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27. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Mademoiselle de Condé »

Alors, on ne savait pas qu’elle pût devenir jamais une Religieuse et une Sainte. […] Si on avait prévu la Sainte, on aurait été plus insolent encore… La Sainteté, en effet, c’est par là que devait finir cet incomparable amour, qui passa, sans s’éteindre, de la terre au ciel. […] III Telle fut la Sainte dans Mademoiselle de Condé, mais ce n’est pas à moi de parler de la Sainte. […] Je n’ai à parler que de la sainte de cœur humain que fut cette délicieuse Condé, avant d’être la majestueuse Sainte qu’elle devint devant Dieu et devant l’Église. […] elle était sainte déjà avant d’être une Sainte, cette femme qui a du sang altier des Condé dans les veines, de ces terribles sangliers sauvages des Condé, et qui aime « son ami », comme elle dit simplement, avec la crainte, l’humilité, l’abandon et tous les caractères de l’amour de Dieu, transportés dans l’amour d’un homme !

28. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

le martyre de St Cyr et de Ste Julitte . du même. […] La partie supérieure de la figure est dans la demi-teinte, le reste est éclairé. à droite du lit sur une petite estrade de bois, la crosse, la mitre et l’étole. à gauche, deux prêtres qui administrent l’extrême-onction ; celui qui est sur le devant touche de l’huile sainte les pieds du saint moribond qui sont découverts. […] Le saint a la tête relevée sur son chevet, et les mains jointes sur sa poitrine ; cette tête est de toute beauté, le saint bien senti dans son lit, et les couvertures annoncent parfaitement le nu. à cette composition si vraie dans toutes ses parties il n’a manqué, pour être la plus belle qu’il y eût au sallon, que d’être peinte ; car elle ne l’est pas. […] Il fallait rendre la demi-teinte, où l’on a tenu la tête du saint, peut-être un peu moins forte, parce qu’elle voile son expression. […] une sainte famille. du même.

29. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre IV. Si les divinités du paganisme ont poétiquement la supériorité sur les divinités chrétiennes. »

Le Dieu de l’Écriture se repent, il est jaloux, il aime, il hait ; sa colère monte comme un tourbillon : le Fils de l’Homme a pitié de nos souffrances ; la Vierge, les saints et les anges sont émus par le spectacle de nos misères ; en général, le Paradis est beaucoup plus occupé des hommes que l’Olympe. […] Il n’y a pas jusqu’au faible avantage de la différence des sexes et de la forme visible, que nos divinités ne partagent avec celles de la Grèce, puisque nous avons des saintes et des vierges, et que les anges, dans l’Écriture, empruntent souvent la figure humaine. Mais comment préférer une sainte, dont l’histoire blesse quelquefois l’élégance et le goût, à une naïade attachée aux sources d’un ruisseau ? Il faut séparer la vie terrestre de la vie céleste de cette sainte : sur la terre, elle ne fut qu’une femme ; sa divinité ne commence qu’avec son bonheur dans les régions de la lumière éternelle. […] Satan, s’apprêtant à combattre Michel dans le paradis terrestre, est superbe ; le Dieu des armées, marchant dans une nuée obscure à la tête des légions fidèles, n’est pas une petite image ; le glaive exterminateur, se dévoilant tout à coup aux yeux de l’impie, frappe d’étonnement et de terreur ; les saintes milices du ciel, sapant les fondements de Jérusalem, font presque un aussi grand effet que les dieux ennemis de Troie, assiégeant le palais de Priam ; enfin il n’est rien de plus sublime dans Homère, que le combat d’Emmanuel contre les mauvais anges dans Milton, quand, les précipitant au fond de l’abîme, le Fils de l’Homme retient à moitié sa foudre, de peur de les anéantir.

30. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VII. Des Saints. »

Des Saints. […] On se moque des saints et des anges ; mais les anciens eux-mêmes n’avaient-ils pas leurs demi-dieux ? […] Et, pour qu’on ne se méprenne pas à ce nom de héros, Hiéroclès l’interprète exactement comme le christianisme explique le nom de saint. « Ces héros pleins de bonté et de lumière pensent toujours à leur Créateur, et sont tout éclatants de la lumière qui rejaillit de la félicité dont ils jouissent en lui. » — Et plus loin, « héros vient d’un mot grec qui signifie amour, pour marquer que, pleins d’amour pour Dieu, les héros ne cherchent qu’à nous aider à passer de cette vie terrestre à une vie divine et à devenir citoyens du ciel69. » Les Pères de l’Église appellent à leur tour les saints des héros : c’est ainsi qu’ils disent que le baptême est le sacerdoce des laïques, et qu’il fait de tous les chrétiens des rois et des prêtres de Dieu 70. […] Le chœur des saints rois, David à leur tête ; l’armée des confesseurs et martyrs vêtus de robes éclatantes, nous offriraient aussi leur merveilleux.

31. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 30, de la vrai-semblance en peinture, et des égards que les peintres doivent aux traditions reçuës » pp. 255-265

On voit au maître autel de la petite église de saint étienne de Genes un tableau de Jules Romain qui répresente le martyre de ce saint. […] Un des juifs qui lapide le saint a les cheveux roussâtres, le teint haut en couleur, enfin toutes les marques d’un homme bilieux et sanguin, et il paroît transporté de colere. […] Un autre juif placé auprès du premier, et qu’on reconnoît être d’un temperament mélancolique à la maigreur de son corps, à son teint livide, comme à la noirceur des poils, se ramasse tout le corps en jettant sa pierre, qu’il adresse à la tête du saint. […] Quoique nous ne sçachions pas bien certainement comment saint Pierre étoit fait, néanmoins les peintres et les sculpteurs sont tombez d’accord par une convention tacite de le répresenter avec un certain air de tête et une certaine taille qui sont devenus propres à ce saint. […] Ce que j’ai dit de saint Pierre peut aussi se dire de la figure sous laquelle on répresente plusieurs autres saints, et même de celle qu’on donne ordinairement à S.

32. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

» M. de Rémusat, plus ou moins hégélien, avait pu lire dans Hegel : « Anselme, dans son célèbre argument de l’existence de Dieu, montra, le premier, la pensée dans son opposition à l’être, et chercha à en prouver l’identité. » Après un pareil hommage rendu par le grand théoricien de l’identité de la pensée et de l’être, qui semblait reconnaître dans le Saint métaphysicien une paternité éloignée, comment ne pas se préoccuper de cet homme qui, quoique saint, avait été philosophe, et qui, par Descartes, touchait à Hegel ? […] Et en effet, au simple point de vue de la tactique, après toutes les injustices et toutes les ignorances du xviie  siècle, n’était-il pas habile et spirituel tout ensemble d’enrégimenter jusqu’aux Saints sous la bannière de la philosophie ? […] S’il n’ébranla pas en lui les robustes certitudes de sa foi, c’est que le Saint préservait l’homme des doutes du métaphysicien ; mais si le danger ne fut pas pour lui, il est pour d’autre, à cette heure, et dans un siècle ou l’obéissance en toutes choses cherche vainement des saint Anselme qui foulent aux pieds leur propre pensée, lorsqu’il s’agit d’obéir. Ainsi, le Saint, l’homme de la foi et de l’obéissance, voilà le grand côté de saint Anselme, qu’un historien, qui n’eût pas été philosophe, aurait fortement éclairé. […] Saint Anselme était lié au grand et décisif mouvement du progrès catholique, par ce qui se nomme, entre chrétiens, la sainte vertu de l’obéissance.

33. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Mystères. » pp. 35-37

Ceux qui revenaient de la Terre Sainte, de Sainte-Reine, du Mont-Saint-Michel, de Notre-Dame-du-Puy, et d’autres lieux semblables, composaient des cantiques sur leurs voyages, auxquels ils mêlaient le récit de la vie et de la mort de Jésus-Christ, d’une manière véritablement très grossière, mais que la simplicité de ces temps-là semblait rendre pathétique. Ils chantaient les miracles des saints, leur martyre, et certaines fables auxquelles la créance des peuples donnait le nom de visions. […] Ces sortes de spectacles parurent si beaux dans ces siècles ignorants, que l’on en fit les principaux ornements des réceptions des princes, quand ils entraient dans les villes ; et comme on chantait noël, noël, au lieu des cris de vive le roi, on représentait dans les rues la Samaritaine, le Mauvais Riche, la Conception de la sainte Vierge, la Passion de Jésus-Christ, et plusieurs autres mystères, pour les entrées des rois. On allait au-devant d’eux en procession avec les bannières des églises ; on chantait à leur louange des cantiques composés de passages de l’écriture sainte, cousus ensemble pour faire allusion aux actions de leurs règnes.

34. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

La famille maternelle du jeune Racine fut particulièrement édifiée de la piété de ces saints et de ces saintes anachorètes. […] Suivez bien en tout les conseils de votre sainte tante. […] Racine trouvait donc son excuse dans sa piété, excuse sainte, mais mauvaise excuse, qui lave la foi, mais qui n’innocente pas le cœur. […] Il s’est surpassé : il aime Dieu comme il aimait ses maîtresses ; il est pour les choses saintes comme il était pour les profanes. L’Écriture sainte est suivie exactement, tout est beau, tout est grand, tout est écrit avec sublimité ! 

35. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Michelet, malgré sa dévotion pour les Saintes révolutionnaires dont il écrit la légende, a mieux aimé (peut-être n’était-il pas libre dans ce choix) se répéter et se recopier que de penser et d’écrire à neuf. […] Michelet, pour cet hagiographe de la Révolution française, les saintes de la Révolution ne sont pas toutes à la même place dans le ciel, et les très grandes saintes, comme sainte Olympe de Gouges, sainte Rose Lacombe, sainte Théroigne de Méricourt, sainte Roland, sainte Duplay, y sont bien au-dessus, par exemple, de sainte Condorcet et de sainte de Staël. […] Michelet a pu trier dans toute sa vie, et c’est sur ce triple mérite que l’hagiographe exécute l’assomption de cette glorieuse sainte. Mais pour sainte de Staël, c’est bien différent ; on voit l’instant où la canonisation va se trouver impossible. […] … Où qu’on prît ces héroïnes, qui ne forment pas un bataillon, mais toute une armée dans l’histoire, qu’on les prît sur notre terre de France, que ce fût sainte Radegonde, sainte Geneviève, sainte Clotilde, et tous ces cœurs vaillants de la vaillance de Dieu jusqu’à Jeanne d’Arc et depuis elle, n’importe où l’historien allât les choisir, elles étaient dignes de s’aligner en face des plus grandes (s’il y en avait) de la Révolution française, et de faire baisser les yeux à leurs portraits, plier le genou à leurs cadavres.

36. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Nicole, Bourdaloue, Fénelon »

Nicole ne l’avait pas, non qu’il fût un saint. Les saints les plus purs peuvent l’avoir. Presque tous les saints, au contraire, sont, qu’on nous permette le mot ! […] On y parle assez peu de la Vierge et des saints. […] L’expression du christianisme de sainte Thérèse, par exemple, n’est pas la sienne, et voilà pourquoi il plaît tant aux gens du monde et aux philosophes.

37. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

Un saint prêtre me dit : “Votre frère reviendra.” […] C’est sur des faits bien établis que j’avais eu recours au saint thaumaturge, et je croyais tant au miracle ! […] Souffrances de Jésus, saints désirs de la mort, uniques pensées et méditations. […] et que le saint a raison qui a dit : “Jetons nos cœurs à l’éternité ! […] Rien ne vous scandalisera ; c’était une femme, mais c’était une sainte !

38. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

Le saint dit à sa fille que le temps est venu de sommer le roi d’accomplir sa promesse, et de proclamer l’enfant roi et successeur de son père. […] Il apprend qu’elle est de céleste origine par l’union d’un saint avec une divinité secondaire. […] Quel dégât il a apporté dans notre sainte retraite, que la vue d’un char a jeté dans cet acte de fureur !  […] Au dernier acte, le saint anachorète Canoua revient au monastère après sa longue absence. […] Le saint ermite approuve tout, et comble Sacountala de présents pour la faire reconduire dignement à son époux.

39. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Il tire des livres saints un texte où ce vice est caractérisé avec la force de peinture propre à ces livres. […] Les auteurs profanes lui devinrent aussi familiers que les livres saints. […] L’Eglise y avait même pris quelques-uns de ses saints. […] On ne l’embarrasse point par l’autorité des saints mystiques. […] La Politique selon l’Ecriture sainte, passim.

40. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Le saint empire romain germanique. […] Et il y a des saints de militation qu’on pourrait nommer des saints de misère et de peine, et presque des saints d’amertume et d’ingratitude. […] Il s’est fait un saint parmi les saints. […] Ou la vie du premier des saints. […] Et à la sainte épargne et à la sainte économie.

41. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Ils n’en avoient d’autres que le témoignage de la sainte & celui de son confesseur. […] Continuez à jouir de toutes les graces que vous a accordées le saint siège. […] Le défenseur de l’éternité de l’ordre au manteau blanc & noir, osa la garantir sur la vertu du saint scapulaire, sur tous les privilèges accordés par la sainte Vierge, au bienheureux Simon Stoch. […] Le jésuite les accusa de ne pas croire à la religion, à l’eucharistie, à l’eau-bénîte, aux saints & saintes du paradis. […] On les accusoit d’avoir fait trop de mal, pour être crus des saints.

42. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Pensez-vous être saint et juste impunément ? […] … Mais d’où vient que mon cœur frémit d’un saint effroi ? […] Quel est dans le lieu saint ce pontife égorgé ? […] Ô saint temple ! […] Ô saint temple !

43. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre II. Harmonies physiques. — Suite des Monuments religieux ; Couvents maronites, coptes, etc. »

Le fleuve saint sort du pied de la montagne ; la forêt de cèdres noirs domine le tableau, et elle est elle-même surmontée par des croupes arrondies, que la neige drape de sa blancheur. […] Les monuments ordinaires reçoivent leur grandeur des paysages qui les environnent ; la religion chrétienne embellit au contraire le théâtre où elle place ses autels et suspend ses saintes décorations. […] Vieux cloître où de Bruno les disciples cachés Renferment tous leurs vœux sur le ciel attachés ; Cloître saint, ouvre-moi tes modestes portiques ! […] accablé de l’horreur de ses crimes, Souvent dans ces lieux saints l’oppresseur désarmé Venoit demander grâce aux pieds de l’opprimé. […] L’imagination, vers tes murs élancée, Chercha le saint repos, leur long recueillement ; Mais mon âme a besoin d’un plus doux sentiment.

44. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Hallé  » pp. 127-130

Je laisse là tous ses petits tableaux, ses deux pastorales où il y a la fausseté de Boucher, sans son imagination, sa facilité et son esprit, la Femme qui amuse son enfant avec un moulin à vent, sa Sainte Famille que je n’ai point aperçue ni moi ni personne, la Femme qui dessine à l’encre de la Chine, et j’en viens à sa grande composition. […] Le St est assis. […] Quand un artiste introduit dans une composition un saint embrasé de l’amour de Dieu et prêchant sa loi à des peuples et qu’il lui met un bonnet carré à la main, comme à un homme qui entre dans une compagnie et qui la salue poliment, je lui dirais volontiers, Vous vous mêlez d’un métier de génie et vous n’êtes qu’un butor. […] Et puis croyez-vous qu’il fût indifférent de savoir, avant de prendre le crayon ou le pinceau, quel était le sujet du sermon ; si c’était ou l’effroi des jugements de Dieu, ou la confiance dans la miséricorde de Dieu, ou le respect pour les choses saintes, ou la vérité de la religion, ou la commisération pour les pauvres, ou un mystère, ou un point de morale, ou le danger des passions, ou les devoirs de l’état, ou la fuite du monde.

45. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Ce fléau cessa tout à coup, par l’intercession de sainte Geneviève. […] Vers la droite, au-dessus de la sainte et proche d’elle, autre petit groupe de chérubins, autres nuages rougeâtres liés avec les premiers. […] Le premier incident dont on est frappé c’est un frénétique qui s’élance hors de la porte de l’hôpital, sa tête ceinte d’un lambeau et ses bras nus sont portés vers la sainte protectrice. […] Sur le milieu du parvis, devant la porte de l’hôpital, une mère agenouillée, les bras et les regards tournés vers le ciel et la sainte, la bouche entr’ouverte, l’air éploré, demande le salut de son enfant. […] Je ne saurais en conscience vous en dire autant des nuages qui portent votre sainte ; les enfants envelopés de ces nuages sont légers et minces comme des bulles de savon et les nuages lourds comme des ballons serrés de laine volans.

46. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Vous y trouvez bien quelques Sapho qui y jettent un ou deux cris qu’on entend toujours, quelques âmes divines comme sainte Thérèse, qui a fait, elle, son saut de Leucade dans le ciel, mais le talent littéraire, dans son expression la plus haute, est bien plus que des émotions éloquentes, que de sublimes palpitations. […] Je n’ai rien entendu de plus déchirant d’abord et de plus consolant et de plus fortifiant ensuite que ce livre qui commence par des cris et qui finit par des cris encore, car l’Alléluia des Saints dans le Paradis est un cri ! […] Il y a un rayon égaré de l’âme de sainte Thérèse dans cette protestante que la personnalité divine de Notre Seigneur Jésus-Christ transporte, mais c’est une sainte Thérèse comme le protestantisme peut en faire des plus grandes âmes qui naissent dans son sein. […] La beauté humaine cède ici devant la beauté surnaturelle, et on a jugé par le contraste entre une religion qui produit des Saintes comme sainte Thérèse et celle qui ne fait d’une âme, naturellement propre à tout ce qu’il y a de plus grand, rien de plus peut-être que la femme la plus méritante du protestantisme contemporain, et certainement le cœur le plus vaillant qui y ait jamais palpité ! […] … Elle qui a voulu nous donner une idée du paradis qu’elle rêve, au lieu de nous en écrire un livre et un à peu près comme aujourd’hui, n’en fera-t-elle pas un jour descendre, avec l’hostie sainte, le sentiment complet dans son cœur ?

47. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

Quand on nomme un saint aujourd’hui, on se figure quelque moine grossier et fanatique, livré, par imbécillité ou par caractère, à une superstition ridicule. […] Le saint ne se confesse point à la terre, il se confesse au ciel ; il ne cache rien à celui qui voit tout. […] vous me fîtes alors sentir votre bonté et votre miséricorde, en m’accablant d’amertume ; car, au lieu des douceurs que je m’étais promises, je ne connus que jalousie, soupçons, craintes, colère, querelles et emportements. » Le ton simple, triste et passionné de ce récit, ce retour vers la Divinité et le calme du Ciel, au moment où le saint semble le plus agité par les illusions de la terre, et par le souvenir des erreurs de sa vie : tout ce mélange de regrets et de repentir est plein de charmes. […] Du fond de sa grotte de Bethléem, il voyait la chute de l’Empire romain : vaste sujet de réflexions pour un saint anachorète ! […] Il jeûnait, il priait avec abondance de larmes… Ces saintes poésies furent les occupations de saint Grégoire dans sa dernière retraite.

48. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Avez-vous vu quelquefois au coin des rues de ces chapelles que les pauvres habitans de Ste Reine promènent sur leurs épaules de bourg en ville ? C’est une espèce de boîte ceintrée qui renferme un tableau principal, et dont les deux vantaux peints en dedans montrent chacun l’image d’un saint, quand la boîte ou chapelle portative est ouverte. Eh bien, tout juste de la même forme et de la même force, le tableau précédent et les deux suivants ; c’est la chapelle des gueux de Ste Reine, et ce l’est si bien qu’il n’y manque que les charnières que j’y aurais peintes furtivement, si j’avais été un des polissons de l’école. […] Je lui garantis l’entreprise de toutes les chapelles de Ste Reine et autres lieux tant en France qu’ailleurs, où les paysans malheureux aiment mieux mendier dans les grandes villes que de rester dans leurs villages à cultiver des terres où ils déposeraient leur sueur et qui ne rendraient pas un épi pour les nourrir ; à moins qu’il n’aime mieux exercer les deux métiers à la fois, faire la curiosité et la montrer. […] Le saint renversé dans cette direction est aussi bien renversé ; il est envelopé de la masse des rayons qui le frappent, mais qui ne le frappent pas assez pittoresquement ; il aurait fallu de la verve pour lui donner un air de foudre, et Lépicié n’en a pas.

49. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XVI. Le Paradis. »

Le trait qui distingue essentiellement le Paradis de l’Élysée, c’est que, dans le premier, les âmes saintes habitent le ciel avec Dieu et les Anges, et que, dans le dernier, les ombres heureuses sont séparées de l’Olympe. […] Pour éviter la froideur qui résulte de l’éternelle et toujours semblable félicité des justes, on pourrait essayer d’établir dans le ciel une espérance, une attente quelconque de plus de bonheur, ou d’une époque inconnue dans la révolution des êtres ; on pourrait rappeler davantage les choses humaines, soit en tirant des comparaisons, soit en donnant des affections et même des passions aux élus : l’Écriture nous parle des espérances et des saintes tristesses du ciel. Pourquoi donc n’y aurait-il pas dans le paradis des pleurs tels que les saints peuvent en répandre89 ? […] Avec une Notre-Dame des Douleurs, une Mère de Pitié, quelque saint obscur, patron de l’aveugle et de l’orphelin, un auteur peut écrire une page plus attendrissante qu’avec tous les dieux du Panthéon.

50. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de l’Évangile » pp. 89-93

… Où qu’on prît ces héroïnes, qui ne forment pas un bataillon, mais toute une armée dans l’histoire ; qu’on les prît sur notre terre de France, que ce fût sainte Radegonde, sainte Geneviève, sainte Clotilde, et tous ces cœurs vaillants de la vaillance de Dieu jusqu’à Jeanne d’Arc et depuis elle, n’importe où l’historien allât les choisir, elles étaient dignes de s’aligner en face des plus grandes (s’il y en avait) de la Révolution française, et de faire baisser les yeux à leurs portraits, plier le genou à leurs cadavres. […] Ses Femmes chrétiennes sont les femmes de l’Évangile : la Chananéenne, la femme malade, la fille de Jaïre, la femme adultère, la veuve de Naïm, la Samaritaine, Madeleine, Marthe, Marie, les saintes femmes au tombeau, etc., créatures de grâce ou de conversion, d’humilité et de repentance, ces perles dont l’écorce était l’amour de Dieu, les premières que l’Évangile propose à nos imitations !

51. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Mais enfin il reconnaîtra que, sans le savoir, nous avons posé la condition des progrès futurs et que notre industrialisme a été, quant à ses résultats, une œuvre méritoire et sainte. […] La tendance des classes pauvres au bien-être est juste, légitime et sainte, puisque les classes pauvres n’arriveront à la vraie sainteté, qui est la perfection intellectuelle et morale, que par l’acquisition d’un certain degré de bien-être. […] Quand Cléanthe passait ses nuits à puiser de l’eau, il faisait œuvre aussi sainte que quand il passait les jours à écouter Zénon. […] Sainte Eulalie, fascinée par le charme de l’ascétisme, s’échappe de la maison paternelle ; elle prend le premier chemin qui s’offre à elle, erre à l’aventure, s’égare dans les marais, se déchire les pieds dans les ronces  Elle était folle, cette fille   Folle tant qu’il vous plaira. […] Il est triste sans doute pour l’homme d’intelligence de traverser ces siècles de peu de foi, de voir les choses saintes raillées par les profanes et de subir le rire insultant de la frivolité triomphante.

52. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Quelles légitimes et saintes amours, quelles filles, quelles femmes ne seraient pas sacrifiées à si noble devoir ?  […] Il charme de sons harmonieux l’oreille des saints… « Ô voix paisible ! […] C’est à ce titre qu’une sainte célèbre, qu’une fondatrice de monastères de femmes a été nommée quelquefois le plus grand poëte de l’Espagne. […] Qu’aurait-il dit d’une autre imagination jugée sainte et pure par ce grand Bossuet si sagement inflexible pour les folles rêveries de madame Guyon ? […] C’est là ce qui manque trop à l’amour mystique, par une erreur que ne prévient pas le génie même de sainte Thérèse.

53. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIII. Mme Swetchine »

et que je me risquerais presque à appeler une Sainte du monde, semble, sous la plume de M. de Falloux, aussi longue que la route à faire de Paris à Saint-Pétersbourg. […] La simplicité acquise, dans un siècle d’affectation, la simplicité contractée à force de ne plus penser qu’à Dieu seul, fit éviter à Mme Swetchine d’être auteur, et cela avec le danger presque inévitable du talent, comme cette simplicité fit aussi d’elle une sainte femme, sans en faire une religieuse. […] Telle était cette Sophie Swetchine qui, dans la hiérarchie des Saints, embrassant comme on le sait, toutes les fonctions et tous les états de la terre, pourrait être, à ce qu’il semble, la patronne des femmes du monde, lesquelles, j’imagine, n’en ont pas eu beaucoup jusqu’ici… C’était l’amabilité, la bonté, la raison pratique, faites saintes et revêtues du calme du ciel… Moraliste chrétienne de bonne humeur, quand les moralistes, même chrétiens, sont plus ou moins moroses, elle introduisit la gaieté dans la foi, qui ne s’y voit guère, et c’est elle qui a pu écrire, en se rappelant son pays : « Je suis avec le bon Dieu comme les femmes russes sont avec leurs maris. […] Sainte devait Dieu, ce qui n’est pas douteux, si elle n’est pas absolument UNE Sainte devant les hommes, elle ne fut guère pourtant séparée de cette sainteté absolue que par l’épaisseur de sa douillette de femme du monde, et encore nous ne savons pas si, derrière la soie, il n’y avait pas le cilice.

54. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Mais l’institution monastique est l’âme de l’Église : l’idéal chrétien ne se réalise à peu près que par l’ascétisme des couvents, où s’épanouissent les saintes fleurs de pauvreté et de pureté. […] Aussi, au formalisme compliqué des pratiques, aux exigences contre nature de la vie monastique, oppose-t-il, dans des vers d’une expression originale et forte, la sainteté laïque qui gagne le ciel, l’idéal de la vie chrétienne dans le monde, qui satisfait à la fois à l’Évangile et à la raison : Bien peut en robes de couleur Sainte religion fleurir : Plus d’un saint a-t-on vu mourir, Et maintes saintes glorieuses, Dévotes et religieuses. Qui draps communs toujours vêtirent, Et jamais n’en furent moins saintes : Et je vous en nommerais maintes. Mais presque toutes tes saintes Qui aux églises sont priées, Vierges chastes, et mariées Qui maints beaux enfants enfantèrent, Les habits du siècle portèrent ; Et en ceux-là même moururent, Qui saints sont, seront et furent. […] Reportons, avant de terminer, notre pensée vers le bon sénéchal de Champagne, qui bientôt allait recueillir ses souvenirs du saint roi Louis IX : Joinville et Jean de Meung, tout le xiiie  siècle tient en ces deux noms, avec l’opposition de deux classes, le contraste de deux esprits.

55. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

., sans parler de saint Denis qui naturellement reçoit le roi à la porte Saint-Denis, entouré de saint Louis, saint Thomas, saint.Maurice et sainte Geneviève. […] Un chanoine de Langres fait jouer à Langres en 1482 une Vie de Mgr saint Didier : c’est le patron de la ville. […] Il écoute très décemment, très dévotement les sermons, les propos édifiants, il voit avec révérence les hautes vertus, les faits admirables des saints personnages. […] Les bourreaux, de mine truculente, aux noms pittoresques, Humebrouet ou Claquedent, sont de facétieux compères, évidemment sympathiques à l’assistance, même quand ils torturent les saints ou le Christ : on ne trouve jamais leurs rôles trop longs. […] Un boiteux et un aveugle, qui craignent de perdre avec leurs infirmités leur gagne-pain, fuient les reliques du saint dont on annonce les miraculeux effets.

56. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Il a pour voisine une sainte fille, Sévéraguette, orpheline et riche. […] Ce saint n’hésite pas, pour secourir les pauvres, à réduire à la pauvreté la vieillesse de sa mère. […] Une autre particularité, c’est l’imprudence et l’imprévoyance, on dirait presque l’ignorance de la vie réelle et de ses conditions, assez commune en effet chez les prêtres très saints. […] Or l’abbé Célestin rencontre à Lignières une fille très pieuse, très pure et très innocente, Marie Galtier, une de ces pastoures à qui la sainte Vierge apparaît quelquefois. […] Quand, par hasard, ils sont méchants, ils ne le sont peut-être jamais autant qu’ils en paraissent, comme aussi parfois, quand ils sont saints, ils ne sont peut-être pas aussi bons qu’ils en ont l’air.

57. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Il y a les Saints, ces pères du monde moderne, qui créaient une civilisation inconnue de miracles, de foi et de vertus ! […] On les rencontre dans son histoire : saint Aignan, saint Germain, saint Loup, sainte Geneviève, saint Léon, furent les intuitions vivantes de leur époque. […] Les Saints du temps, ces figures inouïes d’inspiration et de grandeur, éprouvent aussi le même déchet que la figure du roi des Huns. […] Sainte Geneviève, cette sœur aînée de Jeanne d’Arc, n’est plus la bergère de Paris. […] Il ne discute point les miracles de sainte Geneviève ; il les affirme.

58. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Table alphabétique des auteurs. » pp. 330-355

A A disson, p. 133 Alegre, 257 St. […] Maur, 122 Dupuy, 14 Duryer, 54 E Egli, 90 Eidous, 141 Elisée, 269 l’Escalopier, 106 Eschine, 225 F FAbre, 39, 66 Fenelon, 155, 253, 309, 320 Flechier, 252, 260, 263 La Fontaine, 197, 203, 211 Fontaines, 40, 52, 129 Fontanelle, 55, 148 Fontanilles, 154 Fontenelle, 178, 183, 199, 287 La Fosse, 16, 165 Foix, 315 Le Franc de Pompignan, 15, 165, 191 François, 214 Freret, 113 Freron, 30, 90 Fresnay, 208 Fresnoy, 88 Furetiere, 204 Fuselier, 181, 205 G GAichiés, 317 Gaillard, 221, 310 Gamache, 308 Ganneau, 208 Garnier, 157 Gautier, 273 Gayot de Piraval, 280 St. Gelais, 200 Gessner, 137 Gibert, 300, 316 Gillet, 274 Gin, 325 Giroust, 247 Glover, 129 Goujet, 142, 144 La Grange, 30, 165 Grecourt, 205 Gresset, 43, 176, 196, 213 Griffet, 256 Grozelier, 208 Guarini, 106 Guedeville, 22 Gueret, 325 Guignes, 139 Guyot, 268 H HAlde (du) 140 Hallet, 137 Hamilton, 214 La Harpe, 166, 197, 199 L’Héritier (Mdlle.) 56 Hesiode, 10 Homére, 2 Horace, 45, 217 Des Houlieres, 198, 184 Hubert, 251 I Jodelle, 157 Isocrate, 223 Juvenal, 68 K Kervillars, 58 Kienlong, 139 L LAcombe, 221 Lagier, 215 Lallemand, 66 Lambet (S.) 195, 214 Laplace, 134 Lavaur, 81 Launay, 205 Leris, 147 Lille (l’Abbé de) 42 Limiers, 21 Lingendes, 244 Linguet, 116 Longe-Pierre, 16, 19 Longin, 295 Lucain, 71 Lucréce, 26 Lysias, 223 M MAffei, 112 Mainard, 200 Mairan, 289 Le Maitre, 273 Malherbe, 188 Mallet, 218, 327 Manouri, 279 Mareuil, 124 Marin, 109, 176 Marivaux, 174 Marmontel, 167, 220 Maroles, 38, 62, 67, 82 Marot, 200, 210 Martial, 82 Martignac, 25, 38, 59, 67 Mascaron, 262 Massieu, 17, 144 Massillon, 250, 264 Maupont, 146 Menage, 197 Menot, 239 Mervesin, 143 Merville, 324 Metastasio, 113 Meyssier, 239 Meziriac, 56 Le Mierre, 195 Millot, 128 Milton, 129 Mirabaud, 99, 103 Le Moyne, 152 Moivre, 63 Moliere, 170 Molinier, 254 Moncrif, 181 Monnier, 25 Montargon, 272 Moschus, 18 La Motte, 8, 165, 178, 184, 190, 205 N Nemesien, 83 Neuville, 255 Le D. de Nivernois, 209, 213 Le Noble, 204 Normant, 277 Nostradamus, 143 O Olivet, 227, 230, 231 Ovide, 53 P PAcaud, 252 Palaprat, 175 Palissot, 187 Panckoucke, 29 Papon, 310 Parfait, 145 Pathelin, 175 Patru, 273 Pavin (St.) 201 Pecquet, 101, 106, 107 Pellegain, 52, 179 Perault, 112 Periclès, 215 Perse, 66 Perusault, 254 Pesselier, 208 Pétrarque, 94 Petrone, 78 Phédre, 65 Piles (Roger de) 88 Pindare, 16 Piron, 165, 172 La Place, 134, 166 Plaute, 20 Pline, 235 Polignac, 93 Pope, 126 La Porte, 219 Premare, 140 Prevot, 65, 265 Publius Syrus, 32 Q QUillet, 89 Quinault, 177 Quinte-Curce, 232 Quintilier, 297 R Racine (Jean) 159, 201 Racine (Louis) 124, 193 Ramsai, 156 Rapin, 217, 304, 314 Raulin, 240 Regnard, 171 Regnier, 185 Remi (St.) 39 Remond de Ste.

59. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Leur maison étoit un séminaire de saints prêtres à talens. […] Les chirurgiens n’ont encore eu aucun saint de leur profession. […] Il fit voir au célèbre Vatable des essais plus heureux de poësie Sainte. […] Les principaux étoient ceux qu’on appelle aujourd’hui de sainte Agnès, de saint Pancrace, de Caliste, & de sainte Priscille ou de saint Marcel. […] Jean Mabillon, sur les saints des catacombes.

60. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

A part la résurrection d’un mort, d’un Lazare, miracle réservé au seul Jésus en personne, je ne crois pas qu’il y eût une seule guérison surnaturelle et miraculeuse qu’il repoussât, si elle était faite au nom du Christ et par l’intercession d’un saint, ce saint fût-il un des hommes du jour. […] Le Molinisme sera désolé et inconsolable, si un Saint janséniste se met ainsi à faire des miracles. […] Racine ; car, comme il avait le cœur fort pénitent depuis longtemps, il y a sujet de le croire, par la miséricorde du Seigneur, en possession de ce bienheureux repos où l’on prie efficacement pour ceux qui sont dans le trouble des passions de la vie. » Touchante et sainte confiance ! […] Saint-Denis-du-Pas, c’est-à-dire de passu, ou passione, parce que la tradition était que le saint y avait reçu quelque souffrance. — Je donne cette étymologie d’après M.  […] Du temps qu’on croyait dévotieusement aux saints, on n’oubliait rien, et M. 

61. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Table alphabétique des auteurs. » pp. 386-394

348 Académie françoise, 294 Açarq, 305, 365 Addisson, 362 d’Alembert, 204, 335, 373 Alletz, 64 Amelot de la Houssaye, 194 Anquetil, 146 d’Auville, 5 Appien, 112 Arcq, 365 l’Aretin, 192 d’Argens, 367 Arnaud, 59, 239, 259 Arrien, 102 Astruc, 326 Aubenton, 341 Aubert, 233 Aulnoi, 248 St. […] 206, 317 Fénélon, 351, 361 Feraud, 274 Ferreras, 172 Ferrieres, 322 Feuquieres, 370 Fielding, 258 Flachat, 17 Flechier, 127, 173 Fleuri, 38, 41, 320 St. […] Leibnitz, 335 Lemaire, 24 Lemery, 328 Lenfant, 65, 70 Lenglet, 1, 7 Leti, 173 Lieutaud, 326 Ligue, 155 Limiers, 132 Linguet, 126, 317 Litleton, 362 Livoi, 283 Locke, 334 Longchamps, 214 Lucas, 16 Lucien, 3 Lumina, 140 Lussan, 248 M MAbli, 119 Machiavel, 195, 317 Macquer, 85, 115, 172, 328, 345 Maillane, 321 Maillet, 21 Maimbourg, 51 Maintenon, 265 Mairan, 339 Mallet, 201 Mallouin, 327 Marana, 366 St. Marc, 190 Marcel, 1 Marchand, 224, 365 Du Marchais, 282 Mariana, 171 Marin, 366 Marin, Minime, 73 Marivaux, 251, 362 Marmontel, 261 Martin, 138 La Martiniere, 7, 147 Marsolier, 183 Marsy, 184, 207 Mathon de la Cour, 240 Maupertuis, 338 Mazeas, 373 Mehegan, 93 Melon, 330 Menage, 309 Mezangui, 39, 348 Mezerai, 130, 158 Midleton, 118 Millot, 136, 180 Moncrif, 360 Montaigne, 355 Montesquieu, 119, 267, 316, 366 Montfaucon, 139 Montluc, 154 Montpensier (Mademoiselle de) 160 Morellet, 329 Moreri, 220 Motteville, 161 Muratori, 191 Murtady, 23 Muschembroeck, 336 N NAdal, 119 Nemours, 159 Nevers (le Duc de) 155 Newton, 333 Niceron, 384 Nicole, 351, 353 Nieuwentit, 336 Nollet, 337 Nonotte, 350 Norbert, 203 O OLivet (d’) 280 d’Orléans 170, 180 Oxentiern, 361 Ozanam, 375 P PAlavicin, 67 Palissot, 117, 219 Pascal, 348, 357 Paulian, 343 Le Pautre, 378 Peloutier, 138 Perau, 167 Perault, 377 Perefixe, 146 Pesselier, 362 Petau, 1 Pfeffel, 187 Piganiol de Laforce, 28 Pin, 57, 85 Pitaval, 384 La Place, 153 Du Plessis-Mornai, 157 Pluche, 336 Pluquet, 49 Plutarque, 107 Poliniere, 337 Polybe, 100 La Porte, 12 Pouget, 348 Prévot, 25, 249 Prideaux, 37 Puffendorff, 96, 316 Puisegur, 370 Puysieux, 365 Q QUerlon, 10, 239 Quincy, 370 Quinte-Curce, 102 La Quintinie, 379 R RAbelais, 387 Rabutin, 153, 265 Racine, 83 Rainal, 181, 268 Ramsai, 167 Rapin, 3 Real, 319 Reaumur, 336 Reboulet, 147 Regnault, 338 Regnier, 271 St.

62. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

C’est un ouvrier avisé, qui sait son métier, et qui le fait comme un métier : il est difficile de ne pas voir dans son Miracle de Théophile, dans ses deux vies de Saints, dans ses Complaintes funèbres des travaux de commande, faits pour des communautés pieuses ou pour d’illustres familles. […] Au gré de notre poète, tout n’est pas au mieux sous le plus saint des rois : il paraît que le monde est déjà corrompu. […] Il hait les mendiants, aux mains de qui vont toutes les richesses ; mais il rappelle les débuts des jacobins et des cordeliers, la sainte, évangélique pauvreté, qui est l’esprit de leur institution. […] Qu’il y a loin de cette sainte hirsute et crasseuse aux belles pénitentes de la Renaissance, aux corps exquis des Madeleines ! […] Sainte Église se plaint, et ce n’est point merveille, Chacun à guerroyer contre elle se prépare.

63. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 416-419

Celui-ci a traduit, en société, avec M. l’Abbé Marie, Professeur de Mathématiques au Collége Mazarin, & Sous-Précepteur de M. le Comte d’Angoulême, un Ouvrage Anglois, fait par Bulter, & intitulé, Vie des Peres, des Martyrs & des autres principaux Saints, tirée des Actes originaux & des monumens les plus authentiques. […] En suivant cette méthode, qui prouve beaucoup de sagacité, beaucoup de connoissances, il est parvenu à donner non seulement une Collection intéressante des actions principales des Saints que l’Eglise révere dans ses Fastes, mais encore de présenter dans l’ensemble de l’Ouvrage un tableau assez suivi de l’Histoire de l’Eglise. […] Jusqu’à présent la plus puissante ressource des Incrédules a été de saisir malignement certains traits qu’un zele indiscret avoit répandus dans la Vie de plusieurs Saints.

64. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre VI. Harmonies morales. — Dévotions populaires. »

A-t-il besoin de revoir un parent, un ami, il fait un vœu, prend le bâton et le bourdon du pèlerin ; il franchit les Alpes ou les Pyrénées, visite Notre-Dame de Lorette ou Saint-Jacques en Galice ; il se prosterne, il prie le saint de lui rendre un fils (pauvre matelot, peut-être errant sur les mers), de sauver une épouse, de prolonger les jours d’un père. […] Mais le peuple ne nourrissait point la crainte de ces fléaux, quand il avait sous son toit le Christ d’ébène, le laurier bénit, l’image du saint, protecteur de la famille. […] Il était convenable que la sainte des forêts fît des miracles doux comme les mousses qu’elle habite, charmants comme les eaux qui la voilent. […] Enfin, les vents, les pluies, les soleils, les saisons, les cultures, les arts, la naissance, l’enfance, l’hymen, la vieillesse, la mort, tout avait ses saints et ses images, et jamais peuple ne fut plus environné de divinités amies, que ne l’était le peuple chrétien.

65. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Que leur fait d’appeler, de baptiser du nom de Lisette une espèce de sainte, une bonne vieille qui, au coin d’un feu paisible, relit et rumine du matin au soir la Bible et qui, en fait de chansons, ne sait par cœur que les Psaumes de Marot ? […] S’il est permis de comparer le saint au profane, je dirai que de même, quand Mme de Gasparin s’aperçoit qu’elle s’est trop plongée dans la nature, au sein du grand Pan, ou qu’elle s’est oubliée trop longtemps à écouter le merle et le rouge-gorge, vite elle met le signet de ce côté et elle donne un ton d’orgue biblique. […] L’une, je l’ai dit, procède plus de la Bible et des Psaumes ; l’autre, de l’Imitation de Jésus-Christ, des saintes mystiques, de sainte Thérèse, et même du Nouveau Mois de Marie de l’abbé Le Guillou. […] Celle-ci n’aurait-elle pas eu des pitiés par trop dédaigneuses pour les délicatesses excessives et les faiblesses superstitieuses d’Eugénie recourant à tous les saints du Paradis pour la guérison de son frère, même aux reliques de sainte Philomène, même aux médailles, même aux prières ici-bas du prince de Hohenlohe ? […] Un colloque insignifiant s’engage à l’occasion des petits objets à acheter ; laissons Mme de Gasparin continuer son récit, où la protestante tient absolument à planter son drapeau devant le camp catholique : « Que faire, se disent les visiteuses, d’escargots et de saintes ?

66. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Cet aimable saint, né le 21 août 1567, au château de Sales, à quatre lieues d’Annecy, d’une noble famille, et l’aîné de tous ses frères et sœurs, fut voué par sa pieuse mère à Dieu, et destiné par son père à la carrière sénatoriale. […] Causant avec un des officiers de son hôtel, qu’il savait l’ami intime du saint, il le prit un jour à partie et, le serrant de près, lui demanda : « Lequel aimez-vous davantage, ou lui ou moi ?  […] Chez saint François de Sales, il y a plus que le juste, il y a plus que l’utile, il y a plus que l’humain, il y a le saint : chose réelle, et qui, dès qu’elle apparaîtra sincèrement, sera toujours adorée parmi les hommes. […] J’ai devant moi un petit volume dans lequel on a réuni les divers panégyriques qu’on a faits du gracieux saint ; il y en a par Fléchier, par Bourdaloue, le père de La Rue, etc. […] Voilà un libraire digne du saint.

67. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

L’ouvrage de M. de Chateaubriand a ramené la curiosité publique sur ce grand et saint personnage ; la publication de M.  […] Ce sont nos péchés qui en sont cause. » (Lettre du 14 septembre 1689). — Ainsi le grand siècle, ce siècle de Louis XIV que nous nous figurons de loin comme fervent, était à bout des moines, et cela de l’aveu du plus saint et du plus pur des réformateurs monastiques du temps. […] « Nous vivons, écrivait-il encore (à l’abbé Nicaise), nous vivons dans des siècles plus prudents et plus sages, je dis de la sagesse du monde, et non pas de celle de Jésus-Christ. » Depuis tantôt deux siècles que cette prudence et cette sagesse tout humaines n’ont fait que croître, l’anachronisme du saint réformateur n’est pas devenu moins criant. […] Passe encore quand l’abbé archéologue soumet au saint homme l’ explication d’un ancien tombeau et des symboles ou inscriptions qui le recouvrent ; cela donne sujet du moins à son austère ami de moraliser en ces hautes paroles : « Les hommes, lui écrit Rancé à cette occasion, sont à plaindre en bien des choses, mais particulièrement dans la vanité de leurs tombeaux. […] Ces paroles du plus excellent de tous les livres après l’Écriture sainte me reviennent, et je ne puis m’empêcher de vous les dire : Disce humiliari, pulvis atque cinis.

68. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

C’est comme une sainte du moyen-âge qui nous apparaît, une sainte du Nord, du treizième siècle, une sainte Élisabeth de Hongrie, ou encore quelque sœur du Grand-Maître des Chevaliers porteglaive, qui, du fond de sa Livonie, attirée sur le Rhin, et longtemps mêlée aux délices des cours, ayant aimé et inspiré les illustres minnesinger du temps, ayant fait elle-même quelque roman en vers comme un poëte de la Wartbourg, ou plutôt ayant voulu imiter notre Chrestien de Troyes ou quelque autre fameux trouvère en rime française, en cette langue la plus délitable d’alors, serait enfin revenue à Dieu, à la pénitence, aurait désavoué toutes les illusions et les flatteries qui l’entouraient, aurait prêché Thibaut, aurait consolé des calomnies et sanctifié Blanche, serait entrée dans un Ordre qu’elle aurait subi, qu’elle aurait réformé, et, autre sainte Claire, à la suite d’un saint François d’Assises, aurait remué comme lui des foules, et parlé dans le désert aux petits oiseaux. […] Elle aurait pu alors, comme sainte Thérèse, et un peu plus tard comme Mme de Chantal, trouver encore appui à l’une des colonnes subsistantes du grand édifice catholique ébranlé ; elle aurait rouvert une route monastique nouvelle dans la ligne encore indiquée des saintes carrières. […] Puisqu’elle n’a pas été une sainte, Valérie demeure son titre principal, celui autour duquel, bon gré mal gré, se rattache sa vie. […] Si elle ne prophétisait pas encore, elle prêchait déjà ses amis avec tout le zèle et l’obsession d’une sainte tendresse. […] « Et vous, France première, antique héritage des Gaules, fille de saint Louis et de tant de saints qui attirèrent sur elle des bénédictions éternelles, et pensée (patrie ?)

69. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

De pareilles choses arrivent tous les jours… Les personnes pieuses de Tréguier étaient très fières du pontificat de leur saint patron. […] Le jeudi saint, on y conduisait les enfants pour voir les cloches aller à Rome. […] La veille de la fête, le peuple se réunissait le soir dans l’église, et, à minuit, le saint étendait le bras pour bénir l’assistance prosternée. […] ces pauvres filles prouvent par leurs égarements les saintes lois de la nature et leur inévitable fatalité. […] C’était une sainte.

70. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XI. Des Livres sur la Politique & le Droit Public. » pp. 315-319

Il cite tour à tour Horace, Tertullien, Chrisippe, St. Augustin, Aristote, St. […] Isocrate, Pline, Sophocle, le Digeste, Garcilasso de la Vega, Machiavel, Diodore de Sicile, St.

71. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Presque toujours seule à l’église ou aux champs, elle s’absorbait dans une communication profonde de sa pensée avec les saints dont elle contemplait les images, avec le ciel où on la voyait souvent tenir ses yeux comme cloués. […] Nourrie dans les idées du temps, elle s’était peu à peu accoutumée à entendre ses voix et à les distinguer comme celles des anges de Dieu et des saintes qui lui étaient les plus connues et les plus chères. Ces anges familiers, c’étaient saints Michel et Gabriel ; ces saintes conseillères, c’étaient saintes Catherine et Marguerite. […] Le roi dut forcer la main au pape, et Jeanne, qui avait tant de vertus et de qualités requises pour être canonisée sainte comme on l’entendait en ces âges, ne fut jamais que la Sainte du peuple et de la France, la Sainte de la patrie.

72. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Nous allons tâcher de le suivre, et de suivre à la trace son saint et sublime héros. […] Un jour un visiteur à la Trappe en toucha un mot au saint abbé : « Il me répondit qu’il avoit brûlé tout ce qui lui en restoit d’exemplaires, qu’il n’en avoit gardé qu’un dans sa bibliothèque et qu’il l’avoit donné à M. […] Si l’histoire du saint personnage n’est écrite de main habile et par une tête qui soit au-dessus de toutes vues humaines, autant que le ciel est au-dessus de la terre, tout ira mal. […] Sa pensée principale était que chaque parti chercherait à tirer le saint abbé à soi, et qu’il fallait au contraire l’imiter, en se tenant, comme il avait fait, dans l’éloignement de tous les partis. […] L’illustre biographe qui vient d’aborder l’homme sous le saint l’a bien senti : il a jeté tout d’abord un coup d’œil de connaissance sur cette haine passionnée de la vie, sur cet amour amer de la mort : le côté fixe et glorieux de l’éternité y a un peu faibli.

73. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

Là les persécuteurs, au moment de frapper, tombent sous une atteinte invisible ; les bêtes sauvages deviennent dociles ; les cerfs de la forêt viennent chaque matin s’atteler d’eux-mêmes à la charrue des saints ; la campagne fleurit pour eux comme un nouveau paradis ; ils ne meurent que quand ils veulent. […] Pour la seconde fois, une figure idéale se dégage9 après celle du saint, celle du héros, et le nouveau sentiment, aussi efficace que l’ancien, groupe aussi les hommes en une société stable. […] Spinæ et vepres, ce mot revient sans cesse dans les Vies des saints. […] Du sixième au dixième siècle, il y a vingt-cinq mille Vies de saints rassemblées par les Bollandistes. — Les dernières vraiment inspirées sont celles de saint François d’Assise et de ses compagnons au commencement du quatorzième siècle. Le même sentiment vif se prolonge jusqu’à la fin du quinzième siècle dans les peintures de Beato Angelico et de Hans Memling. — La Sainte Chapelle de Paris, l’église supérieure d’Assise, le paradis de Dante, les Fioretti peuvent donner une idée de ces visions.

74. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

Renée aurait pu ajouter encore à tous ces docteurs et dictateurs de l’histoire : Thierry, qui fait de Grégoire VII un ambitieux à la manière humaine, voulant tout simplement, au prix de flots de sang, la suzeraineté de l’Angleterre ; Michelet, qui en fait un sceptique ; et Quinet, qui déshonore de son respect le saint pontife, après l’avoir transformé en révolutionnaire religieux, en une espèce de Robespierre ! […] Pour lui, ce n’est peut-être qu’un saint homme. Mais, pour nous, c’est un saint, et nous pouvons expliquer surnaturellement, non pas seulement son infaillibilité en matière de dogme, dont il n’est pas question ici, mais cette infaillibilité de vue, de dessein et didée politique qui en fait réellement un grand homme, à part parmi les plus grands ! […] L’Eglise romaine a mis Grégoire au rang des saints ; partout l’idée de sa sainteté prévalut dans le peuple après sa mort. […] Saint ou politique, grand apôtre ou grand ambitieux, il a été tout par l’esprit, et il faut, de toute façon, qu’on le tienne au premier rang des hommes. » V Solennelles et imposantes paroles !

75. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

Tout d’abord, et dès sa jeunesse, M. de Montalembert, qui avait commencé, avec tant de hasard, sa réputation par Sainte Élisabeth de Hongrie, ce vitrail de chapelle, sans couleur et sans naïveté, s’était promis d’écrire plus tard la vie de saint Bernard. […] Ils manquent de variété, parce que ces moines, qui furent des Saints, se ressemblent de la ressemblance absolue de leur perfection. […] Oui, tout de même qu’en mer, en plaine ou sur le sommet d’une montagne, une implacable lumière éblouit et finit par produire au regard une monotonie douloureuse, de même ici cette implacable perfection des saints nous fatigue à contempler dans son invariabilité éternelle. […] Or, pour peu qu’on ait rafraîchi ou brûlé son front aux sublimes choses que le christianisme a fait jaillir de l’âme humaine, en y débordant, pour peu qu’on ait lu la Vie des Saints, les Pères du Désert, la Chronique des monastères, devenue en ces derniers temps de l’histoire sans laquelle il n’y a plus d’histoire d’aucune espèce, dans l’Europe désorientée, l’histoire des Moines d’Occident, de M. de Montalembert, ne paraîtra plus que ce qu’elle est, c’est-à-dire : plusieurs grands et puissants livres, diminués en un seul. […] Ce fut quand il écrivit cette Sainte Élisabeth de Hongrie, sincère à peu près comme les poésies de Clotilde de Surville sont françaises.

76. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Il y avait, au XVIIe siècle, un terrible et savant docteur de la maison de Navarre, Launoi : bon chrétien, mais singulier, mordant, original, paradoxal, il était un ennemi déclaré de la légende, et il faisait la guerre à quantité de saints qu’il estimait suspects. On l’appelait « le dénicheur de saints. » Chaque curé avait peur qu’il ne prît à partie celui de son église, et plus d’un lui tirait fort bas son chapeau, du plus loin qu’il le voyait. […] Comment trouver mauvais qu’un curé ou un fidèle plaide pour son saint ? Qu’est-ce donc si ce saint, aux yeux de la foi et de la conscience, est le saint des saints, si c’est une des personnes de Dieu ? […] Laisse en paix la Trinité, la Vierge et les Saints ; pour la plupart de ceux qui sont attachés à cette doctrine, ce sont les colonnes qui soutiennent tout l’édifice ; il s’écroulera si tu les ébranles.

77. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Dussé-je me juger moi-même et trahir mon faible, ce n’est pas précisément la sainte que je m’étais accoutumé à aimer dans Mme de Krüdner : la sainte, chez elle, je ne voudrais ni la railler ni la serrer de trop près, mais je ne puis non plus la prendre tout à fait au sérieux ; la part d’illusion y est trop manifeste. […] La prophétesse, la sainte dans le lointain ne nuisait pas, mais dans le lointain seulement. […] Eynard croit qu’à une certaine heure Mme de Krüdner s’est soudainement convertie et corrigée ; pour moi, j’aurais encore plus de confiance dans la sainte, s’il ne m’avait appris si bien à connaître la mondaine. […] Elle reçoit ce sacrifice comme une personne qui va recevoir sa communion. » Le mot est vif, il est sanglant, venant d’un ami intime ; mais il marque quelle était alors la disposition mystico-mondaine de la sainte future, ce que j’appelle l’amalgame, et le trait s’accorde bien avec les révélations que nous devons à M.  […] Elle va nous l’avouer elle-même et laisser échapper son orgueil, son ivresse de sainte, sous les semblants de l’humilité : « On ne peut méconnaître, écrivait-elle « d’Aaran (en avril 1816), les grandes voies de miséricorde du Dieu qui veut, avant les grands châtiments, faire avertir son peuple et sauver ce qui peut être sauvé.

78. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Il fut plein de résignation à la volonté de Dieu ; il l’aimait ardemment, ainsi que sa très sainte mère. […] « Votre Éminence doit savoir que depuis longtemps déjà je m’honore d’être l’un de ses plus dévoués serviteurs, et que dans les diverses phases de ma carrière, je me suis toujours fait un devoir de vénérer l’auguste Pontife qui a tant souffert pour la sainte cause. […] « Et d’abord je recommande humblement et chaleureusement mon âme au Seigneur très clément, en le priant, par les mérites de son divin Fils Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui m’a racheté au prix immense de son très précieux sang, par l’intercession de la très sainte Vierge Marie et des Saints, mes patrons, de la conduire en un lieu de salut, et de me pardonner dans sa miséricorde infinie mes très graves péchés. […] Elle fait jouir de tout ce que la religion ascétique défend de rêver, même à ses saints. […] Quand les infirmités de Pie VII, aggravées accidentellement par un accident dans sa chambre qui lui rompit la clavicule, eurent précipité sa mort sainte comme sa vie, il sentit le flot des ambitions ajournées monter rapidement autour de lui dans le sacré collège pour le submerger ; il se retira, pour ne pas le voir, dans une petite et pauvre maison de campagne aux bords de la mer, non loin d’Anzio et de Rome.

79. (1860) Ceci n’est pas un livre « Le maître au lapin » pp. 5-30

J’en veux pour preuve sa Sainte Famille : Par un jour de sabbat, saint Joseph et la Vierge Marie sont allés promener l’enfant Jésus. […] La Sainte Famille ne me semble ici qu’une enseigne : par elle le public est averti que l’artiste veut le frapper d’une impression mystique. […] Étudiez cette Sainte Famille, vous y verrez qu’à l’exemple du peintre flamand, il pousse sa sollicitude des détails jusque sur les plans les plus éloignés, mais, je le répète, sans que le paysage se morcelle et s’éparpille : tout en gardant son individualité, chaque détail vient s’y rattacher à l’ensemble, — l’analyse vient s’y fondre dans la synthèse. […] Mais ici, comme dans la Sainte Famille, mon admiration est surtout pour les trois arbres. […] Si je ne vous parle que de la Sainte Famille et de la Comédie de la Mort, lorsque Rodolphe Bresdin a produit tant d’autres œuvres remarquables, hélas !

80. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Pichot et Mignet justifient suffisamment Charles-Quint de ce reproche de petitesse qui étonne, du reste, venant d’un catholique, comme Balzac, car l’humilité et le détachement du chrétien sont de très grandes choses, et le cardinal saint Bonaventure, lavant ses assiettes, est moralement splendide de beauté. […] Prudent comme les saints, et comme les gens seulement convaincus ne le sont jamais, froid et fin sous la grandesse d’une majestueuse dignité, cet esprit de milieu, également éloigné de tous les fanatismes, nous laisserait l’imagination bien tranquille, s’il ne portait pas jusque dans le fond de son être les brûlantes réverbérations de cette Foi espagnole qui avait chauffé son berceau. La nature lui avait donné une tête puissante et calme, un cerveau de Dieu de la terre… Mais la main de l’Espagne de saint Isidore s’était empreinte sur le crâne baptisé par elle, et cette marque, il ne put jamais l’effacer. […] « Ce qui était vrai, dit-il, c’est que, sans se séparer de l’Église orthodoxe à laquelle il restait soumis, Carranza s’était rapproché de la doctrine des novateurs et s’était servi de leurprocédé de démonstration en introduisant dans ses ouvrages le principe de la justification par la foi dans le sauveur Jésus-Christ et en recourant à l’autorité incontestable des livres saints, au lieu d’employer uniquement l’autorité traditionnelle de l’Église. » Si Charles-Quint entra plus tard en défiance contre Carranza et voulut sévir contre les doctrines nouvelles, ce fut à l’instigation du grand inquisiteur Valdez. […] Quand le cercueil fut déposé sur la montagne, des hommes impossibles à méconnaître — car ils avaient sur leurs livrées le chien qui porte une torche allumée dans sa gueule, — élevèrent tout à coup avec des branches d’arbres le bûcher traditionnel de la Sainte Inquisition, sur lequel ils couchèrent, l’ayant arraché de sa bière et roulé dans une chemise d’amiante, le corps de l’empereur décédé.

81. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

Michelet, dès 1851, avait eu l’idée, très digne de lui, du reste, ce chrétien de la Révolution, de faire la Légende de la Révolution et d’en glorifier les Saints, comme il disait ; car il croyait aux Saints, et il en parlait comme nous. Seulement, les siens n’étaient pas les nôtres… Il transposait la sainteté… L’héroïsme et le dévouement guerrier à la patrie, cette première des vertus naturelles, avait pris à Michelet tout ce qu’il avait d’enthousiaste et de religieux dans l’âme et tout ce qu’il aurait donné à nos Saints s’il les avait connus, et si l’esprit de parti n’avait pas lamentablement diminué en lui l’historien. […] À l’heure de négation universelle qui sonnait dans tous les esprits, un peu de la croyance de ses pères enveloppa peut-être, sans qu’il y pensât, ce cœur qui avait des manières d’aimer sa patrie comme les Saints aiment la leur, qui est le Ciel ! […] Il sait que la plus belle des vertus, parmi les hommes, est la plus obscure, et puisqu’il n’est pas (de philosophie) absolument un athée, il sait que ceux qui vont à la mort pour la Patrie comme les Saints y vont pour Dieu, et qui montent le long des colonnes couronnées par un nom qui n’est pas le leur, Dieu les a vus monter le long de leur bronze et sait leurs noms à tous, et n’a pas besoin de l’Histoire, même écrite par Michelet, pour leur faire justice.

82. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Christophe »

raison, s’ils sont sans foi et s’ils la travestissent ; mais, s’ils sont catholiques comme le prêtre, des laïques, à cette heure du monde, auront, à coup sûr, plus d’autorité en racontant la merveilleuse histoire de l’Église que le prêtre, à qui l’opinion, malheureusement hostile aux prêtres, criera de toutes ses gorges : « Vous parlez pour vos Saints et pour vos chapelles !  […] Assurément les prêtres ont le devoir et le droit d’écrire les annales de l’Église et la vie de leurs Saints, et le cardinal Pitra nous a montré comme ils s’y prennent quand ils se mêlent de les écrire ; mais de Maistre et de Bonald étaient des laïques, et quel prêtre de ce temps a plus mérité de l’Église que ces cardinaux… oubliés ? […] Le xve  siècle, malgré le mérite de plusieurs de ses pontifes, a été infidèle à cette belle loi qu’on pourrait appeler la loi même de la papauté : Quand un pape n’est pas un saint et un grand homme tout à la fois, il est l’un ou l’autre, et c’est avec ses saints que la papauté fait l’intérim de ses grands hommes. […] « Ce fut encore le clergé français, — dit très bien Rohrbacher, qui ne bronche pas, lui, quand il s’agit de marcher sur le corps des mauvaises doctrines et qui ne bégaie pas quand il faut être net, — ce fut encore le clergé de cette France à laquelle on fait honneur en l’appelant chrétienne, qui y ajouta un troisième schisme, celui du conciliabule de Pise, et dans ces deux siècles (le xive et le xve ) ne produisit ni un saint, ni un docteur d’une doctrine entièrement approuvée par l’Église.

83. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Théâtre français. » pp. 30-34

On appela d’abord Moralités les premières comédies saintes qui furent jouées en France dans le quinzième et le seizième siècles. […] De Marie, mon épouse sainte, Que j’ai ainsi trouvée enceinte ; Ne sçay s’il y a faute ou non. […] Dès qu’il est arrivé, il se confesse au saint père, qui lui fait un beau sermon pour lui faire sentir toute l’énormité de son crime ; et voyant la sincérité de son repentir, il lui donne l’absolution.

84. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Grâce à lui, on peut suivre le roi saint Louis dans son intérieur, dans ses habitudes de conversation et de propos, aussi bien que dans ses exploits et dans ses guerres. Si la figure de ce saint roi est devenue aussi reconnaissable et presque aussi populaire que celle de Henri IV, c’est à Joinville qu’on le doit. […] Il était bien plus jeune que saint Louis, de dix ans environ, et dans tout ce voyage il fut traité par lui comme un jeune homme bien né et d’espérance, aux mœurs duquel le saint roi s’intéressait. […] Est-il besoin de faire remarquer comme ces races ferventes comptaient tous les jours de l’année par rapport à Dieu, à ses fêtes et à ses saints ? […] Ce n’est pas moi qui suis roi de France ni qui suis la sainte Église ; je ne suis qu’un seul homme dont la vie passera comme celle d’un autre homme quand il plaira à Dieu.

85. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Après sa prière, il s’est mis à lire du saint Basile ; ce mot de saint est de moi : car, en sa qualité de protestant, Casaubon s’interdit ces mots de sanctus, de divus, ce qui ne l’empêche pas de se nourrir avec délices de ces écrits des Pères. […] Aujourd’hui ma très chère épouse est accouchée sur les cinq heures et a augmenté ma famille d’une petite fille : puisse-t-elle grandir et vivre un jour de telle sorte, ô mon Dieu, qu’elle règle toutes ses actions, ses paroles et ses pensées d’après les préceptes de ta sainte parole ! […] Irai-je donc siéger parmi ceux qui se préparent à condamner un livre où la pieuse et sainte doctrine est renfermée ? […] Et sur ce seul sujet du saint mystère de l’Eucharistie, les choses en sont venues à ce point que les pieux et les sincères ont peine à fixer leur sentiment. […] Je vois les uns, sous prétexte d’antiquité, soutenir des erreurs grossières ; les autres, en voulant fuir des erreurs qu’ils croient nouvelles, inventer eux-mêmes des nouveautés ; et, pour retrancher des abus, je les vois condamner et supprimer de leur autorité privée l’usage de beaucoup d’institutions des plus saintes, je le pense du moins.

86. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

A celui qui ajournait la religion, l’auteur de ces lettres avait à faire sentir et à démontrer que la science est sans vie, l’industrie sans réhabilitation, les beaux-arts sans rôle social, si un lien sacré d’amour ne les enserre pour les féconder ; il avait à révéler l’influence puissante, bien qu’incomplète, du dogme chrétien et de la théologie sur la politique d’alors et sur les progrès de la société ; il avait à prouver qu’aujourd’hui que cette théologie est reconnue arriérée, s’abstenir d’y substituer celle qui seule comprend l’humanité, la nature et Dieu ; rejeter ce travail glorieux et saint à un temps plus ou moins éloigné sous prétexte que le siècle n’est pas mûr ; s’obstiner à demeurer philosophe, quand l’ère religieuse est déjà pressentie, se rapetisser orgueilleusement dans le rôle de disciples d’un Socrate nouveau, quand la mission d’apôtres devrait soulever déjà tous nos désirs ; — que faire ainsi, c’était se barrer du premier pas la carrière, se poser une borne au seuil de l’avenir, s’ôter toute vaste chance de progrès et être véritablement impie. […] Il a mérité que le caractère d’individualisme, si fortement prononcé dans notre âge égoïste et littéraire, s’effaçât ici, en quelque sorte, sous la sanction sacerdotale, sous l’adoption solennelle qui fait de ces lettres, non pas un opuscule philosophique, non pas un legs posthume d’un jeune homme de belle espérance, mais une pierre désormais indestructible du temple qui s’élève, une parole mémorable de l’Évangile toujours vivant, un chapitre de plus destiné à illustrer la troisième période des saintes Écritures. […] Eugène est saint à nos yeux par le zèle avec lequel il franchit un des premiers les bornes de la famille individuelle. […] Le christianisme, au contraire, doué d’une sainte ardeur d’expansion et de fraternité universelle, perdit certainement en cohésion, s’il gagna beaucoup en étendue ; dans son avidité de pêche miraculeuse, il dédoubla ses filets pour que, plus déliés et plus extensibles, ils prissent le côté immatériel de chaque vie et parvinssent à envelopper plus d’âmes.

87. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Cette petite part n’est pas même un droit, selon l’expression de La Fayette, le philosophe de l’émeute : L’insurrection est le plus saint des devoirs. […] Le premier de ces instincts, d’abord physique, lui commande de se rapprocher de sa mère sous peine de mort ; il crée la famille, cette sainte unité de l’ordre social. […] Devoir de cette trinité humaine : le père, la mère, les enfants, de se grouper dans une unité défensive de tendresse et de mutualité sainte qu’on appelle famille, première patrie des cœurs qui impose le premier patriotisme du sang, et qui sanctifie la source de l’âme comme la source de la population. […] La société politique ne peut pas, sans s’avilir, se borner à aider l’homme à vivre dans son corps : elle doit l’aider surtout à perfectionner son âme, à renaître plus parfait par une vie plus sainte, à vivre de devoirs et à revivre éternellement de félicité. […] L’abbé Pernetti, l’historien des célébrités de Lyon, raconte que le peuple de cette ville l’appelait la Sainte.

88. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

que c’est bien commencer son livre, Monsieur, que de le commencer par ce qu’il y a de plus doux, de plus saint dans l’espèce humaine : la religion ! […] Il faut donc que les hommes bien intentionnés, comme l’auteur de ce livre, touchent avec une extrême prudence et un extrême respect à ces vases divins qui contiennent l’âme du peuple, même quand ils aspirent évidemment, comme lui, à verser le plus de raison possible dans les institutions religieuses et dans ces saintes croyances des nations. […] On croit voir des portraits de famille dans certaines figures du tableau, telles, par exemple, que la transparente sœur madame Baptistine et la vieille madame Magloire, sœur volontaire aussi plutôt que servante de la maison épiscopale ; on croit deviner que le poète, comme le peintre Rubens, mettant partout sa femme ou sa sœur dans ses tableaux, s’est souvenu de son heureuse enfance de la rue du Colombier, et a retracé le profil de sa mère ou la face réjouie de quelque bonne tante auxiliaire de sa mère, dans les figures de ces deux saintes femmes de l’Évangile, domestiques du saint évêque de Digne. […] Que voulez-vous dire à un pareil saint ? […] Si l’évêque est un brave homme non croyant dans la divinité de son Maître, pourquoi, en conservant ses vertus, n’abandonne-t-il pas l’autel où il adore le Christ comme Dieu, quand il le vénère seulement comme le saint crucifié du monde ?

89. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LX » pp. 231-236

. — prétendue découverte du cœur de saint louis. — polémique entre m. letronne et m. le prevost. […] Letronne, qui aime à les faire négatives ou dubitatives à l’égard surtout des choses réputées saintes : elle souleva de nombreuses réclamations. […] Quand on en vient là, toute discussion est superflue ; et, en vérité, du moment qu’il croyait nécessaire d’implorer le Deus ex machina, contre la règle de l’art, Nec Deus intersit, il aurait mieux fait de couper court tout de suite aux difficultés historiques, en admettant que le cœur de saint Louis, s’envolant miraculeusement de Monréale à Paris, à travers les airs, était venu s’enterrer lui-même dans la Sainte-Chapelle, à l’insu de tout le monde, gardant un incognito que personne ne pouvait violer. — On voit qu’avec un peu d’aide, quelque chose d’analogue à la Sainte Ampoule pouvait nous être rendu ; et, à l’heure qu’il est, il y a des gens qui ne me pardonnent pas d’y avoir mis obstacle. » On a là un échantillon de la manière piquante et incisive de M.

90. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Les plus beaux livres sont les plus saints, et les plus saints sont les plus beaux. […] Nous sommes bien éloigné de nier la tendance organique et sainte du progrès en toute chose, cette force centrifuge de l’esprit humain. […] On y respire je ne sais quel souffle à la fois saint, tendre et triste, qui semble avoir traversé plus récemment un Éden refermé sur l’homme. […] Je me souviens toujours du saint vertige qui me saisit la première fois que des fragments de cette poésie sanscrite tombèrent sous mes yeux. […] Je suis le seul saint digne d’être connu.

91. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Mais où est donc la galerie des saints, la galerie des philosophes, la galerie des poètes, la galerie des savants, la galerie des penseurs ? […] Il répugne de passer sa vie comme la brute, de naître, de contracter mariage, de mourir sans que quelque cérémonie religieuse vienne consacrer ces actes saints. […] Une sainte Vierge chez un homme réfléchi et chez un paysan, quelle différence ! […] Les cheveux ont repoussé sur ma tête ; mais toujours je fais partie de la sainte milice des déshérités de la terre. […] Le temps des petits hommes et des petites choses est passé ; le temps des saints est venu.

92. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Le cabinet de Madrid n’en agit pas moins avec cette persévérance dont les livres saints ont fait un attribut du démon. […] On n’a rien à faire pardonner à la sainte Église, et les pontifes qui la gouvernent doivent avoir pour ennemis tous ses ennemis. […] C’est que, par le fait, ils n’étaient plus des créatures humaines ; ils étaient des saints. […] et ad contemnit, disent les saints livres. […] Ce sont des Jésuites, les saints de l’obéissance.

93. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

La mère Agnès, si respectée qu’elle fût, n’était que la seconde de la mère Angélique, et ne la remplaça jamais tout à fait aux yeux des sœurs ; on ne faisait pas collection à l’avance de tout ce qui sortait de ses lèvres ou de sa plume ; on ne lui préparait pas son dossier de sainte de son vivant. […] On conçoit que la mère Agnès eût très bien pu se passer de M. de Saint-Cyran, et qu’elle eût été une Philothée parfaite, une fille accomplie du saint évêque de Genève ; elle aurait pu remplir toute sa vocation et ne recevoir sa règle de conduite que du directeur et du père de Mme de Chantal. […] Vous direz que je blasphème contre ce vénérable sacrement auquel vous êtes si dévot ; mais ne vous mettez pas en peine de ma conscience, qui sait bien séparer le saint d’avec le profane, le précieux de l’abject, et qui enfin vous pardonne avec saint Paul ; et contentez-vous de cela, s’il vous plaît, sans me demander des approbations et des louanges. […] Mlle Pascal avait un certain talent, ou du moins une grande facilité pour les vers : la mère Agnès, plus rigide qu’à elle n’appartient, lui écrit : « Vous devez haïr ce génie, et les autres qui sont peut-être cause que le monde vous retient ; car il veut recueillir ce qu’il a semé » ; et elle lui cite en exemple sainte Lutgarde, « qui refusa le don que Dieu lui avait fait d’entendre le psautier ». […] Il gardait d’abord des habitudes de luxe, de l’argenterie, un carrosse ; il se dépouilla peu à peu et s’accoutuma à tout mettre au service du monastère pour lequel il s’était pris d’un saint enthousiasme.

94. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

Ne sont-elles pas fortes et ardentes comme certaines assertions de saints ? […] Grâce à leurs saintes révélations, tour à tour la belle lune et les étoiles dansantes, la substance des prairies et les bonds de la mer, la pluie sur les feuilles rauques et le concave azur, la tempête ébranlant la nue horrible et noire, les grandes aubes, les feux balancés, la terre pivotant sur les pôles, les brumes, les molles saisons, l’aurore, l’air, la lumière, tout nous apparaît dans un état pur, comme si Dieu pénétrait encore les formes du monde. […] Les églogues qui chantent la nature ne peuvent-elles pas être prises pour de saintes effusions ? Existe-t-il une différence entre une strophe de certains poètes et un cantique de certains saints ? […] D’ailleurs, avant d’être des livres saints, la Genèse, les Rois, les Cantiques étaient des poèmes véhéments, graves et privés.

95. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

C’est ainsi qu’il a créé, au milieu de toutes les contradictions de l’être humain, la plus divine des harmonies, et qu’en nous donnant des saints comme François de Sales, Barthélemy des Martyrs, sainte Thérèse, sainte Brigitte, sainte Catherine de Sienne, François-Xavier, Louis de Gonzague, Stanislas Kotska, Philippe de Néri, Jean de Dieu, Angèle de Brescia et tant d’autres, il a réalisé, pendant un moment sur la terre, une vraie transposition du ciel ! […] aurait été un saint, s’il avait eu l’obéissance, M. 

96. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Les plus habiles n’en doivent juger qu’avec réserve, et quant aux ignorants, on ne leur demande que de ne pas mépriser les pensées des grands hommes et des saints. […] Dans Bourdaloue, ce n’est qu’un peu de scandale généreux qu’autorisait la sainte liberté de la chaire. […] Bourdaloue ne connaît des saints que leurs pensées ; les personnes ne lui apparaissent que sous les voiles mystiques et les traits uniformes des bienheureux. […] Le sermon sur le Petit nombre des élus, son chef-d’œuvre, découragerait même les saints. […] Il eût fallu un saint pour douter de la sienne, et Vauvenargues n’est qu’un héros.

97. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Dans le Panégyrique de saint Gorgon, le sujet évidemment lui fait faute ; on ne sait guère autre chose de ce martyr que son supplice, et l’orateur s’y voit forcé de se rejeter sur l’affreux détail des tortures physiques qu’eut à subir celui qu’il doit célébrer : « Le tyran fait coucher le saint martyr sur un gril de fer, déjà tout rouge par la véhémence de la chaleur, qui aussitôt rétrécit ses nerfs dépouillés… Quel horrible spectacle !  […] On a deux discours de Bossuet sur le même sujet, ou du moins un discours entier et le précis ou canevas d’un autre qu’il prononça également : c’était un tribut payé à une paroisse de la ville qui était sous l’invocation du saint. […] Par exemple, on ouvre les volumes, et on trouve tout d’abord, l’un après l’autre, quatre sermons ou projets de sermons sur la Fête de tous les saints. […] Voulant donner idée de la félicité et de la gloire des saints en l’autre vie, voulant développer les desseins de Dieu dans l’accomplissement de ses élus et comment il les prend, les manie, les prépare et n’arrive que tout à la fin à leur donner le coup de maître, l’orateur, qui cherche à se rendre compte à lui-même, établit une dissertation élevée autant et plus qu’il ne prêche un sermon ; il dut peu agir cette fois sur les esprits de son auditoire et en être médiocrement suivi. […] Ainsi, prêchant devant la reine mère en 1658 ou 1659 le Panégyrique de sainte Thérèse, Bossuet, excité peut-être par les recherches de style de la sainte espagnole, et développant à plaisir un passage de Tertullien qui dit que Jésus, avant de mourir, voulut se rassasier par la volupté de la patience, ne craindra pas d’ajouter : Ne diriez-vous pas, chrétiens, que, selon le sentiment de ce Père, toute la vie du Sauveur était un festin dont tous les mets étaient des tourments ?

98. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

De pèlerins, dit-on, une troupe grossière, En public, à Paris, y monta la première, Et sottement zélée en sa simplicité, Joua les Saints, la Vierge et Dieu par piété. […] Enfin, outre cette apparition aux saintes femmes et aux disciples, il y en avait une tout exprès pour saint Thomas l’incrédule, et qui se passait également sous les yeux des fidèles. C’étaient de véritables mystères de Pâques, des commencements et des velléités de pièces saintes. […] Comme cela les accoutumait à ne jamais séparer en idée le beau et le tendre du saint ! […] On les jouait dehors et devant, sur la place du parvis, aussi près que possible du saint lieu, mais non plus dedans ; — et voilà enfin le théâtre.

99. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Parrocel »

Parrocel La Sainte Trinité. Que diable faire de la sainte Trinité, à moins qu’on ne soit un Raphael ?

100. (1761) Salon de 1761 « Peinture — M. Pierre » pp. 122-126

Le Carrache a placé sur le fond une Ste Anne qui s’élance vers sa fille, en poussant les cris les plus aigus, avec un visage où les traces de la longue douleur se confondent avec celles du désespoir ; vous avez mis sur le fond du vôtre un homme qui fait à peu près le même effet. Avec cette différence, que votre Christ, comme je vous l’ai déjà dit a l’air d’un noyé ou d’un supplicié, et que celui du Carrache est plein de noblesse ; que votre Vierge est froide et contournée en comparaison de celle du Carrache ; voyez l’action de cette main immobile posée sur la poitrine de son fils ; ce visage tiré ; cet air de pâmoison ; cette bouche entrouverte ; ces yeux fermés ; et cette Ste Anne, qu’en dites vous [?] […] Le corps du saint est à terre ; l’exécuteur tient le couteau avec lequel il a séparé la tête ; il montre cette tête séparée à Herodiade.

101. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Beaucoup d’autres saints personnages travaillaient au même but ; mais la façon dont Olier s’y prit fut tout à fait originale. […] C’était un saint, c’était à peine un prêtre, ce n’était pas du tout un sulpicien. […] Quant aux écrits d’une mysticité lus raffinée, tels que sainte Thérèse, Marie d’Agreda, Ignace de Loyola, M.  […] Les Vies de saints écrites d’une façon trop exaltée lui déplaisaient également. […] Lui seul fut clairvoyant, car c’était tout à fait un saint.

102. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » p. 356

L'Ecriture sainte & les Peres s'y trouvent perpétuellement fondus sans aucune citation, de maniere qu'il faut être très-versé dans la lecture des Livres saints & des Ouvrages des Peres, pour distinguer ce qui appartient à M. l'Abbé Torné.

103. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

L’étude des belles lettres, qui l’occupait d’abord et où il excellait, se subordonna d’elle-même dans sa pensée dès qu’il eut jeté les yeux sur la Bible, ce qui lui arriva dans son année de seconde ou de rhétorique : ce moment où il rencontra et lut pour la première fois une Bible latine, et l’impression de joie et de lumière qu’il en ressentit, lui restèrent toujours présents, et il en parlait encore dans ses derniers jours ; il en fut comme révélé à lui-même ; il devint l’enfant et bientôt l’homme de l’Écriture et de la parole sainte. […] Mais Bossuet, qui n’était pas seulement le docteur, mais l’orateur, ne séparait pas de son Augustin son saint Chrysostome ; il y apprenait les interprétations de la sainte Écriture les plus propres à la chaire, et s’y familiarisait avec ces tours nobles et pleins, avec ces tons incomparables d’insinuation « qui lui faisaient dire que ce Père était le plus grand prédicateur de l’Église. » — Il louait aussi Origène, nous dit l’abbé Le Dieu, ses heureuses réflexions et sa tendresse dans l’expression, dont il rapportait souvent cet exemple : « Qu’heureuses furent les tourterelles, dit Origène, d’avoir été offertes (par la Vierge au jour de la purification) pour notre Seigneur et sauveur ! […] lui disaient mesdames de Luynes, ces deux nobles et saintes religieuses de Jouarre, après l’avoir entendu ; vous nous tournez comme il vous plaît, et nous ne pouvons résister au charme de vos paroles. » Je ne m’explique tout à fait bien que depuis que j’ai lu l’abbé Le Dieu, la célèbre phrase qui termine l’oraison funèbre du prince de Condé, et dans laquelle, avant d’avoir atteint soixante ans, Bossuet semble renoncer pour jamais aux pompes de l’éloquence. […] Il s’était engagé à prêcher à Meaux toutes les fois qu’il officierait pontificalement, « et jamais, dit Le Dieu, aucune affaire, quelque pressée qu’elle fût, ne l’empêcha de venir célébrer les grandes fêtes avec son peuple et lui annoncer la sainte parole. » Dans ces circonstances, « on voyait un père, et non pas un prélat, parler à ses enfants, et des enfants se rendre dociles et obéissants à la voix du père commun ». […] Comme les saints Pères, il accommodait ses instructions ou ses répréhensions à des besoins présents ; c’est pourquoi le long d’un Avent ou d’un carême il ne pouvait se préparer que dans l’intervalle d’un sermon à l’autre.

104. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

Elle s’entend à sculpter ses Saints dans l’intérêt de sa chapelle. […] Cette païenne qui a toujours répugné au mariage parce qu’elle n’a jamais senti en elle que l’amour des courtisanes lettrées de la Grèce, cette femme qui pressentait, dès le xiie  siècle, les libertés saint-simoniennes de notre temps, écrit dans ses lettres cette déclaration de principes : « Quoique le nom de femme soit jugé plus fort et plus saint, — (quel préjugé !) — un autre aurait été plus doux pour mon cœur, celui de votre CONCUBINE et de votre fille de joie, espérant que bornée à ce rôle j’entraverais moins vos glorieuses destinées. » On a vu dans ce dernier mot une abnégation à la sainte Thérèse, quelque chose qui, déplacé de l’ordre divin dans le désordre humain, rappelait le cri sublime de la religieuse espagnole : « Quand vous me damneriez, Seigneur, je vous aimerais encore, même en enfer !  […] Pouvait-elle être la sainte Thérèse d’une passion humaine et coupable, la femme qui, à vingt lignes de là, écrit les phrases suivantes, où s’étalent avec naïveté les pauvretés d’une âme chétive : « Quelle femme, quelle reine et quelle princesse n’ont pas envié mes joies et mon lit ?

105. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

Elle s’entend à sculpter ses Saints dans l’intérêt de sa chapelle. […] Cette païenne qui a toujours répugné au mariage parce qu’elle n’a jamais senti en elle que l’amour des courtisanes lettrées de la Grèce, cette femme qui pressentait, dès le douzième siècle, les libertés saint-simoniennes de notre temps, écrit dans ses lettres cette déclaration de principes : « Quoique le nom de femme soit jugé plus fort et plus saint (quel préjugé !) un autre aurait été plus doux pour mon cœur, celui de votre CONCUBINE et de votre fille de joie, espérant que bornée à ce rôle, j’entraverais moins vos glorieuses destinées. » On a vu dans ce dernier mot une abnégation à la sainte Térèse, quelque chose qui, déplacé de l’ordre divin dans le désordre humain, rappelait le cri sublime de la religieuse espagnole : « Quand vous me damneriez, Seigneur, je vous aimerais encore, même en enfer !  […] Pouvait-elle être la sainte Térèse d’une passion humaine et coupable, la femme qui, à vingt lignes de là, écrit les phrases suivantes, où s’étalent avec naïveté les pauvretés d’une âme chétive : « Quelle femme, quelle reine et quelle princesse n’ont pas envié mes joies et mon lit ?

106. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jhouney, Alber (1860-1926) »

. — L’Étoile sainte (1890). — L’Ame de la foi (1890). — Ésotérisme et socialisme (1898). […] Il a appris l’art des saintes colères est le secret de ne point rire, même de soi.

107. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre X. Suite du Prêtre. — La Sibylle. — Joad. — Parallèle de Virgile et de Racine. »

Ils ne s’assurent point en leurs propres mérites, Mais en ton nom, sur eux invoqué tant de fois, En tes serments jurés au plus saint de leurs rois, En ce temple où tu fais ta demeure sacrée, Et qui doit du soleil égaler la durée. Mais d’où vient que mon cœur frémit d’un saint effroi ? […] Quel est dans le lieu saint ce pontife égorgé ?

108. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 17, quand ont fini les représentations somptueuses des anciens. De l’excellence de leurs chants » pp. 296-308

D’ailleurs, ce fut l’évêque qui fit cesser le desordre. " il n’y a pas encore long-temps, c’est la traduction du latin, que les danseurs osoient venir exercer leur art dans ce lieu si respectable, et jusques sur le tombeau de notre saint martyr. […] L’office ambrosien qui se chante encore dans plusieurs églises est composé ou reglé par ce saint, mort cent cinquante ans avant le sac de Rome par Totila. […] Ces saints ne créerent pas une nouvelle musique pour composer ceux des chants de leur office qu’ils firent lorsqu’ils reglerent ces offices : car il paroît par la maniere dont s’expliquent les auteurs contemporains qu’ils admirent dans les églises plusieurs chants dont on se servoit déja.

109. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre viii »

On peut admirer certes le catholicisme de François d’Assise et celui de sainte Thérèse, et en même temps trouver que, dans l’ensemble, la plus belle et la plus saine tradition du catholicisme est en France.‌ […] Et nous trouvons dans Polyeucte, dans le chef-d’œuvre du grand poète qui méritait d’être un saint aussi bien que d’être un prince, les accents qui nous ébranlent le plus profondément.‌ […] Nous avons le droit de parler de saints français et de tradition catholique française, car la grâce ne détruit pas la nature, mais simplement la perfectionne en gardant ce qu’il y avait de bon dans l’individualité.

110. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

Et parce que l’humilité même se trouve exposée en certains genres de vie dont toute la perfection, quoique sainte d’ailleurs, a un air de distinction et de singularité, la vraie austérité du christianisme, surtout pour les âmes vaines, est souvent de se tenir dans la voie commune, et d’y faire, sans être remarqué, tout le bien qu’on ferait dans une autre route avec plus d’éclat. […] On a trouvé le moyen de consacrer la médisance, de la changer en vertu, et même dans une des plus saintes vertus, qui est le zèle de la gloire de Dieu… Il faut humilier ces gens-là, dit-on, et il est du bien de l’Église de flétrir leur réputation et de diminuer leur crédit. […] Dans le sermon Sur la prière, c’est le mysticisme de Fénelon qui est signalé avec ses périls, et il ne tient qu’à nous de reconnaître l’auteur des Maximes des saints confondu avec ceux qui, sous prétexte d’être des âmes angéliques et choisies, s’estiment assez habiles pour réduire en art et en méthode ces mystères d’oraison, pour en donner des préceptes, pour en composer des traités, pour en discourir éternellement avec les âmes. […] s’écriait-il, tandis que vous me confierez le ministère de votre sainte parole, je prêcherai ces deux vérités sans les séparer jamais : la première, que vous êtes un Dieu terrible dans vos jugements, et la seconde, que vous êtes le père des miséricordes et le Dieu de toute consolation. […] Je souhaite de me retirer et de mener désormais une vie plus tranquille ; je dis plus tranquille, afin qu’elle soit plus régulière, plus sainte.

111. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

Il était si incurable qu’en 1698, quatre ans après sa mystification d’Académie, il se fit adresser et dédier par le président Cousin L’Histoire de plusieurs saints des maisons des comtes de Tonnerre et de Clermont. […] Tout ce qu’il y a de plus grand dans les saints qu’elle célèbre vous appartient… Vous êtes encore plus riche de votre fonds que des titres que vous ont laissés vos ancêtres. L’éclat d’une maison qui a donné par ses alliances augustes tant de princes à la France, tant de saints à l’Église, tant de souverains à de grands pays, semble encore au-dessous de la gloire d’avoir acquis un si rare mérite par votre propre application. […] Il est profond dans la science des saints Pères. […] Il n’est pas sacerdotal par rapport à lui, car il n’a pas dit un seul mot de l’Écriture sainte, des Pères de l’Église, ni des Conciles œcuméniques, et ce sont les seules paroles qui doivent sortir de la bouche d’un prêtre.

112. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

je n’ai, dans un intérêt de parti, offusqué ta lumière ou étouffé ta sainte flamme ; mais je bénissais les armes triomphales de la France délivrée, et je baissais la tête et je pleurais au nom de la Grande-Bretagne. […] reparaît dans ces vers pour le jour des Saints Innocents : « Oh ! […] le bourgeon naissant est cueilli par le martyre ; la fleur s’épanouira dans les cieux. » C’est ainsi que presque tous les pieux souvenirs du christianisme, les mystères de la foi, les fêtes du culte, les noms des saints consacrés, furent célébrés par l’évoque-poëte. […] « Une troupe glorieuse, ce petit nombre d’élus sur lesquels est descendu l’esprit de Dieu, douze saints courageux, sûrs de leur espérance et bravant la croix et le bûcher. […] Voilà les honneurs rendus à ce noble et gracieux génie, qui, dans la foi romaine, aurait mérité d’être un saint, et qui a laissé, chez les dominateurs de l’Inde, la renommée d’un sage et d’un poëte.

113. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XI » pp. 39-46

Mais pourtant, il y a bien autre chose que la poésie des recueils dans Lucrèce, il y a de l’intérêt dramatique, de la suite, de l’unité, et, comme dit Ballanche, la sainte religion de la matrone romaine et l’inviolabilité du foyer domestique : n’est-ce donc là rien, n’est-ce pas nouveau ? […] La reine en cour, qui est une sainte, appuie le clergé et déplore ces discussions. […] Tout ce qu’il y a de jeune dans le catholicisme en France, tout ce qui est arrivé là par l’imagination, par les idées absolues, par les systèmes, par la tête plutôt que par le cœur, par la mode, les disciples des cathédrales et de l’art chrétien, les convertis du Saint-Simonisme enclins à la théocratie, les hommes venus là au sortir du jacobinisme révolutionnaire ou même sans en sortir (et il y a un noyau dont le type est Buchez), tout cela forme une milice ardente, violente, ou même légère, qui parade dans les églises aux Semaines Saintes, qui guerroie dans les journaux, et qui essaye le tapage aux cours.

114. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Ernest Hello »

Nous avons rendu compte, lorsqu’il les publia, de ces deux livres, d’une beauté rare et profonde, intitulés : l’Homme et Physionomies de saints 15, restés obscurs tous deux, malgré leur beauté et notre effort, et qui devaient naturellement et fatalement le rester dans un temps comme le nôtre, où l’on n’a plus souci que des choses matérielles et basses, et même des plus basses, en littérature… Quand M.  […] … Et cependant ce spiritualiste, ce religieux et ce mystique, qui a commencé l’éducation de sa pensée et le développement de son âme en nous traduisant Ruysbrœck et les Visions de sainte Angèle de Foligno, ne se résigne pas tranquillement à cette destinée d’obscurité. […] C’est enfin, toujours et partout, et essentiellement, le mystique chrétien du livre de l’Homme, des Physionomies de saints, de la Parole de Dieu, qui vit ici sous le conteur et qui dramatise sa pensée immuablement mystique. […] Cette forme du conte, plus dure à manier dans sa brièveté que celle du roman dans sa longueur, cette forme concentrée, dans laquelle il faut se ramasser sans rien perdre de sa sveltesse, pouvait, par le seul fait de sa concentration, éclater sous sa main et le frapper dans sa prétention de conteur, qu’il n’en serait pas moins pour cela resté lui-même, avec sa valeur d’idées prouvée par les livres que j’ai énumérés : l’Homme, — Physionomies de saints, — la Parole de Dieu, ce dernier livre de Hello, qui échappe à la compétence de la critique profane, mais que des prêtres n’ont pas craint de lire dans leurs chaires, comme si c’était là de la littérature sacrée !

115. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Les Grecs célèbrent le 29 d’octobre la fête de sainte Marie la Recluse. […] Et le saint lui passa autour du cou une des cordes qu’il venait de tresser. […] Ses orgies sont les saintes orgies de la nature. […] Mais le bon saint n’est point sans rancune, et il venge les offenses faites à son nom. […] Enfant, le mariage est une sainte chose.

116. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Admirez cette terre sacrée, théâtre où les saints solitaires se livrent constamment aux exercices pieux de la dévotion la plus austère. […] Que la déesse Sarasouati soit constamment honorée par les saints brahmanes ; et qu’en mon particulier, le souverain être existant par lui-même, le tout-puissant Siva, satisfait de mon zèle à le servir, me délivre à jamais des liens d’une seconde naissance ! […] L’une d’elles apporte son tribut de fleurs au saint supérieur du monastère. […] Ô Terre, déesse toute-puissante, et toi, brillant Soleil, dieu de ma race, sages et saints, qui deviez la protéger, cruels, pourquoi avez-vous abandonné Sita à son destin ? […] Leur regard intrépide est celui du lion courroucé, et leur voix est forte comme le son cadencé du tambour qui appelle au saint sacrifice.

117. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

Ovide & St. Augustin, Homère & St[…] La plûpart de ses Panégyriques serviront de modèles aux Prédicateurs, qui voudront unir l’instruction de l’auditeur à l’éloge du Saint. […] Ils ne sont point exempts de censure, soit pour l’application forcée des passages de la Ste. […] Le mauvais goût qui y regna long-tems, faisoit souvent intervenir Homêre dans le procès pour un bénéfice ; & St.

118. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Trébutien a fait en ceci comme ces moines et ces clercs du Moyen-Age dont il porte volontiers lui-même l’habit austère, de ce Moyen-Age qu’il sait dans sa lettre comme dans son esprit et dont il a été l’un des premiers propagateurs et des rénovateurs parmi nous : loin de la foule, loin des bruits modernes, il s’est voué dans sa cellule de bibliothécaire à une sainte amitié pour les deux auteurs de sa prédilection et de son culte, Maurice et Eugénie ! mais Eugénie surtout l’a séduit, l’a enlevé, pauvre savant solitaire, comme ces nobles figures idéales, ces apparitions de vierges et de saintes qui se révélaient dans une vision manifeste à leurs fervents serviteurs ; il l’a aimée, il l’a adorée, il a poursuivi avec une passion obstinée et persévérante les moindres vestiges, les moindres reliques qu’elle avait laissées d’elle : il les a arrachées aux jaloux, aux indifférents, aux timides ; il a copié et recopié de sa main religieusement, comme si c’étaient d’antiques manuscrits, ces pages rapides, décousues, envolées au hasard, parfois illisibles, et qui n’étaient pas faites pour l’impression, il les a rendues nettes et claires pour tous : le jour l’a souvent surpris près de sa lampe, appliqué qu’il était à cette tâche de dévouement et de tendresse pour une personne qu’il n’a jamais vue ; et si l’on oublie aujourd’hui son nom, si quand on couronne publiquement sa sainte44, il n’est pas même remercié ni mentionné, il ne s’en étonne pas, il ne s’en plaint pas, car il est de ceux qui croient à l’invisible, et il sait que les meilleurs de cet âge de foi dont il a pénétré les grandeurs mystiques et les ravissements n’ont pas légué leur nom et ont enterré leur peine : heureux d’espérer habiter un jour dans la gloire immense et d’être un des innombrables yeux de cet aigle mystique dont Dante a parlé ! […] C’est bonheur vraiment que de prier dans ces grandes maisons de Dieu, où il semble que la dévotion s’agrandit. » Elle a hérité je ne sais quoi du Moyen-Age et de ses saintes avec leur passion pour la prière, pour la bienheureuse solitude, pour la fuite du monde et la vie cachée. […] tandis que tout le monde pleure, deux enfants couvrent de fleurs ce tombeau céleste, et, après un peu de temps, comme celui que nous passerons dans la tombe, le drap se replie peu à peu et laisse voir la radieuse sainte qui se lève au chant du Te Deum et, conduite par la mère supérieure, va donner un baiser à chacune des sœurs. […] Que vous fussiez une sainte. » Elle choisit toujours de préférence pour confidente de ses chastes et ardents désirs cette Louise de Bayne qu’a aimée son frère, qui n’a plus seize ans, qui en a vingt déjà et plus, mais qui n’a pas changé et dont elle nous trace ce ravissant portrait en deux lignes : « C’est même air de jeunesse, même gaieté, même œil de feu.

119. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Déjà cette merveille apparaît à la surface de leur être, dans leurs, propos, dans leurs actes, Ô sainte préfiguration !‌ […] Chez ce petit saint calviniste, le rêve prend une forme tout à fait singulière, mais où fermente l’ardeur commune à tous ces jeunes soldats de créer une France plus belle.‌ […] Les jeunes soldats tombés pour la France travailleront encore à l’œuvre sainte de la patrie.‌ […] Ensuite, l’expérience de la communion des saints. […] Il repose dans la terre sainte d’Alsace.‌

120. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Il semble, en effet, qu’alors l’Écriture sainte, associée, avec tant de grandeur, aux cérémonies du culte, aux solennités funèbres et à tous les triomphes de la parole chrétienne, ait fait tort, même auprès des imaginations les plus savantes, à la poésie du chantre de Thèbes. […] Plus d’une cause explique cette conformité singulière ; mais la première est dans ce fonds religieux et lyrique qui formait l’imagination du grand orateur et qu’avait nourri son ardente étude des livres saints, sa fréquentation solitaire du Liban et du Carmel. […] Sa pensée poétique est empreinte d’une gravité sainte, qui annonce presque cette foi pieuse que l’apôtre a définie « la réalité des choses qu’on espère et l’évidence des choses qu’on ne voit pas ». […] C’est de la contemplation d’une telle béatitude que Pindare dit encore ces mots si simples : « La félicité des justes n’est pas fugitive. » Ces idées sublimes, dont Platon a félicité le poëte thébain, étaient-elles une leçon recueillie dans ces mystères d’Éleusis désignés parfois comme le dépôt d’antiques et saintes vérités ? […] Par là, si nous pressons les termes du parallèle, se découvrirait encore plus d’une ressemblance entre la politique du poëte thébain et celle que Bossuet a parfois tirée des Livres saints, non pour imposer aux peuples le pouvoir absolu, mais pour imposer au pouvoir une absolue justice.

121. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

Faisons ma soupe de bonne grâce ; les saints souriaient à tout, et l’on dit que sainte Catherine de Sienne faisait avec grande joie la cuisine. » Le 11 avril. […] Que les saints ont raison de mourir avant l’heure, de faire leurs propres obsèques en se retirant du monde ! […] J’envie le bonheur d’une sainte Thérèse, de sainte Paule à Bethléem. Si je pouvais me trouver dans quelque sainte solitude ! […] encore un mot de sainte Thérèse.

122. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

Le lendemain, jour destiné à la célébration des saints mystères, le peuple accourut en foule à l’église pour y voir dans Eutrope une image éclatante de la faiblesse des hommes, et du néant des grandeurs humaines. Le saint évêque parla sur ce sujet d’une manière si vive et si touchante, qu’il changea la haine et l’aversion qu’on avait pour Eutrope en compassion, et fit fondre en larmes tout son auditoire. […] Accorder hautement sa protection à un ennemi déclaré, tombé dans la disgrâce, abandonné de tous, devenu l’objet du mépris et de la haine publics ; montrer à son égard une tendresse plus que maternelle ; s’opposer en même temps et à la colère du prince et à l’aveugle fureur du peuple : voilà ce qui fait la gloire de notre sainte religion. […] Ces murs, encor noircis d’un deuil religieux, Répétèrent souvent ses cantiques pieux ; Elle-même attachoit aux pilastres antiques D’un saint ou d’un martyr les modestes reliques, Dans cet étroit enclos cultivoit quelques fleurs, Image de son âme et de ses chastes mœurs. […] Au point du jour l’oiseau par son chant matinal Du champêtre labeur donnoit-il le signal, Soudain retentissoit la cloche vigilante : Dans le temple accouroit la foule impatiente ; Femmes, enfants, venoient au pied du saint autel Pour la moisson naissante implorer l’Éternel.

123. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

ne diffère pas d’accorder merci, si tu le peux ; car je vois déjà le ciel s’ouvrir, et les anges de Dieu venir dans ce bas monde pour emporter l’âme sainte. » On sait combien cette image de Béatrix occupa la pensée du Dante, et revient partout dans ses premiers vers, avant d’être divinisée dans son grand poëme. […] Mais le génie lyrique dans son ardeur, dans sa passion, lui arrivait avec la parole sainte et les prières de l’Église : c’est là qu’il trouvait à la fois le surnaturel et l’enthousiasme. […] Un siècle et demi avant le Dante, quand l’italien à peine naissant ne s’écrivait pas encore, quand la prédication et la poésie étaient encore toutes latines en Italie, un des grands hommes de l’Église, Pierre Damien, ce pur et austère génie, parfois en lutte même contre Grégoire VII, et osant le nommer mon saint tentateur, mon saint satan, avait chanté dans un hymne la gloire du paradis. […] Bienheureux ceux qui, à l’heure suprême, se trouveront dans votre grâce, pour avoir obéi à votre sainte volonté ! […] » De cette naïve abondance d’images et de prières redites par un peuple, à la voix d’un saint homme, la poésie allait monter aux cieux mystiques du Dante, à ce monde idéal tout parsemé de splendeurs, tout retentissant de voix célestes, mais où les merveilles de l’esprit dominent toujours celles de la matière.

124. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — III »

Les chrétiens nous ont donné une représentation fidèle du moi tel qu’ils l’entendaient, dans le spectacle de ces saints reclus, murés entre quatre murs sur les places publiques, et recevant par une ouverture leur pain de la pitié des passants. […] L’homme continua quelque temps d’étaler dans des jeux sacrés cette force vraiment divine et sainte qu’il avait d’abord gagnée et appliquée à des luttes plus réelles. […] Ces grandes et saintes vérités du christianisme pénétrèrent le monde, mais empreintes de cet anathème lugubre lancé à la chair, qui les empêchait d’être définitives. […] Ainsi seulement tout s’explique ; ainsi l’activité matérielle devient sainte au même titre que la pensée, et comme participant au même Dieu sous un aspect différent ; ainsi l’accord règne entre le monde et nous, et dans notre propre individu entre notre intelligence et notre puissance.

125. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Deshays » pp. 208-217

Derrière l’époux est une sainte Anne dont le visage ridé est l’image de la joie. À côté de la sainte Anne, derrière la Vierge est une grande fille, belle, simple, innocente, un voile jeté négligemment sur sa tête, le reste du corps couvert d’une longue draperie, et portant une corbeille de roses ; ce n’est qu’un accessoire, mais qu’on ne se lasse pas de regarder. […] Nulle comparaison entre nos saints, nos apôtres et nos vierges tristement extasiés, et ces banquets de l’Olympe où le nerveux Hercule appuyé sur sa massue regarde amoureusement la délicate Hébé, où Apollon avec sa tête divine et sa longue chevelure tient par ses accords les convives enchantés ; où le Maître des dieux s’enivrant d’un nectar versé à pleine coupe de la main d’un jeune garçon à épaules d’ivoire et à cuisses d’albâtre, fait gonfler de dépit le cœur de sa femme jalouse. […] Il est peut-être un peu moins chaste que dans le livre saint ; mais il est infiniment plus intéressant.

126. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Semblable à cet autre grand moraliste chrétien, le saint auteur des Confessions, Dieu ne l’a pas appelé à lui tout d’abord, et ces premières années d’une jeunesse dépensée dans les misères voluptueuses du monde, ont tourné au profit de l’âme convertie et lui ont donné une science terrible, la science de ces passions qui nous ravissent à Dieu, quand nous ne nous ravissons pas à elles. […] Si tous les prêtres étaient des saints, ils n’auraient, certes ! […] La simplicité du saint vaut mieux que la sagacité du génie. Être saint, c’est être plus que tout ; c’est un déclassement sublime de l’humanité.

127. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

Diminuer les saints, — les saints canonisés, — les toucher avec des mains respectueuses, mais qui, nonobstant, les descendent, telle a été la tendance des écoles rationalistes, qui, au moins, voulaient éviter le scandale insolent des écoles incrédules. […] Il a fait rentrer l’histoire de France, de cette monarchie fondée par des évêques — disait Gibbon — et cultivée et civilisée par des saints, dans sa vérité historique, qui est catholique autant que politique et militaire.

128. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lapaire, Hugues (1869-1967) »

. — Sainte Soulange (1898). — Noëls berriauds (1899). — Les Chansons berriaudes (1899). […] C’est la Mireille du Berry… Tel est ce poème (Sainte Soulange), exquis, pareil à un bouquet où l’églantine, la bruyère et un brin de buis bénit mêleraient leurs arômes.

129. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VIII. Des Anges. »

Tel est le merveilleux qu’on peut tirer de nos saints, sans parler des diverses histoires de leur vie. […] C’est l’Ange des saintes amours qui donne aux vierges un regard céleste, et c’est l’Ange des harmonies qui leur fait présent des grâces ; l’honnête homme doit son cœur à l’Ange de la vertu, et ses lèvres à celui de la persuasion.

130. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Parocel » pp. 255-256

Au-dessous de cette extravagante et mystique composition, des anges, des archanges, des saints, des saintes en extase.

131. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Il traita en sœurs, comme François d’Assise et François de Sales, les femmes qui s’éprenaient de la même œuvre que lui ; il eut ses sainte Claire, ses Françoise de Chantal. […] L’imagination et l’hallucination d’une sainte Thérèse, par exemple, ne sont ici pour rien. […] Selon l’auteur de ce livre extraordinaire, aux quatre empires profanes, destinés à crouler, succédera un cinquième empire, qui sera celui des Saints et qui durera éternellement 220. […] La tradition même, chose si sainte pour le juif, n’est rien, comparée au sentiment pur 251. […] Les Logia de saint Matthieu réunissent plusieurs de ces axiomes ensemble, pour en former de grands discours.

132. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Quand on les introduit dans ces évenemens comme des personnages veritables, je les comparerois volontiers à ces saints, les patrons de ceux qui faisoient peindre des sujets de devotion, et que les peintres plaçoient autrefois dans des tableaux plus devots que sensez, sans égard pour la chronologie ni pour la vrai-semblance. […] Ils peuvent tout au plus introduire dans leur action, qui doit toujours imiter la verité historique, quelques figures allegoriques de celles qui sont convenables au sujet, comme seroit, par exemple, la foi répresentée à côté d’un saint qui feroit un miracle. […] Ce grand poëte y exprime trop ingenieusement, par une composition allegorique, le merite de l’intercession des saints, dont les prieres procurent souvent aux pecheurs le tems et les moïens de se repentir. […] La vierge et plusieurs saints placez à côté de Jesus-Christ, intercedent pour le monde, sans que Jesus-Christ suspende son action. […] Ce que je dis des peintres je le pense des poëtes, et je n’approuve pas plus le poëme de Sannazar, sur les couches de la vierge, ni les visions de L’Arioste, que la composition dont Rubens s’est servi pour répresenter le merite de l’intercession des saints.

133. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

Les six nouvelles qui forment les Païens innocents s’appellent : la Gloriette, — le Curé de Minerve, — le Dernier Flagellant, — l’Hercule chrétien, Jean de l’Ours, — l’Histoire de Pierre Azam, — et la Chambre des Belles Saintes, et elles sont, à notre avis, de petits chefs-d’œuvre d’expression, comme doit l’être, de rigueur, cette simple création d’une nouvelle, intaille ou relief d’une seule idée, travaillée avec les caresses de l’Amour. […] IV Les deux supériorités du volume sont évidemment le Dernier Flagellant et la Chambre des Belles Saintes. […] Cette absence d’originalité dans les personnages de ses nouvelles, la Critique est bien obligée de la reprocher à l’auteur des Païens innocents, et voilà pourquoi justement elle préfère et classe plus haut que les autres la Chambre des Belles Saintes et le Dernier Flagellant. […] C’est, dans la Chambre des Belles Saintes, dom Bazin et sa sœur Bénigne, ce dom Bazin qui était bénédictin et que l’on n’appelle plus que le Malédictin, par risée, parce qu’il est de ces mauvais qu’on adore, une de ces combinaisons, délicieuses et contrastées, de la bonté du cœur et de la malice de l’esprit. […] » que Babou oppose une sœur, mademoiselle Bénigne, vieille chrétienne charmante, comme l’autre est païen, qui dit, quand il fait grand vent : « Les saints soufflent » ; qui, pour peindre le caractère joyeusement tonitruant de son frère, dit encore : « Dieu est bon, quoiqu’il tonne ! 

134. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 544-547

C’est le sacré lien de la Société, Le premier fondement de la sainte équité, Le frein du scélérat, l’espérance du juste. […] Elle les ranime, & s’ils sont éprouvés dans cette vie par les afflictions qui l’empoisonnent, rien n’altere du moins leur espérance, qui est, selon l’expression des Livres saints, pleine d’immortalité : Spes eorum immortalitatis plena ».

135. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — I »

Soumet, sur le ton solennel d’un prône ou d’un ordre du jour : « Les lettres sont aujourd’hui comme la politique et la religion ; elles ont leur profession de foi, et c’est en ne méconnaissant plus l’obligation qui leur est imposée que nos écrivains pourront se réunir, comme les prêtres d’un même culte, autour des autels de la vérité ; ils auront aussi leur sainte alliance ; ils n’useront pas à s’attaquer mutuellement des forces destinées à un plus noble usage ; ils voudront que leurs ouvrages soient jugés comme des actions, avant de l’être comme des écrits ; ils ne reculeront jamais devant les conséquences, devant les dangers d’une parole courageuse, et ils se rappelleront que le dieu qui rendait les oracles du temple de Delphes, avait été représenté sortant d’un combat. » Une fois qu’on en venait à un combat dans les formes avec les idées dominantes, on était certain de ne pas vaincre. […] De tous ceux qui formaient la tribu sainte et militante à ses beaux jours d’ardeur et d’espérance, le plus indépendant, le plus inspiré, et aussi le plus jeune, était M.  […] C’étaient des élans belliqueux, des accès de ferveur sainte : M. de Chateaubriand lui prédisait la gloire.

136. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Ô sainte poésie des choses, avec quoi se consoler de ne pas te sentir ? […] De chaque côté du pylône monumental par où l’on entrait dans le Saint des Saints, Hiram-Abi le fondeur avait élevé deux colonnes de métal. […] « Le royaume des Saints ne fut pas fondé par des Saints. » David mit fin, pour toujours, à la vie nomade. […] Il professait que les choses intellectuelles sont toutes également saintes. […] Voilà la puissance de la femme sur un saint.

137. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

C’est-à-dire : — Croyez en mon orgueil, en cet orgueil sauveur par qui j’ai pu souvent agir comme si j’avais été un saint, et vivre héroïquement dans l’état de désespoir. […] Le lendemain, la plupart retournaient à leur vomissement ; mais quelques-unes devenaient sainte Thaïs ou sainte Marie l’Égyptienne. « Les voies de Dieu sont mystérieuses… » Henri Lavedan La saveur si particulière des écrits de M.  […] Il a reconnu, en Bernadette Soubirous, une Césette plus sainte, mais non plus compliquée ou plus savante. […] Ce qu’elle aime habite par là : le Bon Dieu, la Sainte Vierge. […] » La petite sainte ne subit que des tentations humbles comme elle : une brebis rétive qui l’induit presque en colère, des fraises sauvages qui sont tout près d’éveiller sa gourmandise, les rubans et le dé du colporteur qui la mènent à deux doigts du péché de coquetterie.

138. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Qu’à son heure, à son jour, l’Esprit saint les réclame, Les touche l’une et l’autre, et leur dise : Chantez ! […] non, tout cela n’est pas menteur ; c’est la voix de Dieu même qui parle par ces instruments magnifiques, où, pendant le saint moment, a disparu toute souillure. — Nous renvoyons bien vite le lecteur, excité par notre analyse, à ce grand morceau de poésie ; nous n’y voudrions retrancher ou corriger que deux endroits. Dans la peinture des passions qui s’essayent tour à tour à ternir notre âme, le poëte les montre Qui viennent bien souvent trouver l’homme au saint lieu, Et qui le font tinter pour d’autres que pour Dieu. […] Hugo a bien mieux apprécié l’auteur des sonnets et sa forme élégamment ciselée ; mais, par suite du défaut signalé tout à l’heure, il s’est glissé, dans les vingt-deux vers consacrés à la louange du mélodieux amant de Laure, deux mots criards qui rompent toute l’harmonie du ton : Je prends ton livre saint qu’un feu céleste embrase.

139. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Celle du saint est donnée par ses portraits multipliés à l’infini, portraits auxquels l’artiste est forcé de se conformer, celle du Christ est traditionnelle. […] Webb, écrivain élégant et homme de goût, dit dans ses réflexions sur la peinture, que les sujets tirés des livres saints ou du martyrologe ne peuvent jamais fournir un beau tableau. Cet homme n’a vu ni le massacre des innocents par Le Brun, ni le même massacre par Rubens, ni la descente de croix d’Annibal Carrache, ni st Paul prêchant à Athènes par Le Sueur, ni je ne sais quel apôtre ou disciple se déchirant les vêtements sur la poitrine à l’aspect d’un sacrifice païen, ni la Magdeleine essuyant les pieds du sauveur de ses beaux cheveux ; ni la même sainte si voluptueusement étendue à terre dans sa caverne, par Le Corrège, ni une foule de saintes familles plus touchantes, plus belles, plus simples, plus nobles, plus intéressantes les unes que les autres, ni ma vierge du Barroche, tenant sur ses genoux l’enfant Jésus debout et tout nu.

140. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Il revient en 1702 sur le même adversaire, condamne sa version du Nouveau Testament, et écrit contre lui une Défense de la Tradition et des Saints Pères. […] Il ne s’est pas attaché à faire revivre les figures des saints, à retracer leur vie. […] Le Panégyrique de saint Jacques est un sermon sur l’établissement du christianisme ; celui de sainte Catherine, un sermon sur la science. […] La Politique tirée de l’Écriture sainte est un livre solide, sensé, d’une réelle largeur de vues. […] De Tréverret, Du panégyrique des saints avant Bossuet, Paris, 1808.

141. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Quelques-uns mettaient en vers Arthur et les héros de la Table Ronde, courant à la recherche du saint ciboire où avait bu Jésus-Christ ou Charlemagne et ses compagnons, allant conquérir la Palestine. […] L’honneur de ce premier essor de l’esprit français revient au grand roi saint Louis. […] C’est le temps des légendes des saints ; c’est le temps où Charlemagne et Arthur ont leur mythologie. […] Et sachiez que moult se tenoit De faire à Dieu prières saintes Et d’appeler et saints et saintes. […] Car si cum tes habits nous content, Tu sembles estre un saint hermite ?

142. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Elle est auguste et sainte. […] les saintes gens que le chanoine et le vicaire ! […] Pourtant et ce saint et ce juste eurent leur sensualité. […] D’ailleurs, la sainte Vierge, les anges, les saints et les saintes descendent à tous moments sur la terre. […] Désormais l’auteur du Rêve passe en pureté sainte Catherine de Sienne, sainte Thérèse et saint Louis de Gonzague.

143. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Il était, nous dit Huet qui l’avait beaucoup connu, et qui même s’était senti dévotement enflammé par lui pendant une semaine sainte, il était d’un naturel hardi et ardent ; nulle considération ne l’arrêtait lorsqu’il s’agissait des intérêts de Dieu et de la charité. Il était capable de saintes imprudences. […] Une de ces pages est celle qu’il a consacrée à Blanche, femme de Louis VIII et mère de saint Louis. […] Blanche la prudente, la sage, la raisonnable, la politique et la sainte, n’a jamais mieux été comprise et présentée que dans ce portrait de Mézeray. […] Aussitôt le mariage célébré en Normandie entre Blanche et le fils de Philippe Auguste, Louis emmène sa chère moitié à Paris : Les deux époux étaient à peu près pareils en âge, de treize à quatorze ans, tous deux d’un esprit enclin à la piété, éloigné du vice, pur, ouvert et sans fiel, et en tout tellement semblables l’un à l’autre, que de ce parfait rapport et de cette mutuelle correspondance naquit entre eux deux un amour saint, qui fut désormais l’âme de l’un et de l’autre.

144. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bonnières, Robert de (1850-1905) »

C’est dans ce mode, sans une fausse note, à ce qu’il me semble, sans broncher une fois sur le fond, ni sur le ton, qu’il nous déduit les aventures des bonnes et des méchantes fées, du diable au moulin, des bons saints et des bonnes bêtes qui les aiment et qui les suivent jusqu’en paradis. […] En vers français, il présente de légendaires anecdotes de Fées, de Saints, de Rois, Héros divers, que, sur un fond changeant, J’ai de mes mains vêtues d’or et d’argent, Et que ma voix, afin de mieux vous plaire, Ne fait parler qu’en une langue claire.

145. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gourmont, Remy de (1858-1915) »

. — Les Saintes du Paradis, petits poèmes (1898). — Esthétique de la langue française (1899). — Le Songe d’une femme (1899). — Oraisons mauvaises (1900). […] Sidoine Apollinaire, sainte Hildegarde, déroulent leurs hymnes liturgiques et les magnificences de leurs séquences.

146. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 236-239

Les Saints doivent écrire pour les Saints : imitant leurs vertus, on les loue mieux que par des paroles & de belles Hymnes.

147. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

A vous qui, lasse de l’hommage Qu’on vous prodigua tant de fois, Avez tout quitté pour l’image, La sainte image de la Croix ; Et bien loin des routes mortelles Dont l’éclat vous séduisait peu, Avez replié vos deux ailes Près du tabernacle de Dieu ! […] Je ne voudrais pas qu’un amant parlant à sa maîtresse la nommât sa sainte ; on sent trop le pastiche. […] Engagé aujourd’hui dans les fonctions saintes du ministère, il a cru, à l’une de ses courtes heures de loisir, pouvoir reproduire, sous un pseudonyme, d’anciens vers de jeunesse, que, plus heureux que Bèze, il n’a pas eu à rougir de refeuilleter.

148. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

Il domine et gouverne le chef de famille Liseo, vieillard à la tête faible, qui ne saurait faire un mouvement sans consulter le saint homme. […] Sous des apparences d’humilité, elle change la religion en astuce et se rend maîtresse des biens, de l’honneur et de l’esprit des gens… C’est un beau trait que celui du démon se faisant adorer comme un saint… Ceux qui me nourrissent, je les loue de leurs œuvres pies, de leurs vertus, de leur charité ; je les rassure sur leurs débauches, sur leurs usures ; rentrant la tête dans les épaules avec un petit ricanement, j’allègue la fragilité de la chair. […] Elles sont donc devenues des saintes ?

149. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Cependant la faute est connue au ciel, une sainte tristesse saisit les anges ; mais that sadness mixt with pity, did not alter their bliss ; « cette tristesse, mêlée à la pitié, n’altéra point leur bonheur » ; mot chrétien et d’une tendresse sublime. […] Cependant Milton lutte ici sans trop de désavantage contre cette fameuse allégorie : ces premiers soupirs d’un cœur contrit, qui trouvent la route que tous les soupirs du monde doivent bientôt suivre ; ces humbles vœux qui viennent se mêler à l’encens qui fume devant le Saint des saints ; ces larmes pénitentes qui réjouissent les esprits célestes, ces larmes qui sont offertes à l’Éternel par le Rédempteur du genre humain, ces larmes qui touchent Dieu lui-même (tant a de puissance la première prière de l’homme repentant et malheureux !)

150. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre III. Suite des Époux. — Adam et Ève. »

Il est noble, majestueux, et tout à la fois plein d’innocence et de génie ; il est tel que le peignent les livres saints, digne d’être respecté par les anges et de se promener dans la solitude avec son Créateur. […] Mais ni l’amour de Pénélope et d’Ulysse, ni celui de Didon pour Énée, ni celui d’Alceste pour Admète, ne peut être comparé au sentiment qu’éprouvent l’un pour l’autre les deux nobles personnages de Milton : la vraie religion a pu seule donner le caractère d’une tendresse aussi sainte, aussi sublime. […] Ce morceau n’est point inférieur à celui que nous venons de citer, et doit aussi sa beauté à une religion sainte et pure.

151. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

Quant au second style général des saintes lettres, à savoir la poésie sacrée, une foule de critiques s’étant exercés sur ce sujet, il serait superflu de nous y arrêter. […] Enfin, le troisième et dernier style des livres saints est celui du Nouveau Testament. […] Élisabeth, remplie tout à coup de l’Esprit saint, élève la voix et s’écrie : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes, et le fruit de votre sein sera béni.

152. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XI. Mme Marie-Alexandre Dumas. Les Dauphines littéraires »

III Car c’est une sainte, à ce qu’il paraît, que Mme Marie-Alexandre Dumas ; une sainte de prétention, sinon d’humilité… J’ai entendu raconter que la Grâce un jour l’avait touchée ; à Jérusalem, je crois, — une bonne place pour l’effet dramatique, chose indispensable pour des Dumas !  […] IV Tel ce livre chrétien, — d’un christianisme hostile aux prêtres, qui y sont fort malmenés dans la personne d’un abbé imbécile et ridicule, et qui remplace le confesseur par une femme en robe blanche, laquelle n’a été effleurée (sic) que par une tasse de lait depuis la sainte Eucharistie et par les lis du bouquet de la Vierge qu’elle a touchés… Est-ce assez M. 

153. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

On s’est joué de ce qu’il y a de plus saint au monde, la naïveté de l’âme humaine arrivant à la connaissance et à la vie. […] ira-t-il faire consacrer, par ces parias de la société qu’il méprise, et son union sainte avec une femme, et ses enfants nouveau-nés ? […] Elle comprenait bien son arrêt, l’arrêt rendu par toi sur la femme, ô Christianisme, cette sainte entre toutes les saintes qui forment ta couronne étoilée. […] Sainte Thérèse définissait les tourments de l’enfer en disant de Satan : Le malheureux ! […] Ainsi sainte Thérèse voulait souffrir : la duchesse de Berry veut jouir.

154. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Il devint saint en s’exerçant et en vieillissant, mais ses pensées répondaient toutes et toujours à la magnanimité de son âme ; rien de ce qui était petit n’allait à ses proportions. […] Si votre cœur était droit, alors toute créature vous serait un miroir de vie et un livre rempli de saintes instructions. […] Leur unique but, leur désir unique, est qu’il soit glorifié en lui-même et dans tous les saints, par-dessus toutes choses. […] Ô Seigneur, mon Dieu, saint objet de mon amour ! […] Nous ne sûmes que plus tard que cette miniature de volume contenait plus de philosophie sainte que tous les gros volumes de la bibliothèque de la maison.

155. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

C’est à ce titre qu’ils exercent vraiment une fonction sainte dans l’humanité. […] M. de Goncourt, parce qu’il se croyait gentilhomme et qu’il était célibataire, s’amusait à écrire sur les galanteries de Louis XV et les actrices du xviiie  siècle ; mais comme aussi il était d’un naturel grave et chagrin, il écrivait ces histoires galantes avec le sérieux d’un bollandiste racontant la vie des saints. […] Personne, et les saints non plus que les ascètes, ne s’impose de contrainte ; on suit son génie, son instinct. […] Oui, je l’aime, je l’aime pour tout ce qu’il y a dans son œuvre d’encouragement à vivre, je l’aime pour son grand cantique à la nature, bien que ce soit le cantique d’un protestant, je l’aime parce qu’il n’a rien des superstitions modernes et qu’il est d’une parfaite irrévérence, comme doivent l’être tous les grands esprits aux nouvelles idoles de la démocratie, à ses prétendus grands hommes et à ses dieux et déesses : sainte Morale, sainte Science, sainte Hygiène, sainte Dignité, saint Progrès, saint Socialisme, etc.

156. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Qu’ils sont rares ceux qui, dans l’ordre de la pensée, se fixent à temps et adhèrent sans réserve à la vérité reconnue par eux perpétuelle, universelle et sainte ; qui, non contents de la reconnaître, s’y emploient tout entiers, y versent leurs facultés, leurs dons naturels : riches leur or, pauvres leur denier, passionnés leurs passions ; orgueilleux s’y prosternent, voluptueux s’y sèvrent, nonchalants s’y aiguillonnent, artistes s’y disciplinent et s’y oublient ; qui deviennent ici-bas une volonté humble et forte, croyante et active, aussi libre qu’il est possible dans nos entraves, une volonté animant de son unité souveraine la doctrine, les affections et les mœurs ; véritables hommes selon l’esprit ; sublimes et encourageants modèles ! […] Il l’avait conclu à l’avance, il l’avait déterminé du dehors, pour les points essentiels, avec cette géométrie transcendante d’une doctrine sainte aux mains du génie ; il en avait induit les diversités d’erreurs et de vices avec les propres données de son cœur, moyennant cette double corruption qui se remue ici-bas en tout esprit et en toute chair, orgueil et volupté. […] Pour plus de garantie contre le relâchement et par une sorte de sainte inquiétude, il s’est voué à un exercice infatigable dans la rude voie où la Grâce l’a glorifié ; c’est un trappiste de l’intelligence : l’application opiniâtre de la pensée catholique aux diverses portions du domaine scientifique et social, tel est le champ qu’il laboure chaque matin dès avant l’aurore. […] nous vous bénissons : Saint, Saint, Saint, le Seigneur Dieu des armées !

157. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

C’est dans ce chaste paradis Que règne, en un trône de lis,   La Virginité sainte ; C’est là que mille anges mortels   D’une éternelle plainte Gémissent au pied des autels. […] Des séraphins debout sur des marches d’ivoire Se voilaient devant lui de six ailes de feux ; Volant de l’un à l’autre, ils se disaient entre eux : Saint, Saint, Saint, le Seigneur, le Dieu, le roi des dieux ! […] Lorsque Pompée, usant du droit de conquête, entra dans le Saint des Saints, il observa avec étonnement, dit Tacite, qu’il n’y avait aucune image et que le sanctuaire était vide.

158. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Il fallait empêcher que ces saints ne faillissent, premièrement pour ne pas laisser voir de contradiction entre leur croyance et leur vie, et secondement, pour ne pas diminuer le troupeau en rejetant parmi les réprouvés ceux dont la conduite aurait démenti la doctrine. […] Il mourut le 27 mai 1564, « ayant vécu dit Théodore de Bèze, quant à cette vie mortelle, l’espace de cinquante-six ans moins un mois et treize jours, desquels il en avoit passé justement la moitié au saint ministère ; parlant et écrivant sans avoir rien changé, diminué ni ajouté à la doctrine qu’il avait annoncée dès le premier jour de son ministère, avec telle force de l’esprit de Dieu, que jamais méchant ne le put ouïr sans trembler, ni homme de bien sans l’aimer et l’honorer68. » § V. […] C’était la première fois que ces saintes matières étaient dégagées des ténèbres dont les avait couvertes le moyen âge, et que la raison et la science rendaient compte des vérités de la foi. […] Les principes, c’est à savoir les paroles mêmes des livres saints, sont d’abord exposés et interprétés ; puis viennent les témoignages tirés des Pères, dont la suite forme la tradition consacrée dans la matière ; la réfutation des objections suit en dernier lieu. […] Ce jour-là le logis de Castalion s’égayait, et il ajoutait quelques pages à sa traduction des livres saints.

159. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

C’est l’association tacite, mais fort réelle des esprits éclairés, la communion sainte des lumières de la raison, communion offerte à tous, et à laquelle tous participent plus ou moins, selon leurs forces ; en un mot, c’est la civilisation. Quel magnifique spectacle que de voir cette patrie universelle des intelligences s’étendre sans limites dans l’espace et le temps, embrasser dans son sein l’ancien et le nouveau monde, établir partout le règne de l’opinion, adoucir les horreurs de la guerre et faire respecter même dans les combats les saintes lois de l’humanité3. […] Voilà l’œuvre sainte à laquelle nous convions pour sa part l’homme de lettres. […] La vérité est toujours sainte ; elle sanctifie tout ce qu’elle touche. […] La plume est une chose sainte : les choses saintes ne se vendent pas.

160. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

D’ailleurs nous avons pu un jour, à Paris, goûter les saveurs de cette « éducation sauvage », et nous affirmons que jamais nulle créature de direction mondaine ne nous a paru aussi douce et aussi aimable que cette Fauve charmante, grandie comme sainte Geneviève, parmi les pastours ! […] Les petits séducteurs du xixe  siècle, qui se croient les aides de camp du Démon, ne savent pas ce que serait en attrait irrésistible, cette combinaison à vaincre le monde, d’un grand poëte doublé d’un saint. […] Nous avons l’impertinence de parler d’une Sainte, morte, — comme disait le rêveur, son frère, — avec « son auréole d’obscurité » autour de la tête. […] À trois heures, elle revenait à sa chambre où d’ordinaire elle lisait la Visite au Saint Sacrement, par saint Alphonse de Liguori, ou bien la vie du saint du jour. […] Enfin il est exact d’ajouter que, tous les mois, elle se préparait à la mort et choisissait un des saints qu’elle affectionnait le plus pour imiter ses vertus. » Tel est le memorandum que nous avons des jours de Mlle Eugénie, Il n’a pas été fait par elle, mais par le seul témoin qui reste maintenant de ses journées, et qui a pu compter tous les points de cette dure couture de bonnes œuvres, achevée devant Dieu.

161. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Soixante docteurs ou ulémas délibèrent sur les points de la foi, expliquent les saints livres. […] Comment la fertile Égypte, la sainte Arabie, sont-elles dominées par des peuples sortis du Caucase ? […] Non, il préférerait l’eau bénie du Nil, il viendrait habiter la mosquée de Gama el-Azhar, cette première clef de la sainte Kaaba. » À ce discours, les figures de ces vénérables vieillards s’épanouissaient ; leurs corps s’inclinaient, et, les bras croisés, ils s’écriaient : « Tayeh ! […] Il ne parle que des fautes militaires de ce saint roi : « Il passa huit mois à prier, lorsqu’il eût fallu les passer à marcher, combattre et s’établir dans le pays. » On ne peut s’empêcher de sourire. […] Napoléon, au Caire, avait lu le Coran ; une fois en Palestine, il ouvre la Bible : « En campant sur les ruines de ces anciennes villes, on lisait tous les soirs l’Écriture sainte à haute voix, sous la tente du général en chef.

162. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Évidemment c’était là un fait hors de toute proportion avec la réalité, que de traiter ce petit taquin hypocrite qui tracassait dans les Évangiles comme ces grands ennemis de l’Église, les forts hérétiques de tous les temps, qui n’avaient pas emporté, ainsi que Samson, les portes de Gaza sur leurs épaules, mais qui, du moins, les avaient secouées… La goutte d’encre jetée à la face rayonnante du Christ par un gamin d’Académie ne méritait pas de si saintes colères. […] — le sens réel des Livres Saints, que l’Église éclaire de la lumière fixe de son flambeau tout à l’heure depuis dix-neuf siècles ! […] C’est le Témoignage éternellement vivant, indiscutable, incompatible et péremptoire, qui ne souffre pas qu’on l’invalide de la grosseur d’un atome, de la grosseur d’un rien, si un rien pouvait être quelque chose se gardant contre ses Saints eux-mêmes ; car l’Église a condamné, sur des points d’interprétation particulière, ceux qu’elle aimait le plus et qui l’ont le mieux servie. […] Sur les deux cent cinquante-cinq, pas un n’a enseigné l’erreur, et au moins un tiers de ce nombre est fait de saints, presque tous entés sur de grands hommes. Mais l’Église frappe de sa vérité encore plus par ses papes indignes que par ses Saints.

163. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

M. d’Aurevilly regarde Lacordaire comme un prêtre insuffisant et douteux, et peu s’en faut qu’il ne taxe d’immoralité la Vie de sainte Marie-Madeleine. […] — Pendant la Terreur, l’abbé Reniant, prêtre défroqué, jette aux cochons des hosties consacrées : ces hosties avaient été confiées par des prêtres à une pauvre sainte fille qui les portait « entre ses tétons » — Le major Ydow, quand il découvre que sa femme Pudica n’était qu’une courtisane, brise l’urne de cristal où il gardait le cœur de l’enfant mort qu’il avait cru son fils, et lui jette à la tête ce cœur qu’elle lui renvoie comme une balle. « C’est la première fois certainement que si hideuse chose se soit vue ! […] Ce n’est chez lui que Laras immenses, dons Juans prodigieux, Rolands surnaturels, femmes fatales, Messalines démesurées, ou saintes de vitrail plus saintes que les anges.

164. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

Or, du jour où il s’agirait de souffrir et de verser son sang, il apparaîtrait tout aussitôt que l’âme de la fille chétive et disgraciée est plus forte, plus douce et plus haute que celle même de ses plus saints compagnons. […] Et comme ceux-ci croient à l’avènement de la Cité idéale, les chrétiens croyaient au millenium, au règne des saints, dont une des conditions était la destruction de Rome et de l’Empire. […] Comment, échauffé par les pieuses imprécations d’un saint prêtre, le sympathique barbare Faustus passe soudainement du désir à l’acte, c’est ce que MM.  […] … Parce que, dans cette grande ville, le sang des saints et des innocents a été répandu… le Seigneur enverra le feu tordre dans ses flammes, comme dans les anneaux d’un serpent, tous ces palais superbes, tous ces repaires de voluptés infâmes ! 

165. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Rarement les troubadours allaient visiter la terre sainte. […] Un jour on lui montra le portrait d’une dame française de la terre sainte, de la comtesse de Tripoli. […] Il y avait bien des années que les saints même se plaignaient de la conduite des prêtres. […] non seulement ils jugeaient cette croisade, mais celles même qui les conduisaient à la terre sainte. […] Pour l’ignorance, le culte des saints était devenu tout un paganisme, plein d’histoires fabuleuses.

166. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « I. Saint Thomas d’Aquin »

un saint et un scolastique ! […] Charles Jourdain eût été mis au monde par l’Académie des sciences morales et politiques, il se faisait, depuis 1854, une traduction de la Somme de saint Thomas, texte latin en regard, avec notes, commentaires, éclaircissements et toute l’armature nécessaire à un pareil vaisseau en matière de livre ; et qui l’a annoncée ? […] Croirait-on, si ses œuvres ne l’attestaient, qu’il n’a jamais versé dans le mysticisme de Malebranche au dix-septième siècle, lui, l’homme du treizième et le saint ?

167. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pilon, Edmond (1874-1945) »

Pilon a vu venir vers lui, graves et souriants, les anges, les saintes femmes, l’enfant des flèches et ses vendangeurs d’automne. […] Il y a, dans ce livre, plusieurs poésies qui m’ont ému comme une feuille ; il y a la Petite fiancée, qui est un chef-d’œuvre de grâce, de simple émotion, de vérité, Voici la lampe sainte, Fiançailles, Réveil et tant d’autres.

168. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 15, des personnages de scelerats qu’on peut introduire dans les tragedies » pp. 115-119

On peut donc introduire des personnages scelerats dans un poëme, ainsi qu’on met des bourreaux dans le tableau qui répresente le martyre d’un saint : mais comme on blâmeroit le peintre qui dépeindroit aimables des hommes ausquels il fait faire une action odieuse, de même on blâmeroit le poëte qui donneroit à des personnages scelerats des qualitez capables de leur concilier la bienveillance du spectateur. […] Mais, dira-t-on, Phédre viole volontairement les loix les plus saintes du droit naturel, elle aime le fils de son mari, elle lui parle de sa passion, elle tente tout pour le seduire, enfin ce qui fait le caractere le mieux marqué d’un scelerat, elle accuse l’innocent du crime qu’elle même a commis.

169. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre I. Objet de ce livre. — Retour de l’âge divin » pp. 357-361

Lorsqu’il eut par des voies surnaturelles éclairé et affermi la vérité du christianisme, contre la puissance romaine par la vertu des martyrs, contre la vaine sagesse des Grecs par la doctrine des Pères et par les miracles des Saints, alors s’élevèrent des nations armées, au nord les barbares Ariens, au midi les Sarrasins mahométans, qui attaquaient de toutes parts la divinité de Jésus-Christ. […] Aussi dans l’Allemagne, pays qui fut au moyen âge le plus barbare de toute l’Europe, il est resté, pour ainsi dire, plus de souverains ecclésiastiques que de séculiers. — De là le nombre prodigieux de cités et de forteresses qui portent des noms de saints. — Dans des lieux difficiles ou écartés, l’on ouvrait de petites chapelles où se célébrait la messe, et s’accomplissaient les autres devoirs de la religion.

170. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Ni les saints, ni la Vierge ne peuvent nous convertir et nous sauver ; c’est Dieu seul qui par son Christ nous convertit et nous sauve. […] Nous avons péché contre tes lois saintes. […] » Certainement il songeait à devenir saint autant qu’à devenir roi, et aspirait au salut comme au trône. […] Plusieurs femmes conduisaient son cheval, d’autres jetaient devant lui des mouchoirs et des écharpes, chantant : Saint, Saint, Seigneur Dieu. […] Il y en avait aussi qui avaient des ailes, et se répondaient l’un à l’autre sans interruption, disant : Saint, Saint, Saint est le Seigneur. —  Et ensuite ils fermèrent les portes.

171. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Paul Verlaine à la sainte Vierge. » M.  […] — Eh bien, répliqua le saint, il faudrait mettre bas l’enseigne. […] Son maintien si digne et si saint me touchait à ce point que je ne pouvais retirer mes yeux de dessus de lui. […] Rien ne s’opposait plus aux projets des deux saints. […] Et puis, les saints sont d’habiles gens.

172. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Étienne Dolet, et François Floridus. » pp. 114-119

Il a déshonoré autant qu’il étoit en lui, à force de passions & de vices, & les belles-lettres qu’il entendoit parfaitement, & le saint chrême qu’il avoit malheureusement reçu. » Partout il s’attira des affaires terribles. […] D’autres assurent que, sur une exhortation du confesseur, il changea de langage ; qu’au lieu de blasphêmer contre dieu, contre les saints & la vierge, comme il avoit toujours fait, il les invoqua ; qu’il implora sur-tout saint Étienne, son patron.

173. (1900) La culture des idées

Le culte des saints et des dieux sanctifiés engendra les églises. […] Ont-ils donc démontré leur existence objective mieux que les héros ou les saints ? […] Clair, Ste Luce et Ste Flaminie de Clairmont — des maux d’yeux. […] Sainte Venise, et voyez page 142 du présent ouvrage. […] (Hello, Physionomies de saints, p. 423.)

174. (1890) L’avenir de la science « I »

J’ai la faiblesse de regarder comme de mauvais ton et très facile à imiter cette prétendue délicatesse, qui ne peut se résoudre à prendre la vie comme chose sérieuse et sainte ; et, s’il n’y avait pas d’autre choix à faire, je préférerais, au moins en morale, les formules du plus étroit dogmatisme à cette légèreté, à laquelle on fait beaucoup d’honneur en lui donnant le nom de scepticisme, et qu’il faudrait appeler niaiserie et nullité. […] Parmi les choses intellectuelles qui sont toutes également saintes, on distingua du sacré et du profane. […] Le saint est celui qui consacre sa vie à ce grand idéal et déclare tout le reste inutile.

175. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

Léopold Ranke, un Français de Berlin pour le vif sentiment de la réalité historique, nous donnait dans une histoire, au fond protestante, une étude magnifique sur Ignace de Loyola, le fondateur de l’ordre le plus impopulaire, et qui contraignait les plus insolents à baisser les yeux devant la beauté morale de ce chevalier qui fut un saint. […] II Pour bien comprendre le ferme et placide génie du cardinal Ximénès, il faut, en effet, l’intelligence du catholicisme et du Moyen Âge ; car, malgré le millésime de son avènement aux affaires, Ximénès est, avant tout, un homme du Moyen Âge, et un saint. […] Dans toute l’histoire, dit Robertson, Ximénès est le seul premier ministre que ses contemporains aient honoré comme un saint et à qui le peuple, placé sous son administration, ait attribué le don des miracles ; et Hefele a eu la noble jalousie de cette justice.

176. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Il n’en affecte pas non plus les prétentions ; jamais on ne fut moins auteur en se faisant éditeur ; il semble vraiment n’avoir pensé, en publiant un choix des papiers de Mme Swetchine, qu’au succès de celle à laquelle il s’est consacré ; il y pousse de ses plus aimables obsessions et de toutes ses grâces : le moyen de résister à celui qui est si galant homme, qui fait si bon marché de lui-même et de ses pages, qui est prêt à vous dire à chaque instant : « Frappe sur moi, mais écoute et respecte ma sainte !  […] Cela mène, entre autres choses, à faire des saints qui n’en sont pas. […] sachez que c’est bien une chapelle, une chapelle consacrée où est exposé, au milieu d’un luminaire éblouissant, le Saint des saints, le saint Sacrement que plusieurs des personnes présentes vont aller adorer dès que minuit sonnera ; adorer même est trop peu dire, puisqu’à decertaines solennités la sainte table est toute prête, qui les attend. — Oh !

177. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Cela serait beau, mais cela ne serait pas saint, car la volonté seule est sainte ; autrement le miroir qui réfléchit la lumière aurait autant de vertu que le feu qui la produit. […] Elle est, pour ainsi dire, la justice de Dieu innée en nous, d’autant plus sainte qu’elle n’est pas libre. […] Ce code de la conscience de l’humanité est tellement inné qu’il a été rédigé partout et de tout temps, par tous les législateurs sacrés et profanes, avec des formes différentes de mœurs, mais avec la même uniformité de volonté d’être juste et saint. […] Quelles sont ces conjectures, selon la raison, selon la foi de tous les grands esprits, depuis Job jusqu’à nos jours, les plus vraisemblables et les plus saintes ? […] L’humilité est le plus beau mot de Job et le plus saint mot de l’Évangile.

178. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

On continua d’y jouer quelquefois les belles tragédies faites pour la maison, mais on les joua entre soi, sans témoin du dehors et sans qu’aucun homme (fût-il un saint) y assistât. […] Elle applique cela même à la lecture de l’écriture sainte : « Nous ne devons en savoir les termes, disait-elle à une des maîtresses, qu’aufant qu’il le faut pour l’entendre. […] — As-tu porté, en ton sein gravée, la sainte prière apprise par l’enfant sous le toit paternel ?  […] Et la sainte prière a fui de ma pensée, — la prière apprise sur les genoux de ma mère.

179. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

Despréaux & lui s’écrivirent des lettres pleines de témoignages d’estime & d’amitié ; mais cela n’empêcha point que le satyrique, en parlant des dangers d’épouser une femme coquette, ne lâchât ce vers : Me mettre au rang des saints qu’a célébrés Bussi. […] Mais Despréaux suivit l’opinion commune, & parla des saints nouveaux, mis dans le Calendrier de Bussi. […] qu’importe, répondit-il à cette dame, dont il devinoit les intentions, qu’on m’ait nommé dans une satyre, qu’on y ait mis « les saints qu’a célébré Bussi, pour dire les cocus. […] Elle entreprit de réhabiliter leur réputation : elle prophétisa de l’un d’eux, qui travailloit à mettre l’écriture sainte en comédie, qu’il reviendroit, tôt ou tard, de son égarement.

180. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Écoutez-le, ou plutôt écoutez son sosie, Durtal101, s’abîmer en extase devant le sanctuaire : « Elle est un résumé du ciel et de la terre ; du ciel dont elle nous montre la phalange serrée des habitants, Prophètes, Patriarches, Anges et Saints éclairant avec leurs corps diaphanes l’intérieur de l’Église, chantant la gloire de la Mère et du Fils ; de la terre, car elle prêche la montée de l’âme, l’ascension de l’homme ; elle indique nettement, en effet, aux chrétiens, l’itinéraire de la vie parfaite     Et cette allégorie de la vie mystique, décelée par l’intérieur de la Cathédrale, se complète au dehors par l’aspect suppliant de l’édifice. […] Pour l’un, il y a Dieu, la Vierge et les Saints, l’Église, gardienne de la Vérité, l’homme, créature pitoyable et pécheresse, sans espoir hors de l’obéissance à Dieu. […] L’Écriture Sainte, base de l’ancienne foi, ne fut plus qu’un document d’exégèse ; l’immense Bible vivante dont quelques caractères commençaient à être traduits, devint le seul Livre sacré dont l’authenticité fut établie. […] Je le sais, vous n’êtes pas seul, puisque la Sainte Église vous couvre de sa protection, mais combien toutefois, vous paraissez faible à tous ceux que fut assez puissante pour entraîner, la nouvelle chanson, celle que vous n’entendez pas !‌

181. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre II. Amour passionné. — Didon. »

Cet amour n’est ni aussi saint que la piété conjugale, ni aussi gracieux que le sentiment des bergers ; mais, plus poignant que l’un et l’autre, il dévaste les âmes où il règne. […] « C’est le caractère de cette passion, dit cet homme éloquent en parlant de l’amour, de remplir le cœur tout entier, etc. : on ne peut plus s’occuper que d’elle ; on en est possédé, enivré : on la retrouve partout ; tout en retrace les funestes images ; tout en réveille les injustes désirs : le monde, la solitude, la présence, l’éloignement, les objets les plus indifférents, les occupations les plus sérieuses, le temple saint lui-même, les autels sacrés, les mystères terribles en rappellent le souvenir32. » « C’est un désordre, s’écrie le même orateur dans la Pécheresse 33, d’aimer pour lui-même ce qui ne peut être ni notre bonheur, ni notre perfection, ni par conséquent notre repos : car aimer, c’est chercher la félicité dans ce qu’on aime ; c’est vouloir trouver dans l’objet aimé tout ce qui manque à notre cœur ; c’est l’appeler au secours de ce vide affreux que nous sentons en nous-mêmes, et nous flatter qu’il sera capable de le remplir ; c’est le regarder comme la ressource de tous nos besoins, le remède de tous nos maux, l’auteur de nos biens34… Mais cet amour des créatures est suivi des plus cruelles incertitudes : on doute toujours si l’on est aimé comme l’on aime ; on est ingénieux à se rendre malheureux, et à former à soi-même des craintes, des soupçons, des jalousies ; plus on est de bonne foi, plus on souffre ; on est le martyr de ses propres défiances : vous le savez, et ce n’est pas à moi à venir vous parler ici le langage de vos passions insensées35. » Cette maladie de l’âme se déclare avec fureur, aussitôt que paraît l’objet qui doit en développer le germe.

182. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Carle Vanloo  » pp. 117-119

Combien la sainte n’en serait-elle pas devenue plus intéressante et plus pathétique, si la solitude, le silence, et l’horreur du désert avaient été dans le local. […] Belle sainte, venez ; entrons dans cette grotte, et là nous nous rappellerons peut-être quelques moments de votre première vie.

183. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « L’abbé Cadoret »

La première, intitulée Argument de l’autorité, renferme l’enseignement des Pères depuis Tertullien jusqu’à Saint-Thomas, et la seconde, qui porte le nom de Raison théologique, est l’examen rapide, mais concluant, des opinions qu’on atirées des livres saints contre le pouvoir temporel des rois. Cadoret réfute ces opinions avec une clarté de bon sens et une simplicité d’interprétation qui frapperont toutes les intelligences à tous les niveaux, et détermineront le succès d’un livre qui apprendra à ceux qui l’ignorent, ou rappellera à ceux qui l’oublient, combien l’Église catholique fut toujours gouvernementale, et comme, à toutes les époques de sa glorieuse durée, elle condamna la révolte et appuya ou respecta les pouvoirs constitués, pour les raisons les plus profondes, les plus politiques et les plus saintes.

184. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

— Je le savais, lui dit notre saint ami, la zampogne que j’avais entendue au sommet de la tour de la prison m’avait révélé la présence de Fior d’Aliza derrière ces grilles ; seulement j’ignorais par quel artifice la pauvre innocente avait pu s’introduire si près de toi. […] Après avoir parlé ainsi et prié un moment avec Hyeronimo dans l’oratoire, le saint prêtre en sortit, et, me rencontrant sous le cloître, il me donna son chapelet à baiser, et il me le colla fortement sur les lèvres comme pour me dire : Silence ! […] Il est bon, il est saint, il nous aime, il risquera sa vie même pour nous sauver. […] Je n’oserais prendre sur moi seul, sans l’aveu de mes supérieurs, sans le consentement de vos parents et sans la permission de l’évêque, d’unir secrètement deux enfants qui s’aiment dans un cachot, au pied d’un échafaud, et de mêler l’amour à la mort, dans une union toute sacrilège, si elle n’était toute sainte. […] Quant à la mère d’Hyeronimo et à mon père, comment auraient-ils hésité à donner un consentement à une union sainte de tout ce qu’ils aimaient sur la terre, surtout quand ils espéraient que cette union serait peut-être le gage de la grâce accordée à Hyeronimo et tout au moins de mon retour auprès d’eux, si l’iniquité des hommes le retenait en captivité après sa commutation de peine.

185. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Allez, montez sur la montagne sainte de Jérusalem, rebâtissez le temple de Jéhovah. […] Je ne pus croire que ce corps inanimé était en moi l’auteur de la pensée ; je sentis qu’elle me devait venir d’une autre source ; et, dans une sainte douleur qui approchait de la joie, j’espérai me rejoindre un jour à l’esprit de mon père. […] Toute la communauté était inconsolable, et l’on y regardait Amélie comme une sainte. […] Toute la pureté, toute la vertu, toute la religion, toutes les couronnes d’une sainte rendent à peine tolérable la seule idée de vos chagrins. […] Des saints, me direz-vous, se sont ensevelis dans les déserts.

186. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

Il chante la sainte Vierge dans un fort beau cantique : Je ne veux plus aimer que ma mère Marie, ……………………………………………………. […] Il lui préfère « le moyen âge énorme et délicat » ; il voudrait y avoir vécu, avoir été un saint, avoir eu Haute théologie et solide morale. […] Paul Verlaine a avec Dieu des dialogues comparables (je le dis sérieusement) à ceux du saint auteur de l’Imitation. […] Avez-vous rencontré, fût-ce chez sainte Catherine de Sienne ou chez sainte Thérèse, plus belle effusion mystique ? Et pensez-vous qu’un saint ait jamais mieux parlé à Dieu que M. 

187. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Hugon racontait qu’il s’accusa, le samedi suivant, en confession « d’avoir formé des jugements téméraires sur la piété d’un saint évêque ». […] C’était lui qui lisait, au cours d’Écriture sainte, le manuscrit de M.  […] Le Hir était un savant et un saint ; il était éminemment l’un et l’autre. Cette cohabitation dans une même personne de deux entités qui ne vont guère ensemble se faisait chez lui sans collision trop sensible, car le saint l’emportait absolument et régnait en maître. […] Je passe bien des moments cruels ; cette semaine sainte, surtout, a été pour moi douloureuse ; car toute circonstance qui m’arrache à ma vie ordinaire me replonge dans mes anxiétés.

188. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

Le dernier acte de l’Orestie s’ouvre devant le temple de Delphes, le Saint des Saints de la Grèce, l’ombilic du monde. […] La légende de Pallas est chaste comme une vie de Sainte. […] Eschyle intervint par cette noble scène où il montrait l’Aréopage fondé par Pallas, comme la pierre angulaire de sa ville sainte. […] Elle plante sur la colline sainte le tribunal infaillible, à l’ombre duquel prospérera son peuple ; elle le consacre par des paroles solennelles comme les médailles qu’on jette dans les fondations d’un sanctuaire. — « Écoutez maintenant la loi que je promulgue, citoyens d’Athènes, vous, les premiers juges du sang versé ! […] Du haut de la colline sainte, elle montre à ces « Furieuses » le temple souterrain qui les attend à sa base ; temple subobscur, ainsi qu’il convient à des déesses lucifuges.

189. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Chateaubriand partit peu de temps après pour son pèlerinage en terre sainte ; c’était une croisade à lui tout seul ; elle ne parut sincère qu’aux adorateurs du Tasse : imitation sans portée de la chevalerie du quatorzième siècle par l’homme qui, trois ans auparavant, avait écrit à Londres l’Essai sur les Révolutions ; mais son style charma ses ennemis même. […] Quoi qu’il en soit, il passa quelques jours enfermé dans le couvent des Pères de terre sainte à Jérusalem, et copia sur les monuments sacrés de cette ville de longs itinéraires qui grossirent le nombre de ses pages et l’autorité de ses volumes ; puis il revint à Carthage, d’où il rentra par l’Espagne en France. […] Mais il n’éleva pas sa pensée si haut et il ne lui imprima pas un vol si saint ; il n’aspira pas à révéler à l’univers une masse de réalités nouvelles et à ramener à Dieu un chaos d’esprits égarés, pour commenter et adorer son nom. […] On s’étonnait qu’un si vaste résultat fût produit par une si mince machine poétique, et que le prophète du dix-huitième siècle n’eût pas inventé pour changer le monde quelque chose de plus neuf et de plus grand que la rêverie d’un enfant de chœur, en l’honneur de la croix de son Dieu, au bruit des cantiques sacrés et au parfum de l’encens évaporé du saint sacrifice. […] Avec quelle sainte et poétique horreur j’errais dans ces vastes édifices consacrés par les arts à la Religion !

190. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Renan, on a pu se demander s’il en avait assez de son métier d’iconoclaste et s’il était enfin lassé de gratter les Saints dans les vieux tableaux ? […] Il ne veut pas effrayer par les grosses choses qu’il pense, et vous savez de quelle dent prudente et non superbe il rogna la divinité de Notre Seigneur et le surnaturel de ses Saints ! […] On est un héros dès qu’on est très brave… Il y a les héros et les saints du Démon comme il y a les héros et les saints de Dieu, dans ce monde où le mystérieux Surnaturel tient tête, avec une invincible opiniâtreté, aux efforts de ceux qui ne veulent admettre que les vérités à démontrer et qui tombent directement sous la coupe rigoureuse de la raison. […] tous ses saints et tous ses martyrs — même ceux qu’il faisait ; car Marc-Aurèle en a fait, malgré la bonté de son âme, mais seulement, dit M.  […] Le classé d’Académie a sa case dans l’opinion comme un saint en pierre a sa niche, mais on passe devant, sans le regarder.

191. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVI. Miracles. »

Les fondateurs du christianisme vivaient dans un état de poétique ignorance au moins aussi complet que sainte Claire et les tres socii. […] Du moment qu’on regardait la maladie comme la punition d’un péché 742, ou comme le fait d’un démon 743, nullement comme le résultat de causes physiques, le meilleur médecin était le saint homme, qui avait du pouvoir dans l’ordre surnaturel. […] Le problème, d’ailleurs, se pose de la même manière pour tous les saints et les fondateurs religieux.

192. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

beaucoup à un saint ! […] Que dire de cette véritable déportation de Joseph de Maistre, dans une cour où ce supplicié de par son maître ne se débattait pas, ne criait pas, mais restait digne et doux, — un de ces doux à qui, disent les livres saints, la terre appartient, — et qui, en attendant la terre qu’il n’eut jamais, du reste, eut au moins l’estime et la faveur d’Alexandre, d’Alexandre qui avait pénétré quel homme c’était que ce Joseph de Maistre, et qui, par des procédés de grande âme, le vengea souvent des sécheresses et des ingratitudes de son roi ! […] l’homme de la rage sainte, concluant comme saint François de Sales qu’il ne faut pas dire trop de mal même du diable, et ajoutant à son talent à force de vertus, voilà pour nous la grande affaire.

193. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

Vous aviez cru qu’il fallait la docte destination du Bénédictin pour qu’un prêtre, par exemple, avec les saintes occupations de son ministère, pût devenir, par la science, un Mabillon ou un Pitra ? […] Les honneurs et la gloire ne peuvent pas grand-chose, j’imagine, sur ce casanier de l’érudition qui, depuis qu’il n’est plus curé, s’est cloîtré dans la science, et qui doit joindre l’insouciante bonhomie du savant à l’indifférence du saint pour les choses du siècle. […] Il serait difficile pour ne pas dire impossible, à l’analyse de prendre pour vous la montrer, dans le fond de sa main, toute cette poussière de textes broyés par l’auteur de la Défense de l’Église sur toutes les questions les plus variées et les moins liées les unes aux autres, sur les saints, saint Pierre, saint Irénée, Saint-Vincent de Lérins, saint Boniface, sur la bibliothèque d’Alexandrie, sur la croyance religieuse des seigneurs gallo-romains aux quatrième et cinquième siècles, sur l’Église celtique, sur la hiérarchie ecclésiastique, sur les rapports de la Papauté avec les églises particulières, italienne septentrionale, espagnole, gallicane, etc., etc.

194. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

Si souvent on a répondu sans la faire taire aux objections de la philosophie, si souvent on a vu la pensée se frappant elle-même avec l’arme de ses propres raisonnements, qu’on se trouve amené à reconnaître que l’histoire, la tradition, les faits dans leur simplicité auguste et dans leur sainte authenticité, sont les meilleurs moyens de traduire la vérité chrétienne et de l’introduire ou de l’affermir dans les esprits ; sur ce point les expériences se sont accumulées, mais il importe plus qu’on ne croit de le répéter. […] Ajoutez à cette vue générale et dominatrice que cette reproduction du texte saint, que cette vie de Notre-Seigneur, écrite par la plume inspirée de ses apôtres, était une de ces publications les plus indiquées et les plus appelées par les récentes polémiques de notre âge. […] Inspiré à son tour par le livre de sa foi et par sa cohabitation de cœur et d’esprit avec les hommes de génie qui ont écrit sur ce livre saint des pages si éclatantes et si profondes, l’abbé Brispot a plusieurs fois montré que cette espèce d’intimité, ce grand voisinage, avait porté bonheur à sa pensée.

195. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

La sainte main qui nous a écrit les Mémoires historiques ne pouvait pas, tant elle est sainte ! […] Ce saint missionnaire catholique, qui n’est jamais qu’un missionnaire, et qui ne peut pas être autre chose, a bien plus pensé, en écrivant les Mémoires historiques sur l’Australie, à l’édification de nos âmes, qu’à nous donner un livre dans le sens livresque du mot, et cependant ce livre, et un excellent livre, riche d’observations de toute espèce et de notions neuves, s’est fait sous cette plume qui n’y pensait pas !

196. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Un homme, un homme seul au xviiie siècle, nous semble recueillir en lui, amonceler dans son sein et n’exhaler qu’avec mystère tout ce qui tarissait ailleurs de pieux, de lucide et de doux, tout ce qui s’aigrissait au souffle du siècle dans de bien nobles âmes ; humilité, sincérité parfaite, goût de silence et de solitude, inextinguibles élancements de prière et de désir, encens perpétuel, harpe voilée, lampe du sanctuaire, c’était là le secret de son être, à lui ; cette nature mystique, ornée des dons les plus subtils, éveille l’idée des plus saints emblèmes. […] Pense avec un religieux transport que toutes ces religions ne cherchent qu’à ouvrir tes organes et tes facultés aux sources de l’admiration dont tu as besoin… Marchons donc ensemble avec vénération dans ces temples nombreux que nous rencontrons à tous les pas, et ne cessons pas un instant de nous croire dans les avenues du Saint des Saints. » N’est-ce pas un prélude des Harmonies qu’on entend ? […] Il faut, en effet, pour arriver à elles, pour prétendre à les ravir et à être nommé d’elles leur bienfaiteur, joindre à un fonds aussi précieux, aussi excellent que celui de l’Homme de Désir, une expression peinte aux yeux sans énigme, la forme à la fois intelligente et enchanteresse, la beauté rayonnante, idéale, mais suffisamment humaine, l’image simple et parlante comme l’employaient Virgile et Fénelon, de ces images dont la nature est semée, et qui répondent à nos secrètes empreintes ; il faut être un homme du milieu de ce monde, avoir peut-être moins purement vécu que le théosophe, sans que pourtant le sentiment du Saint se soit jamais affaibli au cœur ; il faut enfin croire en soi et oser, ne pas être humble de l’humilité contrite des solitaires, et aimer un peu la gloire comme l’aimaient ces poëtes chrétiens qu’on couronnait au Capitole.  […] Tu sais l’âge où tu vis et ses futurs accords ; Ton œil plane ; ta voile, errant de bords en bords, Glisse au cap de Circé, luit aux mers d’Artémise ; Puis l’Orient t’appelle, et sa terre promise, Et le Mont trois fois saint des divines rançons !

197. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Les héros dont elles disent les exploits finissent par devenir des saints. […] Troubadours et trouvères chantent avec une dévotion égale leur dame et la sainte Vierge. Ils sont les auxiliaires des prédicateurs ; ils poussent les chevaliers à partir pour la Terre Sainte ; ils font honte à ceux qui en reviennent sans avoir rien fait. […] Les sujets traités ont été avant tout tirés de l’histoire sainte ; de là le nom de miracles et de mystères que les pièces ont gardé ; mais à la fin du moyen âge le nom devient menteur  ; il couvre des sujets empruntés à l’histoire nationale, aux romans d’aventure, à la vie de tous les jours et même aux fables païennes. […] Il faut relever le caractère spécial qu’a revêtu alors le catholicisme ; quelle secte, quel ordre y dominait ; quel saint, quel grand homme du passé y était pris pour modèle ; quelle face du dogme y était exposée en plein jour et quelle laissée dans l’ombre ; si la première place y était donnée à l’Ancien ou au Nouveau Testament ; s’il s’adressait de préférence au peuple ou bien à telle ou telle classe privilégiée ; s’il voulait parler à la raison, au cœur, à l’imagination, aux sens ; quels étaient les ; sujets de controverse où il se complaisait, etc.

198. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

La notion de l’enfer, telle que le Moyen Age l’admettait, dans sa simplicité terrifiante, n’a donc eu pour poètes que quelques mystiques chrétiens comme sainte Brigitte et sainte Thérèse, lesquelles nous ont donné, en peu de traits, des enfers bien autrement épouvantables que celui du Dante : mais, comme il ne s’agit pas ici de poètes surnaturels, mais de poètes littéraires, nous n’avons pas à en parler. […] Un autre poète aurait montré peut-être quelque point de vue inconnu, tout en restant ancré et solide dans le dogme : Jésus-Christ, par exemple, s’effaçant devant les saints parvis, mais les coupables n’osant entrer dans l’effrayante lumière, et se damnant eux-mêmes comme ils l’ont fait pendant la vie, se précipitant en enfer pour se cacher à leurs propres yeux, et criant : « Plus noir ! […] Quand il prend un à un, avec un détail prodigieux et une verve qui vous enlève dans son tourbillon, tous les coupables de l’humanité, et qu’il les dénombre, les démasque et les rejette de la face de Dieu, comme disent les Saints Livres, — il a vraiment dans l’expression la pointe acharnée du glaive de flammes torses de l’Archange. […] Amédée Pommier, le poète chrétien, de tête du moins, doit être appelé matérialiste par les spiritualistes du Déisme et de la métempsychose, parce qu’il n’a pas craint de retracer, avec une énergie formidable, les douleurs de la damnation et les supplices de ces ténèbres extérieures où, selon notre foi et nos saints livres, il y aura des pleurs et des grincements de dents.

199. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VII. Suite du précédent. — Paul et Virginie. »

Bernardin de Saint-Pierre, qui, dans ses Études de la Nature, cherche à justifier les voies de Dieu et à prouver la beauté de la religion, a dû nourrir son génie de la lecture des livres saints. […] On nous fera peut-être une objection : on dira que ce n’est pas le charme emprunté des livres saints qui donne à Bernardin de Saint-Pierre la supériorité sur Théocrite, mais son talent pour peindre la nature.

200. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVI. Des Livres nécessaires pour connoître sa Religion. » pp. 346-352

On ne veut pas qu’un laïque palisse sur les difficultés de l’Ecriture sainte, qu’il cherche les dogmes de l’Eglise dans la tradition ; qu’il étudie les casuistes & les scholastiques. […] Il est inutile de recommander la lecture de l’Histoire sacrée & ecclésiastique & celle de la vie des Saints ; ces livres ont des charmes mêmes pour ceux qui ne se consacrent pas à la piété.

201. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Je consulte l’almanach de cette année, et, au lieu de la fête du Tabac, je trouve celle de sainte Berthe… Qui cela, sainte Berthe ? […] Pas de sainte Berthe pour un sou, mais une sainte beaucoup plus inattendue : sainte Godolène ! Va pour sainte Godolène ! […] Il y a là une quantité de saints et de saintes des temps mérovingiens et carlovingiens, qui meurent assassinés. […] Sainte Marie l’Égyptienne y est couramment appelée « la sainte pécheresse ».

202. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Vous savez que la nuit on les voit tout lumineux, entourés d’une auréole comme l’auréole des saints. […] De très saints personnages les recommandaient comme lecture de carême. […] Les âmes, les étoiles des princes justes et saints composent ensemble la figure de l’aigle impériale aux ailes éployées. […] À deux ou trois reprises, il reprendra l’étude des livres saints. […] Il est tout près de s’affilier aux congrégations quiétistes des saints du protestantisme.

203. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Parmi les pères chartreux du Liget qui étaient assez proches voisins, il y avait un dom Marc Durant qui avait fait un poème français sur Sainte Madeleine intitulé : La Magdaliade. […] Dans un voyage de trois mois qu’il fit en sa compagnie, il traduisit l’office de la Semaine sainte, « pour l’amour de Mlle de Nevers, dit-il, à qui sa piété en avait suggéré le désir ». […] Il n’avait donné que son Lucain, une suite de l’histoire romaine de Coeffeteau, tirée d’Aurelius Victor et autres, quelques versions de l’office de la Semaine sainte, des heures canoniales, des épîtres et Évangiles. […] Dans un voyage avec la princesse, en passant à Amiens, comme on présentait parmi les reliques le chef de saint Jean-Baptiste à baiser, il s’en approcha après elle et, sur son invitation, fit de même, tout en disant à demi-voix de cette tête du saint : « C’est la cinq ou sixième que j’ai l’honneur de baiser. » Il raconte avec complaisance en ses mémoires ce propos dont il est tout fier.

204. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Trébutien, y appliquant son soin comme un moine fervent du Moyen Âge eût fait à l’écriture et à l’enluminure d’un saint missel, trésor de son abbaye, en a procuré l’édition. […] Il s’en prend à son âme de ressentir avec tant de vivacité les insinuations et les voluptés de la nature, un jour de divine componction et de deuil, car ce 5 avril était un vendredi saint. […] Que l’on se figure, à La Chênaie, qui s’appelait encore une maison sainte, le jour de Pâques de cette année 1833, le 7 avril, une matinée radieuse, et ce qui s’y passait une dernière fois de touchant. Celui qui était encore l’abbé de Lamennais célébrait dans la chapelle la messe pascale, — sa dernière messe2 —, et y donnait de sa main la communion à de jeunes disciples restés fidèles, et qui le croyaient fidèle aussi : c’étaient Guérin, Élie de Kertangui, François du Breil de Marzan, jeune poète fervent, tout heureux de ramener à la sainte table une recrue nouvelle, un ami plus âgé de dix ans, Hippolyte de La Morvonnais, poète lui-même.

205. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Vous irez visiter, pour votre bienvenue, Madame la Baillive et Madame l’Élue Qui d’un siège pliant vous feront honorer… Bref, c’est du hobereau peut-être autant que du saint homme que le bourgeois Orgon semble s’être entiché ; et cette croyance à la « qualité » de Tartuffe achève d’expliquer l’ascendant que Tartuffe a pris sur lui. (Au surplus, des traits que nous jugeons grossiers et ridicules pouvaient fort bien toucher un bourgeois qui, sans doute, comme beaucoup de ses contemporains, lisait encore régulièrement la Vie des Saints. […] Orgon a, de lui-même, remarqué ce saint homme qui ne lui demandait rien et se contentait de lui offrir discrètement de l’eau bénite à la sortie de l’église : Instruit par son garçon, qui dans tout l’imitait, Et de son indigence, et de ce qu’il était, Je lui faisais des dons ; mais avec modestie Il me voulait toujours en rendre une partie. […] Voyez aussi comme, au premier acte, il définit, par la bouche de Cléante, l’espèce à laquelle appartient Tartuffe, et ce qu’il dit de ces « francs charlatans » De qui la sacrilège et trompeuse grimace Abuse impunément, et se joue à leur gré De ce qu’ont les mortels de plus saint et sacré…..

206. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 272-292

Ce Discours est un vrai modele à proposer aux Orateurs Chrétiens, soit pour l’art d’appliquer sans affectation l’Ecriture Sainte, soit pour celui de savoir disposer, embellir & animer les Productions de leur propre génie. […] Son Livre des Maximes des Saints fut condamné par lui-même, aussi-tôt qu’il eut été condamné à Rome. […] Ce Soleil représente la Vérité foudroyant plusieurs Livres d’erreurs, parmi lesquels on en voir un intitulé : Maximes des Saints.

207. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Il composa et prêcha plusieurs sermons : et l’on a encore aujourd’hui un de ses ouvrages, intitulé : Discours à l’assemblée des Saints ; sermon composé et prêché à Byzance, pour la fête de Pâques, par le successeur de César et d’Auguste. […] C’est ainsi, dit-il, en parlant de Constance, qu’il apprenait à commander, mais en même temps il apprenait aussi à obéir ; et il obéissait à ce qu’il y a de plus saint sur la terre, la nature et la loi. […] Il ne permettra pas plus qu’à des lois utiles et saintes, on joigne une mauvaise loi, qu’il ne permettrait qu’on mît un esclave au rang de ses enfants.

208. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 79-87

Il se met à crier, dans son délire : Janséniste, qu’on a vu donner des scènes au cimetiere de St. […] Il dit que j’ai donné des scènes au cimetiere de St.

209. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Appendice. Note concernant M. Laurent-Pichat, et Hégésippe Moreau. (Se rapporte à la page 395.) » pp. 541-544

C’est ainsi que se sont formées les légendes des saints. […] Troublez une communauté de moines dans l’œuvre de la canonisation d’un de leurs saints, ils vous jetteront la pierre et ne feront qu’entonner plus haut leur Hosannah

210. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre IV. De quelques poèmes français et étrangers. »

Le prophète Samuel raconte à David l’histoire des rois d’Israël : Jamais, dit le grand saint, la fière tyrannie Devant le Roi des rois ne demeure impunie : Et de nos derniers chefs le juste châtiment En fournit à toute heure un triste monument. […] ……………………………………………… Mais Dieu fait sur ces fils, dans le vice obstinés, Tonner l’arrêt des coups qui leur sont destinés ; Et par un saint héros, dont la voix les menace, Leur annonce leur perte et celle de leur race.

211. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

C’est ainsi (j’ai omis de le dire) qu’elle était née au château de Vincennes, durant la prison du prince de Condé son père (1619), à ce Vincennes où son frère le grand Condé, captif, cultivera des œillets un jour, à ce Vincennes de saint Louis, destiné à porter au front, dans l’avenir, l’éclaboussure du sang du dernier Condé. […] Marcel, curé de Saint-Jacques, et d’autres également sûrs ; elle écrivait très-assidûment au saint évêque d’Aleth (Pavillon), et suivait en détails ses réponses comme des oracles. […] Pour juger de deux femmes, il ne serait pas tout à fait équitable d’aller prendre la plus sérieuse un soir de bal, et la plus légère un jour de vendredi saint. […] Ce n’est pas que je voulusse la faire passer pour une sainte qui est allée jouir de Dieu au sortir de ce monde ; tout ce qui se passe dans l’autre nous est caché. […] On peut excéder en la louant, et il est si naturel de se chercher soi-même quand on loue les autres, parce qu’il est aisé que nous nous regardions là dedans, que le meilleur est de peu louer, et d’attendre ce grand jour auquel Dieu ne rend pas seulement à chacun selon ses œuvres, mais où il louera lui-même ses saints. » Cette lettre de M. de Pontchâteau, dans sa naïveté et sa discrétion, est la plus digne oraison funèbre.

212. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

A part l’illusion d’optique psychologique qui fait croire au mystique que c’est une autre volonté que la sienne qui opère en lui, c’est bien la vie de l’esprit, la même vie pour le sage que pour le saint. […] C’est le mysticisme de l’école d’une sainte Thérèse et d’un Fénelon. Quand sainte Thérèse s’écrie : « Mon Dieu, l’enfer, s’il le faut, pourvu que je puisse encore vous aimer !  […] On peut, avec sainte Thérèse, avec Fénelon, avec Maine de Biran, parler d’anéantir sa personnalité en Dieu sans compromettre aucun des attributs supérieurs et vraiment humains de cette personnalité. […] Aussi peut-on dire que le sentiment religieux a constamment été en raison du sentiment moral, et quand la foi du croyant a eu besoin d’un commentaire de la parole sainte, où l’a-t-elle cherché ?

213. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

La plupart des saints d’autrefois furent créés par le peuple malgré les prêtres ; au cours des siècles, le catalogue des saints et le catalogue des grands hommes se sont différenciés, au point de ne plus bientôt porter un seul nom commun. […] Une sainte Cécile pouvait-elle se plaire à Gallus ? […] Une confrérie se forma pour exploiter le crédit de la sainte entêtée. […] Délégué par l’enfer pour tenter et affliger le saint, ce démon, pendant vingt ans, obséda ses courtes nuits. […] La vie des saints leur a donné des modèles d’amour ; la vie des poètes leur donnera des modèles d’intelligence.

214. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre V. Suite des précédents. — Héloïse et Abeilard. »

On conçoit les transports de ces hommes saints, qui, retirés sur le sommet des montagnes, mettaient toute leur vie aux pieds de Dieu, perçaient à force d’amour les voûtes de l’éternité, et parvenaient à contempler la lumière primitive. […] Après le morceau que nous avons cité, on lit ces vers : Chères sœurs, de mes fers compagnes innocentes Sous ces portiques saints, colombes gémissantes, Vous qui ne connoissez que ces faibles vertus Que la religion donne… et que je n’ai plus ; Vous qui, dans les langueurs d’un esprit monastique, Ignorez de l’amour l’empire tyrannique ; Vous, enfin, qui, n’ayant que Dieu seul pour amant, Aimez par habitude, et non par sentiment, Que vos cœurs sont heureux, puisqu’ils sont insensibles !

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