/ 1939
37. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

Quels étaient ces hommes qui, pour la première fois depuis le 10 août, reparaissaient comme parti politique ? […] D’abord du 10 août au 9 thermidor, l’influence directe des royalistes fut nulle ; tout le monde en convient : le nom de royaliste alors n’était plus qu’un mot vide de sens, que les partis se jetaient à la tête comme une injure et une menace. […] Ils gouvernaient les sections, y maintenaient l’autorité du parti thermidorien, et servaient la Convention de leurs personnes, durant ses sanglants débats avec les insurgés des faubourgs. […] Les orages de la Révolution paraissaient calmés ; les murmures des partis retentissaient comme les derniers bruits de la tempête. […] Par malheur, il n’en tire pas tout le parti possible.

38. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Laurent (de l’Ardèche) : Réputation de l’histoire de France de l’abbé de Montgaillard  »

M. de Montgaillard n’a jamais eu l’intelligence des grands mouvements politiques qu’il enregistre et qu’il narre dans son journal ; il n’a été dirigé, en écrivant, par aucun système de principes, auquel il soit resté conséquent et fidèle ; les variations de son humeur se retrouvent dans ses opinions sur les partis et sur les hommes ; il réduit tout en personnalités, et, à propos d’un même personnage, il n’est pas rare qu’il passe, à quelques pages de distance, de l’éloge à l’injure. […] C’est particulièrement sur l’époque de la Terreur et sur le parti de la Montagne que M.  […] On conçoit en effet qu’un parti fort et compacte, qui, après avoir tout détruit et tout dévoré, tenta de tout reconstruire, qu’un tel parti, malgré son aspect peu attrayant, excite une vive sympathie intellectuelle chez les esprits qui aspirent à une organisation sociale plus ou moins analogue. […] S’il eût vécu au milieu de ces circonstances, et s’il eût compris aussi bien qu’aujoud’hui quel devait être le parti libérateur pour la Révolution, il est présumable que son âme, ouverte inévitablement aux impressions de l’atmosphère de ces temps orageux, se serait mise au niveau de sa tête.

39. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Silvio Pellico »

Ces lettres, qui n’ont plus, comme le livre célèbre des Prisons, le beau cadre noir des Piombi pour faire repoussoir à leurs teintes douces, emporteront, ce n’est pas douteux, ce qui reste encore de l’espèce de gloire que les partis avaient arrangée à Silvio Pellico bien plus qu’il ne l’avait véritablement méritée. […] Et pour tous ceux qui savent s’élever au-dessus des rubriques des partis et de leurs hypocrites langages, la vraie et la seule grandeur n’est-elle pas ici du côté de la vérité de l’Histoire ? […] Il avait enfin appartenu à la jeune Italie, à ce parti de terrassés qui ne se croient jamais vaincus, et ce n’était pas là pour nous des recommandations bien puissantes. […] Dans les Prisons, Silvio Pellico n’accuse personne, mais il ne s’accuse pas lui-même, tandis que dans ces Lettres, écrites presque toutes après la délivrance, quand il pouvait rester, sans jamais en descendre, sur le piédestal où l’amour des partis et la pitié du monde l’avaient placé, c’est lui, lui surtout qu’il accuse et qu’il accuse seul. […] Nous l’avons dit au commencement de ce chapitre, déjà, de son vivant, ils prononcèrent le mot d’hypocrite, la meilleure injure des partis, parce que c’est la seule dont on ne puisse démontrer la fausseté aux hommes.

40. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVII. Silvio Pellico »

Ces lettres qui n’ont plus, comme le livre, célèbre des Prisons, le beau cadre noir des Piombi pour faire repoussoir à leurs teintes douces, emporteront, ce n’est pas douteux, ce qui reste encore de l’espèce de gloire que les partis avaient arrangée à Silvio Pellico, bien plus qu’il ne l’avait véritablement méritée. […] Et pour tous ceux qui savent s’élever au-dessus des rubriques des partis et de leurs hypocrites langages, la vraie et la seule grandeur n’est-elle pas ici du côté de la vérité de l’histoire ? […] Il avait enfin appartenu à la jeune Italie, à ce parti de terrassés, qui ne se croient jamais vaincus, et ce n’était pas là pour nous des recommandations bien puissantes, Quoique nous reconnussions que l’accent du livre des Prisons ne fût pas un accent de la terre, cependant cet accent qui nous troublait, s’arrêtait à une certaine place de notre âme. […] Dans Les Prisons, Silvio Pellico n’accuse personne, mais il ne s’accuse pas lui-même, tandis que dans ces Lettres, écrites presque toutes après la délivrance, quand il pouvait rester, sans jamais en descendre, sur le piédestal où l’amour des partis et la pitié du monde l’avaient placé, c’est lui, lui surtout qu’il accuse et qu’il accuse seul. […] Nous l’avons dit au commencement de ce chapitre, déjà, de son vivant, ils prononcèrent le mot d’hypocrite, la meilleure injure des partis, parce que c’est la seule dont on ne puisse démontrer la fausseté aux hommes.

41. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Chateaubriand comprit qu’il fallait changer de parti quand la fortune changeait de héros. […] Il sortit du conseil en Coriolan, et déclara le lendemain une guerre de vengeance au parti qu’il servait la veille. […] Il affecta de s’unir à M. de Villèle pour réconcilier le parti modéré de cet homme d’État avec le parti royaliste. […] Les événements politiques se déroulèrent et placèrent, comme nous l’avons dit, M. de Chateaubriand à la tête de la coalition des mécontents de tous les partis pour en former le parti de la ruine des royalistes. […] Ce ministère neutre, et respecté des deux partis, servait de prétexte à Chateaubriand pour ne point ébranler les hommes du cabinet ; mais M. de la Ferronnays étant tombé malade, les rivalités semblèrent près de renaître.

42. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXII. Machinations des ennemis de Jésus. »

Hanan était donc en réalité le chef du parti sacerdotal. […] Ce fut Hanan (ou, si l’on veut, le parti qu’il représentait) qui tua Jésus. […] Mais un tel mot, quel que soit celui qui l’ait prononcé, fut la pensée de tout le parti sacerdotal. Ce parti était fort opposé aux séditions populaires. […] Mais ce raisonnement a été celui des partis conservateurs depuis l’origine des sociétés humaines.

43. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

C’était un livre de parti, disaient les uns ; c’était un livre de trop d’imagination, disaient les autres. […] Mais ni la fatuité nonchalante, ni la superficialité sans gêne d’une Critique qui n’aime que les livres bientôt lus ou aisés à pénétrer, ne suffisent aujourd’hui pour expliquer l’étrange silence, très injuste selon moi, qui, relativement à son importance, enveloppe, pour le moment, un livre fait, de sujet seul, pour retentir, et dont le titre pour les partis ressemble à une provocation d’amour ou de haine. […] Il est chrétien comme on est sauvage ; mais son parti qui n’est pas chrétien, lui, et qui ne veut pas qu’on le soit, à quelque degré que ce puisse être, a bien senti qu’il l’était profondément, jusque dans cette Histoire de la Liberté religieuse, et voilà pourquoi il s’en est détourné en silence, trompé sans doute dans l’espérance qu’il avait de ne pas trouver dans ce livre cet accent qui en fera la gloire et en assurera la durée. […] Cette queue impérieuse qui commande à la tête dans tous les partis et qu’il a méprisée l’a, dit-on, accusé d’avoir fait trop belles certaines individualités catholiques, comme si lui, le plus vrai d’impression de tous les historiens, même quand il ne l’est pas d’appréciation raisonnée, ne les avait pas vues telles qu’il les a peintes, absous par cette pureté de vision qui est, hélas ! […] Certes, il y a déchet ici dans la magnanimité de l’historien, mais quoique restreinte, telle qu’elle est cependant, cette magnanimité qui prend sa source dans le sentiment de la beauté morale humaine, où qu’elle soit, donne précisément à cette Histoire de la Liberté religieuse l’expression qui doit contrister le plus les hommes étroits du parti qui boude en ce moment M. 

44. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLV » pp. 176-182

Personne dans le ministère ni dans le parti ministériel ne tenait à ce mot flétri qui excédait le sentiment à exprimer ; et pourtant, une fois admis, on l’a laissé par embarras de le retirer. De là, une singulière aigreur s’est ranimée entre les partis et a gagné de tous côtés dans la Chambre et dans les salons. […] Cette haine des partis a fait explosion. […] Il est résulté de cette bizarre péripétie, à propos de flétris, que les républicains et les gens du mouvement sont, pour le quart d’heure, dans le sens et dans l’intérêt du parti légitimiste, et que la jeunesse des écoles, par exemple, est allée en corps faire visite à Chateaubriand, lui offrir compliments et hommages.

45. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Il ne se précipitait point dans le parti passionné et anarchique ; il voulait bien servir les idées dominantes, mais il ne voulait périr avec personne. […] On l’a nié, comme l’esprit de parti nie tout, même le patriotisme. […] » demanda le nouveau roi à ses confidents avant de prendre un parti sur les affaires étrangères. […] À l’âge de quatre-vingts ans, rassasié de fortune, de dignité, de renommée, ce n’était certes pas une ambition vulgaire qui pouvait le porter à sortir de son repos pour exposer sa personne et son nom aux outrages des partis bonapartistes, des partis royalistes, des partis républicains et des partis perturbateurs du monde, en défendant contre eux tous la paix, contre laquelle tous alors semblaient conspirer. […] Casimir Périer, qui contenait à Paris la turbulence du parti de la guerre, que le prince de Talleyrand contenait à Londres, « Connaissez-vous M. 

46. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Deux ans plus tard, n’obtenant de lui d’autre promesse que celle d’un emploi fort modeste dans l’administration de l’Irlande, il prit le parti de le quitter et d’entrer dans l’Église. […] Il attaque les adversaires de son église par des armes, qui ne laissent subsister aucune église ; il porte aux adversaires de son parti des atteintes qui intéressent le genre humain. Mais par là même il échappe à la condition passagère des luttes d’église et de parti ; la postérité l’écoute encore, et ce qui fut un obstacle à sa fortune est le fondement de sa gloire. […] Ce fut dans des luttes plus sérieuses que Swift acquit sa première renommée en donnant des gages au parti qu’il devait abandonner plus tard. […] Le parti Whig revint au pouvoir avec la maison de Hanovre.

47. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

Sa mauvaise tête l’a entraîné dans un parti qui ne devait pas être le sien. […] Cela fait allusion au parti du duc d’Orléans où se jeta Lauzun avec tous les mécontents de cour, les ambitieux évincés et les endettés. […] Il s’était donc attaché au parti du duc d’Orléans. […] Je lui dis que je ne le croyais pas associé à sa conduite criminelle, mais que, constamment attaché à ce prince, son parti, il aurait dû l’abandonner, puisqu’il pensait ainsi. « Il excusa le duc d’Orléans ; … il m’ajouta qu’il ne l’approuvait pas, mais qu’étant l’ami de ce prince et engagé dans son parti, il n’avait pas cru de son honneur de l’abandonner.

48. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Des avantages attachés à la profession de révolutionnaire. » pp. 200-207

Et c’est pourquoi, non seulement certains hommes ne sont éloquents que parce qu’ils sont révolutionnaires ; mais on en cite qui, peut-être à leur insu, ne sont devenus révolutionnaires que parce qu’ils étaient nés éloquents ; qui, partis du criticisme un peu timide du centre gauche, ne se sont arrêtés que là où ils trouvaient l’emploi total de leur éloquence magnifique, violente et vague, et qui, menés par leur langue, dupes de leur propre séduction, ont sans doute fini par croire qu’ils remplissaient une mission, quand ils ne faisaient qu’accomplir une fonction naturelle et fatale. […] Quand vous pourriez démontrer au parti que tous ses chefs vivent comme des bourgeois luxurieux, il ne s’en scandaliserait point. […] Si, partis de principes « philosophiques » sensiblement analogues, la Grande Catherine ou Frédéric II conclut à la monarchie absolue, et nos collectivistes à la nécessité d’un « chambardement général », c’est peut-être que la différence des conditions sociales et des intérêts entraîne ici la différence des applications.) […] Le parti n’étant encore qu’une minorité imposante, la discipline ne laisse pas d’y être assez forte.

49. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

C’est le malheur des poésies de parti ; elles sont presque toujours aussi des poésies de circonstance. […] Il pouvait y être classé déjà, s’il avait voulu ; il ne voulut être alors que le premier des poètes populaires, des poètes de parti. […] La France avait accepté dans les Bourbons la révolution raisonnable et la réconciliation des partis dans la liberté ; on lui présentait la contre-révolution insatiable, et la monarchie se faisait parti malgré elle. […] Cette finesse de style, qui aurait été un défaut grave dans un poète populaire, devenait, grâce à l’esprit de parti, un mérite de plus dans Béranger. […] Mais alors il n’était encore qu’un homme de parti.

50. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

Avant lui, on le sait, les passions royalistes et protestantes avaient vomi contre la Ligue toutes les horreurs que peuvent entasser dans le cœur des hommes la haine et la vengeance des guerres civiles, mais ces rages de partis vivent ce que vivent les roses des roses sanglantes ! […] Voltaire, courtisan et philosophe, acheva et condensa, en ses vers hypocrites, les accusations et les calomnies mortes des partis, et il en raviva les poisons. […] Son règne, pour qui comprend les institutions qui formaient la monarchie française, est une véritable vacance du trône, car sa reconnaissance du chef du parti protestant, comme héritier présomptif de la couronne de France, était le suicide du pouvoir dont l’ensemble des institutions l’avait investi. […] Après la Ligue, le parti protestant, politique, parlementaire, anti-romain, levait ses mille têtes et pulvérisait la vieille unité de la France. […] Et, type merveilleusement approprié de la politique à double sourire de sa maison, le bon et loyal Henri fut un finaud qui finit par se prendre dans sa propre finesse, car il est mort poignardé pour avoir voulu faire ce qui, plus tard, a perdu sa race, de la conciliation entre les partis et des fusions impossibles.

51. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

Tous, tant qu’ils furent, parlementaires, niveleurs, cavaliers, appartenant à des partis contraires, ils firent leur œuvre, et, soldats tués par leur cause, servirent, comme bien d’autres, à amonceler les circonstances qui ont fini par les écraser. […] Il y a, parmi les diverses biographies de Guizot, celle d’Edmond Ludlow, l’un des fanatiques les plus indomptables du parti de ces Indépendants qui représentaient dans l’Angleterre d’alors ce que sont maintenant pour nous les Égalitaires. […] Les crimes, les iniquités que Guizot lui reproche, ne sont que les iniquités et les crimes d’un parti auquel il resta fidèle pendant sa longue vie. […] À présent, dans le ramollissement de toute foi, même de la foi au mal qu’on veut, on ne trouverait pas dans les partis révolutionnaires de ces bronzes brûlants et rigides, qui se brisent, mais qui ne se faussent pas. […] L’immoralité individuelle, née de l’incrédulité philosophique qu’on ne connaissait pas en Angleterre de 1620 à 1693, s’est ajoutée en France à l’immoralité des partis.

52. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

Mais il n’a ni la colère, ni les dépits, ni les ressentiments des esprits absolus trompés, ni aucune des passions plus ou moins impuissantes, mais aussi plus ou moins éloquentes, des hommes de parti, vaincus par la sottise humaine ou la force des événements. […] Dès sa jeunesse, il avait été une des têtes les plus comptées de ce parti royaliste qui périt, après avoir jeté son dernier cri de détresse inutile, en 89 ! […] Il appartenait à ce groupe autoritaire, plus haut que les partis, des Joseph de Maistre et des Bonald. […] De toutes les fautes des pouvoirs d’alors égarés, pas une ne lui échappe ; et même celles de son propre parti n’ont jamais eu de juge plus sévère et plus franc. C’est le parti royaliste et ce sont les fautes de la Royauté qui ont fait sucer à Vaublanc ce mépris qui a fini par lui emplir les veines et y éteindre toute colère.

53. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

Haï des partis extrêmes, parce qu’il est lui-même un homme extrême, Crétineau-Joly n’a pas trouvé dans la presse les opinions ardentes qui auraient pu l’y discuter. Elles s’y étaient éteintes… ou elles y avaient couvert leur feu, à cette toute-puissante cloche de l’Empire qui a si bien sonné le couvre-feu des partis. […] On a dit que la plus grande corruption des partis, c’était l’espérance, et rien n’est plus juste… L’oubli des injures, plus crétin que chrétien des Légitimistes, est un espoir. […] Esprit absolu, qui n’avait pas écrit pour rien sa grande Histoire des Jésuites, et qui devait appliquer à son parti le noble mot de Laurent Ricci : Sint ut sunt, aut non sint ! […] Crétineau-Joly n’a pas, d’ailleurs, seulement contre lui le mordant du verbe, si désagréable aux Philintes caressants des partis, qui s’imaginaient étouffer l’Empire en s’embrassant, mais il a, de plus, tout ce qui peut choquer le courage de ce fier héros qui s’appelle monsieur Tout-le-Monde.

54. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Conclusion »

La sociologie n’a pas à prendre de parti entre les grandes hypothèses qui divisent les métaphysiciens. […] Mais, par cela même qu’ils ne se présentent à elle qu’à ce moment, que, par suite, ils se dégagent des faits et non des passions, on peut prévoir qu’ils doivent se poser pour le sociologue dans de tout autres termes que pour la foule, et que les solutions, d’ailleurs partielles, qu’il y peut apporter ne sauraient coïncider exactement avec aucune de celles auxquelles s’arrêtent les partis. Mais le rôle de la sociologie à ce point de vue doit justement consister à nous affranchir de tous les partis, non pas tant en opposant une doctrine aux doctrines, qu’en faisant contracter aux esprits, en face de ces questions, une attitude spéciale que la science peut seule donner par le contact direct des choses. […] Elle gagnera ainsi en dignité et en autorité ce qu’elle perdra peut-être en popularité, Car tant qu’elle reste mêlée aux luttes des partis, tant qu’elle se contente d’élaborer, avec plus de logique que le vulgaire, les idées communes et que, par suite, elle ne suppose aucune compétence spéciale, elle n’est pas en droit de parler assez haut pour faire taire les passions et les préjugés.

55. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Eugène Sue » pp. 16-26

le parti auquel M.  […] Voilà pour la moitié de sa carrière ; l’autre moitié fut dévorée par les partis ! […] Parti du pessimisme le plus enragé, il finit par tomber et rouler dans les niaiseries sociales, parce que là était le courant et qu’il y croyait les deux choses qu’il aimait, — l’argent et le bruit, — l’argent pour le luxe qu’il respirait avec une sensualité effrénée ; le bruit, nécessaire à sa flamboyante vanité ! […] D’artiste devenu homme de parti, il attaqua l’Église, les gouvernements, les législations, toute la vieille société dont il ne gardait que les vices, et il publia successivement tous ces livres qui ont le plus mordu, vitriol terrible, sur les imaginations de ce temps. […] Sue la place à laquelle les partis l’ont élevé pendant quelques jours.

56. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Il a toujours été l’écho d’un parti ou de quelqu’un. […] Grâce aux efforts d’un parti qui se croit l’Église militante, l’idée qu’exprime Saint-Chéron a pris consistance dans beaucoup d’esprits. […] De plus, il y a, ou mieux peut-être il y avait une école, l’école de Munich, dont le chef était le fameux Goerres, et qu’à une certaine époque on a si fort glorifié dans le parti de Saint-Chéron. […] Une fois et seulement indiquée, il n’est plus possible d’accepter les insinuations du parti de Saint-Chéron sur ce pays. […] La mort n’avait pas atteint ses affections les plus chères, et sa vanité n’avait point été attaquée par les compatissantes flatteries du parti ultramontain.

57. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

On y a réussi pourtant assez bien, à l’aide de beaucoup d’habileté sans doute, à l’aide surtout de toutes les fautes dont le parti opposé était capable et auxquelles il n’a pas manqué. […] Il se trouve, en définitive, présenté, lui et son parti, comme le seul conséquent (c’est tout simple), et lui-même comme le plus conséquent de son parti. […] Rentré à la Chambre élective en 1818, il vit le parti libéral se former, et, autant qu’aucun chef d’alors, il y aida. […] La Fayette ne l’a pu ; son nom, vers la fin, de plus en plus affiché, tiraillé par les partis, a un peu déteint, comme son vieux et noble drapeau. […] Réduit d’abord à 6, 000 livres par l’Assemblée constituante, il en avait pris son parti, et était resté patriote.

58. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Sans doute, en le lisant, il est bien vrai qu’on sent naître en soi une idée de nécessité qui subjugue ; dans l’entraînement du récit on a peine à concevoir que les événements aient pu tourner d’une autre façon, et à leur imaginer un cours plus vraisemblable, ou même des catastrophes mieux motivées ; la nature humaine, ce semble, voulait que les choses se passassent dans cet ordre, que les partis se succédassent dans cette génération ; étant donnée chaque crise nouvelle, on dirait qu’on en déduit presque irrésistiblement la suivante, et qu’on procède à chaque instant par voie de conclusion, du présent à l’avenir : non pas, au moins, que dans sa manière purement narrative ; M.  […] Non pas, sans doute, qu’une même tête d’homme, une même classe d’individus, suffise à un si vaste accomplissement ; les individus s’usent vite en révolution : mais les divers partis qui se succèdent y suppléent ; le développement se transmet de l’un à l’autre, et ne s’achève qu’à la dernière de ces générations politiques, rapides et pressées, qui s’entre-dévorent. […] Il fallait bien pour l’historien, sous peine de se traîner, en pure perte, dans les détails des plus dégoûtantes atrocités, en venir à reconnaître les lois générales qui régissent les partis dans les temps de violence, sinon les énoncer en doctrine, du moins les sous-entendre dans l’exposition des faits, et en révéler le sens au lecteur par cette manière de traduction vivante et lumineuse. […] Ce n’est, en effet, dans aucun parti, ni dans la Convention ni dans les départements, ni dans les rangs des oppresseurs ni dans ceux des victimes, que l’historien s’est placé ; c’est dans les entrailles de la France.

59. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « César Cantu »

parmi les causes désolantes du succès des mauvais livres, l’esprit de parti a le droit d’être bien bête sans aucun danger, mais il est bête en répétant la même bêtise, en poussant son lecteur ou en le frappant à la même place, en se faisant une espèce de logique avec les passions ou les lieux communs de son parti. Mais Cantu, dans son histoire, n’a pas même d’esprit de parti : il n’est d’aucune opinion, pas même de la sienne ; il va d’une idée à une autre, avec le mouvement animal d’une intelligence qui se prend à tout comme celle d’un enfant.

60. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Le parti opposé au ministère doit se décomposer en plusieurs fractions, comme toute coalition parlementaire. Tous crient contre la paix, mais sans la haïr également : À la tête du parti qui crie contre la paix et qui veut la guerre, est M.  […] À la tête du parti qui n’aime pas la guerre, et qui travaille pourtant contre la paix, est le duc de Newcastle, qui passe pour regretter sa place, et qui n’y peut revenir que par le bouleversement du ministère. Il y a un troisième parti qui tient des deux, autres, et qui a pour chef M. le duc de Cumberland : ce prince est mécontent et souhaite la guerre, mais il n’entre pas dans toutes les manœuvres violentes du parti de M. Pitt, et pour la conduite il se rapproche du parti du duc de Newcastle.

61. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Le successeur de Pie VI y régnait avec une résignation souriante sur un peuple réduit de moitié, sur des temples dépouillés de leurs richesses, et sur des provinces qu’un signe parti d’au-delà des monts pouvait lui ravir le lendemain. C’eût été le moment sans doute pour un gouvernement d’une autre nature de songer à tirer parti de ses propres ressources et de redemander à un sol fertile ses richesses trop oubliées. […] Mais il y avait à Berne un parti d’ancien régime, incurable comme tous les partis d’ancien régime, qui ne rêvait que contre-révolution, et qui n’avait point pardonné à Bonstetten ses espérances conciliantes. […] [NdA] Ceci est à l’adresse du parti méthodiste qui travaillait alors Genève et que Bonstetten n’aimait pas. Ce parti et les écrivains qui s’y rattachent en Suisse lui en ont gardé une dent.

62. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Vers 1800, un peintre appelé Duperreux fit un tableau de la grotte de Gèdre, et ce paysage, que je ne connais pas, excita alors une assez vive opposition chez les juges de profession et les critiques, Ramond, dans ses Voyages au Mont-Perdu, publiés en 1801, prenait hautement parti pour Duperreux. […] Il lutta en première ligne contre les Girondins et les partis plus avancés. […] Il y fut constamment sur la brèche et véritablement l’orateur principal de son parti, qui était celui des lois. […] Mais une semblable parole ne pouvait être proférée impunément devant les Girondins et les partis subversifs. […] À la date où il entra dans le tourbillon des assemblées, il y avait longtemps déjà qu’il était trop tard pour tout individu prétendant à modérer ce que les événements seuls et les partis en masse décidaient et précipitaient.

63. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Combes, repasser sur les différentes phases de la carrière politique de Mme des Ursins pendant ses treize années d’influence ou de domination en Espagne : il a très bien distingué les temps, démêlé les intrigues selon l’esprit de chaque moment, montré Mme des Ursins représentant dès l’abord le parti français, mais le parti français modéré qui tendait à la fusion avec l’Espagne, et combattant le parti ultra-français représenté par les d’Estrées : — ce fut sa première époque : — puis, après un court intervalle de disgrâce et un rappel en France, revenue triomphante et autorisée par Louis XIV, elle dut pourtant, malgré ses premiers ménagements pour l’esprit espagnol, s’appliquer à briser l’opposition des grands et travailler à niveler l’Espagne dans un sens tout monarchique, antiféodal ; c’était encore pratiquer la politique française, le système d’unité dans le gouvernement, et le transporter au-delà des Pyrénées : — ce fut la seconde partie de sa tâche. — Mais quand Louis XIV, effrayé et découragé par les premiers désastres de cette funeste guerre de la succession, paraît disposé à abandonner l’Espagne et à lâcher son petit-fils, Mme des Ursins, dévouée avant tout aux intérêts de Philippe V et du royaume qu’elle a épousé, devient tout Espagnole pour le salut et l’intégrité de la couronne, rompt au-dedans avec le parti français, conjure au dehors la défection de Versailles, écrit à Mme de Maintenon des lettres à feu et à sang, s’appuie en attendant sur la nation, et, s’aidant d’une noble reine, jette résolument le roi dans les bras de ses sujets. […] Comment, quand il s’agit de Mme de Maintenon, par exemple, qui évite de prendre hautement parti, qui s’abstient volontiers et se renferme dans une réserve prudente, comment venir nous dire : « Sûre d’elle-même, elle ne l’était pas autant des personnes qui recherchaient sa recommandation ; elle craignait les causeries et les commentaires de salon…, et tout ce bruyant désordre d’actes et de paroles que sa présence avouée dans tel ou tel camp aurait occasionné, et qu’une neutralité, qui n’était autre chose que le sage isolement d’une mystérieuse spontanéité, pouvait seule empêcher ?  […] Aussitôt que je sus la résolution du roi d’accepter le testament, je songeai que l’intérêt de la France était principalement de détruire en Espagne le parti qui reste affectionné à l’empereur, et, par conséquent, qu’il fallait éviter d’y introduire une Allemande, à qui il serait aisé d’acquérir de nouvelles créatures et de conserver les anciennes par le crédit qu’ont ordinairement les reines dans ce royaume. […] La maréchale de Noailles, en effet, n’avait pas moins de onze filles sur vingt et un enfants ; il y avait de quoi l’allécher que de lui montrer de grands partis, et sous air de railler on venait de glisser une sorte de promesse. — C’est dans ces termes habiles et modestes que Mme des Ursins présente d’abord son idée, sa vue.

64. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Une sœur de la défunte, une autre infante, était fort proposée par un parti influent : mais une telle union eût choqué la délicatesse publique ou même la religion du roi. […] Cependant le parti espagnol qui mettait en avant une infante, sœur de la première, s’agitait beaucoup ; on supposait que le maréchal de Noailles l’appuyait de son crédit. […] On tint la négociation secrète pour ne pas trop donner l’éveil au parti espagnol. […] Dès que le roi eut pris son parti, il eut la délicatesse d’en faire honneur au maréchal et lui écrivit en ce sens. […] Je me flatte que cette proposition ne déplaira ni à la princesse, ni à Votre Majesté, car, en vérité, monseigneur le Dauphin est un fort bon parti, et je voudrais vivre assez de temps pour voir notre divine princesse reine de France.

65. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Les partis, les factions, les journaux ameutés par ses opinions, ne respecteront plus en elle ni la pudeur, ni le génie, ni la beauté, ni le sexe ; les injures, les calomnies, les sarcasmes, les invectives, armes ordinaires des opinions dans ces guerres civiles de l’esprit, souilleront son caractère comme son talent ; elle sera traînée dans l’arène des partis jusqu’à l’ignominie, peut-être jusqu’à l’échafaud, comme madame Roland, et, pour comble d’infortune, elle y entraînera jusqu’à son mari, jusqu’à ses enfants. […] Le second avait pour objet de convaincre les partis intérieurs de la nécessité d’une conciliation dans la liberté mutuelle et légale sous peine d’éterniser l’anarchie et de recréer la tyrannie. […] Madame de Staël restait seule de ces deux partis pour rendre une parole énergique à la liberté modérée. […] Elle revint à Paris occuper, dans le parti des républicains d’ordre, la place que madame Rolland égorgée par Robespierre avait occupée dans le parti des Girondins. […] L’ambition d’être un chef de parti dans la république, la soif de la gloire, l’enivrement des applaudissements publics, et le besoin plus impérieux d’aimer et d’être aimée, troublaient trop son âme pour la laisser voir au fond d’elle-même.

66. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Quand je causais avec le parti républicain qui était victorieux, je l’entendais dire qu’il fallait couper la tête aux anarchistes et fusiller les émigrés, à peu près sans jugement. […] L’astre de Mme de Staël décida absolument du parti qu’il prit à l’époque du Consulat et dans les années suivantes : il vivait dans son cercle et se mouvait dans son tourbillon. […] Généraux d’armée ou chefs de parti, tous les Antoines qui changent de manœuvre au milieu de l’action pour suivre la galère d’une Cléopâtre se font mépriser. […] Chateaubriand, dans le déshabillé, fait terriblement bon marché de son parti et de ses amis ; Benjamin Constant se raille plutôt des doctrines et de la sottise humaine : leur masque, à tous deux, leur tombe à chaque instant. […] Armand Carrel, dans le National du 12 décembre 1830, consacra quelques lignes à la mort de Benjamin Constant ; mais cet article où le journaliste se représente, lui et son parti, comme si pressés par les événements, qu’on n’a pas même le temps de pleurer et de célébrer ses morts, semble trop avoir pour but d’éluder un plus complet éloge.

67. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Toutefois la familiarité aurait eu de plus graves inconvénients, et, au défaut de la juste mesure, toujours difficile à observer, peut-être a-t-il pris le meilleur parti. […] Après la conquête de la Prusse, Napoléon avait deux partis à prendre : ou bien s’allier en Prusse avec le parti français, s’y appuyer, bien traiter cette puissance, la relever, la désintéresser pour l’avenir ; ou bien la pousser à bout, l’abaisser sans pitié, poursuivre la guerre contre les Russes et contre les débris de l’armée prussienne en relevant la Pologne. Napoléon penchait vers ce dernier parti, et il commençait dès lors à entrer sans retour possible dans le système d’exagération qui devait forcer tous les ressorts, ceux de la guerre comme ceux de la politique. […] « Je partis de Landsberg, le soir à neuf heures, dans un traîneau. […] Quoique mon cheval fût hors d’état d’avancer même au pas, je savais l’impossibilité de faire aucune objection ; je partis.

68. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Il ne savait pas bien ce qu’il voulait écrire : une théorie du scepticisme où il y a de tout ce qui fermente dans la tête d’un homme ; le dé jeté à la tête de tous les partis. […] Son parti était composé des dégoûts de tout le monde ; de là à une puissante réaction contre tous les partis il n’y avait pas loin. […] J’ai regret de le dire, mais l’homme de parti se montre à chaque ligne dans cette Lettre. […] Enfin il fut homme de parti, c’est tout dire. […] Essayerai-je de montrer le parti qu’on peut tirer de la condition la plus misérable ?

69. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Encore une fois, ce n’est pas l’idée même que nous soyons à un âge de maturité, à une époque d’égalité et même de nivellement, et qu’il faille tirer le meilleur parti de la société moderne en ce sens-là, ce n’est pas cette idée qui est la fausse vue de Condorcet ; son erreur propre, c’est de croire qu’on n’a qu’à vouloir et que tout est désormais pour le mieux, qu’en changeant les institutions on va changer les mobiles du cœur humain, que chaque citoyen deviendra insensiblement un philosophe raisonnable et rationnel, et qu’on n’aura plus besoin, dans les travaux de l’esprit, par exemple, d’être excité ni par l’espoir des récompenses ni par l’amour de la gloire. […] Il commence par nier qu’il y ait dans l’Assemblée telle chose qu’un parti républicain, un parti ennemi de la Constitution, ennemi de l’ordre et de la paix (3 décembre 1791) : « Rien, dit-il, ne l’a prouvé jusqu’ici. […] Il serait curieux d’un autre côté de voir Mme Roland accueillir Condorcet, à son entrée dans le parti, avec méfiance malgré ses mérites, et l’estimer médiocrement recommandable, et Robespierre ensuite le foudroyer avec sévérité du haut de son puritanisme farouche (discours du 7 mai 1794). […] Le grand sophisme de Condorcet et son malheur, c’est de n’avoir pas senti en lui le cri du sens moral immédiat, et de s’être trop longtemps tenu pour absous de toutes les manœuvres de parti en vue du plus grand bonheur futur de l’espèce humaine. […] Mme de Staël l’a désigné comme offrant au plus haut degré le caractère de l’esprit de parti, et elle a eu raison.

70. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Mais il est indifférent à cette vérité comme un homme, un diplomate, sur le soir d’un beau jour, qui aurait pris enfin son parti sur la présence du vice dans les choses humaines, et qui même irait jusqu’à croire qu’il y entre comme un ingrédient… Tels sont, en somme, les qualités et les défauts de ce livre à double titre, qui s’appelle également Gabrielle d’Estrées ou la Politique de Henri IV, et dont le second titre pourrait bien être le premier dans la pensée de son auteur. Très concluant et supérieur de bon sens en tout ce qui touche à la politique de Henri IV, aux difficultés de son temps, aux luttes des partis et aux impossibilités d’une situation connue et fréquente dans l’histoire et qui doit toujours y amener les mêmes catastrophes, il ne l’est plus au même degré en tout ce qui touche aux passions de ce premier roi Bourbon, qui introduisit la bâtardise dans la maison royale de France et qui abaissa la notion sainte de la famille aux yeux de son peuple. […] Comme roi, Henri IV, pour toute initiative, reprit cette triste politique de Catherine de Médicis, qui consistait à réunir le parti catholique et le parti huguenot dans un centre commun et en s’éloignant des extrêmes, politique chétive, que les races et les générations se passent de la main à la main depuis des siècles, qu’on appelle fusion, conciliation, transaction, bascule, équilibre, tous mots vains !

71. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

Malgré la puissance de niaiserie dont l’esprit de parti investit certains hommes, il est permis de douter qu’il y ait un assez robuste dadais pour penser cela. […] Et que les partis ne réclament pas devant ce grand nom ! […] Ce n’est point une thèse de parti qu’il a soutenue, son esprit vise plus haut que cela ; mais il n’en est pas moins vrai qu’il a mis une grande force aux mains de son parti en établissant un pareil système.

72. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLI » pp. 167-171

. — article de m. forcade sur le parti légitimiste. — maladie de charles nodier. — sympathie universelle et gout de la france pour l’esprit. […] — Dans la Revue des Deux Mondes du 1er janvier, nous avons un excellent article sur le parti légitimiste à Londres : voilà le vrai. — Quant à ce malheureux chiffre, j’hésite toujours : « Mettez 800, mettez 1000 ; qu’est-ce-que cela fait, une centaine de plus ou de moins, en présence d’une masse de tant de millions d’hommes ?  […] — L'article sur le parti légitimiste de la Revue des Deux Mondes est attribué à un jeune économiste et publiciste, M.

73. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LI » pp. 198-202

L'entrée de ces hommes nouveaux semble donner le signal d’une révolution au sein de la docte compagnie : le vieux parti, dit académique, des rédacteurs du Constitutionnel et de ceux qui se croyaient voltairiens, a décidément le dessous. — Il y a eu une petite révolution dans le journal même (le Constitutionnel) ; le vieux parti des Jay, des Étienne, battu à l’Académie, a été de plus évincé de ce journal où il régnait et trônait de temps immémorial. […] Crétineau-Joly : cet auteur est déjà connu par une Histoire des guerres de la Vendée, dont la première partie est des plus intéressantes ; il appartient au parti légitimiste et religieux ; on le loue comme écrivain plus qu’à d’autres égards ; il a eu un procès scandaleux avec M. de Genoude pour injures et calomnies réciproques, et on a été tout étonné de les voir sortir de l’audience bras dessus bras dessous.

74. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Voici où j’en étais resté de cette Critique dans le 70e Entretien : reprenons ce que je disais des partis parlementaires que l’on semble tant regretter. […] Une Convention nationale, formée de tous les partis extrêmes, est appelée à leur place par le tocsin du 10 août ; des tribuns forcenés de la commune de Paris veulent les intimider par les massacres de septembre. […] Complices s’ils acceptent, suspects de royauté s’ils refusent, ils commencent par refuser ; ils préparent par des discours sublimes la défense du roi menacé, puis ils cèdent, non par lâcheté, mais par une très fausse et très criminelle politique de parti, qui croit sauver des milliers de têtes en en concédant une à la république. […] Je recueillais dans cette entière liberté d’esprit le fruit de mon indépendance d’engagement avec tous les pouvoirs et tous les partis. […] Ils étaient nombreux, volumineux, sincères ; flattés de ce qu’une main libre cherchait dans leurs portefeuilles ou dans leur mémoire l’impartiale lumière qui ne luit qu’après que les partis sont morts et que les ressentiments sont éteints.

75. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Dès les premières semaines, on peut voir l’idée qu’il se faisait de l’état réel du parti par les conversations très belles et très sérieuses qu’il tint avec le duc de Bouillon, le frère aîné de Turenne, et la meilleure tête entre tous ces grands qui s’étaient mis de la faction. […] Il était trop aisé d’en tirer parti contre lui à la Cour et de le présenter comme traître et relaps, au moment même où il ne faisait qu’employer les moyens à son usage pour un but caché qui valait mieux. […] Placé entre un prince de cette nature et le Parlement, cette autre machine compliquée et non moins désespérante à mouvoir, primé dans le parti par le prince de Condé, son ennemi alors et dont il ne peut vouloir le triomphe, Retz se consume durant deux années dans les pourparlers, les expédients, les tentatives perpétuelles d’un tiers parti impuissant à naître et toujours avorté. […] Que de coups d’œil perçants sur le vrai des situations et la misère des partis ! […] Ce grand frondeur qui, dans sa jeunesse, avait cherché vainement à tenir la balance entre les partis, entre Monsieur, le Parlement et la Cour, et qui, à défaut de balance, avait pris l’épée, et même contre M. le Prince, en était venu dans sa vieillesse à cet arbitrage innocent.

76. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXI » pp. 323-327

Louis XVIII exilé y apparaît confit dans la conscience béate de son droit divin, y puisant quelques sentiments de dignité sans doute, mais surtout un contentement superbe qui était fait pour affliger les gens sensés de son parti. […] Ces opinions sévères étaient au fond celles des quelques hommes sensés et modérés de ce parti ; mais ils se contentaient de les dire à l’oreille ; c’est pour la première fois qu’elles se produisent aussi nettement. — On demandait un jour à un homme considérable qui avait beaucoup connu Louis XVIII, si, vers la fin, lorsqu’il accepta et subit les ultra-royalistes et le parti du comte d’Artois, il avait bien toute sa tête ; cet homme considérable, et que nous pourrions nommer (Royer-Collard), répondit : « Il avait un peu baissé ; vers la fin il n’y avait plus en lui que ce qu’il était tout d’abord, le bel esprit, le petit esprit du XVIIIe siècle ; tout ce que l’expérience lui avait donné d’acquis dans l’intervalle s’en était allé. » — Ainsi cela arrive souvent en vieillissant ; on perd ce qui n’était qu’acquisition et emprunt ; on retombe au point de départ. — Eh bien, Louis XVIII, dans cette Correspondance avec M. de Saint-Priest, en est encore à ce point de départ, avant l’expérience acquise.

77. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de l’Évangile » pp. 89-93

Nous l’avions cru, et il nous eût été doux de rendre compte d’un tel ouvrage ; il nous eût été doux de démontrer la différence qu’il y a entre les héroïnes de la foi en Dieu et les héroïnes de la foi en soi-même ; car, malgré l’éternelle mêlée des systèmes et le fourré des événements, il n’y a que cela dans le monde : le parti de Dieu ou le parti de l’homme ; et il faut choisir ! […] Il y a un chapitre du livre intitulé : « Chaque parti périt par les femmes » ; un autre : « La réaction par les femmes dans le demi-siècle qui suit la Révolution ».

78. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Il est l’âme damnée d’une coterie dévote qui mène le parti royaliste et ultra-montain, comme le Conseil des Dix gouvernait Venise. […] Nous le trouvons, au lever de la toile, en conférence avec l’Égérie du parti, qu’il crible de ses plus fines épigrammes. […] Je passe sur l’invraisemblance d’un parti réduit, pour rédiger un discours, à emprunter la plume d’un bravo de lettres. […] Pour compléter son œuvre pie, la baronne brouille Maréchal avec son parti, en lui retirant son discours. […] Son grand tort est de représenter une opinion comme un vice, et de tartufier en masse un parti.

79. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Ces deux conditions admises, c’est-à-dire la distance et l’esprit de parti, qu’arrive-t-il ? […] Le parti adverse en fait un fou ou un scélérat. […] tu ne vas jamais si loin que la bouffonnerie des partis ! […] Il mourut le plus honnête et le plus éloquent des hommes de parti, au lieu de vivre et de mourir le plus honnête et le plus éloquent des philosophes chrétiens. […] Je me demande s’il n’y aurait pas moyen de tirer parti des circonstances en faveur du roi.

80. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Avant-Propos. » pp. -

Tout ce qui respire la haine, l’envie ou l’esprit de parti, ne mérite que de l’indignation. […] On peut comparer les Querelles particulières aux combats singuliers ; les Querelles générales aux guerres réglées de nation à nation ; les Querelles de différens corps à ces combats où l’on appelloit des seconds, & où l’on combattoit parti contre parti.

81. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 26, que les jugemens du public l’emportent à la fin sur les jugemens des gens du métier » pp. 375-381

Les livres de parti et les poëmes écrits sur des évenemens récens n’ont qu’une vogue, laquelle s’évanoüit bien-tôt quand ils doivent tout leur succès aux conjonctures où ils sont publiez. […] Mais ceux de ces poëmes, ceux des écrits de parti, dont le public fait encore cas un an après qu’ils sont publiez, ceux qu’il estime indépendamment des circonstances, passent à la postérité. […] En ces sortes de choses où les hommes ne croïent point avoir un intérêt essentiel à choisir le bon parti, ils se laissent ébloüir par une raison qui peut beaucoup sur eux.

82. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

L’homme de parti a besoin de croire qu’il a absolument raison, qu’il combat pour la sainte cause, que ceux qu’il a en face de lui sont des scélérats et des pervers. […] On se barricade dans son parti pour ne pas voir les raisons du parti contraire. […] Il sait que tous les partis ont à la fois tort et raison. […] De là la faveur assurée à tout parti qui n’a pas encore fait ses preuves. […] Il vient un jour où le parti rétrograde est obligé de se poser en persécuté et de réclamer pour lui les principes qu’il avait combattus.

83. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Sous prétexte de vouloir toujours les mêmes choses fondamentales, telles que l’institution des libertés communales qu’il oppose à la monarchie administrative, il entra dans toutes les ardeurs et les agressions violentes des partis. […] Mais à un moment, et lorsque le parti royaliste ultra, dont il était un des libres meneurs, arriva au pouvoir avec MM. de Villèle et Corbière, M.  […] Fiévée fit donc comme plusieurs membres influents du parti royaliste, M. de Chateaubriand en tête : il se retourna. Il se souvint de ce mot profond du cardinal de Retz, « qu’il faut souvent changer d’opinion pour rester toujours de son parti ». Lui, au contraire, il changea de parti, apparemment pour rester fidèle au gros de ses opinions.

84. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Ils forceront l’estime du parti philosophique : d’autant qu’ils sont trop justes, trop modérés, trop scrupuleux pour être dangereux. […] Transposons ces termes violents en langage impartial : il est très vrai que l’Encyclopédie fit des philosophes un parti, et des idées individuelles un corps de doctrine. […] Les livres d’Helvétius532 et de l’abbé Raynal533 sont des œuvres mortes : ils n’eurent jamais qu’une valeur extrinsèque, qu’ils empruntèrent aux passions de parti. […] Le parti encyclopédiste était assez vaste pour englober les tendances individuelles les plus inconciliables, Mably par exemple et Turgot. […] Nous pouvons donc négliger toutes les divergences de doctrine et les incompatibilités d’humeur : ce qui lie le parti, et caractérise le mouvement philosophique, c’est la foi dans la raison.

85. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Il y avait plus de soixante ans que les Césars allemands n’avaient mis le pied en Italie, quand Dante entra dans les affaires ; et cette absence avait prodigieusement affaibli leur parti. […] Pistoie, ville du territoire de Florence, était depuis longtemps troublée par les intrigues de deux familles puissantes, et ces intrigues avaient produit deux partis qu’on appela les Blancs et les Noirs, pour les mieux distinguer sans doute. […] Les choses furent portées au point que, pour sauver la République, Dante persuada à ses collègues d’envoyer en exil les chefs des deux partis : ce qui fut exécuté. […] Quel parti donc prendre ? […] On trouve seulement que, dès le dixième siècle, l’Italie, remplie d’armées allemandes, et prenant parti pour ou contre, s’accoutumait à ces dénominations de Guelfes et de Gibelins.

86. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

Loin d’être enivré du succès, il ne voit que les difficultés surgissantes, et il se méfie de la Fortune « qui aime, dit-il, à changer de parti ». […] Faire son devoir, le faire avec distinction sans se mêler des partis, voilà le vrai patriote, l’homme estimable ; et voilà bien pourquoi je ne me soucie guère d’une grande charge où l’on est entraîné dans les partis, ou du moins l’on est entraîné à des liaisons qui décident souvent de votre sort, avec des gens qui ne peuvent exister sans troubler l’État par des opinions exclusives. […] Peu m’importe qu’on parle bien ou mal de moi dans les partis ! […] Pendant que se signait cette paix achetée par tant de travaux et de victoires, l’esprit de parti, l’esprit royaliste continuait d’infester la France ; la réaction levait la tête et avait pris pied partout, jusque dans les pouvoirs publics ; et le 18 fructidor, ce coup d’État fâcheux, mais nécessaire, n’était pas encore venu rappeler à l’ordre les mauvais Français, ou ceux qui, se croyant bons, s’égaraient assez pour laisser naître et s’élever en eux des désirs de malheur.

87. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Ranc » pp. 243-254

Même l’égoïsme de son parti, qui sentait bien de quelle ressource un tel homme pouvait être dans un moment donné, lui épargna l’angoisse des commencements qui durent… Ce qu’on reconnaît le plus facilement, d’ailleurs, ce sont les facultés qui sont des armes ou qui peuvent le devenir. […] Vieilles machines de guerre et de parti qui ratent toujours, et qui tuent ceux-là qui s’en servent ! […] Cette idée — militaire — d’une conspiration, a fasciné le polémiste, qui allait continuer de faire la guerre à tout ce qu’il hait, en la racontant… C’était si bien cela, et si peu la vocation du romancier qui le décidait, que le livre lui-même — ce Roman d’une conspiration — ne semble qu’un prétexte pour lancer toutes les bordées d’un esprit de parti accumulé, exaspéré depuis des années au fond d’un homme, et d’un homme qui a les sentiments très profonds. […] …), tiendrait actuellement son noble esprit plus haut que ses passions d’homme de parti ?

88. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Évidemment il prend ici son parti, et il jette la révolution modérée, qui commençait ses sages résipiscences, aux pieds d’une réaction antilibérale et militaire, personnifiée dans un soldat. […] Lui parti, tout changeait de face. […] Dès lors on vit deux partis : l’un s’appela le parti coloniste ; l’autre, le parti anticoloniste. […] Il le juge non en historien impartial, mais en patriote français et en homme de parti. […] On dira peut-être, en lisant ces pages, que l’historien a pensé à lui-même en traçant le portrait du ministre représentatif et du chef de parti dans les assemblées.

89. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 12, qu’un ouvrage nous interesse en deux manieres : comme étant un homme en general, et comme étant un certain homme en particulier » pp. 73-80

L’imitation des choses ausquelles nous nous interessons, comme citoïens d’un certain païs, ou comme sectateurs d’un certain parti, a des droits tout puissans sur nous. Combien de livres de parti doivent leur premiere vogue à l’interêt particulier que prennent à ces livres les personnes attachées à la cause pour laquelle ils parlent. […] Si le parti que le poëte choisit est celui d’embellir son action par des épisodes, l’interêt qu’on prend à ces épisodes ne sert qu’à faire mieux sentir la froideur de l’action principale, et on lui reproche d’avoir mal rempli son titre.

90. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

Les généraux de Vespasien font offrir des conditions favorables à Vitellius, s’il veut abdiquer l’empire qui s’écroule ; il penche vers ce parti. […] Indifférents à la victoire ou à la défaite des partis, on semblait se réjouir des malheurs publics. […] « La délibération du sénat sur le parti à prendre après la mort de Vitellius le rappelle à la tribune. […] La lutte s’engagea entre les deux partis : d’un côté les hommes de bien, plus nombreux ; de l’autre les méchants, plus agressifs, quoique en petit nombre. […] Il sévit seulement contre quelques hommes abandonnés par tous les partis, à cause de l’énormité de leurs forfaits ; il épargna les délateurs.

91. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

Cette réflexion m’avait frappé avant même qu’on eût proclamé que l’arrivée d’un Bourbon ne nous apportait qu’un Français de plus ; elle a dominé mes pensées dans tous les écrits que j’ai publiés, elle est la seule explication des motifs qui m’ont toujours porté du côté de l’opposition ; aucun parti arrivé au pouvoir n’ayant jamais compris que le salut de la royauté et de nos libertés était dans l’exécution de la Charte, dans le renversement sans pitié d’une administration formée pour l’empire. […] Si cette minorité était arrivée d’une manière naturelle, peut-être aurait-elle été favorable au développement de nos libertés ; mais à travers deux abdications, toujours et nécessairement conditionnelles, avec le besoin cruel de séparer un enfant de ses parents-exilés, de ne pouvoir former sa raison sans lui apprendre à les juger au moins aussi sévèrement que l’histoire le fera, avec le danger de les voir un jour se rapprocher de lui, il n’aurait été qu’une cause de soupçons, d’agitation, que l’étendard d’un parti qui n’a que trop prouvé ses fureurs et son incapacité. […] Une maladie, une simple indisposition, et la réputation du régent était à la merci des absolutistes et du parti prêtre ; et les idées de crime se répandaient avec effroi, comme pour faire croire sans cesse qu’une couronne valait bien un crime pour l’obtenir comme pour la conserver. […] Il faut prendre son parti à cet égard, ne pas croire que les titres expriment ce qu’ils exprimaient, et qu’il y ait encore des prestiges dans l’ordre social.

92. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Longtemps mêlée à ces orages des partis, à ces cris d’enthousiasme ou d’anathème, sa jeunesse n’avait pourtant rien à rayer de son livre ni à désavouer de sa vie ; le témoignage qu’il se rendait dans la pièce citée plus haut, il peut le redire après comme avant ; nul ne lui contestera ce glorieux jugement porté par lui sur lui-même. […] Le parti dit royaliste arrivait aux affaires dès cette époque ; Hugo jeune, non envié encore, caressé de tous, eût pu aisément se laisser porter et parvenir vite et haut. […] … À l’Empereur tombé dressant dans l’ombre un temple… Dès 1824, lors de la retraite de M. de Chateaubriand, il avait pris parti pour l’opposition. […] Le public, la foule n’y avait que faire, comme bien l’on pense ; en proie aux irritations de parti, aux engouements grossiers, aux fureurs stupides, on laissait cet éléphant blessé bondir dans l’arène, et l’on était là tout entre soi dans la loge grillée. […] Vers 1828, à cette époque que nous avons appelée le moment calme et sensé de la Restauration, le public avait fait de grands progrès ; l’exaspération des partis, soit lassitude, soit sagesse, avait cédé à un désir infini de voir, de comprendre et de juger.

93. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Il était de plus réclamé à Orléans, qui était de son apanage et où un parti assez considérable voulait ouvrir les portes à l’armée royale, qui s’avançait du côté de Blois. […] Le prince de Condé, parti d’Agen incognito et déguisé, arriva heureusement sur ces entrefaites à l’armée qui était près d’Orléans. […] n’eût pu mieux prendre son parti, et que pour lui il l’aurait fait quand je ne l’aurais pas ordonné. […] Vous avez été bien aise de faire l’héroïne, et que l’on vous ait dit que vous l’étiez de notre parti ; que vous l’aviez sauvé deux fois. […] Lauzun en causait longuement avec elle ; il balançait les avantages et les inconvénients de ce parti, se gardant bien de paraître deviner qu’il s’agissait de lui.

94. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Nettement, qui finit son ouvrage d’aujourd’hui par le bilan intellectuel de la Restauration, n’a pas donné cet autre bilan qui eût complété et précisé le premier, le bilan du gouvernement et des partis. […] Du moins, en face de ces deux démolisseurs de toutes choses, devant ces deux hommes d’une gloire surfaite par les partis, et qui ont attaqué, les uns après les autres, les sentiments et les idées qui sont les bases des sociétés et de la conscience humaine, tous deux en riant, les malheureux ! […] Les illusions des partis n’en font plus l’espèce de colosse qu’il fut pour eux de son vivant. […] Vous cherchiez un esprit littéraire, occupé de choses littéraires, et vous ne trouvez plus que le soldat d’un parti qui fait l’exercice, en douze temps, de l’embrassade avec tout le monde, pour le compte de la Fusion ! […] Parti du royalisme pour s’élever jusqu’à la notion de la monarchie, Balzac, qu’on pourrait appeler autoritaire, est traité, dans l’histoire de M. 

95. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Sa ligne de conduite à la Chambre, du moment qu’il y fut entré sous Louis-Philippe en 1834, jusqu’en février 1848, fut d’un homme vraiment nouveau qui ne se rangeait sous le drapeau d’aucun des anciens partis et qui cherchait à en former un à son image, ce à quoi il n’a pas encore réussi. Le programme qu’il eût voulu voir adopter à la jeune génération parlementaire, c’eût été non-seulement de ne pas faire la guerre à la forme des gouvernements établis, mais de ne pas faire la guerre à mort aux ministères existants, à moins d’absolue nécessité, et de chercher bien plutôt à en tirer parti pour obtenir le plus de réformes possible, pour introduire le mouvement et le progrès dans la conservation même. […] M. de Girardin se prononça bientôt contre les demandes de toute sorte qui se succédaient en procession à l’Hôtel de Ville, contre l’augmentation des salaires, contre l’idée de guerre ; il s’éleva très-courageusement surtout contre le parti des démocrates purs, des républicains de la veille, de ceux qui auraient voulu faire de la République si fortuitement conquise une secte à leur dévotion, un régime à leur profit, doctrinaires d’un nouveau genre et qui prêchaient à leur tour l’exclusion, l’épuration. […] Personne, durant quelque temps, n’eut plus ni même autant de courage, car personne n’était plus en vue ni désigné à plus de fureurs. » Le parti qu’il avait tant combattu se vengea de lui aussitôt après les journées de Juin. […] Je laisse les époques intermédiaires et misérables (fin de 1848, 1849, 1850, 1851) où les questions, se déplaçant chaque jour au souffle des partis, n’offraient aucune prise bien déterminée, et où la polémique, variant à chaque pas, s’engageait dans des sables mouvants ou sur un terrain miné et contre-miné en tous sens par l’intrigue : le dégoût prend, rien qu’à y repasser en idée.

96. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Le premier Consul, avec son coup d’œil et sa parfaite connaissance des hommes, sut démêler dès le premier jour, dans les débris des anciens partis, tous les matériaux vivants, toutes les pierres ouvrières, si j’ose dire, qui pouvaient servir à l’œuvre de reconstruction sociale qu’il entreprenait. […] Au lieu de cela, il resta dans sa province, à la tête du parti du mouvement, le chef de la Société populaire de Montauban, qu’il chauffait en se chauffant lui-même, et se maintenant dans un état d’incandescence que tout, à l’entour, favorisait. […] Le principal foyer était à Montauban même, où plusieurs patriotes, et surtout des protestants, avaient été massacrés dans une émeute ; quarante autres, presque tous négociants et de la religion réformée, étaient emprisonnés et menacés d’être sacrifiés aux fureurs du parti contre-révolutionnaire. […] Jean-Bon Saint-André, porté et véritablement bombardé à la Convention par un parti longtemps combattu et qui avait comme enlevé sa nomination de vive force en demandant et en obligeant de faire l’élection à haute voix, y arrivait plein d’idées absolues, de rêves de progrès et d’amélioration immédiate. Il s’étonna bientôt de se trouver au milieu de partis divisés, irrités et aux prises sur des questions personnelles.

97. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Sur le Louis XVI de M. Amédée Renée » pp. 339-344

On a un premier jour de folle joie universelle et d’ivresse ; mais le lendemain on se retrouve divisé en partis, en présence des hommes, des intérêts et des passions. […] Louis XVI ne sut jamais prendre un parti. […] Il n’est pas jusqu’au 10 août, cette journée suprême pour sa royauté, où Louis XVI n’eût pu tirer un parti tout différent de la situation fatale qu’il s’était faite, et où il n’eût pu forcer l’histoire, — cette histoire telle qu’elle s’est déroulée et que nous la connaissons —, à prendre un autre tour, et à se briser devant lui.

98. (1874) Premiers lundis. Tome I « Dumouriez et la Révolution française, par M. Ledieu. »

Le général Dumouriez a-t-il dû suivre le parti de la Révolution ? le général Dumouriez a-t-il dû abandonner le parti de la Révolution ? […] Cet épicurisme politique n’était pas une simple affaire de calcul ou d’indifférence : il y avait mieux chez lui ; sans préjugés surannés, sans passions profondes, doué d’une conception éminemment prompte et lucide, Dumouriez était fait pour comprendre à merveille les divers partis de la scène révolutionnaire, et, si l’on excepte les jacobins stoïquement féroces, il lui était aisé de sympathiser plus ou moins vivement avec tous.

99. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 208-209

Toutes les fois que l’esprit de parti ne le domine pas, ses talens méritent des éloges. […] Si le Dictionnaire historique, littéraire & critique, qu’on lui attribue, étoit dégagé d’une partialité trop révoltante ; si les amis de l’Auteur, ou plutôt ceux de son parti, n’y étoient pas fêtés d’une maniere infiniment au dessus de leur juste valeur ; si de vrais Grands Hommes, pour n’avoir pas été Jansénistes, n’y étoient pas déprimés avec autant d’injustice que de mal-adresse : ce Dictionnaire auroit une sorte de perfection pour les recherches, les anecdotes & les discussions quelquefois utiles qu’il renferme.

100. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Le parti très peu nombreux qu’on peut appeler bonapartiste, au sens propre, entourait l’empereur de déplorables excitations. […] Malheureusement, le parti qui les professe n’est, comme tous les partis intelligents, qu’une minorité, et cette minorité a été trop souvent vaincue chez nous. […] En Prusse, la rivalité du parti féodal et du parti libéral, habilement conjurée par M. de Bismark, éclatera ; le rayonnement fécond et pacifique du germanisme s’arrêtera. […] À part quelques théoriciens, le parti démocratique a des tendances socialistes qui sont l’inverse des idées américaines sur la liberté et la propriété. […] Le parti conservateur français ne s’est pas trompe en prenant le deuil le jour de la bataille de Sadowa.

101. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 373-374

Il est aisé de s’appercevoir que des personnes de différens Etats, de différente Religion, de différent Parti, de différent génie, ont contribué à cette augmentation. […] Bien loin de là, chacun s’est empressé d’y fournir, en différens temps & en différens lieux, son contingent, & s’est arrogé le droit de célébrer, selon ses vûes & sa maniere, tout ce qui appartenoit à sa Nation, à sa Secte, ou à son Parti.

102. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXIV » pp. 247-253

Le côté habile, les procédés de direction et d’exploitation d’esprit public, le chef de parti et l’homme d’affaires dans Voltaire y sont très-bien démêlés, assure-t-on, autant qu’on en peut juger par des fragments de lecture. […] — Le procès d’embauchage par le parti légitimiste (voir les Débats du 30 août) a révélé de curieux détails ; les lettres saisies chez le duc d’Escars et produites au procès en sont la partie la plus intéressante, et on peut croire que, même pour le ministère public, le fond de l’affaire n’a servique de cadre à la production de ces lettres. On y voit avec douleur combien M. de Chateaubriand, malgré son grand nom et ses talents, est dupe des hommes d’esprit et des meneurs de son parti.

103. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Figure épuisée d’un martyr dans la pourpre, mais d’un martyr qui a pris son parti avec le supplice, qui juge et méprise son bourreau. […] Enfant terrible de son parti, il dit tout ce qui peut lui nuire en croyant le servir et l’honorer. […] car c’est le Sacerdoce qui l’a fait Lamennais, ce Lamennais qui a donné, par son apostasie, un grand athlète de plus au parti de la Révolution ! […] Nous l’avions cru, et il nous eût été doux de rendre compte d’un tel ouvrage ; il nous eût été doux de démontrer la différence qu’il y a entre les héroïnes de la foi en Dieu et les héroïnes de la foi en soi-même, car, malgré l’éternelle mêlée des systèmes et le fourré des événements, il n’y a que cela dans le monde, le parti de Dieu ou le parti de l’homme, et il faut choisir ! […] Il y a un chapitre du livre, intitulé : « Chaque parti périt par les femmes » ; un autre : « La réaction par les femmes dans le demi-siècle qui suit la Révolution ».

104. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 72

Languet ait figuré avec avantage dans un parti contraire au sien, si l’on doit appeler parti, celui de l’Eglise, auquel M.

105. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Il sera loin d’approuver et même d’excuser tout ce qu’il voit dans son parti, et de même chez l’adversaire il saura bien discerner et dire : Il fait méchamment cela, et vertueusement ceci. — Je veux, ajoute-t-il, que l’avantage soit pour nous, mais je ne forcène point (je ne me mets point hors de moi) s’il ne l’est. Je me prends fermement au plus sain des partis, mais je n’affecte pas qu’on me remarque spécialement ennemi des autres. […] Observons toutefois, pour expliquer à notre tour et justifier cette profession un peu large d’impartialité, que les chefs des partis alors en présence, les trois Henri, étaient gens de renom et considérables à divers titres : Henri, duc de Guise, chef de la Ligue ; Henri, roi de Navarre, chef opposé ; et le roi Henri III, au nom de qui Montaigne était maire, et qui oscillait entre les deux. Quand les partis n’ont pas de chef ni de tête, quand ils se présentent par leur corps seul, c’est-à-dire par leur réalité la plus hideuse et la plus brutale, il est plus difficile et aussi plus hasardeux de se montrer envers eux si équitable et de faire à chacun sa part jusqu’au milieu de l’action. […] Cependant les choses se gâtent de plus en plus ; la guerre civile s’engage ; des partis amis ou ennemis (il n’y a pas grande différence) infestent le pays.

106. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

II Telle a été, mais achetée au prix de facultés méconnues et perdues, la destinée de Macaulay, et telles furent les raisons, assez vulgaires, qui, après un début aussi éclatant que le sien, firent d’un critique de littérature désintéressée un écrivain d’histoire intéressée ; car Macaulay n’est pas plus élevé que cela : c’est un historien de parti. S’il était un chef de parti, je sais la considération intellectuelle que j’aurais pour lui, en la mesurant au mot de Goethe : « Un chef de parti n’est jamais, après tout, qu’un bon caporal. » Mais Macaulay n’est qu’un soldat, le soldat d’un parti. […] Je sais bien qu’il y a les historiens immortels de la nature et de l’espèce humaine à travers les formes accidentées des peuples, et ceux-là ne font jamais grimacer l’impartialité de l’esprit ; mais il y a les historiens des partis qui passent et qui demain ne seront plus, et malheureusement c’est parmi ces derniers que Macaulay alla perdre la sérénité de sa pensée et la bonne humeur de son génie. L’auteur du Guillaume III et du Jacques II, qui n’est, après tout, que l’avocat très instruit, très ardent et aussi retors que s’il était froid, d’un parti, avait mieux à faire, pour l’état de services de sa gloire, qu’une histoire qui pourrait bien n’être, au fond, sous des formes larges et décevantes, que le plus éloquent des pamphlets.

107. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

L’occupation où l’on est de son ressentiment, l’effort qu’on fait sur soi pour le combattre remplit la pensée de diverses manières ; après s’être vengé, l’on reste seul avec sa douleur, sans autre idée que la souffrance ; vous rendez à votre ennemi, par votre vengeance, une espèce d’égalité avec vous ; vous le sortez de dessous le poids de votre mépris, vous vous sentez rapprochés par l’action même de punir ; si l’effort que vous tenteriez pour vous venger était inutile, votre ennemi aurait sur vous l’avantage qu’on prend toujours sur les volontés impuissantes, quelle qu’en soit la nature et l’objet : tous les genres d’égarement sont excusables dans les véritables douleurs ; mais ce qui démontre cependant combien la vengeance tient à des mouvements condamnables, c’est qu’il est beaucoup plus rare de se venger par sensibilité, que par esprit de parti ou par amour propre. […] Cette passion pourrait perpétuer le malheur depuis la première offense, jusqu’à la fin de la race humaine ; et dans les temps où les fureurs des partis ont emportés tous les hommes dans tous les sens au-delà des bornes de la vertu, de la raison, et d’eux-mêmes, les révolutions ne cessent que quand chacun n’est plus agité par le besoin de prévenir ou d’éviter les effets de la vengeance. […] Si la vengeance n’est pas proscrite par l’esprit public dans une nation où chaque individu existe de toute sa force personnelle, où le despotisme ne comprimant point la masse, chaque homme a une valeur et une puissance particulière, les individus finiront par haïr tous les individus, et le lien de parti se rompant à mesure qu’un nouveau mouvement crée de nouvelles divisions, il n’y aura point d’homme qui n’ait, après un certain temps, des motifs pour détester successivement tout ce qu’il a connu dans sa vie.

108. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

La Révolution de Thermidor n’a guères été portée plus de neuf mois dans les flancs sanglants de cette Révolution française, qu’on peut bien appeler, sans lui manquer de respect, une prostituée, puisqu’elle a été violée successivement par tous les partis qui l’ont caressée. […] Il l’a ouverte aussi, cette petite tête vaniteuse et vipérine, grosse et verdâtre comme un œuf de canard, et il a montré que cette tête n’avait qu’une pincée de cervelle, et qu’en fin de compte cet homme, colossalisé par ses crimes et par les partis, cet homme — la terreur de la France !  […] Les partis, qui lui ont fait un pavois de leurs dos courbés, oseront-ils continuer de porter cette vieille relique éventrée et déshonorée ?… Ils sont, je le sais bien, capables de tout, les partis, qui se crèvent les yeux comme Œdipe pour ne pas voir leurs crimes ou leurs criminels !

109. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Malheur aux partis qui prennent pour patrons dans l’histoire ces hommes de délire, de hache et de bûchers, tels que le moine Savonarola ! […] Le parti de ce faux prophète de la populace et de la monacaille, de ce fou imposteur, Savonarola, se déclara irréconciliable avec le grand homme qui avait méprisé ses jongleries soi-disant évangéliques, mais plus réellement démagogiques. […] Dante, Pétrarque, Machiavel lui-même, flottèrent entre ces nécessités de parti : Gibelins quand les papes pesaient trop sur l’Italie, Guelfes quand les empereurs, qui étaient à leurs yeux les libérateurs du joug des papes, pesaient trop sur Rome. […] La dynastie bourbonienne rentre en Sicile ; Murat gouverne en héros et en administrateur ce beau royaume ; il y laisse des souvenirs de gloire et de bonté qui ne sont pas un parti, mais une estime. […] La ligue du roi, du bas peuple et de l’armée, contint le parti aristocratique et libéral pendant dix ans, et le contient encore malgré les agitations de l’Italie et malgré les sommations du Piémont, de l’Angleterre et de la France.

110. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

L’antagonisme régnait assez exactement entre les écoles littéraires comme entre les partis politiques ; c’étaient des batailles à peu près rangées, l’on y pouvait remarquer de la discipline et une sorte d’évolution dans l’ensemble. […] Avait-il bien dessein en cela, comme il le déclare dans la préface de la Vigie, d’amener, d’induire, par les critiques mêmes qu’on lui ferait, le parti libéral et philosophique à reconnaître qu’il n’est pas de bonheur pour l’homme sur la terre si on lui arrache toute illusion ? […] Dans les deux romans il est naturellement du parti des opposants à Louis XIV, dans Latréaumont du parti de M. de Rohan et des libertins, dans Jean Cavalier du parti des puritains et des religionnaires. […] Sue en a tiré un très-grand parti en donnant l’enfant lchabod pour prophète au féroce Éphraïm, et en réservant ses deux petits anges de Gabriel et de Céleste à Cavalier. […] C’est ce qui a fait dire à l’un des chroniqueurs littéraires du temps : « Parti du Rétif et même du De Sade, M.

111. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

M. d’Aumont s’y prêtait de toute sa bassesse, et n’avait même mandé à personne l’état du roi, pour faciliter à cette femme le parti qu’elle voudrait prendre. […] Comme le parti de ceux qui désiraient l’expulsion de Mme Dubarry et de ses vils sectateurs n’était en général composé que de gens honnêtes, il se bornait à désirer tout ce qui pouvait en hâter le moment, mais ne formait à cet égard aucunes intrigues. Il n’en était pas de même du vil parti qui la soutenait : accoutumé aux menées sourdes, à des intrigues basses et enveloppées, il était déterminé à les employer dans une occasion réellement intéressante. […] Le parti qui désirait tous les moyens qui feraient chasser Mme Dubarry et tous ses plats courtisans (et j’étais un des plus actionnés dans ce parti) s’efforçait de savoir exactement tout ce qui se faisait dans l’autre, mais se bornait à cela. […] La lâcheté des médecins qui les avait fait renoncer à l’idée d’une troisième saignée si la seconde ne produisait pas un assez grand soulagement, ne les empêchait pas de penser, qu’elle serait vraisemblablement nécessaire ; mais ils s’étaient engagés, et, pour satisfaire à la fois leur parole et leur conscience, ils prirent le parti de faire faire la seconde saignée tellement abondante, qu’elle pût tenir lieu d’une troisième.

112. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

quel parti pourrait se soustraire à la nécessité de dire, de penser, d’agir au rebours du gouvernement qui l’opprime, et de tomber ainsi sous l’aveugle loi des contradictions politiques ? […] Parti pris naïf qui se nommera, si vous voulez, le mécontentement de tout ; parti sans parti, qui cherche partout des raisons de boire de l’opium et qui n’a pas la force de se dresser, une bonne fois, le bûcher de Sardanapale. […] Ferrari soit uniquement un penseur désintéressé, comme tout fataliste devrait l’être, ou qu’il cache, sous les rigides et impérieuses formes d’un système, un patriotisme profond contre lequel le patriotisme officiel et braillard des partis s’élèvera peut-être, nous ne savons et peu nous importe ! […] On le lit à présent comme une thèse et surtout comme une réponse hautaine et péremptoire aux prétentions de ce parti qui s’appelle la jeune Italie, et qui est bien jeune en effet, si elle croit faire à l’Italie une destinée impossible et à contre-sens de ses facultés. […] Les paroles qui commencent son livre sont d’un calme encore plus grand que leur clarté ; « une nature, dit-il, également indifférente à Dieu et à Satan, explique seule les libertés, les servitudes, les partis, les guerres et les révolutions.

113. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

Il est vrai que Diderot, Dumarsais, Boulanger, d’Holbach, et tout le monde, l’étudiaient volontiers et en tiraient bon parti pour leurs arguments et leurs systèmes ; il est vrai que Voltaire écrivait les Lettres de Memmius et, dans une sorte d’enthousiasme pour le poète philosophe, s’écriait : “Il y a dans Lucrèce un admirable troisième chant que je traduirai, ou je ne pourrai.” […] Pourtant la traduction achevée, les corrections arrêtées, il fallait prendre un parti sur le sens philosophique de ce poème tout philosophique. […] Or il y a dans l’Académie et hors de l’Académie un parti qui a besoin de se recruter, parce qu’il se meurt ; et qui, en même temps, ne veut que des recrues inoffensives, parce que toute supériorité l’offusque et l’effraye. Ce parti s’est avisé un jour de dire à M. de Pongerville : Vous êtes des nôtres, et M. de Pongerville de se confondre et de s’excuser.

114. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Carrel, un surcroît, pour ainsi dire, d’honneur et de valeur dont la plupart, à sa place, se seraient crus dispensés, et que les personnes modérées en toutes choses ont peut-être blâmé comme un exemple onéreux pour elles, il faut se rappeler néanmoins qu’il est des positions d’avant-garde, des existences lancées hors de ligne, et fortement engagées, pour lesquelles le trop n’est que suffisant, et auxquelles il sied d’être personnellement ombrageuses sur ce qui offense en général un parti et une cause. […] Après le Roi s’amuse, mêlée tumultueuse d’où les deux partis s’étaient retirés en désordre, M.  […] Maurize vient de publier sous le titre de Dangers de la situation actuelle de la France, et qu’il adresse aux hommes sincères de tous les partis. […] Maurize le ton d’absolu dédain dont il traite les divers partis de ce qu’on appelle le mouvement, son cordial mépris pour tout ce qui est morale, politique, philosophie, pour tout ce qui a occupé jusqu’ici les plus grands hommes ?

115. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

Lamennais, à qui l’esprit de parti a élevé un catafalque, mais qu’il faudra bien, un jour ou l’autre, finir par juger, Lamennais se présente entre deux théories dont l’une est morte et l’autre n’a jamais vécu. […] Quant au parti que l’abbé Gratry a tiré de sa découverte, il faudrait, pour en bien juger, le suivre dans chaque partie de ce large traité où la pensée fait, à tout bout de champ, nappe de lumière. […] L’ouvrage actuel de l’abbé Gratry atteste avec une irrésistible éloquence la dépendance de la philosophie de la grande donnée théologique, et le parti que la science purement rationnelle pourrait tirer de leur union. […] Le procédé simple et puissant dont l’abbé Gratry a tiré un si bon parti et qu’il a élevé jusqu’à la rigueur d’une méthode, est le procédé de l’humanité tout entière pour aller à Dieu, — comme nous disons, nous, — pour passer du fini à l’infini, comme disent les philosophes, — et soit que nous y allions sur les fortes ailes de la Méditation ou sur les humbles ailes de la Prière.

116. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

Illuminés d’enthousiasme ; hommes de parti enlevants d’éloquence dans des camps opposés ; natures bouillonnantes qui dégorgent incessamment comme la bouche d’un fleuve, soit des pensées, soit des images ; espèces de Pythonisses de leur propre esprit ; passionnés dans leur âme et passionnés dans leur sang que l’Imagination fouette incessamment de ses mille dards enflammés, ils ont les mêmes audaces d’expression et ils se ressemblent jusque dans leur originalité… La seule différence qu’il y ait entre eux, c’est que Diderot l’athée ne fut jamais qu’un athée. […] La foi aux partis s’en allait de son âme, cette dernière foi que le dix-huitième siècle et la ruine de l’Empire, suivie de la seconde ruine de la Monarchie, avaient laissée pour toute ressource aux générations ! […] Raspail ; et de son parti, quoique n’y croyant pas, car on ne se débarrasse que bien tard du dernier anneau de sa chaîne, de celui-là qui nous meurtrit longtemps encore lorsque les autres ne nous pèsent plus, il fit circuler manuscrite une œuvre qui ne pouvait pas être imprimée, le fameux Testament d’Alibaud, qui ramena le plus de socialistes à la cause républicaine et le plus de républicains à la cause socialiste ; grand coup de ralliement bien frappé ! […] Cabet et Marrast, réfugiés à Londres, empêchèrent l’impression anglaise, en déclarant le manuscrit apocryphe ; aimant mieux sacrifier l’œuvre, qui aurait tant servi à l’union de leurs deux partis, que de s’exposer aux vérités qu’elle renfermait.

117. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. De la France en 1789 et de la France en 1830 »

A ceux qui, séduits par des ressemblances extérieures, ne voyaient dans notre révolution de 1830 que le pendant de celle de 1688, et n’en prétendaient guère tirer plus de conséquences, nous avons tâché de prouver que ces ressemblances assez piquantes ne jouaient qu’à la surface, n’apparaissaient que dans les hommes ou dans les mouvements des partis, mais qu’au fond les différences politiques étaient considérables. […] On dirait en effet, après ce qui s’est passé dans les rues de Paris pendant trois jours, qu’il n’y a plus qu’à accorder le moins de nouvelle liberté possible ; car chaque part de liberté nouvelle devant augmenter l’appétit démocratique, nous serions bientôt en proie au parti populaire ; la chambre des députés, qui se trouve précisément dans le cas de la Constituante, serait vite dépassée par une Législative ; et Dieu sait ce qu’il adviendrait alors ; il n’y aurait plus qu’à se voiler la tête et à tendre le cou comme les Girondins, à moins d’oser être Montagnard : Di meliora piis ! […] Quand l’Assemblée eût été moins sage, moins logique et moins rationnelle qu’elle n’a été, quand le parti Mounier et Lally eût pris le dessus par impossible et fait avorter les conséquences législatives du jeu de paume, qu’aurait-on gagné, je le demande ?

118. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Nous aussi nous avons des partis, des supplices, des conspirations. […] Ce succès ne peut être une affaire de parti, ou d’enthousiasme personnel. Il y a toujours de l’intérêt d’argent au fond de tous les partis.

119. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

Elle l’est de l’attitude agressive et envahissante qu’a prise depuis quelque temps et avec un redoublement d’audace le parti clérical. […] Permettez-moi de reprendre et d’ajouter… Le parti clérical ! […] La mollesse des mœurs, la lâcheté des opinions, la facilité ou la connivence des gens bien appris, laissent le champ libre plus que jamais en aucun temps à l’activité et au succès d’un parti ardent qui a ses intelligences jusque dans le cœur de la place et qui semble, par instants, près de déborder le pouvoir lui-même. Parti funeste, parti envahissant, dévorant, insatiable, ingrat de sa nature parce qu’il croit que tout lui est dû ! […] Ceci me ramène à la question de la conclusion , — cette demande de la liberté de l’enseignement supérieur, car c’est sous cette humble et spécieuse forme de liberté que le parti aspire à l’ascendant dominant et à la suprématie.

120. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Le roi mourant avait, après de longues hésitations, adopté le parti catholique et proscrit le parti puritain. […] Au premier regard, nous aurions été tenté de penser comme lui ; mais, en regardant de plus près et en considérant, en politique, la situation générale de l’Europe, et la situation particulière de l’Écosse en ce moment, nous sommes resté convaincu que le parti catholique, adopté par le roi, était le seul parti de salut pour l’Écosse, si l’Écosse avait pu être sauvée. […] Les lords qui gouvernaient le royaume en son absence et le parti presbytérien de la nation la virent arriver avec répugnance. […] C’était dans la nuit du 9 au 10 mars 1566 ; Darnley, le comte de Lenox, son père, lord Ruthven, George Douglas, Lindsay, André Kev et quelques autres lords du parti protestant attendaient l’heure dans la chambre du roi. […] En effet, la reine, à la nouvelle de la fuite de Darnley chez le comte de Lenox, son père, quitte soudainement son favori Bothwell ; elle se rend dans un de ses châteaux de plaisance, nommé Craig Millur ; elle y convoque secrètement les lords confédérés de son parti et du parti de Bothwell.

121. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

: « Quand on croit posséder la force et la vérité, on ne peut supporter l’insolent spectacle des outrages contre cette force et cette vérité. » Et cette phrase, à mille pieds au-dessus des partis, me faisait dire : « En voilà un qui a peut-être compris !  […] Il le fait le stipendié de l’Espagne comme Dubois le fut de l’Angleterre, comme si ce chef de parti n’avait pas dix millions de dettes contractées dans l’intérêt de ce parti qui était la France ; — car la constitution politique de la France était catholique, il faut bien le rappeler à ce politique qui l’oublie ! […] Dans cette Révolution dont les partis ont écrit l’histoire, il y a pis que de fausses idées et de fausses doctrines… et, il faut bien le dire enfin, il y a un outrage fait à la nature humaine, plus sanglant encore que l’outrage fait à l’esprit humain. […] Statistique héroïque, tant il fallait surmonter de dégoût pour l’entreprendre et de bravoure devant les partis pour la publier ! […] Elles se scindent en autant d’opinions qu’il y eut de partis révolutionnaires… et, il faut le dire, les plus enthousiastes, les plus folles de ces histoires, comme celle de Michelet, par exemple, sont les plus puissantes et les plus dangereuses.

122. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 484-486

Son Traité de la Sagesse l’a fait ranger, par le Jésuite Garasse, au nombre des Incrédules ; & les Philosophes de nos jours, sur ce beau témoignage, se sont empresses de se l’associer, tant il est vrai qu’ils savent tirer parti de tout. […] Il prit le parti de répondre, la plume à la main, aux objections qu’on lui faisoit dans la société, & ce fut dans cette intention qu’il composa son Traité de la Sagesse, dans lequel il expose, avec bonne foi & sans déguisement, les sentimens de tous les Sceptiques qu’il vouloit réfuter.

123. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 21, de la maniere dont la réputation des poëtes et des peintres s’établit » pp. 320-322

Elles seroient bien-tôt estimées à leur juste valeur si le public étoit aussi capable de défendre son sentiment et de le faire valoir, qu’il sçait bien prendre son parti. […] Il s’imagine le partager en deux factions aussi animées l’une contre lui et l’autre pour lui, que les guelfes et les gibelins l’étoient contre les empereurs et pour les empereurs, lorsque réellement il n’y a pas cinquante personnes qui aïent pris parti pour ou contre lui, et qui s’interessent avec affection à la fortune de ses vers.

124. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

à plus forte raison à des officiers, qui ne doivent pas quitter leurs troupes, et moins encore des troupes de cavalerie. » — « J’ai cru, lui répondit Villars, que Votre Majesté me pardonnerait de vouloir apprendre le métier, de l’infanterie, surtout quand la cavalerie n’a rien à faire. » C’est encore à ce siège, et pour une autre action de Villars, que le roi dit de lui : « Il semble, dès que l’on tire en quelque endroit, que ce petit garçon sorte de terre pour s’y trouver. » Le maréchal de Bellefonds, ne pouvant aider son jeune parent que de ses conseils, lui donna du moins celui-ci, dont Villars profita : c’était d’apprendre le métier de partisan, et d’aller souvent faire des partis avec ceux qui passaient pour entendre le mieux ce genre d’entreprise ; car, faute d’avoir ainsi pratiqué le détail de la guerre, et de cette guerre légère de harcèlement et d’escarmouches, bien des officiers généraux, quoique braves, se trouvent ensuite fort embarrassés quand ils commandent des corps détachés dans le voisinage d’une armée ennemie. Ce que Villars n’avait fait jusque-là que par instinct et pour trouver des occasions, il le fit dès lors avec le désir de s’instruire : Il passait souvent trois et quatre jours de suite dans les partis avec les plus estimés dans cet art : c’était alors les deux frères de Saint-Clars, dont l’un, qui était brigadier, fut une fois six jours hors de l’armée, toujours à la portée du canon de celle des ennemis, poussant leurs gardes à tout moment à la faveur d’un grand bois dans lequel il se retirait, faisant des prisonniers, et donnant à toute heure au vicomte de Turenne des nouvelles des mouvements des ennemis. […] À défaut d’affaire générale et de bataille, il y eut des escarmouches, des partis, et Villars, pratiquant plus que jamais le conseil de son cousin, fit de ces expéditions et de ces aventures, qui tournèrent bien. […] Le maréchal reçut l’avis assez vertement ; mais peu après, rappelant Villars, il lui dit avec amitié : « Quand une place comme Maastricht est secourue sans bataille, le général doit être content, et, pour satisfaire un jeune colonel avide d’actions, il faut lui donner un parti de cinq cents chevaux. […] Réduit à la nécessité de se faire un mérite qui forcât la Fortune en sa faveur, et d’être pour ainsi dire lui-même sa créature, son cœur lui suggéra le seul parti que la raison elle-même lui laissait à prendre, de servir et de surmonter les obstacles, ou de périr.

125. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

La tentation de la politique générale était trop présente et revenait trop souvent, les raisons d’utilité et de bien public étaient trop spécieuses, les engagements de parti étaient trop impérieux pour permettre à M.  […] Ministre de l’intérieur dès les premiers jours d’août 1830, il avait eu à choisir entre les deux politiques rivales, et il avait pris parti aussitôt : « Par instinct comme par réflexion, dit-il, le désordre m’est antipathique ; la lutte m’attire plus qu’elle ne m’inquiète, et mon esprit ne se résigne pas à l’inconséquence. » Il avait donc planté intrépidement son drapeau sur la brèche qu’on réparait ; il avait professé rigoureusement sa doctrine, plus rigoureusement même qu’il n’était besoin en saine politique ; car, après tout, il s’agissait du salut social dans le sens de la bourgeoisie, et l’essentiel était d’y atteindre, encore plus que de le proclamer. […] Cette théorie de quasi-légitimité ne pouvait déplaire à Louis-Philippe dont elle ennoblissait l’établissement ; seulement il eût été embarrassé, à son début de royauté, d’avouer le programme devant tous ses amis ; car, dans le parti et dans l’idée du juste-milieu, il y avait bien de l’amalgame dont il profitait. […] Guizot, « espérait peu en entreprenant beaucoup. » Ce sauveur de la société, comme on l’appelait dans le parti de l’ordre, était obsédé lui-même d’une idée sinistre et funèbre. […] Quant aux passions qui circulent au-dehors, et qui émeuvent la masse, il faut les connaître et jusqu’à un certain point les ressentir, non pour les partager, mais pour en tirer parti, pour les conjurer ou les diriger. — Il y reste, lui, trop étranger ; il les traite de haut en bas ou les ignore.

126. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Mais ces petits groupes très-mobiles, et formés d’ordinaire à l’encontre d’une seule personne, n’avaient rien de persistant ; ce n’étaient pas des partis. Au XVIIIe siècle, en avançant, les oppositions intestines devinrent plus marquées, plus régulières : les évêques et le parti encyclopédique se disputaient plus ou moins ouvertement les nominations. […] Pendant les dix ou quinze années de révolution qui suivirent, le parti philosophique était le maître à l’Institut, dans les diverses sections ; je ne sais s’il y fut aussi intolérant qu’on l’a dit quelquefois ; les autres, en petit nombre, s’y montraient certainement assez hargneux. […] Cette espèce de domination non littéraire, avec d’heureux intervalles pourtant, se prolongea jusqu’au renversement du ministère Villèle : c’est cette réduction, cette sujétion de l’Académie à un parti politique qui est, avant toutes choses, à éviter. […] Ainsi il n’y a plus de parti politique faisant loi à l’Académie.

127. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Villars, qui connaissait l’électeur de longue main, croyait que le meilleur parti à prendre avec lui était celui de la hauteur pour lui imposer et fixer les incertitudes d’un esprit peu solide, assez beau en paroles, mais qui n’avait nulle résolution arrêtée, surtout en matière de guerre. […] Il n’obtint rien de M. de Vendôme ; il ne put déterminer l’électeur à un grand parti, et ne put lui persuader que le meilleur moyen de défendre ses états était de faire trembler l’adversaire au cœur des siens. […] Si le prince de Bade joint Marlborough, comme tous les divers avis le portent, alors je ferai des ouvrages qui me donneront toujours le temps de prendre mon parti, si je ne m’en tiens pas à celui de les attendre où je suis… Mais quand nos troupes apprendront qu’il est arrivé quinze mille hommes de renfort aux ennemis, alors je leur dirai : « Faisons, puisqu’ainsi est, quelques redans de plus. » Si je les avais faits d’avance, et que les quinze mille hommes arrivassent ensuite, des bastions ne les rassureraient pas. […] Tout l’honneur de l’avoir conjuré revient à Villars, à sa fermeté, à son choix d’un bon poste, à sa sagesse à s’y maintenir, à l’esprit excellent dont il avait animé ses troupes, et qui fit perdre à l’adversaire l’idée qu’on les pût entamer. « Mes affaires, par le parti que vous avez obligé le duc de Marlborough de prendre, lui écrivait Louis XIV satisfait, sont au meilleur état que je les pouvais désirer ; il ne faut songer qu’à les maintenir jusqu’à la fin de la campagne ; si elle était heureuse, je pourrais disposer les choses de manière à la finir par quelque entreprise considérable. » Marlborough, en s’éloignant, crut devoir s’excuser auprès de Villars même (une bien haute marque d’estime) de n’avoir pas plus fait ; il lui fit dire, par un trompette français qui s’en revenait au camp, qu’il le priait de croire que ce n’était pas sa faute s’il ne l’avait pas attaqué ; qu’il se retirait plein de douleur de n’avoir pu se mesurer avec lui, et que c’était le prince de Bade qui lui avait manqué de parole. […] Cependant, Sire, en prenant tous les partis apparents de hauteur, je ne m’écarterai pas de ceux de sagesse ; il me paraît que c’est l’intention de Votre Majesté… Cependant les troupes de Votre Majesté conserveront tout l’air de supériorité qu’elle peut désirer, et qu’elle est accoutumée de voir dans ses armées.

128. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Mais ce qu’il fut vite et longtemps, c’est la plume la plus leste, la plus gaie, la plus folle, du parti démocratique et anarchique. […] Mirabeau, avec sa supériorité, comprit d’abord le parti qu’on pouvait tirer de ce jeune homme ardent, et la nécessité du moins de ne pas s’en faire un ennemi ; il le prit avec lui à Versailles, l’eut pendant une quinzaine pour secrétaire, Je soignai ensuite à distance, et lui imprima tellement l’idée de son génie, que, plus tard, tout à fait émancipé et en pleine révolte, Camille respecta toujours le grand tribun, alors même qu’il mêlait à l’admiration quelque insulte inévitable. […] Il dit agréablement de Brissot : « Je m’en veux d’avoir reconnu si tard que Brissot était le mur mitoyen entre Orléans et La Fayette, mur comme celui de Pyrame et Thisbé, entre les fentes duquel les deux partis n’ont cessé de correspondre. » C’est avec ces gentillesses qui seraient à peine à leur place dans un feuilleton de théâtre, que l’insensé Camille aidait de plus en plus à dépraver l’opinion et à chasser les victimes sous le couteau. Il mordrait arrogamment tous les partis jusque-là en lutte, se détruisant successivement l’un l’autre, jusqu’au jour où les derniers vaincus venaient se briser aux pieds de ses amis et aux siens : C’est ainsi que tour à tour vaincus, Maury le royaliste, par Mounier-les-deux-Chambres ; Mounier-les-deux-Chambres, par Mirabeau-le-veto-absolu ; Mirabeau-le-veto-absolu, par Barnave-le-veto-suspensif ; Barnave-le-veto-suspensif, par Brissot qui ne voulut d’autre veto que le sien et celui de ses amis ; tous ces fripons balayés des Jacobins les uns par les autres, ont enfin fait place à Danton, à Robespierre, à Lindet, à ces députés de tous les départements, montagnards de la Convention, le rocher de la République. […] » Les sentiments d’humanité prirent enfin le dessus en lui, et, les trouvant d’accord avec ses intérêts de parti, il ressaisit sa plume de journaliste pour publier (décembre 93) les premiers numéros du Vieux Cordelier.

129. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Il se rendit à Lyon, en novembre 1754, pour y conférer avec son ami le maréchal de Richelieu ; le froid accueil qu’il y reçut de l’archevêque, le cardinal de Tencin, oncle pourtant de son ami d’Argentai, lui fit sentir à quel point il était compromis en cour de France, C’est alors qu’il prit le parti de se rendre incontinent en Suisse avec sa nièce. […] Voltaire jeune a été seul, sans partisans, sans appui ; ce souvenir de sa vie si souvent brisée et agitée lui a fait sentir l’importance d’avoir à soi un parti et une armée ; il les voudrait organiser de loin sans trop aller au feu de sa personne ; il y pousse d’Alembert et ses amis. […] D’Alembert, comme tout homme de parti, sans examiner, sans discuter, entre dans la prévention de son chef et confrère. Le plus grand crime aux yeux de toute confrérie et de tout parti est de ne pas en être. […] Nous nous flattons de valoir beaucoup mieux à cet égard que les chefs de l’école encyclopédique ; je crains fort pourtant que dans toutes les coalitions et confédérations d’école, de secte et de parti, les hommes ne se ressemblent aujourd’hui comme alors, et qu’ils ne se permettent, à leur manière et dans leur mesure, autant qu’ils le peuvent et autant qu’ils l’osent, ce que se refusaient si peu Voltaire et d’Alembert.

130. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

Bossuet n’avait point paru encore ; le Discours sur l’histoire universelle n’était pas là pour apprendre au disciple de Descartes quel immense parti l’on pouvait tirer même de Josèphe et d’Eusèbe, et comment, si l’on voulait de gré ou de force tout faire rentrer en Dieu, il ne coûtait pas plus de voir en lui des actions que des idées. […] Dès lors il s’est habitué à les saisir d’un coup d’œil rapide, non plus en eux-mêmes, mais par groupes de partis et comme par rangs de générations ; et ces partis, ces générations, il les a personnifiés en idée et s’est mis à observer leur marche comme il aurait suivi la conduite d’un seul homme.

131. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bayle, et Jurieu. » pp. 349-361

Il vient à Paris ; il y fait abjuration ; parle de son livre à quelques personnes, qui lui disent que c’est un livre affreux, que l’auteur, ayant voulu ménager les protestans & les catholiques, avoit également déplu aux deux partis. […] Il écrivit & parla comme le devoit faire un homme emporté par une imagination qui prenoit feu sur tout & ne se repaissoit que de chimères ; un homme qui ne voyoit en Europe que révolutions & que carnage ; qui brigua d’être à la tête des fanatiques de son parti ; qui se mêla de présages, de miracles, de prophéties ; qui prédit qu’en l’année 1689 le calvinisme seroit rétabli en France ; qui se déchaîna contre toutes les puissances de l’Europe, & qui porta la fureur jusqu’à faire frapper des médailles qui éternisent sa démence & sa haine contre Rome & contre sa patrie. […] Le corps des pasteurs & des ministres calvinistes se rangea de son Parti.

132. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Belmontet »

pour peu que, libre de ces préoccupations de parti qui bandent les yeux aux intelligences avant de les tuer, comme on fait aux hommes qu’on fusille, on ouvre l’Histoire d’une main impartiale, on ne trouve nulle part, depuis que le monde romain a sombré, de chose humaine qui ait plus que l’Empire de Napoléon ce caractère grandiose, monumental et merveilleux, qui fait penser à l’Épopée. […] la Critique, qui reconnaît en lui de pareils dons et qui voudrait que l’homme qui les a en tirât parti davantage, comme une femme tire parti de sa beauté quand elle en a l’intelligence, la Critique, sympathique et pourtant sincère, n’a-t-elle pas le droit de regretter que l’incohérence des images, trop habituelle, vienne si souvent jeter son ombre heurtée sur des qualités faites pour être vues dans la lumière, et qui produiraient certainement l’effet imposant qu’on devrait en attendre si le poète savait les y placer et les y retenir ?

133. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Elle fut fidèle toute sa vie à cette première aventure et légende de son enfance : tout prisonnier, n’importe le parti et la cause, tout captif lui était sacré. […] Quelles qu’elles soient, les résultats n’en sont qu’affreux et sans avantage pour un parti quelconque. Si vous croyez que les républicains ont fait ce mouvement, vous voyez au petit nombre des combattants que le parti était bien minime, et les chefs de ce parti ont abandonné leurs coreligionnaires, sous prétexte qu’ils hâtaient une révolution qui manquait encore de maturité. […] Il lui reproche en un mot, et pour résumer le sens de sa lettre, d’avoir trop pris parti pour l’émeute. […] il élève la question autant que possible au-dessus de tout chauvinisme de camp ou de parti. — La lettre de M. 

134. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Cette connaissance m’a procuré celle de tout le parti français et autrichien. J’étais par cela même dans l’impossibilité de fréquenter aucune personne du parti contraire, et encore moins de ne pas rencontrer le comte Poniatowski dont vous faites tant de cas. […] Le parti du candidat donne une fête aujourd’hui : le lendemain c’est le parti saxon. […] Voilà M. le comte de Mercy et le résident de Vienne partis. […] Le Stolnik m’a dit que, si nous tirions parti de nos avantages, nous serions la plus puissante nation de l’Europe.

135. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

Le vieux parti de Louis XIV, battu partout ailleurs, prit sa revanche là où il était encore maître. […] Il dira platement du Grand Condé : « S’il eût eu la patience de M. de Turenne, et si M. de Turenne eût eu la supériorité d’esprit de M. le prince, ils n’auraient jamais pris parti contre le roi, et tous deux seraient parvenus à être de grands hommes ; au lieu qu’ayant injustement contribué à déchirer leur patrie et à lui causer de grands maux par des guerres civiles, ils ne pourront jamais être mis par les connaisseurs qu’au rang des hommes illustres. » Le bonhomme n’est pas même content de M. de Turenne, lequel n’était pas assez Aristide pour lui. […] » — On sait son mot à Mme Geoffrin qui, après une soirée passée entre eux deux en tête-à-tête, et où elle avait tiré de lui tout le parti possible, lui faisait compliment : « Je suis un mauvais instrument dont vous avez bien joué. » — Âgé de quatre-vingt-cinq ans et près de sa fin, il répondit à Voltaire qui lui demandait comment il considérait ce passage de la vie à la mort : « Comme un voyage à la campagne. » — Avec une suite de ces mots-là on ferait de lui un portrait agréable et un peu menteur. […] Rousseau, s’autorisant de l’exemple donné par ce singulier ecclésiastique, nous dit : « Un célèbre auteur de ce siècle, dont les livres sont pleins de grands projets et de petites vues, avait fait vœu, comme tous les prêtres de sa communion, de n’avoir point de femme en propre ; mais se trouvant plus scrupuleux que les autres sur l’adultère, on dit qu’il prit le parti d’avoir de jolies servantes, avec lesquelles il réparait de son mieux l’outrage qu’il avait fait à son espèce par ce téméraire engagement.

136. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

Ce n’est que depuis 1848 que M. de Montalembert, acceptant la leçon des événements, a cessé d’être un orateur de parti pour se montrer un orateur tout à fait politique. Jusque-là on l’admirait, et, à moins d’être étroitement de son parti, on ne le suivait pas. […] En répétant sans cesse : Nous autres catholiques, au lieu de dire : Nous tous catholiques, comme on faisait auparavant ; en se représentant lui et les siens comme dans un état d’oppression criante et d’isolement, il donna à penser que le catholicisme en France pourrait n’être bientôt plus qu’un grand parti, une grande secte. […] Ce fut dans la session de 1844, et à l’occasion surtout de la loi sur l’instruction secondaire, que l’orateur prit, à la Chambre des pairs, la position élevée qu’il a gardée depuis, et qu’il se posa décidément comme le chef du parti catholique, le défenseur et un peu le conducteur du clergé et de l’épiscopat français tout entier.

137. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

Les écoles politiques du xixe  siècle ont ce caractère général d’être plutôt des partis que des écoles : nées des événements et mêlées aux événements, elles n’ont guère cette impartialité abstraite qui caractérise la science ; et par la même raison, elles ont laissé ou laisseront peu de ces ouvrages mémorables et éternels, qui survivent aux passions d’un temps. […] En général, elle était moins une école qu’un parti. […] Mais dans cette seconde période, l’école socialiste s’est encore renfermée dans des constructions spéculatives : elle est restée plus ou moins en dehors des partis politiques : Saint-Simon se disait royaliste ; l’école phalanstérienne était conservatrice en politique. […] Rossi, M. de Sismondi, M. de Tocqueville, le premier se rattachant à l’école doctrinaire, le second à l’école libérale, le troisième à l’école démocratique, mais tous trois avec indépendance, et plus soucieux de s’entendre avec eux-mêmes que de plaire à telle secte ou à tel parti.

138. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

L’auteur paraît l’avoir senti, et cherche à prendre un parti mitoyen entre les deux systèmes ; mais les raisonnemens où il s’embarque, sont entièrement inintelligibles. […] La Fontaine tire un parti ingénieux du ton qu’il vient de prêter au bœuf, c’est de le faire appeler déclamateur par l’homme qui lui reproche de chercher de grands mots : tout cela est d’un goût exquis. […] La répétition de ce mot volontiers est pleine de grâces ; et ce vers : Volontiers gens boiteux haïssent le logis, fait voir comment La Fontaine sait tirer parti des plus petites circonstances. […] Il est aisé de reconnaître l’auteur des Maximes dans la comparaison du gâteau ; mais il aurait dû dire à La Fontaine qu’il n’en avait pas tiré le meilleur parti possible.

139. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

C’est un politique expliquant tous les faits qu’il raconte par la nature des institutions, par le rôle des partis, par le conflit des intérêts et le jeu des passions, par l’éloquence des hommes d’État et la tactique des hommes de guerre. […] La volonté des individus ou des partis, voilà les obstacles ou les auxiliaires dont se préoccupe la prudence de ces personnages. […] Il suffisait d’un discours, d’une émeute, d’une conspiration pour changer ces destinées, pour lui imposer la tyrannie ou lui rendre la liberté, pour amener le triomphe d’un parti. […] Où Thucydide avait mis en jeu les partis et les institutions politiques, nos historiens font intervenir les causes géographiques, économiques, ethnographiques, qui expliquent l’avènement et la durée de ces institutions et de ces partis. […] C’est la science historique de notre temps qui a fait comprendre comment Rome légiste, militaire et conquérante, a dû commencer par une espèce de monarchie, puis se développer en une république aristocratique pour finir par l’empire des Césars, tout cela en vertu de nécessités supérieures qui ont dominé l’action des individus et des partis.

140. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Les hugolâtres se scandaliseront de ce qu’une critique impie, ose porter la main sur leur idole : mais qu’ils en prennent leur parti. — La critique historique ne cherche pas à plaire et ne craint pas de déplaire. […] Ils oublient qu’un fils de vendéen, M. de  Rochejacquelein, enrôlé dans le Sénat du second Empire, répondit cavalièrement à de semblables reproches : « Il n’y a que les imbéciles qui ne changent jamais. » Le poète, incapable de ce dédain aristocratique, ne lança jamais au parti qu’il désertait cette impertinente excuse : mais il voulut expliquer aux républicains pourquoi il avait été royaliste. […] Hugo a dû ne savoir à quelle excuse se vouer, pour en arriver à prêter à sa mère défunte, des opinions en contradiction si flagrante avec les actes de sa vie et à nous la montrer traître au parti, traître au roi pour qui elle aurait affronté la mort. […] L’insulte faite par l’ambassade d’Autriche, aux maréchaux Soult et Oudinot, indigna si fortement l’armée et la cour, que les Débats et les journaux royalistes prirent leur défense, en écrivant l’Ode à la Colonne, il obéissait au mot d’ordre donné par le parti royaliste. […] « L’Edinburgh Review, écrit-il, s’est complètement trompé en faisant de Lamartine le poète du parti ultra… le véritable poète du parti, c’est M. 

141. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

La prise de La Rochelle, qui semblait devoir ôter tout espoir au parti, fut pour Rohan une raison de redoubler d’efforts et de zèle. […] Cette dernière nouvelle et celle de la prise de Privas, avec les rigueurs qui y furent exercées sur les vaincus, commencèrent seulement à lui abaisser les cornes, dit Richelieu ; et alors, prévoyant le terme prochain de la lutte, il déploya toutes ses ressources et ses expédients, il redoubla d’activité et multiplia les belles escarmouches pour finir au moins décemment, pour être compté jusqu’au bout et obtenir le plus de garanties qu’il pourrait à la généralité du parti. […] Il en fait assez pour que l’on consente à entendre à une paix générale : « Je fis savoir à la Cour (c’est-à-dire au quartier du roi) que je mourrais gaiement, avec la plupart de tout le parti, plutôt que de n’obtenir une paix générale ; qu’il était dangereux d’ôter tout espoir de salut à des personnes qui ont les armes à la main ; que je ne la traiterais jamais tout seul… » Le roi écoutait les propositions avec plaisir ; mais le cardinal confesse, dans ses mémoires, avoir fort hésité à cette heure sur ce qu’il conseillerait à son maître : tout lui disait qu’on allait avoir raison des rebelles et de leur chef par la force, ce qui était fort de son goût, et qu’ils seraient réduits, après un prochain échec infaillible, à demander merci : la prudence toutefois l’emportant sur l’humeur, et cette idée que Rohan dans sa proposition de paix cette fois était sincère, lui firent conseiller de traiter. […] Un autre lieutenant, Landé, était pour qu’on en restât là, vu la lassitude des troupes et le manque de pain ; ce parti fut accueilli par Rohan. […] Et puis il tenait par ses parentes au parti des « dames brouillonnes de la Cour », comme les appelle Richelieu (songeant à la duchesse de Chevreuse) ; on pouvait l’impliquer dans leurs intrigues plus qu’il n’aurait voulu.

142. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

— j’ai pensé souvent à ces deux noms, à ces deux jeunes hommes bien regrettables, si tôt enlevés, un peu trop vantés sans doute, mais qui, en vivant, eussent justifié une bonne partie des louanges ; et ces louanges anticipées ou exagérées s’expliquent naturellement par la mort, par l’impression d’une perte soudaine et sensible, et parce que, tous deux, ils sont tombés entre les bras de leurs amis qui sont tout un parti et tout un corps, — le corps universitaire, le parti religieux. […] Saint-Marc Girardin avait tiré parti de ce roman vertueux dans l’une de ses leçons en Sorbonne ; il avait déclaré admirables en effet les lettres de Palombe, et avait moralisé à ravir sur ce thème de la femme délaissée ; mais ce n’était pas à dire qu’il fallût prendre au pied de la lettre cet ingénieux paradoxe qui n’avait qu’un éclair de sérieux, et réimprimer le livre même. […] Il serait peu bienséant de les défendre contre lui, quoiqu’il fasse pénitence tous les lundis de les avoir partagées ; mais enfin, au début, la réforme littéraire était assez sage, comme le sont les réformes qui commencent… Quand les partis auront achevé de désarmer, quand les opinions seront tout à fait calmes, l’heure et le jour viendront alors, — l’heure bienveillante et le jour favorable. […] Je me suis vu, à ses débuts, l’objet de ses malices entremêlées de douceurs ; il me ballottait, il avait bien envie d’en faire plus ; le sujet lui semblait appétissant ; assez longtemps il hésita : puis, tout bien considéré, un jour il prit le parti de ne pas déclarer la guerre et d’offrir gracieusement l’olivier.

143. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

Les partis, à l’heure du délire et en fait d’abominations, ne se doivent rien les uns aux autres. […] On voyait en première ligne, en tête de ces partisans des rigueurs salutaires, un Bonald, à l’air respectable et doux, métaphysicien inflexible et qui prenait volontiers son point d’appui, non pas dans l’ancienne monarchie trop voisine encore à son gré, mais par-delà jusque dans la politique sacrée et dans la législation de Moïse : oracle du parti, tout ce qu’il proférait était chose sacro-sainte, et quiconque l’avait une fois contredit était rejeté à l’instant, répudié à jamais par les purs ; — un La Bourdonnaie, l’homme d’action et d’exécution, caractère absolu, dominateur, un peu le rival de Bonald en influence, mais non moins dur, et qui avec du talent, un tour d’indépendance, avec le goût et jusqu’à un certain point la pratique des principes parlementaires, a eu le malheur d’attacher à son nom l’inséparable souvenir de mesures acerbes et de classifications cruelles ; — un Salaberry, non moins ardent, et plus encore, s’il se pouvait ; pamphlétaire de plume comme de parole, d’un blanc écarlate ; — un Duplessis-Grenedan, celui même qui se faisait le champion de la potence et de la pendaison, atroce de langage dans ses motions de député, équitable ailleurs, par une de ces contradictions qui ne sont pas rares, et même assez éclairé, dit-on, comme magistrat sur son siège de justice ; — M. de Bouville, qui eut cela de particulier, entre tous, de se montrer le plus inconsolable de l’évasion de M. de Lavalette ; qui alla de sa personne en vérifier toutes les circonstances sur les lieux mêmes, et qui, au retour, dans sa fièvre de soupçon, cherchait de l’œil des complices en face de lui jusque sur le banc des ministres ; — et pour changer de gamme, tout à côté des précédents, cet onctueux et larmoyant Marcellus, toujours en deuil du trône et de l’autel, d’un ridicule ineffable, dont quelque chose a rejailli jusqu’à  la fin sur son estimable fils ; — et un Piet, avocat pitoyable, qui, proposant anodinement la peine de mort pour remplacer celle de la déportation, disait, dans sa naïveté, qu’entre les deux la différence, après tout, se réduisait à bien peu de chose ; ce qui mettait l’Assemblée en belle humeur et n’empêchait pas le triste sire de devenir bientôt, par son salon commode, le centre et l’hôte avoué de tous les bien pensants ; — et un Laborie que j’ai bien connu, toujours en quête, en chuchotage, en petits billets illisibles, courtier de tout le monde, trottant de Talleyrand ou de Beugnot à Daunou, mêlé et tripotant dans les journaux, pas méchant, serviable même, mais trop l’agent d’un parti pour ne pas être inquiétant et parfois nuisible. Il y avait des niais et quelques sots panachés dont je ne parle pas, ils vivent peut-être encore ; puis, à côté, les malins : — et ce Vitrolles, hardi, osé, peu scrupuleux, qui avait un pied dans les camps les plus opposés, qui visait à un premier rôle, qui jouait son va-tout sur une seule carte, la confiance intime de Monsieur ; qui perdit et qui se fera beaucoup pardonner un jour en jugeant dans ses Mémoires avec esprit les gens qui l’ont mal payé de son zèle ; — et Michaud ; engagé parmi les violents du parti, on ne sait trop pourquoi, si ce n’est parce qu’il s’en était mis de bonne heure et de tout temps ; raisonnable et même assez philosophe dans ses écrits historiques et dans ses livres, incorrigible dans ses feuilles ; de qui Napoléon avait dit que c’était « un mauvais sujet » ; avec cela homme d’esprit et les aimant, indulgent même pour la jeunesse ; journaliste avant tout et connaissant son arme, muet dans les assemblées et pour cause, avec un filet de voix très-mince, un rire voltairien, et qui passa sa vie à se rendre compte des sottises qu’il favorisait, qu’il provoquait même, et qu’il voyait faire41. […] Ces deux personnages dont on s’accoutuma de bonne heure à unir les noms faisaient leur chemin par les bureaux et conquéraient leur crédit dans le travail des commissions ; ils s’y montrèrent les plus capables et devinrent dès lors les hommes d’affaires du parti.

144. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Béranger, en faisant vibrer la corde de la gloire, faisait vibrer du même doigt la corde de cet innombrable parti. […] Nous pouvons donc rester fidèles à nos sentiments et à nos convictions sans nuire au pays ; mes sentiments et mes convictions sont également opposés à ce qui a été fait par votre parti et accepté par vous en juillet 1830. […] Revenons à son grand rôle dans la révolution de 1830 et à l’explication qu’il donnait volontiers de ce rôle tant reproché par les impatients de son parti. […] Ce parti qui voulait bien substituer son orgueil plébéien au vieil orgueil aristocratique, mais il ne voulait pas élever le peuple à sa hauteur par une égalité périlleuse. […] Une telle contradiction entre le nom d’un prince du sang et son rôle de roi révolutionnaire faisait du duc d’Orléans un instrument de parti, votre complice, mais n’en faisait pas un vrai roi.

145. (1875) Premiers lundis. Tome III « Armand Carrel. Son duel avec Laborie »

Avant de pouvoir prétendre à aucune célébrité, à aucune importance dans son parti, il n’a pas craint les échafauds de la Restauration. […] Il lui eût été facile de détruire l’effet de ces lâches insinuations, même auprès des intelligences les plus faibles et les plus prévenues, s’il avait poursuivi le parti vaincu de grossières injures ou de sarcasmes cruels ; mais il y avait trop de noblesse dans sa nature pour un pareil rôle.

146. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racine, et Pradon. » pp. 334-348

Madame de Sévigné, à qui la langue est redevable d’avoir un caractère de plus, cette femme unique pour le stile épistolaire & pour conter agréablement, dit toujours que Racine n’ ira pas loin  : c’est qu’elle le desiroit, ainsi que tous ceux de son parti, lequel, à la honte des talens & de la raison humaine, fut très-nombreux. […] Madame Deshoulières étoit l’ame de ce parti. […] Un parti ne cherchoit qu’à décrier l’autre, qu’à l’écraser.

147. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

… » Mais il n’avait pas mesuré son expression, et une telle parole, tombant du haut de la tribune, prête beaucoup trop à la déclamation des partis. […] Le nom de Camille Jordan y était devenu l’enseigne d’un parti et le point de mire des risées ou des haines. […] Ce qui m’y plaît c’est Villers, à qui je trouve vraiment beaucoup d’esprit, et je vous recommande de tirer parti de cet esprit cet hiver : il a toutes les idées du nord de l’Allemagne dans la tête. […] Son rôle pendant ces quatre années peut se diviser en deux temps fort distincts : dans toute la première période, il est avec le ministère ; il appuie le gouvernement, car le gouvernement à cette époque avait à lutter contre un parti et contre une faction. Mais du moment que le gouvernement recule et dévie, qu’il rouvre la porte à ce parti de la réaction, à ce funeste parti de 1815, malheureusement plus vivace en France qu’on ne l’aurait cru, et qu’il lui concède une influence croissante dans les conseils et dans la proposition des lois, Camille Jordan se retire ; il reprend sa place à la tête de l’opposition, et d’une opposition qui, pour être dynastique et royaliste, n’en est pas moins énergique et vive.

148. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Et je partis. […] En 1848, il se repentit de son repentir, et alla mourir vaincu, on ne sait dans quel parti, en Portugal ; la révolution en fit un héros de circonstance. […] Et cependant ce n’était que la moitié de la France, car la France n’est jamais tout entière que dans la guerre ; dans sa diplomatie et dans ses parlements, elle ne montre jamais que la moitié de ses capacités, tant elle est divisée en deux fractions par les partis qui la déchirent. Les Talleyrand, les Foy, les orateurs, étaient opposés par esprit de parti à la guerre d’Espagne ; M. de Montmorency, M. de Chateaubriand, seuls la voulaient, avec les amis des Bourbons. […] La nature avait fait en lui un poète de décadence dans une prose qui était le récitatif de la poésie, un orateur d’académie ; elle en avait fait, au contraire, un homme d’État de premier rang et de première influence, nié par les partis et perverti par ses propres rancunes.

149. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Juger, c’est n’incliner pour aucun parti ; la femme incline toujours du côté du cœur, madame de Staël inclinait nécessairement du côté de son père. […] On voit souvent ce phénomène dans les révolutions au moment où les partis fatigués ou impuissants ont besoin de se mentir à eux-mêmes et aux autres, pour feindre une transaction nécessaire à tous, et pour attendre une occasion de rompre la trêve. […] Octave de Ségur, parti pour rejoindre, comme aide de camp, le maréchal, à Lons-le-Saulnier, sa réponse était un sourire d’une tristesse inexprimable, elle serra longtemps la main de M. de Lafayette, et lui dit devant deux amis qui mêlaient leurs vœux aux siens. « Dans ce cahot prochain, vous devez demeurer, vous devez paraître, pour résister au nom du droit et représenter 1789. […] « Madame de Staël fit encore quelques adieux plus marqués ou plus intimes que les autres à madame de Rumfort, qui, malgré son calme ordinaire et sa philosophie de personne riche et invulnérable, commençait à s’agiter un peu de l’inquiétude universelle ; elle dit : « Restez tranquille ici, vous, chère madame, vos noms vous protégent, votre maison sera parfois comme a été la mienne, l’hospice des blessés politiques de tous les partis. […] Le cynisme fut avéré, le motif inconnu ; mais ce qu’il y a de plus inexplicable pour les hommes qui n’ont pas sondé jusqu’au scandale les impudeurs de l’esprit de parti, c’est que ce même Benjamin Constant devint, trois mois après, un des bienvenus de la seconde restauration des Bourbons ; puis quelques années plus tard, la voix, l’oracle et le modèle des puritains de la liberté ; puis le complice rémunéré de la révolution de 1830 ; puis une renommée de secte ; puis une mémoire apprenant à tout mépriser dans les temps de partis, même l’estime des hommes.

150. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Si, sur ces entrefaites, son ami l’incomparable M. de Saumaise écrit « en faveur du roi d’Angleterre contre les Anglais qui lui ont coupé la tête », Gui Patin en parle comme ferait un pur et un fidèle : « Pour les Anglais, si vous en exceptez un petit nombre d’honnêtes gens, je leur souhaite autant de mal qu’ils en ont fait à leur roi. » Si son autre ami, et bien plus intime, Gabriel Naudé, écrit en faveur de Mazarin son volume dit Le Mascurat, il prend sur lui de ne point blâmer le livre, mais il fait aussitôt ses réserves en ajoutant : « C’est un parti duquel je ne puis être ni ne serai jamais. » La première Fronde, même après qu’elle est terminée et manquée, a tout son assentiment et son éloge : « Ceux qui décrient le parti de Paris en parlent avec passion et ignorance : c’est un mystère que peu de monde comprend. […] Il n’hésite pas à déclarer et à maintenir jusqu’au bout le parti des Frondeurs, celui des plus honnêtes gens qui soient aujourd’hui, « et, pour le certain, reliquiae aurei seculi. Je prie Dieu qu’il donne de la force et de la constance à ce parti, qui est le vrai ennemi de la tyrannie ». […] Il croit qu’il y a un parti des honnêtes gens dont il est, et de l’autre il place ses adversaires, Guenault en tête, les chimistes et empiriques, médecins de cour et « enjôleurs de belles dames », avides de lucre à tout prix. […] M. de Lamoignon, fort jeune alors, était tellement du parti de Pompée, qu’il témoigna de la joie à Gui Patin de l’en voir également.

151. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Le père Maurice, en entamant ce propos, avait déjà quelqu’un en vue : c’est une veuve, assez riche, qui demeure à quelques lieues de là, et qu’on dit être un bon parti. […] Bref, il faut bien prendre le parti de s’arrêter et de bivouaquer, d’autant plus que la Grise, dans un moment d’impatience, a cassé ses sangles et s’est sauvée seule, au galop, à travers la forêt. […] Dans sa vie de pauvre bergère aux champs, n’a-t-elle pas appris à se suffire avec rien, à tirer parti de tout ? […] Il en est ainsi de tous les progrès, il faut en prendre son parti. » Mme Sand ici ne le prend pas. […] Mon seul conseil, mon seul vœu, c’est qu’un tel talent s’ouvre des voies et crée des genres tant qu’il lui plaira, mais qu’il ne serve jamais un parti.

152. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Catherine a lu dans l’avenir, et elle a pris son parti de bonne heure ; on l’entrevoit d’après son récit. […] Ce dernier parti me parut le plus sûr. […] La disgrâce de Bestoucheff, avec qui elle se trouvait, à quelque degré en liaison et en intelligence, fit redoubler autour d’elle les précautions, les entraves, et la porta un moment à un parti qui semblait désespéré : c’était de demander tout net à l’Impératrice son renvoi de Russie et de mettre en quelque sorte le marché à la main à ceux qui la persécutaient. […] — Le style, non pas étranger, mais un peu vieux, en est encore plus gaulois que français : « Du reste, mon parti était pris, et je regardais mon renvoi ou non-renvoi d’un œil très-philosophique ; je ne me serais trouvée, dans telle situation qu’il aurait plu à la Providence de me placer, jamais sans ces ressources que l’esprit et le talent donnent à chacun selon ses facultés naturelles, et je me sentais le courage de monter ou descendre, sans que par là mon cœur et mon âme en ressentissent de l’élévation ou ostentation, ou, en sens contraire, ni rabaissement, ni humiliation.

153. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

On ne sait plus ce qui doit fixer l’appréciation des hommes ; les calomnies commandées par l’esprit de parti, les louanges inspirées par la terreur ont tout révoqué en doute, et la parole errante frappe l’air sans but et sans effet. […] À plusieurs époques de notre révolution, les sophismes les plus révoltants remplissaient seuls de certains discours ; les phrases de parti, que répétaient à l’envi les orateurs, fatiguaient les oreilles et flétrissaient les cœurs. […] Les individus des mêmes partis, liés entre eux par des intérêts d’une importante solidarité, se sont accoutumés en France à ne regarder les discours que comme le mot d’ordre qui doit rallier des soldats servant dans la même cause. […] Les factions servent au développement de l’éloquence, tant que les factieux ont besoin de l’opinion des hommes impartiaux, tant qu’ils se disputent entre eux l’assentiment volontaire de la nation ; mais quand les mouvements politiques sont arrivés à ce terme où la force seule décide entre les partis, ce qu’ils y adjoignent de moyens de parole, de ressources de discussion, perd l’éloquence et dégrade l’esprit au lieu de le développer.

154. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

Malheureusement La Fontaine, et en cela il se sépare de Boileau et de Racine, qui l’un et l’autre protégèrent jusqu’à la fin leur ami, au moins par leur silence, finit, dans la suite de la querelle, par épouser le parti de l’Académie. […] La pacification du royaume, fatale aux princes, qu’elle avait fait descendre des rôles de chefs de parti et de souverains aux charges d’intendants de provinces et de commandants militaires, avait aidé à la marche ascendante de la bourgeoisie. […] Furetière, d’ailleurs, ne s’est pas toujours borné, ainsi qu’on a voulu le faire croire, à critiquer les vices et les ridicules particuliers à son temps : le Tarif des partis sortables en mariage, l’Inventaire de Mytophilacte et la Somme dédicatoire, où se trouve formulée l’idée de l’association des gens de lettres telle que nous l’avons aujourd’hui, sont de la satire générale et éternelle. […] Racine le jour que la chose devoit être décidée ; mais, voyant que le gros de l’Académie prenoit parti pour la négative, lui seul osa parler ainsi à cette compagnie : « Messieurs, il y a trois choses à considérer ici : Dieu, le public et l’Académie.

155. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. LOUIS DE CARNÉ. Vues sur l’histoire contemporaine. » pp. 262-272

Elle ne s’adressait pas au gros du siècle, à la masse de la jeunesse et de la population, que des affections et des croyances contraires entraînaient bien au delà ; mais, au sein du parti religieux et royaliste, elle cherchait à convaincre quelques esprits moins immobiles, moins irrémissiblement voués à l’entière tradition du passé, quelques âmes élevées et judicieuses, pures d’ambition, amoureuses de la vérité, et ne désespérant pas de la Providence, même dans des voies un peu nouvelles. Sous la Restauration, cette école, on le conçoit, dut avoir une bien insensible influence là où elle s’adressait ; les engagements étaient pris, les intérêts et les passions en jeu ; au milieu de ces clameurs aigres et retentissantes du parti, de ces voix de vieillards incurables et fanatiques, il y avait peu de place pour les calmes conseils de quelques jeunes hommes. […] Comme toute la politique du Correspondant et comme celle de la Revue européenne, le livre de M. de Carné s’adresse particulièrement aux hommes qui formaient le parti de droite ; c’est d’eux surtout et des lumières propres à les ramener qu’il se préoccupe ; c’est à leurs préjugés historiques ou théoriques qu’il oppose, en chacune de ses pages, une plus juste raison des faits ou une argumentation qui tend à concilier avec les grands principes de la tradition catholique et romaine les résultats acquis de la civilisation moderne et de la révolution de 89.

156. (1874) Premiers lundis. Tome II « Quinze ans de haute police sous Napoléon. Témoignages historiques, par M. Desmarest, chef de cette partie pendant tout le Consulat et l’Empire »

Desmarest pense que le parti de la Restauration a peut-être plus gagné à la mort de Moreau en 1813, qu’il n’a perdu à celle de Georges et de Pichegru. […] Les suicides de Pichegru et du capitaine Wright, que la crédulité et l’esprit de parti ont voulu transformer en assassinats politiques, obtiennent de M.  […] Ainsi, par exemple, en ce qui concernait les attentats et guet-apens dont il pouvait être victime, Bonaparte avait vu de bonne heure qu’il n’y avait pas de moyen sûr d’y parer, si cela devait être : il avait donc pris le parti, non pas de s’étourdir là-dessus, mais de n’y point songer, de s’affranchir de toute émotion pénible à ce propos, et d’en faire abstraction totale : et ce qu’il avait décidé, il le tint.

157. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXII. Des panégyriques latins de Théodose ; d’Ausone, panégyriste de Gratien. »

Cet esprit actif et querelleur des Grecs, l’anarchie, l’indépendance, la curiosité inquiète, la fureur d’expliquer par la raison ce qui est au-dessus de la raison, la fureur plus grande encore d’avoir un parti et de dominer, opposait les opinions aux opinions et les erreurs aux erreurs. […] Gratien, qui eut de la faiblesse et du zèle, qui posséda peut-être le courage militaire, mais à qui le courage d’esprit et les talents manquèrent, que les écrivains d’un parti ont comparé aux meilleurs princes, que ceux du parti contraire ont comparé à Néron ; Gratien, dont le plus grand mérite peut-être est d’avoir, élevé Théodose à l’empire, et qui, après un règne de huit ans, mourut à vingt-quatre, vaincu à Paris et assassiné à Lyon, eut aussi ses panégyristes.

158. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 387-391

Palissot a réparé depuis cette injustice, en convenant, dans la derniere édition de ses Œuvres, que M. l’Abbé Trublet ne manquoit ni d’esprit ni même d’une certaine finesse ; & que, si au lieu de marquer du respect pour la Religion & les mœurs, il se fût jeté dans le parti de la nouvelle Philosophie, il eût eu son Brevet de célébrité comme tant d’autres ; peut-être même, ajoute-t-il, en eût-on fait un homme de génie. […] Il dit, entre autres choses, de ce dernier : « La confusion & le repentir l’ont jeté dans le parti des Convulsionnaires & achevé d’aliéner sa raison.

159. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Rejeté vers la politique, il écrivit un pamphlet whig, les Dissensions d’Athènes et de Rome, reçut de lord Halifax et des chefs du parti vingt belles promesses, et fut planté là. […] Il les écrasa tous, mit le pied sur leur parti, s’abreuva du poignant plaisir de la victoire. […] Pour comprendre ce que devint l’une, il faut comprendre ce qu’était l’autre : l’art dépendit des affaires, et l’esprit des partis fit l’esprit des écrivains. […] Voilà nos deux partis, fort anciens, comme chacun sait, fort peu graves, comme chacun voit. […] Il ne parle pas à des raisonneurs, mais à un parti ; il ne s’agit pas pour lui d’enseigner une vérité, mais de faire une impression ; il n’a pas pour but d’éclairer cette partie isolée de l’homme qu’on appelle l’esprit, mais de remuer cette masse de sentiments et de préjugés qui est l’homme réel.

160. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Voix intérieures » (1837) »

Le foyer, qui est notre cœur même ; le champ, où la nature nous parle ; la rue, ou tempête, à travers les coups de fouet des partis, cet embarras de charrettes qu’on appelle les événements politiques. […] Il faut enfin que, dans ces temps livrés à la lutte furieuse des opinions, au milieu des attractions violentes que sa raison devra subir sans dévier, il ait sans cesse présent à l’esprit ce but sévère : être de tous les partis par leur côté généreux, n’être d’aucun par leur côté mauvais.

161. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

Non, — il les désavouait pour leurs crimes, pour leur inhumanité, mais il sentit en même temps ce qu’il y avait dans quelques-uns des plus fameux d’essentiellement patriotique, d’héroïque et d’invincible. « Et, après tout, comme il le disait un jour, parlant à Chateaubriand lui-même, ç’a été une bataille où chaque parti a eu ses morts. » Et le plus affreux de la crise passé, aux différentes phases du décours, comme il touche à point les moments essentiels, les occasions irréparables et fugitives ! […] C’était dans l’émigration la portion instruite, acceptant la Charte par nécessité, mais ayant pour les choses de l’esprit un goût aussi ancien que la noblesse française ; c’étaient, parmi les amis de la liberté, des hommes nouveaux, acceptant les Bourbons comme les autres la Charte, par nécessité, mais très disposés à recevoir la liberté de leurs mains, et résolus à leur être fidèles s’ils étaient sincères ; c’étaient, dans les partis mécontents, les révolutionnaires, les militaires, les partisans de l’Empire, se déguisant en amis de la liberté, et le devenant sans s’en apercevoir. […] Le retour de l’île d’Elbe, les préparatifs de la campagne de 1815, et cette fatale journée de Waterloo dont il reste à dégager du moins la gloire lugubre, et sur laquelle nous croyons savoir qu’entre les partis contradictoires M. 

162. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

Je reconnais le talent, et je n’accuserai pas le patriotisme de leurs auteurs ; l’esprit de parti a fait de tout temps d’étranges illusions au patriotisme. […] Seulement elle n’en aura pas pour longtemps ; et au bout de quelques mois de séjour, tout le parti qu’on peut tirer d’une petite île pour y créer le mécanisme de la civilisation étant épuisé, il n’y aura plus qu’à y mourir d’ennui ou à en sortir par une héroïque aventure. […] Son parti est pris ; il ne s’en ouvre d’abord qu’à sa mère, venue là pour partager son destin et vivant auprès de lui.

163. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

Les siècles et la philosophie ont épuisé ce sujet, et ce que j’ai dit sur l’esprit de parti est applicable à cette frénésie comme à toutes celles causées par l’empire d’une opinion ; ce n’est pas non plus de ces idées religieuses, seul espoir de la fin de l’existence dont je veux parler. […] La vie se passe au-dedans de soi, les circonstances extérieures ne sont qu’une manière d’exercer un sentiment habituel ; l’événement n’est rien, le parti qu’on a pris est tout, et ce parti, toujours commandé par une loi divine, n’a jamais pu coûter un instant d’incertitude.

164. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Vte Maurice De Bonald »

Il a dû lui coûter beaucoup, à ce royaliste plus haut que son parti, d’écrire les choses qu’il a écrites (il faut bien le dire !) […] quand on a l’honneur de porter le nom de Bonald, on est trop profondément religieux pour ne pas croire aux mystères et aux réserves de la Providence ; seulement, si, comme l’a dit un historien réputé grand, « ce qui corrompt le plus les partis, c’est leur espérance », Maurice de Bonald a voulu, du moins, épargner au sien cette corruption-là. […] Ce livre n’a été écrit dans l’intérêt d’aucun parti, pas même celui de l’auteur.

165. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Voilà déjà trois générations, ce me semble, qui se succèdent et dans lesquelles un nombre assez considérable d’esprits partis de points de vue fort différents se sont fait de Voltaire une assez juste idée, mais une idée qui est restée dans la chambre entre quelques-uns et qui a toujours été remise en question par la jeunesse survenante ; car les jeunes gens, à leur insu, au moment où ils entrent activement dans la vie, cherchent plutôt dans les hommes célèbres du passé et dans les noms en vogue des prétextes à leurs propres passions ou à leurs systèmes, des véhicules à leurs trains d’idées et à leurs ardeurs : soit qu’ils les épousent et les exaltent, soit qu’ils les prennent à partie et les insultent, c’est eux-mêmes encore qu’ils voient à travers ; c’est leur propre idée qu’ils saluent et qu’ils préconisent, c’est l’idée contraire qu’ils rabaissent et qu’ils rudoient. […] Qui voudrait recueillir dans les correspondances du temps les mots et les jugements de Mme Du Deffand, du président Hénault et autres de ce monde-là sur Voltaire, les jugements du président de Brosses, de Frédéric, de Mme de Créqui (j’en ai donné des échantillons), quiconque ferait cela aurait l’idée d’un Voltaire vrai, non convenu, non idéalisé et ennobli par l’esprit de parti, et auquel on laisserait toutefois la gloire entière de ses talents. […] Cependant il avait contre lui au fond, même dans le parti de la philosophie dès lors triomphant, les disciples et les sectateurs de ce Rousseau qu’il avait méconnu et outragé. […] L’homme et l’écrivain chez Voltaire sont parfaitement définis et connus, ou du moins peuvent l’être : le combattant et le chef de parti Voltaire continue toujours. […] Mais, même lorsqu’il fut devenu ce qu’il n’aurait pu dans aucun cas s’empêcher d’être, le roi des poètes de son temps et le chef du parti philosophique, même alors Voltaire avait des regrets et des habitudes d’homme de société, d’auteur de société, et qui n’aurait voulu rester que cela.

166. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

C’était une époque de partis, soit ; mais les partis y nourrissaient des doctrines ardentes, fécondes, et à beaucoup d’égards généreuses. […] La Restauration, qui avait des traditions banales de protection des arts et des lettres, n’a presque jamais su les appliquer avec quelque discernement et quelque élévation ; elle demandait avant tout qu’on fût d’un parti, et ce parti rétrécissait tout ce qu’il touchait. […] On sait ce qu’il est devenu au sein de son triomphe, depuis la désorganisation des partis.

167. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Il en prit son parti et se mis à l’étude avec vigueur, déterminé comme César à n’être le second en rien, pas même en Sorbonne. […] Il nous a expliqué, avec une franchise que rien n’égale, les moyens qu’il prit pour se procurer de la considération dans le clergé et de la faveur parmi ses ouailles, non seulement à titre d’homme de parti, mais en qualité d’archevêque, et cela sans se rien retrancher de ses vices secrets et de ses faiblesses. […] Le parti janséniste, alors florissant, lui fut très propice : « J’estimais beaucoup les dévots, dit-il, et, à leur égard, c’est un des plus grands points de la piété. » Il n’y mettait pas d’hypocrisie proprement dite, car c’est un vice qui avilit ; mais il profitait du désordre des temps, des dispenses d’une situation extraordinaire, tout en s’appuyant des préventions qui muraient les esprits. […] Il était persuadé « qu’il faut de plus grandes qualités pour former un bon chef de parti que pour faire un bon empereur de l’univers ». Ce titre de chef de parti était ce qu’il avait toujours honoré le plus dans les Vies de Plutarque, et quand il vit que les affaires s’embrouillaient, au point de lui en laisser venir naturellement le rôle, il en ressentit un chatouillement de sens et un mouvement de gloire qui semble indiquer qu’il ne concevait rien de plus beau ni de plus délicieux au-delà.

168. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

» Sérieusement, il n’était encore d’aucun parti à cette date de fureur presque universelle et d’incandescence. […] Dans cette formation du parti libéral où il entrait alors tant d’éléments divers, Courier reste ce qu’il était de tout temps, le plus antibonapartiste possible, ennemi des grands gouvernants, se faisant l’avocat du paysan, l’homme de la commune, prêchant l’économie, parlant contre la manie des places, voulant de gouvernement le moins possible, faisant des sorties contre la Cour et les gens de cour toutes les fois qu’il y a lieu, méconnaissant ce qu’il y a eu de grand, d’utile, de nécessaire dans l’établissement des Louis XIV, des Richelieu, des grands directeurs de nations, disant en propres termes, pour son dernier mot et son idéal : « La nation enfin ferait marcher le gouvernement comme un cocher qu’on paie, et qui doit nous mener, non où il veut, ni comme il veut, mais où nous prétendons aller, et par le chemin qui nous convient » ; disant encore, et cette fois plus sensément : Il y a chez nous une classe moins élevée (que les courtisans), quoique mieux élevée, qui ne meurt pour personne, et qui, sans dévouement, fait tout ce qui se fait ; bâtit, cultive, fabrique autant qu’il est permis ; lit, médite, calcule, invente, perfectionne les arts, sait tout ce qu’on sait à présent, et sait aussi se battre, si se battre est une science. […] Il se fait donc, et ici bien sincèrement, je le crois, aussi paysan et aussi manant que possible, et, son parti une fois pris, il va le défendre vertement et joliment, dans une langue polie, courte, sans article, saccadée et scandée, alerte et pénétrante. […] Quelques personnes voudraient que je fusse député et y travaillent de tout leur pouvoir. » Son bon sens pourtant lui disait qu’il ne convenait à aucun parti, et on lui doit cette justice qu’il craignait de s’engager dans aucune cabale. […] Ce ne fut qu’au mois de juin 1830 que le mystère cessa, et qu’il dut être clair pour tous que cette mort n’était point un coup de parti ni une vengeance politique, mais quelque chose de plus simple et de plus commun, le guet-apens et le complot de domestiques grossiers, irrités et cupides, voulant en finir avec un maître dur et de caractère difficile.

169. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

On a souvent essayé, dans les représailles de partis, de s’armer contre lui de quelques opuscules qu’il publia alors4. […] Enfant, dans les voyages presque annuels qu’il faisait à Boulogne-sur-Mer, j’ai eu plus d’une fois le plaisir d’entendre au dessert son odyssée : et, ce qui me frappait déjà chez un homme qu’on était accoutumé à considérer comme un des chefs du parti royaliste et religieux, c’est qu’il ajoutait que dans sa prison, et se croyant à la veille de périr, il avait fait demander et avait lu, comme livre de consolation, les Essais de Montaigne. […] On voit déjà les qualités et les défauts que ce parti amène avec soi. […] Après avoir donné dans les vivacités de 1815 et avoir servi le mouvement du parti ultraroyaliste soit au-dehors, soit au-dedans du pouvoir, jusque vers le moment où M. de Chateaubriand rompit avec M. de Villèle, La Quotidienne, à cette date de 1824-1827, rentra dans la contre-opposition, c’est-à-dire dans l’opposition qui se faisait à droite. […] Michaud aimait fort à causer avec ceux du parti royaliste qui avaient du mouvement et de l’indépendance.

170. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Rien ne manqua à son succès, les éloges enthousiastes du parti religieux, les vives attaques du parti philosophique, enfin l’intérêt général. […] De leur côté, les partis, après avoir tant souffert, avaient des blessures à cicatriser, et un despotisme impartial était pour eux un progrès. […] Tantôt c’est une polémique sur la réception du cardinal Maury à l’Académie française, qui devient l’occasion d’une nouvelle escarmouche entre le parti philosophique et révolutionnaire et le parti religieux et social. […] On voit ici à la fois la passion du parti philosophique et révolutionnaire qui s’effrayait du succès des conférences de M.  […] Tu crois peut-être, chère enfant, que je prends mon parti sur cette abominable séparation.

171. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

L’engouement de parti exalte de tels hommes comme des gladiateurs de théâtre. […] Cicéron apprit que les restes du parti de Catilina et les complices de Clodius l’attendaient à Athènes pour lui demander compte, le poignard à la main, de la vie de Catilina, de Lentulus et de Céthégus. […] Ses lettres, à cette époque, sont la confession d’un homme de bien ; il méprise presque autant le parti de Pompée qu’il déteste celui de César. […] Quand César tomba sous la conspiration des honnêtes gens de Rome, tels que Brutus, Cassius, Caton, Cicéron se réjouit de leur courage, et se rangea, sans hésiter, de leur parti. […] Son âme parut se décider et se repentir tour à tour de l’un ou de l’autre parti.

172. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Je les aime… Toutefois le savant ne peut prendre ce parti, quand il le voudrait, car ce qui lui a été démontré faux est pour lui désormais inacceptable. […] Il reste donc un seul parti, c’est d’élargir la grande famille, de donner place à tous au banquet de la lumière. […] Dans l’état normal des choses, la majorité sera en effet le critérium le plus direct pour reconnaître le parti qui a raison. […] Les sectaires et les hommes de parti s’imaginent que la compression seule empêche leurs idées de parvenir et s’irritent contre cette compression. […] Comme il est impossible de tracer des catégories entre les adultes, la liberté devient, en ce qui les concerne, le seul parti possible.

173. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Duclos, au milieu de toutes les manœuvres du parti encyclopédique, a sa marche à lui ; il s’est tenu et ne s’est point livré. […] Dans la correspondance qu’il entretient avec lui, Voltaire le tâte souvent, et essaye de l’engager ; en 1760, après la comédie des Philosophes de Palissot, après le discours de réception de Lefranc de Pompignan, et dans ce moment le plus vif de la mêlée philosophique, Voltaire voudrait que Duclos s’entendît avec les amis et surtout qu’il agît en cour pour faire arriver Diderot à l’Académie ; c’eût été un coup de parti en effet, et une éclatante revanche : « Vous êtes à portée, je crois, d’en parler à Mme de Pompadour ; et, quand une fois elle aura fait agréer au roi l’admission de M.  […] Une telle tricherie dont on se vante comme d’un coup de bonne guerre montrerait, si on l’ignorait, ce que l’esprit de parti peut faire de la probité. […] Sur plus d’un point, je trouve ainsi Duclos se tenant à une réforme modérée et se garantissant à l’avance des partis extrêmes.

174. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Ses belles qualités elles-mêmes, son honnêteté, sa droiture, sa candeur, la chaleur et la pureté de son civisme donnaient prise sur lui, donnaient envie et moyen aux principaux chefs des partis de le tirer à eux sous le prétexte du bien public. […] Cependant, tout en insistant auprès du général en chef en ce sens de la temporisation, les généraux divisionnaires l’assurèrent de leur zélé concours, quel que fût le parti auquel il s’arrêterait ; seulement il y avait hâte et urgence à en prendre unr, — ou celui de la retraite, très possible et le plus opportun —, ou celui d’une bataille à livrer ; mais, dans ce cas, serait-elle défensive ou offensive ? […] Enfin, sur le soir, il parut décidé à la retraite ; il dit à ses généraux qu’ils pouvaient se rendre près de leurs troupes, et que d’ici à une heure ou deux il leur expédierait les ordres pour commencer le mouvement : mais ceux-ci avaient été trop longtemps témoins de cette funeste hésitation pour se persuader que le général en chef persisterait dans le parti qu’il semblait décidé à prendre ; ils se rendirent près de leurs troupes et s’occupèrent plus de dispositions de défense que de retraite. […] Joubert qui avait tant maudit l’instant où il fut fait caporal, qui avait tant repoussé le poids de la responsabilité, sentit qu’il en avait assumé une double sur sa tête, celle d’une armée, celle d’un parti ; mais il était embarqué, il fallait poursuivre.

175. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Sur l’observation de Rochambeau, que le péril était surtout pour les quartiers de gauche et que le prince Henri ne pouvait guère s’éloigner de la Saxe, le comte de Clermont répondit : « Il faut toujours remuer de la terre, cela en imposera à l’ennemi. » — « Je partis donc pour ma destination, nous dit Rochambeau, après une réponse aussi lumineuse. » Mais bientôt l’attaque rapide se dessina vers les quartiers de gauche, où les princes de Brunswick portaient leur effort. […] Digne cousin de Louis XV, il se moquait de son conseiller, au moment où il le laissait maître absolu d’agir et de prendre le mauvais parti. […] Le comte de Clermont avait pris son parti de tout. […] Il ne fit que suivre le courant de l’opinion publique en se mettant du parti contraire à la Cour dans l’affaire des Parlements et en s’abstenant de paraître à la séance royale pour le Parlement-Maupeou.

176. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Ce n’est pas tout : la presse, qui multiplie les récits contemporains, et qui est tour à tour esclave ou complice des partis ou des opinions, est un grand obstacle à la connaissance de la vérité, par la raison même qu’elle est un grand moyen pour y parvenir. […] Les lecteurs méditatifs le comprendront mieux, et ne l’en jugeront que plus propre à opérer la réconciliation entre les partis. […] Maintenant, éclairés par des expériences de plus d’un genre, et rendus à notre véritable existence sociale, convenons qu’il n’y a qu’un moyen de réunir tous les partis ; c’est de sentir les raisons de tous, de condescendre à toutes les opinions, de ne point s’attaquer mutuellement avec les armes toujours inconvenantes de l’ironie ou du sarcasme, de se mettre à la place de tous les intérêts. Sachons que l’on trouve dans tous les partis, non seulement des honnêtes gens, ce qui est incontestable ; mais des hommes éclairés et généreux, dont les opinions et la conduite, dictées par les lois les plus rigoureuses d’une conscience austère, sont indépendantes des positions diverses où ils peuvent être placés.

177. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 20, de la difference des moeurs et des inclinations du même peuple en des siecles differens » pp. 313-319

Nous avons vû dans le dix-septiéme siecle des guerres civiles en France et des partis aussi aigris et aussi animez l’un contre l’autre sous Louis XIII et sous Louis XIV que pouvoient l’être dans le siecle précedent les factions qui suivoient les ducs De Guise ou l’amiral De Coligni, sans que l’histoire des derniers mouvemens soit remplie d’empoisonnemens, d’assassinats, ni des évenemens tragiques si communs en France sous les derniers Valois. […] Je répondrois que le précepte d’aimer ses ennemis n’étant point contesté par Rome ni par Geneve, il s’ensuit que ceux qui prenoient parti pour l’une ou pour l’autre cause de bonne foi, devoient avoir horreur d’un assassinat.

178. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Une Diane de Poitiers légitime, ou une madame de Maintenon jeune et séduisante, parurent une nécessité de situation au parti royaliste. […] La plus affreuse mêlée de sang sur un champ de bataille n’approche pas de cette hideuse mêlée d’encre qui tache les combattants des partis divers dans ces ateliers de la politique. […] Quant à elle, elle se réfugia de plus en plus dans les lettres, pour mieux constater son alibi dans les blessures que les différents partis se faisaient à deux pas d’elle ; aussi ne la rendit-on jamais responsable des amertumes que la plume des écrivains politiques répand dans le cœur des hommes du parti contraire. […] Madame de Girardin n’était d’aucun parti préconçu en politique. […] Le fond de l’opinion de madame de Girardin, c’était le beau ; elle était du parti du beau en toute chose.

179. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Je ne sais pas s’il était alors professeur, ou si c’est depuis qu’il l’est devenu ; mais, alors, il n’avait pas pris le parti de n’être qu’un savant. […] Taine a dépouillé la peau de tous les partis. […] Quoiqu’il n’eût jamais rien écrit en politique, de cette plume si largement taillée qui est la sienne et qu’il sait appuyer avec tant d’autorité sur tous les sujets qu’il traite, — car ce mâle observateur a plus d’un champ d’observation à son service, — la Révolution et le parti révolutionnaire n’en faisaient pas moins fonds sur lui. […] Observateur et investigateur avant tout, et, par ses qualités d’esprit indépendantes et scientifiques, en dehors de tous les partis, M.  […] Taine a voulu rafraîchir la mémoire des hommes, si prompts à l’oubli, et il a refait cette histoire que des écrivains passionnés avaient écrite dans des intérêts de parti, avec plus ou moins d’illusion ou de rouerie.

180. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Tous appartenaient à ce parti politique qui avait lui-même l’idée la plus élevée et la plus féconde de ce temps-là : l’idée de l’unité de la France en toutes choses ; ils en poursuivaient la réalisation, comme penseurs et comme citoyens, par de bons écrits et par des vertus. […] Nul ne peut parler plus pertinemment des mobiles secrets et des conversions qui en ont grossi le parti. […] Il attaque son propre parti ; il signale les intrigues de Mayenne contre son neveu le duc de Guise, sa politique qui tend toute à sa conservation. […] C’est l’enfant de l’anarchie politique et religieuse : il n’a ni Dieu ni roi, et il pille indistinctement les deux partis, sous prétexte qu’ils n’ont ni le vrai roi ni le vrai Dieu. […] Il sentit que le temps était venu où l’image de la France, arrachée aux partis intérieurs et victorieuse de l’étranger, devait se réfléchir dans les lettres ; et il fournit aux quatre meilleurs esprits du temps, Charron, Malherbe, Régnier, saint François de Sales, un premier idéal.

181. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Capefigue, — quelles que fussent d’ailleurs les opinions politiques de l’homme privé et la portée de l’écrivain, — était resté un historien qui voyait plus haut que l’intérêt des partis et même des dynasties. […] Né avec des aptitudes pour l’histoire dont il n’a pas tiré le grand parti qu’on pouvait attendre, élevé d’horizon, mais superficiel ; d’un coup d’œil pressé comme l’est le coup d’œil d’un homme du xixe  siècle, d’un de ces hommes chauffés à la vapeur de leur temps, qui manquent le fini dans les arts et, dans l’histoire, brusquent l’exactitude et atteignent rarement la profondeur, M.  […] Le Bel, si l’auteur, qui ne se retiendra pas plus tard, ne se retenait encore ; cette absolution qui tombe sur tout le monde et sur toutes choses avec une largeur de bonté qu’on voudrait moins inépuisable, n’est point un parti pris ou une de ces combinaisons de l’esprit de parti, une de ces tentatives comme l’esprit de parti s’en permet quelquefois, et qui serait d’ailleurs malheureuse… Non, l’auteur est séduit ! […] à l’influence de la royauté personnelle et à cet optimisme béat, d’un éternel sourire, que nous connaissons, et que le grand Moqueur des cieux grave parfois à la lèvre des partis qui ne croient pas à leur défaite. […] Capefigue que d’un parti qui semble lui avoir donné ses manières de sentir et de voir les choses.

182. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Mémoires du comte d’Alton-Shée »

Refoulé en quelque sorte sur lui-même, ce net et vaillant esprit a cherché à tirer parti de ses souvenirs ; mais écrire vrai n’est facile en aucun temps, et dans tout ce qui se rapporte à des confessions, celles qu’on fait de soi touchent de bien près à celles des autres. […] Cependant un sentiment de solidarité s’y développe chez lui ; opprimé, il prendra aussitôt parti pour les opprimés : « Ces souffrances de l’éducation universitaire ont laissé dans mon âme des traces ineffaçables ; elles y ont développé de bonne heure les instincts de solidarité au point que je n’ai jamais été témoin, que jamais je n’ai entendu le simple récit d’une injustice sans en ressentir le contre-coup ; je leur dois encore d’avoir été, dans toute l’étendue du mot, un excellent camarade. » La lecture de Gibbon commença de bonne heure son émancipation en matière de croyances. […] Thiers, dans la deuxième circonscription électorale de la Seine, par le parti républicain radical.

183. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Je me dis : Voyons quelles sont les pensées de ce parti, et j’acceptai. […] quelle que fût, au point de vue de la théorie parlementaire, la valeur spécieuse des arguments développés par M. de Villèle, devenu vers la fin de la session le meneur et le tacticien habile du parti, la sincérité et la raison n’étaient pas de son côté et ne résultaient pas de tous ses beaux raisonnements : que me fait la rectitude des formes, si elle ne sert qu’à couvrir et à protéger la tortuosité des intentions ! […] Il était le médiateur entre les partis, avec physionomie ministérielle, mais bienveillant pour tous. […] Cet homme de parti y insinue contre moi de petites infamies calomnieuses : il fait entendre, par exemple, que j’ai dû avoir quelque obligation à M.  […] Le moment politique était des plus critiques à cette heure ; on était la veille de l’avènement du parti déjà tout-puissant, et la philosophie ainsi que l’université n’avaient guère faveur, comme on sait, auprès des royalistes : une pareille conduite connue et dénoncée compromettait l’Université au plus haut degré.

184. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Un homme d’un autre parti dirait aussi bien d’un de ses chefs : « Tout était royal en lui. » On dirait d’un Bayard : « Tout était chevaleresque en lui. » Et ce ne serait ni plus faux ni plus juste. […] Il faut connaître sa mythologie pour comprendre cela ; il faut se rappeler qu’autrefois, en Thrace, un scélérat de roi appelé Térée fit un mauvais parti à la pauvre Philomèle. […] Lui si amer pour tous, et si en garde avec les hommes de son bord, il ne s’est dit qu’il fallait être en avances avec Béranger et avec Carrel que parce que tous deux lui apportaient pour sa gloire un appoint de popularité : l’un et l’autre représentaient un grand parti ; en le joignant à ce qu’il avait déjà, il augmentait et complétait son armée d’admirateurs. […] Pourtant, cela m’a paru significatif et honorable que ce rapprochement final d’hommes si éminents, si divers, et partis de points si opposés de l’horizon. […] Mais ces derniers, qui n’ont jamais été des poètes de parti, restent par là même plus élevés et d’un ordre plus universellement humain.

185. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

Il essaya pour cela encore d’un autre moyen, d’une machine toute diplomatique, qui était de réconcilier les gluckistes et les piccinnistes, les partisans des deux musiques ; ce qui lui eût assuré les voix des deux partis. […] Il faut reconnaître à son honneur qu’il n’hésita pas dans le choix du camp, et que son parti fut pris du premier jour. […] J’ai observé les deux partis. […] Il fut fidèle à son parti ; et, puisque j’ai à noter tant de taches en lui et de laideurs, j’aime à prendre acte ici d’un fait à son honneur, tel que je le trouve consigné dans les papiers de Mallet du Pan33 : L’abbé Maury avait quarante mille livres de rente, dit M.  […] Quoi qu’il en soit, vus à distance, ces traits de présence d’esprit et de courage qui étaient soutenus d’une telle opiniâtreté de conduite au sein de l’Assemblée et d’une telle parade de résistance, l’éclat de certains discours où le bon sens et l’esprit de parti se combinaient dans une contexture spécieuse, l’ordre, l’ampleur, la marche imposante d’une parole exercée et toujours prête, tout cela avait conquis à l’abbé Maury, à la fin de l’Assemblée constituante, une réputation immense en Europe, et il ne manquait pas de souverains qui le considéraient à la fois comme un homme d’État et comme un homme de bien.

186. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Ainsi, les uns la posaient à l’avènement de Luther et du protestantisme ; les autres plus loin, avec Jean Huss et Jérôme de Prague ; un troisième parti, plus chimérique encore, à l’invasion de la Gaule par les Barbares ; et enfin les plus fous et les plus coupables, comme Buchez, par exemple, au pied même de la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ. […] Cassagnac a le génie trop historien pour ne pas savoir quel parti il convenait de tirer de la solidarité positive entre les diverses périodes historiques et les hommes qui les gouvernèrent, — solidarité dont on se détourne à présent avec le dédain d’une immoralité si profonde qu’on ne la sent plus. […] La vérité n’en doit pas moins être dite, pour des raisons supérieures, soit qu’elle blesse les partis toujours vivants, soit qu’elle contrarie les opinions faites ou même qu’elle paraisse trop piquante pour être admise. […] Dans les publications exclusivement révolutionnaires, dans les Mémoires du temps rédigés par les amis de la Révolution, par ceux-là qui la croyaient une vérité sociale et un événement providentiel, il n’a point demandé aux ennemis, à notre parti, au parti de la monarchie, des armes suspectes et des documents d’une équivoque autorité.

187. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 23-32

Le Parti Philosophique, dont il est un des Sous-Chefs, a mis ses Eloges de plusieurs Membres de l’Académie des Sciences bien au dessus des Eloges de Fontenelle, parce qu’il est d’usage parmi les Philosophes de ne louer que par comparaison & par intérêt : mais les Littérateurs, que l’esprit de parti n’aveugle point, trouvent que les Eloges du Secrétaire actuel ne sont propres qu’à faire mieux sentir le mérite de ceux de son prédécesseur.

188. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Marie Tudor » (1833) »

Plus que jamais, il tiendra son esprit, son œuvre et sa pensée éloignés de toute coterie ; car il connaît quelque chose de plus grand que les coteries, ce sont les partis ; quelque chose de plus grand que les partis, c’est le peuple ; quelque chose de plus grand que le peuple, c’est l’humanité.

189. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

En tous cas, le gouvernement est l’état-major du parti qui a la majorité et sort d’elle. […] La nation serait donc pourvue de lois, gouvernée et jugée par le même parti et les représentants divers, mais très pareils, du même parti. […] La France, pendant cette période, fut divisée au point de vue religieux en deux partis. […] Le parti gallican était évidemment le plus nombreux et Voltaire exagère seulement en disant que « la France était toute janséniste excepté les Jésuites et les Evêques du parti romain ». […] Prenez ce parti.

190. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

En voyant aux prises les deux partis acharnés, les libéraux et les ultra-royalistes, chacun croyant à son droit et pouvant produire également des hommes de vertu et d’intelligence, M. […] L’esprit révolutionnaire, en pénétrant un esprit très-bien fait et un cœur excellent, a produit un ouvrage hybride qui ne saurait contenter en général les hommes décidés d’un parti ou de l’autre. […] Il n’a donc tenu qu’à se faire l’organe d’un certain esprit général et intime avec lequel il se sentait en communication, et il a pris d’avance son parti sur l’invraisemblance (je parle de l’invraisemblance poétique) du langage et de beaucoup de peintures. […] Coëssin meilleure, avait obtenu, je ne sais comment, des chefs du parti républicain d’alors, MM. […] Alors je vous dirai que ce n’est pas votre parti que j’ai pris, mais celui du bon sens contre l’absurdité, de la liberté de la pensée contre la tyrannie des fanatiques. » (Correspondance de Béranger, recueillie par M.

191. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Le vieux roi Ferdinand, pilote expérimenté et railleur, avait pris le parti d’abdiquer et de remettre le gouvernement à son fils, le prince héréditaire, plus propre que lui à se compromettre, soit avec les révolutionnaires, soit contre les puissances étrangères. […] Son sourire bienveillant donnait de la grâce au sérieux de ses pensées, et ses mots fins et à deux sens portaient d’eux-mêmes et touchaient avec justesse à leur double but, comme deux traits partis à la fois d’un même arc : l’un pour faire sourire, l’autre pour faire penser. […] La situation complexe de la cour de Naples, les conseils secrets où nous fûmes appelés et les négociations confidentielles avec les chefs de partis et avec les membres les plus influents du parlement, rendaient notre action très intéressante, quelquefois périlleuse et dramatique. […] Il avait tiré un parti très habile du malheur de la monarchie et de la fréquentation des princes pendant leur exil. […] Le parti autrichien affecta de s’en alarmer ; il n’en était rien, je n’avais, à cette époque, ni mérité, ni subi les rigueurs de ma patrie, et je n’aurais eu aucune excuse de chercher à changer de foyer et de devoir.

192. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Il y avait en Hollande deux partis principaux, l’un représenté par Barneveld, et l’autre par le prince Maurice d’Orange. […] Le parti de Barneveld y avait le plus aidé et en triompha. […] Voltaire a fait cette remarque à l’honneur du prince Maurice : « C’est d’ordinaire le parti le plus faible qui désire une trêve, et cependant le prince Maurice ne la voulait pas. […] Sully, lui écrivant dans les derniers mois, n’avait pu s’empêcher de le louer : J’ai toujours fort estimé la vivacité de votre esprit et la solidité de votre jugement, lui disait ce témoin difficile, mais ces dernières actions m’en donnent meilleure opinion que jamais, ayant su vous débarrasser de tant de diversités et opinions différentes qui tombent d’heure à autre dans l’esprit de toutes les parties avec lesquelles vous avez à traiter ; car non seulement il faut concilier deux ou trois partis fort éloignés de désirs et intentions les uns des autres, mais il semble que vous ayez à faire autant de traités qu’il y a de personnes d’autorité de tous bords, y ayant autant d’opinions que de têtes.

193. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

» — « Bien des gens, répondit le prince, prétendent que, s’il n’y en avait point, il y aurait encore de plus grands désordres à Paris : j’examinerais, je pèserais mûrement le pour et le contre, et je m’en tiendrais au parti qui aurait le moins d’inconvénients. » Et son biographe ajoute que ce parti eût été sans douté celui de laisser subsister le théâtre, en le réformant sur le modèle des pièces composées pour Saint-Cyr. […] Mais quand j’ai payé ces hommages aux individus et aux personnes, je me hâte d’ajouter que, eût-on réussi pour un temps en quelqu’un de ces biais et de ces remèdes palliatifs de l’ancien régime, on ne serait parvenu après tout qu’à faire ce qu’on appelle une cote mal taillée, rien de nettement tranché ni de décisif, et qu’il est mieux (puisqu’enfin les choses sont accomplies et consommées) qu’on en soit venu à cette extrémité dernière de n’avoir eu qu’un seul et grand parti à prendre, le parti à la Mirabeau et à la Sieyès : la France, en un mot, n’a pas perdu pour attendre ; et quand tout récemment, dans le compte rendu des séances du Sénat, je lisais ces déclarations spontanées d’un duc de La Force et d’un cardinal Donnet, si empressés à se replacer dans les rangs de tous, lorsqu’une parole inexacte avait paru un moment les en vouloir séparer, je pensais qu’au milieu de nos divisions mêmes d’opinions, il était consolant qu’on en fût venu à ce grand et magnifique résultat, aussi clair que le jour, à savoir qu’il n’y a plus en France qu’un seul ordre, une seule classe, un seul peuple.

194. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

C’est dans la crise d’une révolution qu’on entend répéter sans cesse, que la pitié est un sentiment puérile, qui s’oppose à toute action nécessaire, à l’intérêt général, et qu’il faut la reléguer avec les affections efféminées, indignes des hommes d’état ou des chefs de parti ; c’est au contraire au milieu d’une révolution que la pitié, ce mouvement involontaire dans toute autre circonstance, devrait être une règle de conduite ; tous les liens qui retenaient sont déliés, l’intérêt de parti devient pour tous les hommes le but par excellence : ce but, étant censé renfermer et la véritable vertu et le seul bonheur général, prend momentanément la place de toute autre espèce de loi : hors dans un temps où la passion s’est mise dans le raisonnement, il n’y a qu’une sensation, c’est-à-dire, quelque chose qui est un peu de la nature de la passion même, qu’il soit possible de lui opposer avec succès ; lorsque la justice est reconnue, on peut se passer de pitié ; mais une révolution, quel que soit son but, suspend l’état social, et il faut remonter à la source de toutes les lois, dans un moment où ce qu’on appelle un pouvoir légal, est un nom qui n’a plus de sens. Les chefs de parti peuvent se croire assez sûrs d’eux-mêmes pour se guider toujours d’après la plus haute sagesse, mais il n’y a rien de si funeste pour eux que des sectaires privés de l’instinct de la pitié ; d’abord ils sont par cela même incapables d’enthousiasme pour les individus ; ces sentiments tiennent l’un et l’autre, quoique par des rapports différents, à la faculté de l’imagination. […] Enfin, la pitié est encore nécessaire pour trouver un terme à la guerre intérieure ; il n’y a point de fin aux ressources du désespoir, et les discussions les plus habiles, et les victoires les plus sanglantes ne font qu’augmenter la haine ; une sorte d’élan de l’âme, tout composé d’enthousiasme et de pitié, arrête seul les guerres intestines, et rappelle également le mot de patrie à tous les partis qui la déchirent.

195. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Couronnée à l’âge de neuf mois, déjà disputée en mariage par les partis anglais et français, qui cherchaient à prévaloir en Écosse, elle fut bientôt, par l’influence de sa mère Marie de Guise, sœur des illustres Guises, accordée au dauphin de France, fils de Henri II. […] Seule et sans conseil, aux prises avec les seigneurs et avec la noblesse comme avaient été ses aïeux, Marie Stuart, prompte, mobile, sujette à ses prédilections ou à ses antipathies, était déjà insuffisante : qu’était-ce donc lorsqu’elle se trouvait de plus en face d’un parti religieux, né et grandi durant les années récentes, en face d’un parti « raisonneur et sombre, moral et audacieux », discutant rationnellement et la Bible en main le droit des rois, et poussant la logique sous la prière ? […]  » Après un acte si rigoureux qu’elle laissait accomplir par crainte du scandale, et pour mettre son honneur au-dessus de toute atteinte et de tout soupçon, Marie Stuart n’avait, ce semble, qu’un parti à prendre, c’était de rester la plus sévère et la plus vertueuse des princesses.

196. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Ce domaine, c’est une certaine liberté honnête, difficile à définir, mais très aisée à sentir, qui fait qu’on n’est pas d’un parti, qu’on n’est pas toujours sur l’attaque et la défensive, qu’on cherche le bien, le beau ou l’agréable en plus d’un endroit, qu’on tient son esprit ouvert comme sa fenêtre au rayon qui entre, à l’oiseau qui passe, à la matinée qui sourit. […] Elle n’a donc qu’un parti à prendre : dans les moments où il faut se décider absolument à choisir un drapeau, adopter celui qui lui paraît le plus ressembler au drapeau de la cause qu’elle croit juste ; puis, le reste du temps, revenir à elle-même, rentrer dans ses propres voies moins militaires et moins stratégiques, et suivre sur la lisière les sentiers où de tout temps ont aimé à se rencontrer la méditation, la fantaisie, l’étude ; en un mot, tantôt gracieuse ou tantôt sévère, quelqu’une des Muses. […] Eugène en prend malaisément son parti ; Louison, qui a en elle ce fonds de coquetterie naturelle, propre à toute fille d’Ève, est bientôt consolée et plutôt orgueilleuse de ce triomphe mêlé de malice et d’insolence. […] Et les voilà, eux partis le matin de leur rue Saint-Denis, cheminant en belle nuit par un chemin creux, pour gagner la plaine et de là, à travers champs, découvrir le château inespéré.

197. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

Champfleury, et qui se battraient avec lui si Hugo ne se trouvait justement entre les deux partis. Hugo gêne fort les deux partis, il les empêche de se bien voir. Aussi les deux partis ne balancent pas une minute à l’exterminer pour être plus immédiatement en présence. […] Le vieux capitaine Durand, qui fut sous le Directoire l’amant d’une ex-déesse Raison, et à qui les réquisitoires contre le « parti prêtre » viennent de causer un retour de jeunesse en lui rappelant Le Constitutionnel de 1825, fera voter pour toi tous ses métayers. — Il va résilier son abonnement à L’Indépendant de Quévilly pour prendre L’Opinion nationale.

198. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire de la Révolution »

Ces oublis de son unité, ces inconséquences de langage avec le fond de sa pensée et de sa philosophie, sont les protestations du tempérament, toujours plus fort que les partis pris ou que les partis qui vous prennent. […] Du moins, quand les historiens de son parti croient faire du patriotisme en insultant Marie-Antoinette dans leurs histoires, Castille la justifie d’être Autrichienne et dit bravement : Que vouliez-vous qu’elle fût, puisqu’elle l’était ?

199. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

Il en a fait un homme politique, un de ces cuisiniers de révolutions et de gouvernements impossibles, qui empoisonnent la France depuis près d’un siècle… Le journalisme, qui, si l’on n’y prend garde, donne de si mauvaises habitudes à la pensée, a donné à Pelletan tous les défauts qui sautent aux yeux dans son nouveau livre : l’inconsistance, la frivolité, les passions de parti et leurs faux jugements et leurs injustices, et surtout cette terrible et misérable faculté de se monter la tête, de suer à froid, comme disait Beaumarchais, en parlant des avocats, ces journalistes du bec comme les journalistes sont les avocats de la plume, et de se faire illusion à soi-même pour mieux faire illusion aux autres. […] Et ceci est principalement frappant et choquant pour le premier de tous par une moralité supérieure, pour ce comte de Maistre dont la vertu égala le génie, cet homme de diamant qu’on n’ébrèche pas, mais contre lequel on peut s’ébrécher… C’est, en effet, surtout en parlant de ce grand de Maistre, qui s’est élevé, avec la lenteur de toute vraie gloire, à travers tant de cris imbéciles ou frénétiques, car les sots ont leurs frénésies, dans la tranquille majesté d’une renommée incontestée à présent et comme on n’en compte pas une seconde au xixe  siècle, que Pelletan s’est le plus montré ce que je lui reproche d’être maintenant : l’homme du journalisme et des partis. […] Dans ces biographies, qu’il soit question de de Maistre, sur lequel j’ai le plus insisté parce qu’il est l’ennemi capital et intégral du parti de Pelletan, ou qu’il ν soit question de Lamennais ou de Lamartine, la phrase est toujours surchargée de la déclamation la plus violente, unie, par une combinaison singulière, à la superficialité la plus vaine.

200. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Donec eris felix… »

Il sut grouper les mécontentements, les appétits et les rancunes, et, à la tête d’un parti où figuraient ensemble des hommes de la Commune, des radicaux pressés d’arriver au pouvoir, des royalistes et des impérialistes, unis seulement pour la lutte et n’ayant en commun que des haines et des négations, il marcha à l’assaut du parlementarisme et put, un moment, aspirer à la dictature. La résistance énergique du cabinet Tirard-Constans et la sagesse du pays conjurèrent le danger, et les élections du 29 septembre 1889 marquèrent la fin du parti boulangiste.

201. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre deuxième. »

Quel parti devait donc prendre La Fontaine ? […] Solon décerna des peines contre les citoyens qui, dans un temps de troubles, ne se déclareraient pas ouvertement pour un des partis : son objet était de tirer l’homme de bien d’une inaction funeste, de le jeter au milieu des factieux, et de sauver la république par l’ascendant de la vertu.

202. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Les jansénistes avaient d’ardents ennemis, surtout les jésuites, qui se voyaient disputer par eux la direction des âmes et l’éducation des enfants, et qui, défenseurs des prétentions romaines, les regardaient comme le parti avancé du gallicanisme. L’autorité civile, se souvenant du siècle précédent, craignit que la secte religieuse ne contînt le germe d’un parti politique, et crut de son intérêt de faire cause commune avec les jésuites, servant ainsi ceux qui devaient la combattre et persécutant ceux qui devaient la défendre dans ses rapports avec Rome. […] Le parti se résolut alors à en appeler au sens commun, à l’équité naturelle du public, et Arnauld, ne se sentant pas le talent qu’il fallait pour cette entreprise, engagea Pascal à la tenter : du 23 janvier 1656 au 24 mars 1657, dix-huit lettres parurent, anonymes, imprimées clandestinement, bravant toutes les fureurs de l’ennemi qu’elles écrasaient. […] Cependant on ne peut dire que Pascal ait eu le dessous même dans l’Eglise : tandis que son parti était vaincu, son livre triomphait, et jamais depuis, la Compagnie de Jésus ne s’est remise du coup qu’il lui a porté. […] Ils ont eu raison même absolument, en dehors de tout dogme, du seul point de vue de la conscience, lorsqu’ils ont rétabli la lutte incessante, obstinée contre l’instinct et l’intérêt, l’inquiétude de tous les instants, comme les conditions de la moralité, et qu’aux décisions des directeurs complaisants ils ont opposé leur rigorisme, l’obligation, dans tous les cas douteux, de choisir le parti le plus dur, et de décider contre l’égoïsme, par la seule raison qu’il est l’égoïsme.

203. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

La France peut se ranger d’un autre parti que moi. […] La France littéraire, pervertie par l’esprit de parti et distraite par ses orages, avait besoin de vous. […] L’esprit de parti n’est que le lieu commun des sots qui se font passer un certain temps pour des hommes d’esprit ; l’immortalité ne les connaît pas. […] Je partis. […] Lorsque, comme nous, on déplore les sottises des deux partis, on passe sa vie à gémir.

204. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

On doit comprendre maintenant que de Maistre ait pu sembler, je ne dirai pas être tour à tour de tous les partis, mais être tour à tour hostile à tous les partis, ce qui revient à être classé par chaque parti dans le parti contraire. […] C’est ainsi encore qu’il paraît singulièrement « opportuniste » aux hommes de son parti. […] De quel parti a-t-il été ? De quel parti n’a-t-il pas été ?  […] il n’a pas voulu sacrifier ce trait-là, et il l’a mis, et il y a insisté, et il en a tiré parti ; et ce trait était en désaccord avec le reste, et il n’a point expliqué ce désaccord.

205. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de Dampmartin, Maréchal de camp »

Jeté par sa position militaire dans le midi de la France, pendant les premières années de nos troubles, transporté tour à tour d’Uzès à Avignon et de Carpentras à Jalès, il aurait pu sans doute nous exposer avec clarté et franchise les déplorables agitations de ces provinces tant de fois ensanglantées ; nous dire comment la patrie des plus ardents fauteurs de l’ordre nouveau se trouva si proche du camp où le régime ancien se retrancha ; comment ces Cévennes, encore retentissantes de la voix des pasteurs proscrits, prêtèrent leurs asiles à la monarchie et à la religion déchues de Louis XIV ; comment, en un mot, les partis se caractérisèrent dans ces vives contrées, s’y constituèrent en présence l’un de l’autre, d’autant plus terribles et inexorables qu’ils s’alimentaient de rivalités plus immédiates et pour ainsi dire plus domestiques, que de vieilles haines inextinguibles se rallumaient aux haines récentes, et que les séductions étrangères les plus habilement ménagées s’y combinaient avec ce qu’ont de plus irrésistible et de plus spontané les mouvements populaires. […] Vaut mieux tard que jamais. » A nulle époque l’intolérance d’un parti n’éclata plus aveuglément ; le malheur n’engendrait que désunion, et la faiblesse qu’orgueil ; chaque rassemblement se proclamait le plus pur, et qualifiait amèrement les autres.

206. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Sophocle, et Euripide. » pp. 12-19

Il y eut deux partis bien formés, le parti de Sophocle & celui d’Euripide.

207. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Les grandes causes philosophiques et politiques, les grands partis littéraires, une fois que l’influence leur échappe et que le monde tourne décidément à un autre cours d’idées, se rétrécissent, s’immobilisent, passent à l’état de secte et comme de petite Église ; ils tombent dans ce que j’appellerai une fin de jansénisme. […] En politique, plus de parti national ; d’un côté, les hommes de l’émigration, etc., etc… ; de l’autre, les familiers d’un prince du sang, qui ne combattaient les premiers que pour prendre leur place… ; en d’autres termes, deux entreprises rivales qui se disputaient la France à abrutir et à ruiner… Entre ces deux partis, Victorin ne pouvait pas hésiter ; il devait dire et il dit à l’instant : Ni l’un ni l’autre ! 

208. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

Si un parti veut faire triompher l’injustice, il est impossible qu’il encourage les lumières ; un homme peut déshonorer son talent, en le consacrant à défendre ce qui est injuste ; mais si l’on propage l’influence des lumières dans une nation, elles tendent nécessairement à perfectionner la moralité générale. L’esprit révolutionnaire se trace une route, se fait un langage ; et si l’on voulait varier par l’éloquence même ces phrases commandées qu’exige l’intérêt du parti, l’on inquiéterait ses chefs : ils frémiraient en voyant s’introduire de nouveaux sentiments, de nouvelles pensées, qui serviraient aujourd’hui leur cause, mais qui pourraient s’indiscipliner une fois et se diriger vers un autre but. […] La tyrannie d’un parti prenant souvent la forme de l’opinion publique, porte une atteinte bien plus profonde à l’émulation.

209. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Cette question semble usée en France, et cependant l’on n’y a jamais entendu que les arguments d’un seul parti ; les journaux les plus divisés par leurs opinions politiques, la Quotidienne, comme le Constitutionnel, ne se montrent d’accord que pour une seule chose, pour proclamer le théâtre français, non seulement le premier théâtre du monde, mais encore le seul raisonnable. […] Mais cette apparente défaveur ne nous effraie nullement, parce que c’est une affaire de parti. […] Les gens de cet âge à Paris ont pris leur parti sur toutes choses, et même sur des choses d’une bien autre importance que celle de savoir si, pour faire des tragédies intéressantes en 1825, il faut suivre le système de Racine ou celui de Shakspeare.

210. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXI. Mme André Léo »

Elle ne déconcertait point, par les débordements de sa vie, l’hypocrisie d’un parti qui nous a volé Tartuffe, à nous autres dévots, et qui, malgré sa haine du blanc, n’en a pas moins ses sépulcres blanchis ! […] André Léo qui n’est pas une Mme de Staël, et qui est peut-être assez démocrate pour la mépriser, Mme André Léo, qui doit haïr le catholique Bonald, comme étant trop homme, à voulu se colleter à son tour, avec cette question du Divorce, qui, pour la femme, enferme toute sa destinée ; mais, chose dont il faut lui tenir compte, elle a méprisé les opinions athées de son parti. […] On l’a vu, et j’ai pris plaisir à le reconnaître : Mme André Léo a, dans la question du Divorce, été moins femmelette femelle que les femmelettes mâles de son parti ; mais en dehors de cette question, elle n’est plus qu’un bas-bleu de la troupe et qui ne sort jamais du rang… Elle a toutes les idées communes aux bas-bleus.

211. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIII. M. Nicolardot. Ménage et Finances de Voltaire » pp. 297-310

On doit même insister sur ce point, quand il s’agit d’un ouvrage que les partis ne manqueront pas de se renvoyer comme un projectile. […] un moi éblouissant à l’aide duquel il a séduit et régné comme les femmes règnent et séduisent ; ce coup de parti, frappé sans passion avec les mains pures et impartiales de l’histoire, avait de quoi tenter un esprit courageux et ferme, et M.  […] ) auront certainement un grand plaisir à le revoir, et pardonneront à l’auteur de Ménage et Finances de Voltaire ce que l’esprit de parti, soit qu’il parle, soit qu’il se taise, ne pourra jamais lui pardonner.

212. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

Seulement, les siens n’étaient pas les nôtres… Il transposait la sainteté… L’héroïsme et le dévouement guerrier à la patrie, cette première des vertus naturelles, avait pris à Michelet tout ce qu’il avait d’enthousiaste et de religieux dans l’âme et tout ce qu’il aurait donné à nos Saints s’il les avait connus, et si l’esprit de parti n’avait pas lamentablement diminué en lui l’historien. […] L’homme de parti, chauffé en lui par une révolution contemporaine, m’est terriblement suspect, et il me faut, pour la gloire de Mameli, dressée par Michelet à côté de ces grandes figures écrasantes, autre chose que sa garantie. […] Malheureusement, à plus d’une place encore, le Michelet qui a gâté l’autre Michelet, le Michelet primitif, s’y montre, et on y retrouve l’homme de parti, le philosophe, l’utopiste démocratique, le déchristianisé enfin.

213. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Il prit vivement le parti des anciens, auxquels il étoit si redevable. […] Tous les écrivains de l’Europe s’érigèrent en juges : chaque nation eut son chef de parti. […] Dans le temps que les deux partis étoient le plus animés, le vieux abbé Desmarais vint, comme un second Nestor, se donner pour conciliateur. […] Fontenelle osa encore moins que personne embrasser ouvertement un parti. […] Il préféra, dit-on, ce dernier parti.

214. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Florence, capitale de l’ancienne Étrurie, aujourd’hui la Toscane, était le foyer le plus animé des querelles de ces deux grands partis. […] Sa famille, attachée par tradition au parti guelfe, était patricienne et consulaire dans la république. […] De là, plus refoulé que jamais par la vengeance vers le parti de l’empereur, il ne cesse d’animer ce prince contre sa patrie et de le pousser de la main à l’oppression de Florence. […] « Tout ce qu’on peut comprendre, c’est que le poème, exclusivement toscan, du Dante était une espèce de satire vengeresse du poète et de l’homme d’État contre les partis auxquels il avait voué sa haine. […] Alors il allait par les rues de Florence, jetant des pierres aux femmes et aux enfants qui calomniaient son parti politique.

215. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Elle répondit que son parti était pris, et qu’elle n’avait que faire d’y penser davantage ; et puis elle rentra dans la chambre où était la compagnie pour prendre congé de M. de Lorraine qui, ayant appris de quoi il était question, se mil dans des transports de colère effroyables ; après l’avoir calmé autant qu’elle put, elle donna la main à M.  […] Il prit un grand parti : il rompit à peu près avec la Cour et avec la ville ; l’enseigne des gendarmes du roi quitta le service et renonça à sa charge tout en se réservant de faire les campagnes comme volontaire. […] Il prit son parti et résolut de se remettre dans le train ordinaire par quelque coup d’éclat, qui rompît avec le passé. […] Il passait alors pour un homme léger, qui, avec de l’esprit, n’avait fait que des folies, qui avait obéi à des fantaisies et à des fougues, qui avait pris de grands partis sans les tenir : Impie, dévot, jaloux amant, Courtisan, héros de province, disait ou allait dire de lui la chanson ; on l’appelait le Don Quichotte moderne ; des gens qui valaient moins que lui par l’esprit et par le cœur le raillaient, et il n’y était pas insensible.

216. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Ce ne fut point tout à fait au lendemain de la publication de l’Iliade que la querelle éclata : il fallut quelque temps pour que les adversaires en vinssent à tirer parti de cette lecture dans le sens de leurs idées. […] Après avoir négocié la paix entre eux, il en rendit l’acte solennel dans cette assemblée, où les chefs des deux partis furent convoqués. […] Rousseau (avril 1715), me mande que toute la jeunesse est déclarée contre le divin poète, et que si l’Académie française prenait quelque parti, la pluralité serait certainement pour M. de La Motte contre Mme Dacier. » Le xviiie  siècle fut puni de cette partialité ; en perdant tout sentiment homérique, il perdit aussi celui de la grande et généreuse poésie ; il crut, en fait de vers, posséder deux chefs-d’œuvre, La Henriade et La Pucelle ; il faudra désormais attendre jusqu’à Bernardin de Saint-Pierre, André Chénier et Chateaubriand pour retrouver quelque chose de cette religion antique que Mme Dacier avait défendue jusqu’à l’extrémité, et la dernière du siècle de Racine, de Bossuet et de Fénelon. […] Je laisse dans le mépris qu’il mérite un mémoire odieux, né de quelque rancune fanatique au sein du parti protestant qu’elle avait quitté117.

217. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Elle supplie le duc d’Orléans de ne pas traverser ostensiblement la ville, et elle lui offre sa voiture : « J’avais cru d’abord, dit-elle, que le duc voulait se montrer à la foule, et qu’il avait réellement le projet de se créer un parti en agissant ainsi ; mais je ne vis jamais une surprise moins feinte que celle qu’il montra en apprenant tous ces événements. […] Le fait est que Laclos, l’auteur des Liaisons dangereuses, du moment qu’il fut devenu l’âme du parti d’Orléans, n’eut qu’à appliquer son art et sa faculté d’intrigue à la politique pour en tirer, dans un autre ordre, des combinaisons non moins perverses et vénéneuses. […] Sur Mirabeau, le comte de La Marck peut servir à rectifier ce qu’elle vient de lui imputer de relations intimes et d’intelligences factieuses avec ce parti. […] Il existe un témoignage naïf des illusions qu’on se faisait dans ce parti d’Orléans, à l’un des moments les plus critiques de la Révolution, au lendemain du 10 août.

218. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Armand Lefebvre, le nœud de toutes les difficultés qui travaillèrent la fin du Consulat et tout l’Empire était dans la paix de Lunéville et dépendait du parti que l’arbitre de cette paix aurait su prendre. […] En Prusse comme en Russie, le parti anglais n’en restait pas moins très-puissant ; il comptait dans ses rangs tout ce qui entoure et domine les princes, la Noblesse, la Cour et les chefs de l’armée. […] Nous n’avons plus le choix des partis à prendre ; il faut succomber, ou briser le réseau formidable qui nous enveloppe. […] C’est ainsi qu’à Dresde, en mai 1812, tous les souverains venus pour saluer humblement Napoléon, à son départ pour la campagne de Russie, eurent des conférences secrètes afin de s’entendre sur le parti à tirer de nos revers possibles en cette aventure lointaine ; et même, sans conférence et sans parole, il leur suffisait, pour s’entendre, de se regarder dans le blanc des yeux, tant ils étaient unanimes dans leur intime révolte et dans une haine commune !

219. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Avec une certaine libéralité d’esprit, l’on peut vivre agréablement au milieu d’une société qui appartient à un parti différent du sien. […] Il importe de créer en France des liens qui puissent rapprocher les partis, et l’urbanité des mœurs est un moyen efficace pour arriver à ce but. […] Mais de toutes les confusions, la plus funeste est celle qui mêle ensemble toutes les éducations, et ne sépare que les partis. […] L’urbanité des mœurs peut seule adoucir les aspérités de l’esprit de parti ; elle permet de se voir longtemps avant de s’aimer, de se parler longtemps avant qu’on soit d’accord ; et par degrés, cette aversion profonde qu’on ressentait pour l’homme que l’on n’avait jamais abordé, cette aversion s’affaiblit par les rapports de conversation, d’égards, de prévenance, qui raniment la sympathie, et font trouver enfin son semblable dans celui qu’on regardait comme son ennemi.

220. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Les penseurs, repoussés de toutes parts par la folie de l’esprit de parti, s’attachent à ces études ; et comme la puissance de la raison est toujours la même, à quelque objet qu’elle s’applique, l’esprit humain qui serait peut-être menacé d’une longue décadence, s’il n’avait eu que les querelles des factions pour aliment, l’esprit humain se conserve par les sciences exactes, jusqu’à ce que l’on puisse appliquer de nouveau la force de la pensée aux objets qui intéressent la gloire et le bonheur des sociétés. […] Dans la période où nous nous trouvons, nous n’avons pas encore conquis la connaissance des vérités politiques et morales ; mais presque tous les partis, même les plus opposés, reconnaissent le raisonnement pour base de leurs discussions, et l’utilité publique comme le seul droit et le seul but des institutions sociales. […] Il est cependant de ces questions qui, déjà résolues, n’offrent plus à l’esprit de parti l’espérance d’aucun débat. L’esclavage, la féodalité, les querelles religieuses elles-mêmes n’exciteront plus aucune guerre ; la lumière est assez généralement répandue sur ces objets, pour qu’il ne reste plus aux hommes véhéments l’espoir de les présenter sous des aspects différents, de former deux partis fondés sur deux manières diverses de juger et de faire voir les mêmes idées.

221. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Je lui passe d’avoir été ignorantissime dans les choses d’antique magistrature et de Parlement, mais il ne sentit pas ce ressort si énergique de notre monarchie au-dedans, l’honneur, et le parti qu’on en pouvait tirer. […] Le fils de Robert Walpole, Horace, prenant en main la défense de son père contre les ennemis qui l’avaient tant insulté, s’écriait un jour : Chesterfield, Pulteney et Bolingbroke, voilà les saints qui ont vilipendé mon père… voilà les patriotes qui ont combattu cet excellent homme, reconnu par tous les partis comme incapable de vengeance autant que ministre l’a jamais été, mais à qui son expérience de l’espèce humaine arracha un jour cette mémorable parole : « Que très peu d’hommes doivent devenir premiers ministres, car il ne convient pas qu’un trop grand nombre sachent combien les hommes sont méchants. » On pourrait appliquer cette parole à Mazarin lui-même, sauf le mot excellent homme qui suppose une sorte de cordialité, et qu’il ne méritait pas ; mais il est vrai de dire que c’étaient de singuliers juges d’honneur que les Montrésor, les Saint-Ibar, les Retz et tant d’autres, pour venir faire la leçon à Mazarin. […] Il s’enthousiasme pour telle ou telle cause, tel ou tel personnage ; et, tantôt insultant le parti opposé, tantôt se raillant du sien, il exerce à la fois sa vengeance et sa malice. […] Et, par exemple, voyez cette première scène de la Fronde, lorsqu’après l’emprisonnement du conseiller Broussel, le coadjuteur, c’est-à-dire Retz, prend le parti de se rendre au Palais-Royal pour représenter à la reine l’émotion de Paris et le danger imminent d’une sédition.

222. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Clément sur L’Administration de Colbert, ont parfaitement éclairci ce point d’histoire ; il n’est plus permis aujourd’hui d’être aveuglément du parti de Fouquet, à la suite de Mme de Sévigné, de Pellisson et de La Fontaine. […] Vous n’aurez pas de peine à croire qu’il y en a eu de bien penauds ; mais je suis bien aise qu’ils voient que je ne suis pas si dupe qu’ils s’étaient imaginé, et que le meilleur parti est de s’attacher à moi. […] Mais Pellisson ne tirait pas moins le plus heureux parti, pour la défense de son client, de cette dissimulation qui était une qualité loyale et qui, dans l’application présente, avait été poussée si loin. […] Servir le public est, après tout, pour eux, le parti le plus sûr, et, en définitive, c’est le plus noble aussi.

/ 1939