de but ni se diriger autre part que là où est le vrai progrès de la société moderne, là où est l’avenir plus ou moins prochain, l’avenir inévitable auquel il ne faut jamais dire : Jamais. […] Or il est temps que cet esprit se fasse jour ; rien n’est si fort à désirer, car, dégagé des préoccupations, des passions, des alarmes ou des rancunes de 1848 et de 1851, il n’est, si j’en puis juger, ni enthousiaste ni hostile ; il aspire à perfectionner sans détruire, et il est le plus solide élément avec lequel et sur lequel le Gouvernement devrait compter pour un avenir régulier de la France. […] Mais admettons que, depuis quelque temps, en effet, et à l’avenir, on soit disposé à le respecter davantage.

47. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

Nous n’essaierons pas ici d’aborder ces mystères d’avenir dans toute leur vague étendue, nous y reviendrons souvent par quelques points ; aujourd’hui, nous bornant à ce qui concerne le mouvement littéraire et poétique proprement dit, nous tâcherons de montrer dans quel sens nous concevons le changement inévitable que l’art va subir et pour lequel il est mûr. […] Madame de Staël, dès 1796, avait un sentiment profond et consolant de l’humanité libre, de la société régénérée ; elle était poussée vers l’avenir par une sorte d’aspiration vague et confuse, mais puissante ; elle gardait du passé un souvenir triste et intelligent ; mais elle se sentait la force de s’en détacher et de lui dire adieu pour se confier au courant des choses et au mouvement du progrès, sous l’œil de la Providence. […] Puis, plus tard, quand ils sentirent que cet esprit de révolution était la vie même et l’avenir de l’humanité, ils se réconcilièrent avec lui, et ils espérèrent, ainsi que beaucoup de gens honnêtes à cette époque, que la dynastie restaurée ferait sa paix avec le jeune siècle ; qu’on touchait à une période de progrès paisible ; et que la Monarchie selon la Charte ne serait pas un poème de plus par l’illustre auteur des Martyrs. […] L’art se souvient du passé qu’il a aimé, qu’il a compris, et dont il s’est détaché avec larmes ; mais c’est vers l’avenir que tendent désormais ses vœux et ses efforts ; sûr de lui-même, intelligent du passé, il est armé et muni au complet pour son lointain pèlerinage.

48. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jules Girard » pp. 327-340

Il ouvre son livre par une définition du génie grec qui nous avertit suffisamment de ce qui va suivre, et qui est, dit-il crânement, le « modèle de l’avenir ». L’avenir se moque très bien de ceux qui le prédisent, mais il n’en est pas moins vrai que le génie grec est cette raison avec laquelle les têtes païennes de ce temps, qui rabâchent le mot de Socrate, prétendent expliquer l’univers. […] III Cette vieille poétique, qui est probablement « la poétique de l’avenir », comme la raison philosophique de la Grèce doit être « la raison de l’avenir », cette vieille poétique n’est autre que la littérature des Grecs passée, après coup, à l’état de théorie, et qui a droit de retour et de despotisme si elle a l’absolu d’une vérité ; Or, pour M. 

49. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Toutefois, indépendamment des accents de vive sensibilité qui recommandent certaines pages, il convient de remarquer, comme un délinéament d’avenir, l’opinion que le jeune auteur exprimait au sujet des chartres, ainsi qu’on disait alors. […] Ballanche ne put croire que le droit fût exclusivement d’un côté, et au lieu de prendre parti avec MM. de Bonald et de Maistre pour l’antique tutelle, ou avec Condorcet et Saint-Simon pour l’émancipation purement humaine, il s’avança, un rameau de paix à la main, pour expliquer comment chacun avait tort et avait raison, pour accorder aux uns la vérité dans le passé, aux autres le règne dans l’avenir. […] Les vues très-avancées et d’une sagacité presque divinatoire que l’auteur exprimait sur l’avenir littéraire et poétique de la France, ses éloquents et ingénieux présages à ce sujet, un an avant l’apparition de M. de Lamartine, compliquaient encore la question de succès, en choquant des préjugés non moins irritables en tout temps que les passions politiques. […] C’est une généreuse passion de la mort, le culte sombre des idées vaincues, une abjuration stoïque de l’avenir. […] Ballanche y revient souvent dans son écrit ; il le conclut en ces termes mémorables : « Ce qui a toujours troublé la raison des fabricateurs de systèmes, c’est qu’ils ont toujours voulu faire tendre l’espèce humaine au bonheur, comme si l’homme était sans avenir, comme si tout finissait avec la vie, comme si, enfin, on pouvait être d’accord sur les appréciations du bonheur. » M.

50. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Jamais l’homme n’avait saisi le problème de l’avenir et de sa destinée avec un courage plus désespéré, plus décidé à se porter aux extrêmes. […] Le juif, au contraire, grâce à une espèce de sens prophétique qui rend par moments le sémite merveilleusement apte à voir les grandes lignes de l’avenir, a fait entrer l’histoire dans la religion. […] L’épicurien désabusé qui a écrit l’Ecclésiaste pense si peu à l’avenir qu’il trouve même inutile de travailler pour ses enfants ; aux yeux de ce célibataire égoïste, le dernier mot de la sagesse est de placer son bien à fonds perdu 150. […] Étrangère à la théorie des récompenses individuelles, que la Grèce a répandue sous le nom d’immortalité de l’âme, la Judée avait concentré sur son avenir national toute sa puissance d’amour et de désir. […] Avant la captivité, quand tout l’avenir terrestre de la nation se fut évanoui par la séparation des tribus du nord, on rêva la restauration de la maison de David, la réconciliation des deux fractions du peuple, le triomphe de la théocratie et du culte de Jéhovah sur les cultes idolâtres.

51. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

J’aime le passé, mais je porte envie à l’avenir. […] Le temps présent est sombre, et je n’augure pas bien de l’avenir prochain. […] Cette tolérance, nous l’obtiendrons bien, au moins de l’avenir. […] Pour moi, je ne suis jamais plus ferme en ma loi libérale que quand je songe aux miracles de la foi antique, ni plus ardent au travail de l’avenir que quand je suis resté des heures à écouter sonner les cloches de la ville d’Is.

52. (1914) Boulevard et coulisses

Je crus mon avenir assuré, et je me mis au travail le soir même. […] Je me rappelle notre prodigieuse insouciance de ce que pouvait nous réserver l’avenir. […] » Tâchons, par conséquent, quand nous opposons les mœurs anciennes aux nouvelles, de ne pas nous abandonner à de trop tristes présages pour l’avenir. […] Je me rappelle comme nous étions inquiets, méfiants de notre avenir et de l’avenir de notre pays ; avec quelle lourde incertitude des lendemains nous avons commencé notre carrière ! […] Ce n’est pas dans l’avenir, c’est dans le passé.

53. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Dans de telles circonstances on est donc, jusqu’à un certain point, en droit d’exiger d’un écrivain le tact même de l’avenir ; car nous ne sommes plus au temps des théories consacrées par l’expérience, et des doctrines revêtues de l’autorité imposante des traditions : toutes nos destinées se sont en quelque sorte réfugiées dans le nuage de l’avenir. […] Des hommes impatients, qui craignaient de ne pas arriver assez tôt à la pleine jouissance de ce nouvel avenir qui leur était offert, crurent qu’ils ne pouvaient obtenir de garantie à cet égard que par un changement de dynastie. […] Un tel bienfait ne fut point apprécié ; il parut à des esprits chagrins un retour vers le passé, pendant que c’était une heureuse transition vers l’avenir. […] C’est toujours à cette mémorable époque du premier retour du roi qu’il faut remonter lorsque l’on veut étudier les destinées qui nous sont promises, parce que c’est là seulement que commence notre avenir.

54. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Mais c’est le propre de la foi d’espérer contre l’espérance, et il n’est rien après tout que le passé ne nous autorise à attendre de l’avenir de l’humanité. […] L’avenir les absoudra, en les blâmant, comme nous absolvons la grande Révolution, tout en déplorant ses actes coupables et en stigmatisant ceux qui les ont provoqués. […] S’allier aux méchants, se faire maudire par ceux qu’on aime ou sacrifier l’avenir ! […] Les sages de l’avenir la mépriseront. […] La religion de l’avenir tranchera la difficulté de sa lourde épée.

55. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Je ne sais rien de plus beau que ce court poème de remords et de terreur où le souvenir, plongeant dans le passé et tremblant de se reconnaître dans l’avenir, éclate en prière. […] Elles recèlent l’avenir même de la poésie et, je crois, le désirable avenir. […] Aujourd’hui, la philosophie, penchée vers la science, attend son avenir de cette patiente collaboratrice et lui commet le soin de fonder les prémisses qui les conduiront ensemble aux conclusions générales. […] Mais ces luttes sont stériles, l’avenir de la vie spirituelle est dans l’harmonie des deux suprêmes forces du monde humain. […] Cette religion, à laquelle l’avenir donnera un nom significatif, sera, au fond, le culte de l’humanité.

56. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface et poème liminaire des « Châtiments » (1853-1870) — Préface de 1853 »

« Ce sera un des plus douloureux étonnements de l’avenir que, dans de nobles pays qui, au milieu de la prostration de l’Europe, avaient maintenu leur Constitution et semblaient être les derniers et sacrés asiles de la probité et de la liberté, ce sera, disons-nous, l’étonnement de l’avenir que, dans ces pays-là, il ait été fait des lois pour protéger ce que toutes les lois humaines, d’accord avec toutes les lois et divines, ont dans tous les temps appelé crime.

57. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

Il y a un an environ, abreuvé de tous les dégoûts, renonçant par convenance et soumission au journal dont il avait cru l’action salutaire, voyant se disperser et se détacher même entièrement de lui des disciples si regrettables, il se mit, un matin d’été à la campagne, à vouloir déposer quelque part, pour lui seul, sa secrète pensée, son jugement amer sur le présent, son vœu et son coup d’œil d’apôtre touchant l’avenir. […] Elles passent comme à travers un rêve affreux, et au réveil elles bénissent Dieu qui les a délivrées de ce tourment. » Et suit alors l’hymne de départ du jeune soldat de l’avenir, du soldat qui s’en ira combattre une dernière fois pour la justice, pour la cause du genre humain, pour l’affranchissement de ses frères : « Que tes armes soient bénies, jeune soldat !  […] Nous donnions, il y a quinze jours, un mémorable fragment de M. de Chateaubriand sur l’Avenir du monde, où tous les mêmes importants problèmes sont soulevés, et où la solution s’entrevoit assez clairement dans un sens très-analogue. […] — Mais nos grands hommes d’État régnants vivent en esprits forts ; ils tiennent et dévorent le présent : à d’autres, à d’autres qu’eux les augures et l’avenir !

58. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Par la conception de l’art, par la recherche philosophique, il appartient tout entier à l’avenir, et ne s’enchaîne au passé par aucun préjugé d’école ; mais en même temps, c’est au passé surtout étudié positivement et avec impartialité, qu’il demande ses conjectures et ses espérances sur la destinée du siècle. […] L’apothéose anticipée d’un avenir inconnu employait les mêmes expédients, les mêmes pratiques idolâtriques que l’adoration réchauffée d’un passé enseveli. […] à ton jeune avenir renais et chante encor. […] Sans doute, et je l’espère, un jour apprivoisée, à l’autel de ce Dieu que tous viendront bénir, Dans un bosquet du temple heureuse et reposée, Tu chanteras en chœur l’immortel avenir.

59. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Émile de Girardin » pp. 45-61

Dans ce misérable passé qu’abhorre naturellement l’ancien rédacteur de La Presse, les lettres ont tenu trop de place, et elles en tiendront trop peu dans l’avenir qu’il rêve pour qu’en conscience et de bonne foi il estime beaucoup cette vieille amusette des sociétés qui eurent de l’âme et de nobles loisirs. […] Adam a acheté l’hôtel de Μ. le comte de La Rochetravers, contigu au sien, et voilà par quelle invention et quelle porte la société de l’avenir, de l’écu, des parvenus, représentée par les Adam, vient s’aligner visage à visage avec la société du passé, des traditions et des déchus, représentée par les La Rochetravers. […] Aujourd’hui il nous donne la comédie de la pièce de cent sous ; il est bien capable de nous en donner demain la tragédie ou le roman, après-demain le poème épique, et de jeter ainsi les fondements de cette morale et de cette littérature de l’argent, qui sera, dit-il, la gloire de l’avenir. Beaucoup pour l’avenir et un peu pour lui, Μ. de Girardin a voulu se révéler homme de lettres.

60. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Sans doute, en le lisant, il est bien vrai qu’on sent naître en soi une idée de nécessité qui subjugue ; dans l’entraînement du récit on a peine à concevoir que les événements aient pu tourner d’une autre façon, et à leur imaginer un cours plus vraisemblable, ou même des catastrophes mieux motivées ; la nature humaine, ce semble, voulait que les choses se passassent dans cet ordre, que les partis se succédassent dans cette génération ; étant donnée chaque crise nouvelle, on dirait qu’on en déduit presque irrésistiblement la suivante, et qu’on procède à chaque instant par voie de conclusion, du présent à l’avenir : non pas, au moins, que dans sa manière purement narrative ; M.  […] Et d’abord, il est incontestable, qu’en général, l’instant qui suit dépend beaucoup de celui qui précède ; que pour qui saurait bien l’un, l’autre ne serait plus guère un mystère ; et qu’un être auquel serait accordée la connaissance pleine et entière du présent n’aurait pas grand effort à faire pour y voir immédiatement et comme par intuition l’avenir. […] Ses taches nombreuses disparaissent sans doute et pour ainsi dire s’effacent parmi tant de mouvement et d’éclat ; mais qu’il eût été moins incorrect et négligé, loin de distraire du récit, il l’eût mieux fait ressortir encore : la pensée de l’écrivain, qui quelquefois s’affaiblit dans ses formes indécises, eût été plus sûre, gravée de la sorte, d’arriver pleinement intelligible et franche à cet avenir auquel elle a droit de s’adresser.

61. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Les faits accomplis ont eu raison d’être, et, si l’on peut en appeler contre eux, c’est à l’avenir, jamais au passé. […] Nous croyons à l’œuvre des temps modernes, à sa sainteté, à son avenir, et vous la maudissez. […] Aux yeux de Dieu et de l’avenir, Russes et Français ne sont que des hommes. […] … Plusieurs en lisant ce livre s’étonneront peut-être de mes fréquents appels à l’avenir. […] Il n’y a qu’un moyen de comprendre et de justifier l’esprit moderne : c’est de l’envisager comme un degré nécessaire vers le parfait ; c’est-à-dire vers l’avenir.

62. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

Cependant il n’est pas encore arrivé au terme de la vie ; il n’a pas encore épuisé la gloire, l’amour, l’avenir. […] qu’est-ce que l’avenir ? […] L’Hymne au Christ respire une pieuse et filiale inquiétude sur l’avenir humain de la religion ; le poëte ressent profondément la plaie du christianisme dans notre âge : Ô Christ !

63. (1874) Premiers lundis. Tome II « De l’expédition d’Afrique en 1830. Par M. E. d’Ault-Dumesnil, ex-officier d’ordonnance de M. de Bourmont. »

Les événements qui survinrent au retour, le jour faux et l’obscurcissement injuste où fut rejetée cette expédition glorieuse, les préjugés, parfois calomnieux, qui la dénaturaient, engagèrent M. d’Ault à ne pas attendre ; et, tout en ajournant son premier projet plus vaste, il inséra dans l’Avenir une série d’articles remarquables, où, avec une bonne foi et une indépendance pleine de mesure, il chercha à replacer à leur vrai point de vue les faits et les hommes. […] M. d’Ault, attaché aux travaux de l’Avenir jusqu’à sa cessation, et depuis aux études intérieures que poursuit cette école de philosophie religieuse, professait cet hiver, parallèlement à MM. 

64. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Je suis mécontent du présent, j’espère peu de l’avenir, et ce qu’il y a de pis, je regrette le passé. […] Je vous prie de mettre les vôtres à l’avenir sous l’adressa de M.  […] Je n’aurai à l’avenir ni peine ni joie que vous ne les partagiez. […] Quoique mon état me donne une espèce d’aisance, il s’en faut beaucoup que je puisse rien réserver pour l’avenir. […] Un jour nous nous reverrons dans cette vie où il n’y a ni inquiétudes, ni regrets du passé, ni crainte de l’avenir, ni vieillesse, ni douleurs.

65. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre IV. Littérature dramatique » pp. 202-220

C’est parmi les essais incomplets du théâtre symboliste et les tragédies d’hier, qu’il faut chercher des indications sur notre avenir dramatique. […] « L’avenir du théâtre est là », déclarait M.  […] Le théâtre de l’avenir remoulera l’homme et la société à son image. […] Charles Méré développe des théories intéressantes sur l’avenir et la vie de la tragédie moderne.

66. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Dans son beau livre sur l’Avenir de la science, Renan a parlé du dévouement obscur des érudits avec une sympathie éloquente et une sublime hauteur de vues. […] Nous ne serons pas lus de l’avenir ; nous le savons, nous nous en réjouissons et nous en félicitons l’avenir. […] Mettez la main sur votre cœur et dites-nous s’il est bien vrai que vous consentiez « à ignorer, afin que l’avenir sache » ? […] Le génie, que je définissais tout à l’heure l’organe du temps présent, peut recevoir une définition beaucoup plus haute si l’on voit en lui encore et surtout le héraut de l’avenir. […] Comment pourrait-il y avoir un emploi prématuré ou excessif de ce pouvoir divin d’anticiper l’avenir qui est la définition même du génie ?

67. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Adolphe Dumas, et lui répond que toutes ces critiques l’affectent peu, qu’il en faut prendre son parti, boire, sans murmurer, le nectar ou l’absinthe, et ne pas trop compter sur les réparations du siècle et de l’avenir : Nous venger ? l’avenir ? […] On voudrait qu’il crût, qu’il parût croire davantage à l’avenir de sa poésie : il compte si fort sur l’avenir en toutes choses ! […] Et puis, quels que soient l’avenir et le prix, est-ce qu’en art comme en morale il ne faut pas faire de son mieux ?

68. (1890) L’avenir de la science « XVI »

La belle science, la science complète et sentie, sera pour l’avenir, si la civilisation n’est pas une fois encore arrêtée dans sa marche par la superstition aveugle et l’invasion de la barbarie, sous une forme ou sous une autre. […] On nous plaindra alors, nous, les hommes de l’âge d’analyse, réduits à ne voir qu’un coin des choses ; mais on nous honorera d’avoir préféré l’humanité à nous-mêmes, de nous être privés de la douceur des résultats généraux, afin de mettre l’avenir en état de les tirer avec certitude, bien différents de ces égoïstes penseurs des premiers âges, qui cherchaient à improviser pour eux un système des choses plutôt qu’à recueillir pour l’avenir les éléments de la solution. Notre méthode est par excellence la méthode désintéressée ; nous ne travaillons pas pour nous ; nous consentons à ignorer, afin que l’avenir sache ; nous travaillons pour l’humanité. […] L’avenir le saura.

69. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

On lui conseilla trois ou quatre années de service pratique dans l’un des hôpitaux de la capitale, après quoi on répondait de son avenir. […] Il vécut assez pour entrevoir l’aurore de jours meilleurs, et pour espérer en l’avenir politique de la France. […] L’homme a des rapports plus multiples et plus lointains qu’il ne pense avec l’avenir. […] Ballanche, “toutes les pensées d’existence et d’avenir se tiennent ; pour croire à la vie qui doit suivre celle-ci, il faut commencer par croire à cette vie elle-même, à cette vie passagère”. […] « Soyez en repos contre vos détracteurs ; je vous réponds de l’avenir avec une telle poésie : croissez seulement et multipliez.

70. (1887) Discours et conférences « Préface »

Ce qui constitue une nation, ce n’est pas de parler la même langue ou d’appartenir au même groupe ethnographique, c’est d’avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’avenir. […] l’avenir le dira) n’ont pour de telles naïvetés que le dédain.

71. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Marcel Prévost et Paul Margueritte »

Prévost ose encore écrire sérieusement : « Le front las des penseurs (page 32) » ; il nous dit que la clientèle était peu lucrative à Tonneins (idem) ; il nous parle d’« un avenir politique naissant de la notoriété du génie de Paul Delcombe (page 91) », etc., etc… Beaucoup d’écrivains d’un réel talent commettent aujourd’hui des fautes de ce genre. […] L’avenir nous attend là-bas. […] Les voici sur le pont : «… Alors André les embrassa tous du regard, cette famille qu’il avait créée, qui était sienne, dont il était le chef, et qu’il emportait avec lui, à travers les aventures, vers l’avenir.

72. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

C’est un écrivain et un homme qu’on ne peut aimer et de qui l’influence sur l’avenir est nulle : plutôt tourne-t-il le dos à l’avenir. […] Stendhal reste presque étranger à son heure et se date de l’avenir. […] Il ne faut pas qu’il opprime l’avenir. […] Mallarmé est le Poëte, entre tous, que l’Avenir vivant consulte le plus. […] Il aime le passé, ne gêne pas le présent, n’opprime pas l’avenir.

73. (1887) Discours et conférences « Discours à la conférence Scientia : Banquet en l’honneur de M. Berthelot »

Nous savons plus que le passé ; l’avenir saura plus que nous. Vive l’avenir !

74. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Thiers, marquaient et justifiaient en plusieurs points ces prétentions de la génération nouvelle, qui visait à expliquer et à dominer le passé, et qui comptait faire l’avenir. […] Dubois, ne détourna pas un seul instant le journal de la ligne extrême où il était lancé ; vers cette fin de la lutte, toutes les pensées n’en faisaient qu’une pour la délivrance, il semblait même qu’il y eût dans cette rédaction du Globe des vues et des ressources d’avenir plus vastes qu’ailleurs. […] Au contraire, il y marquait l’initiative à la civilisation chrétienne, et le devoir d’agir à chacun de ses membres ; il y disait avec plainte : « Comment aurions-nous des hommes politiques, des hommes d’État, quand les questions dont la solution réfléchie peut seule les former ne sont pas même poses, pas même soupçonnées de ceux qui sont assis au gouvernail ; quand, au lieu de regarder à l’horizon, ils regardent à leurs pieds ; quand, au lieu d’étudier l’avenir du monde, et dans cet avenir celui de l’Europe, et dans celui de l’Europe la mission de leur pays, ils ne s’inquiètent, ils ne s’occupent que des détails du ménage national ? […] Je sais que la marche de l’humanité est tracée, et que Dieu n’a pas laissé son avenir aux chances des faiblesses et des caprices de quelques hommes : mais ce que nous ne pouvons empêcher ni faire, nous pouvons du moins le retarder ou le précipiter par notre mauvaise ou bonne conduite. […] On se rendait, une fois par semaine seulement, à ces prédications de la philosophie ; on y arrivait comme avec ferveur et discrétion ; il semblait qu’on y vînt puiser à une science nouvelle et défendue, qu’on y anticipât quelque chose de la foi épurée de l’avenir.

75. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

Le Temps impersonnel et universel, s’il existe, a beau se prolonger sans fin du passé à l’avenir : il est tout d’une pièce ; les parties que nous y distinguons sont simplement celles d’un espace qui en dessine la trace et qui en devient à nos yeux l’équivalent ; nous divisons le déroulé, mais non pas le déroulement. […] Immanente à notre mesure du temps est donc la tendance à en vider le contenu dans un espace à quatre dimensions où passé, présent et avenir seraient juxtaposés ou superposés de toute éternité. […] Ils diront : « Le temps qui est pure durée est toujours en voie d’écoulement ; nous ne saisissons de lui que le passé et le présent, lequel est déjà du passé ; l’avenir paraît fermé à notre connaissance, justement parce que nous le croyons ouvert à notre action, — promesse ou attente de nouveauté imprévisible. […] Cet avenir nous reste sans doute masqué par un écran ; mais nous l’avons maintenant là, tout fait, donné avec le reste. […] Or, impossible d’en spatialiser par la pensée une partie seulement : l’acte, une fois commencé, par lequel nous déroulons le passé et abolissons ainsi la succession réelle nous entraîne à un déroulement total du temps ; fatalement alors nous sommes amenés à mettre sur le compte de l’imperfection humaine notre ignorance d’un avenir qui serait présent et à tenir la durée pour une pure négation, une « privation d’éternité ».

76. (1842) Essai sur Adolphe

Il sait, il a réfléchi, il a rêvé pour l’avenir bien des voyages dont il ne voudrait plus maintenant, bien des gloires qu’il dédaigne aujourd’hui comme s’il les avait usées ; il a vu passer dans ses songes des femmes adorées qui se dévouaient à son amour, dont il buvait les larmes, et qui de leurs cheveux dénoués essuyaient la sueur de son front. […] Si ma promesse a été imprévoyante, si j’ai follement engagé mon avenir, c’est à Dieu seul qu’il appartient de me relever de mon serment en m’infligeant l’abandon. […] Si Adolphe cédait naïvement au besoin d’aimer, il ne marquerait pas si haut le but de ses espérances ; il choisirait près de lui un cœur du même âge que le sien, un cœur épargné des passions, où son image pût se réfléchir à toute heure sans avoir à craindre une image rivale ; il comprendrait de lui-même, il devinerait cette vérité douloureuse, et qui n’est jamais impunément méconnue, c’est que l’avenir ne suffit pas à l’amour, et que le cœur le plus indulgent ne peut se défendre d’une jalousie acharnée contre le passé ; il ne s’exposerait pas à essuyer sur les lèvres de sa maîtresse les baisers d’une autre bouche ; il tremblerait de lire dans ses yeux une pensée qui retournerait en arrière et qui s’adresserait à un absent. […] Aucun des deux ne voudra être vaincu en générosité, et, pour ne pas laisser entrevoir son désabusement, chacun redoublera de prévenances, parlera de l’avenir avec de célestes espérances, traitera le reste du monde avec un dédain fastueux, cachera ses larmes sous l’ironie et la jactance, et fera de la ruse le premier de ses devoirs.

77. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Cette Italie, qui devançait alors l’Europe dans les voies de la civilisation, était le théâtre de guerres barbares, telles que l’avenir, il faut l’espérer, n’en verra plus. […] On se passionna pour les figures caractérisées que présente l’histoire, et on fut impitoyable pour ceux des contemporains que l’avenir envisagera avec le même intérêt. […] Vous êtes vieux et malades, convertissez-vous ; mais nous, vos élèves en libéralisme, nous, jeunes et pleins de vie, nous à qui appartient l’avenir, pourquoi accepterions-nous la communauté de vos terreurs ? […] Qu’importe que l’avenir nous appartienne ou ne nous appartienne pas ?

78. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Il est évident, en effet, qu’une telle doctrine, prise en elle-même d’une façon littérale, n’avait aucun avenir. […] Au moins, en ajourne-t-on l’accomplissement à un avenir indéfini. […] Ce fantastique royaume du ciel, cette poursuite sans fin d’une cité de Dieu, qui a toujours préoccupé le christianisme dans sa longue carrière, a été le principe du grand instinct d’avenir qui a animé tous les réformateurs, disciples obstinés de l’Apocalypse, depuis Joachim de Flore jusqu’au sectaire protestant de nos jours. […] De nos jours même, jours troublés où Jésus n’a pas de plus authentiques continuateurs que ceux qui semblent le répudier, les rêves d’organisation idéale de la société, qui ont tant d’analogie avec les aspirations des sectes chrétiennes primitives, ne sont en un sens que l’épanouissement de la même idée, une des branches de cet arbre immense où germe toute pensée d’avenir, et dont le « royaume de Dieu » sera éternellement la tige et la racine.

79. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

… L’avenir ou M.  […] l’Avenir qui sera tout à l’expérimentation, qui sera basé scientifiquement. […] — L’avenir de la Poésie ? […] Je leur crie : « Appareillez pour l’Avenir !  […] Les mémoires seront la littérature de l’avenir.

80. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Tel était l’avenir de la France, si Napoléon III n’eût volontairement couru à sa ruine. […] Puisse l’avenir me donner tort ! […] Il faut que d’ici à quelques mois elle décide de son avenir. […] Si la France veut un avenir de réformes et de revanches, il faut qu’elle évite d’user ses forces en luttes parlementaires. […] Une série de dictatures ’instables, un césarisme de basse époque, voilà tout ce qui se montre comme ayant les chances de l’avenir.

81. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Vous ne connaissez que le présent, je ne connaîtrai plus l’avenir. […] Tu ne veux plus du passé, et tu t’efforces d’échapper à l’avenir qui t’invite et t’appelle. […] L’esprit humain ne peut pas concevoir le présent sans avenir : donc il délaissera l’idolâtrie du présent pour chercher l’avenir. […] Paul était bien loin de Dieu, lorsqu’il repoussait l’avenir en martyrisant les Chrétiens ; il rencontra Dieu, la vérité, l’avenir, au chemin de Damas. […] Va-t’en, et ne pèche plus à l’avenir.

82. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « III »

Dans le passé, un héritage de gloire et de regrets à partager, dans l’avenir un même programme à réaliser ; avoir souffert joui, espéré ensemble, voilà ce qui vaut mieux que des douanes communes et des frontières conformes aux idées stratégiques ; voilà ce que l’on comprend malgré les diversités de race et de langue. […] Le moyen d’avoir raison dans l’avenir est, à certaines heures, de savoir se résigner à être démodé.

83. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

« De tous les ministères, le plus coupable âmes yeux est celui qui pouvait le plus assurer l’avenir ; je parle du ministère de M.  […] « Sortis des malheurs attachés à la caducité des rois par des événements que nous n’avons pas provoqués, on nous a offert les malheurs d’une minorité que l’instinct du peuple ne comprendrait pas ; et c’est sérieusement que des hommes d’honneur, de bon sens, qui se sont montrés capables de combinaisons politiques, trouvent des paroles qu’ils appellent des principes, et des phrases qui ressemblent à du sentiment, pour nous dire que ce terme moyen entre le passé et l’avenir pouvait suffire à toutes les exigences ! […] L’histoire de l’avenir n’est-elle pas écrite dans notre passé ?

84. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

Son avenir est le prix du présent, tout se rapportant au même but, a le même degré d’intérêt. […] Tout est fixe dans le présent, tout est indéfini dans l’avenir ; enfin, l’âme éprouve une sorte de bien-être jamais plus vif, mais toujours calme ; elle est environnée d’un atmosphère qui l’éclaire au moins dans les ténèbres s’il n’est pas aussi éclatant que le jour, et cet état la dérobant au malheur, sauve après tout plus des deux tiers de la vie. […] Quelle idée magique, qui, tout-à-la-fois contienne, resserre les actions dans le cercle le plus circonscrit, et satisfasse la passion dans son besoin indéfini d’espoir, d’avenir et de but ?

85. (1890) L’avenir de la science « I »

Ce serait sans doute porter ses espérances sur l’avenir de l’humanité au-delà des limites respectées par les plus hardis utopistes que de penser que l’homme individuel pourra un jour embrasser tout le champ de la culture intellectuelle. […] Mais ce qui pourra devenir possible dans une forme plus avancée de la culture intellectuelle, c’est que le sentiment qui donne la vie à la composition de l’artiste ou du poète, la pénétration du savant et du philosophe, le sens moral du grand caractère, se réunissent pour former une seule âme, sympathique à toutes les choses belles, bonnes et vraies, et pour constituer un type moral de l’humanité complète, un idéal qui, sans se réaliser dans tel ou tel, soit pour l’avenir ce que le Christ a été depuis dix-huit cents ans  un Christ qui ne représenterait plus seulement le côté moral à sa plus haute puissance, mais encore le côté esthétique et scientifique de l’humanité. […] Le philosophe et l’homme religieux peuvent seuls à tous les instants se reposer pleinement, saisir et embrasser le moment qui passe, sans rien remettre à l’avenir.

86. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre III. Mme Sophie Gay »

Mais quant aux autres, à ceux-là qu’on répudie aujourd’hui, je ne pense pas que l’avenir s’en soucie beaucoup, et l’avenir, en ce moment, commence, car, excepté moi, parmi les critiques contemporains, qui a songé à signaler cette réimpression des œuvres complètes de Gay, et à dire sur elle ce mot suprême après lequel on ne dit plus rien, et qui est à une renommée ce que le dernier clou, qu’on y plante, est à un cercueil ? […] J’ai en commençant ce chapitre exprimé des doutes sur les chances d’avenir qu’avait cette réimpression des œuvres complètes d’une femme qui a fait, par la force de sa coterie et le bavardage toujours prêt de sa plume, l’illusion du talent aux gens de son temps, aux éternels badauds qui sont le fond de tous les publics.

87. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IV. Saisset »

Cousin, qui proclamait, il y a peu d’années, que les philosophes « étaient désormais les seuls prêtres de l’avenir », et cela avec le contentement fastueux d’un homme qui en tenait sous clef tout un petit séminaire. […] Sa religion de l’avenir lui paraît en ce moment fort menacée, et le livre qu’il publie est un cri d’alarme, mais un cri d’alarme discrètement poussé, car tout est discret dans M.  […] Entre les théocrates du moyen âge et les terribles séculiers de l’avenir, qui a donc pu retenir M. 

88. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

La représentation dans l’avenir d’un phénomène particulier semblable à un autre phénomène particulier n’en est pas moins déjà un commencement de généralisation, un premier mouvement vers les cas semblables de l’avenir. […] Comment arrivons-nous à concevoir et à affirmer la similitude de l’avenir avec le passé ? […] Dès lors, la différence de temps, s’il arrive à la concevoir, n’a pas eu d’influence : il y a une raison positive pour admettre qu’elle n’en aura pas dans l’avenir et il n’y a aucune raison pour admettre le contraire. […] Tels sont les deux stades de toute induction : 1° conception d’une similitude dans l’avenir malgré la différence de temps, ou hypothèse ; 2° vérification de la non-influence du temps et de la similitude, puis affirmation générale. […] Comment pourrions-nous prévoir l’avenir si nous étions obligés d’avoir toujours les objets présents devant nos sens ?

89. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Tout atteste que M. de Mora, fort jeune encore, était un homme d’un mérite supérieur et destiné à un grand avenir, s’il avait vécu. […] vous avez tout rempli : le passé, le présent et l’avenir ne me présentent que douleur, regrets et remords ; eh bien ! […] Elle ne veut plus que vivre au jour le jour, sans avenir : la passion a-t-elle donc de l’avenir ? […] Pour moi, faible et malheureuse créature que je suis, si j’avais à renaître, j’aimerais mieux être le dernier membre de la Chambre des communes que d’être même le roi de Prusse. » Si peu disposée qu’elle soit à bien augurer en rien de l’avenir, elle a un moment de transport et d’espoir quand elle voit ses amis devenus ministres, et qui mettent courageusement la main à l’œuvre de la régénération publique.

90. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

Notre impérieux devoir social est d’abandonner à l’imbécile chauvinisme son esprit d’étroitesse et de vanité bouffonne, et d’affirmer que l’accroissement des rapports inter-nationaux est l’une des bases les plus essentielles de l’avenir des peuples modernes. […] C’est en raison de ce fait anormal qu’il importe, à notre avis, de montrer sur quelles bases repose la solidarité inter-nationale ; car il n’y a rien tant à craindre pour l’avenir que la confusion en ces matières.‌ […] A la condition de ne pas voir dans cette assimilation de l’organisme ou plutôt de l’hyper-organisme social, à l’organisme naturel, une identité formelle, mais une simple analogie, il semble assuré désormais que la conception sociale organique, malgré les énergiques objections qu’elle a suscitées, demeurera dans ses grandes lignes, la conception de l’avenir, et que les hypothèses bio-sociologiques d’aujourd’hui contiennent en germe la vérité de demain. « Cette assertion…, pouvons-nous répéter avec les auteurs d’un livre récent45, ne contrÉdit qu’en apparence ceux qui protestent justement contre des assimilations exagérées et hâtives entre les organismes sociaux et les organismes végétaux ou animaux. […] L’individualisme et la solidarité se résolvent donc en un monisme comme tous les antagonismes artificiels, et l’avenir en formulera l’équilibre dans une synthèse nouvelle. […] Un avenir où la vie de l’individu, la vie des groupes, la vie des peuples serait d’autant plus intense qu’elle serait plus libre ; mais où, en même temps, chaque manifestation individuelle se sentirait solidaire de la vie de son groupe, et de la vie de l’humanité, mais où voyez-vous là quelque chose d’incompatible avec les principes de 1789, ou que l’histoire contredise ? 

91. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Les philosophes, disions-nous, ont engendré le doute ; les poètes en ont senti l’amertume fermenter dans leur cœur, et ils chantent le désespoir ; ils chantent, glorieux mais tristes, entre une tombe et un berceau, entre un ordre social qui achève de s’écrouler et un nouveau monde qui va naître : et nous leur reprochions de tenir plutôt les yeux tournés vers le passé que vers l’avenir. […] Voilà ce qu’on nous dira, et il faut répondre ; car nous ne sommes pas de ces barbares qui, prenant de travers de grandes prophéties d’avenir, se déshéritent sans façon du passé, parlent de l’art de notre époque avec un mépris qui fait rire, et nuisent ainsi, sans le savoir, aux vérités qui leur ont été enseignées et qu’ils sont chargés de répandre. […] Il y a des gens qui croient sérieusement que l’avenir délaissera tous les produits de l’art antérieur, de même que, lorsqu’on a inventé une nouvelle machine supérieure à une autre, on laisse périr celle-ci ou on la brise. […] Et remarquez qu’il y avait eu avant ces Pères de l’Église, et qu’il y avait en même temps qu’eux, des âmes généreuses qui souffraient comme eux du même mal, mais qui, n’ayant pu apercevoir l’étoile nouvelle, mais encore petite et obscure, de l’avenir, cherchaient leur lumière dans le passé éteint, et se réfugiaient dans le stoïcisme, dans les souvenirs de la république, ou dans les mystères. […] ou plutôt malheur à l’artiste qui, voyant son époque indécise flotter entre le passé et l’avenir, sans destinée, se déchire ainsi lui-même, et finit par n’avoir pas d’autre religion sociale que le culte de l’art, la religion de l’art !

92. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Ce drame doit, nécessairement, porter l’empreinte d’une époque, être, pour ainsi dire, historique ; par contre, le drame musical est bien « l’œuvre d’art de l’avenir », étant l’expression de l’idéal absolu, il est de toutes les époques. L’avenir du drame parlé se fera probablement en rejetant les modes et les conventions, et en retournant au « théâtre populaire », pour lequel le peuple même fournit les acteurs, et qui traitera, avant tout, de sujets, ou, plutôt, de grands personnages, pris dans l’histoire même du peuple. […] Le livre enferme, d’abord, une longue esquisse, en deux parties, d’un ouvrage projeté sur l’Exercice de l’art dans l’avenir. […] Puis Wagner, faisant voir la Nécessité inconsciente sise au fond des choses, explique le rôle de l’Art dans la société de l’avenir. […] Citons cette superbe déclaration : « Mon écrit, L’Œuvre d’Art de l’Avenir, a été fait seulement pour ceux qui se sont éveillés du rêve du Présent. » (p. 93).

93. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Dans l’âge mûr on commence à jouir du passé, on connaît mieux la valeur du présent et l’on espère encore de l’avenir. Dans la vieillesse, à mesure que l’existence physique s’éteint, l’homme illustré par ses talents voit s’accroître la vaste carrière de la célébrité ; le court avenir qui lui reste se confond aisément avec celui que la postérité lui prépare, et s’agrandit par cette compensation heureuse ; tout l’invite à se rappeler avec délices les époques les plus brillantes de son histoire, et peut-être l’habitude que l’on a de vivre, jointe à cette douce illusion, est-elle plus que suffisante dans ces derniers moments pour détourner l’idée importune et fatigante d’une mort prochaine. […] De même pour l’immortalité et pour l’avenir des destinées humaines : rendant compte, dans son Éloge de Buffon, des Époques de la nature et rappelant l’hypothèse finale du grand naturaliste lorsqu’il peint la lune déjà refroidie et lorsqu’il menace la terre de la perte de sa chaleur et de la destruction de ses habitants : Je demande, s’écrie-t-il, si cette image lugubre et sombre, si cette fin de tout souvenir, de toute pensée, si cet éternel silence n’offrent pas quelque chose d’effrayant à l’esprit ; je demande si le désir des succès et des triomphes, si le dévouement à l’étude, si le zèle du patriotisme, si la vertu même, qui s’appuie si souvent sur l’amour de la gloire, si toutes ces passions, dont les vœux sont sans limites, n’ont pas besoin d’un avenir sans bornes ?

94. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

  Et voici qu’il comprend le grand appel jeté Par les oiseaux dans les halliers ivres de sève ; Leurs chants rhythment pour lui des paroles de rêve, Une voix d’avenir surgit dans la clarté. […] Analyse du numéro VIII-IX 1° José de Lêtamendi : La musique de l’avenir et l’avenir de ma patrie. […] On peut considérer l’art wagnérien comme une mesure de la culture d’un peuple. — L’Espagne a un grand avenir : une situation politique malheureuse t’écrase ; mais l’art et les sciences se relèvent ; un sérieux mouvement d’enthousiasme pour l’art de Wagner s’est manifesté ; l’auteur voit dans ce mouvement un signe de vitalité et une raison d’espérer.

95. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

On voit sans peine qu’il n’y a là qu’une application hardie du darwinisme à l’avenir. […] Ou bien le progrès n’est qu’apparent et le surhomme, qui après tant de siècles ramènera l’homme, le surhomme, passé aussi bien qu’avenir, est en même temps un sous-homme. […] Nous ne vivons plus pour la joie de l’instant, mais pour nous « surmonter », pour désirer et causer notre propre « déclin », pour nous donner à l’avenir et à la création du surhomme. Nietzsche exige que nous aimions l’univers, que nous aimions, dans l’heure présente, les heures qui l’ont amenée et les heures qu’elle amènera : il veut que nous l’aimions, cette heure, non pas une fois, mais une infinité de fois, aujourd’hui, et dans le passé sans fond, et dans l’avenir sans fond, dans toute « la profonde éternité ».

96. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Un avenir de félicité nous est promis, si nous avons traversé la vie sans nous mêler aux souillures dont elle est pleine. […] Bornons-nous à constater que si la catholicisation du monde était un jour parachevée, l’humanité s’étant partagée en deux cloîtres immenses, l’un mâle, l’autre femelle, où chaque sexe se préparerait dans les macérations et la prière à son avenir paradisiaque, la prophétie de l’an mil ne tarderait pas à se réaliser. […] De la lutte ardente de ces deux groupes humains sort l’avenir. […] Et pour qu’à l’avenir, une nouvelle tentation d’en sortir ne vienne interrompre votre solitaire songerie, retenez cette vérité : Aux heures de lutte, aux « jours tumultueux et fiévreux », la nature intime de chaque homme apparaît sous son véritable jour.

97. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Béranger, Pierre-Jean de (1780-1857) »

Leconte de Lisle Le génie de Béranger est à coup sur la plus complète des illusions innombrables de ce temps-ci, et celle à laquelle il tient le plus ; aussi ne sera-ce pas un des moindres étonnements de l’avenir, si toutefois l’avenir se préoccupe de questions littéraires, que ce curieux enthousiasme attendri qu’excitent ces odes-chansons qui ne sont ni des odes ni des chansons.

98. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre III. Massillon. »

Il nous semble qu’on a vanté trop exclusivement son Petit Carême : l’auteur y montre, sans doute, une grande connaissance du cœur humain, des vues fines sur les vices des cours, des moralités écrites avec une élégance qui ne bannit pas la simplicité ; mais il y a certainement une éloquence plus pleine, un style plus hardi, des mouvements plus pathétiques et des pensées plus profondes dans quelques-uns de ses autres sermons, tels que ceux sur la mort, sur l’impénitence finale, sur le petit nombre des élus, sur la mort du pécheur, sur la nécessité d’un avenir, sur la passion de Jésus-Christ. […] Dans le sermon sur la vérité d’un avenir, il presse ainsi l’incrédule : « Que dirai-je encore ?

99. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface »

Notre principal objectif, en effet, est d’étendre à la condition humaine le rationalisme scientifique, en faisant voir que, considérée dans le passé, elle est réductible à des rapports de cause à effet qu’une opération non moins rationnelle peut transformer ensuite en règles d’action pour l’avenir. […] Il nous semble donc que, surtout par ce temps de mysticisme renaissant, une pareille entreprise peut et doit être accueillie sans inquiétude et même avec sympathie par tous ceux qui, tout en se séparant de nous sur certains points, partagent notre foi dans l’avenir de la raison.

100. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Conclusions sur révolution de la mémoire dans le passé et dans l’avenir. […] C’est par rapport à ce sentiment fondamental de l’existence et de l’action que nous classons toutes nos sensations, et la mémoire n’en est qu’une projection dans le passé, inséparable d’une projection symétrique dans l’avenir. […] Après l’évolution de la mémoire dans le passé, considérons son évolution probable dans l’avenir. […] Telles sont les prévisions que l’on a hasardées sur l’avenir de l’humanité. […] Mais dès qu’elle a été capable de laisser un résidu, de constituer dans l’animal une mémoire au sens psychique, qui a capitalisé son passé au profit de son avenir, une chance nouvelle de survie s’est produite.

101. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Or, la meilleure des idées anti-chrétiennes sur laquelle on pût établir toute la vie morale et intellectuelle de l’enfant, — du jeune ouvrier de l’avenir, — c’est encore l’idée de Justice opposée à la Grâce, — cette idée de Justice comme elle n’est pas, mais comme ils ont dit et voulu nous faire croire, les révolutionnaires, qu’elle était, dans la Révolution ! […] C’est moins de l’Histoire faite par lui, que sa Philosophie de l’Histoire… Il ne s’agit plus ici du passé, mais de l’avenir. […] Michelet regardait l’Étudiant, et avec juste raison, comme la matière de l’Histoire future, et il cherchait avec toutes les forces de son esprit à pétrir cette matière et à la préparer, pour l’Histoire et la gloire de l’Histoire… L’Histoire du passé cède donc la place à celle de l’avenir dans ce Cours de 1847, allumé, comme un phare sur des ténèbres, avec toutes les sécurités de la certitude, et qui, tel que le voilà à cette heure, n’est plus qu’une vieille lanterne éteinte et cassée, au pied du bâton qui la soutenait, renversé… Eh bien, c’est là, je le répète, ce qui est intéressant et instructif. […] Michelet, dans ce Cours, qui fut pour lui ce que, dans un autre temps, fut pour Massillon son Petit Carême, car l’étudiant, pour Michelet, c’est le petit roi de l’avenir ; Michelet a prêché l’établissement de la religion révolutionnaire, qui est une religion sans Dieu, avec les formules et les sentiments du Christianisme. […] Michelet, qui a la haute habitude historique pourtant, s’obstine à vouloir faire une histoire qui remplacera Dieu par la légende révolutionnaire, et des fêtes dramatiques comme à Athènes, et dans lesquelles on verra les Eschyle et les Sophocle de l’avenir jouer dans leurs propres drames, inspirés par les héroïsmes de l’avenir !

102. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Il décore çà et là quelques endroits de son passé ; il rallume de loin en loin, au soir, ses feux mourants sur quelque colline, puis les abandonne ; l’espérance et l’avenir l’appellent incessamment ; il se dit : Mais loin de moi ces temps ! […] Elle a foi dans son vœu ; Elle ose la première à l’avenir en feu, Quand, chassant le vieux Siècle, un nouveau s’initie, Lire ce que l’éclair lance de prophétie.  […] Mais en y songeant mieux, revoyant sans fumée, D’une vue au matin plus fraîche et ranimée, Ce tableau d’un poëte harmonieux, assis  Au sommet de ses ans, sous des cieux éclaircis, Calme, abondant toujours, le cœur plein, sans orage, Chantant Dieu, l’univers, les tristesses du sage, L’humanité lancée aux Océans nouveaux…, — Alors je me suis dit : Non, ton oracle est faux ; Non, tu n’as rien perdu ; non, jamais la louange, Un grand nom, — l’avenir qui s’entr’ouvre et se range, —  Les générations qui murmurent : C’est lui !  […] Quoique attaché par des affections antiques aux dynasties à jamais disparues, quoique lié de foi et d’amour à ce Christianisme que la ferveur des peuples semble délaisser et qu’on dirait frappé d’un mortel égarement aux mains de ses Pontifes, M. de Lamartine, pas plus que M. de La Mennais, ne désespère de l’avenir ; derrière les symptômes contraires qui le dérobent, il se le peint également tout embelli de couleurs chrétiennes et catholiques ; mais, pas plus que le prêtre illustre, il ne distingue cet avenir, ce règne évangélique, comme il l’appelle, du règne de la vraie liberté et des nobles lumières.

103. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Robespierre eut le temps de rassembler dans un seul et dernier regard son passé, son présent, son lendemain, le sort de la république, l’avenir du peuple et le sien. […] Il inspire à l’avenir l’effroi du règne du peuple, la répugnance à l’institution de la république, le doute sur la liberté. […] Ce fut la punition de l’homme, la punition du peuple, celle du temps et celle aussi de l’avenir. […] Mais sur toutes il est écrit : Mort pour l’avenir et Ouvrier de l’humanité. […] Illustrez, plaignez, vengez, vénérez ce qui fut digne à jamais de la pitié, de l’admiration, de l’immortalité dans l’avenir ; réprouvez, flétrissez, stigmatisez ce qui ne fut digne que du mépris ou de l’exécration de la mémoire.

104. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Lorsqu’après quelque temps, j’eus feuilleté la musique placée tout devant moi, j’y trouvai mêlées quelques brochures « l’œuvre d’art de l’avenir » « la musique de l’avenir », par Richard Wagner. […] C’était bien d’un tel enlacement de la poésie et de la musique que devait provenir l’œuvre d’art de l’avenir ! […] Il cherchait un homme qui eût la puissance et la volonté de l’aider : « Si je trouvais un prince ayant dans l’âme assez d’idéal pour me comprendre, assez de grandeur pour m’aider de sa puissance, — l’avenir de l’art serait assuré. » Trouverez-vous mauvais, Elisabeth, que j’aie considéré ces belles paroles comme un appel du destin adressé à moi, à moi ! […] Il est intéressant de voir que Wagner n’a jamais condamné l’homosexualité et porte même l’amour grec des athéniens au plus haut étant hors procréation, donc «  non égoïste  » dans son texte L’Œuvre d’art de l’avenir publié en 1849 (III-2 chapitre sur la sculpture).

105. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

L’avenir est remis à l’énergie individuelle des citoyens. » Sa conduite, pendant ces journées de Juillet, fut pleine de fermeté ; mais il n’espérait rien de la résistance armée du peuple, et il ne la conseillait pas. […] Quant à lui, qui reste en dehors du gouvernement, il n’a qu’à poursuivre dans sa voie : Le National n’a point de profession de foi à faire ; son avenir est tracé par la conduite qu’il a tenue jusqu’à ce jour ; il est fier d’avoir si manifestement désiré ce qui existe, avant que personne même osât y songer. […] Une fois convenu pour tout le monde, roi, peuple, assemblées, qu’on ira à la découverte de l’avenir, il ne reste plus à disputer que sur le degré de vitesse à employer. […] La pratique suivra : La révolution de Juillet ne nous a rendu ni plus ni moins ardents que nous ne l’étions sous le dernier gouvernement… L’obstacle est écarté… il n’y a plus qu’à marcher avec un juste sentiment de ce qu’il y a d’avenir dans ce seul fait : Plus de royauté ennemie des institutions ; et l’on arrivera à tous les biens que tant de systèmes successivement essayés ont promis sans jamais tenir. — Ce n’est pas là de l’optimisme, ajoute Carrel, c’est une juste confiance dans le principe essentiel de notre gouvernement : la souveraineté du peuple représentée par la souveraineté des majorités parlementaires. […] En même temps la question de guerre le préoccupe, et même l’entête un peu ; non content d’applaudir à la réorganisation de l’armée par le maréchal Soult, qu’il exceptera toujours à l’avenir et ménagera plus ou moins dans ses virulences, il s’écrie (30 novembre) : Vienne le moment où se rencontreront en champ clos une avant-garde prussienne et une poignée de volontaires français !

106. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Je sais bien que l’effort international, de liberté, de vie nouvelle, de sensualité païenne et d’action écrase et submerge ces produits sans avenir, mais il importe toutefois de signaler le danger. […] Son nouveau manifeste anti-sexuel est intitulé : La religion de l’avenir et la science de l’avenir fondées sur l’émancipation de l’homme à l’égard de la femme 23. […] Nous voici donc fixés une fois de plus sur l’avenir humain : désormais les deux sexes doivent vivre à distance respectable l’un de l’autre, et chercher leur bonheur dans les hautes voluptés individuelles et solitaires. […] Si les prévisions d’aujourd’hui ne nous trompent pas, la pensée de l’avenir s’orientera, en chaque individu, vers une existence panthéistique, où tous les éléments qui nous entourent rempliront librement leur rôle respectif à notre égard, une existence qui, loin de sombrer dans cet océan d’actions et de réactions, s’enrichira du tout, de chaque parcelle d’univers, créée pour nourrir sa prodigieuse et toujours plus vaste unité.

107. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Le triomphe du nominalisme marque la fin du système théocratique qui, de même que le système féodal, a rempli sa mission, s’est épuisé et ne suffit plus aux œuvres de l’avenir. […] Cette première période est une fermentation ; mais un fait domine : une foi immense en l’avenir. […] Son livre est un acte de foi, un hymne à l’avenir. […] Elle a deux forces agissantes : d’une part la raison elle-même, qui critique, qui détruit, par une espèce de suicide ; la raison réduite à la sécheresse matérialiste ; et d’autre part le sentiment, élément nouveau, positif, qui annonce l’avenir. […] Il serait dangereux de faire des prophéties ; en tout cas la question du prolétariat ne devrait nous faire oublier, dans nos prévisions, ni le principe international, ni le féminisme ; et ce sont là des possibilités de combinaisons d’un vaste avenir….

108. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Il ne dénigre pas le présent, il ne voit pas l’avenir en noir, il ne loue pas le temps passé ; il n’est nullement esclave des habitudes ; il repousse ces lâches maximes qui viennent en aide à l’inertie trop naturelle de l’âge et à la paresse des organes : À quoi bon ? […] Comme si l’on achevait jamais quelque chose, comme si la vie entière était autre chose qu’espérance, projet, activité, confiance en l’avenir et courage dans le présent ! […] Tant qu’elle ne me touche pas, elle n’est rien… Je place au nombre des pensées inutiles toutes celles sur la brièveté de la vie, qui ne sont en réalité que la crainte déguisée de l’avenir. […] Il faut avoir confiance dans l’avenir et se plaire dans le nuage où la vie est suspendue.

109. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Cherchant à me rendre compte de son talent lyrique et poétique, et des limites naturelles de cette vocation, j’écrivais dans le Globe (20 mars 1827), lorsque parurent les Sept Messéniennes nouvelles, le jugement que voici : — Quand un beau talent a remporté, du premier coup, un succès d’enthousiasme, et qu’une prédilection presque unanime s’est plu à le parer, jeune encore, et des louanges qu’il méritait déjà et de celles qu’on rêvait pour lui dans l’avenir, il arrive difficilement qu’une gloire où l’espérance a tant de part soutienne toutes ses promesses, et que l’augure si brillant de son début ne finisse point par tourner contre elle. […] La génération à laquelle il appartient avait besoin, elle a besoin encore d’un interprète qui exprime en traits de feu cette âme poétique qu’elle sent s’agiter confusément en elle, d’un prophète qui lui dévoile cet avenir de science et de liberté auquel elle aspire. […] Qu’on se rappelle, dans le quatrième acte, le moment décisif entre Mortins et Édouard : faut-il jouer le tout pour le tout, et, sur l’espérance d’un avenir peut-être chimérique, sacrifier le présent, l’ordre établi, tant de fortunes et d’existences ? […] S’il était permis de donner pour l’avenir un conseil à un talent aussi habile et aussi fait que celui de M.

110. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

La gloire des écrits ou celle des actions est soumise à des combinaisons différentes ; la première, empruntant quelque chose des plaisirs solitaires, peut participer à leurs bienfaits ; mais ce n’est pas elle qui rend sensibles tous les signes de cette grande passion ; ce n’est pas ce génie dominateur, qui, dans un instant, sème, recueille et se couronne ; dont l’éloquence entraînante, ou le courage vainqueur décident instantanément du sort des siècles et des empires ; ce n’est pas cette émotion toute puissante dans ses effets, qui commande en inspirant une volonté pareille, et saisit dans le présent, toutes les jouissances de l’avenir. […] Celui qui n’aperçoit dans les mines où les métaux se préparent, que le feu dévorant qui semble tout consumer, ne connaît point la marche de la nature, et ne sait se peindre l’avenir qu’en multipliant le présent. […] Cette passion ne connaît que l’avenir, ne possède que l’espérance ; et si on l’a souvent présentée comme l’une des plus fortes preuves de l’immortalité de l’âme, c’est parce qu’elle semble vouloir régner sur l’infini de l’espace, et l’éternité des temps. […] Tant d’actions composent la vie d’un homme célèbre, qu’il est impossible qu’il ait assez de force dans la philosophie, ou dans l’orgueil, pour ne reprocher aucune faute à son esprit : le passé, prenant dans sa pensée la place qu’occupait l’avenir, son imagination vient se briser contre ce temps immuable, et lui fait parcourir en arrière, des abymes aussi vastes que l’étaient, en avant, les heureux champs de l’espérance.

111. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Note »

J’aurais voulu, par exemple, un La Mennais devenu catholique et libéral, comme au lendemain de l’Avenir, mais ayant la force de demeurer tel sous le coup même des encycliques et malgré l’appel et l’attrait de la démocratie : je l’aurais désiré s’enfermant pendant quelque temps dans un religieux silence, et n’en sortant depuis qu’à de rares intervalles par des écrits de réflexion et d’éloquence où il aurait tout concilié, tout maintenu du moins, où il n’aurait rien sacrifié, où il serait resté opiniâtrément le prêtre de la tradition antique et des espérances nouvelles : en s’attachant à un tel rôle bien difficile sans doute, mais si fait pour imposer à tous le respect et l’estime, il aurait fini, sans la chercher, par retrouver son heure d’action et d’influence, et il n’aurait pas eu à l’acheter au prix de la considération. […] Arthur de La Bourdonnaye. — Il fit peu après sa brochure de la Politique rationnelledédiée à Cazalès, très-raisonnable et noble manifeste. — Puis il alla en Orient mettre une page blanche entre son passé et son avenir. — Il entra à la Chambre, et fut d’abord à peu près seul du parti social, s’exerçant à manier la parole. — Il devint conservateur en défendant le ministère Molé contre la coalition. — Peu après il eut l’idée un peu brusque d’être président de la Chambre, et, n’y ayant pas réussi, il reprit son vol et passa à gauche, et par delà la gauche. Depuis cinq ou six ans, il avait pris hautement position, n’attendant rien que de l’avenir et y poussant de toutes ses forces.

112. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Xavier Eyma » pp. 351-366

L’Histoire y est aussi esquissée en traits rapides, mais il y a peu de passé encore dans cette vie d’un peuple, et l’expérience qu’il fait est si nouvelle, que l’avenir, bien plus que le passé, y prend le regard de l’historien. L’idée de presque tous les historiens de l’Amérique est de croire que la divination doit s’exercer, en matière d’histoire américaine, bien plus en regardant l’avenir qu’en se retournant vers le passé… Erreur profonde, selon moi ! […] Enfin, car il faut en finir, je voudrais, après avoir passé par toutes ces brumes pointées de petites lueurs, et par toutes ces petites lueurs clignotant dans ces brumes, savoir, en fermant ce livre de faits incohérents et d’opinions confuses, si l’auteur de La République américaine croyait à l’avenir de sa République, quand, préalablement, il nous a avoué que le passage aux affaires d’un homme comme le général Jackson pourrait détruire de fond en comble le système américain, et qu’il est convenu de la justesse du mot de l’orateur anglais qui prétendait que Jackson avait fait passer un char attelé de quatre chevaux à travers cette pauvre Constitution américaine !

113. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Cette mobilité prouve combien nous sommes peu convaincus de notre valeur, de notre force, de notre avenir. […] Ils étaient arrivés avec la joie dans le présent et la confiance dans l’avenir, et tout leur montrait le spectacle le plus hideux de la plus sordide corruption. […] Cette horreur contre le réalisme, c’est l’éternelle haine de ce qui est contre ce qui sera, du présent contre l’avenir. […] L’orchestre de l’avenir se débarrasse. […] Cette seule distinction ne porterait-elle point par hasard dans ses flancs tout le secret de l’art de l’avenir ?

114. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame du Hausset, femme de chambre de madame de Pompadour. »

Au milieu de ces jongleries misérables et de cette frivolité obstinée, il y avait pourtant une arrière-pensée sinistre, un soupçon vague et comme un remords anticipé de l’avenir. « Après nous le déluge », disait la marquise. « Ceci durera au moins autant que nous », répétait le prince insouciant. […] Pour ne pas les entendre, on s’abîma de plus en plus dans le tourbillon des voluptés et des intrigues ; en partie volonté, en partie fatalité, on s’étourdit sur les dangers de sa postérité et d’un avenir qu’on ne jugeait pas si prochain : l’illusion de cette cour usée semblait un rêve de la caducité délirante.

115. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires relatifs à la Révolution française. Le Vieux Cordelier, par Camille Desmoulins ; Les Causes secrètes ou 9 thermidor, par Villate ; Précis du 9 thermidor, par Ch.-A. Méda, Gendarme »

Parmi eux, celui que l’avenir distinguera sans doute avec le plus de compassion, parce que tous ses excès naquirent d’illusions de jeunesse, et que le dernier, le seul acte honorable de son parti se rattache surtout à son souvenir, c’est le rédacteur du Vieux Cordelier, Camille Desmoulins. […] « La Montagne est inattaquable par le côté droit et le Marais, s’écrie Camille ; elle n’est prenable, comme les Thermopyles, que par les hauteurs. » Effrayé enfin de cette sombre licence dont il a été le promoteur imprudent, il ne se lasse pas de présenter la liberté sous la forme aimable et sage dont il l’a toujours conçue ; il revient à chaque instant à cette idée, on dirait qu’elle l’obsède, et qu’il sent que ce rêve brillant couvrira seul dans l’avenir les taches de sa mémoire.

116. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Introduction » pp. 2-6

Ce livre ne promet pas de répondre entièrement à ce besoin ; il est du moins un essai pour fixer les bases et pour esquisser le plan d’un édifice à la fois imparfait et solide, que l’avenir puisse continuer et achever sans être obligé de le reprendre en sous-œuvre tous les vingt ou trente ans. […] Cela serait triste ; heureusement, il est certain que la connaissance du passé peut servir au présent et à l’avenir, et même qu’il doit s’en dégager des leçons de haute valeur.

117. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface et note de « Notre-Dame de Paris » (1831-1832) — Note ajoutée à l’édition définitive (1832) »

Mais il sent le besoin de dire ici qu’il désire vivement que l’avenir lui donne tord un jour. […] Mais dans tous les cas, quel que soit l’avenir de l’architecture, de quelque façon que nos jeunes architectes résolvent un jour la question de leur art, en attendant les monuments nouveaux, conservons les monuments anciens.

118. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

En Allemagne, de 1830 à 1880, se développait le génie de Wagner : d’artiste il devenait le maître de l’œuvre d’art de l’avenir. […] L’art de Wagner marche vers ce désir, encore en maint lieu inconscient mais partout existant, de l’harmonie ; car il se manifeste aujourd’hui, depuis la grande victoire de Parsifal et à la face du monde entier, comme l’art de l’avenir ; et il est l’art dont a besoin le présent pour se faire l’avenir, au sens d’une humanité idéale. […] Entre l’Allemagne et l’Autriche, naguère, des relations malsaines et menteuses devaient aboutir à une franche séparation, pour permettre aux deux peuples, après une explication acharnée mais loyale, d’apprendre enfin à se supporter, estimer et aimer : le même fait se doit produire entre les peuples de la France et de l’Allemagne, mais en des proportions infiniment plus grandes ; et il sera d’autant plus important pour la marche de l’histoire vers l’avenir idéal. […] Car c’est le sang de la plus noble espèce humaine naturelle, de la famille Aryenne, de la quelle seul peut naître l’homme idéal de l’avenir, parce que cet homme idéal représente seulement dans sa conscience morale la nature la plus noble de l’humanité. […] Cette idée d’un sang plus pur, duquel peut seul naître l’homme de l’avenir et qui donne naissance aux grands hommes dont Wagner, Dante, Cervantès, Rousseau, Shakespeare, Goethe… prêterait à sourire si on ne connaissait pas les horreurs qui ont été commises en son nom.

119. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

« On n’envisage d’ordinaire la science, — lisons-nous dans L’Avenir de la science, — que par ses résultats pratiques et ses effets civilisateurs. […] Et si L’Avenir de la science est une œuvre de sa jeunesse, qui ne sait que son âge mûr ne s’est on quelque manière employé qu’à essayer de réparer au moyen de la science les brèches que son exégèse croyait avoir faites dans l’édifice dix-huit fois séculaire de la morale et de la religion ? […] Ou plutôt il l’a très bien vu, et là même est l’explication du mépris doux et transcendant avec lequel, — dans son Avenir de la science et ailleurs, — il a toujours parlé d’Auguste Comte. […] Infiniment féconde en applications pratiques, — du genre de celles que Renan affectait volontiers de mépriser, — et, peut-être, d’une autre part, en spéculations dont l’ampleur sera toujours le plus beau témoignage de la puissance de l’esprit humain, la science ne « justifiera » jamais son fondement, et tous les problèmes qu’elle résoudra ne l’avanceront pas plus dans l’avenir que dans le passé, vers la solution de ceux qu’au temps de Descartes ou de Condorcet, elle se croyait en droit d’espérer de trancher. […] Voyez L’Avenir de la Science, p. 22, 23, 29.

120. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Duval, et après avoir constaté l’état actuel de l’art dramatique en France, d’en prévoir l’avenir, d’en conjecturer la chute ou le triomphe, enfin d’indiquer les remèdes et les ressources. […] Mais c’est que l’ordre nouveau lui-même était en question jusqu’ici, et que toutes les forces sociales affluaient à la lutte d’où l’avenir dépendait. […] 2° Le goût du public pressent et prépare merveilleusement cet avenir dramatique qu’on se plaît à rêver.

121. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

Mais l’on renoncerait à posséder désormais en France de grands hommes dans la carrière de la littérature, si l’on blâmait d’avance tout ce qui peut conduire à un nouveau genre, ouvrir une route nouvelle à l’esprit humain, offrir enfin un avenir à la pensée ; elle perdrait bientôt toute émulation, si on lui présentait toujours le siècle de Louis XIV comme un modèle de perfection, au-delà duquel aucun écrivain éloquent ni penseur ne pourra jamais s’élever. […] Turgot l’a professé sous le gouvernement arbitraire, mais modéré du dernier règne ; et Condorcet, dans la proscription où l’avait jeté la sanguinaire tyrannie qui devait le faire désespérer de la république, Condorcet, au comble de l’infortune, écrivait encore en faveur de la perfectibilité de l’espèce humaine, tant les esprits penseurs ont attaché d’importance à ce système, qui promet aux hommes sur cette terre quelques-uns des bienfaits d’une vie immortelle, un avenir sans bornes, une continuité sans interruption7. […] Secondement, en parlant de la perfectibilité de l’espèce humaine, je ne fais nullement allusion aux rêveries de quelques penseurs sur un avenir sans vraisemblance, mais aux progrès successifs de la civilisation dans toutes les classes et dans tous les pays.

122. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre III : Le présent et l’avenir du spiritualisme »

Chapitre III : Le présent et l’avenir du spiritualisme Tels sont, sommairement résumés et librement développés, les principaux points de la philosophie spiritualiste, telle du moins que nous l’entendons. Aujourd’hui que les grands fondateurs et organisateurs de cette philosophie ont disparu, que de nombreuses écoles se sont élevées en dehors d’elle, que l’opinion est partagée à son égard, il n’est pas sans opportunité de s’interroger sur son état présent et sa destinée dans l’avenir. […] L’idée spiritualiste, n’ayant point exclu la variété et le mouvement dans le passé, ne l’exclut pas davantage dans l’avenir.

123. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre III. Besoin d’institutions nouvelles » pp. 67-85

J’avouerai même qu’il peut y avoir, et qu’il y a en effet de nobles et généreuses erreurs : le passé ne nous appartient plus, je le sais, sinon comme leçon pour le présent, et comme conseil pour l’avenir. […] Nous devons apporter toute notre attention à éviter de nouveaux regrets pour l’avenir ; il faut au moins tirer ce fruit de la funeste expérience que nous avons faite. […] Notre antipathie pour le passé nous force à nous réfugier dans l’avenir ; mais nous sera-t-il permis de soulever le voile encore si imposant qui nous cache nos destinées futures ?

124. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Odysse Barot »

., avec la tuméfaction à la tête de l’orgueil, — car l’orgueil est hydrocéphale, — que l’esprit humain va de ce côté ; que l’avenir, ô bonheur du ciel mis sur la terre ! […] Et ce signe de la bête est peut-être ce qu’il a de plus précieux aux yeux de Barot, qui doit à peu près croire, comme Darwin, que l’homme n’est qu’un singe qui présentement reprend ses droits… Selon lui, la gloire de lord Byron s’en va baissant ; la gloire de Shelley grandit au contraire, et, comme pour ces fiers penseurs de la démocratie, si comiquement optimistes, qui trouvent que l’humanité, composée de toutes les canailles, a toujours raison dans ce qu’elle pense et quoi qu’elle pense, Odysse Barot pense comme toute l’Angleterre actuelle sur Byron (en supposant qu’elle pense ce qu’il atteste), et sans façon il lui rogne sa gloire… C’est à Shelley qu’est l’avenir, dit-il. […] Et c’est pour cela que leurs œuvres sublimes, à Raphaël et à Michel-Ange, sont réservées aux brasiers de l’avenir par ces bienfaiteurs de l’humanité, qui trouveront que le tableau de la Transfiguration ou tel autre chef-d’œuvre ne sont bons, en définitive, que pour chauffer, entre deux barricades, les goujats qui ont froid par une nuit d’hiver !

125. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le colonel Ardant du Picq »

Il est historien quand il raconte les batailles de l’antiquité, celle de Cannes et celle de Pharsale, et quand il dit par quels moyens, par quelles manœuvres elles furent gagnées ou perdues ; et il est homme d’idées et réformateur quand il dit par quelles modifications dans les manœuvres on pourra gagner les batailles dans l’avenir ; mais là l’auteur des Études sur le Combat se montre un historien encore. […] L’avenir semble appartenir à la démocratie, mais, avant que cet avenir soit atteint par l’Europe, qui dit que la victoire, la domination, n’appartiendra pas un long temps à l’organisation militaire, qui périra ensuite faute d’aliments de vie quand, n’ayant plus d’ennemis extérieurs à vaincre, à surveiller, plus à combattre pour sa domination, elle n’aura plus sa raison d’être.

126. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Edmond About » pp. 91-105

On le mit, comme l’espoir de ce siècle qui a besoin de croire à l’avenir, avec M.  […] Maître Pierre rompt avec les siennes et prépare à la Lande, comme on dit maintenant, son avenir. […] le Maître Pierre de cet avenir-là.

127. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Et ce qui était bien plus grave, ce qui paralysait Wagner complètement, c’était — sans aucun doute — que ces deux projets, ainsi que toute son Esquisse de drame, ne répondaient aucunement à l’idéal qu’il venait de dresser, précisément en 1850-1851, dans ses deux écrits : l’Œuvre d’art de l’avenir et Opéra et drame. […] Voici d’abord les deux principaux écrits théoriques que le maître nous ait laissés : l’Œuvre d’art de l’avenir (1849-1850), et Opéra et drame (1850-1851). […] Je crois même que cette préoccupation du poème spécial qu’il avait en vue est un défaut dans ce beau livre, que Wagner nomme son Testament98, et que l’Œuvre d’art de l’avenir, écrit à un moment où le Ring est moins au premier plan de ses pensées, lui est sous plusieurs rapports supérieur. […] Wagner a prévu, il y a longtemps, que « l’œuvre d’art de l’avenir ne pourra vivre pleinement que lorsque le drame ordinaire et l’opéra seront devenus impossibles ». […] Il reste encore selon Wyzewa à traduire les principaux écrits que sont la Lettre sur la musique, Art et révolution, L’œuvre d’art de l’avenir, Opéra et drame et Une communication à mes amis.

128. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Vauvenargues, mort trop tôt et incomplet comme écrivain, rouvre un ordre d’idées et de sentiments qui est plein de fécondité et d’avenir. […] Condorcet lui-même, dont le nom se présente d’abord comme celui de l’apôtre puni de son zèle et le plus cruellement déçu dans son ardente poursuite, ne s’est pas tant trompé qu’il semble, et quoiqu’il se mêlât à sa foi dans l’avenir un fanatisme que je n’aime nulle part, il n’a pas désespéré du progrès en mourant, et il a bien fait. […] Que serait-ce si l’on montrait dans son cadre de Passy, au milieu de notre monde du xviiie  siècle, Franklin, le patriarche souriant, le sage de l’avenir, aux remarques fines et utiles, aux vérités ingénieuses et fructueuses, et desquelles bon nombre sont nées parmi nous ! […] Elle a produit de brillants et vigoureux réactionnaires, des restaurateurs ou des prédicateurs du passé, Bonald, de Maistre, Chateaubriand ; des marcheurs en avant et même des utopistes en partie clairvoyants, et, par opposition aux injurieux prophètes du passé, des prophètes plus ou moins aventureux de l’avenir, tels que Saint-Simon, Comte ; de savants législateurs surtout, dans l’ordre du possible, les Tronchet, les Cambacérès, les collaborateurs du Code Napoléon… La simple observation morale eût paru un jeu un peu trop égoïste et désintéressé après de tels naufrages.

129. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

A un moment décisif, près de devenir époux et père de famille, il se vit même obligé de signer une espèce de rétractation, afin de ne pas se fermer tout avenir, à lui et aux siens. […] Il priait à sa manière : « D’autres invoquent les dieux avant le sommeil ; pour moi, je bénis mes amis. » — Il avait pourtant des jours et des heures où il exprimait le regret de ne plus sentir en lui aucune aspiration vers l’avenir, aucun recours à la récompense du juste ; il eût désiré plus de malheurs encore qu’il ne lui en était échu, s’il avait dû y puiser et y ressaisir une espérance d’immortalité : « Vous, écrivait-il à Rousseau, vous attendez une récompense qui vous serait bien due et dont je vous envie l’espoir délicieux au prix des persécutions qui le peuvent mériter. […] Plus je vis et je réfléchis, moins je me sens ce que je voudrais être, destiné pour un meilleur avenir. […] La haine monacale qu’il avait encourue dès son arrivée et qui avait aussitôt senti en lui une proie et une victime, les dénonciations dont il s’était vu l’objet, et qui pouvaient recommencer toujours, ne lui permettaient pas de penser à se fixer dans ce pays d’inquisition : il cherchait en idée un asile ailleurs pour un avenir plus ou moins prochain, et il n’en trouvait nulle part un à son gré.

130. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Je relève dans ce Mémoire un heureux coup de crayon donné en passant, et qui caractérise en beau M. de Choiseul : « M. le duc de Choiseul, un des hommes de notre siècle qui a eu le plus d’avenir dans l’esprit ; qui déjà, en 1769, prévoyait la séparation de l’Amérique d’avec l’Angleterre et craignait le partage de la Pologne, cherchait dès cette époque à préparer par des négociations la cession de l’Égypte à la France, pour se trouver prêt à remplacer, par les mêmes productions et par un commerce plus étendu, les colonies américaines le jour où elles nous échapperaient… » Voilà un éloge relevé par un joli mot : un joli mot, en France, a toujours chance de l’emporter sur un jugement. […] M. de Choiseul, en fait de colonies, pouvait voir très loin dans l’avenir ; il regardait très peu dans le présent. […] Il est parfaitement vrai que Talleyrand, en ces années, avait déjà jusqu’à un certain point lié son avenir à celui du glorieux général, et qu’il y avait entre eux un concert, même pour ce qui devait s’accomplir en Orient. […] Mignet, qui dans sa Notice est autant à consulter sur cette partie publique qu’il est réservé et muet sur les recoins occultes de M. de Talleyrand, a tiré des Archives des affaires étrangères la preuve que ce ministre, après la victoire d’Ulm, adressa de Strasbourg à Napoléon un mémoire pour lui proposer un plan de remaniement européen, tout un nouveau système de rapports qui eût désintéressé l’Autriche et préparé un avenir de paix ; et ce projet d’arrangement, il le renouvela le jour où il reçut à Vienne la nouvelle de la victoire d’Austerlitz.

131. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

Reçu à l’Académie française en novembre 1811, à l’âge de trente-trois ans ; dans l’intime faveur des ministres Bassano et Rovigo ; rédacteur en chef officiel du Journal de l’Empire, remplissant la scène française et celle de l’Opéra-Comique par la variété de ses succès, connu d’ailleurs encore par les joyeux soupers du Caveau et par des habitudes légèrement épicuriennes, on se demandait quel était l’avenir de ce jeune homme brillant, au front reposé, au teint vermeil ; s’il n’était (comme quelques-uns le disaient) que le plus fécond et le plus facile des paresseux, un enfant de Favart ; s’il ne faisait que préluder à des œuvres dramatiques plus mûres, et où il s’arrêterait dans ces routes diverses qu’il semblait parcourir sans effort. […] Étienne, nous sommes plus que jamais frappé du côté défectueux qui compromet l’avenir de toutes, même de celle qui est réputée à bon droit son chef-d’œuvre. […] Cet avenir, tel qu’il le jugeait, devait d’ailleurs avoir pour lui peu de charmes. […] Il est même allé jusqu’à penser qu’il y avait une lutte établie et comme perpétuelle entre les deux races ; que celle des penseurs ou poëtes, qui avait pour elle l’avenir, était opprimée dans le présent, et qu’il n’y avait de refuge assuré que dans le culte persévérant et le commerce solitaire de l’idéal.

132. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Au reste, il faut ici réserver la part de ce que l’avenir révélera. […] Il a cru à la science plus ardemment que personne, et il lui a remis avec confiance l’avenir de l’humanité. […] — Guyau : Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction ; l’Art au point de vue sociologique ; l’Irréligion de l’avenir, etc. […] Il fut nommé professeur d’hébreu au Collège de France (1861), puis destitué : il reprit sa chaire en 1870.Éditions :L’Avenir de la science, pensées de 1848, Calmann Lévy, 1890, in-8 ; Averroès et l’averroïsme, 1852, in-8 ; Histoire générale et système comparé des langues sémitiques, 1855, in-8 ; Études d’histoire religieuse, 1857, in-8 ; Essais de morale et de critique, 1859, in-8 ; les Origines du Christianisme, comprenant : Vie de Jésus (1863), les Apôtres (1866), Saint Paul (1869), l’Antéchrist (1873), les Évangiles (1877), l’Eglise chrétienne (1879), Marc Aurèle (1881) et un index général (1883) : 8 vol. in-8 ; Calmann Lévy.

133. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Papisme ou libre pensée, telle est l’alternative encore une fois posée : il serait temps de se décider pour l’un ou pour l’autre, si l’on veut éviter dans l’avenir des malentendus dont la gravité s’affirme de jour en jour. […] Telle est l’origine du « Vœu » ; il émane de consciences sombrées dans le péril atroce du moment, épouvantées de l’avenir gros de nuages et de sang, n’osant se faire une idée du futur, se demandant même parfois si les races n’allaient pas être englouties dans quelque universelle conflagration. […] Car il faut être pénétré du passé pour s’avancer largement dans les voies de l’avenir. […] 68 » Je ne sais pourquoi la dénonciation d’un symbole néfaste du passé et le rêve d’un symbole bienfaisant de l’avenir se sont unis dans ma pensée ; mais à la place de l’œuvre misérable et négatrice d’humanité, je voudrais au contraire contempler l’exaltation de cette humanité dans ses grands hommes, et retrouver dans toute son ampleur et dans toute sa richesse l’âme et une race glorifiée.

134. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires du marquis d’Argenson, ministre sous Louis XV »

Chacun apportait sa portion de zèle et de lumières ; l’un était chargé de l’histoire des finances ; l’autre, de celle du commerce ; un troisième, d’une histoire des États-généraux et des Parlements ; mais le plus inépuisable lecteur était sans contredit le digne abbé de Saint-Pierre que notre auteur aime à nommer en toute occasion son bon ami ; il y épanchait ses rêves bienveillants, y enfantait ses projets pleins d’espérance, et puisait dans les regards et jusque dans les sourires de l’amitié ses croyances les plus fermes à un bienheureux avenir. […] De plus, ce qui n’est pas une moindre louange, son opinion saine et droite devance celle de l’avenir, et pourtant alors, pour plusieurs de ces grands hommes, le présent était à peine venu.

135. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Malaise moral. » pp. 176-183

Le gouvernement français n’a pas proposé le plébiscite en Crète ; il n’a pas fait cette démonstration, inutile dans le présent, mais nullement dangereuse, conforme à notre mission dans le passé et à notre intérêt dans l’avenir, — parce qu’il a craint d’être plus magnanime que la nation. […] Et il nous a démoralisés nous-mêmes en mêlant trop d’humiliation, de tristesse et de défiance de l’avenir aux seuls sentiments où nous puissions encore nous sentir unanimes.

136. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Hernani » (1830) »

Sans doute, il est triste de voir un poète de vingt ans qui s’en va, une lyre qui se brise, un avenir qui s’évanouit ; mais n’est-ce pas quelque chose aussi que le repos ? […] Si rude qu’on nous veuille faire le présent, l’avenir sera beau.

137. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Vous savez quel goût j’ai pour les grands événements, et combien je suis las de notre petit pot-au-feu démocratique et bourgeois. » Lorsque ensuite, après s’être avancé, on recule, et que la nation se croit, à tort ou à raison, profondément humiliée et déchue du rang qu’elle tenait en Europe ; lorsqu’elle commence à en vouloir au Gouvernement de son choix et au prince qu’elle accuse personnellement de lui avoir créé cette situation indigne d’elle, Tocqueville est des premiers à sentir que le péril de l’avenir est là, non ailleurs, et tout le talent de parole dont fait œuvre le ministère de M.  […] Ce n’est pas à vous, mon cher Mill, que j’ai besoin de dire que la plus grande maladie qui menace un peuple organisé comme le nôtre, c’est l’anéantissement graduel des mœurs, l’abaissement de l’esprit, la médiocrité des goûts : c’est de ce côté que sont les grands dangers de l’avenir. […] Dans cette lettre caractéristique, nous faisons avec Tocqueville tout un voyage autour de ma chambre, une reconnaissance complète de son esprit : « Ce qui aurait le plus d’originalité et ce qui conviendrait le mieux à la nature et aux habitudes de mon intelligence, serait un ensemble de réflexions et d’aperçus sur le temps actuel, un libre jugement sur nos sociétés modernes et la prévision de leur avenir probable. […] Tocqueville est un auteur si distingué et dont la réputation gagnera tellement dans l’avenir, qu’on ne doit pas craindre d’insister et d’appuyer à son sujet. […] Non vraiment… » Mais je le reconnais volontiers aujourd’hui en me relisant : avec Tocqueville je suis plutôt resté en deçà que je ne suis allé jusqu’à la limite de la juste louange qui lui est due et que l’avenir lui réserve.

138. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Soit que des plumes ingénieuses et sagaces nous aient déjà dérobé heureusement ce qui nous eût attiré peut-être ; soit que cette prédilection vive que nous apportons dans l’étude des modèles et qu’on a pu blâmer, mais à laquelle nous tenons, ne s’étende pas à l’infini ; soit qu’enfin l’espèce de détails que l’indulgence ou la convenance prescrit de taire, les faiblesses qui enchaînent, les vanités qui rapetissent, ces sentiments mêlés et attristants, nous semblent, dans plusieurs des cas que nous excluons, à la fois trop essentiels et trop impossibles à dévoiler ; par tous ces motifs, nous serons plus que jamais sobre de choix à l’avenir. […] Rien qu’en vous parlant de cette riante époque de ma vie, où sans appui, sans pain assuré, sans instruction, je me rêvais un avenir, sans négliger les plaisirs du présent, mes yeux se mouillent de larmes involontaires. […] Le Juif errant, les Contrebandiers continueront, on le verra, ce genre de ballade philosophique qui touche aux limites extrêmes de la chanson ; presque toujours Béranger a pris soin de rattacher ces  excursions, assez vagabondes en apparence, à une prophétique pensée d’avenir. […] Si chaque jour entend crier la roue, Une harmonie embrasse l’avenir. […] On y sent réunis et mélangés le contemporain des conquêtes, le républicain de l’avenir, et le successeur du Parisien Villon.

139. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Aussi, quand l’Avenir parut après Juillet, beaucoup d’honnêtes gens s’étonnèrent, comme d’une volte-face, de ce qui n’était que la conséquence naturelle d’une doctrine déjà manifeste, une évolution conforme aux circonstances nouvelles qu’avait dès longtemps prévues l’œil du génie.  […] Par sa naissance, par son éducation et sa première vie dans une province la plus fidèle de toutes à la tradition et à l’ordre ancien, par le genre de ses relations ecclésiastiques et royalistes dans le monde lorsqu’il s’y lança, par la nature de son scepticisme lorsqu’il fut atteint de ce mal, par la forme soumise et régulière de son retour à la foi, par tout ce qui constitue enfin les mœurs, l’habitude pratique, l’union de la personne et de la pensée, l’allure intérieure ou apparente, la qualité saine du langage et l’accent même de la voix, M. de La Mennais, à aucune époque, n’a trempé dans le siècle récent, ne s’y est fondu en aucun point ; il a demeuré jusqu’en ses écarts sur des portions plus éloignées du centre et moins entamées ; dans toute sa période de formation et de jeunesse pieuse ou rebelle, il a fait le grand tour, pour ainsi dire, de notre Babylone éphémère, et si plus tard il est entré dans l’enceinte, ç’a été avec un cri d’assaut, muni d’armes sacrées, se hâtant aux régions d’avenir et perçant ce qui s’offrait à l’encontre au fil de son inflexible esprit. […] Tous les deux, hommes d’avenir, prêtres selon l’esprit, sentant à leur face le souffle nouveau du catholicisme, ils ont, conformément à l’ordre de leur venue et à la tournure particulière de leur génie, exprimé diversement les mêmes vœux, les mêmes remontrances touchant la conduite temporelle des peuples. […] La plupart des théologiens prêtèrent leurs subtilités à ce système bâtard ; quelques autres par ressouvenir du passé, deux ou trois par sentiment d’avenir, s’élevèrent pour le combattre : tels Fénelon et M. de La Mennais. […] La révolution de Juillet, en brisant, du moins en droit, le système insoluble de la Restauration, a permis à M. de La Mennais de se produire enfin politiquement dans une pleine lumière : après sa mémorable série dans l’Avenir sur la réorganisation catholique et sociale, il n’est plus possible à un lecteur de sens et de bonne foi de garder l’ombre d’un doute aujourd’hui.

140. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

C’est sans doute un triste effort que de transporter son intérêt, de reposer son attente, à travers l’avenir, sur nos successeurs, sur les étrangers bien loin de nous, sur les inconnus, sur tous les hommes enfin dont le souvenir et l’image ne peuvent se retracer à notre esprit. […] Sans doute les découvertes des sciences doivent à la longue donner une nouvelle force à cette haute philosophie11 qui juge les peuples et les rois ; mais cet avenir éloigné n’effraie point les tyrans : l’on en a vu plusieurs protéger les sciences et les arts ; tous ont redouté les ennemis naturels de la protection même, les penseurs et les philosophes. […] Les arts peuvent distraire l’esprit par les plaisirs de chaque jour, de toute pensée dominante ; ils ramènent les hommes vers les sensations ; et ils inspirent à l’âme une philosophie voluptueuse, une insouciance raisonnée, un amour du présent, un oubli de l’avenir très favorable à la tyrannie. […] Dans la seconde, j’examinerai l’état des lumières et de la littérature en France, depuis la révolution ; et je me permettrai des conjectures sur ce qu’elles devraient être et sur ce qu’elles seront, si nous possédons un jour la morale et la liberté républicaine ; et fondant mes conjectures sur mes observations, je rappellerai ce que j’aurai remarqué dans la première Partie sur l’influence qu’ont exercée telle religion, tel gouvernement ou telles mœurs, et j’en tirerai quelques conséquences pour l’avenir que je suppose. […] L’esprit humain ne pouvant jamais connaître l’avenir avec certitude, la vertu doit être sa divination.

141. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

C’est donc en écartant cette époque monstrueuse, c’est à l’aide des autres événements principaux de la révolution de France et de l’histoire de tous les peuples, que j’essayerai de réunir des observations impartiales sur les gouvernements, et si ces réflexions me conduisent à l’admission des premiers principes sur lesquels se fondent la constitution républicaine de France, je demande que, même au milieu des fureurs de l’esprit de parti qui déchirent la France, et par elle le reste du monde, il soit possible de concevoir que l’enthousiasme de quelques idées n’exclut pas le mépris profond pour certains hommes1, et que l’espoir de l’avenir se concilie avec l’exécration du passé. […] Mais laissez un siècle passer sur nos destinées, vous saurez alors si nous avons acquis la véritable science du bonheur des hommes ; si le vieillard avait raison, ou si le jeune homme a mieux disposé de son domaine, l’avenir. […] Il semble qu’on ne s’est jamais assez mis à la disposition de ceux qu’on aime, qu’on ne leur a jamais assez prouvé qu’on ne pouvait exister sans eux ; que l’occupation, les services de tous les jours ne satisfont pas assez au gré de la chaleur de l’âme, le besoin qu’on a de se dévouer, de se livrer en entier aux autres ; on se fait un avenir tout composé des liens qu’on a formés. […] Mais à vingt-cinq ans, à cette époque précise, où la vie cesse de croître, il se fait un cruel changement dans votre existence ; on commence à juger votre situation ; tout n’est plus avenir dans votre destinée ; à beaucoup d’égards votre sort est fixé, et les hommes réfléchissent alors s’il leur convient d’y lier le leur ; s’ils y voient moins d’avantages qu’ils n’avaient cru, si de quelque manière leur attente est trompée ; au moment où ils sont résolus à s’éloigner de vous, ils veulent se motiver à eux-mêmes leur tort envers vous ; ils vous cherchent mille défauts pour s’absoudre du plus grand de tous ; les amis qui se rendent coupables d’ingratitude, vous accablent pour se justifier, ils nient le dévouement, ils supposent l’exigence, ils essayent enfin de moyens séparés, de moyens contradictoires pour envelopper votre conduite et la leur d’une sorte d’incertitude que chacun explique à son gré. […] C’est à cette époque funeste où la terre semble manquer sous nos pas ; où plus incertains sur l’avenir que dans les nuages de l’enfance, nous doutons de tout ce que nous croyons savoir, et recommençons l’existence avec l’espoir de moins.

142. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

L’homme de parti veut imposer ses colères à l’avenir, sans songer que l’avenir n’a de colère contre personne, que Spartacus et Jean de Leyde ne sont pour nous qu’intéressants. […] L’avenir le dira ; toujours est-il remarquable que les plus embarrassés au lendemain de la victoire ont été les vainqueurs. […] Ceci est trompeur et ne peut pas fournir d’induction pour l’avenir. […] Nous souffrons, l’avenir en profitera.

143. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

De nombreuses formes douteuses existent, qui ne sont probablement que des variétés ; mais qui nous assure que dans l’avenir un assez grand nombre de fossiles seront découverts pour que les naturalistes soient capables de décider, d’après les règles communes, si ces formes douteuses sont ou ne sont pas des variétés ? […] Un petit nombre de naturalistes, doués d’une intelligence ouverte et qui d’eux-mêmes ont déjà commencé à douter de l’immutabilité des espèces, peuvent être influencés par cet ouvrage ; mais j’en appelle surtout avec confiance à l’avenir et aux jeunes naturalistes qui s’élèvent et qui pourront regarder les deux côtés de la question avec plus d’impartialité. […] Dans un avenir éloigné, je vois des champs ouverts devant des recherches bien plus importantes. […] Nous pouvons même jeter un regard prophétique dans l’avenir jusqu’à prédire que ce sont les espèces communes et très répandues, appartenant aux groupes les plus nombreux de chaque classe, qui prévaudront ultérieurement et qui donneront naissance à de nouvelles espèces dominantes. […] Nous pouvons aussi en conclure avec quelque confiance qu’il nous est permis de compter sur un avenir d’une incalculable longueur.

144. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

La durée est le progrès continu du passé qui ronge l’avenir et qui gonfle en avançant. […] En cela consiste la prévision de l’avenir par le sens commun. […] Il substitue l’attraction de l’avenir à l’impulsion du passé. […] C’est donc supposer, au fond, que tout est donné, que l’avenir pourrait se lire dans le présent. […] L’avenir apparaît alors comme dilatant le présent.

145. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Et, sans doute, d’un darwinisme à peine assuré de la solidité de ses principes, ou d’une physiologie rudimentaire encore, on en peut bien appeler dans l’avenir à une physiologie plus savante ou à un darwinisme mieux entendu ; mais, en attendant, il faut vivre d’une vie qui ne soit pas purement animale, et la science, aucune science aujourd’hui ne saurait nous en donner les moyens. […] Mais, en proclamant l’indépendance de l’Église à l’égard des formes de gouvernement, comme en s’occupant des questions ouvrières avec une sollicitude particulièrement active, et comme en travaillant à préparer dans un lointain avenir la réconciliation en une des diverses communions chrétiennes, il a fait trois grandes choses, — dont la première conséquence a été de rendre au catholicisme, et généralement à la religion, leur part d’action sociale. […] L’avenir lui saura surtout gré de s’être souvenu que le christianisme a commencé par être une religion de pauvres, et que, selon l’insolente et cruelle expression de Voltaire, « la plus vilecanaille l’avait seule embrassée pendant plus de cent ans ». […] L’Avenir de la science, p. 37. […] L’Avenir de la science, p. 163.

146. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Je ne crois pas, pour trois raisons, que cette formule puisse suffire à la poésie française de l’avenir, et ce sont ces trois raisons que je voudrais exposer ici : elles sont d’ordre psychologique, social et métaphysique. […] Au lieu de cela, nous devons à notre tour faire face à un esprit de conservatisme qui, s’il triomphait, retarderait d’une génération ou deux le mouvement sauveur qui ouvrira peut-être les routes de l’Avenir. […] Cet effort est nécessaire ; et s’il n’aboutit pas immédiatement, il sauvegardera du moins l’avenir. […] Il est un troisième mode d’expression moins connu, mais qui n’en a pas moins une valeur considérable, et qui, sans doute, prendra de plus en plus une place prépondérante dans le théâtre de l’avenir. […] Et cette méthode qui consiste non à opposer systématiquement, mais à comprendre, semble devoir être de plus en plus celle de l’avenir.

147. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Ceci se passait vers 91 ; l’humble famille de Douai avait vu tarir, depuis deux ou trois ans déjà, ses modiques ressources, et l’avenir se présentait de plus en plus sombre. […] Il fallait vivre et pourvoir à l’avenir, elle chanta. […] L’avenir du monde, la souffrance de ses semblables, les grandeurs de la nature, l’ont préoccupée. […] Je rappellerai seulement, en l’altérant un peu, la jolie épigramme antique : « La vierge Érinne était assise, et, tout en remuant le fil de soie et la broderie légère, elle distillait avec murmure quelques gouttes du miel de l’abeille d’Hybla. » Puisse l’avenir tenir du moins les récentes promesses envers celle qui les a payées assez chèrement ! […] « Je t’en écrirai les détails quand je respirerai du tumulte de tant de soins, et des terribles embarras d’argent où je tourne épouvantée. — L’avenir de notre chère Ondine est assuré et tout à fait convenable ; mais juge de cette époque pour sa pauvre famille si fière, si pauvre ! 

148. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Il y aurait profit à se le rappeler toutefois ; penser beaucoup et sérieusement au passé en telle matière et le bien comprendre, c’est véritablement penser à l’avenir : ces deux termes se lient étroitement et correspondent entre eux comme deux phares. […] Celui de tous les peuples qui a le plus songé à la gloire et qu’elle a le moins trompé, celui de tous les poëtes qu’elle a couronné comme le plus divin, les Grecs et Homère, appelaient la postérité et les générations de l’avenir ce qui est derrière (οί όπίσω), comme s’ils avaient réellement tourné le dos à l’avenir, et du passé ils disaient ce qui est devant. […] Il ressort clairement de ce renfort de pièces à l’appui que si la Ligue recelait à certains égards quelques idées d’avenir, elle en représentait encore plus de fixement stupides et d’irrévocablement passées ; que si, dans ses hardiesses de doctrine, elle anticipait quelques articles du catéchisme de 1793, elle en reproduisait encore plus de la théocratie du xiie  siècle ; qu’enfin elle était fanatique en religion autant qu’anti-nationale en politique. […] Villemain et Cousin qui lui témoignaient un attachement véritable, — un peu de persévérance et d’amour des lettres, voilà les éléments de mon mince avenir. […] Si Lucrèce nous rend avec une saveur amère les angoisses des mortels, nul aussi n’a peint plus fermement et plus fièrement que lui la majesté sacrée de la nature, le calme et la sérénité du sage ; à ce titre auguste, le pieux Virgile lui-même, en un passage célèbre, le proclame heureux : Félix qui potuit rerum , etc… Quoi qu’il en soit cependant de l’énigme que le poëte nous propose, et si tant est qu’il y ait vraiment énigme dans son œuvre, c’était aux expressions de trouble et de douleur que s’attachait surtout notre ami ; le livre III, où il est traité à fond de l’âme humaine et de la mort, avait attiré particulièrement son attention ; dans son exemplaire, chaque trait saillant des admirables peintures de la fin est surchargé de coups de crayon et de notes marginales, et il s’arrêtait avec réflexion sur cette dernière et fatale pensée, comme devant l’inévitable perspective : « Que nous ayons vécu peu de jours, ou que nous ayons poussé au-delà d’un siècle, une fois morts, nous n’en sommes pas moins morts pour une éternité ; et celui-là ne sera pas couché moins longtemps désormais, qui a terminé sa vie aujourd’hui même, et celui qui est tombé depuis bien des mois et bien des ans : Mors aeterna tamen nihilominus illa manebit ; Nec minus ille diu jam non erit, ex hodierno Lumine qui finem vitaï fecit, et ille Mensibus atque annis qui multis occidit ante. » Notre ami était donc en train d’attacher ses travaux à des sujets et à des noms déjà éprouvés, et les moins périssables de tous sur cette terre fragile ; il voguait à plein courant dans la vie de l’intelligence ; des pensées plus douces de cœur et d’avenir s’y ajoutaient tout bas, lorsque tout d’un coup il fut saisi d’une indisposition violente, sans siège local bien déterminé, et c’est alors, durant une fièvre orageuse, qu’en deux jours, sans que la science et l’amitié consternées pussent se rendre compte ni avoir prévu, sans aucune cause appréciable suffisante, la vie subitement lui fit faute ; et le vendredi 19 septembre 1845, vers six heures du soir, il était mort quand il ne semblait qu’endormi.

149. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Il y avait deux mois environ que la mère et la fille remplissaient l’office qui devenait leur unique ressource dans le présent, et même leur dernière perspective d’avenir (on disait déjà que M. […] Pour deviner qu’une passion était en jeu, il aurait fallu être un rival, ou il fallait être une mère, une mère prudente, inquiète et malade, qu’éclaire encore sur l’avenir secret de sa fille la crainte affreuse de la trop tôt quitter. […] Bien des fois déjà les propositions d’avenir avaient erré sur ses lèvres, et la seule timidité, cette pudeur de toute affection sincère, avait fait ses paroles moins précises qu’il n’aurait voulu. […] Hervé se disait qu’il fallait croire, ses discours aussi le disaient, et depuis deux heures, aux rayons du soleil baissant, on parlait de l’avenir.

150. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Je l’approuve aussi de condamner l’unité hypocrite qui enferme mon présent et mon avenir dans mon passé et qui me défend, lorsque j’ai grandi, de rejeter les vêtements courts ou étroits. […] Voici une de ses meilleures phrases, une des vingt qui paraîtront belles à la lecture sommeillante d’un voyageur de sleeping-car : « Comme les conquérants qui agrandissent leurs conquêtes par l’imagination, il faisait du présent victorieux le piédestal d’un avenir de gloire. » Il n’est pas besoin d’un psychologue profond (Paul Bourget lui-même suffirait à la tâche) pour remarquer qu’aux yeux d’un jeune ambitieux l’avenir n’est pas une statue précise, mais une succession de degrés qu’une lumière de féerie soulève l’un après l’autre et où monte un vertige joyeux. […] Le « piédestal » de cet avenir ne saurait être un piédestal ordinaire.

151. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

« Il n’y aura donc plus à s’y tromper : les Décadents sont une chose, les symbolistes sont l’ombre de cette chose ; les premiers sont pour le progrès, avec l’avenir, les seconds voudraient rétrograder jusqu’au Moyen Age, ils vivent avec le passé. […] Mais si nombreuses que soient leurs écoles, elles peuvent facilement se ramener à deux : l’une qui cherche son idéal dans le passé, l’autre dans l’avenir. […] L’avenir est à la science, à l’expérimentation, au chiffre. […] De nombreux écrivains l’ont déjà compris et toute une légion de poètes latents est prête à affirmer avec eux l’existence de l’école socialiste. » Mais si le succès du socialisme semble assuré pour l’avenir, on ne peut pas dire que cela soit vrai pour l’heure présente.

152. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

Il faut surtout créer des espérances pour l’avenir, en désignant à des places publiques, au sortir du cours, ceux des élèves qui se seront distingués. […] Un autre avantage de cette petite dépense, ce serait de diminuer le nombre des étudiants qui ne sera jamais que trop grand, quelles que soient à l’avenir les circonstances de la nation. […] Arrêter le plan de l’édifice pour le temps où l’on est et, pour l’avenir, en jeter les fondements, élever quelques pans de mur et abandonner à ses successeurs le reste de l’exécution.

153. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

La Critique, positive comme l’Histoire, et qui, pour l’instant, tient en sa possession les poésies complètes et avouées de Banville, en d’autres termes toute sa moisson poétique de 1841 à 1854, vannée, triée par lui et engrangée pour l’immortalité, s’il y a lieu, la Critique a bien moins à se préoccuper des chances d’un avenir incertain qu’à juger des efforts accomplis et du talent prouvé par l’œuvre même. […] Si, de toute l’école romantique emportée des bibliothèques de l’avenir, par un cataclysme imprévu, il ne restait que Théodore de Banville, il passerait peut-être pour un grand poète ; car il est une poésie générale qui meurt avec toute époque et qu’on impute parfois, quand l’époque n’est plus, au poète qui n’a fait que la réfléchir. […] Tu vins, et d’un ton compassé, Un pied sur l’avenir, l’autre sur le passé, Tu chantas à grands flots ces créations pures… Pour la beauté d’abord tu nous donnas Hélène, Forme terrible et pure, en son manteau de laine, Pour laquelle à jamais les hommes et les Dieux Se livrent sans relâche un combat odieux… Hélène qui, riant sur sa couche fatale, Tuait dans un baiser l’Asie orientale, Et serrant sur son sein l’enfant aux blonds cheveux, Étouffait un empire entre ses bras nerveux !

154. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

C'est une satire de la société actuelle et du gouvernement, entrelardée d’Hymnes mystiques sur le bonheur du passé et de l’avenir. […] Quant à son avenir et à ses peintures idylliques6 de bonheur champêtre, de pureté virginale, de mariage inviolable (car il soutient le mariage), de propriété partagée à tous et toutefois respectée (car il a l’air de vouloir la propriété contre les phalanstériens, comme il veut la famille), on ne sait à quoi cela aboutirait.

155. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

Les plus apparents à bon droit et les plus vénérés dans le groupe des poëtes ont rempli par leurs chants quelque fonction religieuse ou sociale ; ils ont été, ou la voix éloquente et palpitante du présent, ou l’écho lamentable d’un passé détruit, ou l’ardente trompette des espérances et des menaces de l’avenir. […] Les nobles et vigoureux talents s’en sauveront ; les œuvres nombreuses, que leur virile jeunesse promet à l’avenir, se remettront en harmonie avec une époque dont le sens plus diffus et plus immense est aussi plus glorieux à comprendre.

156. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. L’Angleterre en 1688 et la France en 1830 »

Nous avons eu, comme l’Angleterre, une Révolution soulevée par les classes moyennes et inférieures de la société contre le haut clergé, la haute aristocratie et la royauté, un roi mort sur l’échafaud, des excès et des folies après des commencements justes et glorieux, une dictature militaire, une Restauration monarchique, une race incorrigible et antipathique à la nation, enfin une délivrance heureuse qui assure nos droits et nous rouvre un libre avenir. […] Or, en France, rien de tout cela : le passé ne pèse plus par aucun point sur le présent ; notre avenir est libre et dépend de nous.

157. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Et Lamartine ? »

L’équitable avenir remettra toute chose à sa place. […] Et, puisqu’on veut que le rôle politique de l’auteur des Châtiments entre en ligne de compte dans le bilan de sa gloire, j’espère que l’avenir, s’il compare les vers de Hugo et ceux de Lamartine, comparera aussi leurs vies et leurs âmes.

158. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Pol-Roux (1861-1940) »

Saint-Pol-Roux, la Procession qu’imagina son rêve, — et mon ravissement au spectacle des splendides reposoirs que son art sincère édifia… Il sera celui qu’il a défini, le Poète : l’entière humanité dans un seul homme, — car il marche, hautain, à la conquête de l’avenir, en semant, avec le geste large des forts, à la volée, le bon grain d’où naîtront des fleurs éternelles comme les pierreries. […] Aussi celui qu’adoptera l’avenir.

159. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VII. L’Histoire de la Physique mathématique. »

Le Passé et l’Avenir de la Physique — Quel est l’état actuel de la Physique Mathématique ? […] Quel est son avenir ?

160. (1818) Essai sur les institutions sociales « Préface » pp. 5-12

Nodier disait « Pour juger une grande époque de destruction et de renouvellement, comme celle où nous vivons, il faudrait pouvoir se séparer tout à fait du passé et de l’avenir, ne conserver de l’un que des souvenirs sans passion, ne fonder sur l’autre que des espérances sans regrets… On sent partout, dans ce livre, l’inspiration qui a produit Antigone ; et je ne sais par quel mystère qui étonne et qui effraie, il rappelle le langage des fondateurs de la civilisation, comme si la nôtre était déjà détruite : il résulte de ce mélange d’éléments quelque chose qui accable la pensée, mais qui a un caractère monumental très instructif pour le siècle, si les livres remarquables sont les témoins de l’état de la société. […] On sent qu’il eût voulu adopter pleinement mes pensées d’avenir, mais qu’il n’osait pas trop se confier à l’espérance.

161. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « Introduction »

Il n’est pas vain de rappeler aux insoucieux et aux dilettantes de la vie que l’avenir du monde est lié à la banqueroute ou au succès des principes dont nous venons de résumer l’esprit : triomphe de la pensée libre, respect de la réalité, élargissement de la conscience. […] J’ai foi dans cette parole de Quinet : « C’est trop peu de lutter chaque jour, pour préparer le nouvel avenir, il faut encore travailler à découvrir l’esprit qui renouvellera toutes choses, dans ce monde dont nous touchons le seuil. »‌ 1.

162. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Non ; c’est celui qui prend le temps, observe les nuages, suit les variations de l’état du ciel, plie au besoin ses toiles et ménage l’avenir. […] Il peut arriver qu’un livre réussisse d’abord, pour des raisons moins bonnes que celles qui lui valent sa réputation dans l’avenir. […] Il ne saurait donc être inutile de passer en revue quelques-uns des grands engouements d’un jour — ou d’un siècle — que l’avenir n’a point ratifiés. […] Quel jugement l’avenir portera-t-il sur Victor Hugo ? […] Mais c’est là une opinion trop particulière et même trop généralement contestée pour qu’on puisse, avec la moindre confiance, y voir le jugement de l’avenir.

163. (1932) Les idées politiques de la France

Tout le sens et tout l’avenir de ce laïcisme étaient déjà dans la scène de Port-Royal : « Vous qui êtes jeune !  […] Et le jeune clergé suit plus ou moins la ligne du mouvement de l’Avenir, ou la ligne du mouvement tout court. […] Le même destin, la même fortune, le même avenir favorable, refusés en 1832 par l’Ecclesia volens, sont échus en 1907 à l’Ecclesia nolens. […] C’est pourquoi nous ne nous demanderons pas quel est l’avenir du parti démocrate populaire, qui d’ailleurs ne comprend pas seulement des catholiques. […] Et de la condamnation des saint-simoniens par les tribunaux temporels français, de la condamnation de l’Avenir par le tribunal spirituel de Rome (ce que M. 

164. (1888) Portraits de maîtres

Puissent-ils se conformer aux types que nous leur proposons, et nous ne douterons pas de l’avenir des Lettres et de la grandeur de la Patrie ! […] Notons ensuite cette anxieuse et vague impatience de l’avenir si fréquente alors dans la poésie de l’Allemagne. […] Mais qui peut sonder l’immensité de l’avenir ? […] eussent-ils pu nous dire, s’ils avaient vu l’avenir se dérouler. […] Elles contiennent la solution des problèmes de l’avenir.

165. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Mettons cependant les choses au pis ; même dans ce cas, l’avenir de la beauté et de l’art serait-il absolument compromis, comme l’affirme M.  […] Taine, il est plusieurs arts dès aujourd’hui languissants, « auxquels l’avenir ne promet pas l’aliment dont ils ont besoin ». […] Quant à la poésie, selon le rêve de Strauss elle constituerait, avec la musique, la religion de l’avenir. […] Selon M. de Banville, le calembour, qui n’est jamais déplacé dans la poésie sérieuse, est l’avenir même de la comédie. […] « Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. » Ils sont eux, ils sont nous, ils sont aussi l’avenir.

166. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Seulement, pour l’avenir, j’y prendrai une sérieuse attention… (Suivaient des points de détails et des exemples d’endroits qu’elle avait corrigés.) […] « Je t’en écrirai les détails quand je respirerai du tumulte de tant de soins, et des terribles embarras d’argent où je tourne épouvantée. — L’avenir de notre chère Ondine est assuré et tout à fait convenable ; mais juge de cette époque pour sa pauvre famille si fière, si pauvre !  […] Quand il faut de part et d’autre travailler durement pour ne pas tomber dans la dernière indigence, les ailes de l’âme se replient et remettent tous les élans à l’avenir. » Dans des lettres à une amie, Mme Derains, elle revient sur cette misère des logements à trouver, et elle exprime en vives images le trouble moral et le bouleversement de pensées qui résulte de ces déplacements continuels : Ma bonne amie, vous me dites des paroles qui résument des volumes que j’ai en moi. […] « Mon cher enfant, Que je voudrais que ta raison fût assez mûre pour peser à leur juste valeur les horribles événements dont nous venons d’être témoins et te servir de règle pour l’avenir ! […] Elle est d’une plume que cette question de l’intérêt et de l’avenir des Lettres et de la Poésie, auxquelles les brusques mouvements sociaux se montrent parfois si malfaisants, a toujours sensiblement et personnellement touchée.

167. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Tel fut le sort de ce roman d’Eudore et de Cymodocée, épitaphe des prétentions du génie humain à ressusciter le poëme épique dans un siècle où il n’y avait plus de foi que dans le raisonnement des âmes pieuses et dans l’avenir des idées fortes. […] qu’il pleure, celui dont les mains acharnées, S’attachant comme un lierre aux débris des années, Voit avec l’avenir s’écrouler son espoir ! […] ………… Ainsi, quand je partis tout trembla dans cette âme ; Le rayon s’éteignit et sa mourante flamme Remonta dans le ciel pour n’en plus revenir ; Elle n’attendit pas un second avenir, Elle ne languit pas de doute en espérance, Et ne disputa pas sa vie à la souffrance : Elle but d’un seul trait le vase de douleur, Dans sa première larme elle noya son cœur, Et, semblable à l’oiseau, moins pur et moins beau qu’elle Qui le soir, pour dormir, met son cou sous son aile, Elle s’enveloppa d’un muet désespoir, Et s’endormit aussi, mais, hélas ! […] Il ne fut point assez honnête pour être offert en exemple à l’avenir. […] L’avenir portera son nom.

168. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

On en compte de trois sortes : ceux qui continuent à enregistrer les faits contemporains, à l’exemple des chroniqueurs ; ceux qui exploitent quelque partie de l’héritage de l’antiquité ; ceux enfin qui en appliquent les méthodes et les immortelles leçons à améliorer le présent et à préparer l’avenir : les auteurs de Mémoires, les érudits et les écrivains politiques. […] Le présent, le passé, l’avenir, occupaient à la fois les intelligences, le présent raconté dans les Mémoires, le passé retrouvé par l’érudition dans les deux antiquités, l’avenir pressenti et comme préparé par les libres spéculations des moralistes, par les vœux, de tolérance, par l’esprit de réforme civile et politique qui pénétrait dans la société française. […] L’homme tout entier, possédé par le moment dans lequel il vit, ne se retourne pas vers le passé, ne regarde pas vers l’avenir, et l’on peut dire sans exagération qu’avant le xvie  siècle, ce qui a vécu dans les temps écoulés n’est qu’une faible tradition, et ce qui vivra dans les temps futurs, qu’un mystère. Au xvie  siècle, le passé et l’avenir tiennent plus de place dans les pensées que le présent, et le présent lui-même n’est plus considéré comme le temps tout entier, mais comme le passage de ce qui a été à ce qui sera.

169. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Il est temps, une fois pour toutes, de discuter cette question, d’où dépend l’avenir de l’œuvre wagnérienne. […] Si l’on observe autour de soi, on s’aperçoit cependant que Wagner n’est pas parvenu à faire comprendre son œuvre par sa seule manifestation, et que cette œuvre d’art de l’avenir, ne pourra bien être comprise que par les auditeurs de l’avenir, dont la perception (Gefühle) sera débarrassée de tous les obstacles qui nous embarrassent aujourd’hui et sera formée et non déformée (gebildet, verbildet). Alors sera atteint le but que Wagner disait à Berlioz, lequel n’y a rien compris : « Mon but était de montrer la possibilité de produire une œuvre d’art, dans laquelle ce que l’esprit humain peut concevoir de plus profond et de plus élevé fût accessible à l’intelligence la plus ordinaire, sans qu’il fut besoin de la réflexion ni des explications de la critique et c’est cet essai que j’intitulai l’œuvre d’art de l’avenir. […] Il s’agit de La musique de l’avenir.

170. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

L’avenir du naturalisme La situation d’Emile Zola vis-à-vis de la jeunesse littéraire française, a, depuis peu, changé brusquement4. […] La génération mystique, en se tenant à l’écart du monde moderne, s’est barrée par cela même l’avenir. […] Que, d’une part, cette constatation n’attente en rien à la grandeur, à la puissante beauté de son rôle comme représentant de la vie en face du spiritualisme pourri et de l’idéalisme enfantin, nul n’en doutera, s’il est sincère et de jugement sain ; mais que, d’autre part, ce strict attachement à une doctrine qui nous paraît singulièrement insuffisante, aride et succincte, malgré l’enthousiasme qui cherchait à l’imposer, ne porte pas atteinte à l’intégrale portée de son œuvre aux yeux de l’avenir, il est au moins téméraire de l’affirmer. […] Si l’avenir, acceptant dans son ensemble l’historien des Rougon-Macquart, devait oublier ses erreurs et s’il ne devait que saluer en lui l’apôtre âpre et fervent de la nature et de la force, nous serions quand même en droit de formuler nos réserves et de rétablir les faits pour l’honneur de cette vérité dont il se réclame à bon droit. […] Les Trois Villes toutefois, sa récente trilogie, marque un élargissement de la pensée qui conçut les Rougon-Macquart, élargissement qu’entrevoyait peut-être Zola, lorsqu’il prononçait ces paroles : « L’avenir appartiendra à celui où à ceux qui auront saisi l’âme de la société moderne, qui, se dégageant des théories trop rigoureuses, consentiront à une acceptation plus logique, plus attendrie de la vie.

171. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

On ne fait peut-être pas impunément ce terrible métier de dévisageur de renommées qui sera dans l’avenir le vrai titre de Granier de Cassagnac. […] Très peu connu, quoique très célèbre, parce que les partis qu’il a blessés, et souvent jusqu’au cœur, en les combattant, avaient un intérêt de passé et d’avenir à calomnier un ennemi aussi redoutable, on n’a guères vu Cassagnac qu’à travers leur injure. […] Les jugements qu’il porte sur eux, non seulement attestent cette volonté de s’abstraire de son temps qui fait la moralité d’une histoire contemporaine, mais, nous ne craignons pas de l’affirmer, ils seront, à bien peu de choses près, l’opinion de l’avenir. […] On y voit Louis-Philippe lui-même, fatigué, anxieux, incertain, portant mal cette couronne qu’il n’a pas fortement saisie et prêt à l’abandonner, comme il abandonna bientôt les précautions qu’il avait prises d’abord contre l’avenir et les trahisons de la fortune. […] Ce n’est qu’une raison d’amoureux que s’applique sur la conscience Cassagnac, pour satisfaire sa bizarre passion de linguistique, quand il parle de l’influence de l’origine de la langue sur sa destinée et sur son avenir, et qu’il croit possible d’en diriger à volonté l’incoercible génie.

172. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

La pensée dramatique au contraire, qui, en passant par le lyrique, n’y voyait qu’un début et un prélude, ne se sentait pas satisfaite à si peu de frais ; elle croyait, elle, énergiquement à la poétisation possible du siècle ; et, plus vaste en désirs, moins effarouchée du bruit des profanes, elle insistait plutôt sur l’autre devise confiante et conquérante : L’avenir est à nous ! […] L’avenir, nous le croyons, ne l’oubliera pas ; tout d’elle ne sera pas sauvé sans doute ; mais, dans le recueil définitif des Poetæ minores de ce temps-ci, un charmant volume devra contenir sous son nom quelques idylles, quelques romances, beaucoup d’élégies ; toute une gloire modeste et tendre. […] Tout m’y promettait un avenir brillant ; à seize ans j’étais sociétaire, sans l’avoir demandé ni espéré. […] « Je fus forcée de sacrifier l’avenir au présent, et, dans l’intérêt de mon père, je retournai en province.

173. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre VI. Le beau serviteur du vrai »

Génération des talents nouveaux, noble groupe d’écrivains et de poètes, légion des jeunes, ô avenir vivant de mon pays ! […] Opposons dogme à dogme, principe à principe, énergie à entêtement, vérité à imposture, rêve à rêve, le rêve de l’avenir au rêve du passé, la liberté au despotisme. […] Décrochez l’avenir de votre propre main. […] Entrer en passion pour le bon, pour le vrai, pour le juste ; souffrir dans les souffrants ; tous les coups frappés par tous les bourreaux sur la chair humaine, les sentir sur son âme ; être flagellé dans le Christ et fustigé dans le nègre ; s’affermir et se lamenter ; escalader, titan, cette cime farouche où Pierre et César font fraterniser leurs glaives, gladium gladio copulemus ; entasser dans cette escalade l’Ossa de l’idéal sur le Pélion du réel ; faire une vaste répartition d’espérance ; profiter de l’ubiquité du livre pour être partout à la fois avec une pensée de consolation ; pousser pêle-mêle hommes, femmes, enfants, blancs, noirs, peuples, bourreaux, tyrans, victimes, imposteurs, ignorants, prolétaires, serfs, esclaves, maîtres, vers l’avenir, précipice aux uns, délivrance aux autres ; aller, éveiller, hâter, marcher, courir, penser, vouloir, à la bonne heure, voilà qui est bien.

174. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXIX » pp. 117-125

Cependant son idée a fructifié, et aujourd’hui, sans qu’il y ait un vrai général digne de ce nom, l’armée catholique est assez bien rangée en bataille, réclamant cette liberté d’enseignement qui, une fois obtenue, lui rendrait toute sa sphère d’action et sa carrière d’avenir. […] Le roi Louis-Philippe, dont les idées particulières sont celles du xviiie  siècle, mais dont la politique vise bien plutôt à la paix du présent qu’à l’avenir et aux longues pensées, n’est pas fâché de cette grande querelle qui en ajourne de plus périlleuses et qui prouve que les temps ont changé.

175. (1874) Premiers lundis. Tome I « [Préface] »

En un mot, quand on a souci de l’avenir, quand, sans avoir la vanité de croire à rien de glorieux, on se sent du moins le désir permis d’être en un rang quelconque un témoin honorable de son temps, on a toutes les précautions à prendre. on ne saurait trop faire navire et clore les flancs, pour traverser, sans sombrer, les détroits funestes. » Et comme pour mieux détourner dans l’avenir du dessein de rechercher ses anciens articles, le critique disait encore : « Après le Globe saint-simonien, que je n’avais pourtant pas tout aussitôt déserté, je suis entré au National par suite d’obligeantes ouvertures de Carrel.

176. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De la tendresse filiale, paternelle et conjugale. »

Quand les parents aiment assez profondément leurs enfants pour vivre en eux, pour faire de leur avenir leur unique espérance, pour regarder leur propre vie comme finie, et prendre pour les intérêts de leurs enfants des affections personnelles, ce que je vais dire n’existe point ; mais lorsque les parents restent dans eux-mêmes, les enfants sont à leurs yeux des successeurs, presque des rivaux, des sujets devenus indépendants, des amis, dont on ne compte que ce qu’ils ne font pas, des obligés à qui on néglige de plaire, en se fiant sur leur reconnaissance, des associés d’eux à soi, plutôt que de soi à eux ; c’est une sorte d’union dans laquelle les parents, donnant une latitude infinie à l’idée de leurs droits, veulent que vous leur teniez compte de ce vague de puissance, dont ils n’usent pas après se l’être supposé ; enfin, la plupart ont le tort habituel de se fonder toujours sur le seul obstacle qui puisse exister à l’excès de tendresse qu’on aurait pour eux, leur autorité ; et de ne pas sentir, au contraire, que dans cette relation, comme dans toutes celles où il existe d’un côté une supériorité quelconque, c’est pour celui à qui l’avantage appartient, que la dépendance du sentiment est la plus nécessaire et la plus aimable. […] L’éducation, sans doute, influe beaucoup sur l’esprit et le caractère, mais il est plus aisé d’inspirer à son élève ses opinions que ses volontés ; le moi de votre enfant se compose de vos leçons, des livres que vous lui avez donnés, des personnes dont vous l’avez entouré, mais quoique vous puissiez reconnaître partout vos traces, vos ordres n’ont plus le même empire ; vous avez formé un homme, mais ce qu’il a pris de vous est devenu lui, et sert autant que ses propres réflexions à composer son indépendance : enfin, les générations successives étant souvent appelées par la durée de la vie de l’homme à exister simultanément, les pères et les enfants, dans la réciprocité de sentiments qu’ils veulent les uns des autres, oublient presque toujours de quel différent point de vue ils considèrent le monde ; la glace, qui renverse les objets qu’elle présente, les dénature moins que l’âge qui les place dans l’avenir ou dans le passé.

177. (1898) Inutilité de la calomnie (La Plume) pp. 625-627

Je me placerai sur les cimes de l’avenir. […] Est-ce donc là l’avenir de nos Muses ?

178. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Rayons et les Ombres » (1840) »

Aucune haine contre le roi dans son affection pour le peuple ; aucune injure pour les dynasties régnantes dans ses consolations aux dynasties tombées ; aucun outrage aux races mortes dans sa sympathie pour les rois de l’avenir. […] Dans ses poèmes il mettrait les conseils au temps présent, les esquisses rêveuses de l’avenir ; le reflet, tantôt éblouissant, tantôt sinistre, des événements contemporains ; les panthéons, les tombeaux, les ruines, les souvenirs ; la charité pour les pauvres, la tendresse pour les misérables ; les saisons, le soleil, les champs, la mer, les montagnes ; les coups d’œil furtifs dans le sanctuaire de l’âme où l’on aperçoit sur un autel mystérieux, comme par la porte entr’ouverte d’une chapelle, toutes ces belles urnes d’or, la foi, l’espérance, la poésie, l’amour ; enfin il y mettrait cette profonde peinture du moi qui est peut-être l’œuvre la plus large, la plus générale et la plus universelle qu’un penseur puisse faire.

179. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — La vision d’où est sorti ce livre (1857) »

Seulement l’avenir continuait d’éclore Sur ces vestiges noirs qu’un pâle orient dore, Et se levait avec un air d’astre, au milieu D’un nuage où, sans voir de foudre, on sentait Dieu. […] C’est la tradition tombée à la secousse Des révolutions que Dieu déchaîne et pousse ; Ce qui demeure après que la terre a tremblé ; Décombre où l’avenir, vague aurore, est mêlé ; C’est la construction des hommes, la masure Des siècles, qu’emplit l’ombre et que l’idée azure, L’affreux charnier-palais en ruine, habité Par la mort et bâti par la fatalité, Où se posent pourtant parfois, quand elles l’osent, De la façon dont l’aile et le rayon se posent, La liberté, lumière, et l’espérance, oiseau ; C’est l’incommensurable et tragique monceau, Où glissent, dans la brèche horrible, les vipères Et les dragons, avant de rentrer aux repaires, Et la nuée avant de remonter au ciel ; Ce livre, c’est le reste effrayant de Babel ; C’est la lugubre Tour des Choses, l’édifice Du bien, du mal, des pleurs, du deuil, du sacrifice, Fier jadis, dominant les lointains horizons, Aujourd’hui n’ayant plus que de hideux tronçons, Épars, couchés, perdus dans l’obscure vallée ; C’est l’épopée humaine, âpre, immense, — écroulée.

180. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Pour eux, ils sont architectes et ils ont des principes, à savoir la raison, la nature, les droits de l’homme, principes simples et féconds que chacun peut entendre et dont il suffit de tirer les conséquences pour substituer aux informes bâtisses du passé l’édifice admirable de l’avenir. — La tentation est grande pour des mécontents, peu dévots, épicuriens et philanthropes. […] Il en tombe quelque chose dans l’étage inférieur, ne serait-ce que la poussière, je veux dire l’espérance, la confiance en l’avenir, la croyance à la raison, le goût de la vérité, la bonne volonté juvénile et généreuse, l’enthousiasme qui passe vite, mais qui peut s’exalter parfois jusqu’à l’abnégation et au dévouement. […] « C’était alors la mode ; tout le monde était économiste ; on ne s’entretenait que de philosophie, d’économie politique, surtout d’humanité, et des moyens de soulager le bon peuple ; ces deux derniers mots étaient dans toutes les bouches. » Ajoutez-y celui d’égalité ; Thomas, dans un éloge du maréchal de Saxe, disait : « Je ne puis le dissimuler, il était du sang des rois » ; et l’on admirait cette phrase. — Seuls quelques chefs de vieilles familles parlementaires ou seigneuriales conservent le vieil esprit nobiliaire et monarchique ; toute la génération nouvelle est gagnée aux nouveautés. « Pour nous, dit l’un d’eux, jeune noblesse française538, sans regret pour le passé, sans inquiétude pour l’avenir, nous marchions gaiement sur un tapis de fleurs qui nous cachait un abîme. […] Loin de prévoir des malheurs, des excès, des crimes, des renversements de trônes et de principes, nous ne voyions dans l’avenir que tous les biens qui pouvaient être assurés à l’humanité par le règne de la raison. […] Quand le roi convoque les États Généraux, nul n’est « en défiance », ni ne s’effraye de l’avenir. « On parlait557 de l’établissement d’une nouvelle constitution de l’État comme d’une œuvre facile, comme d’un événement naturel. » — « Les hommes les meilleurs et les plus vertueux y voyaient le commencement d’une nouvelle ère de bonheur pour la France et pour tout le monde civilisé.

181. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Pour ce mystique révolutionnaire et ce ressasseur d’histoires préoccupé, l’Antiquité vaut mieux que le présent, et le présent vaudra moins que l’avenir. L’Antiquité avait fait l’homme fier ; l’Église, l’homme bon (qu’il appelle le bonhomme, par stupide moquerie) ; mais l’avenir produira l’homme juste. […] À la page 216 de son second volume, il pose, toujours avec cet air gonflé d’un homme qui vient de découvrir toutes les Amériques de l’avenir… devinez quoi ? […] …), voilà Proudhon, et c’est comme moraliste qu’il compte à mes yeux et qu’il comptera aux yeux de l’avenir. […] Et cette place a été tellement bien faite que partout où la femme l’a acceptée et gardée les Sociétés ont été aussi morales qu’elles puissent être, et qu’elles doivent devenir d’autant plus immorales dans l’avenir que les femmes voudront sortir de cette place et se croiront le droit de la répudier.

182. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Taine avait raison d’avoir confiance dans l’avenir. […] Avec lui, on prenait foi dans l’avenir de la patrie, en dépit des tristesses du présent. […] L’avenir seul pourra discerner dans son œuvre les intuitions justes et les rêveries éphémères. […] Il y avait là un présage d’avenir. […] Ils avaient foi en son avenir, ils résolurent de tout sacrifier pour donner à leur fils l’instruction qui lui manquait.

183. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

Pour un homme qui avait des parties si élevées de philosophie et des prétentions à tout fonder ou reconstruire, il se payait souvent de mots ; on n’a jamais tant usé et abusé des mots passé et avenir ; ils ont pour lui un sens absolu ; ce sont des êtres complets, déterminés, des abstractions distinctes, des idoles ; il maudit l’un et adore l’autre. Il ne soupçonne pas que le présent est mêlé et comme tissu, à tout moment, de passé et d’avenir. […] le rideau va se déchirer ; le présent ne compte pas ; il marche dessus avec mépris, ce n’est que boue et fange : mais l’avenir, que ce sera beau !

184. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

Dargaud, de ce Michel de l’Hôpital qui était, lui, l’homme de l’avenir, et le philosophe religieux des temps très religieux, comme vous savez, que nous voyons !… Pour ma part, je me défie beaucoup des gens qui devancent l’avenir dans les histoires du passé. […] C’est une espèce de marquis de Posa historique, mais qui ne rêve plus, quand il a congédié l’avenir et circonscrit son regard aux hommes et aux choses qu’il veut peindre.

185. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

Son avenir lui paraît trop assuré, son passé trop imposant, sa renommée trop retentissante pour qu’elle conçoive une inquiétude sérieuse. […] Il y a bien là-bas dans la brume, rangés autour de son trône, une île qui s’appelle l’Angleterre, une vaste contrée qui s’appelle l’Allemagne, de petits lopins de terre comme la Suisse, la Belgique, la Hollande, le Danemark, des territoires entassés au centre de l’Europe, par-delà les mers une informe agglomération humaine, les États-Unis d’Amérique, plus loin une terre sauvage nommée Australie, d’autres contrées encore : mais quelque soit leur vie, leur originalité, leur valeur, leur population, leur avenir, leur richesse, ce ne sont là, après tout, que des pays vulgaires, sans gloire, sans tradition, sans lumière, sans culture. […] Seuls, des faits précis et des comparaisons nettes peuvent nous détourner de cette voie dont les fleurs enivrantes nous masquent les fondrières. « Aujourd’hui, a-t-on dit il y a près de vingt ans et pouvons-nous répéter aujourd’hui, nous avons besoin de la virilité du vrai pour être glorieux dans l’avenir comme nous l’avons été dans le passé ».

186. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Certes, plus d’un vieillard sans flamme et sans cheveux, Tombé de lassitude au bout de tous ses vœux, Pâlirait, s’il voyait, comme un gouffre dans l’onde, Mon âme où ma pensée habite comme un monde, Tout ce que j’ai souffert, tout ce que j’ai goûté, Tout ce qui m’a menti comme un fruit avorté, Mon plus beau temps passé sans espoir qu’il renaisse, Les amours, les travaux, les deuils de ma jeunesse, Et quoique encore à l’âge où l’avenir sourit, Le livre de mon cœur à toute page écrit ! […] Les nombreux articles de critique dans lesquels il juge les ouvrages et drames nouveaux respirent une conscience profonde, et accusent un retour pénétrant sur lui-même, un souci comme effaré de l’avenir. […] Dans cette crise délicate, il demeura opiniâtrément fidèle à la dignité morale, à la gloire, à la poésie, à l’avenir. […] Sa course lyrique, qui est bien loin d’être close, offre pourtant assez d’étendue pour qu’on en saisisse d’un seul regard le cycle harmonieux ; mais il n’est encore qu’au seuil de l’arène dramatique ; il y entre dans toute la maturité de son observation, il s’y pousse de toutes les puissances de son génie : l’avenir jugera.

187. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

Confinés dans leur bureau, relégués dans leur domaine spécial à l’écart de la vie réelle, privés des joies saines d’une activité extérieure, et portant des fruits visibles, ils s’étiolent, perdent toute sûreté d’instincts, et souvent dégénèrent : c’est dans leurs rangs que se recrute l’armée sans cesse plus nombreuse des décadents — mécontents ou résignés, pessimistes ou dilettantes — qui constituent un danger des plus sérieux pour l’avenir de notre vieille Europe87. » Ainsi la désintégration des individualités, la dissociation en elles de l’intelligence et de l’instinct, de la pensée et de l’action, de la théorie et de la pratique ne font que s’accentuer sous l’influence de notre mécanisme social. […] Ils se sont puissamment développés dans les temps modernes et la culture de l’avenir doit nécessairement tenir compte de ce fait nouveau, Puis, la culture de la Renaissance ne s’appliquait guère qu’à une élite assez peu nombreuse : la culture de l’avenir doit avoir des bases plus larges. […] Maurras, L’Avenir de l’intelligence.

188. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

En tout temps les esprits sont partagés ; en tout temps il y a des gens qui restent attachés au passé ou qui s’élancent dans l’avenir ; mais, en tout temps aussi, du conflit des opinions individuelles se dégage un courant plus fort, qui, malgré les remous et les contre-courants, entraîne la majorité de ceux qui pensent et la masse de ceux qui se reposent sur autrui de cette fatigue. […] Il semble que, Dieu ayant donné la raison aux hommes, cette raison doive les avertir de ne pas s’avilir à imiter les animaux, surtout quand la nature ne leur a donné ni armes pour tuer leurs semblables ni instinct qui les porte à sucer leur sang. » Ces mêmes obstinés, trouvant étrange qu’on offrît pour modèles à l’humanité les loups et les ours, ont dit encore : Quand même l’histoire prouverait que de grands empires d’autrefois se sont formés par ce vol à main armée qu’on appelle la conquête, quand même de grands empires d’aujourd’hui ne seraient qu’une agglomération de provinces ou de colonies soudées de force ensemble, s’ensuit-il que le passé puisse servir de règle à l’avenir et qu’il soit permis de confondre ce qui a été ou ce qui est avec ce qui doit être ? […] Il a beau être, à son origine et dans son essence, un élan spontané de ceux qui souffrent vers le mieux-être, vers une répartition plus équitable des jouissances matérielles et spirituelles entre tous les membres de la société ; il a beau être, à ce titre, une aspiration vers une cité future qui n’existe qu’en idée dans le cerveau d’un petit nombre de penseurs ; sous l’inspiration de Marx et de ses disciples, il change de figure ; il se pique de renoncer aux chimères, de ne relever que de la science ; il raille les visées humanitaires ; il affiche la haine du sentiment ; il se moque de la fraternité et autres « fariboles » ; il met tout son espoir dans la force, cette accoucheuse des sociétés en travail ; il bannit l’idéalisme de l’histoire comme de la formation de l’avenir ; il déclare que l’intérêt est le point de départ réel de tous nos actes. […] Est-il nécessaire de rappeler que certains auteurs, Alexandre Dumas fils, par exemple, se sont donné pour mission de corriger, non seulement les mœurs, mais les lois ; que la condition des femmes, celle des enfants naturels, voire les principes régissant l’héritage et la propriété ont été maintes fois débattus par le roman et le théâtre ; que des cas de conscience84, comme en présente par dizaines la profession du juge ou celle de l’avocat, se sont déroulés en savantes et émouvantes, péripéties ; que l’art, aux époques où il est militant, travaille à la préparation d’un code de l’avenir ?

189. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

* * * Aux premiers jours où, dans les agrégations d’hommes, l’homme éprouve le besoin d’interroger le passé et de se survivre à lui-même dans l’avenir ; quand la famille humaine réunie commence à vouloir remonter jusqu’à ses origines, et s’essaye à fonder l’héritage des traditions, à nouer la chaîne des connaissances qui unissent et associent les générations aux générations, ce premier instinct, cette première révélation de l’histoire, s’annonce par la curiosité et la crédulité de l’enfance. […] La leçon de ce long et éclatant scandale sera l’avertissement que la Providence s’est plu à donner à l’avenir par la rencontre en un même règne de trois règnes de femmes, et la domination successive de la femme des trois ordres du temps, de la femme de la noblesse : Mme de la Tournelle ; de la femme de la bourgeoisie : Mme de Pompadour ; de la femme du peuple : Mme du Barry. […] Ne devant rien au passé, ne demandant rien à l’avenir, il nous a été permis de parler du siècle de Louis XV, sans injures comme sans flatteries. […] Ces trois volumes seront : l’Homme, l’État, Paris 45 ; et notre œuvre ainsi complétée, nous aurons mené à fin une histoire qui peut-être méritera quelque indulgence de l’avenir : l’Histoire de la société française au xviiie  siècle.

190. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Louis Blanc écrivait en février 1839 dans la Revue du Progrès : « On a essayé de faire frémir à la fois toutes les cordes de l’âme humaine, faute de pouvoir en faire résonner assez puissamment une seule », et envisageant l’avenir littéraire, il prévoyait les désastres du romantisme. […] Pour sa part, il continuait de rester fermement attaché aux principes de la critique rationaliste et d’avoir la même foi inébranlable dans l’avenir de la science ; aux autres, il recommandait une philosophie de doute universel, d’indifférence sceptique, d’insouciance. […] Préparons-nous à bien tenir coup aux chocs qu’un avenir évidemment prochain nous réserve. […] Tarde (Cf. l’Avenir Latin.

191. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Elle est l’histoire de l’homme, le tableau de ses rapports avec Dieu, avec les intelligences supérieures, avec ses semblables, dans le passé, dans le présent, dans l’avenir, dans le temps et hors du temps. Le poète domine de haut l’époque où il vit, et l’inonde de lumière : l’avenir est aussi dans sa pensée ; il embrasse, dans un seul point de vue, toutes les générations humaines, et la cause intime des événements dans les secrets de la Providence. […] L’homme de génie qui, voyant que tout est lié dans les destinées humaines, exprimerait d’avance les idées vulgaires d’un autre âge ; celui-là, comblant l’espace qui le tiendrait séparé des temps postérieurs, créerait dans l’avenir des événements et des chefs d’empire, et prédirait ainsi une épopée. […] Sans passé, sans avenir, son regard s’est arrêté sur un seul moment.

192. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Enfin, par cela même qu’il a abaissé tous les niveaux connus de l’histoire de la Révolution, l’auteur de l’Histoire des Causes a déplacé toutes les idées acceptées par l’opinion depuis tant d’années, il a repris en sous-œuvre l’éducation publique à cet égard, et a poussé dans l’avenir sa traînée de lumière. […] Mais, pour le quart d’heure, ce qu’il a fait et fait en maître, c’est le plus cruel bilan de la Révolution, qui fut la banqueroute de l’honneur, de la richesse et de l’avenir de la France. […] Telle est, en résumé, cette mise à nu de la Révolution française, tel est le livre vigoureux, savant et pensé, que Cassagnac a posé, comme une négation qui sera entendue de l’avenir, à l’encontre des publications historiques sur le même sujet. […] Quand la moitié du monde connu croit à la nécessité et à la justice de la Révolution française, avoir prouvé qu’elle n’est, comme l’arianisme, comme le manichéisme, et tant d’autres erreurs qui ont eu leur jour et leur règne, qu’une erreur, qui doit peut-être, comme le disait Mirabeau dans l’ivresse de son orgueilleuse parole, faire le tour du globe, mais pour passer et non pour s’établir ; avoir montré, de plus, après le vice radical du principe, les vices radicaux de ses apôtres : erreur partout, excès et crimes inutiles, — car les crimes et les excès sont toujours inutiles, et Machiavel n’est qu’un menteur ; — c’est avoir commencé à tracer la ligne que d’autres esprits creusent, à l’exemple de l’auteur de l’Histoire des Causes, et devant laquelle le génie révolutionnaire de l’avenir doit nécessairement reculer.

193. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Rome se charge elle-même de le détromper chaque jour davantage, de lui prouver combien grossière avait été son erreur d’avoir voulu donner comme base à l’avenir, le vieux passé d’erreur et de mensonge. […] Tel est l’avenir du prêtre : devenir un objet de pitié ou de mépris pour le monde, pauvre d’esprit ou charlatan. […] Une minute de franchise, et tu sauveras ton avenir !  […] L’absorption du prêtre par l’humanité, sa rentrée dans l’ordre naturel m’apparaît pour cela d’une haute signification, comme le signe avant-coureur d’un avenir où l’imposture et le sophisme ne verront plus autour de leurs autels ébranlés que quelques rares dévots.

194. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Revue encyclopédique. Publiée par MM. H. Carnot et P. Leroux »

Pris ainsi au dépourvu par l’événement, les novateurs se sont crus obligés de finir en toute hâte ce qu’ils avaient jusque-là essayé avec plus de lenteur ; et sur quelques fondements réels, sur quelques faits ingénieusement observés, ils ont vite échafaudé leur monde ; ils ont bâti en un clin d’œil, temple, atelier, cité de l’avenir. […] La Religion et l’Art, ces deux points élevés, ces deux sommets que quelques-uns croient apercevoir devant nous à l’horizon, et qu’ils tâchent de démontrer aux autres, lesquels prétendent n’y rien voir ; ces deux pics merveilleux, qui ne sont pour certains regards sévères qu’une fantaisie dans les nuages, apparaissent aux directeurs de la Revue comme les deux phares de l’avenir ; ils essaient souvent de s’en approcher et d’en gravir les premières hauteurs.

195. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

Les premiers mouvements de la reconnaissance ne laissent rien à désirer, et dans l’émotion qui les accompagnent, tous les caractères s’embellissent ; on dirait que le présent est un gage certain de l’avenir ; et lorsque le bienfaiteur reçoit la promesse, sans avoir besoin de son accomplissement, l’illusion même qu’elle lui cause est sans danger, et l’imagination peut en jouir, comme l’avare des biens que lui procurerait son trésor, si jamais il le dépensait. […] Elle n’a rien à faire avec le passé, ni l’avenir ; une suite d’instants présents composent sa vie ; et son âme, constamment en équilibre, ne se porte jamais avec violence sur une époque, ni sur une idée ; ses vœux et ses efforts se répandent également sur chacun de ses jours, parce qu’ils appartiennent à un sentiment toujours le même, et toujours facile à exercer.

196. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre II. La langue française au xvie siècle »

Par l’inversion notamment, une réaction de l’ordre analytique vers l’ordre synthétique se fait contre le vrai génie et le certain avenir de la langue. […] Étienne Pasquier estime que les changements n’ont pas été toujours de : progrès, conseille de laisser la langue digérer ce qu’elle pourra de latinismes qu’elle a déjà absorbés, et rejeter le reste ; et, pour l’enrichir à l’avenir, il compte sur l’exploitation des matériaux que l’usage du peuple fournira.

197. (1887) Discours et conférences « Discours lors de la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand »

La barbarie fondait autrefois ; elle fondait, avec une solidité qui ne saurait plus être égalée, des édifices sombres, majestueux, incommodes, durables ; trop durables même, car ils devenaient bientôt gênants pour ceux qui ne les avaient pas bâtis, et souvent ils s’imposaient trop à l’avenir. […] Vous êtes la pépinière du talent de l’avenir.

198. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

qui bégayent des formules, mauvaises d’un côté, bonnes de l’autre ; les vieilles religions qui font peau neuve ; Rome, la cité de la foi, qui va se redresser peut-être à la hauteur de Paris, la cité de l’intelligence ; les théories, les imaginations et les systèmes aux prises de toutes parts avec le vrai ; la question de l’avenir déjà explorée et sondée comme celle du passé. […] C’est l’écho de ces pensées, souvent inexprimables, qu’éveillent confusément dans notre esprit les mille objets de la création qui souffrent ou qui languissent autour de nous, une fleur qui s’en va, une étoile qui tombe, un soleil qui se couche, une église sans toit, une rue pleine d’herbe ; ou l’arrivée imprévue d’un ami de collège presque oublié, quoique toujours aimé dans un repli obscur du cœur ; ou la contemplation de ces hommes à volonté forte qui brisent le destin ou se font briser par lui ; ou le passage d’un de ces êtres faibles qui ignorent l’avenir, tantôt un enfant, tantôt un roi.

199. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

C’est ce que nous étudierons à l’avenir sans humeur et sans parti pris. […] Voilà la vraie gloire de style qui lui restera, et dont se souviendra la Critique quand le mépris aura chassé de l’attention des hommes les chimères qu’il nous donne comme les réalités de l’avenir.

200. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre premier. De la louange et de l’amour de la gloire. »

ôtez-la de dessus la terre ; tout change : le regard de l’homme n’anime plus l’homme ; il est seul dans la foule ; le passé n’est rien ; le présent se resserre ; l’avenir disparaît ; l’instant qui s’écoule périt éternellement, sans être d’aucune utilité pour l’instant qui doit suivre. […] C’est là qu’occupé de grands travaux, on est frappé de la rapidité de la vie, et qu’on veut étendre sur l’avenir une existence si courte.

201. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Renan vivra dans l’avenir, car depuis Platon, personne n’a écrit plus de choses essentielles sur les problèmes de l’âme et du cœur. […] Quant au présent, entre ses mains mêmes, perpétuellement il se tourne en passé ; l’avenir, enfin, est incertain, et tout au moins court. […] Le problème de l’avenir. […] Pourtant, c’est lui qui est la vertu : il est le désintéressement, le sacrifice, la patience, le courage, la victoire, l’avenir. […] L’avenir de la science.

202. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

c’était Avenir. […] Mais l’isolement habituel auquel tu étais condamné, la sujétion de l’état que tu avais embrassé et l’impossibilité d’en être jamais délivré, les automnes et les hivers sans fin du pays, et par-dessus tout une maladie incurable… Ô mon pauvre Avenir ! […] Avenir souriait et m’approuvait d’un signe de tête ; ou bien il levait les sourcils et me disait à voix basse : Je comprends, je comprends. […] Votre cœur se met à battre soudainement avec force ; vous vous élancez avec passion vers l’avenir ou vous vous perdez entièrement dans le passé. […] Mais quel que soit son âge et son avenir, la Russie n’avait avant lui rien qui lui ressemblât.

203. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

La jeunesse est le sourire de l’avenir devant un inconnu qui est lui-même. […] « Avouons-le sans amertume, l’individu a son intérêt distinct, et peut sans forfaiture stipuler pour cet intérêt et le défendre ; le présent a sa quantité excusable d’égoïsme ; la vie momentanée a son droit, et n’est pas tenue de se sacrifier sans cesse à l’avenir. […] Elle, l’avenir, elle agit comme le passé. […] « On est injuste pour ces grands essayeurs de l’avenir quand ils avortent. […] Rêve pour rêve, j’aime mieux rêver l’inconnu que de goûter la soupe de ces bienheureux du monde perfectible jusqu’à satiété du repas de l’avenir !

204. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Faut-il dire à cet enfant qui joue quelque chose de cet avenir qu’on sait pour lui et qu’il ignore ? […] Mais c’est sur eux, la plupart, que nous vivons dans cette série dès longtemps entreprise ; ce sont eux qui formeront en définitive le corps de réserve et d’élite de la poésie du dix-neuvième siècle contre le choc du formidable avenir, et qui montreront que les gloires de quelques-uns n’ont pas été des exceptions ni des accidents. […] Quant à l’avenir littéraire prochain, quel est-il ?

205. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

Si l’on savait mourir, on pourrait encore se risquer à l’espérance d’une si heureuse destinée, mais l’on abandonne son âme à des sentiments, qui décolorent le reste de l’existence ; on éprouve, pendant quelques instants, un bonheur sans aucun rapport avec l’état habituel de la vie, et l’on veut survivre à sa perte ; l’instinct de la conservation l’emporte sur le mouvement du désespoir, et l’on existe, sans qu’il puisse s’offrir dans l’avenir une chance de retrouver le passé, une raison même de ne pas cesser de souffrir, dans la carrière des passions, dans celle surtout d’un sentiment qui, prenant sa source dans tout ce qui est vrai, ne peut être consolé par la réflexion même : il n’y a que les hommes capables de la résolution de se tuer3, qui puissent, avec quelque ombre de sagesse, tenter cette grande route de bonheur : mais qui veut vivre et s’expose à rétrograder ; mais qui veut vivre et renonce, d’une manière quelconque à l’empire de soi-même, se voue comme un insensé au plus cruel des malheurs. […] Il n’est pas vrai du tout, que dans la moralité du cœur humain, un lien ne confirme pas un penchant ; il n’est pas vrai, qu’il n’existe pas plusieurs époques dans le cours d’un attachement, où la moralité ne resserre pas les nœuds qu’un écart de l’imagination pouvait relâcher ; les liens indissolubles s’opposent au libre attrait du cœur : mais un complet degré d’indépendance rend presque impossible une tendresse durable ; il faut des souvenirs pour ébranler le cœur, et il n’y a point de souvenirs profonds, si l’on ne croit pas aux droits du passé sur l’avenir, si quelque idée de reconnaissance n’est pas la base immuable du goût qui se renouvelle : il y a des intervalles dans tout ce qui appartient à l’imagination, et si la moralité ne les remplit pas, dans l’un de ces intervalles passagers, on se séparera pour toujours. […] Le don de soi, ce sacrifice si grand aux yeux d’une femme, doit se changer en remord, en souvenir de honte, quand elle n’est plus aimée ; et lorsque la douleur, qui d’abord n’a qu’une idée, appelle enfin à son secours tous les genres de réflexions, les hommes condamnés à souffrir l’inconstance, sont consolés par chaque pensée qui les attire vers un nouvel avenir ; les femmes sont replongées dans le désespoir, par toutes les combinaisons qui multiplient l’étendue d’un tel malheur.

206. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Cette passion étouffe dans les hommes supérieurs les facultés qu’ils tenaient de la nature, et cette carrière de vérité, indéfinie comme l’espace et le temps, dans laquelle l’homme qui pense jouit d’un avenir sans bornes, atteint un but toujours renaissant ; cette carrière se referme à la voix de l’esprit de parti, et tous les désirs, comme toutes les craintes, vouent à la servitude de la foi les têtes formées pour concevoir, découvrir et juger. […] L’esprit de parti est la seule passion qui se fasse une vertu de la destruction de toutes les vertus, une gloire de toutes les actions qu’on chercherait à cacher, si l’intérêt personnel les faisait commettre ; et jamais l’homme n’a pu être jeté dans un état aussi redoutable, que lorsqu’un sentiment qu’il croit honnête, lui commande des crimes ; s’il est capable d’amitié, il est plus fier de la sacrifier ; s’il est sensible, il s’enorgueillit de dompter sa peine : enfin, la pitié, ce sentiment céleste, qui fait de la douleur un lien entre les hommes ; la pitié, cette vertu d’instinct, qui conserve l’espèce humaine, en préservant les individus de leurs propres fureurs, l’esprit de parti a trouvé le seul moyen de l’anéantir dans l’âme, en portant l’intérêt sur les nations entières, sur les races futures, pour le détacher des individus ; l’esprit de parti efface les traits de sympathie pour y substituer des rapports d’opinion, et présente enfin les malheurs actuels comme le moyen, comme la garantie d’un avenir immortel, d’un bonheur politique au-dessus de tous les sacrifices qu’on peut exiger pour l’obtenir. […] Mais depuis que ces transactions ont existés entre le présent et l’avenir, entre le sacrifice de la génération actuelle et les dons à faire à la génération future, il n’y a point eu de bornes qu’un nouveau degré de passion ne se crut en droit de franchir ; et souvent des hommes, enclins au crime, croyant s’enivrer des exemples de Brutus, de Manlius, de Pison, ont proscrit la vertu, parce que de grands hommes avaient immolé le crime ; ont assassiné ceux qu’ils haïssaient, parce que les Romains savaient sacrifier ce qu’ils avaient de plus cher ; ont massacré de faibles ennemis, parce que des âmes généreuses avaient attaqué leurs adversaires dans la puissance, et ne prenant du patriotisme que les sentiments féroces qu’il a pu produire dans quelques époques, n’ont eu de grandeur que dans le mal, et ne se sont fiés qu’à l’énergie du crime.

207. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Jadis, il lisait son critique, et achetait de confiance les livres qu’il recommandait, en sorte qu’un homme lettré, maître d’un feuilleton périodique, pouvait faire du bien à des gens de talent et même leur ouvrir un avenir. […] Ils se souviennent de l’immense série de jugements faux portés par leurs prédécesseurs contre d’admirables artistes qu’ils saluent aujourd’hui avec respect, et devant toute tentative nouvelle, même s’ils n’y comprennent rien, ils sont saisis du scrupule très honorable de ne pas se préparer des mea culpa pour l’avenir. […] Jules de Gaultier révèle une conscience critique du plus noble avenir, et aussi ceux de M. 

208. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Les Grecs vivaient dans l’avenir, et les Romains aimaient déjà, comme nous, à porter leurs regards sur le passé. […] qu’il me soit permis maintenant de briser ma vie malheureuse, tandis que des inquiétudes douteuses, tandis que l’espérance incertaine de l’avenir m’agitent, tandis que je t’embrasse encore, toi mon enfant, toi la seule volupté du soir de ma vie, qu’il me soit permis de mourir, de peur qu’un messager cruel ne déchire mon cœur… 30.

209. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

Nous y avons déjà rencontré bien des choses qui étaient comme la préparation d’un avenir nouveau. […] L’originalité de B. de Saint-Pierre Ceux qui se figurent Bernardin de Saint-Pierre595 d’après ses oeuvres, se le représentent comme un suave bonhomme, au sourire angélique, à l’œil humide, les mains toujours ouvertes pour bénir : c’était un nerveux, inquiet, chagrin, pétri de fierté et d’amour-propre, ambitieux, aventureux, toujours mécontent du présent, et toujours ravi dans l’avenir qui le dégoûtait en se réalisant, un solliciteur aigre, que le bienfait n’a jamais satisfait, mais a souvent humilié, un égoïste sentimental, qui aimait la nature, les oiseaux, les fleurs, et qui a sacrifié à ses aises, à ses goûts, les vies entières des deux honnêtes et douces femmes qu’il épousa successivement : il accepta ces dévouements béatement, sereinement, comme choses dues, sans un mouvement de reconnaissance, sans même les apercevoir.

210. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

L’avenir reviendra à ce beau génie, qui était aussi riche que pur, aussi admirable qu’abondant, aussi délicat que sublime. […] J’y ai vu ce que peu de livres laissent transparaître : le souci de l’avenir des races, l’intérêt de leur ordre et de leur force, la passion d’un art plus humain et plus réel, le solennel amour de la vie harmonieuse, la pitié et la charité à toutes les pages.

211. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Dupont-White »

Sur ce point le passé ne lui a pas appris l’avenir, et tous les deux ne lui ont pas révélé l’inébranlable nature des choses. […] Dupont-White a enterré, dans la préface du livre qu’il réédite, un avenir qui aurait pu être beau.

212. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

La disposition d’âme actuelle est étrangement confuse, faite à la fois d’agitation fiévreuse et de morne découragement, de crainte de l’avenir et de gaieté désespérée qui se résigne. […] Si l’on assure à l’hystérique, bien haut et sans se lasser, qu’une œuvre est belle, profonde, grosse d’avenir, il le croit. […] Elles n’indiquent pas du geste l’avenir, mais étendent la main vers le passé. […] Les figures qui apparaissent, la nuit de la Saint-Sylvestre, dans le plomb fondu où les bonnes gens prétendent lire l’avenir, seraient les symboles exacts de leur profondeur. […] Personne n’a le droit de donner pour des faits des renseignements sur l’avenir.

213. (1899) Arabesques pp. 1-223

Qu’il traite du passé ou qu’il pressente l’avenir, il devine quels furent ou quels seront les tenants des doctrines qu’il soutient. […] Il semble que ce doive être, corroborée par la science, la foi de l’avenir. […] Il entrevoit, sans doute, l’avenir. Mais cet avenir, ce n’est pas lui qui le préparera. […] C’est pourquoi l’on devrait savoir gré aux Anarchistes de créer un courant de vie vers un avenir moins fangeux.

214. (1813) Réflexions sur le suicide

L’imagination agit autant sur le passé que sur l’avenir, et l’on fait avec les biens qu’on possède une alliance, dont la rupture est cruelle ; mais après un certain temps, une situation nouvelle présente une nouvelle perspective à presque tous les hommes. […] Il y a un avenir dans toute occupation et c’est d’un avenir dont l’homme a sans cesse besoin. […] Les actes de réflexion ne sont pas dans leur nature ; ils paraissent être enchaînés au présent, ignorer l’avenir et n’avoir recueilli du passé que des habitudes. […] J’ai vu ces nobles regards tout pénétrés d’avenir, ils semblaient déclarer prophète le vieillard qui ne s’occupait plus du reste de ses années, mais se régénérait lui-même par l’élévation de son âme, comme s’il eût déjà franchi le tombeau. […] Dans quatre jours je n’existerai plus, cet oiseau qui vole dans les airs me survivra, j’ai moins d’avenir que lui ; les objets inanimés qui m’entourent conserveront leur forme, et rien de moi ne subsistera sur la terre, que le souvenir de mes amis.

215. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

La dernière guerre, avec celles qu’on entrevoit pour l’avenir si par malheur nous devons avoir encore des guerres, est liée au caractère industriel de notre civilisation. […] Tout le monde sent que l’avenir immédiat va dépendre en grande partie de l’organisation de l’industrie, des conditions qu’elle imposera ou qu’elle acceptera. […] Ce retour n’est évidemment pas certain ; l’avenir de l’humanité reste indéterminé, parce qu’il dépend d’elle. Mais si, du côté de l’avenir, il n’y a que des possibilités ou des probabilités, que nous examinerons tout à l’heure, il n’en est pas de même pour le passé : les deux développements opposés que nous venons de signaler sont bien ceux d’une seule tendance originelle. […] Elle ne sait pas assez que son avenir dépend d’elle.

216. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Les exemples à citer de ce genre de fortune ne manqueraient pas dans le passé, et l’avenir, il faut l’espérer, en réserve quelques-uns encore. […] La Révolution la trouva très en méfiance, elle eût été d’avis de quitter la France avant les extrémités funestes ; mais son mari n’y ayant pas consenti, elle ne s’occupa plus que d’y tenir bon, de faire face aux malheurs, et, au lendemain des désastres, de sauver l’avenir de sa jeune famille. […] Les conditions d’une société nouvelle et d’un avenir laborieux se vinrent démasquer de toutes parts dans la lutte : elle y appliqua ses méditations et ses prévoyances de mère. […] Cette femme tendre, calme, habituée aux devoirs aimables de la société, s’y contenant, dont l’esprit sérieux et orné n’avait jamais trop songé pourtant à franchir les limites d’un gracieux horizon, la voilà tout d’un coup qui, à l’âge du repos, à ce moment où l’esprit est le plus sujet à s’arrêter, où le cœur se plaint et gémit tout bas des choses qui s’en vont, la voilà qui se ranime au contraire, qui s’excite et sourit à des vues neuves, prend part à de jeunes projets, et, au lieu de tourner le dos à l’avenir, y marche comme au matin, accompagnant ou plutôt précédant son guide bien-aimé : à la voir de loin si active et si légère, on dirait une sœur. Comme Mme Necker de Saussure, comme Mme Guizot, Mme de Rémusat s’est préoccupée vivement de l’avenir de son sexe dans cette prochaine société qui était en train de s’asseoir sur des bases encore vacillantes.

217. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Il fonda en 1830, avec Montalembert et Lacordaire, un journal, l’Avenir, pour défendre le catholicisme contre la monarchie bourgeoise, matérialiste et athée selon la formule de l’Essai. […] L’avenir se chargeait de le grandir. […] Article de l’Avenir, du 9 nov. 1830 (t. […] Avenir, 30 juin 1831 (X, 338). […] Biographie : Le comte de Montalembert (1810-1870), né à Londres, fondateur de l’Avenir avec Lamennais, pair de France, se fit sous la monarchie de Juillet le défenseur de l’intérêt catholique, des Jésuites, de l’Irlande, des chrétiens de Syrie, de la Pologne, de la Grèce, etc.

218. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

En effet, une grande question est restée pendante, et pour la résoudre, l’avenir, plus juste que le présent, devra s’appuyer sur l’histoire. […] Les circonstances étant donc ce qu’elles sont, un livre de l’abolition de la Compagnie de Jésus, où tout serait raconté sans fausse honte et sans condescendance sur cet Ordre et sur ses ennemis, ne pousserait-il pas à la solution que l’avenir saura dévoiler et à laquelle tant de préjugés sucés avec le lait, grandis dans le sang, s’opposent encore ? […] Les gouvernements catholiques méconnaissant leur grandeur passée, leur force présente et les intérêts de leur avenir, ne songeaient plus qu’à frapper le catholicisme. […] une vue surnaturelle de l’avenir engageait peut-être les Jésuites à se laisser condamner sans résistance. […] Dieu, qui s’est réservé l’avenir, n’abandonnait pas son Église.

219. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Et quant à ses perspectives sur le sort de la France et sur l’avenir qui lui est réservé, il faut les lire longuement développées dans une lettre du 10 août ; et bien qu’il y eut alors trop de sujets d’être sombre, il faut se dire aussi qu’à quelques instants de sa vie qu’on le prenne, de semblables tableaux, justifiés ou non, l’assiégèrent toujours : il ne voyait chaque lendemain qu’à la lueur d’une torche funèbre, et sa forte logique elle-même se mettait tout entière, pour les corroborer, au service de ses visions d’épouvante : « A quels temps, grand Dieu, nous étions réservés ! […] En me décidant, ou plutôt en me laissant décider pour le parti qu’on m’a conseillé de prendre, je ne suis assurément ni ma volonté, ni mon inclination : je crois, au contraire, que rien au monde n’y saurait être plus opposé ; mais je m’attends dans l’avenir à bien d’autres contradictions. […] Où que je sois à l’avenir, je serai chez moi, ce chez moi fût-il un grenier. […] Quoi qu’il en soit, le mieux, ce me semble, est d’éviter de part et d’autre de traiter à l’avenir un pareil sujet.

220. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

J’ai vu mon avenir détruit dans sa partie la plus vitale, mon esprit envahi par les incroyables hypothèses du siècle, et mon cœur, en révolte contre lui-même, s’absorber dans une lutte insensée. […] Il entra, dès lors, dans un ordre de considérations le plus antirévolutionnaire possible : il eut des théories et des perspectives sur l’avenir des nations catholiques ou protestantes, des vues historiques aussi vagues et aussi fausses peut-être qu’auparavant ; il prophétisa encore, et en sens inverse. […] Un jour, si l’avenir vient combler mon attente, J’expirai mes erreurs par une œuvre éclatante ;.

221. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

Si vous êtes traversés dans vos projets pour acquérir et conserver la gloire, votre esprit peut s’attacher à l’événement qui, tout à coup, a interrompu votre carrière, et se repaître d’illusions, plus faciles encore dans le passé que dans l’avenir. […] tantôt la superstition défend de penser, de sentir, déplace toutes les idées, dirige tous les mouvements en sens inverse de leur impulsion naturelle, et sait vous attacher à votre malheur même, dès qu’il est causé par un sacrifice ou peut en devenir l’objet ; tantôt la passion ardente, effrénée, ne sait pas supporter un obstacle, consentir à la moindre privation, dédaigne tout ce qui est avenir, et poursuivant chaque instant comme le seul, ne se réveille qu’au but ou dans l’abîme. […] Attachez-vous à l’avenir par la vertu, fixez la reconnaissance par les bienfaits qui durent ; il n’est point de capitole, il n’est point de triomphes qui puissent ajouter à votre éclat ; vous êtes au pinacle de la gloire militaire, la générosité seule plane encore au-dessus de vos têtes.

222. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Il nous faut venir maintenant aux hommes et aux œuvres qui, dans les divers genres, nous semblent travailler plus efficacement à la préparation de l’avenir. […] Brunetière isolait, par une sérieuse analyse, l’élément solide et bienfaisant qu’enveloppaient toutes ces prétentions et toutes ces fantaisies, l’école du symbole et les fondateurs de l’avenir trouvaient leur critique autorisé en M.  […] Rien n’est encore sorti de toute cette agitation, où l’avenir dira quelle fut la chimère et quelles les idées fécondes.

223. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

Non, l’être que je sens en moi est un être actif, éternellement tendu, aspirant sans cesse à passer d’un état à l’autre : c’est un effort ou au moins une tendance, à un moindre degré encore une attente, mais toujours quelque chose tourné vers l’avenir, une anticipation perpétuelle d’être, et en quelque sorte une prélibation de l’avenir. […] L’esprit ne sait rien intuitivement sur son passé, il n’en sait pas davantage sur son avenir.

224. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Mais nous ne saurions ni nous étonner ni nous plaindre de ces contestations salutaires ; il est bien clair, en effet, que nos formules sont destinées à être réformées dans l’avenir. […] De plus, elle n’est pas née de rien ; elle est elle-même un effet de causes externes qu’il faut connaître pour pouvoir apprécier son rôle dans l’avenir. […] Mais la pensée collective tout entière, dans sa forme comme dans sa matière, doit être étudiée en elle-même, pour elle-même, avec le sentiment de ce qu’elle a de spécial, et il faut laisser à l’avenir le soin de rechercher dans quelle mesure elle ressemble à la pensée des particuliers.

225. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Appendice. [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 497-502

Ces considérations, qui résument d’une manière générale quelques-unes des observations particulières faites au sein de la Commission, ne paraîtront point déplacées ici : elles pourront servir à éclairer la route de l’avenir ; elles prouveront du moins que la Commission n’a point pris le change et n’a fait cette année que s’affermir de plus en plus dans le sens et l’esprit de l’institution qu’elle était appelée à servir et à interpréter. […] L’institution des primes est bonne, utile, et peut devenir féconde en résultats à l’avenir, mais à la seule condition qu’on ne se départira jamais, en l’appliquant, de la pensée essentielle qui l’a inspirée.

226. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Note »

J’avais toujours espéré, comme plusieurs de vos amis, que ce projet de Fontainebleau était une combinaison d’avenir, une retraite à l’horizon. […] L’Ombre de Napoléon projetée sur les nuages grossissants de l’horizon de l’avenir, voilà pour la réalité historique ; une inspiration orientale nous arrivant à travers les Nibelungen, et faisant pour la première fois invasion dans notre poésie, c’en est assez le caractère littéraire.

227. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. LOUIS DE CARNÉ. Vues sur l’histoire contemporaine. » pp. 262-272

Elle est bien moins audacieuse dans sa portée, moins sympathiquement plébéienne et fraternelle que l’illustre rédacteur de l’Avenir, quoiqu’elle adhère, sur presque tous les points, à la manière féconde dont il envisage socialement le christianisme. […] Dans la république de l’avenir où nous tendons, les raisons secrètes ou avouées, les motifs égoïstes, intéressés, philosophiques ou mystiques, pour lesquels les institutions vraiment libres seront acceptées et pratiquées d’un chacun, offriront sans doute, surtout au début, beaucoup de variété et de bigarrure ; mais il suffira qu’on se rallie en fait à trois ou quatre grands points jugés indispensables.

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