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32. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

En effet, en chaque affaire, il nous expose au long ce qu’il a dit dans le Conseil. […] La république de Venise était aux prises avec l’archiduc de Gratz ; Louis XIII, par le conseil de Richelieu, veut évoquer à lui l’affaire ; et, comme la guerre de Piémont se prolonge malgré les efforts qu’on a faits sur les lieux pour l’apaiser, Louis XIII désire également que le duc de Savoie dépêche un négociateur à Paris pour traiter avec l’ambassadeur d’Espagne qui y réside, jugeant que l’affaire se réglera mieux auprès de sa personne ; il envoie en Espagne un ambassadeur pour obtenir, à cet effet, l’agrément du Roi Catholique. […] Les grands et les seigneurs, qu’il avait autrefois combattus, se soulèvent cette fois de son côté, ce semble, et au nom de la reine mère ; ils entourent celle-ci de leurs intrigues, et, sous prétexte de délivrer le royaume d’un nouveau favori, ils ne songent qu’à leurs affaires particulières. […] Au lendemain de la défaite du Pont-de-Cé, c’est lui encore qui contribuait le plus à raccommoder les affaires, et à ménager une paix dans laquelle Luynes vainqueur n’abusa pas, cette fois, de son avantage. […] Je puis dire avec vérité, le sachant par expérience, que la légèreté de telles gens n’est pas moins dangereuse en l’administration des affaires publiques, que la malice de beaucoup d’autres.

33. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Alexandre Dumas fils » pp. 281-291

Alexandre Dumas fils L’Affaire Clémenceau. […] Il faut que je vous présente L’Affaire Clémenceau 27. […] Dans L’Affaire Clémenceau, il y a tout un côté Girardin qui touchera probablement jusqu’aux larmes l’homme avec qui Alexandre Dumas fils s’est brouillé, pour cause de paternité partagée… et qui le ramènera peut-être à Alexandre Dumas fils, en vertu d’un attendrissement intellectuel et généreux ! La question de la bâtardise, la possession d’état de l’enfant naturel, la position que doit faire la législation à la fille-mère, toutes ces questions sont touchées dans L’Affaire Clémenceau avec une curiosité enfantino-frémissante ; et, quoiqu’elles n’y soient pas résolues, quoiqu’elles n’y soient agitées que comme l’enfant agite la boîte où il a mis des scarabées et qu’il colle contre son oreille pour les entendre qui remuent, on sent que la partie de son livre que Dumas fils estime davantage, c’est le remuement de ces questions… Du reste, ce côté inattendu et révélé dans le nouveau roman d’Alexandre Dumas fils ne l’a pas empêché cependant de rester parfaitement le fils de son père, même à propos de cette question du bâtard qui s’étend sous les pieds de tout dans son livre, et qui en est comme le sous-sol. […] Telle est l’histoire de cette Affaire Clémenceau.

34. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Les affaires d’ailleurs, au moment où il les prit en main, étaient dans la situation la plus déplorable. […] Si le sourire était permis en un tel sujet, on sourirait à voir la manière dont il présenta constamment, et de plus en plus, cette affaire, après tout sinistre, de Malplaquet. […] Villars, en 1712, n’allait plus avoir affaire du moins qu’au seul prince Eugène, et sa cour aussi devait lui laisser plus de liberté d’action. […] [NdA] On lit dans l’ouvrage intitulé : Mes rêveries, du maréchal de Saxe, le récit suivant qui a tout son prix, étant d’un grand homme de guerre et qui, lui-même, avait dû causer de l’affaire avec Villars et avec le prince Eugène : À l’affaire de Denain, le maréchal de Villars était perdu, si le prince Eugène eût marché à lui, lorsqu’il passa la rivière en sa présence, en lui prêtant le flanc. […] Or cette paix était, dit-il, fort antérieure à l’affaire de Denain.

35. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

On ne doit pas oublier toutefois quelle légèreté M. de Choiseul apporta dans ces affaires mêmes des colonies, et d’après quel « plan insensé » furent conduites les expéditions aventureuses de la Guyane (1763-1767). […] C’est à cette laide affaire que sir Henry Bulwer fait allusion dans une note où il est dit : « Quant à ses habitudes à cet égard (à sa manière de s’enrichir), il ne sera peut-être pas mal d’avoir recours à la correspondance américaine, Papiers d’État et documents publics des États-Unis (t. […] Une telle affaire avérée, comme le mensonge dont je parlais l’autre jour, en représente et en suppose des milliers d’autres. […] Cette place était naturellement due à Talleyrand ; mais, pour ne pas trop froisser l’opinion publique, fort indisposée contre lui, surtout pour les affaires d’Amérique, Reinhard fut conservé dans les premiers moments. » Et après cela, innocents et lettrés que nous sommes, n’insistons plus trop sur les beaux Mémoires de l’an V, sur celui, en particulier, qui traité si bien du moral et de l’esprit commercial de ces mêmes États-Unis ; avis à nous ! […] Le rôle de Talleyrand dans cette affaire du duc d’Enghien mérite d’être examiné à part et de près : c’est ce que je ferai ultérieurement.

36. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Il me chargea encore de quelques autres affaires ; et, étant fort content de moi, cela me fit espérer que je pourrais faire quelque chose par ce chemin-là. […] On attendait un grand et infaillible secours de quelques affaires extraordinaires, rentes et augmentations de gages, mais la vérification n’en put être faite assez promptement. […] Girardin, le plus hardi des hommes d’affaires, avait promis deux millions d’avance, mais il était malade à l’extrémité ; Monnerol le jeune, qui ne lui cédait ni en crédit ni en courage, pour quelque indisposition était aux eaux de Bourbon, etc. […] Tout le monde alors dans les finances faisait des affaires ; le tort de Fouquet fut d’en faire plus qu’un autre, avec profusion, avec scandale, et de ne pas s’apercevoir que le moment était venu où il fallait changer de méthode et compter avec le maître. […] L’abondance paraissait en même temps chez les gens d’affaires, qui d’un côté couvraient toutes leurs malversations par toute sorte d’artifice, et les découvraient de l’autre par un luxe insolent et audacieux, comme s’ils eussent appréhendé de me les laisser ignorer.

37. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Cette solennité pathétique fait un peu sourire, quand on songe que tout cela n’avait pour effet que d’associer Beaumarchais à des gains d’affaires, à des intérêts dans les vivres, et de le rendre riche à millions. […] Cette affaire de famille terminée, et sorti des périls qu’elle lui a suscités, Beaumarchais resta encore toute une année en Espagne, à essayer de faire des affaires et des entreprises importantes au nom d’une compagnie française. […] Son adversaire le comte de La Blache profite de l’à-propos pour tirer sur le temps, comme on dit, pour pousser l’affaire des quinze mille livres devant le Parlement ; il représente Beaumarchais comme un homme perdu, un scélérat qui a abusé de la confiance de tous ceux qu’il a approchés. […] Dans ce court espace de temps, il avait plusieurs fois tenté inutilement de pénétrer jusqu’au conseiller Goëzman, rapporteur dans son affaire, et rapporteur prévenu et défavorable. […] Pour concevoir comment il put ainsi retourner l’opinion, n’oublions pas que ce Parlement à qui il avait affaire était celui que le chancelier Maupeou avait substitué à l’ancien Parlement exilé et aboli.

38. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Revenu d’Italie en France en 1686, Lassay trouva des ennuis domestiques : il avait une fille du premier lit qu’il avait confiée en partant à Mme de La Fayette ; celle-ci qui écrivait de si agréables romans, mais qui n’entendait pas moins bien les affaires positives, jugea que cette pupille était un bon parti pour son fils, et elle était près d’arranger ce mariage contre le gré du père qu’elle cherchait à tenir éloigné. […] Quand sa fureur l’agite, ceux qui ne le connaissent point et qui l’entendent parler croient qu’il va tout renverser, mais ceux qui le connaissent savent que ses menaces n’ont point de suite, et que l’on n’a à appréhender que les premiers mouvements de cette fureur ; ce n’est pas qu’il ne soit assez méchant pour faire beaucoup de mal de sang-froid, mais c’est qu’il est trop faible et trop timide, et on ne doit craindre que le mal qu’il peut espérer de faire par des voies détournées, et jamais celui qui se fait à force ouverte… Il est avare, injuste, défiant au-dessus de tout ce qu’on peut dire ; sa plus grande dépense a toujours été en espions ; il ne peut pas souffrir que deux personnes parlent bas ensemble, il s’imagine que c’est de lui et contre lui qu’on parle… Dans les affaires qu’il a, il se sert tantôt de discours captieux et tantôt de discours embarrassés pour cacher le but où il veut aller, croyant être bien fin… Jamais il ne va au bien de l’affaire, soit qu’il soit question de l’État, de sa famille ou d’autres gens ; il est toujours conduit par quelque sorte d’intérêt prochain ou éloigné, et, au défaut de l’intérêt, par la haine, par l’envie ou par une basse politique. […] De plus, il est paresseux ; il craint les affaires, et il aime le plaisir ; peut-être que de grands objets pourraient l’obliger à se vaincre là-dessus, mais on ne se donne ni la fermeté ni le discernement ; et, quand ces deux choses manquent, quelques perfections qu’on ait d’ailleurs, on n’est pas un homme du premier ordre. […] Dans les affaires, chacun pense et imagine pour eux, ils n’ont qu’à prendre le bon parti ; et, dans toutes les choses qu’on leur présente et qu’on leur dit, ils n’ont qu’à tâcher à démêler la vérité et à ne plus changer quand ils l’ont une fois saisie. […] Il n’aimait la campagne que comme temps de repos, pour se remettre en vivacité et comme en appétit de société : Un homme qui a de l’esprit, disait-il, est plus aimable à la campagne qu’ailleurs ; on lui trouve la tête débarrassée des affaires et des intrigues du monde ; il est affamé de conversation, et son esprit, qui est reposé et rempli de mille réflexions qu’il a faites, est plus vif qu’à l’ordinaire.

39. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Ce n’est pas seulement dans l’exercice du pouvoir politique, c’est dans toutes les affaires de la vie qu’il faut accepter la lutte du bien contre le mal. Si on ne se mêlait que de celles où l’on serait sûr de faire tout ce qu’on croit bien ou vrai sans transaction, on ne ferait pas même ses propres affaires ; il faudrait se renfermer dans l’inaction. […] Si vous arrivez, je m’en féliciterai pour vous, et d’autant plus, permettez-moi de l’ajouter, que la pratique des affaires et des hommes pourra vous rapprocher de ces malheureux ministres qu’il vous paraîtrait si fâcheux aujourd’hui de paraître appuyer. […] Lisant plus tard les Mémoires de Marmont, il l’appelle « un de ces aventuriers (fort bien élevés d’ailleurs), que la Révolution française a fait percer ». — « Je m’étonne toujours, dit-il, qu’on ait pris part à de si grandes choses, touché à de si grandes affaires et vécu en telle compagnie, et qu’on n’ait que cela à dire ? […] Une pareille promenade devrait suffire pour apprendre à supporter paisiblement le mouvement de toutes les affaires de ce monde.

40. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Il était temps que les affaires et le monde revinssent occuper cette vive et brillante intelligence. […]  » Je les ai quittées pour les affaires, sans les avoir oubliées, et je les retrouve avec plaisir. […] Aussi suis-je surpris de voir avec quel sans-façon et quel ton de supériorité des écrivains qui sont plus ou moins historiens, ont parlé de lui quand ils l’ont rencontré sur leur chemin à titre de témoin et de confident diplomatique dans les grandes affaires de Rome. […] Je suis persuadé qu’après l’affaire des Jésuites tout le monde en sera content. […]  » Le résumé de la conduite de Bernis en cette grande et longue affaire est dans cette parole.

41. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Jomini venait tous les matins prendre ses ordres, et en même temps raisonner avec lui sur les affaires générales de l’Europe. […] L’aide de camp du jour n’entrait dans sa chambre que pour affaire de service, ou bien quand il était appelé, et c’était la chose la plus rare que de voir le maréchal causer avec aucun d’entre nous. […] Napoléon l’attendait avec des trépignements d’impatience ; enfin, à une heure, il se montra sur les hauteurs de droite, poussant devant lui les brigades détachées de l’ennemi, et venant rétablir les affaires. […] Le 8, à neuf heures du matin, l’Empereur monta à cheval, et l’affaire s’engagea. […] M. le maréchal Ney, qui l’employait comme aide de camp, a bien voulu le citer d’une manière honorable dans le rapport des affaires d’Ulm, qui a été adressé à S.

42. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

L’affaire de Casai, sourdement menée jusqu’alors, qui passait pour manquée, et qui s’était renouée très secrètement avec le duc de Mantoue et ses ministres après la trahison de Mattioli, éclata sur ce temps. […] Et pourtant elle commençait à connaître à qui elle avait affaire désormais en la personne du jeune duc. […] D’ailleurs il s’adonnait aux affaires et ne laissait personne lire dans ses pensées. […] Il appliquait en toute occasion ce mot qui lui était échappé, parlant à son ancien gouverneur, « que dorénavant il voudrait, s’il lui était possible, négocier et traiter d’affaires sous terre. » On ne savait jamais au juste, en effet, quand on traitait avec lui, où l’on en était ni où l’atteindre. […] Il fait affaire de tout ; il additionne grief sur grief pour en former une somme de plaintes, pour se donner l’air d’une victime.

43. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Quelque temps conseiller au parlement de Bordeaux, Montaigne se retira avant quarante ans du train des affaires et de l’ambition pour vivre chez lui, dans sa tour de Montaigne, jouissant de lui-même et de son esprit, adonné à ses observations, à ses pensées et à cette paresse occupée dont nous savons jusqu’aux moindres jeux et aux fantaisies. […] Et redoublant sa pensée, selon son usage, par toutes sortes d’images et de formes familières et pittoresques, il dira encore que, s’il se laisse quelquefois pousser au maniement d’affaires qui lui sont étrangères, il promet « de les prendre en main, non pas au poumon et au foie ». […]  » Lui, il ne faisait pas ainsi, il n’étalait rien ; il ménageait le plus doucement qu’il pouvait les esprits et les affaires ; il usait utilement pour tous de ce don d’ouverture et de conciliation, de cet attrait personnel dont la nature l’avait pourvu, et qui est d’une si heureuse et si générale influence dans le maniement des hommes. […] » Loin donc de désirer que le trouble et la maladie des affaires de la cité vînt rehausser et honorer son gouvernement, il a « prêté de bon cœur, dit-il, l’épaule à leur aisance et facilité ». […] Payen) est toute d’affaires.

44. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Une femme de bien (je laisse au cardinal son langage) ne coucherait pas avec son mari, ni une coquette avec son galant, s’ils ne leur avaient parlé ce jour-là d’affaires d’État ; elles veulent tout voir, tout connaître, tout savoir, et, qui pis est, tout faire et tout brouiller. […] Jusque-là ses ambitions et ses intrigues s’étaient dispersées sur des affaires accessoires et secondaires. […] Il lui fallait passer par ces soins domestiques pour arriver aux affaires d’État et pour y conduire peu à peu ce jeune couple. Pendant la campagne d’Italie que voulut faire Philippe V, Mme des Ursins, selon les devoirs et les prérogatives de sa charge, ne quitta pas un seul instant la reine : elle assistait chaque fois avec elle aux séances de la Junte, et, sous prétexte de l’initier aux affaires, elle-même elle en pénétrait le secret. […] Cependant, oubliant nos intérêts communs, elle s’est livrée tout entière à une inimitié que j’ignorais, et n’a songé qu’à contredire ceux qui ont été chargés de nos affaires.

45. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

Le patriotisme qui règne en Angleterre, inspire une sorte d’intérêt de famille pour les questions d’une utilité générale ; on peut en entretenir les Anglais aussi longuement que de leurs affaires particulières ; et les auteurs, confiants dans cette disposition, abusent souvent de la liberté qu’elle accorde. […] Ayant plus souvent servi aux affaires qu’à la littérature, elle manque encore d’un très grand nombre de nuances ; et il faut beaucoup plus de finesse et de correction dans une langue pour bien écrire en prose que pour bien écrire en vers. […] On applique en Angleterre l’esprit des affaires aux principes de la littérature ; et l’on interdit dans les ouvrages raison nés tout appel à l’émotion, tout ce qui pourrait influencer le moins du monde le libre exercice du jugement. […] Mirabeau, et quelques autres après lui, ont un talent plus entraînant, plus dramatique que celui des Anglais ; l’habitude des affaires s’y montre moins, et le besoin des succès de l’esprit beaucoup davantage. […] L’orateur de l’opposition n’étant point chargé de la direction des affaires, doit montrer presque toujours plus d’éloquence que le ministre.

46. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Mais, à propos de banqueroute, tenez-vous que cela puisse rétablir les mauvaises affaires d’un homme ? […] Un homme qui a cette prudence une seule fois en sa vie n’est-il pas pour jamais au-dessus de ses affaires ? […] Apparemment, messieurs, vous me croyez plus mal dans mes affaires que je ne suis. […] N’en parlons plus, c’est une affaire faite. […] Et les usuriers, seigneur, y font bien leurs affaires ?

47. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

C’est l’affaire des Lettres et des Mémoires. […] « Qu’écrire à une femme, lui dit-il, si on ne lui peut parler ni d’affaires ni d’amour ?  […] Saint-Simon était pourtant capable d’affaires ; il savait les comprendre et les démêler. […] Il est plus d’une petite affaire qu’il a prise pour une grande, surtout parmi celles qui touchaient son préjugé. […] Il n’est pas, en effet, de petite affaire dans son récit, parce qu’il n’en est pas une qui ne mette en jeu quelque passion.

48. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

Son oncle était Abel Servien, copartageant avec Fouquet de la surintendance des finances… À l’âge où l’on est encore dans les Pages, Hugues de Lionne était dans les affaires. […] Lionne dut tirer souvent de cette qualité de grand seigneur, qui est peut-être un vice, un parti énorme ; car, en affaires, les hommes sont subjugués par l’aisance, la largeur sceptique, les grandes manières, qui sont parfois de grandes impertinences, et un jugement qui passe à cent pieds au-dessus de toutes choses. […] Il mourut de ses travaux et de ses passions, jeune encore, mais exténué par les affaires et par les plaisirs, ce robuste, taillé pour tous les excès, « consumé d’une flamme qui brûlait sous sa peau amincie et pâle », dit un ambassadeur, frappé de la consomption d’un tel homme. […] Supposez Michelet ou Chateaubriand, ou tout autre historien qui aurait eu le sentiment profond de l’Histoire, croyez-vous qu’ils n’auraient pas animé devant nous, et fait vivre dans leur action même, Innocent X, Alexandre VII, les Barberini, le duc de Parme, tous les hommes, enfin, à qui Lionne eut affaire, en ces deux négociations, dans lesquelles, il faut bien le dire, il fut battu, mais ne fut pas content ? […] En l’acceptant comme elle est écrite, on se demande si la diplomatie est plus qu’une alchimie de riens, — ou quelque obstiné travail d’insecte, quelque tissage de fils d’araignée, interrompu et recommencé dans des circumflexions, sur place, infinies, — et on se sent pris, pour ces petits travailleurs en grandes affaires, du mépris qu’avait pour la médiocrité des meneurs du monde le grand chancelier Oxenstiern, qui s’y connaissait !

49. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

La grande affaire est de le démêler, d’avoir le meilleur, de ne pas suivre un autre à sa place ; c’est un grand bonheur qu’il y en ait un, et qu’on le reconnaisse. […] Il y en a dans le mariage, où l’homme règne incontesté, suivi par sa femme jusqu’au bout du monde, fidèlement attendu le soir, libre dans ses affaires qu’il ne communique pas. […] L’auditoire applaudissait ou sifflait, à volonté. « En somme, me disait un Anglais, c’est de cette façon-là que nous faisons nos affaires. […] Prenons le jour où le silence des affaires laisse aux aspirations désintéressées un libre champ. […] À tous ces titres, il peut être dans son canton le guide des idées, comme son voisin le squire est le guide des affaires.

50. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Les princes du sang, les Condé, en se convertissant à la religion catholique, n’avaient pas affaibli, selon Rohan, la position des réformés ; car ces princes, s’ils maintenaient le parti, en étaient maintenus et faisaient le plus souvent leurs affaires aux dépens de tous. […] Ce n’est que dans la seconde guerre que Rohan rencontra en face l’ascendant de ce glorieux cardinal, en qui il crut ne voir d’abord qu’un favori de plus : « À cette faveur, dit-il en parlant du marquis de La Vieuville, succéda celle du cardinal de Richelieu, introduit par La Vieuville dans les affaires ; voilà comme tous ces favoris se servent fidèlement les uns les autres… L’appui que le cardinal trouve en la reine mère fait durer sa faveur plus longuement que celle des autres, et aussi la rend plus insolente. » Il paraît avoir été quelque temps avant de s’apercevoir qu’il avait rencontré en lui son grand et fatal adversaire. […] Il le redira plus tard en vingt endroits : « Qui a affaire à un peuple qui ne trouve rien de difficile à entreprendre, et qui, en l’exécution, ne pourvoit à rien, se trouve bien empêché. » Il souhaite à ceux qui viendront après lui « d’avoir autant d’affeclion, de fidélité et de patience qu’il en a eu, et de rencontrer des peuples plus constants, plus zélés et moins avares. » Cette âme fière, ce capitaine énergique fait pour commander, cette nature aristocratique, ambitieuse de grands desseins et entravée à chaque pas, avait dû beaucoup souffrir. […] La conclusion de Richelieu est que « tant que les huguenots auront le pied en France, le roi ne sera jamais le maître au dedans, ni ne pourra entreprendre aucune action glorieuse au dehors » ; qu’il n’y a pas moyen de faire deux affaires considérables à la fois ; que le mal interne, fût-il moindre en soi, est le pire et celui auquel il faut avant tout pourvoir. […] Ce double sentiment contraire qui animait l’assiégeant et l’assiégé se peint avec fidélité dans les pages tant de Richelieu que de Rohan ; ce dernier, qui, pendant ce temps-là, tenait la campagne dans le Midi et se bornait à occuper les troupes du roi par une suite d’escarmouches et de petites affaires, sentait bien que le fort de l’action se passait là où il n’était pas, et que le sort de la cause se décidait ailleurs.

51. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Ne trouvez-vous pas que toutes ces Correspondances princières divulguées font, en définitive, les affaires de l’opinion populaire et de la démocratie ? […] Elle doit apprendre de bonne heure à s’occuper de choses sérieuses et se rendre capable d’être utile à son époux, s’il lui demandait un avis et lui parlait amicalement des affaires. […] Le peu que j’entends des affaires me fait voir qu’il y en a de fort difficiles et embarrassantes. […] Sans cette affaire de bracelets et d’autres pareilles, on n’aurait peut-être jamais eu l’idée du fameux collier, et tout ce roman infamant qui s’y rattache n’aurait pas eu prétexte de naître. […] L’auguste mère voudrait donc qu’auprès du roi il y eût une épouse, compagne constante, amie fidèle, confidente sûre, entendue aux affaires, capable de raisonner de tout avec lui, et, au besoin, de le soulager, peut-être même de prendre à certains moments un ascendant salutaire.

52. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

— Sire, écoutez mes petites affaires. […] Mes voitures me coûtent gros ; soulagez-moi en m’accordant une affaire. […] La sensibilité violente est la moitié du génie ; pour arracher les hommes à leurs affaires, pour leur imposer ses douleurs et ses joies, il faut une surabondance de douleur et de joie. […] La mère de Saint-Simon ne voulait pas donner des lettres d’État, essentielles pour l’affaire. […] Il n’est pas d’affaire qu’il n’anime, ni d’objet qu’il ne rende visible.

53. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Il se conduisait en ces affaires, même ecclésiastiques, à la manière d’un galant homme du monde qui se fait honneur d’être fidèle à ses amis dans la disgrâce. […] Il s’agissait d’une affaire très-compliquée, d’un procès qui durait depuis déjà longtemps. […] M. de Pomponne entrait aux affaires, et allait prêter à ce noble bon sens du monarque l’élégance de plume d’un Arnauld. […] J’ai noté jusqu’à trois discussions de ce genre dans lesquelles il eut plus ou moins affaire à des hommes de Port-Royal : la première avec M. […] Ce n’est pas ici le lieu d’exposer à fond et de démêler ces affaires auxquelles il faudrait apporter un grand détail pour les rendre intéressantes.

54. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Sans mettre officiellement la main au timon des affaires, ils sont en réalité les maîtres et les rois. […] Voilà donc l’homme de lettres qui abandonne la sphère des idées, où il trouvait sa force, pour celle des affaires, où il l’épuisé. […] Le cabinet, les conseils, les audiences, les devoirs de toute sorte, les soucis, les affaires, les plaisirs qui sont des affaires, suffisent et au-delà pour absorber tous ses instants. […] D’ailleurs, le talent qui ne s’anéantit pas dans la vie orageuse des affaires s’y fortifie et s’y renouvelle. […] Ne les entraînez pas dans le tourbillon des affaires : laissez-les flotter tranquillement au bord ; mais surtout distinguez avec soin le mérite d’avec l’intrigue.

55. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

il a vieilli dans les affaires sans y prendre une idée, sans atteindre à un résultat, cependant il se croit l’esprit des places qu’il a occupées ; il vous confie ce qu’ont imprimé les gazettes ; il parle avec circonspection même des ministres du siècle dernier ; il achève ses phrases par une mine concentrée, qui ne signifie pas plus que les paroles ; il a des lettres de ministres, d’hommes puissants, dans sa poche, qui lui parlent du temps qu’il fait, et lui semblent une preuve de confiance ; il frémit à l’aspect de ce qu’il appelle une mauvaise tête, et donne assez volontiers ce nom à tout homme supérieur ; il a une diatribe contre l’esprit à laquelle la majorité d’un salon applaudit presque toujours, c’est, vous dit-il, un obstacle à bien voir que l’esprit, les gens d’esprit n’entendent point les affaires. […] La vanité des hommes supérieurs les fait prétendre aux succès auxquels ils ont le moins de droit ; cette petitesse des grands génies se retrouve sans cesse dans l’histoire ; on voit des écrivains célèbres ne mettre de prix qu’à leurs faibles succès dans les affaires publiques ; des guerriers, des ministres courageux et fermes, être avant tous flattés de la louange accordée à leurs médiocres écrits ; des hommes, qui ont de grandes qualités, ambitionner de petits avantages : enfin, comme il faut que l’imagination allume toutes les passions, la vanité est bien plus active sur les succès dont on doute, sur les facultés dont on ne se croit pas sûr ; l’émulation excite nos qualités véritables ; la vanité se place en avant de tout ce qui nous manque ; la vanité souvent ne détruit pas la fierté ; et comme rien n’est si esclave que la vanité, et si indépendant, au contraire, que la véritable fierté, il n’est pas de supplice plus cruel, que la réunion de ces deux sentiments dans le même caractère. […] Quand la part qu’elles ont dans les affaires naît de leur attachement pour celui qui les dirige, quand le sentiment seul dicte leurs opinions, inspire leurs démarches, elles ne s’écartent point de la route que la nature leur a tracée : elles aiment, elles sont femmes ; mais quand elles se livrent à une active personnalité, quand elles veulent ramener à elles tous les événements, et les considèrent dans le rapport de leur propre influence, de leur intérêt individuel, alors à peine sont-elles dignes des applaudissements éphémères dont les triomphes de la vanité se composent. […] Mais c’est dans la marche intérieure de la révolution, qu’on peut observer l’empire de la vanité, du désir des applaudissements éphémères, du besoin de faire effet, de cette passion native de France, et dont les étrangers, comparativement à nous, n’ont qu’une idée très imparfaite. — Un grand nombre d’opinions ont été dictées par l’envie de surpasser l’orateur précédent, et de se faire applaudir après lui ; l’introduction des spectateurs dans la salle des délibérations a suffi seule pour changer la direction des affaires en France. […] La vanité est l’ennemie de l’ambition ; elle aime à renverser ce qu’elle ne peut obtenir ; la vanité fait naître une sorte de prétentions disséminées dans toutes les classes, dans tous les individus, qui arrête la puissance de la gloire, comme les brins de paille repoussent la mer des côtes de la Hollande : enfin, la vanité de tous sème de tels obstacles, de telles peines dans la carrière publique de chacun, qu’au bout d’un certain temps le grand inconvénient des républiques, le besoin qu’elles donnent de jouer un rôle n’existera, peut-être, plus en France : la haine, l’envie, les soupçons, tout ce qu’enfante la vanité, dégoûtera pour jamais l’ambition des places et des affaires ; on ne s’en approchera plus que par amour pour la patrie, par dévouement à l’humanité, et ces sentiments généreux et philosophiques rendent les hommes impassibles, comme les lois qu’ils sont chargé d’exécuter.

56. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

. — Indifférence aux affaires publiques. — Elles ne sont qu’une matière à bons mots. Négligence dans les affaires privées. — Désordre du ménage et abus de l’argent. […] À ce compte, on peut prévoir qu’ils seront aussi insouciants dans leurs affaires privées que dans les affaires publiques. […] Pour les hommes et les femmes ce sera plus tard la grande affaire ; c’est pourquoi c’est déjà la grande affaire pour les enfants. […] On n’avait pas de ces préoccupations d’affaires qui gâtent l’intérieur et rendent l’esprit épais.

57. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Les lettres à Mme de Grammont, qui se succèdent fréquemment en ces années, sont moins d’amour que d’affaires ; elles se terminent par quelques galanteries empressées et courtes : « Je fais anhuy (aujourd’hui) force dépêches. […] Il avait alors contre lui deux armées qui s’étaient jointes, celles de M. de Mayenne et du maréchal de Matignon ; on comptait bien le tenir enveloppé et le prendre au passage de la Garonne, à son retour du Béarn, où il était allé pour affaires et aussi par amour. […] Les lettres de ce temps que Henri adresse à M. de Saint-Geniez, son lieutenant général en Béarn et l’un de ses meilleurs serviteurs, montrent à quel point il commence à s’occuper sérieusement de ses affaires, et, à cet âge de trente-trois ans où il est arrivé, à devenir tout à fait l’homme de conseil et de maturité qu’il sera depuis : « N’accomparez plus les actions de feu Monsieur (le duc d’Alençon) aux miennes ; si jamais je me fiai en Dieu, je le fais à cette heure ; si jamais j’eus les yeux ouverts pour ma conservation, je les y ai. […] Il prit pour prétexte de ce voyage l’affection qu’il portait à sa sœur et au comte de Soissons, tellement qu’au bout de huit jours tous les fruits espérés d’une si grande et signalée victoire s’en allèrent en vent et en fumée. » Ce fut aussi la dernière faute signalée que fit faire l’amour à Henri ; car plus tard, bien que ce fût toujours sa grande faiblesse, ceux qui l’ont bien connu assurent qu’il ne s’en laissa jamais entraîner au point d’y sacrifier l’intérêt pressant de ses affaires. […] Et il touche un coin de défaut de la comtesse, qui nous est également attesté par les contemporains : si elle était capable d’affaires et de dévouement utile, elle l’était aussi de rancunes et d’intrigues ; elle en voulait à ceux des serviteurs de Henri qu’elle jugeait opposés à elle et à son influence, à Castille, à d’Aubigné : Faites, pour Dieu !

58. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Son affaire principale, dans le moment présent, était de tirer parti des traités précédemment conclus, en les interprétant dans le sens le plus subtil comme le procureur le plus madré l’aurait pu faire, et en leur donnant toutes les petites entorses possibles, le tout à bonne et excellente fin sans doute, pour arrondir le royaume et pour absorber, pour niveler les restes de souverainetés étrangères qui s’y trouvaient enclavées. […] Pour Strasbourg du moins, l’historien veut bien nous rassurer, et il estime que de ce côté, qui est la plus glorieuse affaire consommée alors par Louvois, l’utilité n’était point séparée du droit et de la justice : « Il y a, nous dit M.  […] Dans les affaires humaines, cette loi est plus absolue encore ; elle ne souffre aucune exception. […] Cette affaire de Strasbourg dont il fit la sienne fut conduite avec un art et une habileté consommée ; il se posa le problème à loisir, le caressa et en trouva la solution la plus parfaite et, j’ose le dire, la plus élégante. […] Son bon sens, quand il n’était pas traversé de cupidités étrangères, et dans les affaires de son service direct, était suprême.

59. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Il avait espéré être nommé résident ou chargé d’affaires de Pologne à Paris ; M. de Béthune l’appuyait auprès du roi et de la reine ; mais celle-ci protégeait un M. Letrens qui faisait les affaires de Pologne à Paris sans le titre et sans les qualités requises. […] Voilà une affaire manquée ; c’est la troisième depuis six mois. […] Mais Chaulieu, qui n’avait guère besoin de cet apprentissage de franc buveur, revient surtout de là avec l’expérience consommée que la vie de société ne suffit pas à donner, et qu’on ne puise que dans le maniement d’une première affaire, même lorsqu’on n’y a pas réussi. […] Pour réparer son échec de Pologne, il prend le parti de s’attacher entièrement aux jeunes princes de Vendôme, et s’insinue si bien par son esprit, qu’il devient le maître absolu de leurs affaires, l’intendant et l’arbitre de leurs plaisirs.

60. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

 » Le livre du comte Vitzthum a de quoi couvrir de honte le petit-maître en question, si on le connaissait, et de quoi réfuter amplement d’Argenson qui n’a l’air de le désapprouver qu’à demi et qui, ayant eu affaire au comte de Saxe, précisément dans une négociation où tous deux prenaient la plus grande part, a donné en un pareil jugement la mesure et les bornes de sa perspicacité13. […] Aussi n’est-ce pas l’affaire de tous les hommes ; mais c’est un malheur pour les gens à talent et à génie de ne pouvoir persuader la vérité aux ministres, aux généraux, aux princes même ; car partout on suit la routine, et c’est un défaut pour un homme de passer pour un inventeur, qu’il faut qu’un particulier cache avec soin s’il est sage, parce que l’on s’aliène les esprits ; et il n’est permis qu’à un souverain d’être créateur d’un nouveau système. » Et c’est bien là une des raisons pour lesquelles il aurait tant aimé à être un souverain. […] Je suis, avec la soumission la plus profonde, Sire, etc. » Il y revient, la guerre entamée, dans une des lettres suivantes (6 septembre 1741) : « J’ai eu l’honneur d’écrire à Votre Majesté que la France voulait terminer rapidement cette affaire, et je crois qu’elle lui rendra un service agréable de s’emparer de la Bohême, quoique cette puissance ne puisse en convenir, vu les engagements qu’elle a avec l’Électeur de Bavière. […] » Elle ne courait point le danger sans doute d’être rayée du rang des nations ; mais Louis XIV, qui exigeait si impérieusement de Villars qu’il livrât une bataille, et qui avait prévu le cas désespéré où elle serait perdue, afin de risquer en personne le tout pour le tout dans un suprême et dernier effort, savait mieux apparemment à quoi s’en tenir sur ses affaires que MM.  […] Le premier choc (des Français) est terrible ; il n’y a qu’à savoir le renouveler par d’habiles dispositions : c’est l’affaire du général… » — Dans une lettre au roi de Prusse, de septembre 1746 tome.

61. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — I »

On la voit, pendant les dix années qui suivent, au premier rang dans les affaires. […] Si sa majesté n’était pas dans des engagements bien différents, je crois, en vérité, qu’elle voudrait être une de vos élèves. » Berwick répara les affaires, et par la victoire d’Almanza rendit quelque sécurité à la cour. […] Toutes les formules respectueuses et tendres sont prodiguées sans fadeur, et c’est au milieu de ces adoucissements de toutes sortes que les grandes affaires arrivent à l’oreille délicate et craintive de la mystérieuse épouse de Louis XIV. […] Je prends la liberté, Madame, de vous demander là-dessus une explication un peu plus intelligible, pourvu néanmoins que vous le puissiez faire. » Et comme on lui répond discrètement qu’en France on n’aime pas que les femmes parlent d’affaires, « tant mieux alors, s’écrie-t-elle avec l’orgueil de son sexe ; nous aurons bien des choses à reprocher aux hommes, puisque nous n’y aurons point eu de part. » Philippe et sa cour furent obligés d’abandonner Madrid pour la seconde fois devant les armes de l’archiduc.

62. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXI » pp. 338-354

Voyez-le… point d’affaire plus importante pour mon repos. […] Il faut s’éclaircir de leurs vrais sentiments à mon égard en leur proposant quelque chose de présent et de solide… Je veux que madame de Richelieu voie la froideur et l’indifférence de madame de Montespan sur tout ce qui regarde mes affaires essentielles. » Une lettre, datée de Versailles, le 6 août, au même abbé Gobelin, ne laisse aucun doute sur la brouillerie des deux dames, et sur sa cause, et sur la mauvaise humeur qu’en avait prise le roi, fatigué de leurs altercations. […] « Vos affaires, lui dit-elle, ne vont pas si bien que les miennes. […] Elle le remercie plus bas, dans une lettre, du soin qu’il prend de ses affaires et de l’exactitude de ses comptes. « Je vous remercie de tous vos soins pour nos affaires et de l’exactitude de vos comptes.

63. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Cette lettre est adressée à Vettori, son ami, diplomate comme lui, et par lequel il est fréquemment consulté sur la conduite à tenir dans les affaires publiques. […] Les dépêches qu’il écrivit pendant ces vingt-cinq légations à son gouvernement sont des chefs-d’œuvre de sagacité, de clarté, de style, appropriés aux affaires. […] Il y eût été libre, heureux, puissant sur les affaires. […] Ce livre, le plus magistral qu’il ait peut-être composé, est le commentaire de l’histoire romaine par le génie des affaires. […] Les Italiens, poursuit-il, n’entendent rien aux affaires de guerre, et les Français rien aux affaires d’État ! 

64. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLVIII » pp. 188-192

XLVIII Ce 4 mars 1844 affaire d’otaïti. — intrigues parlementaires. — talent élevé de m. guizot. — lord chatham, par m. de viel-castel. — candidature de mérimée a l’académie française en remplacement de nodier. — autres candidats : m. casimir bonjour, m. aimé martin, m. onésime leroy. — corruption et vice de la littérature. […] Dans l’affaire d’Otaïti pourtant, il y a eu quelque maladresse ou malencontre au ministère de venir désavouer l’amiral français, huit jours après que le ministère anglais avait exprimé en plein parlement ses regrets sur le coup de main d’Otaïti. […] Ainsi l’espérance des adversaires est déjouée, et c’est partie remise jusqu’à quelque prochaine affaire imprévue.

65. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Il eut fort affaire pour se tirer de cette position très aventurée ; mais il paraît bien qu’il sortit de la mêlée et de la lutte, sa thèse intacte, et victorieux. […] que M. de Harlay fût comédien cette fois ; mais que l’on juge cependant par là de ce qu’il devait être dans le tête-à-tête, lorsque président d’une assemblée, arbitre et pacificateur d’un différend, captateur habile, endormeur ou enjôleur d’un adversaire, il avait affaire à quelqu’un qu’il avait tout intérêt à concilier et à gagner. […] Il eut des affaires fort délicates, une entre autres où il se mit au plus mal avec la Cour et avec le cardinal Mazarin : il subit un temps d’exil dans son diocèse. […] Si Harlay avait été sage, il se serait résigné à n’être qu’archevêque de Paris, et, sous ce titre, l’arbitre écouté et influent des affaires ecclésiastiques du royaume. […] Quelle capacité facile et agréable ; et combien d’affaires, et des plus délicates, dans le grand règne, dont il tient le fil et dont le nœud se dénoue entre ses mains !

66. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Il fait tout aussi bien de ne pas me consulter ; je suis plus embarrassée que lui, et je suis déterminée à suivre le conseil de notre bonne maman, c’est-à-dire d’aller tout droit devant mon chemin et de profiter de toutes les occasions de faire bien. » Ce que la reine disait là de son inaptitude aux affaires et de son peu de goût d’y entrer était très véritable. […] Mais ne croyez pas que je me laisse aller à rien d’indigne de moi ; j’ai déclaré que je ne me vengerais jamais qu’en redoublant le bien que j’ai fait… » On reconnut trop tard alors qu’on avait fait fausse route et qu’au lieu de déférer au conseil de M. de Breteuil qui avait voulu un procès et un éclat, on aurait mieux fait d’étouffer l’affaire, selon l’avis prudent de M. de Vergennes. […] Vouloir étouffer l’affaire, c’était laisser le champ libre à toutes les suppositions les plus odieuses et paraître craindre le grand jour. […] Elle écrivait le 9 avril 1787 à la duchesse de Polignac, alors en Angleterre où elle était allée prendre les eaux de Bath : « Où vous êtes, vous pouvez jouir du moins de la douceur de ne point entendre parler d’affaires. […] Le choix de Brienne pour ministre fut la première grande erreur politique de la reine, et, dès ce jour, malgré un reste de répugnance, elle dut s’occuper de manœuvres et d’affaires d’État avec suite ; elle avait marqué son influence, elle se vit dans l’obligation de la maintenir.

67. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

Mais tout d’un coup on apprend à Versailles, par un avis venu de la Cour même de Savoie, que Mattioli trompe tout le monde, qu’il s’est avancé sans y être autorisé, qu’il a menti impudemment, et il n’est plus question pour le moment que d’étouffer l’affaire. […] Mattioli le croyait seul ; on s’enferma à trois dans une chambre ; on parut traiter sérieusement de l’affaire, et, à un moment, l’abbé d’Estrades étant sorti sans affectation, donna le signal : des dragons qui étaient apostés entrèrent brusquement, se saisirent de Mattioli, le bâillonnèrent, le garrottèrent, et une demi-heure après il était dans la citadelle de Pignerol. […] L’affaire manquée, Catinat revint vite à son métier de guerre ; il fut nommé gouverneur de Longwy, puis de Condé, puis de Tournai. […] On suit ce conseil : pourtant l’affaire se continue avec instance, et l’on désire à Versailles que, nonobstant tous les désaveux, et coupant court à toutes les négociations reprises, Catinat aille de l’avant, fasse son métier de soldat, et s’empare le plus honnêtement qu’il pourra de la ville et du château que le traité laissait au duc. […] Voir surtout, dans le IIIe et le IVe volume, les chapitres qui traitent des affaires du Piémont.

68. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Les sociales [Émile Zola] Cette affaire Dreyfus7 est un vomissement. […] L’affaire est finie, bien finie. […] Pourquoi Zola recueille-t-il en volume ses articles sur « l’affaire » ? […] Il était sincère, ce défenseur fortuit de la justice, quand il proclamait : « Votre très légitime inquiétude est l’état déplorable dans lequel sont tombées les affaires. » Les affaires, dans la pensée de ce bourgeois comme dans celle des douze autres, voilà le dieu légitime qui mérite toutes les adorations et toutes les immolations. […] Tu t’occupes de l’affaire Dreyfus ; aussitôt l’affaire Dreyfus devient « un drame géant » qui te « semble mis en scène par quelque dramaturge sublime, désireux d’en faire un chef-d’œuvre incomparable ».

69. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Rien dans Mme des Ursins ne sent la coterie ni la secte, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’ait pas ses préventions et ses inimitiés ; mais, en général, elle se détermine comme les politiques par des raisons d’utilité et en vue des affaires. […] En tout, l’esprit de Mme des Ursins est un esprit naturellement élevé au-dessus des petites choses, et qui ne prend jamais les affaires par leurs petits côtés ni par les minuties. […] Cette victoire, gagnée presque malgré lui par le maréchal de Berwick le 25 avril 1707, restaura pour longtemps les affaires de Philippe V, qui reconquit sa capitale et une bonne partie de son royaume68. […] C’est une marque de leur abattement qui ne leur fait pas d’honneur ; car, dans quelque mauvais état que soient les affaires, les grands esprits et les grands courages se raidissent davantage contre la mauvaise fortune. […] Elle fait l’Agnès : « Je suis un peu comme Agnès ; je crois ce qu’on me dit et ne creuse point davantage. » Elle fait aussi la régente : « Je n’oserais montrer votre lettre ; on n’aime pas ici que les dames parlent d’affaires. » À toutes ces ironies fines et serrées, son adversaire répond par des ironies plus hautes, et aussi avec des éclats de colère qui déclarent une nature plus franche du collier : Tant mieux, répond-elle, si on n’aime pas en France que les femmes parlent d’affaires !

70. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Il écrivait à Marcile Ficino, son ami et son correspondant intime : « Quand mon âme est lasse du fracas des affaires publiques, et que mes oreilles sont assourdies par les cris tumultueux des citoyens, comment supporterais-je une pareille gêne si je ne trouvais un délassement dans l’étude !  […] Les affaires intérieures appelaient aussi sa prudence. […] Ce citoyen s’élève tellement au-dessus de la médiocrité d’une condition privée, qu’il parvint à régler par ses conseils les affaires de la république de Florence, plus considérable alors par sa situation, par le génie de ses habitants et par la promptitude de ses ressources que par l’étendue de son territoire. […] Un usage que je vous recommande surtout d’observer avec la plus scrupuleuse exactitude, c’est de vous lever chaque jour de bonne heure, parce qu’indépendamment de l’avantage qui en résulte pour la santé, on a le temps de penser à toutes les affaires de la journée et de les expédier ; vous trouverez cette pratique extrêmement utile dans votre profession, ayant à dire l’office, à étudier, à donner audience, etc. […] Probablement on vous priera, dans bien des circonstances, de parler à Sa Sainteté et d’intercéder auprès d’elle pour des affaires particulières.

71. (1774) Correspondance générale

D’après ce que j’ai l’honneur de vous exposer, je me constitue juge dans cette affaire. […] Il est étranger à votre affaire. […] Il faut bien que je vous dédommage des distractions que vous causent mes affaires de cœur. […] L’affaire des religions est purement historique. […] l’Encyclopédie est une affaire décidée !

72. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

« La mort de Jean de Médicis, sur lequel Côme avait placé ses principales espérances, et la faible santé de Pierre, qui le rendait incapable de supporter le travail des affaires publiques dans une ville aussi agitée que Florence, faisaient vivement craindre à ce grand homme qu’après son trépas la splendeur de sa famille ne s’éteignît tout à fait. […] Ayant donc fait appeler dans son appartement Contessina, son épouse, et Pierre, son fils, il leur fit le récit de toute sa conduite dans l’administration des affaires publiques, leur donna des détails exacts et très-circonstanciés sur ses immenses relations de commerce, et s’étendit sur la situation de ses intérêts domestiques. […] Pierre était sensé, mais infirme, il ne devait pas vivre longtemps ; il cultiva l’esprit de Laurent par des voyages et l’initia promptement aux grandes affaires. […] Là, Alberti commença l’entretien en remarquant qu’on peut regarder comme jouissant d’un bonheur solide et réel ceux qui, après avoir perfectionné leur esprit par l’étude, peuvent se soustraire de temps en temps au fardeau des affaires publiques et à la sollicitude des intérêts privés, et, dans quelque retraite solitaire, se livrer sans contrainte à la contemplation de l’immense variété d’objets que présentent la nature et le monde moral. « Mais si c’est une occupation convenable aux hommes qui cultivent les sciences, elle est encore plus nécessaire pour vous, continua Alberti en s’adressant à Laurent et à Julien ; pour vous, que les infirmités toujours croissantes de votre père mettront probablement bientôt dans le cas de prendre la direction des affaires de la république. […] Au lieu de se plaire, comme auparavant, au milieu des fêtes magnifiques, du tumulte de la ville et des embarras des affaires publiques, il sentit naître en lui un attrait inconnu pour le silence et la solitude ; et il se plaisait à associer l’idée de sa maîtresse aux impressions que produisait sur son âme le spectacle varié de la nature champêtre17.

73. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Utilisant ses relations avec les frères Paris, qui l’intéressèrent dans certaines entreprises, appliqué et entendu aux affaires d’argent, guettant les bons placements, il commença dès ce temps à se faire la plus grosse fortune qu’on eût encore vue aux mains d’un homme de lettres. […] Voltaire, tracassier et chipoteur en affaires, eut avec le juif Hirsch des démêlés bruyants qui indisposèrent Frédéric contre lui. […] L’affaire de Maupertuis fit éclater la rupture : Maupertuis, orgueilleux et têtu, avait fait exclure de l’Académie de Berlin, comme faussaire, un mathématicien du nom de Kœnig. […] Il avait vu les dernières années du grand roi ; sa vie accidentée le mit à même de consulter nombre de personnes qui avaient touché aux affaires, hanté la cour, ou que leurs pères avaient instruits de toute sorte de détails originaux et authentiques. […] Quatre chapitres représentaient le gouvernement intérieur, commerce, finances, affaires ecclésiastiques.

74. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Dans les réformes de tout genre que Louis XIV entreprend de front, pour les finances, pour la justice, pour les règlements militaires, pour les affaires du dehors, il ne témoigne pourtant aucun empressement immodéré. […] La forme de son esprit est d’être judicieux et raisonneur : c’est un esprit positif, qui aime les affaires, qui y trouve de l’agrément par l’utilité, et qui tient compte des faits dans le plus grand détail. […] Il vaut bien mieux achever plus tard les affaires que de les ruiner par la précipitation ; et il arrive même souvent que nous retardons, par notre propre impatience, ce que nous avions voulu trop avancer. […] Louis XIV donne en politique à son fils des préceptes tout pareils et analogues : il lui conseille de retourner un plan vingt fois dans son esprit avant de l’exécuter ; il veut lui apprendre à trouver avec lenteur dans chaque affaire l’expédient facile. […] Il s’était exposé à une affaire deux jours auparavant, et, comme on le lui reprochait, il en donne les raisons avec une solennité naïve.

75. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Les grandes affaires, dans lesquelles il fut bientôt engagé de plus en plus, lui ôtant tout loisir, il ne reprit son récit que sur les instances de quelques amis, dans son séjour à Passy, en 1784. […] Avec cela il a soin de nous avertir que cette application au bien général se faisait sans dommage pour ses intérêts particuliers ; il ne croit nullement que la première condition pour bien faire les affaires du public soit de commencer par mal faire les siennes propres. […] Il était très frappé de ce que peut faire de prodigieux changements dans le monde un seul homme d’une capacité raisonnable, quand il s’applique avec suite et fixité à son objet, et quand il s’en fait une affaire. […] Il commença à entrer dans les affaires publiques proprement dites en 1736, à l’âge de trente ans, en qualité de secrétaire de l’Assemblée générale. C’était une place pour lui très importante en elle-même, et en raison des affaires d’impression qu’elle lui procurait.

76. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Les affaires et les gens vous assiègent, vous cherchent, vous poursuivent. […] Si quelqu’un entre alors pour une affaire particulière, quelque subalterne surtout, on le retient, on amène la conversation sur la chute récente, sur l’ingratitude des hommes, sur l’état général des affaires publiques qui se gâte et devient tout à fait affligeant : on s’épanche, on cherche de l’écho. […] M. de Serre, emportant sa blessure au foie en silence, s’en allait mourir à Naples ; M. de Villèle, moins idéal et plus positif, s’en allait faire les affaires de sa province, de sa commune et de sa municipalité, et il les fait encore : sur une échelle ou sur une autre, est-ce que toutes les affaires ne se ressemblent pas ? […] Je suis bien aise de voir l’État respirer un moment, et je souhaite que le remplacement de nos ministres fasse un bon effet dans les affaires, que ceux qui leur succéderont soient meilleurs et ne deviennent pas pires.

77. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Il la considérait comme une navigation dont la traversée est obscure et dont le terme est certain, ou encore comme un sommeil d’une nuit, aussi naturel et aussi nécessaire à la constitution humaine que l’autre sommeil : « Nous nous en lèverons plus frais le matin. » Arrivé en Amérique, salué de ses compatriotes et ressaisi par le courant des affaires publiques, Franklin porte souvent un regard de souvenir vers ces années si bien employées, et où l’amitié et la science avaient tant de part. […] Franklin, élu membre de l’Assemblée de Pennsylvanie et directeur général des Postes, passe un peu plus de deux années à prendre la part la plus active aux affaires locales. […] Dans cette nouvelle mission, où l’envoyé de la Pennsylvanie devient bientôt l’agent général et le chargé d’affaires des autres principales colonies, il commence à exprimer les vœux et les plaintes d’une nation très humble d’abord et très filiale, mais qui sent déjà sa force et qui est décidée à ne point aliéner ses franchises. […] Le mérite de Franklin dans cette longue et à jamais mémorable affaire, fut de ne jamais devancer l’esprit de ses compatriotes, mais, à cette distance, de le deviner et de le servir toujours dans la juste mesure où il convenait. […] Le jour de cette affaire devant le Conseil, Franklin était vêtu d’un habit complet de velours de Manchester.

78. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

S’agit-il des exploits du vaillant chef dauphinois Montbrun, qui dans une rude affaire a eu l’honneur de triompher des bataillons suisses, alors réputés presque invincibles : Deux jours après, écrit d’Aubigné, je trouvai un jeune capitaine suisse au mont du Chat avec une petite troupe qui ne portait que l’épée. […] de trier aussitôt parmi les catholiques ceux qui sont plus attachés à la royauté qu’au pape ; une bonne partie de ces catholiques sont tout prêts et s’offrent à servir, le maréchal de Biron en tête ; cela suffit : « Serénez votre visage, usez de l’esprit et du courage que Dieu vous a donnés, voici une occasion digne de vous. » La raison par laquelle il conclut est celle qui est la meilleure pour appuyer tous conseils de ce genre, et qui est le grand renfort des arguments : N’ignorez pas que vous êtes le plus fort ici ; voilà plus de deux cents gentilshommes de votre cornette dans ce jardin, tous glorieux d’être au roi ; si votre douceur accoutumée et bienséante à la dignité royale et les affaires présentes n’y contredisaient, d’un clin d’œil vous feriez sauter par les fenêtres tous ceux qui ne vous regardent point comme leur roi. […] Un jour qu’il avait écouté ses excuses et ses raisons, qui consistaient à prétendre rester d’autant plus fidèle à la cause des faibles et des vaincus, Henri IV lui demanda s’il connaissait le président Jeannin, et sur ce que d’Aubigné répondit que non, le roi poursuivit : « C’est celui sur la cervelle duquel toutes les affaires de la Ligue se reposaient ; voilà les mêmes raisons desquelles il me paya ; je veux que vous le connaissiez, je me fierais mieux en vous et en lui qu’en ceux qui ont été doubles. » Et toutefois, nous qui avons récemment étudié le président Jeannin, nous savons trop bien en quoi il différait essentiellement de d’Aubigné : celui-ci, par point d’honneur, par bravade, par une sorte de crânerie ou d’esprit de contradiction qu’il était homme ensuite à soutenir à tout prix, excédait sans cesse ce que le devoir seul et la fidélité aux engagements eussent conseillé. […] Avec infiniment plus de moralité assurément que Bussy-Rabutin ou que Bonneval, il a comme eux une faculté de satire et de riposte dont il abuse ; sa réplique a volontiers un air de défi qu’il vous jette à la tête, en sous-entendant à peine : « Prenez-le comme vous voudrez. » Et puisque j’en suis à rassembler autour de lui les noms qui peuvent servir à le mesurer et à le définir, je dirai encore qu’il participe à cette démangeaison de Henri Estienne et de ces gens d’esprit pétulants qui se donnent avant tout la satisfaction d’imprimer leurs fantaisies, sauf à s’attirer bientôt des affaires sur les bras et à ne trop savoir comment en sortir. […] Sa femme disait de lui, dans une lettre qui nous le peint le même jusqu’à la fin : La grande promptitude de Monsieur n’est point amoindrie avec l’âge, ni son excellent esprit, à qui il donne quelquefois plus de liberté que les affaires de ce temps ne permettent.

79. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. de Ségur : Mémoires, souvenirs et anecdotes. Tome III. »

Le voyage terminé, les affaires et les intrigues diplomatiques recommencèrent. […] Quand il avait une fois commencé, il s’arrêtait difficilement, et aucun de ses auditeurs n’était tenté de mettre le signet. » Or, comme à chaque séance du Conseil, M. le maréchal de Ségur soumettait à la délibération l’affaire de Hollande et sollicitait une décision prompte, l’archevêque, s’emparant adroitement de la parole, trouvait moyen d’interpeller M. de Malesherbes sur quelque événement passé, analogue aux circonstances présentes ; et celui-ci, selon son usage, commençait à raconter. […] Le roi se plaisait à écouter ; il était tard lorsqu’on engageait la discussion, et l’affaire principale était renvoyée à un autre Conseil.

80. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Il sut faire ses affaires. […] J’ai pitié d’un homme qui fait de si grandes différences entre pas et point, qui traite l’affaire des gérondifs et des participes comme si c’était celle de deux peuples voisins l’un de l’autre et jaloux de leurs frontières. […] Malherbe, n’en déplaise à Balzac, n’était donc pas ridicule, surtout quand il avait affaire à Balzac. […] Le Cardinal avait eu à triompher, entre autres difficultés, dans la conduite de cette affaire, de la légèreté ou du peu d’habileté du propre ambassadeur du roi, M. du Fargis. […] Sitôt que j’en serai hors (des affaires), je m’en vais lui rendre en rime ce qu’il m’aura prêté en prose.

81. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Il a l’imagination des affaires : il passe son temps à inventer des combinaisons qui contiennent des fortunes. […] Cette imagination, périlleuse dans la réalité, devint une grande qualité littéraire pour représenter par le roman une société où les affaires et l’argent tenaient tant de place. […] Voyez l’avare : c’est le bonhomme Grandet, le paysan de Saumur, avec telle physionomie, tel costume, tel bredouillement ou bégaiement, engagé dans telles particulières affaires. […] D’une vulgaire affaire de cour d’assises. […] Honoré de Balzac, né à Tours en 1799, clerc de notaire, puis associé avec un imprimeur, fait de mauvaises affaires ; il publie divers romans sous des pseudonymes de 1822 à 1825.

82. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Au moindre mot, il se ferait une affaire avec M. de Nanjac, et il n’en a pas envie. […] La baronne d’Ange doit savoir que M. de Jalin n’est pas un pleutre craignant une affaire et d’humeur à subir un affront sans le relever. […] Il n’y a là ni passion qui trouble, ni drame qui entraîne, ni émotion qui aveugle : nous sommes en affaires, et les bons comptes font les bons succès. […] Cette part faite au sentiment, le banquier revient aux affaires. […] Il l’appelle voleur, il lui reproche des fugues en Belgique, il évoque devant lui, du fond de je ne sais quelle affaire de mines, le spectre de M. 

83. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

On devina mieux pour le reste : on dit qu’il aimerait la chasse passionnément ; que les princes, ses parents et ses voisins, auraient beaucoup d’envie et de jalousie contre lui, qu’ils lui susciteraient de fâcheuses affaires, qu’ils lui feraient la guerre ; qu’il serait plus heureux dans sa vieillesse que dans sa jeunesse, etc. […] Elle divertissait le roi par ses façons de gentillesse et de simplicité amicale, et le désennuyait quelquefois, ce qui était la grande affaire. […] Le roi, sans lui parler de l’enlèvement proposé du cardinal de Noailles, lui dit qu’il était vrai qu’il se trouvait extrêmement tracassé de cette affaire de la Constitution ; qu’on lui proposait des choses auxquelles il avait peine à se résoudre ; qu’il avait disputé tout le matin là-dessus ; que tantôt les uns et tantôt les autres se relayaient sur les mêmes choses, et qu’il n’avait point de repos. […] Villenave a eu entre les mains des extraits des Mémoires manuscrits de Blondel qui avait été ministre à Francfort près de l’électeur de Bavière (l’empereur Charles VII), et ensuite chargé d’affaires à Vienne ; il y a trouvé, dit-il, des parties textuellement reproduites dans les Mémoires de Duclos. […] Duclos historien n’a qu’un procédé, il n’est qu’un abréviateur ; il l’est avec trait, je l’ai dit, quand il a affaire à l’abbé Le Grand ; il l’est avec un certain goût et avec un adoucissement relatif quand il a affaire à Saint-Simon ; dans l’un et dans l’autre cas pourtant, il n’a pas toutes les qualités de son office secondaire, et il ne porte au suprême degré ni les soins délicats du narrateur, ni même les scrupules du peintre qui dessine d’après un autre, et de l’écrivain qui observe les tons : il va au plus gros, au plus pressé, à ce qui lui paraît suffire ; c’est un homme sensé, expéditif et concis, et qui se contente raisonnablement ; il a de la vigueur naturelle et de la fermeté sans profondeur ; nulle part il ne marche seul dans un sujet, et jamais il ne livre avec toutes les forces de sa méditation et de son talent une de ces grandes batailles qui honorent ceux qui les engagent, et qui illustrent ceux qui les gagnent.

84. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Affaires Calas, Sirven, La Barre, etc. […] Genève était restée la ville de la Réforme ; le maintien de l’austérité morale y était affaire de gouvernement. […] Voltaire s’en empare, non pour en raisonner ; il crée un mouvement d’opinion pour produire un résultat, pour faire triompher la raison dans le règlement définitif de 1 affaire, et, s’il se peut, par une mesure générale qui réponde de l’avenir. […] Voltaire ramasse un faisceau de pièces originales, d’où l’innocence de la victime ressort (1762) ; il reçoit chez lui les restes de la malheureuse famille ; il fait reviser le jugement ; pendant trois ans c’est sa principale affaire, et il finit par arracher la réhabilitation de Galas. […] Chargé de tant d’affaires, il trouva toujours le temps de se colleter avec Pierre et Paul, grands ou petits, bons ou mauvais, gens à talent ou sans talent, qui avaient eu le malheur de choquer sa vanité ou d’éveiller sa jalousie.

85. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Ici une nouvelle carrière commence pour Rohan : le roi, sur le conseil du cardinal de Richelieu, le croit très propre à ses affaires en ces contrées, à cause des qualités mixtes et variées qu’il possède, négociateur, capitaine, très en renom à l’étranger, pouvant agir comme de lui-même et n’être avoué que lorsqu’il en serait temps. […] Après un conseil de guerre, Rohan, général très consultatif, s’y résolut, et le 27 juin se livra le combat dit de Luvin, affaire très hardie, où, avec son peu de troupes et par des chemins difficiles, Rohan alla relancer dans sa vallée un ennemi plus nombreux, qu’il força de se retirer. […] Au réveil et dans la convalescence, soit que Rohan ne soit plus tout à fait le même, soit que les affaires aient empiré, il ne voit plus moyen de concilier les ordres qu’il reçoit de la Cour avec les nécessités impérieuses qui l’enserrent de plus en plus près. […] Nous ne pourrions qu’être fastidieux en insistant longuement sur les détails de cette triste affaire, si brillamment commencée et si mal finie, et en essayant de chercher le fil de ce labyrinthe dans lequel se voyait plongé sans ressource le duc de Rohan. […] L’affaire était désespérée, selon lui, et tenir plus longtemps était impossible sans s’exposer à un désastre.

86. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Il y avait donc à dire pour et contre ; c’est au fond l’éternelle opposition de la théorie et de la pratique, de la spéculation et des affaires, de l’art et de la vie. […] Mandé chez l’avoyer, il s’attendait à ce que celui-ci lui parlât affaires et s’ouvrît avec lui des secrets d’État : il repassait en idée, au moment de l’audience, son Machiavel et son Montesquieu. […] Une fois, mon salon était rempli d’hôtes de condition, d’Émigrés nouvellement arrivés qui devaient dîner avec moi ; je suis appelé pour une affaire imprévue ; en sortant du salon pour passer dans mon cabinet, je ferme étourdiment la porte à double tour, et mets la clef dans ma poche. L’affaire qui me réclamait était grave ; il fallait aller sur-le-champ en personne dans un lieu assez éloigné. […] Il se retira des affaires.

87. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

Celui-ci fut proposé et choisi : par son zèle, par sa bonne comptabilité, il se fit bien venir du trésorier, et aussi du dauphin à qui il avait souvent affaire, et qui l’emmenait avec lui dans ses voyages pour payer sa dépense. […] Un jour qu’il était commis pour interroger un prisonnier dans une affaire de faux, il dut le présenter à la question, faire faire tous les apprêts et même le faire déchausser : « Je souffris beaucoup en mon humeur, nous dit-il, d’être obligé d’user de sévérité et de voir les apprêts de la question, quoique je susse qu’elle ne serait pas donnée. » — Tel était l’homme de bien et du plus honorable caractère, auquel sa conduite depuis, dans le procès de Fouquet et la louange de Mme de Sévigné ont donné du lustre. […] Ceux qui s’occupent de Mme de Sévigné, et ils sont nombreux, ils se renouvellent sans cesse, trouveront des détails précis, continuels, mais qu'on voudrait, chaque fois, un peu plus développés, sur ses affaires, son mariage, sur une quête même qu’elle fit avant son mariage, aux Minimes, le jour de Saint-François de Paule (5 avril 1644) : « La reine y vint à vêpres ; M. l’évêque d’Uzès y prêcha. […] Mlle de Chantal quêta. » Il y avait alliance entre les familles, une d’Ormesson ayant épousé un Coulanges : M. d’Ormesson note donc, comme affaire quasi de famille, tout ce qui se rapporte à cette intéressante personne, sans se douter que la postérité en voudrait encore davantage. […] [NdA] « Je vous mandai samedi comme M. d’Ormesson avait rapporté l’affaire et opiné ; mais je ne vous parlai point assez de l’estime extraordinaire qu’il s’est acquise par cette action.

88. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Dans ce court intervalle des affaires, ils jouaient au Tibulle ou à l’Anacréon. […] Cet homme d’État lettré, avec lequel il n’avait guère jamais eu d’entretien pour prendre ses ordres sans qu’après l’affaire traitée il ne fût dit quelques mots de la Grèce et d’Homère, était alors malade, et presque à l’extrémité, de la maladie dont il mourut peu de jours après. C’est à ce moment que Wood eut charge de porter à Sa Seigneurie les préliminaires du Traité de Paris, si glorieux et si fructueux pour l’Angleterre : « Je le trouvai, dit-il, dans un tel état de faiblesse que je lui proposai de remettre l’affaire à un autre jour. Mais il insista pour que je demeurasse, disant que cela ne servirait en rien à prolonger sa vie que de négliger un devoir. » Et à l’instant, lord Granville se mit à réciter en grec les vers d’Homère, ces mêmes paroles généreuses de Sarpédon à Glaucus, ayant soin d’élever la voix et d’appuyer avec une certaine emphase orgueilleuse sur ce vers qui lui rappelait la haute part qu’il avait prise aux affaires publiques : « Tu ne me verrais point combattre moi-même comme je le fais, au premier rang. […] Plus tard, la place est occupée ; les affaires, les soucis, les soins de chaque jour la remplissent, et il n’y a plus guère moyen qu’avec un trop grand effort de repousser la vie présente qui nous envahit de tous côtés et qui nous déborde, pour aller se reporter en idée à trois mille ans en arrière19.

89. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Oui, oui, il y a là de la fougue, de l’audace, de l’imprudence, enfin du dévouement à un certain idéal mêlé d’un peu de folie, d’un peu de ridicule… un journal, en un mot, dont la singularité, l’honneur, est de n’être point une affaire. […] C’était une chambre pour ces sortes d’affaires, une chambre dont on était sûr et qui avait fait ses preuves. […] D…, descendant de l’avocat général de Bordeaux, et qui, lui, n’eut pas l’air de nous trouver extraordinairement criminels, et après D…, le juge L…, une sorte d’ahuri qui ressemblait à Leménil prenant un bain de pieds dans Le Chapeau de paille d’Italie, fourré dans l’affaire comme un comique en un imbroglio, et qui avait de lui, dans la pièce où il nous reçut, un portrait en costume de chasse, un des plus extravagants portraits que j’aie vus de ma vie. […] Et le maître de la voiture, pour lequel notre procès était une grosse affaire de représentation, s’était fait faire pour la cérémonie un carrick prodigieux, un carrick cannelle à cinq collets, comme on en voit sortir à l’Ambigu des berlines d’émigrés. […] À cette trouvaille bienheureuse, noyée dans une marée de paroles baveuses, nous sentîmes le murmure d’une cause gagnée courir l’auditoire… Mais ne voilà-t-il pas que la cause était remise à huitaine. « C’est cela, disions-nous, ils veulent faire passer notre condamnation au commencement, aujourd’hui, ils n’osent pas, l’auditoire nous est trop favorable. » Et cependant ce fut notre salut que cette remise de l’affaire.

90. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Malaise moral. » pp. 176-183

Il faut dire pour l’excuse du public (et ce point est tout à fait digne de remarque) que ces nouvelles ne nous ont guère été données, d’abord, que par des publicistes de tempérament violent et enclins à l’exagération, et que la plupart des journaux qui passent pour « sérieux » et « modérés » ont commencé par garder sur ces affaires un silence tenace. […] Ils y perdraient ; ils payeraient plus d’impôts. » Cela, c’est leur affaire ; ce serait à eux de juger si le contentement de faire librement partie d’une plus grande communauté fraternelle ne compenserait pas quelque accroissement d’obligations et de charges. — On dit enfin : « Cette solution serait grosse de dangers. […] On accepte tout quand il s’agit de politique extérieure, par appréhension de « se faire des affaires » et par la lamentable désaccoutumance de se sentir fort.

91. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIX. Réflexions morales sur la maladie du journal » pp. 232-240

Ses affaires, d’abord brillantes, périclitèrent : on se lasse des meilleures injures. […] Voyez-les : Anastase et Sosthène ne sont qu’habiles brasseurs ; Luc se perd en basses affaires ; Antonin ignore le monde et Moïse le connaît trop ; Edmond, Édouard et Charles gardent l’allure basse des prisons où ils séjournèrent. […] Chaque jour ils enverront l’éloge de leur produit : ils y joindront pour les gens d’affaires un bulletin des valeurs et des marchandises, pour les hommes de sport les comptes rendus des hippodromes, pour les oisifs la chronique du monde et du théâtre.

92. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Lundi 7 avril 1862, Il y eut pour le grand-duc, dans les années qui précédèrent son avènement au trône (1745-1762), deux périodes distinctes : celle où il prenait sa femme pour confidente, où il la consultait et se laissait assez volonvtiers diriger par elle dans les affaires qui touchaient à la politique ; et un second temps durant lequel il s’émancipa, sîirrita et devint plus ennemi et plus menaçant de jour en jour : mais en fait de ridicule et de puérilité gnotesque et grossière, ilne varia jamais. […] Elle lui donnait les meilleurs conseils pour son Holstein ; c’est même par là qu’elle fit son premier apprentissage en politique, traitant les affaires de ce petit État avec l’ambassadeur de Vienne qui était à Pétersbourg et qui disait au grand-duc : « Votre femme a raison ; vous feriez bien de l’écouter. » Il suivit le conseil et n’eut pas à s’en repentir. Elle avait, à la minute, des réponses et des solutions pour toutes les difficultés : « Le grand-duc, depuis longtemps, an’appelait, nous dit-elle, madame la Ressource, et, quelque fâché ou boudeur qu’il fût contre moi, s’il se trouvait en détresse sur quelque point que ce fût, il venait courir à toutes jambes, comme il en avait l’habitude, chez moi, pour attraper mon avis, et dès qu’il l’avait saisi, il se sauvait derechef à toutes jambes. » Un jour, poursuivi par son secrétaire, qui le relança jusque dans la chambre de la grande-duchesse, elle sut, en moins d’un quart d’heure, avec cinq ou six petits oui ou non, finir des affaires qui traînaient depuis des mois. […] Naturellement indulgente, je m’attirais la confiance de ceux qui avaient affaire avec moi, parce que chacun sentait que la plus exacte probité et la bonne volonté étaient les mobiles que je suivais le plus volontiers. […] Nous n’avons prétendu avoir affaire ici qu’a la Catherine antérieure, celle des Mémoires.

93. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

La Fontaine ne s’y ennuyait point, à ce qu’il paraît, car il y vécut jusqu’à trente-cinq ans sans souci, en bon bourgeois bien apparenté, qui a des fermes et pignon sur rue ; il jouait, aimait la table, lisait, faisait des vers, allait chez son ami Maucroix à Reims, y trouvait « bons vins et gentilles gauloises, friandes assez pour la bouche d’un roi. » De plus, il avait mainte affaire avec les dames du pays, même avec la lieutenante ; on en glosa ; il n’en devint pas plus sage. […] Mais sans elle, rien ne me touche ; c’est, à mon avis, le principal point. » L’affaire était glissante, et ce n’est point sa faute s’il n’a pas glissé. […] Soyez sûr qu’il y a bien plutôt gagné d’agréables rêves, L’agréable, voilà son affaire ; à regarder ses fines lèvres sensuelles, on devine qu’il n’a rien pris au tragique. […] 12 Ayant écrit au prince de Conti un récit des mésaventures de Mlle de La Force, il le supplie de ne montrer sa lettre à personne. « Mlle de La Force est trop affligée, et il y aurait de l’inhumanité à rire d’une affaire qui la fait pleurer si amèrement. » Quoique distrait et indifférent à ses propres affaires, sitôt que des gens affligés venaient le consulter, « non-seulement il écoutait avec une grande attention, mais il s’attendrissait, il cherchait des expédients, il en trouvait, il donnait les meilleurs conseils du monde. » Il fut l’ami le plus fidèle, et défendit devant le roi Fouquet disgracié.

94. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Le bon roi David les connaissait bien, pour avoir eu affaire à eux. […] Thiers s’en plaint, j’en fais mon affaire. […] Elle n’en portera qu’un bon sur le ministre et l’orateur d’affaires. […] Juger des ouvrages, c’est affaire de conscience. […] C’est affaire de foi, non d’expériences.

95. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIII » pp. 237-250

Si on trouvait leurs lettres, on en tirerait de grands avantages… On apprendrait toute la politesse du style et la plus délicate manière de parler sur toute chose Elles ont su les affaires de tous les états du monde, toutes les intrigues des particuliers, soit de galanterie ou d’autres choses où leurs avis ont été nécessaires… C’étaient des personnes par les mains desquelles le secret de tout le monde avait à passer. […] Son mari était Antoine Rambouillet, fils d’un financier, qui n’avait de commun avec les d’Angennes, marquis de Rambouillet, qu’une grande fortune, amassée dans les affaires du domaine, et dont il dépensa une partie à construire une maison dite la Folie de Rambouillet, sur le terrain de Reuilly, autrefois séparé du faubourg Saint-Antoine, et dont il ne subsiste plus que la porte d’entrée. […] Lauzun l’employa utilement aux affaires politiques dont il était chargé. […] Voilà la fin de cette grande affaire qui attirait l’attention de tout le monde.

96. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

On le retrouve en 1461 : il a passé tout l’été dans la prison de Meung-sur-Loire, enferré, au pain et à l’eau, par ordre de l’évêque d’Orléans : peut-être pour la même affaire où son ami Colin de Cayenne « perdit sa peau », vol et meurtre commis à Montpipeau près Meung. […] Ceux que sa faveur politique avait courbés ou accablés dans les affaires privées, relèvent la tête : marchands alléguant des contrats léonins ou frauduleux, nobles appelant d’arrêts injustes, travaillent à lui faire rendre gorge. […] Commynes eut de l’ordre, de l’économie, de l’application à ses affaires : il faisait des aumônes régulières ; sans passion, sans vice, il n’eut dans la vie privée que le souci de sa fortune : il travailla à l’augmenter par toutes voies légales. […] Commynes eut pour département les affaires de Bourgogne, de Suisse, des Allemagnes, et celles de Madame de Savoie : en somme, tout ce dont son premier état lui avait donné une expérience particulière. […] Trois affaires princplaes se distinguent : l’une contre le suzerain, l’autre contre des voisins, la troisième et princpale, pour la possession de l’héritage d’Antoine d’Argenton entre les Chambes-Commynes et les Chabot-Châtillon.

97. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Besenval, qui n’était pas des mieux avec lui, nous l’a montré au naturel dans deux ou trois circonstances. « Extrêmement gai, d’une imagination où tout se peignait du côté plaisant, insouciant sur tout, hors sur son crédit et sur l’espèce de gens à mettre en place, qu’il n’aurait voulu que de sa façon et dans sa dépendance ; toute affaire lui offrait matière à plaisanterie, et tout individu à sarcasme. » Il se moquait de ceux qui travaillaient pour lui et avec qui il traitait, et ne cessait de leur chercher des ridicules. […] Il parle quelque part du jeune vicomte de Ségur, « qui s’amusait à dire des mots plaisants sur les affaires, au lieu de s’en mêler. » Lui il en disait aussi, même en s’en mêlant. […] Il y fut reçu à merveille par le prince de Condé, un peu plus froidement par le duc de Bourbon : « Pour Mme la duchesse de Bourbon, dit-il, elle conserva avec moi l’air d’ironie qui ne l’avait pas quittée depuis le commencement de cette affaire ; j’y opposai un air d’aisance qu’on prétend qui ne m’est point étranger, et que cette fois je ne cherchai pas à réprimer. […] Il est certain, de l’aveu même de Besenval, qu’il ne négligea rien dès l’origine pour conseiller et peut-être pour dominer la femme aimable et trop peu souveraine, pour lui faire prendre goût aux affaires ou du moins au choix des ministres, pour lui préparer un crédit dont sans doute il comptait lui-même user, ne fût-ce qu’en amateur : c’était en tout le rôle qu’il préférait. […] L’affaire traîna ; il fut, par décision de l’Assemblée, traduit devant le Châtelet comme accusé du crime de lèse-nation.

98. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Je conviens que j’y gagnerais pour mes affaires domestiques, et encore plus du côté de la réputation. […] presque chaque jour il est dérangé ; les affaires, les amis lui prennent ses heures, — les amis, dites plutôt les ennemis. […] Casaubon, je désire vous veoir et vous communiquer ung affaire que j’ay fort à cueur : c’est pourquoy vous ne faudrez, incontinent la présente receue, de vous acheminer en ce lieu et vous y rendre pour le plus tard dimanche au soir, et m’asseurant que vous n’y manquiez, je ne feray celle-cy plus longue que pour prier Dieu qu’il vous ait en sa sainte garde. — Ce soir, de Fontainebleau, ce 28e jour d’avril 1600. […] Il était contraint de confesser dans l’intimité que le grand Duplessis n’avait rien fait ce jour-là de digne de lui, que l’affaire avait été entamée à la légère, conduite à l’aventure, et avait eu une honteuse conclusion. […] Mme Casaubon ou, comme on disait alors pour les femmes de la bourgeoisie, Mlle  Casaubon, d’une santé délicate (on le serait à moins), au milieu de ces fatigues et des voyages qu’elle entreprend pour les affaires de la famille, avait peine à s’acclimater en Angleterre.

99. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

Nous ne sommes plus ici à la hauteur où M. de Suhm nous a portés ; nous n’avons plus affaire à un métaphysicien, homme du monde, homme d’affaires, et à la fois resté plein d’enthousiasme, de l’esprit le plus vif uni avec l’ingénuité du sentiment. […] Cela est sensible dans les deux premières guerres de Silésie ; cela le sera jusqu’à la fin et au milieu des plus belles combinaisons de la guerre de Sept Ans : « Je ne mérite pas, écrivait-il à Algarotti (4 janvier 1759), toutes les louanges que vous me donnez : nous nous sommes tirés d’affaire par des à-peu-près. » Ainsi en pleine guerre, et si habilement qu’il la fasse, Frédéric n’est pas tout à fait dans son élément. […] Tu apprendras par les nouvelles publiques que les affaires de l’État prospèrent. — Adieu ; aime-moi un peu, et guéris-toi, s’il y a moyen, pour ma consolation. […] Quelquefois il y a un retour vers les choses de guerre ; Frédéric, au fort de ses grandes manœuvres, ne peut retenir un cri de satisfaction militaire : Nous exerçons à présent de corps et d’âme (avril 1764), pour remettre nos affaires en bon train. […] En lisant ces détails auxquels on s’attendait si peu, on est heureux de sentir qu’on a affaire à des hommes, rien qu’à des hommes.

100. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Démosthéne, et Eschine. » pp. 42-52

Ils furent envoyés auprès de Philippe, roi de Macédoine, pour traiter avec lui d’une affaire importante ; mais leur ambassade ne réussit point. […] On attend avec impatience l’issue de cette grande affaire. […] L’affaire d’Harpalus est remise en délibération ; grand embarras pour Démosthène.

101. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paria Korigan » pp. 341-349

En lisant ces Récits de la Luçotte, on sent qu’on n’a pas le moindrement affaire à un de ces archéologues qui refont, à force de science, une langue perdue, comme Balzac, par exemple, lequel, dans ses Contes drolatiques, le plus étonnant de ses ouvrages, a été le résurrectionniste de Rabelais, et qui a parlé la langue de Rabelais mieux que Rabelais lui-même, et pour dire des choses que Rabelais n’aurait jamais dites. Ici, nous n’avons affaire qu’à une bretonne patoisante qui, dans Paris depuis des années, s’est souvenue opiniâtrement — ils sont entêtés, les bretons ! — de ce patois qui fut la première langue de sa jeunesse ; car nous autres, gens de province, la première langue que nous ayons entendue a été un patois… Dans ces Récits de la Luçotte, nous n’avons affaire qu’à la première fileuse venue de la Bretagne, rhapsodisant, en tournant son rouet, ses vieilles histoires, et c’est pour cela que, brusquement et de plain-pied, elle est entrée dans ses Récits, sans explication, sans théorie et sans préface, et comme si toute la terre devait aimer le piché qu’elle nous verse et qui va nous griser, pour sûr !

102. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Lorsque l’on sait à quel esprit sain, ferme, vigoureux, on a affaire en Ramond, lorsqu’on a pu apprécier ses qualités sûres comme savant, comme observateur, lorsqu’on voit Laplace avoir assez de confiance en lui pour adopter et enregistrer dans la Mécanique céleste la réforme numérique dont était susceptible le coefficient d’une de ses formules, on se demande quelle sorte d’intérêt et de zèle celui qu’on a connu en ces dernières années le moins mystique des hommes pouvait apporter dans cette intimité de chaque jour avec Cagliostro. […] Il est évident que, dans cette affaire délicate, on aime mieux que ce jeune homme sensé, clairvoyant et, pour tout dire, plus considéré que ce qui l’entoure, n’ait pas à s’expliquer hautement en justice et devant le public, comme il l’eût fait s’il avait été obligé de se défendre. […] Il est à noter cependant que peu après ou durant même le procès du Collier, Jefferson, le ministre américain en France, ayant à faire un voyage, apprécia assez les talents et la capacité de Ramond pour le charger de suivre en son absence les affaires de son gouvernement ; il fut même question alors pour Ramond de partir pour l’Amérique et d’y obtenir je ne sais quel poste auprès de Washington. […] Mais, encore une fois, il aurait fallu entendre Ramond s’expliquer à cœur ouvert sur toute cette affaire et sur les faits tels qu’il les appréciait en définitive, pour être en mesure de prononcer. […] Il se peut que Ramond ait été chargé de suivre les affaires américaines pendant l’une ou l’autre de ces absences ; j’inclinerais à croire que ce fut dans la première et lors du brusque départ de Jefferson pour Londres.

103. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

C’est par un effet de cette même habitude d’ordre et de comptabilité privée, qu’au milieu des affaires les plus suivies de son intendance de Montauban, il songeait encore à noter sur un petit papier : « 1679, tel mois, j’ai prêté cinq louis d’or à M. le duc d’Elbeuf, qu’il ne m’a pas rendus. » Le bourgeois Foucault tient de son père d’être exact et strict en tout. […] Homme d’affaires, il avait non-seulement de l’habileté, mais de l’adresse ; il savait se ménager entre deux, écueils. […] Pour accorder les deux ministres, je mis quelques places de l’état-major dans Négrepelisse, mais c’étaient des places mortes (des places qui n’étaient pas occupées), qui ne coûtèrent rien à la paroisse, et cette affaire n’eut point de suite », Le cas est petit, mais la méthode est trouvée. […] Nous touchons ici au rôle principal de Foucault, à la grosse affaire qu’il met au rang de ses plus utiles travaux, et par où son nom est entré odieusement dans l’histoire. […] « J’ai lu au roi la lettre que vous avez pris la peine de m’écrire pour demander des troupes pour essayer d’obliger les religionnaires de votre département à se convertir ; Sa Majesté m’a commandé de vous faire savoir qu’elle ne juge pas présentement de son service de vous en envoyer. » Il y eut bien des va-et-vient dans cette affaire de la Révocation, il y eut des flux et des reflux.

104. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

» M. de Senfft, devenu le ministre dirigeant les relations extérieures de son pays, s’il n’obtint pas tout le crédit qu’il avait rêvé, avait la confiance de son maître, et les affaires du grand-duché de Varsovie étaient plus particulièrement remises à ses soins. […] Bignon vit, en passant à Dresde, M. de Senfft, s’entendit avec lui sur l’état des affaires dans le grand-duché, et en reçut des informations utiles. […] M. de Senfft, qui venait de perdre sa belle — mère, ne le vit lors de son passage à Dresde en avril 1811 que dans quelques conférences d’affaires. […] Quel fut mon étonnement quand, au lieu de la gravité, de la décence, du soin de l’honneur national, de celui de l’entretien de la bienveillance mutuelle entre les deux nations, qui me paraissaient devoir composer l’ensemble de la manière d’être et des occupations d’un ministre de France, je trouvai un petit monsieur, uniquement occupé de petits vers, de petites femmes, de petits caquets, et qui, dans les petits rébus dont se composaient ses petites dépêches, disait familièrement au duc, en parlant de la certitude d’un éclat entre la France et la Russie : « La Russie amorcera si souvent, couchera en joue la France si souvent, que la France sera forcée de faire feu… » Brunet n’aurait pas mieux dit… Toute sa correspondance est sur ce ton, et présente un mélange fatigant d’affaires traitées avec la prétention au bel esprit du plus bas étage. » C’est ainsi que le prélat diplomate abuse d’un dépôt pour attaquer celui qui le lui a confié ; il le drape à la Figaro, et il ose parler de gravité et de décence ! […] Seulement je vous en fais part comme d’une chose nécessaire pour votre gouverne ; j’ai plus que des présomptions de le croire agent dans des affaires extérieures.

105. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Celle-ci, fille d’une mère illustre, n’avait pu être élevée par Marie-Thérèse trop occupée des affaires d’État, et sa première éducation à Vienne avait été très négligée. […] L’affaire du Collier fut le premier signal de ses malheurs, et le bandeau qui lui couvrait jusque-là les yeux se déchira, Elle commença à sortir de son hameau enchanté, et à découvrir le monde tel qu’il est quand il a intérêt à être méchant. […] C’est la plainte perpétuelle qui revient sous la plume du comte de La Marck dans la Correspondance secrète qu’on vient de publier : La reine, écrivait-il au comte de Mercy-Argenteau (30 décembre 1790), la reine a certainement l’esprit et la fermeté qui peuvent suffire à de grandes choses ; mais il faut avouer, et vous avez pu le remarquer mieux que moi, que, soit dans les affaires, soit même simplement dans la conversation, elle n’apporte pas toujours ce degré d’attention et cette suite qui sont indispensables pour apprendre à fond ce qu’on doit savoir pour prévenir les erreurs et pour assurer le succès. […] Cela même ne suffirait pas : il faudrait encore que la reine reconnût la nécessité de s’occuper des affaires avec méthode et suite ; il faudrait qu’elle se fit la loi de ne plus accorder une demi-confiance à beaucoup de gens, et qu’elle donnât en revanche sa confiance entière à celui qu’elle aurait choisi pour la seconder. […] Dans une très belle lettre, adressée au comte de Mercy-Argenteau, où on lit ces mots, elle disait encore, après avoir exposé un plan désespéré (août 1791) : J’ai écouté, autant que je l’ai pu, des gens des deux côtés, et c’est de tous leurs avis que je me suis formé le mien ; je ne sais pas s’il sera suivi, vous connaissez la personne à laquelle j’ai affaire (le roi) : au moment où on la croit persuadée, un mot, un raisonnement la fait changer sans qu’elle s’en doute ; c’est aussi pour cela que mille choses ne sont point à entreprendre.

106. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 437-439

Il fut très-profond dans l’Histoire & dans la Politique, & se distingua dans plusieurs ambassades, où, sous le titre de Secrétaire, il eut la plus grande part aux affaires qui se négocierent de son temps. A son retour, il exerça dans le Ministere des Affaires étrangeres, la même place que M. l’Abbé de la Ville & M.

107. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

Il estimait l’armée du prince de Bade trop nombreuse, et la sienne trop peu, pour risquer aucune affaire et pour prendre l’offensive. […] Villars paraît, et l’on n’a plus affaire aux mêmes scrupules ni à la même réserve ; c’est ici un guerrier d’une autre famille que Catinat, mais, en tant que guerrier, d’une famille meilleure et plus faite pour l’action. […] Or, à Versailles, dès qu’on sut les particularités de l’affaire, on les exagéra. […] Il est de votre intérêt, pour la conserver, de faire en sorte que le mouvement que vous avez fait ne porte aucun préjudice à la situation heureuse dans laquelle vous avez mis mes affaires. […] La lettre, d’ailleurs, se terminait par un post-scriptum plus grave et qui montrait qu’à travers les bouffées et les saillies de la vanité, on avait affaire à un chef réfléchi, ayant la conscience de ses hauts devoirs militaires.

108. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

C’est dans cette large sphère des affaires nationales ou européennes que les grandes individualités diplomatiques dessinent leurs figures pour l’admiration ou pour la réprobation de l’histoire. […] Il lui convenait de jeter ses favoris dans les affaires, afin de gouverner l’Europe par les hommes dont elle gouvernait le cœur et l’esprit. […] Il se laisse nommer à une dignité inamovible, celle de grand électeur, afin de colorer sa sortie du ministère par une situation neutre dans le gouvernement des affaires européennes. […] Les adulateurs du maître du monde ont rejeté sur ce ministre la réprobation universelle qui s’est attachée à la conception et à la conduite de l’affaire d’Espagne. […] Une telle accusation de Napoléon n’était-elle pas la pleine justification de la diplomatie de M. de Talleyrand dans cette affaire ?

109. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

. — Maintenant parcourez la file des in-folios où se suivent de cinq ans en cinq ans les rapports des agents, hommes habiles et qui se préparent ainsi aux plus hauts emplois de l’Église, les abbés de Boisgelin, de Périgord, de Barrai, de Montesquiou ; à chaque instant, grâce à leurs sollicitations auprès des juges et du Conseil, grâce à l’autorité que donne à leurs plaintes le mécontentement de l’ordre puissant que l’on sent derrière eux, quelque affaire ecclésiastique est décidée dans le sens ecclésiastique ; quelque droit féodal est maintenu en faveur d’un chapitre ou d’un évêque ; quelque réclamation du public est rejetée102. […] Ce sont les nobles de cour, qui vivent à portée des grâces, exercés dès l’enfance à demander, obtenir et demander encore, uniquement attentifs aux faveurs et aux froideurs royales, pour qui l’Œil-de-bœuf compose l’univers, « indifférents aux affaires de l’État comme à leurs propres affaires, laissant gouverner les unes par les intendants de province, comme ils laissent gouverner les autres par leurs propres intendants ». […] En ce temps-là il semblait aussi étrange de s’ingérer dans les affaires du roi que dans celles d’un particulier. […] De plus, autour de lui, nombre de gens experts, vieux conseillers de famille, rompus aux affaires et dévoués au domaine, bonnes têtes et barbes grises, lui font respectueusement des remontrances quand il dépense trop ; souvent ils l’engagent dans des œuvres utiles, routes, canaux, hôtels d’invalides, écoles militaires, instituts de science, ateliers de charité, limitation de la mainmorte, tolérance des hérétiques, recul des vœux monastiques jusqu’à vingt et un ans, assemblées provinciales, et autres établissements ou réformes par lesquels un domaine féodal se transforme en un domaine moderne. […] Les charges de judicature sont les plus assujetties aux services rendus ; et cependant combien le crédit et la recommandation n’influent-ils pas sur la nomination des intendants, des premiers présidents », et des autres   Necker, entrant aux affaires, trouve 28 millions de pensions sur le Trésor royal, et, sitôt qu’il tombe, c’est une débâcle d’argent déversé par millions sur les gens de cour.

110. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Il revint ensuite à nous cinq, et se tenant proche du cardinal di Pietro, il dit que, le collège des cardinaux étant à peu près au complet à Paris, nous devions nous mettre à examiner s’il y avait quelque chose à proposer ou à régler pour la marche des affaires de l’Église. […]   « Éminence, « Suivant les conseils du Très Saint Père et de Votre Éminence, j’ai vu Mgr Bernetti, spécialement chargé de l’affaire en question, et, avec sa franchise bien connue, il m’a expliqué ce que les puissances étrangères semblaient reprocher à la famille de l’empereur Napoléon. […] Cette troisième catégorie, dépendante et volontaire du Saint-Siège, a l’immense avantage de se former de bonne heure aux affaires sans que ses fautes puissent nuire au gouvernement, et de s’en retirer sans apostasie. […] Il se consacra non à sa propre sanctification, mais à bien comprendre et à bien faire les affaires du Pape et de son gouvernement. […] Après cette première séance, le cardinal se retirait pour aller vaquer à ses nombreuses affaires de la journée.

111. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — III. Un dernier mot sur M. de Talleyrand »

Quant au fond, il était peut-être pire, certainement vénal et, de plus, malgré sa douceur apparente de mœurs et de ton, ayant si peu de scrupule pour les actes, qu’il y a trois points de sa vie qui font trois doutes presque terribles : la mort de Mirabeau, — l’affaire du duc d’Enghien, — l’affaire de Maubreuil.

112. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Ici, nous avons encore affaire à un journal et à des confidences posthumes, mais il s’agit du journal et registre d’une belle âme, d’une haute intelligence, et le choix a été fait par un homme de mérite, digne parent par le cœur et par la pensée de celui qu’il présente et introduit. […] Si on le prenait au mot et si l’on s’emparait de ses aveux au pied de la lettre, il serait l’homme le plus impropre aux affaires qui y ait jamais été mêlé ; mais, capable ou non dans tel ou tel emploi particulier, il est certes le moins homme d’État de tous les hommes. […] Je sens que les autres doivent avoir une pauvre idée de mon chétif individu, et cette persuasion me rend plus chétif, plus timide et plus faible encore… Je suis comme un somnambule dans le monde des affaires. […] Rien n’est plus funeste au repos public comme au bonheur individuel que cette préoccupation universelle de droits, d’intérêts, d’affaires de gouvernements. […] J’ai été heureux et actif dans tout cet intervalle ; j’avais un point d’appui fixe, un seul objet qui servait de centre à mes idées ; j’y étais tout entier ; le monde des affaires et des intrigues avait disparu pour moi, ou ne me servait que de distraction. » Il ne tire pas, ce me semble, de ces faits tout le parti qu’il devrait.

113. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Ces affaires d’Espagne étaient menées de telle façon que Napoléon lui-même, à cette date, déclarait n’y rien comprendre : je n’essayerai pas de les démêler. […] Si, du moins, j’étais rentré dans la position où je me trouvais en 1806, employé près de Sa Majesté elle-même, je n’aurais affaire qu’au grand homme capable de m’apprécier, et mon persécuteur ne me pourrait rien. […] — Si ce n’est que cela, soyez tranquille, l’Empereur sait tout ; je vous ai toujours voulu du bien, et si vous me laissez dire à l’Empereur que vous vous soumettez, l’affaire s’arrangera à votre satisfaction. » Elle était arrangée déjà. […] On a affaire ici à un talent impérieux, égoïste comme tous les talents d’instinct, à une vocation prononcée, qui demande avant tout le jour et l’occasion, le champ et l’espace. […] Croit-il avoir élevé un monument à la gloire de Napoléon en publiant une réprimande écrite en termes déplacés au gouverneur de Wilna, qui, par excès de zèle, osait dépeindre le véritable état des affaires ?

114. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Henri IV l’y nomma et fit négocier l’affaire par son ambassadeur à Rome. […] Je quitte ce discours pour vous dire que nous n’avons point trouvé dans mes hardes une tunique et une dalmatique de taffetas blanc qui accompagnaient les ornements de damas blanc que vous m’avez fait faire : c’est ce qui fait que je crois que cela a été oublié… Nombre de lettres à Mme de Bourges traitent ainsi de son ménage et de ses affaires domestiques, dont il plaisante assez agréablement. […] Je ne puis que je ne les blâme, désirant que ceux qui manient les affaires de ma charge vivent paisiblement les uns avec les autres. […] Les vieux conseillers Villeroi, Jeannin, étaient mis de côté ou à peu près ; le garde des Sceaux Du Vair, soi-disant philosophe et homme de lettres en renom, qui avait succédé à Sillery, et qui fait là une assez pauvre mine, n’était bon qu’à entraver les affaires. […] Les affaires étaient en cet état, et le parti des princes aussi bas que possible, lorsque tout changea en un clin d’œil par la mort du maréchal d’Ancre, qui fut tué le 24 avril 1617 par ordre du roi et à l’instigation de Luynes.

115. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

L’esprit d’affaires ne peut se faire connaître par des signes certains, avant qu’on ait occupé de grandes places ; les hommes médiocres sont intéressés à persuader qu’ils possèdent seuls ce genre d’esprit ; et pour se l’attribuer, ils se fondent uniquement sur les qualités qui leur manquent : la chaleur qu’ils n’ont pas, les idées qu’ils ne comprennent pas, les succès qu’ils dédaignent ; voilà les garants de leur capacité politique. […] Dans la langue adoptée par la coalition de certains hommes, connaître le cœur humain, c’est ne se laisser jamais guider dans son aversion ni dans ses choix par l’indignation du vice, ni par l’enthousiasme de la vertu ; posséder la science des affaires, c’est ne jamais faire entrer dans ses décisions aucun motif généreux ou philosophique. […] Les lettres doivent souvent prendre un tel caractère, lorsque les hommes qui les cultivent sont éloignés de toutes les affaires sérieuses. […] La réputation, les suffrages constamment attachés aux hommes qui ont honorablement rempli la carrière des affaires publiques, sont l’un des premiers moyens de conserver la liberté ; et ce qui peut contribuer le plus efficacement aux progrès des lumières, c’est de mêler ensemble, comme chez les anciens, la carrière des armes, celle de la législation, et celle de la philosophie.

116. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « [Addenda] »

Vous la mêlez à des remerciements pour les uns, à des compliments pour les autres : ceci est un procès, et il faut traiter les affaires en affaires. […] Voilà qui est bien conforme et « en parfaite harmonie avec le goût théâtral du moment où nous vivons71. » Pour peu donc qu’on ait le sentiment dramatique et qu’on se mette à envisager les choses à ce point de vue, on indiquerait d’avance, comme dans un bon cours de rhétorique, les endroits, les motifs qui prêtent à une jolie lettre et qui font canevas ou thème :   Le moment où la Dauphine quitte les terres de l’empire ; Le moment où elle met le pied sur la terre de France ; Le moment, la minute qui suit la célébration du mariage ; Le moment, la minute où elle devient reine, Louis XV venant de rendre le dernier soupir ; Le moment où, souveraine outragée, elle apprend l’Arrêt du Parlement dans l’affaire du Collier, etc., etc.

117. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

Laubardemont, qui revient partout, et qui semble poursuivre Cinq-Mars, depuis que celui-ci l’a frappé au front d’un crucifix ardent dans l’affaire de Loudun, est un héros ignoble de mélodrame ; son fils devenu brigand et contrebandier, sa nièce religieuse devenue folle, cette scène entre tous les trois, la nuit, au milieu des Pyrénées, tout ce luxe de conceptions bizarres fait tort à la vérité. […] Comme il n’a regardé que de loin, il n’a aperçu que les points saillants, qui se sont pour lui rapprochés et confondus ; il rattache, par exemple, l’affaire de Loudun à celle de Cinq-Mars. […] Avenel, « il y a dans l’affaire de Cinq-Mars deux choses fort distinctes : une intrigue et un crime ; une intrigue pour faire perdre au cardinal la confiance du roi, un crime dont le but était d’ouvrir la France aux ennemis.

118. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence du barreau. » pp. 193-204

Les anciens, nés dans des républiques, au milieu des plus violentes factions, traitoient, dans leurs plaidoyers, des affaires d’état les plus importantes. […] Les seules occasions où l’on peut s’élever, c’est dans les discours d’apparat, tels que ceux des avocats généraux à l’ouverture des audiences, ou dans les grandes affaires. […] Pourquoi parler, dans mon affaire, De viol, de poison, de fureur sanguinaire.

119. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

Depuis la loi de Publilius Philo qui assura au peuple romain la liberté et la souveraineté, le sénat n’eut plus qu’une autorité de tutelle, analogue à ce droit des tuteurs, d’autoriser en affaires légales le pupille maître de ses biens. […] C’est ce qui explique le courage qu’ils déployaient en défendant l’état, et la prudence avec laquelle ils réglaient les affaires publiques. […] Dans les monarchies il faut peu d’hommes d’état pour traiter des affaires publiques dans les cabinets en suivant l’équité civile ou raison d’état ; et un grand nombre de jurisconsultes pour régler les intérêts privés des peuples d’après l’équité naturelle.

120. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Surtout, de père en fils, il réside, il est du canton, en communication héréditaire et incessante avec le public local, par ses affaires et par ses plaisirs, par la chasse et par le bureau des pauvres, par ses fermiers qu’il admet à sa table, par ses voisins qu’il rencontre au comité ou à la vestry. […] Écarté des affaires, affranchi de l’impôt, le seigneur reste isolé, étranger parmi ses vassaux ; son autorité anéantie et ses privilèges conservés lui font une vie à part. […] Il s’abstient, leur abandonne les affaires. […] La campagne est déserte, et si quelque gentilhomme l’habite, c’est dans quelque triste bouge, pour épargner cet argent qu’il vient ensuite jeter dans la capitale. » — « Un coche79, dit M. de Montlosier, partait toutes les semaines des principales villes de province pour Paris, et n’était pas toujours plein : voilà pour le mouvement des affaires. […] Naturellement, toute pensée politique manque. « On ne peut imaginer, dit le manuscrit, personne plus indifférente pour toutes les affaires publiques. » Plus tard, au plus fort des événements les plus graves et qui les touchent par l’endroit le plus sensible, même apathie.

121. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Le créateur du feuilleton au Journal des débats, Geoffroy, répondit une fois avec raison et fierté à l’un de ses adversaires : Ce n’est pas une petite affaire d’amuser le public trois ou quatre fois la semaine ; d’avoir de l’esprit à volonté, tous les jours, et sur toutes sortes de sujets ; de traiter les plus sérieux d’un ton badin, et de glisser toujours un peu de sérieux dans les plus frivoles, de renouveler sans cesse un fonds usé, de faire quelque chose de rien… Je suis loin de me flatter d’avoir rempli toutes ces conditions ; je vois ce qu’il eût fallu faire, sans avoir la consolation de penser que je l’ai fait ; mais enfin, comme tout cela est fort difficile, n’avais-je pas droit à quelque indulgence ? […] Janin ait tout son bon sens, il faut (je lui en demande pardon) qu’il se sente libre, qu’il n’ait pas affaire à l’un de ces noms qui, bon gré, mal gré, ne se présentent jamais sous sa plume qu’avec un cortège obligé d’éloges. […] Janin disait un jour spirituellement à une femme qui, dans une soirée, le mettait en rapport avec une quantité de personnages : « Vous allez me faire tant d’amis que vous m’ôterez tout mon esprit. » Même quand il a affaire à ces noms illustres dont je parle et auxquels il attache aussitôt toutes sortes d’épithètes, M.  […] En 1682 (M. de Ciron étant mort depuis deux ans), une fille de l’Enfance, Mlle de Prohenques, qui s’échappa de la maison par escalade, et qui se plaignit de mauvais traitements, suscita une affaire grave dont les ennemis s’empressèrent de profiter. […] En fait, on chargeait surtout la maison de Toulouse et la supérieure de deux accusations graves : 1º d’avoir donné asile à deux ecclésiastiques, poursuivis pour avoir résisté aux ordres du roi dans l’affaire dite de la Régale ; 2º d’avoir une imprimerie clandestine, d’où sortaient, au moment voulu, des placards, et même de petits pamphlets théologiques, qui se répandaient dans tout le midi de la France.

122. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

» que c’était s’opposer à ses plaisirs que de lui représenter de telles vérités ; et ses plaisirs l’emportaient toujours dans son esprit sur les plus importantes affaires. […] Cette affaire me coûta beaucoup de peine et d’argent ; mais, bien loin d’y avoir regret, je m’en tins trop payé par le gré que Madame me témoigna. » Cette affaire lia plus particulièrement Cosnac avec Madame, et, dès ce moment, on le vit, en toute occasion, épouser ses intérêts et la servir. […] L’affaire était si avancée, et même pour le point le plus délicat, pour la déclaration de catholicité, Madame la supposait si près de se conclure, qu’elle crut pouvoir avertir Cosnac d’un grand présent et d’une surprise qu’elle lui préparait. […] Cette pensée, je m’assure, vous paraîtra visionnaire d’abord, voyant ceux de qui dépendent ces sortes de grâces, si éloignés de vous en faire ; mais, pour vous éclaircir cette énigme, sachez que, parmi une infinité d’affaires qui se traitent entre la France et l’Angleterre, cette dernière en aura dans quelque temps, à Rome, d’une telle conséquence et pour lesquelles on sera si aise d’obliger le roi mon frère, que je suis assurée qu’on ne lui refusera rien ; et j’ai pris mes avances auprès de lui pour qu’il demandât, sans nommer pour qui, un chapeau de cardinal, lequel il m’a promis, et ce sera pour vous ; ainsi vous pouvez compter là-dessus… Ce chapeau de cardinal, qu’elle montre ainsi à l’improviste prêt à tomber sur un homme en disgrâce, fait un singulier effet, et on reste convaincu encore, même après avoir lu, qu’il y avait là-dedans un peu de vision et de fantaisie, comme les femmes qui ont le plus d’esprit en mêlent volontiers à leur politique.

123. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Dès sa jeunesse, au milieu de ses travaux dramatiques, il avait un livre secret dans lequel il écrivait tout son examen de conscience, ses sujets de confession et de scrupule devant Dieu ; ce registre avait pour titre : Ma grande affaire, c’est-à-dire l’affaire du salut. […] Quand mes cheveux étaient prêts à blanchir, la mienne, avec un sentiment de douce compassion, voyant mes distractions nombreuses, l’indépendance de mes goûts, mon incapacité absolue pour les affaires et la fortune, me disait (c’était son mot) : « Mon enfant ! […] Ducis était de cette race de philosophes, d’amis de la retraite et de la Muse, qui n’entendent rien à la politique ni à la pratique des affaires, et qui ont droit de résumer toute leur charte en ces mots : « Quand un homme libre pourrait démêler dans les querelles des rois (rois ou chefs politiques de tout genre) le parti le plus juste, croyez-vous que ce serait à le suivre que consiste la plus grande gloire ? » Mais, cela dit, il ne faut pas qu’en s’abstenant de prendre part dans les affaires décisives du monde, ces sages et solitaires y jettent au passage leurs boutades rimées ni leurs satires.

124. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Un courtisan ayant dit, de manière à être entendu du roi : « Le maréchal de Villars fait bien ses affaires. » —, « Oui, mais il fait bien aussi les miennes », repartit Louis XIV. […] Bien préparé, bien fixé sur le poste à prendre, et s’attendant d’un jour à l’autre à avoir affaire à Marlborough, il tient à savoir les intentions du roi touchant une bataille ; ce n’est pas un batailleur à tout prix que l’audacieux Villars : « Il y a des occasions, écrit-il à Chamillart, où c’est prudence de la chercher, quand même on la donnerait avec désavantage : il y en a d’autres où, paraissant toujours chercher le combat, il faut cependant manquer plutôt une occasion que de ne se la pas donner la plus favorable qu’il est possible. » Dans le cas présent, si l’ennemi prête flanc par quelque fausse démarche, il en profitera, c’est tout simple ; mais à chances égales, là où il n’y aurait ni avantage ni désavantage évident à l’attaque, il tient à savoir l’intention du roi. […] Il fit dire galamment à Villars qu’il espérait voir une belle campagne, puisqu’il avait affaire à lui. « Ils croyaient m’avaler comme un grain de sel », nous dit Villars. […] Nous verrons comme les affaires sérieuses se passeront. » Ces choses sérieuses ne vinrent pas. Toute l’Europe avait les yeux tournés sur les affaires de la Moselle, et l’on s’attendait chaque jour à un choc terrible.

125. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Ainsi en jugeait le duc de Rohan quand il écrivait : « Philippe II poussa ses affaires si avant, que le royaume de France n’est échappé de ses mains que par miracle. » De loin, quand les événements ont tourné d’une certaine façon, on ne se représente pas aisément à combien peu il a tenu qu’ils ne tournassent dans un sens tout autre ; on voit des nécessités et des dénoûments tout simples là où il y a eu des bonheurs et de merveilleux secours. […] Poirson veut qu’on dise, dans les combats d’Arques ; car ce ne fut pas une seule journée ni une bataille, mais une suite d’actions et d’assauts « dirigés au moins sur six points différents depuis le 15 jusqu’au 27 septembre (1589), pendant douze jours36. » Henri, avec une armée trois fois moins nombreuse que celle de Mayenne, dut éviter une affaire générale, et réduisit habilement l’adversaire à une guerre de postes. […] Poirson prise fort et à laquelle j’ai emprunté beaucoup, celle de Hurault Du Fay, un petit-fils de L’Hôpital, qui fit deux libres et excellents Discours sur les affaires du temps, dont le second se rapporte à l’année 1591. […] De joindre une longue délibération avec un fait pressé, cela lui est malaisé, et c’est pourquoi, au contraire, aux effets de la guerre il est admirable, parce que le faire et le délibérer se rencontrent en un même temps, et qu’à l’un et à l’autre il apporte toute la présence de son jugement ; mais aux conseils qui ont trait de temps, à la vérité il a besoin d’être soulagé… Il a cela néanmoins qui doit fort contenter ses conseillers : c’est qu’encore qu’il n’ait nullement pensé ni été disposé à une affaire, si ses serviteurs, après l’avoir bien ruminée et bien digérée, la lui viennent représenter, il est si prompt à toucher au point et à y remarquer ce qu’on peut y avoir ou trop ou trop peu mis, qu’on jugerait qu’il y était déjà tout préparé. […] Mais en toutes les autres choses, aux affaires de la justice, aux affaires des finances, aux négociations étrangères, aux dépêches, à la police de l’État, reconnaissant bien que ce n’est pas là où en ce temps il s’applique tout, il croit entièrement ceux des siens qu’il voit s’y être occupés et y avoir bien pensé… Henri IV ne sera pas toujours ainsi ; mais à cette heure il laisse encore beaucoup faire et s’en remet de bien des choses d’État à ses serviteurs, notamment à du Plessis ; il est capitaine avant tout et ne se pique d’honneur que dans cette partie.

126. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Il semble qu’on n’ait pas affaire à un fâcheux accident, au simple coup de grêle d’une saison moins heureuse, mais à un résultat général tenant à des causes profondes et qui doit plutôt s’augmenter. […] Si en traitant, par exemple, avec chaque membre de la Société, un éditeur se trouvait avoir affaire à une Société plus réellement propriétaire de ses œuvres à quelques égards que lui-même, ce serait un inconvénient, une entrave, une vraie servitude. […] Si l’on est contrefait, copié par une feuille voleuse, c’est l’affaire du journal de défendre son bien, et de poursuivre, s’il lui plaît. […] L’autre jour, il est arrivé à une personne de notre connaissance, à l’ancien gérant de cette Revue, d’être accusé d’un mot inouï : il se serait plaint, en plaisantant, d’avoir affaire à deux sortes de gens les plus indisciplinables du monde, les comédiens et les gens de lettres. […] à moi qui ai affaire aux deux sortes de gens les plus indisciplinables, les comédiens et les gens de lettres ! 

127. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Pandolfo, après avoir rappelé la confiance qu’il a en lui et le bien qu’il lui a fait, l’ayant, de simple valet qu’il était, intéressé dans son négoce, lui dit qu’il va lui faire confidence d’une affaire très importante, dont il lui recommande le secret. Pendant que Tebaldo était à Lyon où il demeura quelque temps pour les affaires de leur commerce, un jour étant, lui Pandolfo, en partie de plaisir avec Ricciardo son ami, ils vinrent sur le propos de sa femme qui était grosse. […] Zucca, après quelques détours, confesse toute l’affaire. […] Ricciardo entre en parlant des affaires de son commerce. […] Tebaldo lui dit qu’après bien des discours sur la prétendue intelligence existant entre Fabio et Virginia, il lui a proposé d’accommoder l’affaire et de faire épouser à Fabio une autre fille que Virginia, qui apportera six mille écus de dot ; que le père de la mariée lui fera présent de deux mille écus, sans parler d’un opulent héritage que ce père laissera plus tard à ses enfants.

128. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Qu’une société est un organisme qui se développe comme un grand arbre ; qu’il est inutile et même dangereux d’intervenir dans cette croissance par des idées de réforme, capables de troubler cette évolution naturelle ; qu’il est sage de bannir tout principe abstrait et général de la conduite des affaires publiques ; qu’il suffit de régler au jour le jour les intérêts de la nation sans prétendre apporter dans les rapports des hommes entre eux une équité factice. […] C’était un abandon volontaire des réformes promises par les républicains avant leur arrivée au pouvoir ; c’était, sous l’étiquette équivoque d’opportunisme, le dessein bien arrêté de subordonner toute application de principes à l’intérêt du moment ; c’était, par crainte des aventures et de l’inconnu, une prédilection avouée pour une politique d’affaires qui risquait fort de dégénérer en une politique d’expédients. […] Affaire de mode, je le veux bien ; opinion de salon ou de sacristie qu’il fut de bon ton d’afficher ; mais aussi revirement qui est imputable à des raisons plus sérieuses et plus nobles. […] Délicate affaire d’appréciation où, pour comble de difficulté, peuvent se cacher des motifs qui n’ont rien à voir avec la morale. […] Remords d’avocat, par Masson-Forestier ; L’affaire Allard, par Dick May, etc.

129. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

M. de Lamennaisi, dans l’écrit intitulé Affaires de Rome, racontant le voyage qu’il y fit en 1832, a dépeint en quelques traits satiriques, et plus fins qu’on ne l’attendrait d’une plume si énergique, le caractère du cardinal de Rohan, qui s’y trouvait alors : Extrêmement frêle de complexion et d’une délicatesse féminine, dit M. de Lamennais, jamais il n’atteignit l’âge viril : la nature l’avait destiné à vieillir dans une longue enfance ; il en avait la faiblesse, les goûts, les petites vanités, l’innocence ; aussi les Romains l’avaient-ils surnommé il Bambino. […] Basset prêche sur le vaisseau et lui fait l’effet d’un Bourdaloue : Il y a un peu de miracle à son affaire, dit Choisy ; et, à mesure qu’il approche du lieu de sa mission, Dieu lui fait de nouvelles grâces et lui donne de nouveaux talents. […] Ceux de Fouquet, de Le Tellier, de Lionne et de Colbert, de ces quatre hommes qui prirent rang après la mort de Mazarin, sont admirablement saisis et passent même la portée ordinaire de l’écrivain : Choisy a eu affaire à de bons causeurs les jours où il les a peints d’une main si sûre. […] Il était persuadé que la bonne foi dans les affaires en est le fondement solide. […] Nulle passion depuis qu’il avait quitté le vin ; fidèle dans la surintendance, où avant lui on prenait sans compter et sans rendre compte ; riche par les seuls bienfaits du roi, qu’il ne dissipait pas, prévoyant assez, et le disant à ses amis particuliers, la prodigalité de son fils aîné… Esprit solide, mais pesant, né principalement pour les calculs, il débrouilla tous les embarras que les surintendants et les trésoriers de l’épargne avaient mis exprès dans les affaires pour y pêcher en eau trouble… Il faut lire le reste dans l’original.

130. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

On a beaucoup parlé, à son sujet, de l’affaire de Corse, de la mission qu’il avait sollicitée du gouvernement auprès du ministre M. de Montmorin dès le mois de décembre 1789, et on lui en a fait un crime. […] L’événement prouva que je n’avais pas mal jugé cette affaire, puisque l’Assemblée nationale, aussitôt qu’elle en fut instruite, interdit à tous ses membres d’accepter aucune fonction à la nomination du roi. […] L’affaire une fois ébruitée lui attira beaucoup d’ennuis ; il dut, après une assez longue résistance, renoncer à un emploi qui lui souriait46. […] L’affaire manqua, comme toute chose à cette date. […] [NdA] On peut voir dans Le Moniteur du 28 et du 30 janvier 1790 ce qui se rapporte à cette affaire.

131. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Une majorité n’est encore qu’une réunion de jugements individuels, dont aucun en particulier n’a le droit de se préférer au mien, et le nombre ici ne fait rien à l’affaire. […] Remarquons d’abord que chacun de nous, dans le cercle de ses perceptions les plus humbles et de ses affaires de tous les jours, revendique très-légitimement et exerce sans scrupule le droit de ne s’en rapporter qu’à lui-même. […] Les plus grands adversaires de la liberté de penser trouveraient sans doute fort incommode qu’on leur nommât un tuteur pour gérer leurs affaires. […] Il en est de même dans toutes les affaires humaines. Le juge chargé de décider une affaire ne s’en rapporte pas à une illumination d’en haut, à un sentiment confus, à la parole des autres.

132. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Dès que le cercle des républiques s’élargit, il faudrait, pour que tous les membres du souverain continuassent à exercer leurs droits, que la vie sociale fût à chaque instant arrêtée, et toute affaire cessante : dans un État qui grandit, le gouvernement direct devient un leurre. […] C’est dans leurs rues que le peuple « descend » pour intervenir directement, parfois, dans les affaires de l’État. […] Il se réjouissait d’exercer, comme portion du corps collectif, une souveraineté directe sur les affaires publiques ; il se consolait d’être esclave, comme soumis au corps collectif, dans tous ses rapports privés ». […] Constant lui-même, le développement des entreprises commerciales, en préoccupant chacun de ses affaires personnelles, appelait l’individualisme. […] Si donc, de par la constitution de notre société, nous avons à chaque instant affaire à un nombre très grand, pratiquement indéfini, de « semblables », cette sorte de représentation ne nous sera-t-elle pas plus aisée que si nous n’avions affaire qu’à un nombre petit et limité de « concitoyens » ?

133. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

D’autres poètes aussi ont été gens d’affaires : l’abbé de Chaulieu, en son temps, fut comme l’intendant des Vendôme, et le spirituel épicurien, dit-on, n’y perdit point sa peine. […] mon ami, ce n’est point du trop lire que me vient mon mal, mais bien de voir chaque jour le train des affaires et l’intrigue qui se joue : c’est là le livre où j’étudie et qui me rend malade. […] Cette Éminence, en lui accordant un congé et en le relevant de ses fonctions domestiques à Rome, lui avait confié le soin de nombreuses affaires en France. […] Il avait affaire à des cousins jaloux et déjà pourvus : de quel côté furent les torts, — tous les torts, — et M. de Liré n’en eut-il aucun ? […] Cela ne dut point raccommoder auprès de lui les affaires de l’imprudent poète.

134. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

I — Mars-octobre 1835 Préliminaires Nous rappellerons brièvement le commencement de l’affaire. […] … C’est à cette époque (fin de décembre), que commence l’intervention de Madame Juliette Adam dans l’affaire. […] Affaire de goût et de tempérament. […] Savez-vous, dit alors l’empereur, ce qui me paraît inexplicable dans cette affaire ? […] Par le souvenir de cette histoire douloureuse, Albert Wolff rappelle à Carvalho qu’il n’a pas les moyens de renouveler cette mauvaise expérience qui risquerait cette fois d’être d’autant plus violente que la menace prend un tour politique que n’avait pas « l’affaire Van Zandt ».

135. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Tant que Henri IV avait été hors de Paris, faisant la guerre pour reconquérir son royaume, ses amours avec Gabrielle n’avaient pas été affaire d’État : c’était tout si les fidèles serviteurs et compagnons du roi pouvaient se plaindre qu’il prolongeât trop volontiers les expéditions et sièges aux environs des lieux où était sa maîtresse. […] On lui en voulait d’avoir distrait le roi de ses affaires et de l’avoir endormi dans les plaisirs. […] Il n’arrive pourtant au sujet même qu’après une demi-heure au moins, durant laquelle il parle encore d’autres affaires : après quoi venant au point indiqué, y venant par de nouveaux circuits, énumérant ses fatigues et les peines qu’il s’est données pour parvenir au trône et pour rétablir l’État, il montre que tout cela n’est rien encore et n’aboutira à rien de solide et de durable, s’il ne se procure des héritiers. […] Au-dedans du royaume, il cherche encore parmi les princesses ; il nomme sa nièce de Guise, sa cousine de Rohan, la fille de sa cousine de Conti ; à toutes il trouve des inconvénients encore, et conclut à la normande en disant : Mais quand elles m’agréeraient toutes, qui est-ce qui m’assurera que j’y rencontrerai conjointement les trois principales conditions que j’y désire, et sans lesquelles je ne voudrais point de femme : à savoir qu’elles me feront des fils, qu’elles seront d’humeur douce et complaisante, et d’esprit habile pour me soulager aux affaires sédentaires et pour bien régir mon État et mes enfants, s’il venait faute de moi avant qu’ils eussent âge ? […] Ce roi, en effet, malgré son coin connu de fragilité, avait toujours en définitive, quand il l’avait fallu, sacrifié les plaisirs aux affaires, et il y avait en lui un ressort d’honneur qui pouvait, au dernier moment, triompher de son amour.

136. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Il se plaint de ne point trouver en lui une ouverture et des sentiments correspondants aux siens, d’y rencontrer plutôt des méfiances ou des timidités : « Mon cher frère, vous me connaissez bien mal, puisque vous croyez que je ne pense pas à vous ; mais ce n’est pas d’aujourd’hui que vous me faites de pareilles injustices, et je remarque de reste que vous n’avez aucune confiance en moi (août 1744). » Il le traite d’ailleurs avec amitié, essaie de l’enhardir en causant librement avec lui par lettres, et se promet de l’initier aux affaires dès qu’il aura quelque intervalle de liberté. […] Toutefois, s’il entend former et préparer son frère Guillaume au rôle futur qui peut lui échoir, Frédéric ne veut en rien être contrarié par lui dans ses affaires ; il est impitoyablement jaloux de tout ce qui touche à la discipline de l’armée. […] Un jour que le prince Guillaume a essayé de le faire fléchir à je ne sais quelle occasion et de le faire transiger, il lui écrit (août 1750) : Si vous voulez accepter un conseil que mon amitié vous donne, c’est de ne pas trop remuer une affaire qui à la fin pourrait devenir fâcheuse. […] Les paroles de Frédéric sont d’une grande autorité, et nous arrivent en accents qui vibrent encore : Vous avez mis, par votre mauvaise conduite, mes affaires dans une situation désespérée ; ce n’est point mes ennemis qui me perdent, mais les mauvaises mesures que vous avez prises. […] Il y a un moment de maturité où l’on ne peut plus éviter de combattre, « et où il est d’une nécessité absolue que les choses en viennent à quelque affaire décisive : sinon, on sèche sur pied, et on se consume soi-même ».

137. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

Berryer et Dupin, et contre le système de défense qu’ils avaient adopté dans l’affaire du maréchal Ney, à des invectives tellement violentes, qu’il faut les citer textuellement, parce qu’aucune analyse n’en donnerait une juste idée : « A Dieu ne plaise, disait-il, que nous suivions jamais l’exemple qui nous a été donné dans une affaire récente dont les détails ont longtemps lasse notre patience… Nous avons une plus juste idée des devoirs que nous impose notre ministère, et si jamais ils se trouvaient, en opposition avec nos devoirs et nos sentiments de citoyens, notre choix ne serait pas douteux. […] S’ils manquèrent de la politique du moment, ce fut positivement parce que cette politique instantanée ne leur avait jusqu’alors inspiré que du mépris ; mais les affaires les auraient formés, parce qu’elles ont seules la puissance de courber les esprits forts jusqu’aux considérations honteuses qu’exigent l’état et les intérêts d’une société presque en dissolution. Cette ressource a disparu pour la France ; et l’Ordonnance de dissolution du 5 septembre a plus fait sans doute qu’elle ne croyait faire. » Cette vue, on peut l’affirmer hardiment et d’après l’expérience, est fausse : il n’est pas exact de dire que l’état de mécontents, d’inactifs et d’émigrés à l’intérieur, entretenu et prolongé durant dix et quinze ans, ait jamais pu être une bonne préparation pour l’intelligence et le maniement des affaires publiques. […] Ces deux personnages dont on s’accoutuma de bonne heure à unir les noms faisaient leur chemin par les bureaux et conquéraient leur crédit dans le travail des commissions ; ils s’y montrèrent les plus capables et devinrent dès lors les hommes d’affaires du parti.

138. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

. — Sont venus ensuite les Girondins, et j’appelle ainsi tous les hommes du second moment, ceux d’après la fuite de Varennes, la plupart provinciaux, s’échauffant et s’enflammant à mEsure que les premiers se refroidissaient, et qui sont entrés dans l’arène politique avec des pensées républicaines honnêtes, avec la conviction arrêtée de l’incompatibilité de Louis xvi et de la Révolution, apportant d’ailleurs dans la discussion et la conduite des affaires plus d’ardeur et de générosité ou d’utopie que de réflexion et de prudence, depuis Brissot, Roland et sa noble femme, jusqu’à Condorcet. — Puis les Montagnards : ceux-ci violents, exaspérés, partant d’un principe extrême, s’inspirant d’une passion outrée, mais bon nombre également sincères, patriotes, d’une intégrité exemplaire, ne songeant dans l’établissement de leur terrible dictature temporaire qu’à la défense du territoire et au salut de la Révolution : Carnot, Cambon, Robert Lindet, Jean-Bon Saint-André, d’autres moins en vue comme Levasseur, Baudot… Pour les juger avec équité, il faut faire la part du feu, la part de la fièvre, et sacrifier sans doute beaucoup des idées applicables aux temps ordinaires ; mais, historiquement, à leur égard, ce n’est que justice. — Puis, la Terreur passée, il y a eu les hommes fermes, modérés, honorables, qui ont essayé de fonder l’ordre et le régime républicain en dépit des réactions, les hommes de l’an iii, Thibaudeau, Daunou, La Revellière-Lépeaux… — Je compterai ensuite une autre génération d’hommes politiques, ceux de 1797, de la veille de Fructidor, très honnêtes gens d’intention, un peu prématurés d’action et d’initiative, qui voulaient bien peut-être du régime légalement institué, mais qui le voulaient avec une justice de plus en plus étendue et sans les lois d’exception : les Barbé-Marbois, les Portalis, les Camille Jordan. — Enfin il y eut, à la dernière heure du Directoire, les hommes qui en étaient las avec toute la France, qui avaient soif d’en sortir et qui entrèrent avec patriotisme dans la pensée et l’accomplissement du 18 brumaire : Rœderer, Volney, Cabanis… Je crois que je n’ai rien omis, que tous les moments essentiels de la Révolution sont représentés, et que chacun de ces principaux courants d’opinion vient, en effet, livrer à son tour au jugement de l’histoire des chefs de file en renom, des hommes sui generis qui ont le droit d’être jugés selon leurs convictions, selon leur formule, et eu égard aux graves et périlleuses circonstances où ils intervinrent. […] La véritable éducation, celle du monde et des affaires, commença alors pour ce droit et judicieux esprit : « C’était, nous dit-il, un bienfait inappréciable pour moi que cette vie intérieure (l’intimité du comte de Merle), toute différente de celle que j’avais menée auparavant. […] Il eut affaire successivement à deux ministres, M. de Boynes, qui dirigea en dernier lieu la marine sous Louis xv, et à M. de Sortine, qu’il nous fait bien connaître. Une lettre écrite dans un mouvement d’humeur et confiée à des mains infidèles faillit briser à ce moment la carrière de Malouet et lui suscita une affaire des plus désagréables auprès des ministres, sur le compte desquels il s’était exprimé un peu à la légère. […] Le morose abbé de Mably, qui voyait tout en noir et ne pouvait surtout rien approuver dans un ministre, ne voulut jamais croire à l’heureuse solution de cette affaire qui avait eu, à l’origine, le caractère d’une machination, et il disait de son ton bourru à Malouet : « Monsieur, je me connais un peu mieux que vous en hommes et en ministres, attendu que je vous ai précédé dans le monde d’une quarantaine d’années ; je vous annonce donc nettement qu’avant deux ans vous êtes un homme perdu. » Malouet, loin de se perdre, sortit de là apprécié et prisé à sa vraie valeur.

139. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Dans les compagnies étranges où le sort le jette, il apprend combien Gil Blas est peu de chose dans le monde, que le monde n’a pas pour principale affaire de contenter, d’admirer Gil Blas. […] Nous voyons l’envers et les dessous de ces imposantes machines qu’on nomme ministère, administration, gouvernement, les égoïsmes éhontés, la basse corruption, les intérêts sordides, qui sont les ressorts des grandes affaires. […] Ces scandales s’éloignent : Fleury assoupit les affaires, les remet dans un train de moyenne honnêteté ou de silence discret. […] Mais tout est changé dans cette répétition ; le ministre est honnête, le favori est honnête ; on tâche de faire le mieux possible les affaires du roi et de l’État. […] La grande affaire de Lesage est de peindre les mœurs : son roman est une galerie de tableaux, souvent charmants et vrais.

140. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

A mesure que la Révolution approche, l’intérêt passionné qu’on prend aux affaires publiques, aux principes, aux réformes, fait éclore de toutes parts, dans toutes les sociétés, des facultés oratoires qui se dépensent dans les conversations et dans les correspondances. On peut rattacher encore à l’éloquence politique ce que l’on pourrait appeler l’éloquence administrative : les discours, les rapports, par lesquels des avocats généraux ou présidents de Parlement, des intendants, des ministres indiquent des abus, tracent des plans de gouvernement, s’associent selon le caractère de leurs emplois à la direction des affaires publiques. […] Pour son malheur, il eut affaire au père le plus absolu, le plus pénétré des droits de son autorité paternelle, qui se soit jamais rencontré : dès les premières résistances de l’enfant, le marquis s’irrita et voulut le briser rudement. […] Partout il porte sa netteté de conception et la vigueur de son éloquence : Beaumarchais en apprend quelque chose, lorsqu’ils représentent des intérêts opposés dans l’affaire des eaux de Paris. […] S’il sait mettre à contribution ses amis, s’il sait leur faire produire ce qu’ils n’auraient jamais fait sans lui, il en est véritablement l’auteur. » Du moins, nous sommes assurés par ses travaux antérieurs de la capacité de son esprit, de l’étendue de ses connaissances : si, accablé d’affaires, il dut recourir à des secrétaires pour la préparation de ses discours, c’était une économie de temps, et non un supplément de génie qu’il y cherchait.

141. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Ce sont des conseillers et des causeurs bons à écouter après trois ou quatre siècles comme au premier jour ; Montaigne sur tous les sujets et à toutes les heures, Commynes sur les affaires d’État, sur le ressort et le secret des grandes choses, sur ce qu’on nommerait dès lors les intérêts politiques modernes, sur tant de mobiles qui menaient les hommes de son temps, et qui n’ont pas cessé de mener ceux du nôtre. […] Louis XI, en montant sur le trône, avait soulevé toutes les méfiances de la noblesse, qui sentait d’instinct qu’elle avait affaire à un prince non chevaleresque. […] Le bon de l’affaire pour nos Bourguignons du xve  siècle, c’est que leur sottise, comme cela s’est vu souvent, leur réussit. […] L’ironie de Commynes se joue dans ce premier récit ; c’est cette ironie que nous cherchons, et non l’affaire en elle-même, qui ne nous importe guère. […] Le Te Deum de l’historien ressemble assez à dire : Nous l’avons échappé belle ; et il en conclut, somme toute, que l’on se comporta en cette affaire « comme hommes, et non point comme anges ».

142. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

Qu’avais-je besoin de savoir leur nom et leurs affaires, moi, passeur d’eau ? […] par exemple, voilà une belle affaire ! […] Moi, je comptais sur la nuit pour cacher l’affaire, et je ne pensais pas à la lumière des douze fusils faisant feu à la fois. […] — Elle a fait toutes les guerres de l’Empereur avec moi, et je l’ai toujours tirée d’affaire. […] Elle ne peut pas souffrir le voisinage d’un homme depuis l’affaire de la lettre.

143. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Il plie le dos, se tait, et se retire avec cette maxime qu’il faut tâcher de n’avoir pas affaire aux puissances. […] Ne m’entremets de leur affaire. […] Le gouvernement l’a déchargé des affaires politiques, et le clergé des affaires religieuses. […] Il eût trouvé l’invitation laconique, et l’eût voulue plus respectueuse : son dîner est une affaire d’étiquette. […] Nous nous réjouirons du succès de l’affaire.

144. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Il a resserré cette affaire en une page de notes. […] Florence lui expose sa petite affaire. […] C’est une affaire de temps. […] C’est son affaire. […] A moi aussi, c’est mon affaire.

145. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VI. Utilité possible de la conversation »

On a moins de loisirs, plus d’affaires et de soucis, une instruction plus spéciale ; on porte dans le monde la fatigue du jour et l’inquiétude du lendemain. […] En un mot, au lieu de se persuader qu’on a affaire à de purs esprits et à des axiomes universels, on croira qu’on a devant soi un individu vivant, en qui tout est borné et relatif, chez qui les affections, les habitudes, la disposition physique font échec à la vérité ; on prendra la parole qu’on entend pour le signe de l’âme qu’on ne voit ni n’entend ; on tâchera par elle de deviner ce qu’est l’invisible personne qui ne se laisse jamais atteindre que par le dehors.

146. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Son époux converti ne perdait aucune occasion de lui répéter « tout ce que la charité peut faire dire sur la plus grande de toutes les affaires à la personne du monde à qui elle importe le plus et que l’on aime le mieux. […] Le grand-père du duc de Nivernais était le propre neveu de Mazarin, ce duc de Nevers, trop connu par sa querelle avec Racine et Boileau ; il s’est ainsi fait, de gaieté de cœur, une méchante affaire auprès de la postérité, et qui pèse encore sur son nom. […] À Rome, où il succéda au cardinal de La Rochefoucauld, il n’eut point de bien grandes affaires à traiter, mais il y acquit de la considération par son esprit de sagesse et sa représentation grandiose. […] Vous avez des amis qui vous suppléeront dans la besogne de vos affaires personnelles ; et, quant à celles d’autrui, laissez-les dormir en dormant vous-même. […] Je ne sais pas ce que penseront vos clients, mais, pour moi, si j’avais actuellement une affaire à moi entre vos mains, j’aimerais mieux perdre mon procès que de vous y voir travailler. — Ménagez-vous, mon voisin, je vous en conjure, et ne me répondez pas, mais aimez-moi et croyez-moi, etc.

147. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

La vie n’est ni un plaisir ni une douleur, c’est une affaire grave dont nous sommes chargés, et dont notre devoir est de nous acquitter le mieux possible… Il y a encore une des chimères de la première jeunesse contre laquelle il est bien important de se prémunir. […] Mais si son expression n’est pas simple, elle est toujours grande, originale et unique ; il ne dit rien comme un autre : « (31 juillet 1837.)… Dans un temps d’instabilité, il n’est pas bon d’entrer très-jeune dans les affaires publiques ; si j’avais eu ce malheur, j’aurais été incapable de la conduite que j’ai eue sous la Restauration, et tout ce que j’ai de vie publique est là. […] J’v reviendrai, non pour prendre part aux affaires courantes, mais dans cette confiance présomptueuse, qu’il y aura peut-être telle circonstance, tel jour où il me serait permis de devancer les hommes de ce temps-ci et d’oser ce qu’ils n’oseraient pas. […] Votre caractère est complet, et votre esprit très-près de ce qu’il sera jamais ; mais votre autorité n’est pas ce qu’elle sera plus tard ; et il vous importe, il nous importe encore plus qu’à vous, qu’elle soit établie et autant inattaquable qu’il est possible, quand elle se produira dans les affaires publiques. […] Je vous demande pardon d’oser vous répondre et suivre avec vous une telle controverse ; mais, puisque vous le voulez, je vous dirai que le moment sera venu quand vous aurez terminé votre grande entreprise, et mis par là le sceau à votre réputation ; car vous serez plus fort, plus puissant, plus imposant, et cette considération a d’autant plus de poids que vous ne terminerez peut-être pas, si vous êtes jeté dès à présent dans le mouvement des affaires.

148. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Ainsi, dans l’affaire d’Orient, en 1840, il croyait qu’on devait appuyer le ministère du 1er mars ; et il l’écrivait à son ami M. de Beaumont (9 août 1840) : « Mais je n’approuve point, ajoutait-il, le langage de la presse officielle ; ces airs de matamores ne signifient rien. […] Ce n’est pas à une nation démocratiquement constituée comme la nôtre, et chez laquelle les vices naturels de la race ont une malheureuse coïncidence avec les vices naturels de l’état social, ce n’est pas à cette nation qu’on peut laisser prendre aisément l’habitude de sacrifier ce qu’elle croit sa grandeur à son repos, les grandes affaires aux petites ; ce n’est pas à une pareille nation qu’il est sain de laisser croire que sa place dans le monde est plus petite, qu’elle est déchue du rang où l’avaient mise ses pères, mais qu’il faut s’en consoler en faisant des chemins de fer et en faisant prospérer au sein de la paix, à quelque condition que cette paix soit obtenue, le bien-être de chaque particulier. […] Membre de la première Assemblée, ministre du prince-président pendant cinq mois (2 juin — 31 octobre 1849), Tocqueville ne prit que peu de part aux discussions de la seconde Assemblée à laquelle il appartenait aussi : sa santé altérée par l’intensité des émotions et par la fatigue des affaires l’obligea à chercher un climat plus doux, le ciel de Sorrente. […] Les dix dernières années, qui ont été assez stériles pour moi sous beaucoup de rapports, m’ont cependant donné des lumières plus vraies sur les choses humaines et un sens plus pratique des détails, sans me faire perdre l’habitude qu’avait prise mon intelligence de regarder les affaires des hommes par masses. […] Je n’ai pas de traditions, je n’ai pas de parti, je n’ai point de cause, si ce n’est celle de la liberté et de la dignité humaine : de cela, je suis sûr ; et pour un travail de cette sorte, une disposition et un naturel de cette espèce sont aussi utiles qu’ils sont souvent nuisibles quand il s’agit, non plus de parler sur les affaires humaines, mais de s’y mêler. » J’en demande pardon à Tocqueville : au moment où il dit qu’il n’a point de cause, il déclare assez qu’il en a une, et cette cause, telle qu’il vient de la définir, était pour lui une religion.

149. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Dans les ordres imprimés de la Correspondance impériale, on n’en voit aucun qui prescrive à Ney de marcher sur Berlin ; et il est dit seulement que le maréchal devait toujours se tenir dans une position intermédiaire, à portée de faire ce mouvement et cette pointe si elle était nécessaire, ou de se rabattre du côté de Bautzen, en cas d’affaire, pour tourner l’ennemi. […] … Ce qu’il y a de plus terrible dans mon affaire, c’est que le misérable état de situation qui en est le prétexte arrivait sans doute à Dresde au moment même où le courrier qui vient de me déshonorer aux yeux de l’armée en partait. […] Dès les premières discussions qui s’étaient élevées devant Alexandre, Jomini avait représenté à l’empereur qu’isolé et sans fonctions il lui était fort difficile de juger des affaires et de donner un conseil ; on décida donc de l’attacher officiellement à l’état-major de Schwartzenberg, en lui donnant Toll, général russe, pour adjoint ; mais la volonté du puissant autocrate ne parvint jamais à l’accréditer comme il aurait fallu. […] Des affaires de famille, l’arrivée en Allemagne de sa femme et de son fils venant de Suisse par Vienne, occupèrent Jomini pendant tout ce mois de septembre et les premiers jours d’octobre. […] Mais il ne prit aucune part aux affaires de guerre, et ne fit autre chose que veiller aux intérêts de la Suisse, qui en avait grand besoin.

150. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Ce qui nous console dans ce grand deuil général, ce sont ses enfants, si éminemment dignes de leur père, et Pierre, l’un d’eux, leur aîné, qui, à peine dans sa vingt et unième année, soutient le poids des affaires de toute la république avec une gravité, une sagesse et une autorité telles, qu’il fait croire à une vie nouvelle du père dans son fils. […] Dans des affaires si ardues, il se montre tellement habile, qu’il fait naître d’incroyables espérances auxquelles il répondra pleinement. […] Si je ne poursuis pas à présent sur les qualités des autres enfants, je ne puis cependant me retenir sur le sujet de Pierre et sur le témoignage que son père lui a rendu dans une affaire récente. — Deux mois environ avant sa mort, Laurent, assis sur son lit, selon sa coutume, causant avec nous philosophie et littérature, me disait qu’il voulait consacrer le reste de sa vie à des études qui nous étaient communes, à lui, à moi et à Pic de la Mirandole, et cela loin du bruit et du fracas de la ville. « Mais, lui dis-je, les citoyens ne vous le permettront pas, parce que, de jour en jour, ils aiment davantage vos conseils et votre autorité. » Souriant alors, il me dit : « J’ai déjà délégué mes fonctions à votre élève et je l’ai chargé de tout le poids des affaires. — Mais, avez-vous, lui répondis-je, surpris assez de force dans ce jeune homme pour que nous puissions avec confiance nous reposer sur lui ? […] Politien, remarquez encore que, de tous mes enfants, nul n’a montré une nature égale à celle de Pierre, de telle sorte qu’il me fait augurer et espérer qu’il ne le cédera à aucun de ses ancêtres, à moins que les expériences que j’ai déjà faites de ses talents ne me trompent. » Il m’a donné récemment une preuve de la vérité du jugement et de la prévision de son père, quand nous l’avons vu sans cesse près de lui dans sa maladie, toujours prévenant dans les services les plus intimes et les plus désagréables, supportant le plus patiemment possible les veilles, la privation d’aliments, ne pouvant souffrir qu’on l’arrachât du lit de son père que pour les affaires les plus urgentes de la république, et tout cela avec une merveilleuse piété répandue sur toute sa personne. […] Aussitôt que Laurent eut cessé de vivre, à peine pourrais-je vous dire avec quelle humanité et quelle gravité notre Pierre reçut tous les citoyens qui affluaient dans sa demeure ; comme il fut convenable et même caressant dans les diverses réponses qu’il fit aux condoléances, aux consolations et aux offres de service ; et bientôt quelle adresse, quelle sollicitude il montra dans l’arrangement des affaires de famille ; comment il secourut et releva tous ses amis frappés par ce grand malheur ; comment le moindre d’entre eux, celui-là même qui lui avait fait de l’opposition dans l’adversité, fut relevé dans son abattement, ravivé, encouragé ; comment, dans le gouvernement de la république, il suffit à toutes choses, au temps, au lieu, aux personnes, et ne se relâcha en rien.

151. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Ce sont donc deux genres éminemment scientifiques, des instruments d’abstraction et de généralisation : ils donnent les résultats de cette étude de l’homme qui est l’affaire de tout le siècle, avec une exacte précision, en éliminant tout ce qui est invention d’artiste, fantaisie, roman, effet sensible ou pittoresque pour le plaisir. […] Il convient de faire une place au roi354, qui dans ses Mémoires et dans ses Lettres, se montre à son avantage, avec son sens droit et ferme, son application soutenue aux affaires, sa science délicate du commandement : une intelligence solide et moyenne, sans hauteur philosophique, sans puissance poétique, beaucoup de sérieux, de dignité, de simplicité, une exquise mesure de ton et une exacte justesse de langage, voilà les qualités par lesquelles Louis XIV a pesé sur la littérature, et salutairement pesé. […] Elle resta à la cour, sur le conseil de ses amis, de son confesseur, pour guider le roi dans l’affaire de son salut. […] Elle se mêla aussi directement aux affaires où les princes qu’elle avait élevés, ceux qu’elle aimait, avaient intérêt : de là son rôle dans celles d’Espagne. […] Il alla à Rome pour diverses affaires (garde corse, etc.)

152. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Une fortune immense, dont on connaît quelques affluents, mais dont on ignore la source, cachée dans des affaires exotiques. […] Elle sait que Gérard l’a connue en Italie, qu’il est en relation d’affaires avec son mari, et mistress Clarkson vient de lui signifier effrontément qu’elle l’aimait. […] Mari in partibus de sa femme, il vient parler affaires avec elle, régler des comptes, combiner des opérations, et il repartira, comme il est venu, sans avoir entrouvert sa chambre à coucher. […] M. de Septmonts a pris l’américain Clarkson pour témoin ; il arrive, pressé comme toujours, et, montre en main, se fait exposer l’affaire. […] Cet amant d’affaires l’a pris dans un piège d’argent si perfidement ourdi, qu’en le tuant il semblerait hériter du prix de l’adultère et vouloir solder ses créanciers par sa mort.

153. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

En vérité, il y a de quoi se désespérer d’avoir affaire à un tel homme. […] Elle tourmenta ce roi qui semblait l’être à regret, en lui parlant des affaires d’État, de ses intérêts, de sa gloire. […] Mais, avec ce manque absolu d’initiatives qui caractérisait Louis XV, il fallut qu’on fît ici pour Mme d’Étiolles ce qu’on avait fait pour Mme de Châteauroux, c’est-à-dire qu’on arrangeât pour lui l’affaire : en pareil cas, auprès des princes, les entremetteurs officieux ne manquent jamais. […] Mais quand la chose eut été réglée comme affaire d’État et que le roi dut partir pour l’armée « sans avoir peut-être encore rien obtenu », on songea à former la société intime de la marquise durant l’absence, et l’abbé de Bernis fut désigné. […] Mais, s’il trouvait une autre femme à qui il parlerait de sa chasse et de ses affaires, cela lui serait égal au bout de trois jours. » Elle se répétait à elle-même cette parole comme l’exacte et triste vérité.

154. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

« J’avais rugi, dit-il après sa chute de 1824, en me retirant des affaires. » Il aurait pu dire de même : « J’avais rugi en y entrant. » Quelle était donc cette nature impétueuse et passionnée qui a pris et quitté si vivement les choses de ce monde, tout en s’en proclamant si désabusé ? […] Dès lors une velléité d’ambition politique le saisit ; il entra dans les affaires, il alla à Rome sous le cardinal Fesch. […] Dans ce discours de réception à l’Académie qui ne put être prononcé, il disait dès l’abord énergiquement : Il y a des personnes qui voudraient faire de la littérature une chose abstraite, et l’isoler au milieu des affaires humaines… Quoi ! […] : C’est à ceux-ci, s’écriait-il, qu’il appartient de diriger les affaires ; ils rendront meilleur tout ce qui leur sera confié ; les autres gâtent tout ce qu’ils touchent. […] Un poète dans les affaires, prenez garde !

155. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — II. (Suite.) » pp. 155-174

Il en gronde, et ne sait pas bon gré à ceux qui mettent la dernière main à la même affaire, à Du Plessis-Mornay, qui le supplante ici au dernier moment. […] » À l’affaire d’Aumale (1592) où Henri s’expose si imprudemment, Rosny est dépêché par les plus fidèles serviteurs du roi pour lui faire remontrance sur le terrain même et le prier de ne point se hasarder ainsi sans besoin : « Sire, ces messieurs qui vous aiment plus que leurs vies, m’ont prié de vous dire qu’ils ont appris des meilleurs capitaines, et de vous plus souvent que de nul autre, qu’il n’y a point d’entreprise plus imprudente et moins utile à un homme de guerre que d’attaquer, étant faible, à la tête d’une armée. » À quoi il vous répondit : « Voilà un discours de gens qui ont peur ; je ne l’eusse pas attendu de vous autres. » — « Il est vrai, Sire, lui repartîtes-vous, mais seulement pour votre personne qui nous est si chère ; que s’il vous plaît vous retirer avec le gros qui a passé le vallon, et nous commander d’aller, pour votre service ou votre contentement, mourir dans cette forêt de piques, vous reconnaîtrez que nous n’avons point de peur pour nos vies, mais seulement pour la vôtre. » Ce propos, comme il vous l’a confessé depuis, lui attendrit le cœur… Il y a dans ces Mémoires de Sully, et si l’on en écarte les cérémonies et les lenteurs, des scènes racontées d’une manière charmante et même naïve. […] Il le consulte notamment sur la grande affaire de sa conversion (février 1593). […] Le compte entier ne s’y trouvant point (et encore ce qui paraissait n’était qu’en lettres de change), et Sully s’en plaignant au gentilhomme porteur et qui était le père de celui même qui avait donné l’avis, tout d’un coup, comme il se promenait dans la chambre avec ce gentilhomme, il arriva que les poches de celui-ci crevèrent et qu’il en sortit une traînée d’écus au soleil : « Nous ne nous amuserons point, disent les secrétaires, à réciter les colères de monsieur votre frère et de M. de Bellengreville (autre gouverneur), ni les risées du roi lorsque tout cela fut su. » Pour couronner le récit de cette petite affaire, il faut savoir que cet argent de contrebande, ainsi intercepté par Rosny, ne fit pas retour au roi et fut pour lui de bonne prise. […] Partant, jugez si je mérite d’être ainsi traité, et si je dois plus longtemps souffrir que les financiers et trésoriers me fassent mourir de faim, et qu’eux tiennent des tables friandes et bien servies… Rosny introduit, après bien des retards, dans le Conseil des finances, y trouva une conjuration et complicité tacite des autres membres qui tendaient à le déjouer et à le faire tomber en faute : Or sus, mon ami, lui avait dit le roi au moment de l’y installer, c’est à ce coup que je me suis résolu de me servir de votre personne aux plus importants Conseils de mes affaires, et surtout en celui de mes finances.

156. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Ce moqueur, qui nous fait ainsi les honneurs de son père, a dit d’ailleurs, en rendant plus de justice à ses hautes qualités : « Il avait une grande élévation, et était aussi fier en dedans qu’en dehors. » La dernière fois qu’il le vit, après quelques détails d’affaires dont son père, déjà malade, le chargea, en ajoutant : « Au reste, cela vous regarde plus que moi, puisque… » ; ce puisque, confesse-t-il, qui exprimait la certitude d’une fin prochaine, le fit fondre en larmes. […] Même après les avantages, on laisse souvent l’ennemi se retirer en bon ordre : « Il aurait été difficile de l’entamer, dit-il d’une de ces premières marches prussiennes dont il est témoin ; à la vérité nous n’étions pas entamants. » À une première affaire où il s’agit d’occuper une crête de hauteur, il y arrive avec son monde en même temps que l’ennemi : « Nous eûmes un moment de flux et de reflux comme au parterre de l’Opéra. » Cette image lui vient tout naturellement comme à une fête. Il fait ses premiers prisonniers ; c’étaient quinze ou seize hommes et un capitaine qui, se trouvant coupés, se rendirent : « Et je les fis passer derrière les rangs avec un plaisir qui tenait de l’enfance. » L’affaire faite, il a perdu plus de la moitié de son bataillon, et ces débris victorieux continuent de rester encore exposés au canon fort mal à propos : « Il n’était venu en tête à personne de nous mettre à l’abri ; cependant tout était fini, et notre artillerie répondait fort mal à celle des Prussiens. […] À propos de je ne sais quelle position avantageuse aux Prussiens : « Le roi l’occupa parfaitement bien, dit le prince de Ligne ; il jouit de son plaisir ordinaire, qui était de nous tenir en suspens. » À la fin de la campagne de 1759, le prince de Ligne est choisi pour aller porter au roi de France à Versailles la nouvelle de l’affaire de Maxen ; il a raconté sa première apparition dans cette Athènes dont il était déjà, et il l’a fait avec piquant et un peu de cliquetis. […] Ce côté sérieux et sensé, qu’il n’eut jamais l’occasion de développer avec suite dans les affaires, tourna avec les années chez le prince de Ligne au profit de l’homme aimable : même en ne restant que cela avant toute chose, il y a un progrès qui est à faire pour continuer d’en mériter la réputation.

157. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Rousset a, dès l’origine, une théorie du caractère et de la fonction de Louis XIV, qui est celle des opposant et des mécontents, et que je ne crois pas très justifiée, si on y regarde de près : « Louis XIV, nous dit-il, avait, comme Philippe II, le goût des détails ; ses ministres encouragèrent ce goût et le poussèrent même à l’excès ; en trompant par la multiplicité des affaires un appétit de travail qui était réel et sérieux, ils l’assouvissaient d’abord par les petites et tenaient les grandes en réserve ; mais toutes lui étaient présentées. […] Lorsqu’un secrétaire d’État arrivait pour le travail à l’heure indiquée, son sac rempli de dossiers et de dépêches, il avait eu soin de laisser dans chaque affaire un point sans importance à résoudre, dans chaque dépêche un ou deux mots à suppléer ou à changer ; le secrétaire d’État suggérait : le roi résolvait, suppléait, changeait et signait. […] La grande Catherine de Russie, après quelque conversation avec les philosophes Diderot ou Grimm, disait en se levant pour aller vaquer aux affaires d’État : « Maintenant il faut songer au gagne-pain. » Ce n’est pas Louis XIV qui eût dit ce mot-là, qui a d’ailleurs sa bonne grâce ; ce n’est pas lui qui eût fait ainsi bon marché, même en paroles et d’un air de badinage, de ce qu’il considérait comme les plus importants et les plus sacrés de ses devoirs. […] Rousset nous fait si heureusement profiter, me paraît être bien plus dans le vrai quand il nous montre Louis XIV, toutes les fois qu’il dicte ou qu’il écrit, « parlant en roi passionné pour la gloire, appliqué à ses affaires, qui agit par lui-même, qui prend connaissance et qui juge sainement de tout, et qui n’est pas tellement conduit par ses ministres qu’il n’influe beaucoup dans leurs résolutions, par son attention a les examiner et sa fermeté à les soutenir. » Cette conclusion mesurée est moins piquante que l’autre, qui suppose un Louis XIV. toujours maître et souverain en idée, et en réalité toujours dupe. […] A vrai dire, Boileau a raconté la chose aussi bien, aussi élégamment qu’un fait d’armes aussi compliqué peut se décrire en vers ; mais comme on a toujours affaire à des moqueurs, il n’a pas assez songé au parti qu’on tirerait contre son héros de cet éloge un peu fastueux où il l’a représenté comme inactif et immobile : « Louis, les animant du feu de son courage, Se plaint de sa grandeur qui l’attache au rivage. » Boileau, sans le vouloir, a porté par là préjudice à Louis XIV devant la postérité.

158. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

En se choisissant pour disciple un esprit de jeune femme, il s’adressait à son meilleur public, c’est-à-dire à des esprits plutôt vides et vacants que déjà occupés par d’opiniâtres erreurs ; il s’adressait à « l’esprit des ignorants qui, disait-il, étaient ses véritables marquises. » Mieux valait avoir affaire à un ignorant certes qu’à un esprit encroûté, entêté de la vieille science. […] Il a cru devoir aussi s’élever contre le ton de légèreté de Fontenelle qui, craignant de se faire des affaires, était homme, on le sait, à n’avoir pas l’air de tenir beaucoup à son opinion, si on le pressait trop, et à en plaisanter même à la rencontre. — « Trahir la vérité ! […] S’il a l’air de céder si aisément et de se dérober quand il a affaire au peuple, c’est-à-dire aux esprits frivoles, esclaves du préjugé et de l’habitude, c’est qu’il ne veut rien céder du fond et qu’il réserve pour un petit nombre, « pour une petite troupe choisie », l’entière originalité et l’intégrité parfaite de ses pensées. […] Dès ce moment, ce n’est plus à un traité populaire d’astronomie que nous avons affaire chez M.  […] Biot l’ont évidemment dominé dans la révision de cette affaire de Galilée et ont imposé leurs limites à ses sentiments philosophiques et scientifiques.

159. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Une autre fois, il voulut le prendre sur un haut ton avec le procureur général Joly de Fleury pour une odieuse affaire où s’étaient brutalement compromis un gentilhomme de sa maison et un officier de son régiment : il trouva une ferme résistance dans le magistrat. […] Le public sera le sol de cette affaire, car quand un prince est brave et s’expose, lui qui pourrait s’en dispenser par sa qualité d’abbé de Saint-Germain-des-Prés, il lui est permis de faire ce qu’il veut à la ville, sans que de petits particuliers, qui auraient peur d’une fusée dans les rues, ou des femmes qui enragent de voir une fille dans une belle calèche, soient en droit d’y trouver à redire. » Bravo, monsieur Prudhomme ! […] Ici nous avons affaire à un nouveau témoin, simple et véridique33 ; chaque déposition se complète de la sorte et se confirme ; qualités et faiblesses, tout s’y voit : « A mon arrivée près de ce nouveau général, nous dit Rochambeau, je me trouvai dans une société qui m’était fort étrangère ; ce prince était entouré d’aides de camp qui lui avaient été donnés dans sa petite maison par la fameuse Leduc, sa maîtresse en titre : tous ces messieurs aimaient leurs chevaux et ne voulaient les fatiguer que quand ils étaient commandés ou que le prince montait à cheval. […] Le prince, à souper, s’était égayé sur le compte des mœurs plus que galantes du maréchal : c’était bien affaire à lui ; mais enfin le propos, rapporté et envenimé à dessein, avait irrité le maréchal, qui, depuis ce moment, n’épargnait pas, dans les ordres journaliers de service, les petits dégoûts au prince. […] Le même Rochambeau nous donne un détail que Valfons, tout occupé de ses affaires personnelles et de ses griefs, a négligé : « M. le comte de Clermont étant entré dans la ville et logé à l’évêché, l’évêque vint lui donner une alarme qui était très bien fondée.

160. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Sa principale affaire à elle fut de remplir, d’animer, d’amuser ou de désennuyer au-dedans le cercle rétréci des dernières années de Louis XIV. […] Elle négociait à travers tout sa véritable et intéressante affaire, son influence propre. […] Elle fut la personne essentielle, conseillante et consolante, raisonnable et tout à la fois agréable de cet intérieur royal au milieu de toutes les affaires et les afflictions. […] Ajoutez la multitude d’affaires qui passaient par ses mains, celles de religion surtout et de conscience, car elle se croyait l’« abbesse universelle », a dit Saint-Simon ; et elle-même s’appelle la « femme d’affaires des évêques ».

161. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

J’ai dit qu’envoyé en Espagne par le duc de Mayenne pour sonder les véritables intentions de Philippe II et faisant ce voyage dans une médiocre espérance, il arriva à reconnaître dès les premières audiences que Philippe II, en s’intéressant aux affaires de la Ligue, ne voulait autre chose que la part du lion, la couronne de France pour l’infante sa fille. […] Le duc de Mayenne, lorsque Villeroi lui en parla bientôt dans un sentiment de reproche, répondit par toutes sortes d’excuses, et conclut en ces termes qui peignent au vrai sa situation comme chef de parti, « qu’il priait ses amis de plaindre plutôt sa condition et lui aider à conduire ses affaires à bon port, que de s’offenser de ses actions, étant toutes forcées comme elles étaient ». […] Dans une lettre de Henri IV à Sully, datée de Calais, 2 septembre 1602, on lit : « J’écris au président Jeannin qu’il vienne avec vous, car je suis de votre avis qu’il pourra se présenter occasion de l’employer. » Il était conseiller au Conseil d’État ; intendant des finances ; employé et consulté dans toutes les affaires importantes et secrètes. […] Il fallait partir au plus tôt ; et le moindre retard pouvait mécontenter le roi et préjudicier aux affaires.

162. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Ce n’était pas même un de ces familiers comme un Brossette ou un Boswell, devant lesquels on cause sans se gêner de toutes sortes d’opinions et d’affaires, sans compter que Bossuet n’était pas un homme de lettres, parlant ainsi à tout propos de ce qui l’occupait, et qu’il avait la discrétion grave du vrai docteur et du prélat. […] Son affaire et son duel théologique avec Fénelon, et la vigueur qu’il mit à le réfuter jusqu’au bout et à le confondre, n’ont pas nui à cette idée et l’ont fait même passer pour dur. […] Dans cette affaire de Fénelon, Bossuet fit son office de docteur et de gardien incorruptible de la vérité : c’est un aspect différent et non moins essentiel de ce grand esprit, de cette âme toute sacerdotale de Bossuet. […] Il s’était engagé à prêcher à Meaux toutes les fois qu’il officierait pontificalement, « et jamais, dit Le Dieu, aucune affaire, quelque pressée qu’elle fût, ne l’empêcha de venir célébrer les grandes fêtes avec son peuple et lui annoncer la sainte parole. » Dans ces circonstances, « on voyait un père, et non pas un prélat, parler à ses enfants, et des enfants se rendre dociles et obéissants à la voix du père commun ».

163. (1874) Premiers lundis. Tome II « Quinze ans de haute police sous Napoléon. Témoignages historiques, par M. Desmarest, chef de cette partie pendant tout le Consulat et l’Empire »

Le fond de cet ouvrage, pour lequel il trouve la qualification de Mémoires trop ambitieuse, n’ayant jamais de son chef agi ni ordonné, et qu’il intitule simplement Témoignages historiques, ce fond se compose donc des principales affaires d’État qui l’ont occupé, depuis son entrée au ministère, dix jours après le 18 brumaire, jusqu’à la Restauration. […] Desmarest, le récit le plus explicatif de la conduite de Bonaparte en cette déplorable affaire. […] « Je sais que j’ai affaire à des fous », répondit Napoléon ; et pourtant il n’était pas sans méfiance.

164. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Il eut la gloire de traiter par ambassadeur avec Rome : Hennebel y alla chargé des affaires des jansénistes. […] Mais on avoit affaire au régent ; il impose silence à tout le monde. […] L’affaire fut portée au parlement. […] Enfin, après avoir été pour les avocats matière à plaisanterie, l’affaire fut terminée le 12 février 1652. […] Le monarque voulut que l’affaire suivît le cours ordinaire de la justice.

165. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Avertissement de la première édition »

Avertissement de la première édition Je continue de mettre ordre de mon mieux à ce que j’appelle mes affaires littéraires. […] Ces nouveaux volumes ont d’ailleurs leur caractère assez à part, en effet ; les noms les plus célèbres du jour s’y pressent ; j’ai eu affaire à la plupart d’entre eux, d’assez près et plus d’une fois.

166. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

Mais ici la rapidité n’est plus la même : c’est le complet auquel aspire l’historien dorénavant formé par la connaissance des affaires, et devenu à son tour homme d’État. […] Les uns et les autres étaient attirés par des motifs divers : ceux-ci par l’intérêt qu’ils portaient au gouvernement, ceux-là par le plaisir de le voir contredire, beaucoup par zèle pour la question soulevée, tous enfin par la curiosité, et, il faut le dire, par un goût tout nouveau pour la discussion éloquente des affaires publiques qui venait de se développer dans notre pays. […] Raynouard, un peu diffus, un peu académique, n’ayant pas encore la simplicité et le nerf du langage des affaires, que la pratique pouvait seule donner à l’éloquence française, fut écouté avec une religieuse attention.

167. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

» Et l’historien en question ajoute, textuellement : « Si des ecclésiastiques ont régi tant d’États militaires, c’est qu’ils étaient plus expérimentés, plus véritablement propres aux affaires, que des généraux et des courtisans. » Raison qui rappelle le mot des médecins de Molière : L’opium fait dormir parce qu’il a une vertu dormitive , et qui fait sourire venant d’un homme d’autant d’esprit que Voltaire ; car c’est Voltaire qui est cet historien ! […] II Pour bien comprendre le ferme et placide génie du cardinal Ximénès, il faut, en effet, l’intelligence du catholicisme et du Moyen Âge ; car, malgré le millésime de son avènement aux affaires, Ximénès est, avant tout, un homme du Moyen Âge, et un saint. […] Son physique, cette chose frivole et si sérieuse pour les ambitieux, parce qu’il influe dans les affaires, était peu sympathique.

168. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’arbitrage et l’élite »

L’Europe devait avoir pour les affaires internationales « un Sénat européen, chargé de prévenir toute rupture et de régler les différends entre les peuples. » Cette cour suprême, « conseil général des États de l’Europe, composé de soixante députés siégeant dans une des grandes villes du Rhin, eut été chargé de connaître toutes les querelles entre États62. » Le rêve du roi politique se précisa chez le jurisconsulte hollandais Grotius, l’un des fondateurs de la philosophie du droit. […] La cour suprême qui s’occuperait en temps ordinaire des affaires courantes de droit international, jugerait également « les difficultés de frontières, les graves questions de droit public, et même les affaires d’honneur que les nations seraient bientôt amenés à lui soumettre par une irrésistible progression. »‌ Comme conséquence de ce vœu, la Chambre des Représentants de Belgique vient d’adopter à l’unanimité un ordre du jour « affirmant le désir de voir confier à l’arbitrage la solution des conflits internationaux et organiser à cet effet une juridiction permanente » ; et le Sénat belge vient également de voter une motion affirmant son espoir dans la contribution du gouvernement à la formation d’une cour internationale.

169. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

J’y viendrai bientôt, mais aujourd’hui je ne veux avoir affaire qu’au premier et plus léger abbé de Bernis : on verra l’homme sérieux en lui se dégager insensiblement. […] Or, c’est à Venise qu’il fait son apprentissage, au moins pour les dehors, car les affaires y sont à peu près nulles : « Comme cette ambassade, remarque-t-il, est plus de parade que de nécessité, on a cru quelquefois que tout le monde y était propre, et que le premier venu y serait assez bon : en quoi on s’est grandement trompé. » Et il définit à merveille les qualités essentielles pour faire respecter dans un poste de ce genre le représentant du roi. Laissons-le parler lui-même, nous ne saurions dire aussi bien que lui : Quand on a des affaires à traiter dans les cours étrangères, c’est la manière dont on les conduit, ces affaires, qui fixe l’attention et qui décide de l’estime qu’on a pour vous ; mais, lorsqu’on n’a rien à démêler avec une cour, on est alors jugé d’après le personnel ; ainsi, l’on a besoin d’une grande attention pour éviter la censure d’une infinité d’observateurs curieux et pénétrants qui cherchent à démêler votre caractère et vos principes, sans que vous puissiez jamais détourner leur attention. […] Pendant cette année si occupée, durant laquelle il met la main aux grandes affaires et qui précède son entrée au ministère (1756-1757), il n’est plus cet homme maladif et languissant de Venise qui a la goutte au genou, et dont la vie se traîne de fluxion en fluxion : il veille, il se prodigue dans le monde, il passe une partie des nuits à jouer, faisant semblant de s’y plaire, pour mieux cacher son autre jeu ; car il n’est pas ministre encore ; la négociation secrète qu’il mène se conduit en dehors du cabinet, et ceux qui sont en place le surveillent : au milieu de tous ces soins, il ne s’est jamais mieux porté.

170. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Une fois la dette de l’honneur et du sang payée par quelque affaire de guerre valeureuse et heureuse qu’on vantait sans cesse, on ne leur demandait plus rien que d’être aimables. […] Si de la société il passe aux affaires, il étonne par sa perspicacité ; il a tout deviné, et il n’y a point de magistrat ni de praticien qui n’en soit surpris. […] Dutens lui représenta qu’étant né en France de parents protestants qui l’avaient élevé dans leur religion, il n’avait pu regarder ce pays comme sa patrie, puisque le gouvernement même du royaume avait pour maxime que l’on ne connaissait point de protestants en France (et c’est ce qu’un ministre des Affaires intérieures lui dit un jour à lui-même). […] On parlait des affaires qui agitaient alors le Parlement (1776), et Diderot, dans sa chaleur, voulant louer le prince : « Monseigneur, dit-il, il paraît que vous êtes bien entêté ?  […] « Vous pouvez penser que depuis mon retour à Paris, je n’ai cessé de tenir ouverts mes yeux et mes oreilles pour ne rien perdre de ce qui a rapport à votre affaire.

171. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Il avait eu une grande part à la Paix de l’Église ; il savait ce qu’elle avait coûté de peines et de travaux… L’archevêque étouffait d’abord, autant qu’il le pouvait, toutes les semences de discordes, persuadé, comme tous ceux qui sont propres au gouvernement, que jamais une affaire n’est plus aisée à terminer que dans le moment de sa naissance, et qu’il est incomparablement plus aisé de prévenir les maux que de les guérir. […] Il ne fut point fâché que l’extinction du Calvinisme, qui devint dès lors la grosse affaire, arrivât tout à propos et à point pour lui donner prétexte de les rompre. […] Dans un grand nombre d’affaires qu’on traita dans cette Assemblée, quoiqu’il parlât et dît son sentiment après tous les autres, il trouvait toujours de si fortes et nouvelles raisons, qu’il était bien difficile de ne pas se rendre à ses décisions. » Tel était, dans l’entière vérité du portrait, l’homme dont on n’a pas à dissimuler les faibles, mais dont il faut reconnaître, avec tous les contemporains éclairés, la supériorité et l’espèce de génie53. […] Le rapporteur y prenait goût : « Je ne sais, nous dit-il, s’il y a un plus délicieux passe-temps que de voltiger ainsi de compagnie en compagnie, pourvu qu’elle soit triée, et d’apprendre exactement à cette source les anecdotes de son temps. » L’archevêque, qui était membre de l’Académie française, eut à un moment l’idée d’intervenir dans l’affaire de Furetière, violemment aux prises avec quelques meneurs de la Compagnie (1685), et de devenir arbitre entre des confrères. […] Quoi qu’il en soit du mobile, il fut le principal auteur et acteur dans cette élévation d’un cran et cet anoblissement définitif de la Compagnie ; il obtint que l’Académie eût désormais ses séances dans une salle du Louvre et fût considérée comme un des ornements ou accessoires du trône ; il usa de tout son crédit pour la faire valoir en toute occasion et la maintenir dans l’intégrité de son privilège ; et un jour qu’allant complimenter le roi elle n’avait pas été reçue avec tous les honneurs rendus aux Cours supérieures, il s’en plaignit directement à Sa Majesté, en rappelant « que François Ier, lorsqu’on lui présentait pour la première fois un homme de Lettres, faisait trois pas au-devant de lui. » La querelle engagée entre l’Académie et Furetière intéressait au plus haut degré l’honneur de la Compagnie : « car c’est grand pitié, comme remarque très sensément Legendre, quand des personnes d’un même corps s’acharnent les uns contre les autres, et qu’au lieu de se respecter et de bien vivre ensemble comme doivent faire d’honnêtes gens, elles en viennent à se reprocher ce que l’honneur de la Compagnie et le leur en particulier aurait dû leur faire oublier. » Il s’agissait, au fond, de l’affaire importante de l’Académie, le Dictionnaire, et de savoir si un académicien avait le droit d’en faire un, tandis que l’Académie n’avait pas encore publié le sien.

172. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Cela même, quand il entrait dans une affaire, circonscrivait sa portée d’action et limitait son succès. […] Montaigne aimait et admirait fort son père, « l’âme la plus charitable et la plus populaire qu’il eût connue. » Mais lui, il n’est point tel ni débonnaire de nature et d’humeur à ce degré ; il n’est point disposé à être, comme son père, perpétuellement agité et tourmenté des affaires de tous ; il confesse ne pouvoir le suivre et l’égaler en cela ; il n’est pas homme à se jeter à tout moment, comme un Curtius, dans le gouffre du bien public. […] Grün, peut se diviser en deux périodes : la première, calme et pacifique, fut consacrée presque exclusivement aux affaires municipales, et Montaigne s’en acquitta si bien, qu’il fut réélu. […] Tout s’était bien passé pendant trois années ; Montaigne avait suffi aux affaires de la ville au-dedans, aux négociations du dehors et aux sollicitations en Cour ; il était même populaire ; sa réélection, un moment contestée comme contraire aux statuts, avait été maintenue à la satisfaction générale ; on était au commencement de la quatrième année (1585) : ce fut cette fin de magistrature qui devait accumuler en quelques mois tous les ennuis et garder en quelque sorte pour le bouquet tous les genres de difficultés et de périls. […] Nous vous supplions très humblement de vous en venir, incontinent que vos affaires le pourront permettre.

173. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Malgré tout, ce ne serait pas une raison suffisante pour moi de m’immiscer à ces choses de théâtre et de venir empiéter sur un domaine qui n’est pas le mien, si je ne me trouvais informé de certains documents nouveaux, de pièces originales, relatives à l’affaire de l’empoisonnement, et aussi de quelques lettres inédites qui font honneur à cette personne remarquable par l’esprit et la droiture comme par le talent. […] Elle y trouva le petit bossu, qui lui dit en substance qu’une dame de la Cour dont il faisait la miniature lui avait proposé de s’introduire chez Mlle Le Couvreur comme peintre, et de lui donner un philtre qui éloignerait d’elle le comte de Saxe ; que, là-dessus, deux personnes masquées, à qui il avait eu affaire pour le détail de l’exécution, lui avaient déclaré qu’il ne s’agissait pas d’un philtre, mais bien d’un poison ; qu’à cet effet on déposerait, à un certain jour, dans un if des Tuileries, des pastilles empoisonnées ; que l’abbé les irait prendre, et que, s’il les donnait à Mlle Le Couvreur, on lui assurait 600 livres de pension et une somme de 6 000 livres. […] Cependant l’affaire tout à coup s’ébruita, et l’on dit dans le public que la duchesse de Bouillon avait tenté d’empoisonner Mlle Le Couvreur. […] On manda le lieutenant de police ; on le semonça de n’avoir pas poussé l’affaire à bout dès le premier éveil, et d’avoir fait élargir l’abbé Bouret. […] M. de Maurepas écrivit au lieutenant de police que l’intention du cardinal de Fleury n’était point d’entrer dans cette affaire de la sépulture ecclésiastique, mais de s’en rapporter à ce que feraient l’archevêque de Paris et le curé de Saint-Sulpice : « S’ils persistent à la lui refuser comme il y a apparence, écrivait-il, il faudra la faire enlever la nuit et enterrer avec le moins de scandale que faire se pourra. » Le corps fut donc enlevé de nuit dans un fiacre ; deux portefaix guidés par un seul ami, M. de Laubinière, allèrent l’enterrer dans un chantier désert du faubourg Saint-Germain, vers l’angle sud-est actuel des rues de Grenelle et de Bourgogne.

174. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Mon amour pour mes peuples me donne du courage pour tenir aux travaux continuels du gouvernement, mais il augmente mes peines et mes inquiétudes dès qu’il s’agit d’affaires criminelles qui vont à la mort, parce que je sais que mes soins, mes attentions et ma sensibilité ne peuvent pas s’étendre à tout. […] « Le choix d’un successeur au trône est une affaire de la dernière importance ; on ne doit pas la terminer légèrement. […] « Qu’on ne croie pas cependant que je néglige l’importante affaire de la succession à l’empire ; je l’ai sans cesse présente à l’esprit. […] Si je donnais à mes mandarins une autorité absolue pour pouvoir terminer les affaires, plusieurs d’entre eux ne manqueraient pas d’en abuser, et tout l’odieux retomberait sur moi. […] On a dû reconnaître dans cette affaire que la justice et l’humanité m’ont dicté seules la conduite que j’ai tenue.

175. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

La lecture continue, intrépide, et peu à peu les auditeurs s’immobilisent, et de temps en temps, avec la pupille dilatée de leur regard, ils fixent mon frère, avec l’air de se demander s’ils n’ont pas affaire à des gens de talent, devenus fous. […] * * * — Nous avons passé le contrat de l’achat de notre maison, et cette grosse affaire pour le vendeur et l’acheteur nous donne la mesure du peu de sérieux, avec lequel se traitent les affaires les plus sérieuses de la vie. Nous restons stupéfaits de la légèreté qui préside aux clauses, aux vérifications de toutes sortes, sous la conduite étourdie de notaires folâtres, feuilletant l’acte en causant de choses légères : vrais tabellions de pantomimes, légers, volages et hannetonnant, et qui ne savent rien du premier mot de l’affaire, ni du contrat qu’ils font signer. […] * * * — Ce qui sauve les souverains de devenir fous par la multiplicité des affaires et la contention des préoccupations, c’est que, par une grâce d’état, ils vivent dans une espèce de rêve de tout ce qu’ils font. […] Au fond, dégoûtés de jamais être joués là, et par ce monsieur, nous convenions, tous les trois, d’un même accord, de présenter la pièce au visa préventif de la censure, chacun ayant la secrète espérance de rompre l’affaire par le veto désiré.

176. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Le roi prend lui-même connaissance de l’affaire et décide ; presque tout est jugé en faveur de Sainctot, qui a pour lui une longue possession : il restera indépendant de M. de Blainville, ne prendra point l’ordre de lui, marchera à sa gauche, mais sur la même ligne, etc […] Le roi d’Angleterre lui ayant envoyé faire des compliments sur la mort de Louvois, il répondit à celui qui venait de sa part : « Monsieur, dites au roi d’Angleterre que j’ai perdu un bon ministre, mais que ses affaires et les miennes n’en iront pas plus mal pour cela. » Vraies paroles et vrai sentiment de roi ! […] Il donne beaucoup d’audiences, et travaille tout le reste du jour ; il s’est accoutumé à dicter et fait écrire à M. de Barbezieux, sous lui, toutes les lettres importantes qui regardent les affaires de la guerre. […] Le roi, qui a retranché une moitié sur les étrennes de ses enfants (1694) et deux cents chevaux de son écurie, cherche à étendre ses économies sur tout ce qui est dépenses de luxe, et sur les courriers que les généraux multipliaient sans nécessité pour la moindre affaire, et sur les Gobelins dont on a congédié tous les ouvriers.

177. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

C’est dans une des affaires qui eurent lieu sous le général Brunet que Joubert, assiégé dans une redoute avec trente grenadiers, après s’être défendu à outrance, fut fait prisonnier. […] — J’ai été instruit de ma réforme, écrit-il encore, dans un moment où, honoré de la confiance des généraux, je commandais le point essentiel de la première division de droite, avec huit et même douze bataillons, et à l’une des plus sanglantes affaires qui eurent lieu à l’armée d’Italie, à Melognoo. […] Ainsi après une affaire malheureuse, l’attaque des positions en avant de Saorgio, sous Brunet, il écrivait (juin 1793) : De notre côté, nous avons à pleurer bien des braves. […] [1re éd.] et à l’une des plus sanglantes affaires qui aient eu lieu à l’armée d’Italie, à Melogno.

178. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Un personnage célèbre, qui faisait alors ses premières armes dans les grandes affaires d’État, Fouché, envoyé à Milan comme ambassadeur de la République française près la République cisalpine, avait concerté avec le général en chef Brune, prédécesseur de Joubert, une répétition aussi du 18 fructidor, faite à l’eau rose (ce sont ses expressions). […] » Sans prétendre juger du fond des choses dans des affaires si embrouillées, il est certain pour moi, par la manière dont il est parlé de Joubert dans le récit de Fouché, et par la comparaison des pièces produites dans cette vie même du général, que Joubert, plus ou moins en garde d’abord contre les procédés de Brune, fut bientôt retourné et gagné par Fouché. […] Nous pensons qu’il vaut mieux rentrer dans les montagnes, d’où l’on n’aurait pas dû sortir, et se préparer à s’y défendre ; car les raisons qui doivent nous porter à ne point livrer une bataille avant la jonction de l’armée des Alpes doivent décider l’ennemi à nous attaquer avant qu’elle soit effectuée ; mais les positions que nous devons occuper nous sont bien connues ; ce n’est pas une affaire de quelques heures qui pourra décider les succès de l’ennemi ; là, il ne s’agira pas d’une seule bataille, mais de vingt combats plus ou moins acharnés, sur des points difficiles, où leur nombreuse artillerie et leur cavalerie se trouveront à peu près paralysées. […] Il n’y avait pas un moment à perdre pour les dispositions : on avait affaire à Souvarof, ce vieil et ardent guerrier, qui « avait l’âme d’un grand capitaine », s’il lui manquait la science et bien des parties du métier.

179. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Je suis si pénétré de cela, que si l’on me proposait aujourd’hui d’opérer pour moi une chose impossible, j’aimerais mieux m’être trouvé à cette prodigieuse affaire, que de me trouver à présent guéri de mes blessures sans y avoir pris part. […] Cervantes, soldat, fit encore deux campagnes navales, l’une dans l’Archipel en 1572, et l’année suivante (1573) il fut à l’affaire de la Goulette, à Tunis, sous Don Juan d’Autriche. […] Durant dix ans au moins (1588-1598) Séville fut sa principale résidence ; il y éprouva sur la fin une désagréable affaire quand il se vit emprisonné par ordre du gouvernement pour quelque irrégularité dans l’exercice de son emploi et dans le versement de la recette. […] Cervantes, qui était une espèce d’agent d’affaires et qui faisait des écritures pour ceux qui lui en demandaient, éprouve là de nouveau un de ces désagréments qui lui étaient assez familiers : une nuit, dans une querelle engagée près de sa maison, un chevalier, un personnage de la Cour fut frappé et blessé à mort par un inconnu : on arrêta provisoirement tous les témoins et toutes les personnes suspectes jusqu’à plus ample information, et Cervantes fut de ce nombre.

180. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

L’éclat de la dernière affaire, la part importante qu’il y avait prise, paraissent avoir excité l’ambition du comte de Clermont : il aspirait à être chargé de ce nouveau siège, comme il l’avait été de celui de Namur. […] C’est ce qui arriva pour cette affaire académique. […] Il y eut du dessous de cartes dans l’affaire. […] C’était tellement une affaire d’étiquette, que le duc de Luynes n’a pas manqué d’en tenir compte dans son Journal : « L’Académie française élut le 22 de ce mois (septembre 1755) M. l’abbé de Boismont, grand prédicateur, à la place de feu M. l’ancien évêque de Mirepoix.

181. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

La protection du marquis de Chauvelin, homme de beaucoup d’esprit et poëte agréable lui-même, valut à Léonard un emploi diplomatique qui le retint pendant dix années environ (1773-1783), tantôt comme secrétaire de légation, tantôt même comme chargé d’affaires auprès du Prince-Évêque de Liége. […] Il eut l’honneur d’être trois fois chargé d’affaires durant l’absence de son ministre, M.  […] Les affaires de la France avec le Prince et les États de Liège étaient nécessairement très-petites ; affaires surtout de libellistes à poursuivre et de déserteurs à réclamer.

182. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Ce fut nous du moins pendant des siècles ; nous avions arrangé nos affaires pour ne regarder que la terre et l’existence présente, et pour être débarrassés de tout ce qui gênerait l’action : nous avions donné procuration à l’Église de régler pour nous la question de la destinée, de la mort et de l’éternité, de façon à n’y plus penser que dans les courts moments où elle nous établit notre compte. […] La tendance positive et pratique de la race s’affirme ; la grande affaire est le plaisir. […] Dans leur loisir, l’amour devenait une grande affaire, et pour plaire aux femmes, ils se polissaient, s’humanisaient, dépouillaient l’ignorance et la brutalité féodales. […] Leur affaire est de jouer avec des idées : jeu bien français.

183. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

À peine informé de l’accusation, il témoigna sa mauvaise humeur d’être mêlé à cette affaire 1119 Puis il s’enferma dans le prétoire avec Jésus. […] Le procurateur se voyait avec un suprême déplaisir amené à jouer en cette nouvelle affaire un rôle de cruauté, pour une loi qu’il haïssait 1128. […] Espérait-il détourner le coup qui menaçait Jésus en accordant quelque chose à la haine des Juifs 1145, et en substituant au dénouement tragique une fin grotesque d’où il semblait résulter que l’affaire ne méritait pas une autre issue ? […] Déjà, dans l’affaire des écussons votifs 1150, les Juifs avaient écrit à l’empereur et avaient eu raison.

184. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Mais, pareillement, si Bossuet a mérité, dans l’affaire de Mme Guyon, toutes les duretés dont M.  […] Cependant le parlement avait évoqué l’affaire. […] Mais il faut croire qu’à ce propos Diderot s’obstina comme dans l’affaire de son drame. […] Une fois à Paris, c’est bien une autre affaire. […] Je ne veux pas croire, en vérité, qu’il examine les affaires comme il m’a examiné.

185. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Baudelaire.] » pp. 528-529

Lorsqu’il eut publié ce recueil, intitulé Fleurs du mal, il n’eut pas seulement affaire à la critique, la justice s’en mêla ; elle prit fait et cause au nom de la morale publique, comme s’il y avait véritablement danger à ces malices enveloppées et sous-entendues dans des rimes élégantes. Quoi qu’il en soit, il y eut procès, condamnation même, et c’est à la veille de cette plaidoirie plus que littéraire que j’adressai à l’auteur la lettre suivante, dans la pensée de venir en aide à la défense et de ramener la question à ce qu’elle était en soi, c’est-à-dire à une simple affaire de goût relevant de la seule critique.

186. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Note »

Le tribun breton fut très-sensible à l’abandon du critique normand, dont les premières hostilités éclatèrent, je crois, contre les Affaires de Rome. « Je l’ai rencontré depuis, disait-il, dans le quartier de l’Odéon, il a d’abord balbutié je ne sais quoi, puis, tout interloqué, il a baissé la tête. […] Je crois me rappeler qu’en effet, après l’article sur les Affaires de Rome, je rencontrai un jour sur la place de l’Odéon, au bras de je ne sais plus qui, M. de La Mennais que depuis quelque temps j’avais cessé de voir ; je ne me souviens pas de la mine que je pus faire, car on ne se voit point soi-même.

187. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Le roi, au temporel, le pape au spirituel, sont les vicaires de Dieu, commis au gouvernement des hommes par la Providence qui dirige visiblement les affaires du monde. […] Lamennais, Montalembert et Lacordaire allèrent à Rome : un beau livre, les Affaires de Rome, sortit de ce voyage, et la rupture définitive de Lamennais avec l’Église. […] Mais il est clair : voilà sa qualité éminente et la clef de ses succès ; histoire, économie politique, Révolution, Empire, plans de campagne, finances, question d’Orient, il inonde de clarté tous les sujets : il donne à toutes les incompétences qui l’entendent, la joie de ne plus rien trouver d’obscur dans les plus difficiles et spéciales affaires. […] Mais l’affaire du P. […] Affaires de Rome, XII, 26 ; cf. aussi p. 302.

188. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Excepté dans l’affaire d’Alger et dans l’affaire d’Espagne, tous les gouvernements de la France, pendant les trente ans du gouvernement des Chambres et des journaux, n’ont été que le gouvernement de l’opposition ! […] Esprit immense, mais cœur sec, il aspirait à deux gloires, et il les méritait: la gloire des lettres et la gloire des affaires. […] Je ne parle pas ici par ressentiment d’auteur, car je suis le seul poète du temps et le seul homme politique de son époque qui soit, comme poète, placé par lui dans la compagnie immortelle d’Homère, de Virgile, de Racine, et, comme homme de tribune et de hautes affaires, au rang des hommes de bon sens. […] Le peuple n’a ni le goût ni le temps, il a l’haleine courte ; s’il est pieux, un couplet des cantiques de Marseille ; s’il est impie, un couplet de Béranger, voilà son affaire ; s’il est soldat, une strophe armée de la Marseillaise ; voilà la poésie populaire. […] — Eh bien, reprit-il en souriant, si les affaires de l’Europe, un peu confuses ici, ou si les soupirs de l’empire turc qui croule vous laissaient demain autant de loisirs qu’aujourd’hui, nous pourrions lire ensemble ce touchant épisode de Médée avec votre ami, le prince Nicolaki Morusi, et je vous attendrai chez lui.

189. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

Les affaires de religion, les conclaves, l’hérésie, les troubles politiques, la guerre, la paix, en fournissent la matière. Balzac en avait reçu l’idée du cardinal de la Valette, « lequel lui avait commandé, dit-il, de ne rien laisser passer dans le monde sans lui en écrire son sentiment, et de faire des sujets de lettres de toutes les affaires publiques9. » Certains personnages y sont appréciés, certaines actions louées ou blâmées par des raisons générales qu’il appuie d’exemples du passé. […] Cette théorie d’un prince parfait d’après un idéal rêvé dans la solitude, loin des affaires et des princes, et dont Balzac, à la fin de chaque chapitre, rapportait uniformément les traits à Louis XIII, fut médiocrement goûtée. […] Il aima mieux le plaisir que les affaires, et la vogue d’un bel esprit que la considération d’un moraliste ; et il passa de mode comme ces galands de ruban d’Angleterre, qu’il offrait à Mlle de Rambouillet, avec ces billets d’envoi si musqués et si peu dignes d’un homme. […] Quand cela serait, Mademoiselle, je serais en vérité excusable ; car, pour vous parler franchement, on est souvent bien empêché à trouver que dire, et je ne puis pas comprendre que, sans quelques inventions comme cela, des personnes qui n’ont ni amour ni affaires ensemble se puissent écrire souvent. » Les fastueuses épîtres à Ménandre et les billets galants de Voiture faisaient désirer des lettres qui fussent simplement des lettres.

190. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

La science n’est sérieuse que quand on en fait l’affaire essentielle de la vie. […] La science n’est pas une affaire de collège. […] Que la science est la grande affaire.

191. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

« Le sénat et la campagne, les affaires civiles et les actions militaires avaient leur saison. […] Ils seraient ridicules dans un pays où tous les esprits seraient tendus aux affaires publiques, soit par la nature de la constitution, soit par une révolution flagrante, ou récente, ou imminente. Mais dans une monarchie ancienne dont rien ne menaçait l’existence, où les affaires publiques étaient gouvernées par un pouvoir héréditaire, où une grande fortune donnait de longs loisirs, où des études suivies étaient le plus sûr moyen d’éviter les ennuis du désœuvrement, où la culture de l’esprit pouvait seule assurer des jouissances à l’âge mûr et à la vieillesse, les études de la marquise de Rambouillet étaient éminemment raisonnables.

192. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXII » pp. 222-236

Les mémoires de mademoiselle de Montpensier nous apprennent que jusqu’à la mort de la reine-mère, arrivée le 20 janvier 1666, « le roi avait gardé quelques mesures de secret sur son amour pour madame de La Vallière, pour ne point donner de chagrin à la reine-mère ; mais que quand il fut hors de cette appréhension, cette affaire devint publique » ; et Mademoiselle ajoute que dans ce temps-là… madame de Montespan, qui était une des dames de la reine, « commença à aller chez madame de La Vallière, qui était ravie de la voir chez elle pour amuser le roi. » C’est cet amusement du roi qui commença l’intrigue dont Bussy-Rabutin raconte si bien l’origine. […] Cette affaire fit un grand bruit dans le monde, parce que l’outrage était extraordinaire à supporter pour une femme qui jusque-là avait eu bonne réputation. Monsieur de Montausier était à Rambouillet, il n’apprit pas cette affaire. » Le duc de Saint-Simon a aussi parlé des avanies du marquis de Montespan ; mais, né seulement en 1673, il n’en a parlé que plus de vingt années après, et sur des traditions fort suspectes ; l’on verra même qu’il en a adopté de fabuleuses ; il n’aimait pas M. de Montausier, et n’était pas fâché de trouver la duchesse de Montausier digne de reproches auxquels son mari n’aurait pas été étranger.

193. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Les Mémoires d’une femme de chambre » pp. 309-321

La société qui lit avec plaisir des productions de cette espèce a certainement quelque infirmité… Ce n’est plus, cela, simple affaire de littérature. […] C’est affaire de mœurs. […] Je pensais au livre terrible de Swift sur les domestiques, et je me demandais si nous allions avoir affaire à un esprit de cette cruauté tigre, ou à un de ces esprits androgynes qui ont de la femme autant que de l’homme dans leur organisation intellectuelle.

194. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Son père, qui était capable de mieux, doué, à ce qu’il paraît, d’une certaine éloquence, et qui parlait d’or , nous dit son fils, s’était enterré dans la campagne à faire les affaires du seigneur du lieu et de la noblesse. […] Spon, mon bon ami, vous dira le dessein que j’ai contre les apothicaires, écrira-t-il en 1647 à l’un de ses confrères de Lyon, mais il me faut du temps et du loisir dont j’ai fort peu de reste. » En attendant il est cité par eux en justice pour les railleries solennelles qu’il se permet dans ses thèses ; l’affaire va en Parlement : il répond et se défend lui-même durant une heure entière devant six mille personnes qu’il fait rire de sa verve et de ses lazzis. […] Montaigne, en ses Essais, au chapitre xxxive , qui a pour titre : « D’un défaut de nos polices », avait dit : Feu mon père, homme, pour n’être aidé que de l’expérience et du naturel, d’un jugement bien net, m’a dit autrefois qu’il avait désiré mettre en train qu’il veut ès villes certain lieu désigné auquel ceux qui auraient besoin de quelque chose se pussent rendre et faire enregistrer leur affaire à un officier établi pour cet effet : comme « Je cherche à vendre des perles ; Je cherche des perles à vendre ; Tel veut compagnie pour aller à Paris ; Tel s’enquiert d’un serviteur de telle qualité ; Tel, d’un maître ; Tel demande un ouvrier ; Qui ceci, qui cela, chacun selon son besoin ». […] Gui Patin fit ou inspira un pamphlet pour critiquer et mettre en pièces cette Requête ; et Renaudot de nouveau riposta, en attendant que l’affaire fût jugée devant le Parlement. […] À toutes ces accusations Renaudot n’a qu’une réponse : c’est qu’en ce qui s’est passé depuis plus de dix ans dans les affaires d’État, sa plume n’a été que la greffière, il a obéi parce que tout le monde obéissait, et que c’était son devoir plus spécialement encore qu’à tout autre.

195. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

À un an de là, à la Malmaison, en janvier 1801, le premier consul disait aux sénateurs Laplace et Monge, et à Roederer, au sujet même des injures qu’on s’était permises au Tribunat contre le Conseil d’État pour la loi sur les tribunaux spéciaux : « Je suis soldat, enfant de la Révolution, sorti du sein du peuple : je ne souffrirai pas qu’on m’insulte comme un roi. » Il disait dans un autre moment : « Il faut que le peuple français me souffre avec mes défauts, s’il trouve en moi quelques avantages : mon défaut est de ne pouvoir supporter les injures. » Vers le même temps à Paris, toujours au sujet de la même affaire, comme Roederer lui disait : Les parlements autrefois parlaient toujours aux rois dans leurs remontrances des conseils perfides qui trompaient Leur Majesté, mais leurs séances n’étaient pas publiques. — Et d’ailleurs, reprenait vivement le premier consul, ces choses-là les ont renversés ; et moi j’ose dire que je suis du nombre de ceux qui fondent les États, et non de ceux qui les laissent périr. […] Ce directeur imprévu de l’enseignement, qui s’était formé lui-même, qui n’avait point hérité des anciennes traditions classiques, et qui n’était pas non plus du groupe polytechnicien proprement dit, mais homme d’esprit, rempli d’observations et d’idées fines, un peu particulières, se mit aussitôt en devoir de les appliquer : J’avais depuis longtemps remarqué, dit-il, les caractères qui distinguent l’esprit des géomètres et des physiciens, de celui des hommes appliqués aux affaires, et de celui des personnes vouées aux arts d’imagination ; dans les premiers (je ne parle que généralement), exactitude et sécheresse ; dans les seconds, souplesse allant quelquefois jusqu’à la subtilité, finesse allant quelquefois jusqu’à l’artifice ; dans les troisièmes, élégance, verve, exaltation portée jusqu’à un certain dérèglement… Ce que je projetais d’après ces observations, ajoute-t-il, était : 1º de faire marcher de front, dès les plus basses classes des collèges, les trois genres de connaissances, littéraires, physiques et mathématiques, morales et politiques, en mesurant à l’intelligence des enfants dans chaque classe les notions de chaque science ; 2º de faire enseigner dans chaque classe, même les plus basses, les trois sciences par trois professeurs différents, dont chacun serait spécialement consacré à l’une des trois… Le but était défaire cesser le divorce entre les diverses facultés de l’esprit, de les rétablir dans leur alliance et leur équilibre, et d’arriver à une moyenne habituelle plutôt que de favoriser telle ou telle vocation dominante. […] C’est alors que, retiré absolument des affaires, au seuil d’une robuste vieillesse, vivant de préférence en sa charmante habitation du Bois-Roussel (dans l’Orne), au milieu des libertés champêtres ou des joies de la famille, il se livra à ses goûts d’étude et de société combinés, et à la composition d’ouvrages moitié littéraires, moitié historiques, où il se développa avec une originalité entière. […] L’auteur avait traité trop légèrement, sans assez d’égards, quelques opinions contraires à la sienne, qu’il avait rencontrées sur son chemin : à propos des précieuses, il se fit des affaires presque aussi vives qu’au 10 Août ou qu’aux approches de Vendémiaire. […] [NdA] Roederer, à titre de secrétaire d’État du grand-duché, eut affaire à M. 

196. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Sept ou huit places ou forts tombèrent successivement en peu de mois : ce fut la première partie de la campagne ; et, pour la seconde, on s’attendait de nouveau à une affaire générale, mais elle dépendait des mouvements du duc de Cumberland. […] Louis XV ne devait paraître de sa personne et se mettre à la tête des troupes que lorsqu’on lui aurait tout disposé pour une affaire royale, à laquelle il mettrait la main. Cette affaire fut le combat de Lawfeld (2 juillet 1747). […] Et de quel droit cet officier, homme d’esprit assurément, bon aide de camp, mais un peu imposé (si l’on y réfléchit), amant de la comtesse d’Argenson et ami du mari ministre de la guerre, fort ménagé du maréchal à tous ces titres par bon goût comme par politique, agréé aussi pour sa personne, je le veux bien, et avec une sorte d’affection, de quel droit vient-il interpréter d’une manière si grave un geste de son général, qui ne juge pas à propos de risquer une seconde affaire sur la fin d’une journée si disputée et si sanglante ? […] Arthur Dinaux, a pris toute cette affaire avec un surcroît de rigueur et de candeur qui marque bien la différence des époques : il faut lire son article dans les Archives historiques et littéraires du Nord de la France (année 1855, page 95) ; il s’est constitué le champion en titre de la « victime cloîtrée », soutenant même, d’après les dates et la distance des lieux, que dans cette lutte avec le maréchal l’innocence n’avait point dû succomber.

197. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Songer à lui substituer l’abbé Raynal, vieux, fatigué, moins grand que célèbre, dès longtemps retiré de la scène, qu’une dernière affaire, un dernier conflit allait achever de ruiner et d’user, et qui enfin n’était pas membre de cette Assemblée devenue souveraine ! […] Maiouet, dans cette affaire et pour cette petite pièce montée à loisir, ne sut donc point se placer au vrai point de vue du public et du théâtre. […] La justesse de son esprit lui faisait apercevoir tout ce qu’exigeait sa position ; mais la faiblesse de son caractère ne lui permettait aucune mesure forte et décisive ; et la reine entretenait son indécision par l’exagération de ses espérances dans l’influence et les plans de l’empereur son frère et du roi de Prusse, quoique Louis xvi eût de l’inquiétude sur le résultat de leur intervention et beaucoup de répugnance à mêler les étrangers aux affaires de la France. […] Les principaux propriétaires de Saint-Domingue, le voyant si bien accueilli de plusieurs membres du Cabinet anglais, lui confièrent leurs intérêts et lui donnèrent leurs pleins pouvoirs « pour solliciter auprès du Gouvernement anglais des moyens de protection contre l’insurrection des nègres, qui était notoirement suscitée par la Convention. » Le point délicat à traiter dans cette affaire, c’était, tout en demandant et en acceptant l’appui de l’Angleterre, de ne pas abjurer sa qualité de Français et de ne pas prétendre disposer de la souveraineté de l’île : il s’agissait donc de constituer une sorte de séquestre provisoire de la colonie sous la garde du Gouvernement anglais, en réservant la question de droit et de souveraineté jusqu’au prochain traité de paix qui interviendrait entre les deux nations. Les éclaircissements que donne Malouet ont pour objet de prouver que, dans la conduite de cette affaire, il sut toujours se montrer Français sans perdre l’estime des Anglais, et qu’en s’exposant sur le moment à des calomnies inévitables, il n’a jamais démérité de ses concitoyens.

198. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Sachons bien que la plupart des hommes de ce temps qui sont lancés dans le monde et dans les affaires ne lisent pas, c’est-à-dire qu’ils ne lisent que ce qui leur est indispensable et nécessaire, mais pas autre chose. […] M. de Broglie reçut cette communication qui lui fut faite par les ambassadeurs des trois cours, et par chacun sur un ton un peu différent ; il y répondit en des termes parfaitement assortis : De même, disait-il dans sa circulaire destinée à informer nos agents du dehors, de même que j’avais parlé à M. de Hügel (chargé d’affaires d’Autriche) un langage roide et haut, je me suis montré bienveillant et amical à l’égard de la Prusse, un peu dédaigneux envers le cabinet de Saint-Pétersbourg. On a quelquefois reproché à M. de Broglie de porter dans les affaires quelques-unes de ces formes, de ces habitudes peu liantes ; mais ici on conviendra que l’usage n’en était pas déplacé27. […] Quiconque a eu de près affaire à la vie, soit dans l’ordre public, soit même dans l’ordre privé, a connu ce jour-là. […] Guizot, lequel en a trop peu profité : « Gouvernez votre ministère et la Chambre, lui écrivait-il de Coppet en 1844, ou laissez-les se tirer d’affaire.

199. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Le souverain légitime, intéressé dans l’affaire, peut se tromper sur ce point ; mais l’usurpateur est infaillible. […] Et c’est ce qui me persuade encore davantage que je ne suis pas votre homme ; car je puis bien vous promettre de faire les affaires de Sa Majesté aussi bien qu’un autre, mais je ne puis vous promettre de ne jamais vous surprendre. […] Et se redressant avec la conscience de sa force devant ces hommes de routine, leur montrant qu’il y a eu en ce monde plus d’affaires encore perdues par le trop de finesse que par l’imprudence ; que, s’il y avait imprudence dans le cas présent, elle n’eût été que pour lui seul, et que son idée d’ailleurs avait été approuvée à l’avance par un petit nombre d’hommes sages qu’il avait consultés : Or, permettez-moi de vous le dire, monsieur le chevalier, lorsqu’une idée née dans une tête saine qui surmonte un cœur droit a de plus été examinée attentivement et approuvée par quatre ou cinq hommes de poids, elle ne saurait plus être absurde ni condamnable ; elle peut être simplement désapprouvée, mais c’est bien différent. […] Sontag, surintendant de l’Église de Livonie, il n’est point de bons procédés dont il ne fasse preuve à son égard : « Si j’avais le bonheur d’être connu de lui, écrit-il, il verrait que, parmi les hommes convaincus, il serait difficile d’en trouver un plus libre de préjugés que moi. » S’il passe jamais à Riga, M. de Maistre se promet bien d’embrasser de très bon cœur cet homme estimable, et de rire avec lui de toute cette affaire de gazette. […] Après 1815, quand la maison de Savoie est rétablie dans son antique héritage, M. de Maistre, à la veille de rentrer dans sa patrie, mais lésé lui-même dans sa fortune et à peu près ruiné dans son patrimoine, ne forme plus que le vœu du patriarche ; il nous laisse voir l’unique fond de son désir au milieu de cet ébranlement de l’Europe, où le volcan ne se ferme d’un côté que pour se rouvrir d’un autre : « Ma famille, mes amis et mes livres suffisent aux jours qui me restent, et je les terminerais gaiement si cette famille ne me donnait pas d’affreux soucis pour l’avenir. » Faisant allusion à cette vivacité qu’il portait volontiers en tout, et dont il ne prétend pas s’excuser : Cependant, écrivait-il à un ami, si j’avais le plaisir de vivre quelque temps avec vous sous le même toit, vous ne seriez pas peu surpris de reconnaître en moi le roi des paresseux, ennemi de toute affaire, ami du cabinet, de la chaise longue, et doux même jusqu’à la faiblesse inclusivement !

200. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Hennin ont été supprimées ; que ce digne ami qui ne répond pas toujours agit plus qu’il ne parle ; qu’il y a des moments où les lettres qu’il reçoit coup sur coup de Bernardin le prennent au milieu d’un travail accablant : « Votre troisième lettre, lui écrivait-il (18 novembre 1780), est la soixante-dix-neuvième à laquelle je doive réponse aujourd’hui, et il y en a qui roulent sur des affaires pressées. » Et en post-scriptum : « J’avais écrit neuf heures hier soir lorsque j’eus fini la minute de cette lettre. […] Hennin qui lui répond tout ce qui se peut de plus sensé : « Je vous avouerai même, ajoute-t-il, que je partais (quand j’ai reçu votre lettre) pour aller demander à M. le marquis de Castries une pareille somme annuelle pour vous, une pension sur les fonds de la Marine, avec l’espérance d’y réussir tôt ou tard. » Il lui donne, en finissant, des conseils affectueux : « Mon ami, vous vous êtes trop séquestré du monde ; vous ne connaissez plus ni les hommes ni la marche des affaires. […] Vous êtes à cent lieues du vrai dans toute cette affaire. Mon ami, vous vous êtes trop séquestré du monde ; vous ne connaissez plus ni les hommes ni la marche des affaires. […] Je dîne aujourd’hui à Saint-Cloud chez le baron de Breteuil, et, s’il est nécessaire de raccommoder cette affaire, je le ferai.

201. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

De là l’emphase et les grands mots, et les citations des anciens, et la magnificence du style portée dans des affaires pour lesquelles, sous peine d’être ridicule, il fallait le style du monde le plus simple. […] si Philippe était mort, demain vous feriez un autre Philippe. » C’est dans la chambre des communes, c’est devant cinq cents hommes assemblés qu’un orateur anglais, dans une séance qui avait duré un jour entier, et où l’on proposait de remettre une affaire importante au lendemain, s’écria : « Non ; je veux savoir aujourd’hui, et avant de me retirer, si je me coucherai ce soir citoyen libre d’Angleterre, ou esclave des tyrans qui veulent m’opprimer. » C’est dans la même chambre qu’un orateur voulant décider la nation à la guerre, après une journée entière de débats, le soir, à la lueur sombre des flambeaux qui éclairaient la salle, peignit le fantôme effrayant d’une domination étrangère, qui voulait, disait-il, remplir l’Europe, et après s’être étendu dans le continent, allait traverser les mers, allait aborder sur leur rivage, et apparaître tout à coup au milieu d’eux, traînant après lui la tyrannie, la servitude et les chaînes. […] Souvent les causes étaient mêlées à des affaires d’état ; souvent il s’agissait de juger des hommes qui avaient gouverné une partie du monde : des députés de l’Afrique et de l’Asie sollicitaient au nom de l’univers. […] Parmi nous tout est différent ; point de ces causes qui tiennent aux affaires d’état ; point même de ces grandes causes criminelles où un orateur puisse sauver la vie d’un citoyen. […] Les uns, entraînés par le cours des affaires, prennent part au destin des nations ; ils négocient, ils combattent, ils ont de ces grandes pensées qui changent, bouleversent ou affermissent le sort des peuples ; les autres observent et suivent ces mouvements ; ils contemplent les succès et les malheurs, le génie qui se mêle avec les fautes, le hasard qui domine impérieusement le génie, et les passions humaines qui, partout terribles et actives, entraînent la marche des États.

202. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Louise Labbé, et Clémence de Bourges. » pp. 157-164

L’affaire bien discutée, Jupiter prend l’avis des dieux, & prononce ainsi : « Pour la difficulté & importance de vos différends & diversité d’opinions, Nous avons remis votre affaire d’ici à trois fois sept fois neuf siècles.

203. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Esprit des lois, XXVI, ch. 2], ou Voltaire, quand il se faisait toute une affaire avec son Mondain ? […] Le commencement de l’affaire des Jésuites a précédé le brûlement de l’Émile ; l’affaire des Calas le suit immédiatement. […] En effet, c’est à peine un homme de lettres que Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais ; c’est un homme d’affaires, de quelles affaires, souvent, ou même à l’ordinaire ! […] — Ses maladresses de conduite ; — il exige du roi que celui-ci renvoie Baculard d’Arnaud ; — et ne prenne pas Fréron pour correspondant. — L’affaire du juif Hirschel [Cf.  […] III] ; — et correspond avec tout l’univers. — Son intervention dans l’affaire du chevalier de la Barre [Cf. 

204. (1910) Rousseau contre Molière

occupez-vous de cette affaire avant de songer à la mienne. […] Le « magistrat » l’a rendu à ses affaires immédiatement avec excuses et éloges. […] C’est une affaire beaucoup plus grave que pour l’Avare. […] Entre autres très graves affaires qu’elle s’était attirées, il y avait celle-ci. […] Une sorte de coquetterie est permise aux filles à marier ; s’amuser est leur grande affaire.

205. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

C’était une affaire de tactique. […] Je reviens au procédé, qui est le gros de l’affaire. […] Mais qu’âgé de cinquante ans environ, devant ces mêmes personnes vivantes, lui qui peut les rencontrer nez à nez à chaque instant, il vienne nous raconter des entretiens plus ou moins intimes, et non agréables pour tout le monde, qui auraient eu lieu à table entre deux ou plusieurs convives ; que, sous prétexte de débiter ses mécomptes, il se donne les airs de supériorité ; qu’il nous exhibe le menu de la carte, additionne les petits verres de curaçao qu’on a bus et qu’il a payés, n’oublie jamais de rappeler qu’il est gentilhomme et propriétaire, qu’il a eu affaire à des confrères besoigneux ; mais tout cela est d’un goût détestable, d’un fonds illibéral et presque vulgaire, que tout l’esprit de malice dans le détail et un vernis extérieur d’élégance ne sauraient racheter ! […] Il lui est même arrivé comme à Lamennais, quand celui-ci fit ses Affaires de Rome : ne voilà-t-il pas qu’il a pris, du coup, un air plus dégagé, plus déluré que jamais !

206. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

La stabilité et la tradition permettaient à ces utiles existences, dénuées d’avancement, de se continuer et de se transmettre, en quelque sorte, dans la même famille : on tenait le fil, on avait le secret des affaires et le chiffre ; on se le passait de la main à la main. […] Quand vous lui écrirez, dites-lui que je ne me lasse pas d’admirer l’adresse avec laquelle il a su profiter d’un temps où, Frédéric et Catherine ayant disparu du théâtre des affaires du monde, il n’y a plus sur tous les trônes de l’Europe que des imbéciles. » Mais la veille ou le lendemain le vent tourne, le langage change, le naturel reparaît ; et vers ce même temps, apprenant le meurtre du duc d’Enghien, elle disait avec la même liberté de propos : « Ce pauvre diable était le seul des princes français qui eût de l’élévation et du courage. […] Armand Lefebvre, sollicité de rentrer dans les affaires, aurait pu viser à des postes élevés : il préféra un rôle plus modeste et qui avait son utilité ; il accepta le poste de ministre de la République à Carlsruhe. […] A cette époque, il fut appelé au Conseil d’État nouvellement réorganisé, et dans le sein duquel ses lumières et sa compétence lui conférèrent aussitôt une autorité incontestée, dès qu’il s’agissait d’apprécier nos affaires extérieures.

207. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

X… intrigue pour avoir l’affaire ; je n’en ferai mon compliment à personne. […] « Les affaires de la presse et celles de l’esprit ont été tellement conduites dans ces dernières années, que lorsqu’un écrivain dévoué à l’Empire veut insérer désormais quelque part un assez long travail littéraire, il ne trouve d’autre Revue que des Revues d’opposition. […] « Il ne ressort de tout ce bruit qu’on a fait et qu’on fera de cette petite affaire qu’un seul point bien évident et qui a déjà été relevé par la presse de Paris et des départements : M.  […] Sainte-Beuve disait à un ami en face de lui, dans une de ces conversations familières qui le prenaient parfois après une forte journée de travail : « Je ne me serais pas cru libre dans un journal qui porte un emblème en tête (il montrait le Journal officiel) ; il faut trop se ranger, quand on marche sous une bannière ; on a peur de marcher sur le pied de son voisin ; on se gêne ou l’on gêne ; on n’est plus là pour discuter, mais pour suivre ; on est enrôlé ; allez donc discuter les affaires de Rome, par exemple, comme on les sent, dans un journal qui épouse tant là légitimité que cela ; qui semble voué à la reine Marie-Antoinette ; oh il est sans cesse question d’elle !

208. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Venu à Paris en 1796, placé dans la maison Mosselmann, puis agent de change pour son compte en société d’un de ses compatriotes, Rochat, il était en voie de faire son chemin dans les affaires, lorsque les premières campagnes de Bonaparte en Italie vinrent raviver toutes ses ardeurs et troubler son sommeil. […] Il y rentra un moment dans les affaires commerciales, comme intéressé dans une maison d’équipements militaires ; puis, poussé par ses impérieux instincts, il chercha du service actif dans l’armée. […] Homme d’art et de science avant tout, il eut l’idée dès lors d’entrer au service de la Russie, et il se présenta chez le chargé d’affaires, M. d’Oubril, son manuscrit à la main. Le chargé d’affaires le reçut comme un blanc-bec qui avait l’outrecuidance de vouloir faire la leçon aux Souwarow.

209. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

Tout ce qui regardait la pureté du langage était pour lui affaire d’importance. « Vous vous souvenez, dit Balzac, du vieux pédagogue de la cour et qu’on appelait autrefois le tyran des mots et des syllabes, et qui s’appelait lui-même, lorsqu’il était en belle humeur, le grammairien à lunettes et en cheveux gris… J’ai pitié d’un homme qui tait de si grandes différences entre pas et point, qui traite l’affaire des gérondifs et des participes comme si c’était celle de deux peuples voisins l’un de l’autre, et jaloux de leurs frontières. […] C’est une grande affaire pour lui que de placer un repos : il estimait son écolier Maynard « l’homme de France qui savait le mieux faire les vers », parce que Maynard lui avait l’ait sentir la nécessité d’une pause après le troisième vers dans les strophes de six.

210. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau, et Joseph Saurin. » pp. 28-46

Il n’avoit aucune connoissance des affaires, ni presque des hommes. […] Malgré ces préjugés & ces présomptions, il étoit impossible qu’on portât un jugement certain sur cette affaire. […] L’accusateur est un homme qui devoit être instruit de cette affaire, un homme qui étoit un des plus maltraités dans ces couplets, & que le remors semble aujourd’hui forcer à justifier un innocent, en faisant connoître les coupables.

211. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

… Lui, le duc de Luynes, je le veux bien, il pouvait croire, toujours en sa qualité de grand seigneur, qui veut que ses enfants vivent comme lui, faire acte de vertu prévoyante en leur apprenant les détails inouïs qu’il leur rapporte : mais c’était là une affaire de famille, et d’entre soi, qui devait mourir et s’engloutir avec la famille. Ce n’était pas là une affaire d’histoire sérieuse et de publicité. […] Didot, lequel n’a pas besoin du placement de ces douze volumes pour faire d’excellentes affaires et avoir une bonne librairie, de M. 

212. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Panurge » pp. 222-228

On s’était un peu ému dans une lutte sans grandes défaites ; on s’en va à ses affaires, sans plus tenir à ses négations, que le voisin à ses affirmations. […] Nous sommes accablés par la complication des affaires, les soins d’une lutte pour la vie, plus âpre, la conduite difficile de nos ambitions.

213. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Clément Marot, et deux poëtes décriés, Sagon & La Huéterie. » pp. 105-113

Sagon & la Huéterie avoient été les plus zélés partisans de Marot, dans le temps de sa gloire, lorsqu’il étoit en faveur à la cour de François premier, qu’il la divertissoit par l’enjouement & les saillies d’un esprit original : mais, du moment qu’ils virent ce poëte sorti de France pour des affaires de religion, ils le décrièrent. […] Donné en nostre palais, ce jourd’y après disner ; scellé de nostre grand scel, & signé Honneur en tout. » Nous verrons dans la suite Marot avoir affaire à d’autres ennemis que des poëtes.

214. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

C’est pour lui faire comprendre comment on l’est que les politiques écrivent ; quant au vouloir l’être, c’est son affaire et non la leur. […] Rousseau a eu je ne sais quelle hésitation et senti je ne sais quelle gêne en cette affaire. […] C’est dans ces dispositions que les affaires Calas, Sirven, La Barre, trouvèrent Voltaire. […] Ce qui le montre, c’est qu’il a déployé la même passion dans l’affaire de Morangiès, où il n’y avait ni mort d’homme ni passion religieuse, que dans les affaires Calas, Sirven et La Barre. « A qui diable en a-t-il ?  […] Il défendit à ses cours de judicature de se mêler des affaires concernant les sacrements, et en général de toutes affaires ecclésiastiques et en réserva la connaissance à son conseil privé.

215. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Il ajouta que je ne devais pas m’étonner si mon affaire avait marché lentement, attendu que ces lenteurs avaient été calculées pour s’emparer plus sûrement des coupables ; mais qu’à présent que le duc était informé qu’ils s’étaient enfuis hors de ses États, on allait procéder contre eux avec la dernière rigueur. […] Le Tasse néanmoins, consterné d’une publicité qui lui dérobait les bénéfices de son œuvre, et qui la faisait circuler avant la dernière perfection qu’il y apportait encore, parut accuser injustement la cour de Ferrare de connivence ou d’indifférence dans cette affaire. […] … Travaillez de tous vos efforts à ce que Monseigneur le duc découvre la vérité, puisque, depuis le commencement de cette affaire, je puis lui révéler bien des choses et reconnaître mes fautes et me soumettre au traitement des médecins ! […] On voit néanmoins dans ses lettres que cette faveur purement littéraire dont il jouissait à la cour commençait à offenser son ambition, et qu’il aspirait à des honneurs plus conformes à sa naissance et à son goût pour les armes et pour les affaires. […] Tandis qu’il me parlait ainsi, je le regardais avec attention, et je crus découvrir en lui quelque chose d’extrêmement noble et gracieux ; je vis bien, quoiqu’il fût à pied, que j’avais affaire à une personne au-dessus du vulgaire.

216. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Ce mariage a été, pour lui, une affaire, et pas autre chose. […] Le mariage n’est plus aujourd’hui une chose aussi bouffonne que du temps de Beaumarchais, et le gentilhomme qui prend femme dans la bourgeoisie ne se mésallie plus ; il conclut une affaire d’inclination ou d’argent. Or, rien de plus sérieux que les affaires, dans le monde affairé et positif du dix-neuvième siècle. […] On parle d’une certaine affaire de houilles dont sa réputation est sortie tout embarbouillée, à telles enseignes que sa famille, à lui, M. de Trélan, a perdu cinquante mille francs dans les charbons frelatés de M.  […] Même cette affaire de houilles, il l’endosse, les yeux fermés.

217. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

. —  Sa connaissance des hommes et sa pratique des affaires. —  Noblesse de son caractère et de sa conduite. —  Élévation de sa morale et de sa religion. —  Comment sa vie et son caractère ont contribué à l’agrément et à l’utilité de ses écrits. […] Addison y ajouta la pratique des affaires, ayant été tour à tour ou à la fois journaliste, député, homme d’État, mêlé de cœur et de main à tous les combats et à toutes les chances des partis. […] Il juge que notre temps est un capital, nos occupations des devoirs et notre vie une affaire. Rien qu’une affaire. […] Il ne faut pas vouloir trop définir et prouver Dieu ; la religion est plutôt une affaire de sentiment que de science ; on la compromet quand on exige d’elle des démonstrations trop rigoureuses et des dogmes trop précis.

218. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

L’affaire fit tant de bruit qu’elle fut jugée en effet criminelle. […] Le fameux Lamoignon ne voulut rien précipiter dans cette affaire. […] Irritée de ce refus, elle porta l’affaire au parlement. […] Edmond Richer n’eut pas affaire à des ingrats. […] Tous les moines, toutes les universités d’Espagne prirent parti dans cette affaire.

219. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Girac, et Costar. » pp. 208-216

« Ce n’est pas à un prêtre, à un archidiacre à qui j’ai affaire, mais bien à un bouffon, à un misérable pédant, sorti de la lie du peuple, & qui, d’enfoncé qu’il étoit jusqu’aux oreilles dans la boue & dans les ordures du collège, a obtenu, par je ne sçais quels moyens, des bénéfices qui l’ont tiré de la misère où sa naissance l’avoit jetté. » Cette réplique infâme étoit sous presse. […] Il dit que c’est se conduire comme un gentil-homme, qui, dans une affaire d’honneur, auroit recours aux juges du lieu & non pas à son épée.

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