Il a un diamant de gaieté qui rit et lutine de ses feux, et cela le met à part dans l’Heptarchie romantique. […] C’est une gaieté à la Watteau, une gaieté qui rit pour rire et pour le seul bonheur que cela fait… La gaieté de M. de Banville rit sans malice. […] Elle rit avec des dents d’opale qui n’ont jamais rien coupé ni rien mordu. Le poète lyrique exceptionnel qu’il est rit dans le bleu comme il y gambade ; car il y gambade ! mais j’aime mieux l’y voir rire que de l’y voir gambader.
Car nous sommes sortis du moule des anciens et nous en portons la marque : or, les anciens, excepté au théâtre, ne savaient pas rire. […] Supposez Voltaire honnête homme et serviteur d’une cause de vérité, il aurait pu rire dans l’histoire de ce rire que j’appelle bienfaisant, — oui ! […] J’ai ri, me voilà désarmé, est un mot toujours juste. Quand l’histoire est gourmée, faussée et dangereuse, on la désarme par le rire ; car le rire, c’est le mépris ! […] Ici, le sarcasme dont nous avons parlé, cet implacable comique qui peut être d’un si grand effet en histoire, est bien plus sur les lèvres du héros que sous la plume de l’historien, malgré la sympathie intellectuelle avec laquelle l’historien a montré cette gaieté poignante, Euménide qui rit tout en fouaillant son homme, et qui fut la plus grande force du talent de Suleau.
Le rire de M. […] Quand il rit, ce n’est plus un écho, et ce serait lui qui trouverait l’écho, s’il riait souvent, ce que je lui conseille… Cela ne veut pas dire, — qu’il me comprenne bien, — que l’auteur de Festons et Astragales doit renoncer à la poésie lyrique et se vouer exclusivement à la comédie. La comédie fait rire d’un rire qui n’est pas celui de la gaieté. […] Ce sera de l’originalité deux fois, car notre pauvre monde est bien triste, et ce n’est pas avec la mauvaise foi et la mauvaise humeur de l’ironie que nous disons comme la mère Jourdain du Bourgeois gentilhomme : « Oui, vraiment nous avons grande envie de rire, grande envie de rire nous avons !
Madame Du Deffand, qui l’aimait trop, disait qu’il avait le fou moquer, comme elle aurait dit le fou rire. […] Il est trop anglais pour être gai, même quand il rit, même quand il dit avec mélancolie : « Je veux mourir le jour où je ne trouverai plus quelqu’un pour rire avec moi. » Car on ne rit point avec lui ; on sourit peut-être, et c’est tout ! Le rire de Walpole ne se partage pas ; il n’est ni contagieux, ni sympathique. C’est un rire de misanthrope. […] C’était un petit homme solide, très pâle cependant, au rire étrange et forcé, et gastralgique comme sa gaieté.
Le faux rire est la plus lugubre des tristesses. […] Mais de quel rire ? du faux rire ! Car rire du sérieux, rire du triste, rire des sentiments les plus délicats et les plus saints du cœur de l’homme, rire de soi-même, rire du bien, rire du beau, rire de l’amour, rire de la femme, rire de Dieu, ce n’est plus rire : c’est grimacer le blasphème, c’est grincer des dents en proférant le sacrilège, c’est profaner la poésie, c’est se griser à l’autel dans le calice de l’enthousiasme et des larmes. […] le franc rire n’est pas le ricanement.
La théorie du rire d’après Schopenhauer. — III. […] Il suffit d’évoquer, en guise de préfacé à cette revue comique universelle dont on abandonne l’entreprise, la théorie du rire telle que Schopenhauër la formula. […] La rencontre subite de ces deux états de connaissance fait jaillir le rire avec la même rigueur que le frottement du souffre sur un corps sec dégage une étincelle. […] Il entre quelque chose de cette mascarade en toute occasion qui prête à rire, si abstraits que puissent apparaître tout d’abord le propos où l’aventure. […] Tous les actes positifs d’un être qui se conçoit autre qu’il n’est relèvent de cette théorie du rire telle que Schopenhauër l’a exposée.
D’où il suit que si vous avez beaucoup ri à cette comédie, c’est que ma foi ! […] Ris donc, parterre, et ris bien, c’est le cas ou jamais, car au milieu de tes grands éclats de rire cet homme se meurt. […] L’homme qui rit est plus féroce que le tigre qui dévore […] Molière, cette observation mélancolique et bienveillante, avait fort bien deviné que le rire est en dernier résultat, la plus grande, la plus utile, mais aussi la plus difficile leçon qui se puisse donner aux hommes assemblés ; son rire sortait de sa conviction et de sa conscience, et certes, il fallait être un hardi courage pour oser rire devant Tartuffe, et un grand poète pour faire rire de Tartuffe ! […] Mais la coquette le regarda pleurer, puis elle se mit à rire et à rappeler son amant.
N’a-t-il pas écrit dans un docte traité d’Esthétique que le comique est ce qui fait rire, et que Molière n’est point comique, parce qu’il ne fait guère rire ? […] Elle rit, elle admire. […] Elle se divertissait aux choses qui font rire les enfants, les gens du peuple et le Marquis. […] Riez-vous, elle est comique… Que la Prudence me soit en aide ! […] le rire n’est point le signe du comique.
Le duc d’Orléans, depuis régent, entendant le mot du roi, se mit à rire. […] je crois que vous avez raison », me répondit-il en éclatant de rire. J’aurais dû gémir de voir le souverain pouvoir entre les mains de M. de Maurepas, et la France livrée à un tel homme ; mais la chose me parut si ridicule, que je ne pus m’empêcher de rire aussi. […] C’est toujours la suite de ce rire du Régent devant Louis XIV. […] mais dans un politique et un ministre qui a charge d’intérêts généraux et qui devrait avoir à cœur la grandeur ou le bien de la chose publique, il y a là un vice radical de caractère et qui ruine les autres qualités : il rit de tout.
Il avait peur de faire rire : le rire est vulgaire ; il rêvait un comique décent, bon seulement à faire « sourire l’âme ». […] » Quarante ans plus tard, le rire était devenu indécent, et les larmes bienséantes. […] Les honnêtes gens finissent par ne plus rire que du bout des lèvres et par demander autre chose. Or, au théâtre, dès qu’on ne fait pas rire, on ennuie, si l’on ne fait pleurer. […] Mais personne encore n’avait posé en principe que le rire peut être absolument éliminé de l’œuvre comique.
Il y a, je le sais, un rire philosophique, qui ne saurait être banni sans porter atteinte à la nature humaine ; c’est le rire des Grecs, qui aimaient à pleurer et à rire sur le même sujet, à voir la comédie après la tragédie, et souvent la parodie de la pièce même à laquelle ils venaient d’assister. […] Une seule chose ne prête point à rire, c’est l’atroce. […] Le rire ne saurait donc être un critérium. […] Le scepticisme seul a le droit de rire, car il n’a pas à craindre les représailles. Par quoi le prendrait-on, puisqu’il rit le premier de toutes choses ?
Allez aux petits théâtres, vous avez chance d’y rire ; mais cet ordinaire de gaieté et de bonne humeur qui tenait à l’ancien fonds gaulois a disparu. […] Placé à côté de Molière, Regnard s’en distingue en ce qu’il rit avant tout pour rire. […] On n’analyse pas les causes du rire, et il en est de lui comme de l’amour : le meilleur est encore celui dont on ne peut dire la cause. […] Le trait est lâché, le rire est parti du même coup : pourquoi ? […] Mais il m’a semblé que cette leçon se perd dans le rire ; on oublie de la tirer, et la folie de la forme emporte le fond.
Il avait essayé du rire, du rire à large fente, et il s’en est fait un comme à la scène on se fait une tête ; car naturellement, si j’en crois le livre que j’ai sous les yeux, il n’est pas un esprit gai ; il n’a pas la promptitude, et la sveltesse, et le pétillement et la couleur rose qui font ce qu’on appelle la gaîté, du moins comme on l’entend en France, le seul pays où on la comprenne. […] Pascal, bien autrement triste que Molière, Pascal, le janséniste rechigné, l’inquiet, l’épouvanté, le hagard Pascal, qui certainement n’a pas ri une seule fois dans sa vie tourmentée, a donné, en ses Provinciales, un exemple d’impayable comique que Molière aurait pu admirer… Les esprits les plus gais qu’on ait vus, au contraire, ont parfois manqué de comique. […] Mais Regnard, que nous crûmes longtemps un second Molière, parce que nous prenions son rire pour le nôtre, Regnard est bien moins comique qu’il n’est gai. Voltaire, qui riait de tout, et de quel rire !
Regnard fait rire encor la vile populace ; Mais sa plaisanterie est de mauvaise grâce. […] Muses, à mes dépens je ne veux plus qu’on rie ; Et vous m’inspirerez suivant ma fantaisie. […] Quelque puissant du jour pourrait s’y reconnaître ; Le public en rirait, cela ne doit pas être. […] Lachaussée, auprès d’eux, était un vrai farceur ; Et, si le goût anglais envahit notre scène, Nous irons quelque jour rire avec Melpomène. […] Un classique rira de leur style emphatique, Et du fatras pompeux de leur métaphysique.
Pourquoi la musculature du rire serait-elle matière plus agréable au physiologiste observateur que celle du pleur ? […] Vous savez, pour avoir dîné auprès de gens spirituels, que le procédé des amuseurs est de ne jamais rire. Aucun des écrivains gais de la promotion récente ne rit donc. Mais la supériorité de Jules Renard qui le fait, disons-le, le Maître du Rire moderne, c’est que non seulement il ne rit point, mais qu’il ne fait jamais rire. […] Puis, l’adresse de ce littérateur va jusqu’à enfermer en nous l’impression comique obtenue, à l’empêcher de s’évaporer dans le bouillonnement d’une gaîté, à veiller à ce qu’elle ne fuse dans un rire.
Et que la salle riait d’un rire franc et sonore ! […] Et si vous les aimez, souffrez qu’on rie de vous. […] À ce vers, un rire s’élève de tous les coins de la salle : un rire de vengeance, si vous voulez ; un rire amer, un rire violent ; peu importe ! […] Les fait-il rire, du moins, de ce rire franc, sain, sans réticence, qui épanouit les sens et rafraîchit l’âme ? […] Est-il bien sûr, d’ailleurs, qu’ils en riaient ?
il est, de plus, un génie épique dans le rire, c’est-à-dire là où l’épopée est le moins possible. […] Plus tard, s’il avait vécu, il serait retourné pleinement à ce rire désabusé qui joue si bien dans les belles rides de la vieillesse. […] Il savait que ce rire, qui ne cueillait pas les lèvres, mais qui les épanouissait, ce rire à gorge déployée, éveillerait des échos grondeurs. […] Il fait rire et il fait trembler. […] Il rit, mais comme quelqu’un qui aime.
D’où vient que l’on rit si librement au théâtre, et que l’on a honte d’y pleurer ? […] Elle est plus grande dans un ris immodéré que dans la plus amère douleur, et l’on détourne son visage pour rire comme pour pleurer en la présence des grands, et de tous ceux que l’on respecte : Est-ce une peine que l’on sent à laisser voir que l’on est tendre, et à marquer quelque faiblesse, surtout en un sujet faux, et dont il semble que l’on soit la dupe ? Mais sans citer les personnes graves ou les esprits forts qui trouvent du faible dans un ris excessif comme dans les pleurs, et qui se les défendent également : qu’attend-on d’une scène tragique ? qu’elle fasse rire ? […] Comme donc ce n’est point une chose bizarre d’entendre s’élever de tout un amphithéâtre un ris universel sur quelque endroit d’une comédie, et que cela suppose au contraire qu’il est plaisant et très naïvement exécuté, aussi l’extrême violence que chacun se fait à contraindre ses larmes, et le mauvais ris dont on veut les couvrir prouvent clairement que l’effet naturel du grand tragique serait de pleurer tous franchement et de concert à la vue l’un de l’autre, et sans autre embarras que d’essuyer ses larmes, outre qu’après être convenu de s’y abandonner, on éprouverait encore qu’il y a souvent moins lieu de craindre de pleurer au théâtre que de s’y morfondre.
fit-il en se contenant ; c’est facile de rire. […] Mais tu ris, tu ouvres ta grande bouche : « Ah ! […] Et Fritz, regardant cela par la lucarne, riait de bon cœur. […] Tu m’as peut-être entendu de la cuisine… ; ça t’a fait bien rire, n’est-ce pas ? […] Christel riait de bon cœur et pensait : « Ce bon M.
Comme Lord Byron, le Byron du Childe-Harold, qui échangea la sublime rêverie de son front contre le rire gastralgique et nerveux de Juan et de Beppo, l’auteur de l’Allemagne a voulu rire aussi de ce rire funeste. Il ne s’est pas rappelé les paroles si étrangement sérieuses de Vico : « Les esprits vigoureux ne rient point, parce qu’ils considèrent fortement une chose et ne s’en laissent point détourner. […] Il ne fut qu’un bouffon à qui l’atrocité de la souffrance n’a jamais fait perdre l’opiniâtreté du rire. […] Sans la Douleur, l’immortalisante Douleur, il serait oublié… Mais Heine ne rit pas, lui. Il n’a pas le spasme du rire de Scarron.
Qui ne ferait pas rire, dans la société, en parlant d’hyménée ? […] Les anciens auraient bien ri de notre honneur. […] Que nos graves adversaires regardent autour d’eux : le sot de 1780 produisait des plaisanteries bêtes et sans sel ; il riait toujours ; le sot de 1823 produit des raisonnements philosophiques, vagues, rebattus, à dormir debout, il a toujours la figure allongée ; voilà une révolution notable. […] Alors, tout le monde aspirait à faire rire son voisin ; aujourd’hui tout le monde veut le tromper. […] Tel qui rit dans un salon, en lisant cette brochure, sera en prison dans huit jours.
Mais le gros rire est-il donc si à dédaigner ? […] Le rire délicat, ce rire de l’esprit, que provoque le ridicule finement exprimé, laisse une arrière-pensée triste et comme un arrière-goût d’amertume ; le gros rire, que ne suit aucune réflexion, réjouit le cœur et fait circuler le sang. […] Le gros rire, d’ailleurs, comme le rire délicat, est l’aveu involontaire que nous sommes touchés de quelque vérité. Nous rions intérieurement quand le personnage de la pièce est quelqu’un de notre connaissance ; nous rions tout haut de sa caricature. […] N’est-ce pas lui qui rit là-bas, dans un coin de la salle, des saillies de son propre type ?
Le rire est amusant, mais il n’est pas sain. […] Le rire est la dernière des facultés de l’homme. L’envie rit, la malignité rit, l’ironie rit, le mépris rit, la foule rit dans ses mauvais jours ; jamais la bonté, jamais la pitié, jamais l’amour, jamais la piété, jamais la charité, jamais la vertu, jamais le génie, jamais le dévouement, jamais la sagesse. […] On ne rit pas au ciel. Satan seul rit quand l’homme tombe.
Et d’ailleurs de quoi ne rit-on pas ? […] Tout contraste en général peut faire rire. […] Il ne réside pas dans l’objet piteux et déconfit d’un rire étranger ; il réside dans l’identité du sujet et de l’objet du rire. […] Ils en rient dans l’Olympe. […] De même, il existe un rire de moquerie, de dédain, etc.
Le sérieux n’est pas toujours triste, et le rire est si peu identique à la gaieté, qu’il peut être sérieux jusqu’à la tristesse. […] La gaieté, cette chose vive, ailée et légère, fuit bien loin devant un tel rire. […] L’enfance est gaie ; mais combien d’hommes, combien de poètes ont su conserver ou rappeler les joyeux celais de rire de l’enfance ? […] La gaieté comique n’a rien de commun avec le rire amer et moqueur, ou l’ironie. […] On rit pourtant, parce qu’il est impossible de ne pas rire en voyant Crispin s’envelopper dans la robe de chambre du moribond et contrefaire sa voix cassée.
Madame Mourlan a ri et plaisanté avec moi comme avec son fils. […] Nous étions à chaque repas vingt personnes à table, et j’ai eu le talent de les faire toutes rire. […] Riez, chantez à souhait, portez avec vous la joie, et soyez partout où vous entrez l’âme de la fête ! […] Avec Désaugiers, le naturel est tout grand ouvert ; on rit rien que pour rire ; on sent une sécurité complète résultant de l’entière cordialité. […] La politique gagnait de plus en plus, et, lorsqu’on riait encore avec Desaugiers, ce n’était qu’une trêve.
Oui, selon les ordres dictés, Par le poète à vos gaîtés, Vous riez et vous culbutez ; Nulle pudeur ne vous endeuille, Et votre bec, aux vignes, cueille Le grain toujours, jamais la feuille ; Vous culbutez et vous riez Dans les soirs de pourpre striés Qui pour nous sont tous fériés… Mais, clairs accords, gammes de lyres, Zigzags de Sylphes en délires. Quelles culbutes et quels rires ! […] pour que vos rires soient tels, Il faut qu’aux pampres immortels Votre bec ait mis ses coutels ! […] C’est en effet, au mois de mai 1895, que Mendès publia son premier compte rendu dramatique : un compte rendu qui fut un compte réglé à je ne sais plus quelle opérette dont la célébrité égalait la niaiserie, en vingt lignes qui riaient comme des folles, faisaient des blagues comme des rapins et montraient leurs derrières comme des femmes mariées. […] je suis là, bien en train de me divertir ; je ris avec cette gentille petite reine, je m’amuse de tous ces complots d’Opéra-Comique, et puis voilà que tout à coup, sans me dire gare, vous affectez de prendre au tragique ces aimables fantaisies de poète amoureux d’amour et de gaîté !
Et il y a l’autre Veuillot, celui qui s’amuse, qui, assis dans la tribune des journalistes ou étendu dans son fauteuil, lorgnant et lardant son monde, se tord de rire, a le rictus des servantes de Molière, exerce les justices du bon sens ou les avanies de sa passion, et mord à belles dents à même du prochain. […] Malgaigne), est si plaisamment singé pour le geste et noté pour l’accent : journée unique où, au milieu de ses graves préoccupations, la Chambre entière fut prise d’un fou rire, d’un rire homérique, et où, pour un moment, il n’y eut plus amis ni ennemis sur tous les bancs, « il n’y eut que des gensde bonne humeur. » Mon métier ici n’est pas de mettre les noms propres : comme cependant en pareille matière rien ne vit que par là, et que le recueil des Mélanges est bien gros à feuilleter tout entier, MM. […] Il y a un certain progrès de civilisation, un certain résultat de lumières (vous avez beau rire) qui a filtré jusqu’à lui, et qui me le fait très-bien supporter quelque temps, à travers ses ridicules. […] Je ne suis plus celui qui riait aux festins, Qui croyait que la coupe aisément se redore, Et que l’on peut marcher sans que rien décolore La beauté des aspects lointains ! […] Tout nous riait, les eaux, les bois, les moissons mûres… Est-ce moi qui passai par là ?
Une indisposition de Le Kain arrêta la pièce avant la seconde représentation ; on rit beaucoup d’apprendre que cette indisposition était une entorse que Le Kain s’était donnée justement dans la rue de la Harpe. […] La galerie ne rirait plus comme autrefois, et l’homme de lettres, en cessant d’être une espèce à part, a gagné en égalité véritable. […] Au grand Corneille il a fait avanie ; Mais, à vrai dire, on riait aux éclats De voir ce nain mesurer un Atlas, Et redoublant ses efforts de Pygmée, Burlesquement roidir ses petits bras Pour étouffer si haute renommée. […] Au dessert, les vins de Malvoisie et de Constance ajoutaient à la gaieté de bonne compagnie cette sorte de liberté qui n’en gardait pas toujours le ton : on en était alors venu dans le monde au point où tout est permis pour faire rire. […] voyons, dit Condorcet avec son air et son rire sournois et niais, un philosophe n’est pas fâché de rencontrer un prophète. » — « Vous, monsieur de Condorcet, vous expirerez étendu sur le pavé d’un cachot ; vous mourrez du poison que vous aurez pris pour vous dérober au bourreau, du poison que le bonheur de ce temps-là vous forcera de porter toujours sur vous. » On s’étonne un peu du genre de plaisanterie dite d’un ton si sérieux, puis on se rassure, sachant que le bonhomme Cazotte est sujet à rêver.
Donner le désir de toucher à cette pomme de délice et de perdition, puis la peur d’y avoir touché, et en définitive se moquer d’Ève, d’Adam et de la pomme, voilà ce qu’il a voulu, ce Satan… pour rire, dans ses Paradis artificiels, qui sont des Paradis perdus. […] Nous suspendre entre la convoitise et le remords, entre la curiosité et la honte, puis rire de ce que nous aurons fait… ou de ce que nous ne ferons pas. […] Bonne, froide et profonde plaisanterie, accomplie solennellement, mais non avec le rire silencieux de Bas-de-Cuir ; car le rire silencieux de Bas-de-Cuir était encore un rire, et Baudelaire ne rit pas ! […] Seulement, j’allais trop loin, je crois, tout à l’heure, en disant que Baudelaire ne riait jamais, Bas-de-Cuir de l’opium, plus dur à la détente que le Bas-de-Cuir des grands bois. Eh bien, par exception à son usage, il me semble que je vois ici un petit bout de rire silencieux !
On en était alors venu dans le monde au point où tout est permis pour faire rire. […] De là un déluge de plaisanteries sur la religion ; l’un citait une tirade de la Pucelle ; l’autre rapportait certains vers philosophiques de Diderot… Et d’applaudir… La conversation devient plus sérieuse ; on se répand en admiration sur la révolution qu’avait faite Voltaire, et l’on convient que c’était là le premier titre de sa gloire. « Il a donné le ton à son siècle, et s’est fait lire dans l’antichambre comme dans le salon. » Un des convives nous raconta, en pouffant de rire, qu’un coiffeur lui avait dit, tout en le poudrant : « Voyez-vous, monsieur, quoique je ne sois qu’un misérable carabin, je n’ai pas plus de religion qu’un autre » On conclut que la révolution ne tardera pas à se consommer, qu’il faut absolument que la superstition et le fanatisme fassent place à la philosophie, et l’on en est à calculer la probabilité de l’époque et quels seront ceux de la société qui verront le règne de la raison Les plus vieux se plaignaient de ne pouvoir s’en flatter ; les jeunes se réjouissaient d’en avoir une espérance très vraisemblable, et l’on félicitait surtout l’Académie d’avoir préparé le grand œuvre et d’avoir été le chef-lieu, le centre, le mobile de la liberté de penser. « Un seul des convives n’avait point pris de part à toute la joie de cette conversation… C’était Cazotte, homme aimable et original, mais malheureusement infatué des rêveries des illuminés. […] voyons, dit Condorcet avec son air et son rire sournois et niais, un philosophe n’est pas fâché de rencontrer un prophète. — Vous, monsieur de Condorcet, vous expirerez étendu sur le pavé d’un cachot, vous mourrez du poison que vous aurez pris pour vous dérober au bourreau, du poison que le bonheur de ce temps-là vous forcera à porter toujours sur vous ». Grand étonnement d’abord, puis l’on rit de plus belle.
. — Pour faire rire (1882). — Le Filleul du Docteur Frousse-Cadet (1882) […] — Gauloiseries nouvelles (1888). — Au pays du rire (1888). — Fabliaux gaillards (1888). — Jocelyn, opéra en 4 actes (1888). — Roses d’octobre (1884-1889). — L’Or des couchants (1889-1892). — Contes à la brune (1889). — Contes audacieux (1890). — Histoires joviales (1890). — Contes salés (1891). — Le Célèbre Cadet-Bitard (1891). — Sapho, pièce en 1 acte, en vers (1891). — Le Commandant Laripète, opérette-bouffe en 4 tableaux (1891). — Grisélidis, comédie en 3 actes, en vers libres, avec Eugène Morand (1891) […] — Les Veillées galantes (1896). — Au fil du rire (1897). — Chemin de Croix, 12 poèmes (1897). — Contes grassouillets (1897). — Le Nu au Salon (1897). — Le Petit Art d’aimer (1897). — La Sculpture au Salon (1897). — Tristan de Lionois, 3 actes, 7 tableaux, en vers (1897). — Belles histoires d’amour (1898). — Les Contes de l’Archer (1898). — Histoires gauloises (1898). — Le Nu au Salon (1898). — La Sculpture aux Salons (1898). — Les Tendresses, poésies (1898). […] Silvestre est le plus naturel des humoristes ; il n’a pas son pareil pour nous faire rire avec la moindre des choses, un rectum, un sphincter, un intestin gicle, des légumes, des déjections, moins encore, un nombril et ses dépendances : avec ça, il vous trousse un petit conte gaillard.
On rit, il soupçonne qu’on se moque de lui. […] Il pleure, il rit, il badine, il est furieux. […] Il y a une troupe de Satyres impudents et moqueurs, qui font les postures les plus bizarres, qui rient, et qui montrent du doigt la queue d’un poisson monstrueux, par où finit le corps de ce bel enfant. […] Mais, lors même qu’il gronde et châtie, comme tout cela rit et parle à l’imagination en même temps que cela va droit à la raison ! […] Un Faune malin écoute le jeune Bacchus, que Silène instruisait, pendant qu’assis au pied d’un vieux chêne il récite ou chante des vers, et le demi-dieu folâtre marque à Silène, par un ris moqueur, toutes les fautes du dieu ; les Naïades et les autres Nymphes du bois souriaient aussi.
La vérité des peintures doit faire rire les honnêtes gens et corriger les mœurs. […] La tâche du poêle est donc d’extraire le rire de toutes les parties de la vie qu’il veut présenter, ou de l’y ajouter. […] Il ne vise qu’au rire. Son sujet posé, il en tire tout ce qu’il contient de rire, avec une logique extravagance, sans aucun souci de la réalité ni de la vraisemblance. S’il part d’une idée juste, d’une observation vraie, il se hâte de la fausser, pour forcer le rire.
Il parla ainsi et il rit. » — Ce rire marque d’un trait sardonique toute l’histoire, telle qu’elle est contée par Hésiode. Prométhée rit quand il croit leurrer Zeus, Zeus rit lorsqu’il châtie le trompeur. Ils rient tous deux en pleine lutte, d’un rire fixe et perfide, comme ces statues d’Egine qui rient en tuant et rient en mourant.
Le diable fait peur, et fait rire. […] La farce nous ramène au particulier, aux faits, aux individus, à l’accident sans portée à qui l’on ne demande que de faire rire. Le domaine de la farce est immense et confus : elle n’a de limites que l’expérience et la sensation du peuple à qui elle doit procurer, comme dit Sibilet, « un ris dissolu ». […] Tout ce qui fait rire du « ris dissolu » est farce : ainsi le sermon joyeux. […] C’est moins parce qu’on rit des dupes que par la façon dont on en rit, absolument de tout cœur et sans arrière-pensée, ni ombre de restriction, que l’insuffisance morale de la pièce éclate.
Les Carmélites lui font peur, et elle en rit ! […] Au contraire, il semblerait que ce Don Juan soit le seul des êtres évoqués par Molière qui ne fasse pas rire le parterre. Le parterre a ri aux malheurs du Misanthrope, il a ri aux malheurs de M. […] Ces questions souveraines de la conscience, ce débat d’une âme qui s’agite entre Dieu et le néant, valent la peine, selon nous, que le rire s’arrête quand elles commencent ; Molière lui-même ne parviendra jamais à nous faire rire de la démonstration de l’existence de Dieu. […] De grâce, ne séparons pas ce que Molière a réuni, laissons le rire à côté des larmes, la pitié non loin de l’ironie.
Quant à nous, nous estimons que le devoir étroit de la science est de sonder tous les phénomènes ; la science est ignorante et n’a pas le droit de rire ; un savant qui rit du possible est bien près d’être un idiot. […] Ceci fait éclater le rire de Voltaire et notre sanglot à nous. […] Les hommes ne le comprennent pas, le dédaignent et en rient. […] Rabelais bafoue le moine, bafoue l’évêque, bafoue le pape ; rire fait d’un râle. […] Rions tout de même.
On se rappelle toujours avoir été critique, et on se prend parfois à rire, ne fût-ce que de ses adversaires. Or les apôtres ne rient pas ; rire, c’est déjà du scepticisme, car, après avoir ri des autres, si l’on est conséquent, l’on rira aussi de soi-même. […] Voilà pourquoi toutes les sectes religieuses qui ont essayé, depuis un demi-siècle, de s’établir en Europe sont venues se briser contre cet esprit critique qui les a prises par leur côté ridicule et peu rationnel, si bien que les sectaires, à leur tour, ont pris le bon parti de rire d’eux-mêmes. […] Mais, du moment où des esprits moins sérieux y prennent le dessus, les scories de la superstition apparaissent, l’école tourne à la religion, n’excite plus que le rire et va mourir à Ménilmontant, au milieu des extravagances qui ferment l’histoire de toutes les sectes.
Parlez de façon à ce qu’on vous entende ; ou il fera rire Paris à vos dépends. […] Y a-t-il là de quoi rire ? […] Les spectateurs en riront au premier regard, et ce plaisir les mettra en bonne humeur pour le reste. […] L’action comique, c’est-à-dire, celle qui tend à corriger par le rire, est de deux espèces, simple ou compliquée. […] Vous n’apprendrez point à éviter le danger d’une manie qui vous fait rire, en trouvant sujet de rire d’une manie opposée.
Il a ce don charmant, cette faculté ailée, aérienne, l’alouette de l’esprit, qui tournoie, babille, rit et s’envole, dans toute époque, à la portée de toutes les âmes, mais qui, dans la nôtre, vieille et ennuyée, est le besoin le plus vivement senti de tous les esprits. Emmanuel Kant, qui ne riait guères, du reste, savait bien ce qu’il faisait quand il enlaçait, dans un groupe philosophique digne des plus grands artistes de l’antiquité, les trois génies aimés des hommes : le génie du Rire, du Sommeil et de l’Espérance. […] et l’éclat pur de son rire sonore s’éteindrait dans ce pensif sourire qui traîne aux lèvres de ceux qui ont jugé la vie, comme un bout de velours traîne sur une tombe, — bien doucement et sans faire aucun bruit.
Le public rit d’Orgon et méprise Tartuffe. […] Il veut dire très nettement : « La comédie a pour but de faire rire honnêtement les gens bien élevés. » De faire rire ; elle doit fait rire. […] Mais de quoi les faire rire ? […] Celui qui rit du crime est le plus criminel. […] Au point de vue du bon sens bourgeois, c’est tellement fou qu’il en rit encore et qu’il en rira toute sa vie.
Les amis vinrent ; on riait, on causait ; à neuf heures, on servait un souper fin, et au coup de onze heures sans faute, on se retirait. […] qu’on est long à proclamer toute son estime pour les aimables génies qui nous font rire ! Et puis, ne l’oublions pas, le xviie siècle ne riait pas précisément pour rire. […] Au xviie siècle, ils étaient trop occupés à combattre l’infâme pour s’amuser à ce fou rire innocent. […] Cervantes échappe tout à fait à de telles applications, et son rire sensé reste innocent.
« Le public a beaucoup ri de cet esclandre, nous dit un témoin judicieux : on s’en est plus occupé que d’une bataille ou d’un traité de paix. » Pourtant, quand on vit le prisonnier sortir après cinq ou six jours sans qu’on articulât aucune cause précise à cet acte de rigueur qui touchait à l’ignominie, on se retourna sur ceux qui l’avaient ordonné. […] Mais il voulut rire de Mirabeau et de ses objections ; rappelant les critiques qu’avaient eu à essuyer de tout temps les entreprises nouvelles : « Quand elles étaient bien amères, disait-il, on les nommait des Philippiques ; peut-être un jour quelque mauvais plaisant coiffera-t-il celles-ci du joli nom de Mirabelles, venant du comte de Mirabeau, qui mirabilia fecit. » Le faiseur de calembours oubliait trop ici à qui il se jouait. […] Cela fait rire les ministres et Danton lui-même ; mais Beaumarchais ne rit pas ; il ne rit plus. […] Mais j’avoue que je suis un peu comme la Claire de Jean-Jacques, à qui même, au travers des larmes, le rire échappait quelquefois. Ce rire venait de source et circulait en quelque sorte à la ronde dans toute la famille Beaumarchais ; l’une de ses sœurs, Julie, non mariée, dans sa dernière maladie se chansonnait elle-même par de gais couplets des plus badins, auxquels chacun des assistants ajoutait le sien ; et Beaumarchais, relisant après la mort de sa sœur ce singulier testament, ajoutait de sa main, au bas, avec une naïveté de tendresse qui fait sourire : « C’est le Chant du Cygne de ma pauvre sœur Julie. » Il mourut lui-même à Paris, dans la nuit du 17 au 18 mai 1799, d’une attaque d’apoplexie, dit-on, que rien n’avait annoncée ; il s’endormit de la mort pendant son sommeil.
De ce moment, il ne fait plus que rire à toutes les mauvaises nouvelles qu’on lui annonce, et ne dit plus que des folies. […] Je ris du rire qui me fait rire.
. — On rirait bien, de nos jours, de cette précaution dramatique des Séleucides, et comme on se moquerait de cette loi du drame antique qui exigeait que l’on fît grâce au spectateur de certaines actions des honnêtes ou criminelles, également offensantes à la conscience et à l’honnêteté publiques. […] Le beau remède, en effet, aux fêtes de l’amour et aux charmantes folies de la jeunesse, que de se mettre à se moquer et à rire. […] Partout, même dans les plus charmantes minauderies de ses petites filles, le rire est caché, comme l’aspic sous les fleurs. […] Il a ri de tout son cœur, et il a poussé le rire jusqu’à la bouffonnerie ; à présent il rentre dans toute sa dignité. […] mon Dieu, Messieurs, taisez-vous ; quand Dieu ne vous a pas donné la connaissance d’une chose, n’apprêtez pas à rire à ceux qui vous entendent parler, et songez qu’en ne disant mot, on croira peut-être que vous êtes d’habiles gens !
Préface. De la sincérité littéraire Ce livre provient pour la plus grande part d’un enseignement oral : presque toutes ces pages ont été écrites pour être parlées ; nous n’avons pas cherché à leur donner ici un autre caractère. La parole didactique, destinée surtout à s’emparer de la raison, n’est pas astreinte à la brièveté, à l’audace d’un article de journal, qui a besoin de frapper fort et vite ; elle ne comporte pas la concision et l’art savant d’un livre, qui doit forcer l’attention et la soutenir longuement. Mais l’esprit s’assimile avec plus de facilité et de sûreté les idées formulées pour la voix ; les effets du style contemporain sont trop souvent calculés pour le plaisir des yeux. Pénible à suivre par l’intelligence dans ses contours saccadés, ce style ciselé, comme on l’appelle, en multipliant les facettes de la pensée lui fait perdre son large rayonnement ; il éblouit plus qu’il n’éclaire ; il fatigue l’esprit pour avoir trop raffiné le plaisir de l’imagination ; le cerveau se lasse plus vite à cet exercice ; les organes s’y énervent souvent ; jamais la raison ne s’y fortifie.
Avec quelle joie nous aurions ri de la sotte vanité des princes de l’Empire23 ! […] Il ôte aux différentes classes de citoyens le désir d’être aimables aux yeux les uns des autres, et par conséquent le pouvoir de rire aux dépens les uns des autres. […] Dans le despotisme sans échafauds trop fréquents, vraie patrie de la comédie ; en France, sous Louis XIV et sous Louis XV, tous les gens voyageant par la diligence avaient les mêmes intérêts, riaient des mêmes choses, et, qui plus est, cherchaient à rire, éloignés qu’ils étaient des intérêts sérieux de la vie. […] Le rire est une plante exotique importée d’Europe à grands frais, et qui n’est à l’usage que des plus riches (voyage de l’acteur Mathews). […] Le rire n’est qu’une consolation à l’usage des sujets de la monarchie.
Mais combien donc rirai-je de ceux qui, cherchant ce drame, le trouvent ! […] ma face était de fiancée ; et il passa me disant « je suis l’Amant, sois l’Amante » ; il passait, l’attendu, l’élu, et qui m’offrait l’holocauste de son amoureuse divinité ; et — ah — je ne le connus point, je ris, je le dédaignai, je ris, je le chassai, je ris, je le refusai ; et le regard de son adieu me regarda dans la plainte et la compassion. […] (Parsifal s’est approché, offrant la pénitence ; Kundry le dédaigne ; elle le chasse ; elle le refuse ; elle rit. […] La réplique « ich sah ihn » est un passage fameux dans lequel Kundry raconte une de ses réincarnation durant laquelle elle aurait croisé le Christ pendant sa passion et lui aurait ri au visage. […] et j’ai ri !
Je ne sais pas si elle aura plus, mais elle m’a fait rire dans le temps que j’étais au désespoir. […] On sent en plus d’un endroit une sorte de parti pris de rire. Il ne rit pas seulement, il ricane ; il y a un peu de tic, c’est le défaut. […] Quoi qu’il en soit, Voltaire, même au début, avant le rire bouffon et le rire décharné, Voltaire dans sa fleur de gaieté et de malice était bien, par tempérament, comme par principes, le poète et l’artiste d’une époque dont le but et l’inspiration avouée était le plaisir, avant tout le plaisir. […] Irai-je quitter tout cela pour être déchiré par l’abbé Desfontaines, et pour être immolé sur le théâtre des farceurs italiens à la malignité du public et aux rires de la canaille ?
« C’est une étrange entreprise que de faire rire les honnêtes gens. » « Faire rire » (on dédoubla, pour le tragique) « faire pleurer les spectateurs », voilà l’idéal soufflé chaque jour aux écrivains de théâtre. […] Et nous proclamerons le plus fort celui qui fait déborder le plus de larmes ou glousser le plus de rires. […] Du théâtre pour rire et pleurer les inaccessibles idéaux sont le guignol et la guillotine. […] Mais si « faire rire les honnêtes gens » n’est qu’une décevante recette, Molière n’est-il pas un farceur ? […] La récitation ne vaut que si elle est en même temps audition… Mais, de nouveau, ne va-t-elle pas grincer, la vieille guitare : « faire rire les honnêtes… » ?
« C’est une étrange entreprise que de faire rire les honnêtes gens. » « Faire rire » (on dédoubla pour le tragique) « faire pleurer les spectateurs », voilà l’idéal soufflé chaque jour aux écrivains de théâtre. […] Et nous proclamerons le plus fort celui qui fait déborder le plus de larmes ou glousser le plus de rires. […] Du théâtre pour rire et pleurer les inaccessibles idéaux sont le guignol et la guillotine. […] Mais si « faire rire les honnêtes gens » n’est qu’une décevante recette, Molière n’est-il pas un farceur ? […] La récitation ne vaut que si elle est en même temps audition… Mais, de nouveau, ne va-t-elle pas grincer, la vieille guitare : « faire rire les honnêtes…. » ?
Il y a toute une moitié de la France qui rirait si nous avions la prétention de lui apprendre ce que c’est que Jasmin, et qui nous répondrait en nous récitant de ses vers et en nous racontant mille traits de sa vie poétique ; mais il y a une autre moitié de la France, celle du Nord, qui a besoin, de temps en temps, qu’on lui rappelle ce qui n’est pas sorti de son sein, ce qui n’est pas habituellement sous ses yeux et ce qui n’arrive pas directement à ses oreilles. […] Jasmin y laisse voir un des principaux traits de son talent : il a la gaieté sensible, et, même quand il pleure, on voit rire toujours dans ses larmes un rayon de soleil. […] Seulement les enfants, qui de rien n’ont pitié, qui rient de tout ce qui est, triste, lui criaient : « Marthe, un soldat ! […] La pauvre fille, en fixant Jacques gracieusement, n’a qu’un éclat de rire, un rire convulsif. […] Remarquez-ici comme la bonté et la charité se déguisent dans le rire.
Et tout d’abord il s’étonnerait de se voir contester ici le droit au rire. […] En réalité, ce rire est contradictoire au bon sens. […] Musette, avec un bon sens dont on ne peut la blâmer, demande le pain et la défense contre la prostitution à ses relations « sérieuses » avec quelques barbons et béjaunes de la bourgeoisie : elle ne revient parmi les bohèmes que pour rire, seule ressource qu’ils lui offrent. […] Et cependant les gens ordonnés rient et se divertissent. De quoi donc rient-ils en cette navrante aventure de malheureuses filles et de ratés sans valeur ?
Il fusait alors d’un rire énigmatique et singulier, d’un rire sarcastique et aigu, d’un rire dont les éclats déchiraient l’air avec une persistante et redoutable intensité. Ce rire déconcertait les hâbleurs et tel le cri du coq suffisait pour jeter la panique au camp des ânes en déroute. […] Il faut laisser nos instincts rire et s’ébattre au soleil comme une troupe d’enfants rieurs. […] Mendès disait : « Les Symbolistes nous font rire.
Je ne parle qu’avec quelque réserve ; car, en reconnaissant les parties sérieuses, il faut prendre garde de les supposer et de les créer comme l’ont fait tant de commentateurs, ce qui doit bien prêter à rire à Rabelais, s’il se soucie de nous chez les Ombres. […] Semblables aux enfants, les peuples rirent et se rassurèrent. […] Mais Rabelais ne voulait que jeter à l’avance quelques idées de grand sens et d’à-propos dans un rire immense : ne lui en demandez pas davantage. […] Je m’imagine que, quand on essaie de le tirer ainsi à soi, Rabelais se laisse faire et qu’il y va, mais pour en rire. […] , et curé après avoir été moine, Molière venu dans un siècle où tout esprit libre avait à se garder des bûchers de Genève comme de ceux de la Sorbonne, Molière enfin sans théâtre et forcé d’envelopper, de noyer dans des torrents de non-sens, de coq-à-l’âne et de propos d’ivrogne son plus excellent comique, de sauver à tout instant le rire qui attaque la société au vif par le rire sans cause, et il m’a semblé qu’on aurait alors quelque chose de très approchant de Rabelais.
Son roman est une pastorale de courtisans modernes habillés à la grecque, occupés à disserter longuement, à rire froidement et à sourire mignardement, Psyché était trop déesse pour être à sa place entre les mains de La Fontaine ; il n’ose être familier avec elle ; quant à être grave et respectueux, c’est ce qu’on ne lui demandera jamais. […] Dans un coin est un bonhomme qui bâille ou rit. […] Quand Grandville, pour illustrer La Fontaine, a mis sous nos yeux les bêtes en habits d’hommes, il a tout gâté ; il n’a fait qu’entasser un carnaval vulgaire, propre à faire rire des provinciaux et des épiciers. […] Nous acceptons « les faits accomplis », nous finissons même par admirer le succès et rire des gens battus, surtout quand le bâton a été promené sur leurs reins avec adresse. […] Jean-Jacques disait fort justement qu’il prend souvent pour héros les bêtes de proie, et qu’en faisant rire aux dépens du volé, il fait admirer le voleur.
Nous voïons d’ailleurs par un passage de Quintillien, que le rire souffroit une altération si considerable dans la bouche du masque, qu’il en devenoit un bruit désagréable. […] Une de ces choses que Stratocles hazardoit, étoit de rire, quoiqu’il sçut très-bien, dit Quintilien, par quelles raisons le rire fait un effet désagréable dans le masque. Le rire ne déplaît point par lui-même sur la scéne comique, et nous le sentons bien. Moliere lui-même fait rire quelquefois ses personnages à plusieurs reprises.
Eh bien, nous qui n’avons pas les préjugés anglais de sir Walter Scott sur un écrivain encore tout à l’heure réputé grand dans son pays, nous ne craignons pas d’avancer qu’on ne lira pas Gulliver davantage, par la raison que c’est un livre dont il rie restera absolument rien quand la clef des allusions sur lesquelles il est bâti sera perdue. […] C’est dans ces conseils à un jeune poète que Swift pose, toujours sans rire, la nécessité des bouts rimés pour que la poésie soit florissante, et demande une banque pour la poésie, la poésie étant, dit-il, d’autant de valeur et chose aussi réelle que nos fonds, puis une corporation de poètes, et enfin l’entretien d’un poète par famille, indépendamment du fou et du chapelain, qui ordinairement ne font qu’un. […] IV Tel est pour nous, cependant, ce fameux Jonathan Swift qu’on a osé comparer à Rabelais qui, du moins, fait entendre un rire inspiré du fond de sa fange. Swift, lui, n’a pas de rire du tout.
Ton masque ainsi buvait tes pleurs, Ô Scarron, quand tu faisais rire ! […] Pour le trahir, en effet, il aurait fallu que Roger de Beauvoir eût essayé, sans réussir, de maintenir sa voix dans le ton de la dernière strophe de sa préface, et que le masque de Scarron dont il parle eût dévoré les pleurs sincères qui auraient coulé derrière son rire ou à travers ; et c’est là justement ce qui n’est pas dans ce volume, où si peu de chose d’aujourd’hui se mêle à tant de choses d’autrefois ! […] Mais il n’est pas Scarron pour cela, le poète de Colombes et Couleuvres, celui qui, dans Les meilleurs fruits de mon panier, a chanté la mort du Rire avec une gaîté si mouillée de pleurs, — et de quels pleurs ! […] Cet ami s’appelait le Rire… Nous montions aux mêmes balcons, Nous vidions les mêmes flacons.
on a ri dès l’abord, on est aguerri. […] Qui dit moralité en ce sens, dit peu de rire. […] Le duc de Richelieu et la marquise de Prie rompent en éclatant de rire au nez l’un de l’autre. […] Le chevalier d’Aubigny arrivait furieux, on lui riait au visage ; Mme de Prie se frottait les mains ; Mlle de Belle-Isle, survenant, ne comprenait rien, et d’Aubigny, rassuré, se gardait bien de l’instruire : il emmenait vite sa fiancée.
N’ayant étudié ensemble ni en théologie ni en politique, nous avons donné en Suisse des scènes à mourir de rire, cependant, sans nous brouiller jamais. Ces scènes à mourir de rire qui s’étaient passées entre Mme de Staël et lui, M. de Maistre les appelait, aussi ses Soirées helvétiques, et il est dommage qu’il n’en soit rien resté. […] Il a dans l’humeur et dans la verve le talent de faire rire en raisonnant ; il en use avec succès, en ce sens que, même dans les sujets les plus graves, il n’est jamais ennuyeux ni triste comme M. de Bonald l’est trop souvent. Mais il abuse aussi de ce rire, et il y a des moments où il l’introduit d’une manière déplacée. Dieu rirait bien si Dieu pouvait rire , dit-il quelque part, en faisant je ne sais quelle supposition ; et ailleurs, il nous montrera les esprits célestes riant comme des fous de je ne sais quelle bévue des hommes.
Son humour ressemble singulièrement parfois à celui de l’auteur du Chat Murr ; c’est la même plaisanterie tragi-comique, le même rire nerveux de maniaque, une fantaisie ailée, poétique, à écarts subits, voltigeante et comme immatérielle, puis sénile et grotesque. […] Elle n’est pas non plus la joie sèche des comiques de race latine, le rire d’un homme sanguin, équilibre, sain, ayant la salutaire étroitesse d’esprit de l’homme normal. […] C’est le rire d’un homme atteint du mal déplorable des analystes, ressentant minutieusement et détail à détail sa souffrance, portant dans l’introspection de son âme endolorie une perspicacité nerveuse, l’âpre acharnement à connaître toutes les retraites et toute la misère de son mal. […] Sa mélancolie et son ironie ont frémi en tous les jeunes gens de ce siècle qui ont joint l’amertume de souffrir à la curiosité de se connaître, qui se sont aimés et haïs et qui ont fini par rire de l’injustice de la vie, de leur indignité à ce qu’elle ne le soit pas. […] Il sait raconter de jolies histoires de fées, combiner un rapide scénario de ballet, se moquer galamment de ses créanciers, attaquer les puissances politiques et sociales avec le rire d’Aristophane, puis, comme ce dernier, faire chanter les oiseaux et babiller de jolies femmes.
« Mais, lorsqu’il en est temps, quand elle élève ses ailes, elle se rit du cheval et du cavalier. […] « Il se rit de la peur, il affronte le glaive. […] « La massue est comme la paille légère ; il se rit de la lance. […] C’est l’orgie des sceptiques, c’est la Danse des Morts de la poésie ; c’est le blasphème héroïque de Job traduit en gaulois, cette langue du rire ! […] Ne rions donc pas de l’ouvrage de peur d’offenser l’ouvrier ; le rire ne comprend pas la nature, il la dégrade ; le rire ne console pas la souffrance, il l’attriste.
Après tant de jours sombres, il veut rire, mais rire largement, pleinement, non point du bout des lèvres, mais du fond du cœur. […] Il se moquait d’Arnolphe et riait de Sganarelle, et que de traits, pour les peindre, il empruntait à son propre caractère ! […] Il fait rire, et de vrai c’ est tout ce qu’il fait bien. « Il fait rire ! […] Une foule de gens en perruque le regardent et rient.
Laisse rire toujours ta voix simple et touchante, Sauf à pleurer plus tard comme pleure le cœur. […] La fascination des sombres harmonies Des forêts et des flots, de la foudre et des vents, Qui faisait déborder en notes infinies Mon sein tumultueux, plein aussi d’ouragans ; Cet éblouissement ne me verra plus, folle, Révéler mon angoisse au monde indifférent, Qui nous raille ou nous rit d’un rire bénévole : Rien à l’homme jamais, tout à Dieu qui comprend !
Préface de « L’Homme qui rit » (1869) Hauteville-House, avril 1869. L’Homme qui rit, texte établi par Gustave Simon, in Œuvres complètes de Victor Hugo.
Je n’en ai connu qu’un seul qui eût la verve du rire et de l’esprit, c’était « Frou-Frou », obligé de ne plus être maintenant qu’un « Monsieur de l’Orchestre ». […] Il ne se garderait pas de rire en ce grave sujet : il rit, au contraire. […] Le mépris qui ne rit pas, le mépris sérieux, est moins le mépris.
On ne sait véritablement pas trop par quel éblouissement de jansénisme attardé l’auteur de l’Énigme d’Alceste, que j’imagine assez indifférent à la question théologique du jansénisme, arrive à cette glorification du jansénisme comme réformateur de la France et à la conclusion qu’Alceste est un janséniste, au lieu d’être seulement et simplement un homme et un misanthrope… Ce qui fait croire à du Boulan que ce n’est pas un misanthrope comme le Misanthrope et l’Auvergnat, qui fait tant rire, c’est qu’il est trop grave, trop vertueux et trop indigné pour être comique, et il est vrai qu’un janséniste ne le serait pas. […] Il y a celui qui fait rire et celui-là qui ne fait que sourire, et c’est celui qui ne fait que sourire qui est le comique supérieur, aussi humain, aussi réel que l’autre, mais idéalisé et donnant un plaisir plus noble et plus profond que le comique qui fait rire. […] Le comique qui fait rire n’est que le comique de la rate.
Ils peuvent en rire dans leur barbe, Vacquerie et Hugo, mais je m’imagine que c’est Hugo qui rit le moins des deux… Vacquerie, lui, est flatté… il est très flatté de couvrir si bien Hugo qu’on prenne, sans se faire prier, Hugo pour Vacquerie ; mais Hugo, malgré son affection patriarcale pour Vacquerie, est probablement moins flatté d’avoir été si facilement et si complètement Vacquerie que cela ! […] Le souci Du nuage Qui voyage Rit ici ! […] rit ici !
Peut-être lui reprochera-t-on de s’attarder dans des rêveries païennes et de retrouver toujours au fond de l’idylle champêtre, comme dans ses grisailles parisiennes, ce seul mot divin rabâchage : « Je t’aime »… Les boursiers et les bookmakers hausseront les épaules devant tes vers ; ils riront du rêveur qui préfère sa chanson aux performances du favori du Derby. Laisse-les rire.
Et les déracinés sont d’affreux bandits qui font un peu peur et qui font beaucoup rire, comme ceux que dessine le petit Barrès quand son fusain aligne tout un monôme de petits Barrès. […] Alors on rit de voir le propriétaire passer en recommandant aux ombres, avec de grands gestes un peu grinçants, de ne pas crier et de se montrer de bonne compagnie. […] Mais le plus souvent il se laisse éblouir aux lumières fumeuses de la baraque devant quoi il bonimente ; il prend les planches branlantes qui le supportent pour le Parnasse ; il est un nigaud réjoui qui croit utile de ne pas rire, un ahuri qui fait l’informé. […] Il fabrique — ne riez pas — des Aquarelles d’âmes. […] Oui, celle d’une boule de jardin ou d’un miroir à élargir le rire des passants.
Tel est le sujet de la comédie politique, diplomatique et un peu physiologique, qui aurait pu être un excellent conte drolatique sous la plume rabelaisienne de Balzac, mais qui n’est point un conte, et dont le très peu drolatique Baschet nous fait le détail, — Armand Baschet, un Capefigue correct, cravaté, tiré à quatre épingles, curieux peut-être ici comme le garçon d’honneur d’une noce, mais solennel comme un notaire et impassible comme un chambellan : Se gardant bien de rire en ce grave sujet ! Et, précisément parce qu’il n’y rit pas, ne le rendant que plus comique, son sujet, selon le précepte de tout bon comique : qu’il faut raconter gaîment les choses sérieuses, et celles qui ne le sont pas… sérieusement. […] II Figurez-vous donc qu’au lieu du précieux, compendieux et sérieux Armand Baschet, qui ne rirait pas pour un empire, nous eussions ici affaire à quelque génie plein d’abandon et de sincérité, à quelque grand caricaturiste historique, — car un caricaturiste peut être un historien, puisque la caricature n’est qu’une certaine manière de regarder la vérité, — figurez-vous donc, par exemple, un esprit comme Thomas Carlyle, que je regarde comme l’Hogarth de l’Histoire, tombant sur l’histoire de Baschet, le Dangeau posthume de Louis XIII, et demandez-vous quels effets grotesques et charmants et quelle conclusion de savoureuse moralité humaine il aurait tirés de ce conte de La Fontaine historique, qui fut une réalité, et, pour les gens intéressés à l’achèvement de ce mariage resté en l’air, la plus plaisante des mélancolies !
Il faut en rire… en rire, et pourquoi ?
Voici le chansonnier gaulois aimant le franc rire, aimant aussi parfois à faire perler une larme, car, après, le rire en semble d’autant plus doux.
Certaines pastourelles qui parfois ne gardent même pas le thème fondamental de la rencontre d’un chevalier et d’une bergère, sont de charmants tableaux de genre avec leurs rythmes alertes et leurs refrains joyeux ou goguenards ; elles nous montrent tout un côté de la vie rurale : les jeux, les danses, la gaieté bruyante du village, les coquetteries et les jalousies, les cadeaux idylliques de gâteaux et de fromages, la séduction des souliers à la mode et des fines cottes neuves, les gros rires et les lourds ébats terminés en rixes, coups de poing, musettes crevées, dents cassées. […] De bonne heure, dès que la société se fut constituée dans une forme régulière ils y apparurent comme des irréguliers, des déclassés, et, comme tels, ils excitèrent la curiosité du public honorable et rangé, sur qui la vie de bohème a toujours exercé une fascination singulière, Ils surent exploiter ce sentiment, ils se peignirent à leurs contemporains, avec un mélange curieux de servile bouffonnerie et de-touchante sincérité, qui était fait pour exciter un peu de pitié parmi beaucoup de mépris, et délier les cordons de la bourse des gens qui avaient ri. […] Sans pain, sans feu, de la paille pour lit, entre une femme qui gémit, une nourrice qui veut ses gages, et un propriétaire qui réclame son loyer, voilà en quel état se présente à nous le triste Rutebeuf, qui trouve pourtant moyen de rire. […] Il y a pourtant aussi un lyrique dans Rutebeuf : un chansonnier d’abord, constructeur de rythmes, de couplets, de refrains légers et piquants qui feront rire le monde aux dépens des « papelarts et béguines » ; mais il y a plus et mieux.
On a commencé par en rire, de cette question des bas-bleus, et il y a encore des gens qui en rient, car il y a toujours des gens qui rient. […] Mais la chose qu’on appelle le Bas-bleu n’en va pas moins son train dans cette société, chez laquelle le rire, ce monarque absolu autrefois, n’est pas plus puissant que les autres monarques !
sur des figures célèbres ou oubliées du xviie siècle, et cela dans le but respectable de rire un petit et de nous amuser. […] rire un petit, c’est à présent une grande affaire ! […] Elle vous riait au nez et même vous faisait rire de vous !
Malin sans méchanceté, il a fait rire aux dépens de tout et ne s’est jamais permis de faire rire aux dépens de personne.
Le rire était autrefois un Roger Bontemps : aujourd’hui c’est un aliéné. […] Il a un peu ri seulement au mot de la mère à sa fille : « C’est à moi, ça ! […] Et dans la salle, le public riait sans s’arrêter, d’un rire délicat, français, national. […] Pas un rire, pas un éclat de jeunesse ou de gaîté ! […] Je ne sais si c’est ce rire homérique qui fait penser à Homère, en tout cas Homère est sur le tapis.
Le rire est la loi suprême de la comédie, on est plus tenté de pleurer au Misanthrope. […] jaloux à faire rire ? […] Tant pis pour qui rirait. […] Tant pis pour qui rirait. […] En écoutant ce discours, on rit également et de l’abus qu’Arnolphe fait de son esprit et du peu d’effet qu’il produit.
Tu me permettras d’être en sortant des ténèbres Ton enfant ; Et tandis que rira ce tas d’hommes funèbres Triomphant, Tu ne trouveras pas mauvais que je t’adore, En priant, Ébloui par ton front invincible, que dore L’Orient. […] Là, tragique, écoutant ta chanson, ton délire, Bruits confus, J’opposais à ton luxe, à ton rêve, à ton rire, Un refus.
Voltaire, en cela moins humain qu’il ne convient, se met à rire par moments de voir le roi de Prusse, son ancien ingrat, sur les dents, et la lutte acharnée des chasseurs et du sanglier : « Riez et profitez de la folie et de l’imbécillité des hommes. […] Je reçois cent estocades, j’en rends deux cents, et je ris… Tout est égal au bout de la journée, et tout est encore plus égal au bout de toutes les journées. […] Ce sont moins des remarques, dit-il, que des doutes : « J’aime votre gloire, c’est ce qui me rend peut-être trop difficile. » Puis il félicite Voltaire de ce talent que Dieu lui a donné, de corriger les ridicules de son siècle, et de les corriger en riant, et en faisant rire ceux qui ont conservé le goût de la bonne compagnie. […] Il indique alors quelques ridicules du jour qui sont un sujet tout fait pour la moquerie : « Il est plaisant, dit-il, que l’orgueil s’élève à mesure que le siècle baisse : aujourd’hui presque tous les écrivains veulent être législateurs, fondateurs d’empires, et tous les gentilshommes veulent descendre des souverains. » Il finit surtout par un conseil que Voltaire a trop peu suivi, et qui, au lieu de cette ricanerie universelle à laquelle il s’abandonnait, aurait dû être le but idéal suprême du grand écrivain en ces années de sa vieillesse : Riez de tout cela et faites-nous rire, lui dit Bernis en lui développant son plan ; mais il est digne du plus beau génie de la France de terminer sa carrière littéraire par un ouvrage qui fasse aimer la vertu, l’ordre, la subordination, sans laquelle toute société est en trouble.
Plaute rit et donne à l’homme Amphitryon, Rabelais rit et donne à l’homme Gargantua, Cervantes rit et donne à l’homme don Quichotte, Beaumarchais rit et donne à l’homme Figaro, Molière pleure et donne à l’homme Alceste, Shakespeare songe et donne, à l’homme Hamlet, Eschyle pense et donne à l’homme Prométhée. […] Une leçon qui est un homme, un mythe à face humaine tellement plastique qu’il vous regarde et que son regard est dans un miroir, une parabole qui vous donne un coup de coude, un symbole qui vous crie gare, une idée qui est nerf, muscle et chair, et qui a un cœur pour aimer, des entrailles pour souffrir, et des yeux pour pleurer, et des dents pour dévorer ou rire, une conception psychique qui a le relief du fait, et qui, si elle saigne, saigne du vrai sang, voilà le type. […] Il cause avec les gens du cimetière, rit presque, puis empoigne Laërtes aux cheveux dans la fosse d’Ophelia et piétine furieux sur ce cercueil.
un persécuteur suave, un Néron fondant et délicieux… Vous riez ? […] il n’est plus temps de rire ! Je ne sais pas si l’autre, que la mort poussait, continuait de rire, malgré elle, mais ce que je sais bien, c’est que, dans ce livre-ci, Philarète Chasles ne rit plus. Rire ? […] Il confesse à madame sa nièce ses fautes, — et ses fautes, le croirez-vous, vous qui aimez à rire ?
Les Espagnols manquent de naturel & de régularité : ils ont un Gracioso, manière d’Arlequin, qui ne les fait jamais tant rire que lorsqu’il jure par des saints d’un nom inconnu & bisarre. […] Averti du jour où l’on devoit les représenter, il se rend le premier au spectacle, s’y place de façon à pouvoir être vu de tout le monde, applaudit aux endroits qui faisoient le plus rire à ses dépens, se lève plusieurs fois, afin de se montrer à des étrangers qui demandoient à le voir, & ne sort que le dernier de l’assemblée. On ne sçavoit qui se lasseroit plutôt, ou les spectateurs de rire, ou Socrate de se donner en spectacle.
Ce plaisir varie de qualité selon les genres : dans la comédie, c’est le rire. […] N’en rions pas trop : Chénier et Musset, qui sont des poètes, et que la suave mélodie des noms antiques a jetés plus d’une fois dans des rêves peuplés de visions charmantes, comprendraient ce que dit Boileau des « noms heureux » qui semblent nés pour les vers. […] La loi du genre est de faire rire, comme celle de la tragédie est de faire pleurer. Mais il faut faire rire par « les passions finement maniées », sans jamais s’écarter de la nature. […] Il n’y a vu que des charges fantaisistes, d’arbitraires caprices de gaieté exubérante, ne se doutant pas que le trait plus appuyé n’était pas moins juste, et que le rire plus éclatant enveloppait une observation plus triste.
Le lièvre ne pouvait plus contenir son envie de rire. […] Et le singe, en le voyant pouffer, rit aussi de tout son cœur.
Mais, selon la façon dont le masque est ôté, le rire peut être tour à tour léger ou bruyant, contenu ou déboutonné, tantôt aimable et gai, tantôt amer et sardonique. […] Ses Persans jugent la France en Persans, et nous sourions de leurs méprises ; par malheur, ce n’est pas d’eux, mais de nous qu’il faut rire ; car il se trouve que leur erreur est une vérité464. […] Êtes-vous familier avec lui, et du petit cercle intime dans lequel il s’épanche en toute liberté, portes closes, le rire ne vous quittera plus. […] C’est le rire de la raison agile et victorieuse. […] Dans quels bas-fonds de garde-robe la politique et la religion vont-elles cacher leur linge sale De tout cela il faut rire pour ne pas pleurer, et encore, sous ce rire, il y a des larmes ; il finit en ricanement ; il recouvre la tristesse profonde, la pitié douloureuse.
Il raconte dans une de ses lettres qu’un jour François de Sales lui avait dit : L’Église rit volontiers. L’art aussi rit volontiers. L’art, qui est un temple, a son rire. […] Le mot pour rire sort de l’abîme. […] Tout le groupe des têtes blondes chante, rit et joue au soleil sous les arbres.
C’est cette école qui rit grossièrement de l’idéal en toutes choses, aussi bien en morale qu’en esthétique. […] pas que Flaubert, qui n’a pas une goutte du sang de Rabelais dans les veines, osât aborder par le côté bouffon, pour en rire insolemment un peu, la grande figure mortifiée de l’anachorète égyptien. […] Elle n’y a ni son rire de singe ni son front de taureau. […] pardon ; mais il faut bien un peu rire !) […] Et, en effet, Bouvard et Pécuchet, les deux héros du roman, sont des bourgeois qui n’ont pas en eux de quoi faire plus rire que messieurs leurs ancêtres, à qui Sieyès disait : « Vous étiez à genoux, mettez-vous debout !
Après avoir souri avec un grand poète comme Arioste, on rit avec un grand comique comme Molière. […] C’est précisément là le caractère de l’Italien moderne : il imagine, et il rit de ses propres imaginations ; c’est aussi le caractère de la vieillesse dans les nations et dans les individus. […] Très jeune, on a ce franc rire de l’enfance qui n’a point de remords ou de retour sur les tristesses de la vie encore en fleur ; très vieux, on a ce rire un peu amer des derniers jours, où l’esprit, trop expérimenté des illusions de la vie, se moque du cœur qui s’est refroidi dans les poitrines. […] Il n’y a ni sourire ni fou rire qui ait le prix d’une de ces gouttes tièdes du cœur. — Oh ! […] pourquoi badine-t-il trop souvent et ne s’est-il pas complu davantage à nous faire rêver et pleurer, lui qui a le don des douces larmes autant que celui du fou rire ?
Je méprise le rire méchant, cet antidote de ce qui est sérieux et sacré chez les hommes, le génie et le malheur. Je n’ai jamais pu m’empêcher de mal espérer d’un pays qui a fait du rire une institution dans ses journaux ; cela n’avait lieu à Rome que dans les triomphes, pour rappeler aux heureux qu’ils étaient hommes. Mais se figure-t-on le rire sur la perte du misérable dont un huissier vend le grabat par autorité de justice, ou qui vient de se suicider par peur du ridicule ? […] Le Romain ne riait que des heureux, le Gaulois rit et fait rire, pour de l’argent, de l’infortune et du désespoir. […] Elle vient sur ma page, et m’empêche d’écrire, Et bat de l’aile, et part d’un long éclat de rire Qui nous fait rire tous les deux.
D’abord, il fut sur le point de rire. […] — Ne riez pas ! […] Vous pensez si nous pouffâmes de rire. […] Excessivement-Grave laissera rire. […] Il y a des jours où j’en mangerais pour vingt sous. — Vous voulez rire !
Je lui disais des choses saugrenues qui la faisaient rire. […] Ce qui me donnait le fou rire. […] Affalée dans un fauteuil, sous son voile noir et sa guimpe blanche, elle riait, d’un rire aux longues dents rares, et tendait vers moi ses mains noueuses. […] … » Toutes les élèves se tordaient de rire. […] Mais un fou rire seul lui répondit.
La Bruyère a très bien indiqué pourquoi l’on a honte de pleurer au théâtre, tandis que l’on n’a point honte d’y rire : « Est-ce une peine que l’on sent à laisser voir que l’on est tendre, et à marquer quelque faiblesse surtout en un sujet faux et dont il semble que l’on soit là dupe ? » Assurément c’est cela, tandis que, pour ce qui est de rire, on s’y laisse aller plus facilement parce qu’on est moins dupe et l’on fait moins figure de dupe en riant qu’en pleurant, le rire vous laissant toute liberté d’esprit et les pleurs marquant qu’on l’a perdue, et qu’on est pénétré jusqu’au fond et possédé par le sujet et par l’auteur. Encore l’on sait fort bien que les esprits « forts » et les esprits « délicats » ne rient pas plus qu’ils ne pleurent et, quand il y a matière à hilarité, se contentent de sourire, rire à gorge déployée n’étant pas beaucoup moins que pleurer signe que l’on est conquis et en possession de l’auteur.
Tu dis la vérité, me répondit-il ; et comme il était fort gai, il se mit à rire et à chanter ; et en riant et en chantant, nous arrivâmes à Rome. […] Mon cher Benvenuto, ajouta-t-elle, avez-vous ouï dire que, lorsque le pauvre donne au riche, le diable rit ? Hé bien, Madame, je veux voir comment il fait quand il rit. […] Le pape Clément, qui avait vu mon vase, rit beaucoup de cette scène qui lui fut rapportée, et déclara hautement qu’il me voulait beaucoup de bien ; ce qui rabattit beaucoup la fierté de mon Espagnol. […] Le duc, qui le tenait tantôt pour un fou et tantôt pour un poltron, se mit à rire, et s’enfonça dans son lit.
Oui, c’est œuvre de bon rire. […] Quoi que vous riez et mentiez, avide j’ai soif de vous et une me doit échoir. […] luisante délice, comme tu ris, si clair et saint ! […] très aimable Albe, ris-tu pas aussi ? […] ô viens, aimable, ris avec nous !
Cet homme savait les faiblesses et ne s’en étonnait pas ; il pratiquait le bien plus qu’il n’y croyait ; il comptait sur les vices, et sa plus ardente indignation tournait au rire. […] Le génie de l’ironique et mordante gaieté a son lyrique aussi, ses purs ébats, son rire étincelant, redoublé, presque sans cause en se prolongeant, désintéressé du réel, comme une flamme folâtre qui voltige de plus belle après que la combustion grossière a cessé, — un rire des dieux, suprême, inextinguible. […] Les comédies à ballets dont nous parlons n’étaient pas du tout (qu’on se garde de le croire) des concessions au gros public, des provocations directes au rire du bourgeois, bien que ce rire y trouvât son compte ; elles furent imaginées plutôt à l’occasion des fêtes de la cour. […] De la farce franche et un peu grosse du début, on se sera élevé, en passant par le naïf, le sérieux, le profondément observé, jusqu’à la fantaisie du rire dans toute sa pompe et au gai sabbat le plus délirant. […] On en plaisanta dans le temps beaucoup plus qu’il ne fallait, et ce rire facile couvrit les louanges dues à l’ensemble du très-estimable Commentaire
Le rire dont elles nous secouent intérieurement est le rire bouddhiste, lequel précède immédiatement, dans l’ordre des affranchissements successifs de nos pauvres âmes, la paix du Nirvâna… Le second et le troisième caractère de cette gaîté, c’est l’outrance et la méthode, portées toutes deux aussi loin que possible, et se soutenant et se fortifiant l’une l’autre. […] Est-il défendu d’imaginer qu’une Puissance inconnue, ayant d’abord permis aux hommes d’établir entre les choses et les mots des rapports constants, universels et publics, a voulu enfouir en même temps dans les ténèbres des idiomes humains certains rapports secrets, absurdes et réjouissants des mots avec les objets ou des vocables entre eux, et en a réservé la découverte à quelques privilégiés du rire et de la fantaisie ?
III Je voudrais rencontrer une brute, un être primitif et sensitif frissonnant aux frissons de la forêt, rêveur à cause du murmure des roseaux frôlés par le vent aux rives des fleuves, illuminé d’un doux rire puéril aux querelles des oiseaux, heureux par la pureté du soleil qui se lève et surtout épris, sans le savoir, de quelque Ève apparue un soir de printemps, au lointain bleu d’une allée, enfuie depuis, Dieu sait vers quels saules. […] Ils rient aux coups et aux blessures et au fiel répandu ; ils se disent : “Les poètes se chamaillent entre eux, ils nous laisseront tranquilles.” […] Si tu m’en crois, tu leur riras au nez.
Si le rire y est, le rire au bruit duquel tombent les anges, les âmes et les empires, il y a aussi une mélancolie plus puissante encore que ce rire charmant et pernicieux.
La classique exposition n’a d’abord obtenu qu’un succès de fou rire parmi nos jeunes artistes. […] Laissons donc rire et baguenauder à l’aise ces jeunes vieillards, et occupons-nous de nos maîtres. […] Nous ne voulons pas nommer l’auteur de ce bon mot, soutenu et appuyé par une foule de quolibets indécents, que ces messieurs se sont permis à l’endroit de notre grand peintre. — Il y a là dedans plus à pleurer qu’à rire
Francisque Sarcey Depuis huit jours, je suis plongé dans ce volume, et je pouffe de rire. […] c’est de l’ironie, du lyrisme qui s’arrête pour sourire de soi, de la tendresse qui hésite, un rire qui se détourne pour ne pas pleurer ; c’est de la sensibilité qui dit : « Tu sais, je blague », pendant qu’elle frissonne, et c’est de la gaîté tout de même — et une gaîté qui chatouille, qui enveloppe, qui emporte ; c’est de la joie, de la joie philosophique.
Tous ceux qui travaillent pour notre théatre parlent de même, et ils assurent qu’il est moins dangereux de donner un rendez-vous au public pour le divertir en le faisant pleurer, que pour le divertir en le faisant rire. […] Ainsi la terreur et la pitié, que la peinture des évenemens tragiques excite dans notre ame, nous occupent davantage que le rire et le mépris que les incidens des comedies excitent en nous.
Que l’on joigne à ces exemples les facétieux boniments d’Ursus dans l’Homme qui rit, ces parades funambulesque où la même spirituelle cabriole s’exécute en mille dislocations ; les résumés historiques qui ouvrent les divers livres des Misérables, par d’énormes variations ; les grandes fantaisies de Quatre-vingt-treize sur le mystérieux accord des chouans avec les halliers ; et dans les Travailleurs de la Mer le sinistre chapitre sur la Jacressarde, maison déserte au haut d’une falaise qui ouvre sur la nuit noire deux croisées vides. […] On relève sans peine, en peu de pages : « Au grand soleil couchant horizontal et sombre ; miroir sombre et clair ; sérénité des sombres astres d’or. » Les romans sont riches en ces contrastes purement verbaux, notamment certaines oraisons comiques et grandiloquentes dans l’Homme qui Rit, dans les Misérables la plupart des dissertations générales, parmi lesquelles il faut relever celle sur l’antithèse entre les pénitences du couvent et l’expiation du bagne. […] L’Homme qui Rit est fait du contraste de la passion idéale et de la passion voluptueuse ; les Misérables sont la lutte de l’individu contre la société, les Travailleurs de la Mer, celle de l’homme contre les éléments. […] Les personnages y sont des héros ou des monstres : de Javert le « mouchard marmoréen » à Gauvain, le général de trente ans qui possède « une encolure d’hercule, l’œil sérieux d’un prophète et le rire d’un enfant… » Fantine, Mme Thénardier « la mijaurée sous l’ogresse » sont au-delà des deux frontières extrêmes de l’humanité, de même que les guerriers de la Légende des Siècles sont plus grands que des statues. […] Le poète dont toute l’activité intellectuelle se dépense en mots, qui use sans cesse de ces brillants faux jetons de la pensée, rie pourra s’empêcher de voir les choses aussi démesurées que les paroles qui les magnifient.
Elle se méprend souvent du rire aux pleurs ; elle se réjouit des causes funestes et s’afflige d’événements comiques. […] Elle tolérait fort bien le petit mot pour rire. […] Je laisse à penser si l’on dut rire. Ceci me rappelle qu’un soir que Dugas-Montbel lisait, chez Mme Récamier, une tragédie traduite d’Eschyle ou de Sophocle, le marquis de Vérac qui s’était endormi se réveilla quand la lecture était déjà finie depuis quelques instants, et il dit tout haut : « L’intérêt se soutient. » On rit beaucoup. […] « Son discernement lui fait démêler tous les travers et sentir tous les ridicules ; sa bonté, sa charité, les lui font supporter sans impatience, et lui permettent rarement d’en rire.
Cette diverse et joyeuse bande prit tout d’une voix de Brosses pour secrétaire, le chargeant d’écrire les détails du voyage aux amis de Dijon, à toute une aimable et franche coterie bourguignonne, le gros Blancey, le bon Quintin et d’autres encore, même d’aimables dames, qui savaient, comme autrefois, être de très honnêtes femmes et entendre le mot pour rire. […] Les contemporains nous l’ont peint tel qu’il était dans la société et dans l’habitude ordinaire, très vif, extrêmement aimable, plein de saillies originales, plaisant, mais sans causticité, « facilement ému par la résistance et par la contradiction » ; ayant « de petites colères qui faisaient rire ceux qui en étaient témoins, et dont il ne tardait pas aussi à rire lui-même » ; il avouait qu’il lui était plus facile de se contenir sur de grands objets que sur de petits. […] Diderot, qui vit sans doute un jour de Brosses dans son appareil de magistrat, a dit quelque part de lui : Le président de Brosses, que je respecte en habit ordinaire, me fait mourir de rire en habit de Palais. Et le moyen de voir sans que les coins de la bouche ne se relèvent (pourquoi ne pas dire tout simplement sans rire ?)
A quoi servent les radoteurs, sinon à faire rire les jeunes filles ? » Et il envoie à la divine Amaranthe des vers un peu risqués, pleins d’insinuations vives et d’adorations mythologiques, Ces sourires et ces rires, cette galanterie caressante, ces douceurs, ce mélange d’esprit gracieux et de tendresses fugitives composent l’amour en France ; La Fontaine n’en a guère connu d’autre, et il y a passé le meilleur de son temps. […] Il rit au milieu même de son émotion ; ses personnages plaisantent de leur propre infortune. […] 12 Ayant écrit au prince de Conti un récit des mésaventures de Mlle de La Force, il le supplie de ne montrer sa lettre à personne. « Mlle de La Force est trop affligée, et il y aurait de l’inhumanité à rire d’une affaire qui la fait pleurer si amèrement. » Quoique distrait et indifférent à ses propres affaires, sitôt que des gens affligés venaient le consulter, « non-seulement il écoutait avec une grande attention, mais il s’attendrissait, il cherchait des expédients, il en trouvait, il donnait les meilleurs conseils du monde. » Il fut l’ami le plus fidèle, et défendit devant le roi Fouquet disgracié.
C’est un Fielding à courte haleine, alternant avec-un Topffer plus profond et moins pur, un Bas-de-Cuir élégant et civilisé, sans la mélancolie du désert et de la vieillesse, qui parle beaucoup, et, au lieu de rire tout bas, rit tout haut, mais qui rirait bien plus haut encore si le hasard apportait sous son regard, à la fois positif et sceptique, l’introduction faite à son livre et les énormes visées de son traducteur !
Il faut convenir pourtant que ceux même qui rient ne se corrigent pas ; un de mes voisins qui applaudissait le plus, avait le journal le Siècle dans son chapeau. […] Mais cette marquise de la Calomnie passe toutes les bornes ; elle réussit pourtant, elle fait rire ; le parterre s’écrie que c’est bien cela, comme si le parterre avait rencontré de telles marquises.
Son vaste répertoire, c’est le répertoire du rire ; le rire s’y démène si bien, il y règne en souverain, en maître si absolu, que rien n’y manque, pas même les plus libres facéties de tréteaux et les plus violentes tabarinades. […] Ce rire de Molière, messieurs, ce rire se donne pleine carrière ; il n’épargne rien ; Molière, poète comique, n’a respecté ni les autres ni lui-même, ni rien de ce qui était autour lui ! […] On rit toujours aux Précieuses ridicules : il est convenu qu’on doit rire, et l’on rit, et l’on ne médite pas sur tous les mots. […] L’esprit a beau rire et se moquer. […] Elle songe en elle-même que rira bien qui rira le dernier, — un proverbe qu’elle a peut-être inventé, — et qu’après tout ce n’est pas pour lui que sont les biens solides de la terre.
Quelle douceur vous avez de ne pas peser plus qu’une bague de rire à la pensée, moins qu’une marguerite aux doigts, aux lèvres moins qu’un baiser. […] Le rire les dissipe. […] Dans la comédie, les témoins des passions ne croient ni aux passions ni aux héros : ils en rient et veulent en rire. […] Il est si vrai que l’action prenant un tour odieux, Tartufe et Don Juan ne font pas du tout rire. […] Si tu as si allègrement et si sincèrement ri des hommes et si sincèrement pleuré sur eux et si tu les as laissé rire de toi, c’est que tu n’as jamais accepté de compromis réel avec leurs intrigues.
D… allait passer en l’autre monde sur les ailes de mon esprit conteur, à force de rire et de pleurer. […] vous savez qu’après le quatrième degré on n’est plus rien. » Le père rit et fut désarmé, au moins ce jour-là. […] Cela faisait rire le guet, le commissaire lui-même et, le lendemain, tout Paris. Je ne sais si le lecteur en rira autant. […] Il en souffrait, sous air d’en rire.
Il y en a deux surtout qui font rire et qui font frémir : Augustus, le maniaque triste, qui est sur le point d’épouser miss Pecksniff, et le pauvre M. […] Sans sortir du coin du feu ou de l’omnibus, nous voilà tremblants, les yeux pleins de larmes ou secoués par les accès d’un rire inextinguible. […] Cette sensibilité ne peut guère avoir que deux issues : le rire et les larmes. […] Il y a un rire qui est voisin des larmes. […] Dickens est triste au fond comme Hogarth ; mais, comme Hogarth, il fait rire aux éclats par la bouffonnerie de ses inventions et par la violence de ses caricatures.
Si le ridicule existait encore et si l’on avait le temps de rire de ces misères, il serait bouffon vraiment de voir que M. […] Collé, selon lui, « était un grand enfant qui ne se prenait nullement au sérieux (page 4) » et plus loin (p. 32), il nous le montre « possédant à un haut point la science de la vie » et connaissant à fond les hommes ; tantôt Collé est « un esprit doux et placide (p. 2) », tantôt il a « la nature mobile et inquiète (p. 4). » Collé nous est représenté comme faisant des fanfaronnades, comme suivant la mode, comme ayant un rire doux, plein de mièvrerie ! […] Comment, dans un autre genre, vous raconter Romieu, le pâle et sérieux visage qui faisait tant rire ? […] Il aimait pourtant l’art en lui-même ; il avait de la conscience dans les bagatelles, il soignait extrêmement ses « chansons et autres breloques. » Mais voilà tout ; il ne songeait qu’à vivre, à rire, à s’amuser avec ses confrères du Caveau, et il fallut que Crébillon fils et d’autres amis clairvoyants l’avertissent qu’il pouvait mieux et plus pour qu’il s’avisât de s’élever jusqu’au genre de proverbes et de petites comédies où il a excellé. […] C’est là, à Bagnolet, tantôt pour le prince, tantôt pour la fête de sa maîtresse Mlle Marquise, que se donna d’abord La Partie de chasse de Henri IV avec cette jolie scène du souper qui fit couler autant de larmes que La Vérité dans le vin avait excité de fous rires.
Racine et Boileau riaient de ce nouveau débarqué, de ce Normand précieux et en retard, qui arrivait exprès par le coche pour se faire siffler avec une tragédie musquée, ou pour se faire applaudir avec un sonnet d’Oronte. […] les traits essentiels qu’elle assigne à cette nature d’exception sont, à bien des égards, exactement les mêmes que ceux qu’on a vus retracés et burinés par La Bruyère : Il ne riait jamais, dit Mme Geoffrin ; je lui disais un jour : « Monsieur de Fontenelle, vous n’avez jamais ri ? […] » — Voilà l’idée qu’il avait du rire : il souriait seulement aux choses fines ; mais il ne connaissait aucun sentiment vif. […] Boileau et La Bruyère peuvent rire désormais, tant qu’ils veulent, du précieux Fontenelle, il est plus philosophe qu’eux.
Musset fait aussi son rêve : seulement au lieu de le composer d’amour et de larmes, il le compose de libertinage, de rire et de sang. […] Tu ris, spectre affamé. […] Cela rappelle ces espiègleries d’enfants qui promènent sur les lèvres fermées d’autres enfants comme eux, la barbe d’une plume pour les faire rire ; la lèvre rit, mais l’âme ne rit pas ; puérilité indigne d’un talent qui se respecte même dans ses jeux ! […] Il est blessé à mort, il s’affaisse entre les bras de ses témoins ; une tache de sang suinte à travers son habit blanc de Pierrot ; les traits de son visage décoloré voudraient rire encore, mais ils agonisent malgré lui, et sous ce faux rire on sent que la pointe de l’épée a touché le cœur. […] Lamartine, c’est là, dans cette rue obscure, Assis sur une borne au fond d’un carrefour, Les deux mains sur mon cœur, et serrant ma blessure, Et sentant y saigner un invincible amour ; C’est là, dans cette nuit d’horreur et de détresse, Au milieu des transports d’un peuple furieux Qui semblait en passant crier à ma jeunesse : « Toi qui pleures ce soir, n’as-tu pas ri comme eux ?
Ainsi dans chacun de ces morceaux, dans chacune de ces thèses où il disserte, et où parfois il déclame, il faut voir comme il prêche pour son saint, comme il exagère le spiritualisme dans la vie, comme il accuse le machinisme qui bien souvent n’en peut mais, et le voit à tout bout de champ en travers de sa route, comme il exagère le respect, la vénération, le sérieux, la crainte du rire ! […] On ne sait pourquoi il fait grâce en un endroit à Montaigne, lequel pourtant a dit en son joli langage : « Et moi, je suis de ceux qui tiennent que la poésie ne rit point ailleurs comme elle fait en un sujet folâtre et déréglé. » M. de Laprade prend même le soin de rassurer les chrétiens, les âmes religieuses, contre l’ironie de Montaigne. […] Le plus clair, en définitive, c’est que M. de Laprade a peur qu’on ne rie, qu’on ne plaisante, qu’on ne crée de nouveaux fils à Voltaire. […] Il ne faut, en tout cas, chercher dans ce fade volume aucune trace d’enjouement ni de sel ; il n’y a pas le plus petit mot pour rire, pas le plus petit grain de Voltaire.
Scaramouche fut mandé à Paris toutes les fois qu’on y appelait une troupe italienne ; et Louis XIV rappelait volontiers à Fiurelli leur première entrevue, et riait beaucoup en le voyant mimer le récit de l’aventure. […] En un mot, c’est ici où cet incomparable Scaramouche, qui a été l’ornement du théâtre et le modèle des plus illustres comédiens de son temps qui avaient appris de lui cet art si difficile et si nécessaire aux personnes de leur caractère, de remuer les passions, et de les savoir bien peindre sur le visage (c’est une allusion à Molière) ; c’est ici, dis-je, où il faisait pâmer de rire pendant un gros quart d’heure dans une scène d’épouvante où il ne proférait pas un seul mot. […] Si nous en croyons Le Boulanger de Chalussay, l’auteur d’Élomire hypocondre, Molière aurait positivement reçu de Scaramouche des leçons de pantomime, et lui aurait dû ses progrès dans l’art du comédien : ………… Par exemple, Élomire Veut se rendre parfait dans l’art de faire rire ; Que fait-il, le matois, dans ce hardi dessein ? […] Valet de Scaramouche, il faisait pâmer de rire les spectateurs.
Or le spectateur ne rit pas beaucoup ou se reproche de rire. […] Le public parce qu’il rit de Monsieur Jourdain n’est pas absolument forcé d’être amoureux de Dorante, non plus que parce qu’il rit d’Orgon il n’est forcé d’avoir tendresse d’âme pour Tartuffe. […] L’auteur nous fait rire par l’exposition pure et simple de ce vice dans tout son détail et non en le faisant battre par quoi que ce soit. […] Les Français rient dès qu’ils voient quelqu’un qui porte un chapeau un peu différent de celui qu’on porte dans leur quartier. […] Chez Molière nous rions des sots qui sont dupés, mais nous méprisons les coquins qui les dupent.
Et, dernier trait de ressemblance avec l’enfant, il ne, sait jamais lui-même s’il va rire ou pleurer, et il pourrait dire de toutes ses pièces ce qu’il dit de deux d’entre elles : Il se peut que l’on pleure à moins que l’on ne rie. […] Voici du reste comment il définit la poésie : Chanter, rire, pleurer, seul, sans but, au hasard. […] Nous l’aimons pour ses saillies si spirituelles et si gaies ; nous l’aimons pour sa tristesse, échappée de son rire même. […] Non, des flacons brisés, quelques vaines paroles Qu’on prononce au hasard et qu’on croit échanger, Entre deux froids baisers quelques rires frivoles, Et d’un être inconnu le contact passager, Non, ce n’est pas l’amour, ce n’est pas même un rêve… RODOLPHE Quand la réalité ne serait qu’une image, Et le contour léger des choses d’ici-bas, Me préserve le ciel d’en savoir davantage ! […] On comprend maintenant pourquoi, à chaque instant, chez Musset, le rire ou la moquerie se fond en tristesse : Qu’est-ce donc ?
Venant de Voltaire, cela ressemblait à une ironie ou à une gageure ; mais Voltaire, qui a tant ri, ne riait pas. […] Gilbert a insisté sur la haine du rire qu’avait Vauvenargues, et qui venait beaucoup plus de son naturel que des embarras et des misères de sa vie ; car les gens gais de tempérament le sont partout, même dans le malheur, quand la grosse bourrasque est passée.
Le rire, comprimé par la Révolution, repartit, quand elle fut finie, avec une force de gaieté, la vraie furie française ! […] » Ainsi, on effleure de l’œil qui veut rire le Journal d’un homme qui est timbré chansonnier, et qui ne peut être qu’un chansonnier alors même qu’il écrit l’histoire de son temps avec une gravité mordante et une élévation singulière. […] Collé est un Mentor aimable et un Machiavel sans inconvénient, mais parce qu’il donne ses leçons de séduction le rire de Démocrite aux lèvres il n’en est pas moins un moraliste dans le sens le plus réfléchi et le plus méprisant du mot.
Venant de Voltaire, cela ressemblait à une ironie du à une gageure, mais Voltaire, qui a tant ri, ne riait pas. […] Gilbert a insisté sur la haine du rire qu’avait Vauvenargues, et qui venait beaucoup plus de son naturel que dès embarras et des misères de sa vie, car les gens gais de tempérament le sont partout, même dans le malheur, quand la grosse bourrasque est passée.
Or, il y avait deux manières de traiter Schopenhauer et Hartmann : ou c’était avec le rire le plus vibrant d’un mépris gai, ou avec la cruauté d’un mépris atroce ; car leurs systèmes valent ces deux mépris, selon le point de vue d’où on les regarde. […] Pour être lu, il a caché tout d’abord la face de ces deux sinistres Pierrots philosophiques, — sinistres, mais amusants pour ceux-là qui se paient de tout avec le ridicule dont ils rient, — prévoyant bien que pour nous amener à ces deux gaillards, inouïs d’extravagance, qui sont, au fond, le but de son livre, il était nécessaire de faire un détour, et il a ouvert son crochet jusqu’aux premiers jours de la création. […] Caro, en sa qualité de philosophe, se garde bien de rire en discutant un tel sujet, mais, français, il ne peut s’empêcher de couper sa gravité de philosophe par de petits sourires que je trouve spirituels.
Cette foule, qui commence à rire des enfantillages de certains mélodrames, se laisse toujours prendre aux tirades sur les beaux sentiments. […] Et ils se chatouillaient pour rire, ils plaisantaient M. […] Nous rions et nous pleurons où est notre cœur. […] Tel est le courant naturaliste dont je parle si souvent, et qui fait tant rire. […] Ils ne peuvent y toucher sans ennuyer profondément ou sans faire rire aux éclats les spectateurs.
» Masséna s’approcha aussi et fit cette harangue d’un autre ton : « Camarades, vous avez devant vous 4000 jeunes gens appartenant aux plus riches familles de Vienne ; ils sont venus en poste jusqu’à Bassano : je vous les recommande. » — « Cette harangue, parfaitement comprise, ajoute Pelleport, nous fit rire. » Dans tout ceci, il n’est guère question d’avancement pour Pelleport, toujours brave, toujours sous-lieutenant, et jamais pressé. […] Dès la première nuit passée sur le sable après le débarquement avec quelques onces de biscuit trempé dans de l’eau saumâtre, on prend une triste idée de l’avenir qui attend l’armée en Égypte : « Cependant aucun murmure ne se fit entendre : nous voulions égaler les Romains. » — Un jour, dans un campement près de Gaza où l’on n’avait trouvé que peu de ressources, comme des soldats s’étaient approchés de sa tente pour se plaindre, le général en chef leur dit « qu’ils n’égaleraient jamais les Romains, qui, dans ces mêmes lieux, avaient mangé leurs sacs de peau. » — « Général, ils n’en portaient pas, vos Romains », lui répondit un orateur. — « Cette répartie fit rire, ajoute Pelleport, et les murmures s’apaisèrent. » C’est égal, ces Romains, toujours nommés, restaient dans l’esprit de ces braves et les piquaient d’honneur. […] Les soldats faisaient aussi de la politique par leur contenance ; rentrés au quartier, ils riaient de cette comédie. Ils riaient, mais ils s’y prêtaient. […] En novembre 1806, Pelleport, sur la présentation du maréchal Soult, est nommé chef de bataillon dans le même régiment : « J’avais dix ans d’exercice dans l’emploi pénible d’adjudant-major ; néanmoins, cette promotion fut une grâce et non un droit, car on comptait dans le régiment dix capitaines plus anciens de grade que moi. » À la veille d’Eylau, il lui arrive un événement fort extraordinaire dont on pensera ce qu’on voudra, et qui serait de nature à justifier l’apparition du fantôme à Brutus, à la veille de Philippes : L’on va rire de moi, n’importe… La veille de la bataille d’Eylau, je dormais profondément, lorsque je fus réveillé par un bruit léger : une femme belle et richement habillée était devant moi : « Tu seras blessé, me dit-elle, et grièvement.
Il ne veut que rire et faire rire. […] On rit de la dupe, à moins qu’elle ne soit bien digne d’être fripon. […] Est-ce donc une nécessité de notre tempérament, que nous riions des faibles et méprisions les humbles ? […] Mais, comme à nos faiseurs de vaudevilles, il leur est arrivé, en ne visant qu’à faire rire, de crayonner certaines charges assez ressemblantes, et qui amusent par la netteté saisissante du trait.
Peu s’en faut qu’il ne se comportât avec ces brigands de la Forêt-Noire comme il avait fait avec Clavico et avec Goëzman, et qu’il ne fît rire à leurs dépens. […] Et il continue de s’analyser et de rire tout blessé qu’il est, et de démontrer comme quoi en ce monde « il y a de plus grands maux que d’être mal assassiné ». […] Le public, sur la foi des récits de société, s’était attendu à tant de rire et de folie qu’il n’en trouva pas assez d’abord. […] « Faites-nous donc des pièces de ce genre, puisqu’il n’y a plus que vous qui osiez rire en face », lui disait-on. […] Suard en jugeait comme Napoléon, et La Harpe écrivait : « Il est facile de concevoir les jouissances et les joies d’un public charmé de s’amuser aux dépens de l’autorité, qui consent elle-même à être bernée sur les planches. » Mais, où le rire général se mêle et où l’ivresse éclate, que peuvent les prévisions et les réserves de quelques esprits ?
Elle est pour les bonnes ménagères un avertissement de bien veiller à leur linge. » Puis le même Rhymer veut bien cesser de rire et prendre Shakespeare au sérieux : « … Quelle impression édifiante et utile un auditoire peut-il emporter d’une telle poésie ? […] Écoutons encore Rhymer : « Othello est une farce sanglante et sans sel. » Jonhson ajoute : « Jules César, tragédie froide et peu faite pour émouvoir. » « J’estime, dit Warburton dans sa lettre au doyen de Saint-Asaph, que Swift a bien plus d’esprit que Shakespeare et que le comique de Shakespeare, tout à fait bas, est bien inférieur au comique de Shadwell. » Quant aux sorcières de Macbeth, « rien n’égale, dit ce critique du dix-septième siècle, Forbes, répété par un critique du dix-neuvième, le ridicule d’un pareil spectacle. » Samuel Foote, l’auteur du Jeune Hypocrite, fait cette déclaration : « Le comique de Shakespeare est trop gros et ne fait pas rire. […] Il disait à madame de Graffigny : Shakespeare pour rire. […] Shakespeare a la tragédie, la comédie, la féerie, l’hymne, la farce, le vaste rire divin, la terreur de l’horreur, et, pour tout dire en un mot, le drame. […] La comédie éclate dans les larmes, le sanglot naît du rire, les figures se mêlent et se heurtent, des formes massives, presque des bêtes, passent lourdement, des larves, femmes peut-être, peut-être fumée, ondoient ; les âmes, libellules de l’ombre, mouches crépusculaires, frissonnent dans tous ces roseaux noirs que nous appelons passions et événements.
La femme répond que les morts riaient. […] Non, non, ne rions pas trop. […] Aujourd’hui on rit trop souvent de sottises indécentes et platement ridicules. […] Le roi en rit beaucoup, et son entourage s’empressa naturellement de l’imiter. […] Il joua le rôle avec un emportement qui excita un rire universel.
Ici il ne faut point rire ou se récrier, et dire qu’il nous importe peu, à nous humains et humains civilisés, que pour les crapauds les plus beaux objets du monde soient leurs crapaudes. […] De tous côtés, sous les portiques des temples, je voyais les Athéniens se promener librement, se saluer avec grâce, s’arrêter, causer, rire. […] Il rit volontiers ; mais il veut que son rire soit provoqué par un jugement. […] Un bretteur de qualité veut le prendre pour témoin rie son duel ; il réfléchit un instant, prononce vingt phrases qui le dégagent, et sans faire le capitan, laisse les spectateurs persuadés qu’il n’est point lèche. […] C’était risquer beaucoup contre un homme qui avait eu l’honneur de faire rire le roi au dépens des marquis et des ducs.
La condition première de son adoption par l’Impératrice de Russie était qu’il embrasserait le rit grec : il avait été élevé d’abord et baptisé dans le rit luthérien. […] Un jour, dans une discussion entre sa mère et l’Impératrice, l’un des courtisans qui vient d’y assister, rencontrant Catherine avec le grand-duc, assis sur une fenêtre dans une pièce voisine et en train de rire, leur dit en passant : « Cette grande joie va cesser tout à l’heure » ; et s’adressant à elle : « Vous n’avez qu’à faire vos paquets, vous allez repartir tout de suite pour vous en retourner chez vous. » Catherine, en commentant ce propos avec le grand-duc, s’aperçoit du peu d’effet qu’il a produit sur lui : « Je vis clairement qu’il m’aurait quittée sans regret. […] » Je me mis a rire et lui répondis que c’était pour être plus légèrement habillée.
Il suffit que « tout uniment et avec des paroles claires, honnêtes et bien disposées, dans une période sonore, et par le cours naturel d’un récit amusant, l’auteur peigne ce que son imagination conçoit et qu’il fasse comprendre ses pensées sans les embrouiller ni les obscurcir : « Tâchez aussi, se fait-il dire par un interlocuteur de ses amis, qu’en lisant votre histoire, le mélancolique s’excite à rire, que le rieur augmente sa gaieté, que le simple ne s’ennuie pas, que l’habile admire l’invention, que le grave ne la méprise point, et que le sage se croie tenu de la louer. […] Sancho gouverneur et homme d’État, jouant au Salomon sans rire, y réussissant presque, est le dernier terme, le plus sérieux comme le plus bouffon, d’une histoire qui a commencé par le combat contre les moulins à vent. […] Cervantes fut frappé de la richesse que lui offrait l’idée d’un enthousiaste héroïque qui se croit appelé à ressusciter l’ancienne chevalerie : C’est là le germe de tout son ouvrage, Il sentit en poëte tout ce qu’on pouvait faire de cette idée… » Un autre critique distingué par son savoir et ses consciencieuses lectures, mais doué aussi d’une ingénuité de jugement parfois excessive, Sismondi, dans son Cours sur les littératures du Midi, professé à Genève devant un auditoire qui riait peu, se chargea de reprendre et de développer la pensée de Bouterwek. […] Selon Sismondi, cet étudiant aurait dû rire et pleurer en même temps, ou même, pour peu qu’on fasse de lui un Werther, ou un étudiant d’Iéna en 1813, il aurait dû pleurer à chaudes larmes ; mais il était trop du siècle de l’auteur pour avoir de ces idées d’après coup.
Or, si le comédien joue le premier Tartuffe, il fera rire ; mais l’action de la pièce deviendra totalement absurde. […] Le public sera dépaysé, lui qui ne voit Tartuffe que sous les espèces d’un bedeau gras, rouge et libidineux ; et l’acteur ne fera pas rire, et il devra, j’en ai peur, renoncer à la douceur des applaudissements. […] Aussi l’habitude de jouer chaque soir Hector ou Crispin avait rétréci le talent des comédiens, circonscrit leur horizon ; leur unique tâche étant de faire rire, Tartuffe fut joué comme valet, et, peu à peu, ce grand rôle ne fut plus qu’un sournois plaisant et cynique dont les charges et les paillardises égayaient le public. […] » Mais un beau jour on s’avisa que Tartuffe ne devait pas faire rire à ce point.
Mme du Châtelet, qui ne voulait point paraître trop tendre, riait pour s’empêcher de pleurer. […] Voltaire rit d’elle, il l’appelle « gros chat » ; Mme de Champbonin a pris le parti d’engraisser. […] Ce sont surtout les jours où on lit des chants inédits de Jeanne, de la trop fameuse Jeanne (et on les lit dans la chambre mystérieuse des bains), ce sont ces jours de demi-licence qui font les belles heures de Mme de Graffigny ; nous verrons dans un instant qu’elle les paiera cher : On a fait du punch, écrit-elle à son ami Devaux après une de ces lectures ; Mme du Châtelet a chanté de sa voix divine : on a beaucoup ri sans savoir pourquoi, on a chanté des canons ; enfin le souper a été à peu près comme ceux que nous avons tant faits ensemble, où la gaieté ne sait ce qu’elle dit ni ce qu’elle fait, et rit sur la pointe d’une aiguille.
mon Dieu, si ce monsieur a manqué de respect aux palmes vertes, tancez-le comme il le mérite, ce sera bien fait ; et je serai le premier à rire des bons coups de batte que vous lui appliquerez sur les épaules. […] Jusque-là, vous me permettrez de rester « badaud », et de rire à gorge déployée, — au rebord de ma fenêtre, — en voyant passer le bataillon de l’École normale allant délivrer la Littérature des mains des infidèles — et des Romantiques ! […] En vain nous lui avons lu et relu le passage du journal où tu voues ton existence au bonheur des Romagnes ; il s’est mis à rire et nous a tourné le dos. […] » De quoi Duranty se frotte les mains et rit à se tenir les côtes, en confectionnant des nœuds coulants — ou étrangloirs — qu’il vend, au plus juste prix, à Sarcey.
Il vaudrait mieux bouffonner toujours, et crever de rire en divertissant le bourgeois, que crever d’orgueil et de dépit pour satisfaire les beaux-esprits. […] Peut-être l’auteur a-t-il bien fait de terminer la pièce par un récit gai, pour conserver le coloris et l’esprit du genre : l’imagination peut rire des effets de ce retour, elle n’en rirait point si l’œil le voyait. […] C’est la marque d’un discernement exquis, d’avoir envisagé du côté plaisant le caractère principal, naturellement très odieux, et plus propre à exciter l’indignation que le rire. […] Il nous fait rire aux dépens de la sotte vanité d’une mère qui sèche de dépit de voir à ses côtés une jeune fille dont le voisinage lui donne des années et lui ôte des grâces. […] Le comique de choses demande encore quelque attention ; il faut y penser pour en rire : c’est trop de fatigue pour nos cerveaux.
Cette grande scène de la chute, dont notre vie est le miroir et que nous répétons dans chacun de nos actes, il n’y comprit rien, et il en rit de ce rire amer qui, pour être amer, n’en est pas moins vide. Il ne se douta pas, l’homme d’esprit, qu’il riait de lui-même !
il voudrait bien tirer ces pauvres victimes, après tout, de dessous les plaisanteries de Molière, — ces plaisanteries gravées sur un marbre éternel, et sous lesquelles le Titan du grand rire les a écrasées ; mais il craint que le ridicule qui pèse sur elles, par ricochet ne tombe sur lui. […] Encore si cette sublime Arthénice avait eu l’esprit de cette bourgeoise d’esprit que Livet met parmi les précieuses, quoiqu’elle fût tout le contraire d’une précieuse, de cette madame Cornuel qui eût fait rire si elle l’eût voulu, disait-on d’elle, de la bataille de Rocroi. […] Il n’y a que Livet qui ne rie pas, qui ne sourie pas, qui ne bâille pas, quand il nous rapporte les insupportables descriptions de ces fêtes solennellement sottes qu’on donnait à l’hôtel de Rambouillet (exemple celle de la page 14 de l’introduction, dont il prend la relation à Voiture).
Tout au plus peut-on en rire… car rien n’est plus risible. […] Byron s’est composé son masque comme un acteur… un masque de ruffian, de bandit, de grand coupable, presque d’assassin, comme il en mettait un à ses héros, et il l’ôtait avec ses amis pour en rire (voir ses lettres à Hobhouse et à Moore). Quoiqu’il en ait ri, les cockneys en sont dupes encore !
Il les a faits à son image, et on a ri de son bonhomme de Jupiter. […] Il le dit lui-même : « Je suis chose légère. » Les femmes qui l’aimèrent, l’aimèrent surtout comme de belles marraines qui lui firent chanter sa romance à Madame jusqu’à sa dernière heure, à ce Chérubin attardé qui devint une barbe grise avant de cesser d’être un enfant, mais qui finit, tout en la chantant, par rire de sa romance. L’adorable mélancolie de ce rire, nous la connaissons !
Il n’est rien tel qu’une sottise pour faire rire les sots ; ce qui les transporte n’effleure pas seulement un homme d’esprit ; le peuple rit chez Nicolet, & quelquefois ce sont les mêmes spectateurs qui fréquentent le théâtre de la Nation où l’on ne rit plus. Pourquoi rit-on moins aujourd’hui qu’on ne rioit dans le siècle passé ? […] On ne rit plus dans le monde. […] Il n’y a de rire doux & profond que le rire que la morale avoue. […] Rire & faire rire, étoit le propre d’un grand-homme qui servoit dignement son Prince, & l’Etat & toutes les dignités appartinrent de droit aux plaisans qui narroient les plus joyeuses facéties.
« Toutefois, il avait soixante-trois manières d’en trouver tousjours à son besoin, dont la plus honorable et la plus commune étoit par façon de larrecin furtivement faict ; malfaisant, pipeur, buveur, batteur de pavez, ribleur s’il en étoit à Paris ; au demeurant le meilleur fils du monde et toujours machinoit quelque chose contre les sergeants et contre le guet. » Et après ce portrait sommaire, viennent à la débandade, les mille aventures drolatiques où ce véritable héros de Rabelais se dessine à gros traits, menant à Paris le train bouffon de l’écolier de l’époque, puis partant pour les pays de la fable contre le roi des Dipsodes, puis s’embarrassant dans cette épineuse question du mariage, et parcourant pour s’amuser dans son dessein tout l’archipel d’îles peuplées à souhait des innombrables êtres allégoriques dont Rabelais tenait à rire ; en somme la plus durable et la plus humaine des caricatures énormes qui s’étalent dans le bréviaire des « beuveurs très illustres et et vérolez très prétieux ». […] Toute puissance établie lui donne à rire, avec des mots si crus, une ironie si âcre, que la salissure reste ineffaçable.
Il sait rire entre deux colères. Il rit de la bêtise de ses ennemis, quand il ne se met pas en fureur contre eux avec des accents à l’Alceste. […] Ni sa femme, ni ses filles, ni ses amis, ni ses bons sentiments, ni sa bonne humeur, ni même les ridicules qui font dire : « J’ai ri, me voilà désarmé ! […] Le Régent riait en lui donnant les baisers du mépris. […] Il a vu le Bas-Bleu, — le Bas-Bleu dont lord Byron riait, mais dont Proudhon s’indigne, parce qu’il voit plus loin que ce beau dandy impertinent de lord Byron !
On l’écoute sans se lasser, on s’émerveille : on rit. […] Courteline fasse rire ? […] C’est pénible, honteux ou funèbre : on rit encore. […] Un certain sens de la parodie et de la caricature force le rire. […] Les mots y ont un rôle nettement déterminé : déclencher le rire du spectateur, la pièce devant paraître d’autant meilleure que le spectateur aura plus souvent ri.
Guy Patin accourait, et d’un éclat soudain Faisait rire l’écho jusqu’au bout du jardin, Soit que, du vieux Sénat l’âme tout occupée, Il poignardât César en proclamant Pompée, Soit que de l’antimoine il contât quelque tour. […] Ce moulin par devant Nous barre le chemin ; un vieux pont nous invite, Et sa planche en ployant nous dit de passer vite : On s’effraie et l’on passe, on rit de ses terreurs ; Ce ruisseau sinueux a d’aimables erreurs.
Gresset, Piron et Destouches ne se sont point proposé des sujets de pure invention et comme en l’air ; ils ont eu en vue même dans ces portraits généraux, quelque travers, quelque ridicule, qui passait alors non loin d’eux à portée du rire. […] Il est, dans tous les cas, d’un ordre inférieur, il est bas ; il n’intéresse ni ne fait rire à aucun moment ; c’est un piètre casuiste qui ne saurait, se duper lui-même, à moins d’être par trop sot.
Alors je me mettais à rire de tout mon cœur et me moquais d’eux. Ils riaient aussi avec moi. Vous auriez ri de nous voir comme trois imbéciles, ne sachant ce que nous avions. […] Elle avait une autre figure ; il me sembla qu’elle riait, et ses cachets paraissaient couleur de rose. […] Au contraire, ses enfantillages faisaient rire quelquefois les officiers du 7e léger.
La Restauration fut notre mère ; est-ce à nous de lui arracher son manteau après sa mort et de montrer sa nudité à ses ennemis pour leur donner la mauvaise joie de ses ridicules et de ses fous rires ? […] Ce n’est pas à l’enfant sublime de Chateaubriand de donner le signal du rire aux hommes qui rient du malheur et de l’infirmité du vieillard. […] Louis Blanc, dont la seule énonciation faisait rire leur bon sens ; à moins cependant, ajoutai-je encore, que le travail libre ne devînt travail forcé pour toute la société, que des répartiteurs du salaire, le fouet ou le glaive à la main, ne fussent chargés de faire travailler tout le monde, et que la société des blancs ne fut réduite à une horde d’esclaves, chassés chaque matin de leurs cases communes au travail uniforme, par des conducteurs de nègres blancs ! […] » m’écriai-je au milieu du rire de l’auditoire », et combien la société de tels socialistes ferait envier aux hommes le sort de la brute ruminante, qui va du moins paître en liberté et en paix l’herbe qu’elle ne mesure qu’à sa faim ! […] « Toujours l’hymne d’Horace au sein des ris est né ; « Jamais il n’a versé de larmes immortelles : « La poussière des cascatelles « Seule a mouillé son luth de myrtes couronné !
Autour de tous ceux dont la sincérité ou la force vous humilie, vous resserrez cette fameuse « conspiration du silence » qui vous fait rire si haut et si faux dès qu’on la dénonce au public. […] Je vous assure, sans rire, que Pradon avait beaucoup plus de talent qu’Émile Trolliet. […] Mais le rire de Voltaire ou de France est une arme. Gebhart est un automate qui tire au mur et, s’il rit, c’est qu’on a fait rire quelqu’un dans le phonographe qui lui sert de cerveau. […] Aussi je ne rirai pas trop de « la parenté qu’offre M. de Régnier avec le pur poète d’Éloa et de la Maison du Berger ».
Ne sit ancillae amor pudori pourrait dire maître Guérin, qui sait du latin, qui a le mot pour rire, et qui, de temps à autre, régale ses clients d’une citation d’Horace, comme il leur offrirait une prise de tabac : — « En usez-vous ? […] Si la fantaisie vous prend de leur enlever un vice ou de leur ajouter une vertu, de les faire passer du rire aux larmes, ou du plaisant au sévère, je ne crois plus à leur existence. […] Il y avait à rire et à pleurer dans ce dénouement à deux faces. « Est-ce au meurtrier d’Hédelmone ou à l’époux prévenu à temps de son innocence que vous voulez vous intéresser, car je suis l’un et l’autre », — aurait pu demander Othello au public, avant la représentation, comme maître Jacques à l’Harpagon de Molière : « Au meurtrier ! […] Cette méprise du bon Ducis dédoublant ses personnages, et taisant, du masque tragique, la tête, à double profil, de Jean qui pleure et de Jean qui rit, n’est-elle pas, à des degrés différents, celle de tous les auteurs qui changent à volonté leurs ouvrages ? […] Lucien reprend son récit du duel ; le médecin pour rire secoue la tête d’un air consterné ; Navarette fait son entrée et se jette sur son amant, avec un désespoir mélodramatique.
Ils furent heureux, suivant leur tempérament, de s’indigner contre un poète ou de rire de lui : ça fait toujours plaisir de se sentir supérieur. […] On a osé comparer à Villon notre Verlaine sans malice et sans âpreté, notre Verlaine dont l’érotisme même n’est que rire et bonhomie. — On a voulu faire de lui un poète triste, sans doute pour que notre abandon eût cette excuse d’avoir rendu plus douce et plus profonde sa poésie. […] Dans un salon je l’entendis rire de sa plaisanterie de tortionnaire.
Même quand Voltaire se fait capucin, il rit, le sacrilège ! […] Jean Reynaud, le théologien de contrebande, qui part du pied gauche aujourd’hui pour demander, — comme le pieux et pur Saint Bonnet, que la théologie se relève dans l’opinion et les études du dix-neuvième siècle, ne rit pas et ne nous fait pas rire, mais il pourrait bien nous tromper !
Mais nous, nous ne voulons pas être des messieurs Jourdain, et nous nous mettons à rire ! Et c’est le seul petit instant que nous ayons pour rire dans cette lourde et fatigante lecture. Le rire y commence aux oiseaux.
About les deux romans qui ne sont pas des contes pour rire qu’il ait publiés. […] On prend, par exemple, Les Parents pauvres et Les Intimes, et en y ajoutant le perpétuel ricanement de ce personnage d’un des romans de Frédéric Soulié, qui dit, à propos de tout, des choses les plus affreuses ou les plus dégoûtantes : « histoire de rire », on écrit très-bien la Germaine M. […] Histoire de rire !
Je ris des noirs accès où je vous envisage. […] Nous n’eussions pas ri de lui, nous l’eussions plaint. […] Nous rions de cet homme qui comptait vaincre le monde et qui ne sait pas se vaincre lui-même. […] On en rit, on en fait des caricatures ; mais on les imite plus ou moins. […] » La Chambre eut un rire homérique.
ça ne fait rien, ça me fait rire… Pour moi, la littérature est un état violent dans lequel on ne se maintient que par des moyens excessifs. […] Du bas en haut et du haut en bas, nous nous sommes promenés, cherchant à retrouver quelque chose de notre vieil Opéra : une blague, un vrai rire, la charité d’un sourire, un abandon de corps gratis, du désordonnement, de la fantaisie, du caprice, enfin l’apparence d’une intrigue — qui ne fût pas de cinq louis. […] Puis elle dit en éclatant de rire : — Tiens, c’est comme à Milan, au théâtre de la Scala, un particulier qui me faisait des saluts, des saluts… Je disais : « Je connais cette bouche-là », mais je ne reconnaissais que la bouche, absolument que la bouche… — Te rappelles-tu, reprend tout à coup la Deslions, quand par ce sale temps nous avons été voir où s’était pendu Gérard de Nerval… Oui, je crois même que c’est toi qui as payé la voiture… J’ai touché le barreau. […] Puis les groupes noirs de femmes en deuil suivant ici le mort jusqu’au bout, la haie des gardes nationaux qui ne rient pas, et toutes ces têtes associées des fenêtres pieusement au deuil. […] Ce garçon-là est un svelte Hercule, surmonté d’une petite tête de Faustine, et c’est merveille de voir cette fine et délicate tête au milieu des coups de pied et des coups de poing, toujours souriante d’un rire retroussé, avec les petites rages et toutes les perfidies nerveusement féroces d’une physionomie de femme en colère.
Le banal et superficiel déchirement de l’époque : la lutte pour rire entre un faible rationalisme appris et une faible foi apprise, enfant scrofuleux et vieillarde mourante ; entre un pessimisme qui est peut-être la vérité et une religion qui est peut-être le bonheur, qui, dans tous les cas (Bourget en est certain comme Brunetière) est aujourd’hui la meilleure savonnette à vilains. […] Le démiurge malicieux qui avilit Jouffroy en Bourget doit rire satisfait. […] Rencontrent-ils chez un adversaire une idée un peu nouvelle, aussitôt leur rire éclate, leurs mains claquent bruyantes sur leurs cuisses et ils entraînent le bon badaud à se gausser avec eux d’une aussi joyeuse folie. […] Et l’admirable chercheur se relève de ses chutes, revient de ses égarements, s’obstine, sublime et invaincu ; mais le catholique rit et le déclare plus faible et plus misérable que l’enfant qui marche ensommeillé sur la large route du catéchisme.
» Il dit à l’homme : « Tu es une âme chétive portant un cadavre. » Il rit amèrement de ceux qui poursuivent la gloire, la volupté, la fortune : — « C’est comme si on se prenait d’amour pour les oiseaux qui passent en volant. » — Comme Macbeth, il compare l’existence à une farce tragi-comique : — « Ce que nous estimons tant, dans la vie, n’est que vide et petitesse. Des chiens qui se mordent, des enfants qui se battent, qui rient, qui pleurent bientôt après… Le vain appareil de la magnificence, les spectacles de la scène, les troupeaux de petit et de grand bétail, les combats de gladiateurs, tout cela est un os jeté en pâture aux chiens, un morceau de pain jeté dans un vivier. […] De la fantaisie franche, elle est passée à la comédie grave ; des traits sérieux se sont mêlés aux francs éclats de son rire. […] Le meilleur charme de l’Aventurière est encore son style ferme et franc, du meilleur cru de la langue, d’une éloquence pathétique et forte dans les grandes scènes et d’où le rire jaillit, aux endroits comiques, comme de source vive. […] Le rire sonore et franc de la gaieté de Molière alterne, dans ce drame romanesque, avec la passion lyrique de la poésie moderne ; il rajeunit de sa jeunesse les types et les costumes du vieux théâtre.
Le rire est si malsain, qu’il faudra un grand bouleversement, du sang pour assainir jusqu’au comique. […] Une femme en robe havane dansait, la tignasse en désordre, sa grande bouche fendue par un rire, — le rire d’une bacchante à la Salpêtrière. […] La petite maison seule a les rires et les joies de l’aisance. […] Les grandes personnes ont ri, et les petites aussi de confiance. […] Il a une gaîté de sanguin, le rire large, ouvert, communicatif.
Les vilaines paroles le feront rire par sympathie, les images effrontées le divertiront par réminiscence. […] Et ce rire n’est pas une simple convulsion de gaieté physique ; un jugement l’a provoqué. […] Le propre du Français et de l’homme du monde est d’envelopper tout, même le sérieux, sous le rire. […] Ajoutez que ce plaisir n’est pas franc ; il ne ressemble point au bon rire de Molière. […] pardonnez-moi, il faut que je rie ; ha !
Le titre semblait n’annoncer que des plaisanteries ; mais le marguillier se piqua d’être grave, judicieux, impartial, et ne se permit de rire qu’à propos. […] Le commentateur ressemble alors à ces jeunes étourdis qui, dans un cercle, ont l’impertinence de rire d’un homme respectable, parce qu’il n’est pas vêtu à la mode. […] Voltaire est étrangement scandalisé d’une telle familiarité ; les beaux-esprits du parterre sont tentés de rire. […] Le courage est bien plus pathétique que la pusillanimité : ainsi, en dépit des préceptes d’Horace et de Boileau, de même que commencer à rire soi-même est souvent le secret de rire tout seul, de même commencer à pleurer est souvent une raison pour que les autres ne pleurent pas. […] Ainsi, quoique Prusias fasse rire quand il dit : Ah !
Le rire, moins épanoui, moins insouciant chez nous, révélait, en revanche, bien plus de sagacité et de malice. […] Ce fut la fin de la farce de ces beaux jeux, mais non de ceux que voulurent jouer, après, les conseillers des aides, commissaires et sergents, lesquels, se prétendant injuriés, se joignirent ensemble et envoyèrent en prison MM. les joueurs ; mais ils furent mis dehors le jour même, par exprès commandement du roi, qui appela les autres sots, disant Sa Majesté que, s’il fallait parler d’intérêt, il en avait reçu plus qu’eux tous, mais qu’il leur avait pardonné et pardonnerait de bon cœur, d’autant qu’ils l’avaient fait rire jusqu’aux larmes.
Ce n’est donc pas là un doublet véritable ; mais si le vieux français avait tiré un mot de unionem (unir), nous dirions, sans rire : L’oignon fait la force. […] Il ne faut pas trop rire, ni trop blâmer cela.
Mais il ne riait jamais, ou il lui arrivait d’être saisi d’une sorte de rire convulsif qui le rendait malade. […] » répéta Étienne en éclatant d’un de ses rires convulsifs. […] « Voilà ce qui lui arrive toujours quand il rit ainsi, murmura Michel. […] » Et le grand-père rit, et chacun rit avec lui de ces espiègleries. […] Elle était ce jour-là dans une heureuse disposition d’esprit ; elle riait et plaisantait, et ses obséquieuses compagnes riaient comme elle, mais non sans crainte.
Isolées, elles disent des niaiseries, dont elles rient aux éclats quand on les leur fait remarquer… — Ah ! […] — Sont-elles deux ensemble ou un plus grand nombre, elles rient au nez des gens, trouvent à redire à tout ce qu’on dit… Ce sont les plus insupportables personnes du monde. » Mademoiselle de Montpensier fait une description assez grotesque de leur figure, et surtout de leurs minauderies. […] Mais comme c’est une vérité de l’art littéraire ou poétique observée par Voltaire, que ce qui fait rire au théâtre, ce sont les méprises des personnages, et que c’est une autre vérité recueillie par l’observation, que la méprise la plus risible et la plus ridicule consiste essentiellement dans la prétention manquée, il faut avoir plus d’esprit qu’il ne m’en appartient, pour reconnaître que Molière, ce grand maître de l’art dramatique, cet observateur profond, n’a exprimé ou sous-entendu ces vérités dans la préface des Précieuses que pour masquer un gros et plat mensonge sur ses intentions relativement à l’hôtel de Rambouillet. […] Mais ce qui n’admet point de réplique, c’est ce fait, attesté par Ménage, que madame de Rambouillet voulut réchauffer et réjouir sa souffrante vieillesse du spectacle des Précieuses, à leur première représentation, bien assurée sans doute de rire un moment à leurs dépens, et qu’il ne viendrait dans l’idée de personne de rire aux siens ; et en effet, elle et ses vieux amis y applaudirent de tout leur cœur52. […] Dans un siècle frivole, de bel esprit, de mauvaises mœurs, sous un gouvernement absolu, la satire, la comédie satirique, devaient être en grand honneur ; les bonnes qualités ne rachetaient pas le ridicule ; après le besoin de parler était venu le besoin de rire.
Ce personnage original qu’on aimait assez, sauf à en rire, et qui s’était fait une place à part dans les assemblées du Clergé et à la Cour, s’était mis comme tout son siècle sur le pied d’admirer Louis XIV, de l’adorer passionnément, et de le lui dire. […] Il dut rire comme tout le monde dans le premier moment, mais il resta mécontent en définitive. […] — En un mot, il se faisait dire au sérieux et sans rire ce que l’abbé de Caumartin lui avait déjà dit en face et en badinant. […] Il n’est point royal par rapport à Votre Majesté, car il ne dit rien d’Elle, sinon que vous riez toutes les fois que vous me voyez… » (Manuscrits de la Bibliothèque impériale, résidu de Saint-Germain, n° 16.
Je ris, je dis ce qui me passe par la tête, et je les force de m’écouter. […] Elle correspond avec Voltaire, dicte de charmantes lettres à son adresse, le contredit, n’est bigote ni pour lui ni pour personne, et se rit à la fois du clergé et des philosophes. […] … J’admirais hier au soir la nombreuse compagnie qui était chez moi ; hommes et femmes me paraissaient des machines à ressort qui allaient, venaient, parlaient, riaient, sans penser, sans réfléchir, sans sentir ; chacun jouait son rôle par habitude : Mme la duchesse d’Aiguillon crevait de rire ; Mme de Forcalquier dédaignait tout ; Mme de La Vallière jabotait sur tout.
pas même pour rire, car il est fade et ennuyeux ! […] nous sommes devenus des Germains, au contact de cet homme revenu d’Allemagne, et nous discutons, avec une considération obséquieuse, la considération du bonhomme Géronte pour Sganarelle quand il l’entend parler latin, des sottises qu’il fallait écarter avec le rire souverain des railleurs ! […] On a cru se donner à soi-même l’air savant en discutant Renan, au lieu d’en rire. […] la pantoufle dont riait Rabelais est écrasée encore d’assez de baisers pour rendre sérieux les ennemis de la papauté.
Il se dit qu’il dupe un mari, « qu’il trompe une cruelle4, et croit gagner des pardons à cela. » Il veut rire ; c’est là son état préféré, le but et l’emploi de sa vie. Surtout il veut rire aux dépens d’autrui. […] Le besoin de rire est le trait national, si particulier, que les étrangers n’y entendent mot et s’en scandalisent.
On a trop ri du « Symbolisme », d’aucuns en rient encore ; on le jugea sur ses folies. Quand on aura fini d’en rire, un beau jour on s’apercevra que ce fut comme le réveil, un peu trouble sans doute, de l’éternel esprit classique qui accepte le vrai, mais exige le beau.
Elles font bien de rire, et de se dépêcher. […] » Après le vœu d’obéissance, quand elle en vient au vœu de chasteté, elle s’arrête, et alors les petites coquines, qui pleuraient jusque-là, étouffent une grosse envie de rire.
— Alors, cher Cynéas, victorieux, contents, Nous pourrons rire à l’aise, et prendre du bon temps. — Hé, seigneur, dès ce jour, sans sortir de l’Épire, Du matin jusqu’au soir qui vous défend de rire ?
On en peut tout d’abord sourire ou rire, sans malice, comme ont fait beaucoup de gens bienveillants et doux, lesquels n’ont pas manqué de dire : « Eh ! […] … » Et nous-même nous nous serions surpris à dire comme les gens bienveillants et doux, si l’exorbitante prétention de ces repas, encore inconnus jusqu’ici et inattendus en littérature, n’attestait clairement deux ou trois choses qui ôtent le rire des lèvres et que notre devoir est simplement de signaler.
Il croyait avoir beaucoup fait — lui, le pipeau du xviiie siècle, — en s’improvisant une gravité inaccoutumée et en sacrant, sans rire, le roi Voltaire avec un vieux pot de pommade de la marquise de Pompadour. […] La plaisanterie, la commode plaisanterie, qui ne répond à rien et qui rit, domina l’univers.
Nous ne rions pas de tout le monde. […] Certes, nous voulons bien que l’on rie de nous tous, mais à condition cependant que vous ne rirez pas en même temps de ces gens-là. […] Notre Martial en jupon rit aux éclats, même au nez de l’émeute. […] Il avait le mot pour rire, ce savant père ! […] lui disions-nous dans un jeu de mots qui le faisait rire.
Les prudes le font rire, d’un rire amer, un peu cynique parfois, « à la vieille française », philosophique aussi pourtant, le rire de Montaigne plutôt que de Rabelais. […] On rit d’Arnolphe et on le plaint ; on est avec Agnès, et cependant je me défierais d’elle. […] N’est-il pas vrai qu’il naîtrait de là des contrastes qui feraient rire ? […] De mon côté, je ne nie point, vous l’entendez bien, qu’il y ait à rire et beaucoup à rire dans Tartufe. […] Nous n’en rions du moins qu’en tremblant, et, tout en riant d’elles, nous continuons de les redouter.
L’aventure qui le ramène sur la scène n’est plus héroïque et n’est pas même comique : car on ne rit pas d’une infirmité physique et morale, telle que la folie, surtout quand c’est une passion tendre qui enlève la raison à un héros. […] La hideuse description de sa folie, vantée comme un prodige de force poétique par les critiques italiens et même français, est selon nous une plaisanterie déplacée, plus propre à contrister le rire sur les lèvres qu’à le provoquer ; ce qui dégoûte cesse de charmer. […] Quant à moi, je ne riais déjà plus des facétieuses fantaisies de l’Arioste ; l’ombre de la prochaine séparation pesait évidemment sur l’esprit de tous. […] parce qu’il se remettait à badiner au milieu d’une scène pathétique, et qu’il se plaisait à changer les larmes en rire. Or, quand le visage passe ainsi sans cesse du rire aux larmes et des larmes au rire, qu’arrive-t-il ?
Il tient à eux par la conception qu’il a de son art, le voulant à la fois moralisateur et amusant par sa notion superficielle de l’être humain qu’il ne sait ni étudier ni montrer tel qu’il est, mais qu’il simplifie et déforme tel qu’il le lui faut pour faire rire ou s’indigner, par l’invraisemblance et l’incohérence de ses fables, par l’outrance de sa verve, par son ignorance de la nature, de la beauté, du normal, des grandes passions et des grands intérêts humains. […] Ses émotions lui sont ainsi constamment soufflées ; on le pousse du coude pour lui faire sentir la solennité d’une occasion, ou solliciter son rire aux endroits comiques, et il n’est pas de personnage, de tableau, de scène, de dialogue dont on ne sache, aux premières phrases, ce que l’auteur en pense et ce qu’il veut en faire penser. […] Dans tous ces incidents, la scène est faite pour la scène même, pour ce qu’elle donne à rire, et le comique y est poussé aux limites qui au théâtre font dégénérer la comédie en farce. […] Ses dessins seront simples et typiques, car la charge qu’il fera de ses personnages est plus importante que leur représentation minutieuse, parce qu’il a pour tâche non de faire connaître des caractères compliqués, mais de faire rire de quelques travers faciles à comprendre. […] Quand Daumier veut faire rire des villégiatures dominicales des bourgeois, les environs de Paris prennent dans ses lithographies des airs de Sahara.
Pourquoi pleurent-ils quand nous rions ? […] Cette scène, qui est le pivot de la pièce, nous fait donc rire d’abord, puis nous révolte. […] Dumas se rit intérieurement du bon public qui l’applaudit. […] Et comme on avait ri pendant ces trois actes si gais, si vivants, si animés ! […] Oui, une minute d’attendrissement après deux heures de rire sans interruption.
et le valet, qui a voulu faire rire, ignore-t-il que le public est censé n’être pas là ? […] Arnolphe, loin de toucher Agnès, semble n’avoir voulu que la faire rire. […] ris donc ! […] Si je jouais le rôle de Clitandre, je me dirais, Molière veut que ma façon de rire et mon ton de fausset soient ridicules, mais de manière à faire rire la bonne compagnie, et non les partisans, les admirateurs de Polichinel. […] La multitude rit à la vérité, mais les gens de goût haussent les épaules.
Elle a son histoire en tête, et ne cesse pas de la redire et d’en rire toute seule. […] Ils rient, non par sentiment du ridicule, mais par envie de rire. […] Il s’amuse à entre-choquer ces passions ; il en rit comme d’un spectacle. […] » L’extrême angoisse aboutit ici à une sorte de rire qui est un spasme. […] » L’entendant moraliser de la sorte, il s’est mis à rire de ce qu’un bouffon pût être si méditatif, et il a ri une heure durant : « Ô noble bouffon !
On ne s’était pas borné à renchérir sur les bouffonneries là où Rabelais s’était enveloppé de ténèbres ou de facéties, soit pour dérouter, soit pour désarmer par le rire ceux même qui pouvaient s’y croire désignés, on avait glissé des allusions grossières où des injures nominales. […] Il s’emportait contre ces hommes « qui d’abord pleins de goût pour la vérité frappés ensuite d’aveuglement avaient profané de leur rire audacieux et sacrilège le gage sacré de la vie éternelle. » Rabelais s’en souvint en écrivant son quatrième livre. […] Ce rire éternel de Démocrite est insensé. […] que prouve cette renommée de mystificateur, sinon que l’humeur joyeuse qui déborde dans l’écrivain a été le caractère même de l’homme, et que Rabelais n’a guère moins ri lui-même qu’il n’a fait rire de ses écrits ?
La m…. y est le gros sel et la m…. y semble le dieu du Rire. […] Et là-dedans le sourire de l’œil de Charles Edmond, et l’accueil et la bonne enfance et le franc rire de Julie. […] Tout bruit, chantonne et rit. […] Un écho de son rire rit encore, sur nos tréteaux, contre le ciel des dieux… Lucien !