Les luttes de la civilisation avec la nature, surtout celles du droit et de la liberté contre l’oppression et la force, sont venues jeter sur ces tableaux de jeunesse des teintes non moins variées que vives. […] Personne mieux que lui n’a compris l’Océan, ses murmures et ses teintes, son calme et ses tempêtes ; personne n’a eu le sentiment aussi vif et aussi vrai d’un navire et de ses rapports sympathiques avec l’équipage. […] Ce qui domine chez Henri, c’est quelque chose d’honnête, de régulier et de sérieux ; les idées d’ordre et de devoir sont toutes-puissantes sur son esprit ; sa sensibilité vive se cache sous des dehors graves et froids ; dans la situation délicate et même équivoque où il s’est placé, il ne déroge pas un seul instant à la prudence, à la franchise ni au courage ; en un mot, s’il y a du Paul Jones dans le corsaire, il y a du Washington dans ce jeune homme.
Platon a l’imagination vive, abondante, fertile en inventions, en idées, en expressions, en figures ; donnant mille tours différens, mille couleurs nouvelles, & toutes agréables, à chaque chose : mais, après tout, ce n’est souvent que de l’imagination. […] Quelle gloire pour l’un & l’autre Philippe, en parlant de son fils, écrivoit au philosophe : « Je rends moins grace aux dieux de me l’avoir donné, que de l’avoir fait naître pendant votre vie. » Paroles bien remarquables, ainsi que celles d’Alexandre, qui sont l’expression de la reconnoissance la plus vive : « Je dois le jour à mon père : mais, je dois à mon précepteur l’art de me conduire. […] Platon avoit des disciples qui prenoient un vif intérêt à sa gloire, entr’autres, Xénocrate, Speusippe, Amiclas.
Après tous les témoignages rassemblés par Le Dieu, il n’y a plus moyen d’en douter, le caractère ordinaire des discours de Bossuet, tels qu’il les faisait avec une grande abondance de cœur et une appropriation vive de chaque parole à son auditoire, c’était d’être touchants, d’ouvrir les cœurs de tous comme il y ouvrait le sien, de faire couler les larmes, de persuader enfin, grand but de l’orateur. « Comment faites-vous donc, monseigneur, pour vous rendre si touchant ? […] Bossuet aimait mieux prêcher la parole de Dieu toute simple et toute nue que de prononcer des oraisons funèbres : « Il n’aimait pas naturellement, a dit Le Dieu, ce dernier travail qui est peu utile, quoiqu’il y répandît beaucoup d’édification. » Sentant donc que ce déploiement et cet appareil d’éloquence solennelle le fatiguait en pure perte et ne tournait guère qu’en réputation et en gloire, il aurait cru faire tort à son troupeau que de s’y prêter plus longtemps, et, après ce dernier devoir de reconnaissance payé à la mémoire d’un prince dont l’amitié l’y obligeait, il déclara publiquement de ce côté sa carrière close, réservant désormais toute sa source vive pour des usages comme domestiques et familiers. […] Aussi ne s’est-il point chargé de ces grands carêmes où l’on prêche tous les jours ; il aurait succombé au travail et se serait épuisé, tant son application était grande et sa prononciation vive ! […] Bossuet, à la différence de Bourdaloue ou de Massillon, n’a donc jamais répété ni le même carême ni le même Avent ; il se renouvelait sans cesse, il s’appropriait sans relâche ; il était incapable de monotonie, d’uniformité, même en parlant de ce qui ne varie pas ; il voulait dans ses instructions les plus régulières une fraîcheur de vie toujours présente, toujours sensibleaa ; rien du métier ; il voulait l’action, l’émotion toute sincère ; il fallait que toute son âme, son imagination, émues de l’Esprit d’en haut, y trouvassent leur place et à se répandre chaque fois ; il ne pouvait souffrir dans l’orateur sacré que toutes ses paroles et ses mouvements fussent à l’avance réglés et fixés ; ce n’était plus verser la source d’eau vive. […] C’est en vertu du même principe de modestie, et de juste et rigoureuse distinction entre l’homme et le talent qu’au lit de mort et dans sa dernière maladie, comme le curé de Vareddes lui exprimait son étonnement qu’il voulût bien le consulter, lui à qui Dieu avait donné de si grandes et si vives lumières, il répondait : « Détrompez-vous, il ne les donne à l’homme que pour les autres le laissant souvent dans les ténèbres pour sa propre conduite. » Nous savons de nos jours, et par toutes sortes d’expériences, ce que c’est que l’homme de lettres livré à lui-même, dans toute la liberté et la verve de son caprice et de son développement ; nous savons ce qu’il est, même dans le cas où il se combine avec l’écrivain religieux et où il le complique par des susceptibilités sans nom.
Le Play de son livre, à rendre ici quelque chose de l’impression plus vive qui m’est restée et à le faire sous une forme moins froide que celle que la statistique exige. […] Une après-midi qu’il était avec son truchement à interroger le chef de famille, deux femmes entrèrent brusquement sous la tente, et l’une d’elles assaillit de paroles très vives le pauvre homme qui était son mari et qui se tenait coi, l’oreille basse. […] La manière dont il le raconte de vive voix est bien autrement circonstanciée et curieuse ; et en général, sur tous ces pays qu’il a vus et sur les singularités de mœurs, je ne sais rien de plus intéressant que sa conversation. […] Lui aussi, il est un ouvrier parisien par excellence, généreux, vif, amusant, malin, indiscret, aimable, — généralement imprévoyant/et pourquoi n’ajouterai-je pas ? […] On nous apprend à aimer le beau, l’agréable, à avoir de la gentillesse en vers latins, en compositions latines et françaises, à priser avant tout le style, le talent, l’esprit frappé en médailles, en beaux mots, ou jaillissant en traits vifs, la passion s’épanchant du cœur en accents brûlants ou se retraçant en de nobles peintures ; et l’on veut qu’au sortir de ce régime excitant, après des succès flatteurs pour l’amour-propre et qui nous ont mis en vue entre tous nos condisciples, après nous être longtemps nourris de la fleur des choses, nous allions, du jour au lendemain, renoncer à ces charmants exercices et nous confiner à des titres de Code, à des dossiers, à des discussions d’intérêt ou d’affaires, ou nous livrer à de longues études anatomiques, à l’autopsie cadavérique ou à l’autopsie physiologique (comme l’appelle l’illustre Claude Bernard) !
Elle t’a donné ce sentiment exquis, ce discernement prompt & vif, cette ame honnête & sensible qui s’enflamme pour le beau, & le goûte avec transport. […] Il n’est point de plaisirs flatteurs s’ils n’affectent le sentiment : c’est la partie divine de notre être, elle saisit ce qui est inaccessible aux sens, elle se passionne, s’attendrit, s’enflamme, sa subtilité inconcevable pénetre les objets les plus éloignés ; elle est la créatrice & la dépositaire des plaisirs de l’homme de Lettres, plaisirs aussi vifs peut être que ceux que procurent les passions, mais sans contredits plus fréquens, plus vrais & plus durables. […] Est-il un transport plus vif que celui qu’inspire le sentiment rapide du beau ? […] Alors dans les vastes pensées d’une sublime méditation, le livre antique lui tombe des mains, le soufle inspirateur se répand dans son ame, son cœur s’échauffe ; son imagination s’allume, un frémissement délicieux coule dans ses veines, l’enthousiasme le saisit ; sur des aîles de feu, son esprit s’élance, il franchit les limites du monde, il plane au haut des Cieux : là, il contemple, il embrasse la vertu dans sa perfection, il s’enflamme pour elle jusqu’au ravissement & à l’extase, je vois son front riant tourné vers le Ciel, des larmes de joie coulent de ses yeux, l’amour sacré du genre humain pénetre son cœur d’une vive tendresse, son sang bouillonne ; la rapidité de ses esprits entraîne celles de ses idées ; c’est alors qu’il peint avec sentiment, qu’il lance les foudres d’une mâle éloquence, qu’il crée ces chefs-d’œuvres l’admiration des siécles ; il donne l’ame, la vie, ou plutôt il embrâse tout ce qu’il touche. […] Active imagination, tu es la source & la gardienne de nos plaisirs ; ce n’est qu’à toi que nous devons l’agréable illusion qui nous flatte ; tu sçais fournir à notre cœur les plaisirs dont il a besoin ; tu rappelles nos voluptés passées, & tu nous fais jouir de celles que l’avenir nous promet ; tu plais sur-tout à l’esprit ; c’est ta flamme subtile & légere qui colore & les Cieux & la terre & les Mers ; sans toi l’ame se refroidit, la fleur la plus précieuse de notre sensibilité tombe, se fanne, & tous les charmes de la vie disparoissent ; tu distingues dans les Arts celui qui est né avec du génie ; la pensée la plus profonde s’évanouit, si elle n’est revêtue de tes couleurs ; tu as peut-être découvert plus de vérités que la raison même, car tu joins la force à l’agrément, la persuasion à l’autorité ; tout ce qui est vif, délicat, riant est de ton ressort ; oui, tu es le miroir heureux où se peignent, se multiplient, s’embellissent tous les objets de la Nature.
L’ode terminée aux applaudissements de tous, la conversation s’engagea : jamais esprit plus charmant, causeur plus gracieux et plus vif n’avait captivé l’attention. […] Ampère apparaissait donc dans tout son relief comme le pur et vif organe, le représentant de l’esprit français nouveau. […] Je viens de la relire après quarante ans : je ne sais rien de plus vif, de plus léger, de plus juste dans la touche et dans le dessin. […] Jusque-là ce n’avaient été que de légères et vives échappées d’un savant professeur en vacances, échappées extrêmement agréables d’ailleurs et qui ont laissé leurs traces. […] Bunsen était venue bientôt me rassurer après de vives alarmes en m’annonçant sa convalescence.
Vive ta Grive qui s’enivre ! […] Vive ta Grive dont la voix A des refrains qu’un Genevois Pourrait parfois trouver grivois ! […] Vive donc votre ivresse, et vive Votre chant, Madame la Grive, Par qui la guérison m’arrive ! […] Dans le Roi vierge, il faut choisir, pour lui rendre justice, le beau personnage de Gloriane et l’agile silhouette de Brascassou relevé de toute sa louche agilité, cette statue de chair vive, cette reine d’opéra. […] Ces tapisseries aux soies vives, c’est les scènes de Mendès ; cette musique ailée, c’est les vers de Mendès.
Le théâtre français contemporain des Gelosi On a vu quelle vive et fringante allure avait prise la comédie sur le théâtre des Gelosi. […] Tandis que la tradition burlesque régnait presque souverainement sur la scène italienne, et que les types, inventés une fois pour toutes, y reproduisaient chaque ridicule dans son expression générale, nos bouffons ne perdaient pas l’habitude de regarder autour d’eux, de peindre sur le vif un caractère particulier, de saisir l’actualité au passage, d’exercer enfin l’esprit observateur et satirique propre à la nation. […] L’autre, italien, était arrivé au plus haut point de culture, et jetait le plus vif éclat.
L’idéal, en cette période de Sophocle, peut sensiblement revêtir et comme modeler les groupes tragiques, mais c’est un idéal encore qui n’altère en rien le naturel simple et vif, et qui respecte la douleur humaine prête à se faire jour par des cris au besoin et par tout ce qu’il y a de plus vrai dans le langage. […] Il est une fraîcheur qui tient à la source ; il est des images vives et légères qui tiennent aux impressions du berceau, et dont la trace se perpétue à travers les âges. […] De la subtilité, de la manière sophistique, du mauvais goût, il en a certes beaucoup trop, et nous le dirons tout à l’heure ; mais tâchons auparavant de bien pénétrer son genre de passion, de tendresse même (car il en a aussi), et de saisir son tour d’imagination hardie et vive. […] On peut dire encore de ces courtes et vives saillies du poëte amoureux que ce ne sont que des étincelles, mais des étincelles arrachées à la foudre. […] On y sent respirer à chaque mot ce quelque chose de vif, de court, d’imprévu, qui est proprement le génie de l’épigramme.
Cette poésie touchante, familière et pure, a aussi tenté, de nos jours, quelques hommes de talent en France, et je suis loin de ne pas les estimer à leur prix : toutefois la veine principale et la source vive ont été surtout en Angleterre, et j’aimerais à ce que nos auteurs en fussent mieux informés, non point pour aller l’imiter et la vouloir directement transporter chez nous, mais pour se mieux pénétrer des conditions nécessaires à ce genre d’inspirations et pour s’y placer, s’il se peut, à l’avenir. […] Lié avec Mme du Châtelet, qui s’éprit pour lui d’une vive passion, il parut y répondre ; on a publié assez récemment un extrait de leur correspondance. […] Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau nous montrent Saint-Lambert, en 1756, dans le vif de sa liaison avec Mme d’Houdetot, liaison qui subsista durant presque un demi-siècle, et dont plusieurs de nos contemporains ont vu la fin. […] Horace Walpole dans le même temps, avec la hardiesse d’un homme tout rempli de Milton, de Shakespeareh, et qui était l’ami de Gray, ajoutait son impression à celle de la clairvoyante aveugle, et la confirmait en des termes vifs, qui sont encore pour nous la vérité même : Mme du C… m’avait prêté Les Saisons avant l’arrivée de votre paquet. […] Cette originalité, jointe aux vertus et aux qualités morales les plus fines qui sont l’âme de cette poésie, se rencontre au plus haut degré en un poète anglais bien connu de nom, mais trop peu lu en France, et dont je voudrais présenter une idée précise et vive, par opposition aux divers noms que je viens de passer en revue.
Il y avait des points douloureux et profonds et qui ne furent jamais entièrement guéris en lui ; il évite de les toucher, et il se montre plutôt par le côté vif, ingénieux, affectueux et riant. […] C’est un délicat, mais un délicat qui a senti des choses si particulières et si aiguës, qu’il osera infiniment, lorsqu’il s’agira d’exprimer au vif ses façons d’être et de penser. […] Cette poésie était trop neuve pour être bien comprise tout d’abord, et il n’y avait pas encore assez de fraîches éclaircies et de vifs tableaux pour enlever et séduire. […] Ajoutons vite (car ceci n’est point une biographie que nous prétendons esquisser, et nous ne voulons que faire connaître l’homme et le poète par ses traits principaux) que dès que Cowper s’aperçut que la présence de lady Austen pouvait à la longue chagriner Mme Unwin, et que l’aimable fée apportait dans le commerce habituel un principe trop vif de sensibilité ou de susceptibilité, propre à troubler leurs âmes unies, il n’hésita point une minute ; et sans effort solennel, sans coquetterie, par une simple lettre irrévocable, il sacrifia l’agréable et le charmant au nécessaire, et l’imagination tendre à l’immuable amitié. […] Il nous le dit lui-même, à cet âge de cinquante ans passés, il paraissait un peu moins que son âge ; il avait gardé de ses airs vifs de jeune homme ; il avait moins grisonné encore qu’il n’était devenu chauve, mais une mèche (comme cela s’appelle), une mèche bien placée réparait le vide et faisait boucle à son oreille, l’après midi, quand il était coiffé, avec sa bourse et son ruban noir, il pouvait paraître tout à fait galant.
J’aimerais à voir la jeunesse s’apprivoiser et s’adoucir petit à petit à ce style plus simple, à ces manières de dire vives et faciles, qui étaient réputées autrefois les seules françaises. […] Elle y parle très bien aussi, nudité à part, et d’une manière vive et sentie, de l’amour ; elle le proclame le premier des biens s’il est donné de l’atteindre, le seul qui mérite qu’on lui sacrifie l’étude elle-même. […] Ce n’est pas qu’elle ne voie au fond à qui elle a affaire en Saint-Lambert ; il est jeune, il est léger, elle se méfie : Vous connaissez les goûts vifs, lui écrit-elle un jour en partant, mais vous ne connaissez point encore l’amour. […] L’impression de cette mort sur Voltaire fut vive et fait honneur à sa sensibilité. […] La perte de Mme du Châtelet lui arracha de vraies larmes, interrompues bientôt par quelques-uns de ces mots vifs, pétulants et sensés, comme il ne pouvait s’empêcher d’en dire, et qui donneraient envie de lui appliquer, en le parodiant, un mot d’Homère : Il pleurait tout en éclatant de rire.
Ce qu’il était peut-être avant toute chose par nature, et le plus naïvement, si l’on peut dire, et le plus primitivement, c’était encore homme de lettres, dilettante, virtuose, avec le goût vif des arts, avec la passion et le culte surtout de l’esprit. […] Il jouissait de ce génie vif, familier, enjoué. […] » s’écriait Frédéric à vingt-cinq ans, — l’esprit, c’est-à-dire la raison brillante, la raison enjouée et vive. […] Toute illusion a cessé, et il ne reste plus que ce goût vif de l’esprit qui se manifeste encore. […] La relation de Frédéric avec d’Alembert fut d’une tout autre nature que sa liaison avec Voltaire ; elle ne fut jamais aussi vive, mais elle eut durée et solidité.
Et d’abord Montaigne, bien qu’il vive dans un siècle agité, orageux, et qu’un homme qui avait traversé la Terreur (M. […] En fait de vigilance et d’activité, ces esprits délicats et vifs sont sujets à tenir plus qu’ils ne disent. […] Dans l’habitude et la continuité de son style, Montaigne est l’écrivain le plus riche en comparaisons vives, hardies, le plus naturellement fertile en métaphores, lesquelles, chez lui, ne se séparent jamais de la pensée, mais la prennent par le milieu, par le dedans, la joignent et l’étreignent. […] Notre bon langage, en effet, notre prose, qui se sent toujours plus ou moins de la conversation, n’a pas naturellement de ces ressources et de ces fonds de toile pour une continuelle peinture ; elle court et fuit vite, et se dérobe : à côté d’une image vive, elle offrira une soudaine lacune et défaillance. […] Son livre est un trésor d’observations morales et d’expérience ; à quelque page qu’on l’ouvre et dans quelque disposition d’esprit, on est assuré d’y trouver quelque pensée sage exprimée d’une manière vive et durable, qui se détache aussitôt et se grave, un beau sens dans un mot plein et frappant, dans une seule ligne forte, familière ou grande.
J’ai souvent pensé à ce qu’il était, en me reportant à ce qui nous avait manqué à l’heure propice, et j’en puis aujourd’hui parler, j’ose le dire, dans un sentiment très vif et très présent. […] Ce moment de maturité chez Boileau est aussi l’époque de son plus vif agrément. […] On nous a tant fait Boileau sévère et sourcilleux dans notre jeunesse, que nous avons peine à nous le figurer ce qu’il était en réalité, le plus vif des esprits sérieux et le plus agréable des censeurs. […] Ce sont là de ces tours délicats de flatterie comme en avait Boileau ; ce satirique, qui savait si bien piquer au vif, est le même qui a pu dire : La louange agréable est l’âme des beaux vers. […] Tout cela, récité par Boileau chez M. de Lamoignon, avec cet art de débit qui rendait au vif l’inspiration, parlait à l’œil, à l’oreille, et riait de tout point à l’esprit.
Avec des nuances bien moins vives que René, c’est un petit livre qui en est l’égal et comme le frère. […] On sait en effet qu’attaché de bonne heure à Mme de Staël par un sentiment plus vif encore et plus tendre que l’admiration, il avait voulu, à une certaine heure et quand elle fut libre, l’épouser, lui donner son nom et qu’elle s’y refusa absolument : il lui aurait semblé, à elle, en y consentant, déroger à quelques égards, faire tort à sa gloire, et, comme elle le disait gaiement, désorienter l’Europe. […] Après avoir reçu le livre, il écrivait à Mme d’Albany, le 14 octobre 1816, — et cette lettre est devenue désormais le jugement et le commentaire inséparables d’Adolphe : … J’ai profité du retard pour lire deux fois Adolphe ; vous trouverez que c’est beaucoup pour un ouvrage dont vous faites assez peu de cas, et dans lequel, à la vérité, on ne prend d’intérêt bien vif à personne.
Comme tous ces récits sont d’une invention naturelle, d’une allure vive, d’un tour et d’un style exquis ! […] La crise fut vive pour Mme Sand. […] L’action vive et rapide n’était pas le fait de Mme Sand. […] Je l’ai senti presque aussi vif et pénétrant. […] Elle s’en était défendue dans une réponse bien curieuse, courtoise mais vive, à M.
En lisant l’art poëtique d’Horace, on voit bien que le vice reproché par Quintilien à la déclamation théatrale de son temps, venoit de ce qu’on l’avoit voulu rendre plus vive, plus affectueuse et plus expressive, tant du côté de la récitation que du côté du geste, qu’elle ne l’avoit été dans les temps anterieurs. […] Ainsi notre déclamation théatrale est devenuë si vive et si passionnée, que l’acteur qui devroit réciter le plus posément, qu’un personnage qui raisonne sensément sur l’avenir, débite aujourd’hui les maximes les plus sages avec autant d’agitation que la prêtresse de Delphes en pouvoit montrer lorsqu’elle rendoit ses oracles assise sur le trépié. […] Il est comme impossible que le geste des personnes qui parlent une langue dont la prononciation est devenue plus vive et plus accentuée, ne devienne pas aussi et plus vif et plus fréquent.
On trouvera, dans le mouvement habituel du langage, dans le courant et la suite de l’entretien, des libertés, des grâces, des familiarités et des effusions plus vives encore que par le passé ; Mme de Sévigné osera tout, et avec plus d’abandon, avec plus d’abondance encore qu’on ne lui en connaissait : c’est ce qu’on aura surtout gagné. […] Elle reste bien la même, la spirituelle et l’éblouissante railleuse, celle qui porte partout la vie, celle qui a en elle la joie et le charme, celle que de tout temps nous connaissons, mais plus abandonnée, plus vive de parole et de plume, plus à bride abattue, plus drue et gaillarde, plus sœur de Molière, plus elle-même, pour tout dire, que jamais. […] Mais non point de paresse, cela vaut mieux ; recommençons, rafraîchissons-nous toujours ; obligés de contrôler, de défendre ou de modifier tant soit peu les beautés connues, n’y voyons qu’une occasion d’en retrouver la sensation plus vive et toujours nouvelle ; ne nous figeons pas dans le classique, baignons-nous-y toujours. […] Elle l’alla voir dès qu’il fut sorti de la Bastille ; ils se réconcilièrent, mais il resta toujours, ou bien longtemps du moins, une petite rancune secrète des deux parts, qui se produisait très diversement, — du côté de Mme de Sévigné, par de vives, légères et agréables malices, — du côté de Bussy, par des aigreurs recuites, un peu rances et maussades. […] ma bonne, je suis persuadée que vous n’êtes que trop vive et trop sensible sur ma vie et sur ma santé ; vous l’avez toujours été, et je vous conjure aussi, comme j’ai toujours fait, de n’en être point en peine.
Les plus vifs, les plus passionnés tirent de cette succession mobile une sorte de plaisir passager, enivrant, qui réduit sur eux l’impression de chaque idée nouvelle au charme d’une sensation ; ils s’éprennent et se détachent tour à tour, ils épousent presque un système nouveau comme Aristippe une courtisane, sachant qu’ils s’en lasseront bientôt : c’est une manière d’épicuréisme sensuel et raffiné de l’intelligence. […] On dirait que la quantité de volonté vive, fluide et non réalisée jusque-là, n’étant plus tenue en suspension par la chaleur naturelle à l’âge et la fermentation ignée de la vie, se précipite et s’infiltre plus bas en s’égarant. […] Il y eut pourtant une vive sensation, comme on dit, mais stérile chez la plupart, et le nom de M. de La Mennais est resté pour eux un épouvantail ou une énigme. […] Sa première enfance jusqu’à huit ans fut extrêmement vive et pétulante, il mettait en émoi tous ses camarades du même âge par ses malices, ses saillies et ses jeux. […] Si quelques enchaînements du livre m’ont ainsi échappé, j’y ai gagné d’emporter avec moi le plus vif de l’homme.
C’est pourquoi les personnes qui ont des images très vives emploient, pour les exprimer, les mêmes mots que pour désigner les sensations elles-mêmes, et, pendant quelques secondes, prennent leurs images pour des sensations. […] Lorsque je voulais continuer le premier portrait, je prenais l’homme dans mon esprit, je le mettais sur la chaise où je l’apercevais aussi distinctement que s’il y eût été en réalité, et, je puis même ajouter, avec des formes et des couleurs plus arrêtées et plus vives. […] « Le 24 février 1791, dit-il, à la suite d’une vive altercation, j’aperçus tout d’un coup, à la distance de dix pas, une figure de mort… L’apparition dura huit minutes. […] À chaque instant, les personnes d’imagination vive sont obligées de faire les réductions que ce vieillard ne faisait plus ; l’ordre général de leurs souvenirs, fortifié par l’adjonction de quelque remarque nouvelle, y suffit le plus souvent. […] En revenant de cette visite, il avait pris une dose modérée de laudanum pour empêcher le mal de mer, et il était sur une couche dans la cabine, quand la figure de la dame apparut devant lui d’une façon si distincte que sa présence actuelle n’eût pas été plus vive.
Par l’ordre de sa date, par le rang éminent où il s’est placé d’abord, par la vive influence qu’il a longuement exercée, par le progrès et l’accroissement où il n’a pas cessé de se tenir, en même temps qu’il reste pour nous du très-petit nombre des maîtres illustres, il est de ceux dont l’autorité continue de vivre, et qu’on est certain, en avançant, de toujours et de plus en plus retrouver. […] Toutes les grâces naturelles et vives du talent de M. […] Ce qu’il connut bien vite, ce qu’il goûta et saisit aisément du xviiie siècle, ce fut le côté mondain, la façon spirituelle, sceptique, convenable toujours, l’aperçu vif, court, net, délibéré, léger quelquefois, sensé en courant, moqueur avec grâce ; en un mot, M. […] Le titre de sa chaire fut tout d’abord justifié par lui ; il introduisit dans la critique la vivacité, l’imagination, la biographie, l’histoire ; plus ses études s’élargirent et ses idées se fortifièrent, plus son élégante et vive parole, toujours passionnée du culte de l’esprit, grandit véritablement à l’éloquence. […] Le vif et le mordant de ce rare esprit, sa liberté tout entière ne se déploie ou que dans le tête-à-tête, ou que devant tous.
A chaque genre, ils attribuèrent un caractère spécial : le diatonique fut assigné aux émotions graves et viriles ; le chromatique aux émotions plaisantes ; l’enharmonique aux émotions très vives et rapides. […] Voici d’abord le motif, un air vif et léger, exposé, durant trois mesures, par la première voix. […] Le même sujet, traité par un Français, eût pris une allure plus tranchante et plus vive ; seulement, il eût perdu en intimité ce qu’il eût gagné en mouvement et en surface. […] « Je tiens décidément à l’avant-fête du 22 mai ; de son indubitable et heureux succès résultera, je crois, un vif progrès dans notre grande entreprise. […] Je les retrouve telles en les Jeux séduisants du Bossu d’Arras ; Robin Et Marion, la Feuillée, où s’allient par un naïf déchant, tes vives chansons populaires et les musiques religieuses.
Puissé-je avoir un petit foyer, un toit simple et qui a ne craigne point la fumée, une source d’eau vive auprès, et l’herbe de la prairie ! […] Il s’y montre au-dessus du métier et de la routine : en lisant cette Méthode, on assiste à la manière toute pratique et toute vive dont il élève un de ses fils, et de laquelle sa fille, qui était présente, profita également. […] Mme Dacier nous a peint son père, bel homme, quoique d’une taille peu dégagée, blond, avec des yeux d’un bleu remarquable ; extrêmement bon, mais un peu brusque ; vif, plein de feu dans le moment, sans rancune, et bien qu’ayant rompu presque tout commerce avec le monde, toujours ouvert et tendre à l’amitié : Quoiqu’il fût, dit-elle, dans un des plus beaux pays du royaume, où l’on peut se promener le plus agréablement, il ne se promenait presque jamais ; son étude, ses enfants et un jardin, où il avait toutes sortes de belles fleurs qu’il prenait plaisir à cultiver lui-même, étaient son divertissement ordinaire. […] J’ai distingué des passages propres à causer l’émotion la plus vive, s’ils m’eussent été présentés avec la magie du vers, ainsi qu’ils doivent l’être dans l’original. […] Elle entrait dans toutes mes occupations ; elle me déterminait souvent dans mes doutes ; souvent même elle m’éclairait par des traits qu’un sentiment vif et délicat laissait échapper.
Sa mère Anne Donne, de noble naissance, mourut jeune en 1737, laissant deux fils ; William n’avait alors que six ans, mais il garda des premiers temps de son enfance et des tendresses de sa mère un souvenir vif et profond, gravé plus avant en son cœur par le régime tout différent auquel il fut soumis le lendemain de cette mort ; il a consacré ce souvenir, à plus de cinquante ans de distance, dans des vers composés par lui en recevant d’une cousine le portrait de sa mère (1790). […] Cowper, en causant avec ce jeune homme, rencontra avec une joie inexprimable une âme nourrie des plus vives notions du christianisme, tel qu’il le concevait lui-même ; il fut introduit bientôt dans la famille, et dès lors une amitié s’engagea qui décida de toute la vie, et, l’on peut dire, de toutes les facultés et des talents du poète. […] La guérison qui semblait en si bonne voie lors de son arrivée à Olney rétrograda tout à coup, et un nouveau trouble vint ébranler profondément cette vive et si pénétrante intelligence. […] La poésie commençait à le partager ; il y recourait de temps en temps, mais seulement quand il avait quelque chose de particulier et de plus vif à exprimer, et qui lui eût paru excessif en prose : les vers alors lui semblaient « le seul véhicule convenable à la véhémence de l’expression ». […] On se surprend à dire : Quelle nature vive, folâtre, pleine de gentillesse, curieuse et ouverte à toute impression, quand elle n’est pas sombre !
Gresset, n’en déplaise à l’enthousiasme trop continu de son panégyriste, n’a fait dans sa vie que deux choses qui se puissent relire avec un vrai plaisir, et qui s’attacheront toujours à son nom : il a fait Vert-Vert à son moment le plus vif, et le Méchant à son moment le plus mûr. […] L’observation fine de Gresset venait de prendre sur le fait un travers, un vice particulier à ce moment de société auquel il assistait ; son talent redevenu net, vif, élégant, et à la fois enhardi, avait mis l’odieux objet dans une entière lumière ; sa conscience d’honnête homme l’avait flétri. […] Il eut là le plus vif succès de ses vingt-cinq dernières années. Mesdames Royales, filles de Louise XV, ne se sentirent pas de joie à la peinture de cet intérieur de nonnes ; c’était la plus vive gaieté qui eût jamais pénétré au sein de cette autre vie cloîtrée et innocemment futile. […] Comment la rouille avait-elle si complétement recouvert ce vif et brillant esprit ?
Il y a des exemples de toutes ces formes diverses parmi les productions nées du cœur ; et ces formes, nous le répétons, sont assez insignifiantes, pourvu qu’elles n’étouffent pas le fond et qu’elles laissent l’œil de l’âme y pénétrer au vif sous leur transparence. […] Ce n’est pas un héros de roman qu’Ernest : nous l’avons connu adolescent vif, impétueux, d’une physionomie spirituelle, ni beau ni laid ; il est devenu homme, appliqué aux affaires, modérément accessible aux distractions de la vie, fidèle à sa chère et tendre Justine, mais non pas insensible à Cornélia. […] Le premier amour, celui de dix-huit ans, par exemple, en le supposant aussi vif et aussi avancé que possible, en l’environnant des combinaisons les plus favorables à son cours, ne se prolonge jamais jusqu’à vingt-quatre ans ; et il se trouve là un intervalle, un sommeil du cœur, entrecoupé d’élancements vers l’avenir, et durant lequel de nouvelles passions se préparent, des désirs définitifs s’amoncellent. […] Les Lettres de Lausanne sont un de ces livres chers aux gens de goût et d’une imagination sensible, une de ces fraîches lectures dans lesquelles, à travers de rapides négligences, on rencontre le plus de ces pensées vives, qui n’ont fait qu’un saut du cœur sur le papier : c’est l’historien de Mlle de Liron qui a dit cela. […] C’était une personne de vertu et de religion : Mlle Aïssé lui confia tout le passé, et ses scrupules encore vifs, ses remords d’un amour invincible ; Mme de Calandrini lui donna de bons conseils, lui fit promettre, au départ, d’écrire souvent, et ce sont ces lettres précieuses que nous possédons.
À propos d’une de ces querelles d’étiquette et de prérogative que Saint-Simon souleva, Louis XIV ne put s’empêcher de remarquer « que c’était une chose étrange que, depuis qu’il avait quitté le service, M. de Saint-Simon ne songeât qu’à étudier les rangs et à faire des procès à tout le monde », Saint-Simon était possédé sans doute de cette manie de classer les rangs, mais, surtout et avant tout, de la passion d’observer, de creuser les caractères, de lire sur les physionomies, de démêler le vrai et le faux des intrigues et des divers manèges, et de coucher tout cela par écrit, dans un style vif, ardent, inventé, d’un incroyable jet, et d’un relief que jamais la langue n’avait atteint jusque-là. […] Tout est ainsi, tout parle et se voit, et chacun se trouve traduit au vif dans sa nature. […] D’autres affectent la gravité et l’immobilité, pour dissimuler leur peu de douleur ; ils ont peur de se trahir par leurs mouvements trop vifs et trop dégagés : Mais leurs yeux suppléaient au peu d’agitation de leur corps. Des changements de posture, comme des gens peu assis ou mal debout ; un certain soin de s’éviter les uns les autres, même de se rencontrer des yeux ; les accidents momentanés qui arrivaient de ces rencontres ; un je ne sais quoi de plus libre en toute la personne, à travers le soin de se tenir et de se composer ; un vif, une sorte d’étincelant autour d’eux les distinguaient, malgré qu’ils en eussent. […] Quant à Saint-Simon, qui tâche de ne point paraître du secret, et de faire le modéré et le modeste dans le triomphe, il faut l’entendre se dépeindre lui-même et nous confesser l’ivresse presque sensuelle de sa joie : Contenu de la sorte, dit-il, attentif à dévorer l’air de tous, présent à tout et à moi-même, immobile, collé sur mon siège, compassé de tout mon corps, pénétré de tout ce que la joie peut imprimer de plus sensible et de plus vif, du trouble le plus charmant, d’une jouissance la plus démesurément et la plus persévéramment souhaitée, je suais d’angoisse de la captivité de mon transport, et cette angoisse même était d’une volupté que je n’ai jamais ressentie ni devant ni depuis ce beau jour.
On s’est demandé si, en un siècle aussi riche que le xvie , en un siècle qui possédait un si grand nombre d’écrivains énergiques, colorés, vifs, naïfs, ou même gracieux par endroits, il était juste de transférer tout l’honneur de la naïveté, de la grâce et de l’éloquence sur un simple traducteur. […] Nous autres ignorants étions perdus, si ce livre ne nous eût relevés du bourbier. » Et il ajoute avec un vif sentiment de ce bienfait : « Grâce à lui, nous osons à cette heure et parler et écrire ; les dames en régentent les maîtres d’école : c’est notre bréviaire. » Rien ne saurait prévaloir contre un tel témoignage. […] Bon, facile, amateur de musique, un peu timide en public, un peu perdu dans les détails, vif d’humeur, mais revenant aisément, franc, ouvert et candide, tel on nous peint et tel aisément on se figure en effet le bon Amyot, que le malheur, vers la fin de son existence heureuse, vint tout à coup visiter. […] Il est difficile d’essayer un jugement sur les ouvrages d’Amyot et de les apprécier au vrai sans avoir à la fois sous les yeux les textes et les traductions : mais non, prenons celles-ci, comme on l’a fait presque toujours, comme des écrits originaux d’un style coulant, vif, abondant, familier et naïf, qui se font lire comme s’ils sortaient d’une seule et unique veine. […] Notez, chemin faisant, que d’expressions vives, parlantes, toutes fidèles, ou mieux que si elles étaient littéralement fidèles, car elles sont trouvées, une ville bouillante, attiédir cette fierté de courage, un peuple si haut à la main, se couler tout doucement ès cœurs des hommes, etc. : que de jolis mots qui sentent leur jet de veine et leur liberté naïve !
Il est fort facile et fort vrai de dire que La Fontaine se pénétra du style de Marot, de Rabelais, et le reproduisit avec originalité ; mais de Marot et de Rabelais à La Fontaine il n’y a pas moins de cent ans d’intervalle ; et, quelque vive sympathie de talent et de goût qu’on suppose entre eux et lui, une si parfaite et si naturelle analogie de manière, à cette longue distance, a besoin d’explication, bien loin d’en pouvoir servir. […] L’école de Malherbe, par son dédain absolu pour le passé, n’était guère propre à réveiller le goût des curiosités gauloises, et on ne le retrouve un peu vif que chez Guillaume Colletet, Ménage, du Cange, Chapelain, La Monnoye, tous doctes de profession. […] C’était, il est vrai, un vieux poëte unique en son genre, et par mille endroits ne ressemblant à nul autre, ni à maître Vincent, ni à maître Clément, ni à maître François ; un vieux poëte, adorateur de Platon, fou de Machiavel, entêté de Boccace, qui chérissait Homère et l’Arioste, oubliait de dîner pour Tite-Live, goûtait Térence en profitant de Tabarin, qu’une ode de Malherbe transportait presque à l’égal de Peau d’Ane, et dont l’admiration vive et mobile, comme celle d’un enfant, embrassait toutes les beautés, s’ouvrait à toutes les impressions, en recevait indifféremment du nord ou du midi, et trouvait place même pour le prophète Baruch, quand Baruch il y avait199. […] N’oublions point, toutefois, que bien des rapports d’inclinations et même de talent le liaient à Chapelle et à Chaulieu ; que, jusqu’au temps de sa conversion, il venait fréquemment deviser et boire sous les marronniers du Temple, à la même table où s’assirent plus tard Jean-Baptiste Rousseau et le jeune Voltaire ; et que ce dernier surtout, vif, brillant, frivole, puisa au sein de cette société joyeuse, où circulait l’esprit des deux Régences, certaines habitudes gauloises de licence, de malice et de gaieté, qui firent de lui, selon le mot de Chaulieu, un successeur de Villon, quoiqu’à dire vrai Voltaire n’eût peut-être jamais lu Villon, et que, pour un convive du Temple, il parlât trop lestement de La Fontaine… 196.
En s’y reportant lui-même à son tour, en repassant sur ses anciennes traces, le maître vient d’y répandre la lumière qui est inséparable de sa plume comme de sa parole ; il n’a pu sans doute rendre à ces premiers canevas tout le développement et tout le souffle qui s’est évanoui avec l’improvisation même ; mais il a su y mettre partout la précision, la netteté, l’élégance, indépendamment de quelques riches et neuves portions dont il les a relevés ; il a su faire enfin de cette suite de volumes sérieux un sujet de vive et intéressante lecture. […] Le plus souvent cette vive action s’est produite dans des circonstances toutes particulières et sur des questions très-déterminées. […] C’est qu’alors toute parole portait coup, et entrait pour ainsi dire dans le vif. […] Cousin, faire valoir, comme elle le mérite, cette révision patiente et vive qui témoigne d’un grand respect pour le public et d’un noble souci de l’avenir.
C’est l’expression vive d’une perception vive. […] Aussi Pascal, dont la vive imagination saisissait avec force tous les rapports et toutes les oppositions des idées, et qui excellait à les rendre sensibles par des rapports et des oppositions pareilles de mots, comparait les vaines antithèses faites pour arrondir les phrases aux fausses fenêtres qu’on peint sur les murs pour la symétrie.
Retté apporta, je l’avoue, une fougue vive, charmante, affectueuse et une rayonnante honnêteté. […] Mais Maurice Le Blond s’est montré trop vif en niant tout mérite à cet écrivain. […] Peut-on démontrer son puffisme avec une plus vive innocence ?
Quand même il seroit vrai que, dans ses Mémoires, M. de la Beaumelle n’a pas toujours eu l’exactitude historique & la discrétion convenable, on ne peut lui refuser une maniere de raconter vive, intéressante, pittoresque, énergique. […] Puisqu’il s’est rendu ainsi justice à lui-même, on ne doit pas le priver des louanges qu’il mérite, pour les vues profondes, les pensées vives, les critiques justes, & sur-tout pour la maniere nerveuse & précise avec laquelle il y exprime toutes ses idées.
Avec une imagination vive & élevée, un esprit plein de finesse & de pénétration, il avoit acquis, par l’étude des bons Modeles, les qualités nécessaires à un bon Ecrivain. […] Il n’est pas, jusqu’aux Vies particulieres, qu’il n’ait su rendre intéressantes, par une touche vive, lumineuse, délicate, & remplie d’onction.
Mais il aurait fallu pour cela un plus vif mouvement d’innovation et de découverte que ne s’en permettait Fontanes. […] En somme, toutes les antipathies qu’on se figure que Voltaire aurait eues si vives durant la Révolution et de nos jours, Fontanes les a eues et nous les représente, et non par routine ni par tradition, mais bien vives, bien senties, bien originales aussi ; il était né tel. […] Sous le lent nuage sombre, l’entretien délicat et vif n’était que plus doux. […] La parole vive, spirituelle, brillante, y a son jeu, son succès, je le sais bien ; mais, tout à côté, la parole pesante y a son poids. […] Qu’il vive donc à son rang désormais, paisible dans ce demi-jour de l’histoire littéraire qui n’est pas tout à fait un tombeau !
La mort d’un neveu, fils aîné de ma défunte sœur, nous a plongés dans la plus vive douleur. […] Au contraire, j’ai un goût vif pour le peuple, pour le pauvre. […] Homais nous serions tous brûlés vifs. […] Dupanloup la plus vive affection. […] Le cours d’histoire fut pour moi une autre cause de vif éveil.
Ce sermon, prêché « selon que Dieu me l’a inspiré », dit Bossuet en le terminant, a quelque chose de jeune, de vif, de hardi, par endroits de hasardé et presque d’étrange. […] Et c’est alors que, tandis que Jésus descend le long de la montagne des Olives, il le présente touché au vif dans son cœur d’une tendre compassion, et pleurant sur la ville ingrate dont il voit d’avance la ruine ; puis, tout d’un coup, sans transition et par une brusque saillie qui peut sembler d’une érudition encore jeune, Bossuet s’en prend à l’hérésie des marcionites qui, ne sachant comment concilier en un seul Dieu la bonté et la justice, avaient scindé la nature divine et avaient fait deux Dieux : l’un purement oisif et inutile à la manière des épicuriens, « un Dieu sous l’empire duquel les péchés se réjouissaient », le Dieu qu’on a nommé depuis des bonnes gens ; et, en regard de ce Dieu indulgent à l’excès, ils en avaient forgé un autre tout vengeur, tout méchant et cruel : et aussi, poussant à bout la conséquence, ils avaient imaginé deux Christs à l’image de l’un et de l’autre Père. […] Le premier point du discours où l’orateur glorifie la bonté de Jésus, toute conforme à sa vraie nature, est marqué par des bonds et des élans, des termes vifs et impétueux, des mots significatifs qui enfoncent la pensée ; un peu d’archaïsme s’y mêle dans l’expression : Et à ce propos (de la miséricorde), il me souvient, dit l’orateur, d’un petit mot de saint Pierre par lequel il dépeint fort bien le Sauveur à Corneille : Jésus de Nazareth, dit-il, homme approuvé de Dieu, qui passait bien faisant et guérissant tous les oppressés : Pertransiit benefaciendo… Ô Dieu ! […] Bien qu’en tout ceci Bossuet ne fasse qu’user des termes de l’Apôtre, et peut-être de ceux de Chrysostome, il s’en sert avec une délectation, un luxe, un goût de redoublement qui déclare la vive jeunesse : Il a, dit l’apôtre, appréhendé la nature humaine ; elle s’enfuyait, elle ne voulait point du Sauveur ; qu’a-t-il fait ? […] Quand Bossuet, plus tard, dans son oraison funèbre du prince, parlera avec tant de répulsion des discordes civiles et « de ces choses dont il voudrait pouvoir se taire éternellement », il rendra un sentiment bien réel et vif qui lui avait arraché dans le temps même ce cri de douleur et d’alarme.
Thiers, en tête de ce tome xiie , que les circonstances avaient retardé et qui sera suivi rapidement de trois autres, a mis une préface vive, animée, dans laquelle il expose sa manière d’entendre et d’écrire l’histoire, et où il parle aussi de lui-même et des choses présentes avec dignité et convenance. […] Il craint de créer des choses plus vives que nature, en les exprimant trop. […] À ce déjeuner de Golgao commence à figurer et à se distinguer déjà par l’émotion de la parole un noble et enthousiaste militaire, qui revenait en toute hâte de Paris où il avait causé avec Napoléon, « le général Foy, si célèbre depuis comme orateur, joignant à beaucoup de bravoure, à beaucoup d’esprit, une imagination vive, souvent mal réglée, mais brillante, et qui éclatait en traits de feu sur un visage ouvert, attrayant, fortement caractérisé ». […] On aimerait à le sentir plus au vif chez l’historien. […] Préface dont une moitié est charmante, et qui ressemble à une conversation vive, abondante, inattendue ; allant tout droit devant elle, et comme en a matin et soir cet esprit si fertile et si en train à toute heure.
Dans cette Cisalpine si ravagée, il assista de près aux luttes sanglantes de la guerre civile et aux circonstances qui amenèrent le second triumvirat ; il eut dès l’enfance les impressions vives de la cité, comme Virgile avait eu celles des champs. […] C’est presque s’attribuer la sagacité souveraine et usurper sur la puissance universelle que de dire d’un être semblable à nous : « Il est cela ; et, tel point de départ étant donné, telles circonstances s’y joignant, il devait être cela, ni plus ni moins, il ne pouvait être autre chose. » Notez que je ne parle ainsi que parce que j’ai devant moi une ambition scientifique impérieuse et précise ; car, littérairement, et sans y attacher tant de rigueur, on peut se permettre de ces résumés vifs, de ces termes brefs qui peignent et qui fixent un personnage, de ces aperçus qui animent une analyse et qui ne tirent pas à conséquence. […] J’observe que les hommes ainsi disposés sont tous plus ou moins forts ou vifs, qu’ils ont de bonne heure contracté l’habitude d’exercer l’art de la parole et qu’ils sont aussi peu méditatifs. […] Sa grande préoccupation fut toujours de trouver, d’atteindre le point d’appui intérieur, et là où d’autres ne voyaient qu’un fait, une modification ou tout au plus un centre de gravité instable et mobile, de sentir, lui, un centre fixe, un point essentiel, indivisible, indestructible, animé, une cause vive, une monade, une âme. […] Ici je me récuse ; je demande à ne pas entrer dans ces guerres de méthode, dans ces dissections délicates qui pénètrent jusqu’au vif, et à rappeler simplement que, à quelque point de vue qu’on se place pour le juger, M.
Le caractère de Monselet, dès ses débuts, c’est le goût du naturel, un vif sentiment du ridicule. […] Ne vous attaquez pas au poëte ; quelqu’un l’a dit : « Tout vrai poëte a dans son carquois une flèche d’Apollon. » Percé donc et transpercé de flèches, écorché tout vif, le malheureux Fréron excita le rire et ne trouva pas même indulgence auprès de tous ceux qui haïssaient son vainqueur16. […] C’est encore dans Voltaire qu’il faut chercher la vraie et vive critique littéraire de ce temps-là ; c’est dans Grimm, c’est dans La Harpe lui-même. […] La Harpe, dans sa chétive personne, presque aussi exiguë que celle de Pope, sous cette enveloppe petite et frêle, que tous ces hommes gros et gras lui reprochaient grossièrement, avait des qualités vives, des susceptibilités fines, des nerfs délicats ; il sentait en lui un principe supérieur, une flamme, ce qui est devenu à certain jour un flambeau, ce qui lui a fait entreprendre et mener à bien les belles parties de son Cours de Littérature. […] Piquant et naturel avec grâce, il a la gaieté de bon aloi ; sa façon d’écrire est nette, vive et claire.
Il s’est fait un style qui, dans ses bons jours et quand le soleil rit, est vif, gracieux, enlevé, fait de rien, comme ces étoffes de gaze, transparentes et légères, que les anciens appelaient de l’air tissé. […] Voilà mon impression toute crue sur un des bons et solides feuilletons de ce critique qui en a tant fait de vifs et de jolis. […] On a une relation de ces moments suprêmes, écrite par l’une d’elles, et où respire un vif sentiment de l’innocence opprimée par l’injustice. […] L’émotion que causèrent ces dernières scènes fut vive dans le public, et il en est resté sur cet institut de l’Enfance une impression du genre de celles qui s’attachent aux touchantes et tragiques infortunes. […] Il a pris ces noms et ce cadre de l’institut de l’Enfance comme un simple prétexte et un canevas à ses vives études et à ses goûts du moment ; il a voulu tracer, comme il dit, « un capricieux tableau d’histoire ».
C’est, au fond, leur plus vif plaisir. […] Je me suis amusé à recueillir dans les lettres de Voltaire quelques passages qui le peignent au vif dans cette universalité et cette avidité passionnée de goûts. […] Voilà le petit côté, Mme de Graffigny nous le fait toucher à nu, mais sans l’exagérer, et en reconnaissant d’ailleurs à Voltaire ses qualités vives, irrésistibles, et, malgré tout, aimables. […] « Enfin le bon Voltaire, dit-elle, vint à midi ; il parut fâché jusqu’aux larmes de l’état où il me vit ; il me fit de vives excuses ; il me demanda beaucoup de pardons, et j’eus l’occasion de voir toute la sensibilité de son âme. » Depuis cet instant, Voltaire fit tout pour qu’elle oubliât la triste scène dont il était bien honteux. On trouve dans sa correspondance de cette époque, dans une lettre au duc de Richelieu, qui est juste de cette date, une vive recommandation pour Mme de Graffigny, qui avait été fort liée avec Mlle de Guise, devenue duchesse de Richelieu.
Mais il ne s’est pas contenté de moissonner : il a voulu tirer parti de sa récolte et il nous présente aujourd’hui une étude d’ensemble sur la littérature populaire du Soudan que tout le monde lira avec le plus vif intérêt et que les folkloristes en particulier salueront avec le plus vif plaisir.
J’examine : tout est lié, motivé, sensé, possible, intelligible ; tout ressemble à ce qu’on a vu ou à ce qu’on peut se figurer, et les peintres sincères vous diront tout ce qu’il y a, sous cette ressemblance vive, de hardiesses de première venue, de difficultés abordées de front, enlevées à la pointe du pinceau et tournées en effets heureux et en triomphes. […] Bonhomie et cœur, ne nous repentons jamais d’avoir surpris au vif de ces choses-là. […] Il se met en marche pour Constantine ; il n’a plus le temps d’écrire, occupé qu’il est à voir et à peindre ; mais à bord du bâtiment qui le ramenait, et encore plein des sensations du voyage, il les a racontées à Mme Vernet dans une lettre courante et animée, où il fait voir que, sous une impression vive, il savait tenir autre chose encore que le pinceau. […] Figure-toi une délicieuse décoration d’opéra, tout de marbre blanc, et des peintures de couleurs les plus vives d’un goût charmant, des eaux coulant de fontaines ombragées d’orangers, de myrtes, etc. ; enfin un rêve des Mille et une Nuits. […] » On ne saurait mieux marquer ni définir la prétention du haut style par opposition à la réalité vive.
Pour l’abbé de Choisy, qui n’est certes pas exempt de coupables désordres, le travestissement toutefois semble être encore la chose principale, l’attrait le plus vif ; il aime le miroir pour le miroir, la toilette pour elle-même, la bagatelle pour la bagatelle. […] qu’aisément tout nous porte à Dieu, s’écrie-t-il encore avec un sentiment très vif et très sincère, quand on se voit au milieu des mers sur cinq ou six planches, toujours entre la vie et la mort ! […] On crie Vive le roi ! […] On s’explique déjà quel est ce genre d’esprit vif, badin, curieux, étourdi, plein de grâce, et se faisant beaucoup pardonner quand on rapproche une fois et qu’on le connaît. […] Son ton partout est vif, son style leste, espiègle, éveillé ; mais ne lui demandez rien de grave ou de profond.
Avant que notre idiome fût fixé, et quand déjà il sortait de sa première indigence, du temps d’Amyot et pendant tout le XVIe siècle, il abondait en ressource pour traduire les Anciens ; il se modelait sur eux avec ampleur et souplesse, et en prenait de vives et fidèles empreintes, jusque sous des mains médiocrement habiles. […] Si l’on est attentif à l’impression littéraire qu’on éprouve à la lecture de Tacite, si on la dégage de tant d’autres émotions non moins vives qui la compliquent, voici ce qu’on observe, je crois. […] Il nous a semblé que son élégance, parfois un peu scrupuleuse, se refusait trop ces expressions familières et fortes, ces tours vifs et francs, que notre vieille langue offrait en foule à son choix, et qui s’adaptaient si naturellement à Tacite.
Dante, Milton, Caldéron, sauf quelques mélanges divers de platonisme, de mosaïsme ou de pompe idolâtre, ont donné aux vérités chrétiennes d’admirables et vives représentations. […] Soudain le rythme change, il devient plus vif, plus pressant ; il palpite de sollicitude ; on dirait qu’à cette crainte d’un oubli le poète tombe à genoux, et qu’il prie à mains jointes, avec sanglots, pour obtenir des morts un souvenir miséricordieux : Ah ! […] Habituellement, M. de Lamartine semble craindre, en refeuilletant, comme dit André Chénier, son âme et sa vie, de rouvrir en lui-même des émotions trop déchirantes, de ranimer des traces trop vives.
La triste connaissance du cœur humain fait, dans le monde, de l’exercice de la bonté un plaisir plus vif ; on se sent plus nécessaire, en se voyant si peu de rivaux ; et cette pensée anime à l’accomplissement d’une vertu à laquelle le malheur et le crime offrent tant de maux à réparer. […] Aucune consolation partielle, aucun plaisir détaché ne peut donner du secours ; cependant, comme l’âme est toujours plus capable de vertus et de jouissances relevées, alors qu’elle a été trempée dans le feu des passions, alors que son triomphe a été précédé d’un combat, la bonté même n’est une source vive de bonheur que pour l’homme qui a porté dans son cœur le principe des passions. […] Si vous rencontrez Almont, quand votre âme est découragée, sa vive attention à vos discours vous persuade que vous êtes dans une situation qui captive l’intérêt, tandis que, fatigué de votre peine, vous étiez convaincu, avant de le voir, de l’ennui qu’elle devait causer aux autres ; vous ne l’écouterez jamais sans que son attendrissement pour vos chagrins, ne vous rende l’émotion dont votre âme desséchée était devenue incapable ; enfin, vous ne causerez point avec lui, sans qu’il ne vous offre un motif de courage, et qu’ôtant à votre douleur ce qu’elle a de fixe, il n’occupe votre imagination par un différent point de vue, par une nouvelle manière de considérer votre destinée ; on peut agir sur soi par la raison, mais c’est d’un autre que vient l’espérance.
Devenus pères, en les faisant réciter à nos fils, nous nous étonnons d’y trouver de graves plaisirs pour notre âge mur, après y avoir pris un si vif intérêt dans notre enfance. […] En voyant peint si au vif ce qu’ils ont senti, ils s’exercent à sentir vivement. […] Comme il n’est pas de plaisir d’esprit plus vif que celui du théâtre, le livre qui nous donne quelque image de la scène est sûr de nous attacher. […] Le français-gaulois, si vif pour tout ce qui est détail familier, fine moquerie, trait d’humeur, idées nées du sol et qui ne nous seraient jamais venues du dehors, y tient sa place à côté de ce grand langage, fruit de l’esprit français, alors qu’il est devenu la plus pure image de l’esprit humain. […] Il ne voyait pas toute sa pensée d’abord ; ce qu’un premier travail amenait sous sa plume, c’était quelque impression encore vive de ses anciennes lectures ; au lieu d’une grâce qui lui fût propre, c’était peut-être une réminiscence de Voiture.
Émile Deschamps, cet aimable et vif esprit, s’effacer lui-même dans cette collaboration pour faire plus belle la part de M. de Latouche. […] Ce qu’il faisait ressemblait plutôt à du Delille rajeuni, à du Chênedollé plus vif, plus coquet ; il avait de très jolis vers descriptifs : Quand la fleur de Noël, au fond de nos vallées, Frémira sous le dard des premières gelées, Nous irons de l’automne entendre encor la voix. […] M. de Latouche, en quelques-unes de ses pièces, a des éclairs de flamme et un sentiment vif de la beauté physique (voir l’élégie intitulée Apparition). […] Au théâtre, quand le sujet est indécent, ce qui arrive quelquefois, il faut au moins que la façon soit vive et réjouissante. […] La reconnaissance alors se peignait si vive dans ce regard-là, que toute idée de pour quittait les timides.
Il soutient avec une vive intelligence et une finesse habile au paradoxe des causes souvent bizarres, excessives, difficiles, et il voyage de l’audace à la routine, du subtil au violent, du précieux au déréglé, avec autorité parfois, avec grâce souvent, avec talent toujours. […] L’ensemble est un peu trop voulu, littéraire, systématique, et l’on sent que l’écrivain met souvent ses métaphores vives au service de son esprit hésitant.
Un théâtre offre aux yeux en même temps qu’aux oreilles quelque chose de vif, de sensible, d’immédiat ; il peut en résulter des conséquences telles, que les pouvoirs publics aient à y intervenir à chaque instant, comme on a le droit d’éteindre un incendie. […] Après 1814, la Comédie-Française eut à peine un instant d’éclipse ; durant toute la Restauration, nous l’avons vue briller du plus vif et du plus pur éclat. […] Ayez une bonne Direction au Théâtre-Français ; qu’elle sente que la responsabilité pèse sur elle, qu’elle ait intérêt à ce que le théâtre vive et prospère, se renouvelle le plus possible tout en se maintenant dans les grandes lignes des chefs-d’œuvre. […] Tandis qu’une grande actrice y rendait la vie et la fraîcheur aux chefs-d’œuvre, de légers et poétiques talents y introduisaient la fantaisie moderne dans sa plus vive étincelle.
Jamais il ne se vit de curiosité plus vive, plus éveillée, plus enjouée, plus universelle ; jamais la vie extérieure avec tous ses accidents ne se peignit dans une imagination plus ouverte, plus avide, plus franchement amusée que la sienne : En ma jeunesse, dit-il en des vers que je traduis le plus légèrement que je peux, j’étois tel que je m’ébattois volontiers, et tel que j’étois, encore le suis-je aujourd’hui. […] Sa nature vive, mobile, toujours à la fenêtre, se peint bien dans la pièce de vers d’où ces détails sont tirés, et où il nous rappelle plus d’une fois La Fontaine (le La Fontaine des commencements et encore contemporain de Voiture). […] Pris d’une passion très vive pour une personne qu’il a chantée et qu’il ne pouvait obtenir, il quitta son pays pour se distraire et passa en Angleterre à la cour de la reine Philippe de Hainaut, femme d’Édouard III. […] Chaque ville, chaque vieux château, chaque pan de mur qu’ils rencontrent, est une occasion nouvelle de souvenir et de vive narration : — « Messire Jean, voyez-vous ce mur qui est là ? […] On y voit le bon chanoine déjà vieux, la figure assez marquée de rides, le nez fort, le menton fin, l’œil vif, le sourcil avancé, mais la lèvre supérieure courte et la bouche entrouverte comme s’il écoutait surtout et s’il attendait ce qu’on va lui dire.
Il la perdit après peu d’années de mariage, et tomba dans un abattement et un désespoir qu’il crut éternel ; on lui doit cette justice qu’il fit tout son effort pour conserver et consacrer cette disposition d’âme, et il eût volontiers écrit alors à M. de Tréville, ou à tel autre de ses amis avancé dans la pénitence, cette belle parole qui résume toute la piété d’un deuil vertueux : « Priez Dieu d’accroître mon courage et de me laisser ma douleur. » On a dans plusieurs lettres de lui, et dans des réflexions écrites en ce temps-là, l’expression très naturelle et très vive de ses sentiments ; il s’écriait : Dieu a rompu la seule chaîne qui m’attachait au monde ; je n’ai plus rien à y faire qu’à mourir ; je regarde la mort comme un moment heureux… Que je me trouve jeune ! […] On a une lettre de lui « à un mari et à une femme qui s’aimaient fort, et qui avaient beaucoup de piété » ; il leur disait : J’ai vu les jours heureux que vous voyez ; il a plu à Dieu de me faire sentir la douleur mortelle de les voir finir ; et il lui plaît encore d’entretenir cette douleur si vive dans mon cœur… Tous mes jours sont trempés dans le fiel ; je ne me repose que dans la pensée de la mort, et, ce que Dieu seul peut faire, au milieu de tout cela je suis heureux, sans perdre rien de ma douleur. […] Dès l’abord, M. de Tréville, cet homme d’esprit, cet ancien ami de Madame Henriette d’Angleterre, devenu l’un des amis de Port-Royal, ce pénitent sincère, mais qui avait lui-même ses variations, avait averti Lassay en essayant de le consoler ; et ce dernier lui répondait : Je sais que vous me faites l’honneur de me dire que le temps adoucit les douleurs les plus vives ; mais les grandes afflictions font le même effet sur l’âme que les grandes maladies font sur le corps : quoique l’on en guérisse, le tempérament est attaqué ; on vit, mais on ne jouit plus d’une santé parfaite : il en est de même de l’âme, elle ne peut plus jamais sentir une joie pure. […] Lorsque le duc de Lorraine s’est porté du siège de Neuhaeusel qu’il est sur le point de prendre, au secours de Gran que les Turcs étaient près de forcer, on assiste à toute cette marche et à tous les accidents qui précédèrent la bataille ; la rapidité des Turcs, leur hardiesse à passer et repasser un ruisseau assez large et profond dont les bords sont escarpés, sous les yeux d’une armée ennemie de trente mille hommes, est bien rendue : « Il faut avouer que cette nation-là fait de belles diligences. » Pendant la bataille, les trois charges des Turcs, dont la première s’annonçait comme vive et dont la dernière est tout à fait molle, se dessinent aux yeux. […] La maîtresse en était absente, et, en la remerciant de l’hospitalité donnée en son nom, il lui écrivait avec un vif sentiment de la nature italienne : Vous ne m’aviez point dit assez de bien de Bagnaia, madame ; c’est le plus aimable lieu du monde que j’aie jamais vu ; on y trouve en même temps une belle vue, de grands arbres aussi verts qu’en France et qu’il ne faut point aller chercher, et des quantités de fontaines qui vont quand les maîtres n’y sont point : jamais ordre n’a été plus inutile que celui que vous aviez donné au jardinier de les faire toutes aller ; elles n’attendent pas vos ordres pour jeter des torrents de la plus belle eau du monde.
L’abbé de Montesquiou, étant venu faire part d’un arrêté au nom de l’ordre du clergé, prononce un discours et loue le secrétaire de l’Assemblée, c’est-à-dire Bailly, comme l’ami des pauvres et l’écrivain des hôpitaux : J’ai promis, s’écrie Bailly, que mon âme serait ici toute nue, et en conséquence je dirai que cette justice qui me fut rendue inopinément au milieu de mes collègues, dans une si digne assemblée et par un autre ordre que le mien, me causa une vive et sensible émotion. […] Une altercation assez vive cependant s’étant élevée à l’occasion de l’éligibilité de l’abbé Sieyès, qui était de l’ordre du clergé, et que les Communes voulaient élire, le président Camus, apostrophé personnellement, se retira avec mauvaise humeur ; la désunion allait s’introduire : la cause ou le prétexte venait d’une lacune du procès-verbal dont Bailly était l’auteur involontaire ; il s’empressa d’intervenir avec chaleur et pathétique, en prenant sur lui la faute : « Il n’y avait dans tout cela, dit-il, que vivacité mutuelle, l’esprit de tous était au fond excellent. […] Arrivé à Chaillot, où il passait les étés depuis trente ans, Bailly s’y voit l’objet d’une ovation, ou plutôt d’une fête patriarcale et champêtre, « fête sans faste, dont la décente gaieté et les fleurs firent tous les frais », et qu’on lui donne chez lui, dans les différentes pièces de sa maison et de son jardin : Je ne dis rien de trop en disant que je fus embarrassé par cette foule presque entière, qui se pressait autour de moi avec les plus vives expressions de l’amour et de l’estime, une joie pure et douce, une paix qui annonçait l’innocence : cette fête était vraiment patriarcale ; elle m’a donné les plus délicieuses émotions, et m’a laissé le plus doux souvenir. […] Pitra, et un vainqueur de la Bastille, de grande et belle taille, Hullin, le trouvent sur l’escalier de l’Hôtel de Ville, assez en peine de s’orienter et de se conduire dans ces flots de peuple ; ils lui offrent leurs bras : cet accompagnement le désigne de plus en plus à l’attention publique : les cris de Vive Bailly ! Vive notre Maire !
Vers 1800, un peintre appelé Duperreux fit un tableau de la grotte de Gèdre, et ce paysage, que je ne connais pas, excita alors une assez vive opposition chez les juges de profession et les critiques, Ramond, dans ses Voyages au Mont-Perdu, publiés en 1801, prenait hautement parti pour Duperreux. […] Il excelle à rendre cette couleur presque indescriptible des hauts lieux, ces rayons d’un soleil sans nuages, mais sans ardeur ; ces caractères des glaciers que l’œil exercé distingue de loin et que l’amant des hauteurs désire, cette teinte bleuâtre, cette coupure nette, ces fentes à vive arête qui le réjouissent, et de près, lorsqu’on y marche, lorsque le bâton et les crampons n’y mordent qu’à peine, « la couleur de ce bleu de ciel qui est l’ombre des glaciers ». […] On croyait avoir vu le Mont-Perdu, on ne le connaissait pas ; on n’avait nulle idée de l’éclat incomparable qu’il recevait d’un beau jour : Aujourd’hui, rien de voilé, dit Ramond, rien que le soleil n’éclairât de sa lumière la plus vive ; le lac complètement dégelé réfléchissait un ciel tout d’azur ; les glaciers étincelaient, et la cime du Mont-Perdu, toute resplendissante de célestes clartés, semblait ne plus appartenir à la terre… Tout était d’accord, l’air, le ciel, la terre et les eaux : tout semblait se recueillir en présence du soleil et recevait son regard dans un immobile respect. […] Les séances de l’Institut le partageaient également ; il les animait de ses vifs récits et de sa parole pittoresque ; il fut nommé membre résident (section d’histoire naturelle et de minéralogie) en 1802. […] Son herbier, c’était bien, en effet, les mémoires les plus vifs et les plus parlants au cœur pour celui qui avait dit aux belles heures de sa jeunesse : « l’odeur d’une violette rend à l’âme les jouissances de plusieurs printemps ».
Ainsi quand saint Bernard dit, Non est talis tristitia hypocritarum non incorde, sect in fade est ; la langue française traduit « Telle ne n’est mies li tristèce des ypocrites ; car elle ne n’est mies el cuer, mais en la fazon. » Et plus loin, où le latin dit, Hypocrila ungit potius semetipsurn ut propriæ fragrantiarn opinionis respergat ; le français, à l’orthographe près qui changera, ne reste guère au-dessous de cette vérité rendue si vive par l’image « Li ypocrite oynt ainzois ley-inesmes, por espardre l’odor de sa propre noméie. » La langue est déjà constituée puisque voilà le tour qui marque le mouvement de la pensée, et le terme propre qui en est le signe définitif. […] Tous les passages de dialectique qui sont médiocrement clairs dans le latin, s’obscurcissent encore dans la traduction mais une langue vive naît tout aussitôt pour exprimer tout de qui sort de sentiments vrais et durables de ce cœur désabusé. […] Ce sont quelques sentiments délicats dans Charles d’Orléans, quelques traits de mélancolie aimable ou de vive satire dans Villon. […] Il est vif, naturel ; il saisit finement un assez grand nombre de rapports et de vérités subalternes ; mais il manque d’élévation et de profondeur. […] La langue, dans tous ces écrits, est claire, et les tours en sont vifs ; on sent qu’elle raconte et qu’elle raille mais elle manque de variété et de couleur.
Les yeux grands, bleu de ciel, d’une coupe d’orbite ovale aux angles et relevée au sommet, lumineux, étincelants, humides, avaient de la franchise… Le coloris sain et la fraîcheur vive de l’adolescence teignaient le visage. […] En lisant ces pages de M. de Lamartine et en trouvant à chaque instant des expressions heureuses, larges, élevées et même fines (car il y a du fin et du spirituel proprement dit chez lui bien plus qu’on ne le croirait, il y a même de la malice en quelques endroits), on éprouve un vif regret : c’est que la rhétorique, l’habitude et le besoin d’étendre, de forcer et de délayer, le conduisent à compromettre ces pensées et ces touches excellentes : « Depuis deux ans, dit-il de Napoléon, son retour à Paris, autrefois triomphal, était soudain, nocturne, triste. […] La seule partie supérieure des Histoires de M. de Lamartine, et qu’il serait injuste d’y méconnaître au milieu de tout ce qu’on y rencontre d’inexact et de défectueux, c’est le sentiment vif des situations générales, l’esprit en quelque sorte des grandes journées et des foules, cet esprit que le poète encore plus que l’historien embrasse et qu’il recueille en son âme, avec lequel il se mêle et se confond, et dont il excelle à tracer en paroles émues, et comme en ondes vibrantes et sonores, les courants électriques principaux. […] Sous la plume de M. de Lamartine, un tableau des grandeurs et des beautés littéraires de la Restauration doit être nécessairement incomplet, puisque lui-même y manque, puisqu’il ne peut s’y assigner la place qu’il mérite, c’est-à-dire l’une des premières, et proclamer qu’entre les influences d’alors, il a exercé la plus pénétrante assurément, la plus vive et la plus chère, la plus sympathique de toutes. […] Je remarquerai seulement qu’il faut, en effet, que la blessure de M. de Lamartine soit bien vive pour le faire recourir à de telles armes si peu dignes de lui.
J’aime bien mieux Brueys et Palaprat (1807), acte très agréable en vers, vif, rapide, semé de vers bien nés et qui se font retenir. […] Paris, de tout temps, qu’on vive sous l’Ancien Régime, ou sous une époque impériale, ou sous un gouvernement constitutionnel, Paris a besoin d’un nouvel entretien tous les quinze jours ou tous les mois : que ce soit un discours d’orateur, une question Pritchard, l’arrivée d’une troupe de danseuses espagnoles ou hongroises, cela revient presque au même pour la dose de l’intérêt. […] Rien n’était curieux comme la vue de la salle à cette première représentation : le plus vif du spectacle consistait dans les spectateurs : Il était piquant, dit M. […] Étienne, il entrait dans le vif et divulguait les secrets du ménage. […] Hoffman… Vives escarmouches avec M.
On s’en aperçoit aux éclairs de l’œil, à l’accent, aux gestes brusques, aux interruptions, aux vives reprises. […] Trois ans après, dans la discussion la plus vive, il la cite aussi exactement que s’il venait de l’écrire, ouvre le carton à l’endroit précis, et la présente à son adversaire pour ne rien dire que pièces en main. […] Portez-la dans le monde moral ; essayez de vous entendre quand vous parlez de la destinée d’un peuple, du génie d’une nation, des forces vives de la société, de l’influence d’un climat ou d’un siècle, de l’expansion d’une race, de la puissance des anciennes institutions. […] Cela signifie que depuis cinq cents ans, les Français ont eu presque toujours des gouvernements presque absolus ; qu’étant vaniteux et sociables, ils ne savent pas inventer leurs opinions et leurs actions ; qu’étant théoriciens et moqueurs, ils font mal et respectent mal leurs lois ; qu’étant vifs et imprudents, ils se prennent d’enthousiasme et d’alarme trop vite, trop fort, et mal à propos, dans leurs résolutions et dans leurs révolutions. […] Vous trouveriez de même que les forces vives d’une société ne sont que le degré de vigueur musculaire de chaque citoyen, son aptitude à trouver des idées utiles, et sa capacité d’obéir à des idées abstraites ; que les penchants fondamentaux d’un homme ou d’une race se réduisent aux classes d’idées les plus agréables à cet homme ou à cette race ; et cent autres choses semblables.
Un caractere original, une imagination vive & brillante, un esprit vigoureux & sublime, animent jusqu’à ses moindres Productions. […] C’est là qu’on admire à la fois tout ce que le sentiment a de plus vif, tout ce que la piété a de plus noble & de plus tendre, tout ce que la Langue Latine a de plus énergique & de plus mélodieux, tout ce que la Religion peut ajouter à l’enthousiasme, en lui fournissant des sujets vraiment propres à l’échauffer.
Après s’être occupé quelque temps, et non sans trouver à y louer de deux pièces, l’une80 d’une exécution assez vigoureuse, atteignant à des effets dramatiques assez émouvants, mais trop pénible de combinaison et d’une moralité un peu forcée ; l’autre81 délicate et gracieuse, toute morale d’intention sans doute, mais bien légère de tissu et d’un dessin trop arrangé, la commission s’est sentie particulièrement attirée vers un ouvrage qui lui était signalé par un succès vif, dû à un agréable entrain, à une facilité de bonne veine, à beaucoup de gaieté et de naturel, qualités excellentes et qui deviennent rares. […] Il a été dit, au sein de la commission, beaucoup de choses très fines et très ingénieuses sur les mérites de l’ouvrage en ce sens ; ample justice a été rendue à ces quatre premiers actes surtout, qui sont presque en entier excellents, si nets d’allure et de langage, coupés dans le vif, semés de mots piquants ou acérés, et d’une comédie toute prise dans l’observation directe et dans une réalité flagrante. […] À cela il a été répondu, moins comme contradiction directe à ce que ces éloges avaient, liitérairement, de mérité, que comme correctif et au point de vue où la commission avait à juger l’ouvrage, qu’il ne paraissait point du tout certain que la peinture fidèle de ce vilain monde fût d’un effet moral aussi assuré ; que le personnage même le plus odieux de la pièce avait encore bien du charme ; que le personnage même le plus honnête, et qui fait le rôle de réparateur, était bien mêlé aux autres et en tenait encore pour la conduite et pour le ton ; que le goût du spectateur n’est pas toujours sain, que la curiosité est parfois singulière dans ses caprices, qu’on aime quelquefois à vérifier le mal qu’on vient de voir si spirituellement retracé et si vivant ; que, dans les ouvrages déjà anciens, ces sortes de peintures refroidies n’ont sans doute aucun inconvénient, et que ce n’est plus qu’un tableau de mœurs, mais que l’image très vive et très à nu, et en même temps si amusante, des vices contemporains, court risque de toucher autrement qu’il ne faudrait, et qu’il en peut sortir une contagion subtile, si un large courant de verve purifiante et saine ne circule à côté.
Rochefort est un Chamfort jeune, qui n’a pas encore l’âge d’être un misanthrope amer, empoisonné, brisé et bronzé, et blessé, et jetant son sang à poignées à la tête d’une société haïe ; mais qui le deviendra, pour peu qu’il vive. […] Et Beaumarchais, avec les deux chefs-d’œuvre de légèreté dont il orna le théâtre, et le troisième (ses Mémoires), dont il orna la littérature, eut tout son génie en gaîté, dans la plus vraie et la plus vive acception du mot, — et ni la satire politique qu’il aiguisait, de toutes les satires la plus cruelle, ni le craquement d’un monde qui s’en venait bas et dont il précipita, lui aussi ! […] La Chronique, cette Armide du Journalisme pour les jeunes esprits qu’elle amollit, retiendra-t-elle et dépensera-t-elle à son service stérile de poste aux lettres cette force vive que je vois en Rochefort ?
Ils doivent laisser ce patrimoine dans des lieux qui jouissent d’un air sain, qui possèdent des sources d’eaux vives, et dont la situation naturellement forte leur assure un asile dans le cas où les cités périraient ; il faut enfin que ce patrimoine comprenne de vastes campagnes assez riches pour nourrir les malheureux qui, dans la ruine des cités voisines, viendraient s’y réfugier, les cultiveraient, et en reconnaîtraient le propriétaire pour seigneur. […] C’est par rapport aux sources vives dont nous avons parlé, que les politiques regardent la communauté des eaux comme l’occasion de l’union des familles. […] Ainsi un froid très vif contraint les bêtes sauvages à venir chercher un asile dans les lieux habités.
Aucun ouvrage ne donne une idée plus juste et plus vive de la situation de la république. […] Dans cette existence si vive, il n’y avait ni satiété ni langueur. […] que Faust vive en enfer mille ans, cent mille ans, et qu’à la fin il soit sauvé ! […] La lutte était souvent assez vive entre Ben-Johnson et Shakspeare. […] Voltaire, alors à Londres, lui écrivit avec un vif intérêt, et le visita.
ne l’avons-nous pas dans Séraphine, aussi vif, aussi frais, aussi matinal et diapré que les ailes de ces papillons sans nombre que l’auteur décrit amoureusement et qu’il étale ? […] Jusqu’alors il avait été plutôt timide et d’une allure toute poétique ; il commença de s’émanciper, et ces vives années de son adolescence purent paraître très-dissipées et très-oisives. […] Le poëte, chez Nodier, est déjà bien avancé, bien en train de mûrir : une circonstance particulière vint développer en lui le philologue, le lexicographe, et lui permit dès lors de pousser de front ce goût vif à côté de ses autres prédilections un peu contrastantes. […] On voit par combien de points vifs devaient se toucher d’abord le jeune secrétaire et le vieux maître. […] Il serait chimérique de prétendre ressaisir et désigner, au sein d’un talent aussi complexe et aussi mobile, le reflet et le croisement de tous les rayons étrangers qui y rencontraient, y éveillaient une lumière vive et mille jets naturels.
Boileau n’eut pas besoin de traverser de vives passions et des torrents bien amers pour tremper et appliquer ensuite autour de lui son vers judicieux et incisif. […] Le héros, au premier chapitre, s’éveille le décadi matin, heureux d’aller se marier le même jour avec l’aimable et vive Charlotte. […] Sa forme sera moins vive que par le passé, moins incisivement paradoxale, moins insouciante avec légère ironie. […] Comment en fit-elle l’inspiration unique et vive de tous ses ouvrages qui suivirent ? […] En fait de bonheur et de malheur, ma vie a été si pleine, si vive, que je ne puis, sans que la main me tremble, toucher à quelqu’une de ses profondeurs.
Peut-être faut-il attribuer en partie à la contrainte et à la solitude de sa première enfance la sécheresse de son œuvre et la courte haleine de sa verse ; il fut habitué à se renfermer, et jamais une indulgente affection ne l’encouragea à laisser librement jaillir ses émotions dans leur vive et naturelle abondance. […] On s’attendrait au contraire : mais ces préférences littéraires jettent une vive lueur sur les dessous des caractères. […] C’était après une vive discussion sur le poème épique, et pour montrer que ce genre ne doit pas être chargé de matière, que Despréaux, mis au défi, entreprenait de chanter la querelle des chantres et des chanoines de la Sainte-Chapelle. […] Là, on s’émancipait à de plus vives gaietés, encore bien inoffensives : comme il arrive souvent aux gens voués par profession aux graves pensées et aux travaux sérieux, ces magistrats, ces savants et ces prêtres ont le rire serein et facile de l’enfance. […] Racine, ici, n’est pas plus vif que Boileau, c’est un trait des mœurs du siècle.
Il a des émotions plus vives et plus profondes, des désirs plus véhéments et plus effrénés, des volontés plus impétueuses et plus tenaces que les nôtres. […] Ces protestations si vives partent d’un sentiment qui paraît excellent quoiqu’il ne le soit pas, et que j’examinerai tout à l’heure pour le repousser. […] On n’y trouve que des impressions vives, spontanées et sincères. » « Sincères ? » On a déjà répondu : — Et le cabinet noir « Vives et spontanées ? […] J’ignore tout à fait si l’empereur a eu la fantaisie un peu vive qu’on lui prête, et cela m’est égal ; mais je crois qu’il était fort capable de l’avoir.
Toutes les tendances de l’esprit français, tous les progrès que la poésie avait encore à faire, sont exprimés dans ce manifeste, excellent écrit où, malgré une certaine exagération de jeunesse, quelques contradictions, trop peu d’ordre, la langue est ferme, le tour vif et naturel les expressions durables, suscitées par les bonnes raisons. […] Que j’aime à voir, dans des écrits qui ont trois siècles, la tradition des grands principes littéraires exposée en termes si vifs par des esprits neufs à la découverte et à la possession de la vérité ! […] C’est ainsi qu’il régla tout, selon la vive expression de Boileau mais cette règle confondait des choses qui s’excluent : voilà pourquoi, en réglant tout, il brouilla tout. […] Le plaisir était d’autant plus vif qu’il était interdit à la foule, et réservé, comme un prix, aux plus doctes. […] Quand le premier livre des Amours parut, il y eut de vives critiques.
Il est clair, par exemple, qu’après la mort d’une mère, son image est plus vive et plus tenace que la représentation d’une promenade ou d’une partie de plaisir. […] Les yeux fermés, pensons fortement à une couleur très vive et tenons-la longtemps fixée devant notre imagination ; par exemple, représentons-nous avec assez de force une croix d’un rouge éclatant ; si, après cela, nous ouvrons brusquement les yeux pour les porter sur une surface blanche, nous y verrons, durant un instant très court, l’image de la croix, mais avec la couleur complémentaire : le vert. […] Il y a toutefois une différence importante entre les sensations et les émotions, sous le rapport de leurs formes vives et de leurs formes idéales, pour employer le langage de Spencer. […] Entre la forme vive et la forme idéale il n’y a plus alors différence essentielle de nature ; les deux formes sont également des réactions centrales, indirectement provoquées, et il y a surtout entre elles des différences de degré. […] Une simple idée, causée par l’excitation des centres et non de la périphérie, produit toujours une certaine réaction émotionnelle, plus ou moins faible ; si l’idée est intense, vive, claire, elle produit une émotion plus intense et plus vive.
Certes je ne crois pas qu’aucun sentiment d’envie vous ait inspiré cette mauvaise pensée ; mais je crois plutôt qu’en vous mettant en opposition avec la vieille nation, vous avez découvert un moyen pour vous rendre favorable une jeunesse vive, spirituelle, toujours prête à s’émouvoir pour le triomphe d’une idée nouvelle. […] Vous avez une imagination vive, une verve intarissable qui se révèle par des pensées fortes et hardies ; mais il vous manque un ami, ou plutôt parmi tant d’amis un ennemi généreux qui vous éclaire et qui vous dise avec fermeté : Malgré tous les dons que vous avez reçus du ciel, en suivant la route que vous avez prise, vous ne ferez jamais un bon ouvrage dramatique. […] Il n’en est pas de même aujourd’hui, Monsieur ; et vous, plus que personne, pourriez nous donner une idée de la tactique employée de nos jours dans les premières représentations ; non que je prétende que votre intention ait été d’obtenir des succès de vive force ; mais on ne peut pas toujours diriger ses fanatiques prosélytes, qui, dans la crainte d’une opposition, deviennent hostiles et menaçants. […] Cependant au milieu de cette confusion de genres, de ces actions heurtées et sans suite, de ces personnages grotesques, rodomonts et ampoulés, de ce cliquetis de pensées hardies et tout à la fois neuves, élevées et communes, il est impossible de ne pas reconnaître dans vos productions dramatiques une imagination vive, une verve surabondante, une manière pittoresque d’exprimer une belle pensée, quelques scènes savamment creusées, et enfin, si vous voulez rétrograder vers le simple bon sens, l’espoir d’un talent vif et original. […] Il m’a fallu la vive protection d’un ami de M.
Elle était touchée et lui répondait : « Croyez que je vous aime de reconnaissance, de haute opinion et d’attrait. » Cette relation de Roederer et de Mme de Staël fut donc assez vive, de la part du moins de cette dernière ; mais elle s’interrompit bientôt et ne tint pas. […] Il en résulta pour lui une polémique très vive avec les journalistes membres ou partisans déclarés de la Convention, tels que Poultier, Louvet et Marie-Joseph Chénier. […] Les paroles de Bonaparte, prises ainsi sur le vif, se rencontrent à tout instant dans les notes et papiers de Roederer, et leur donnent un incomparable intérêt. […] Quand il s’agit de nommer des consuls définitifs et qu’on eut arrêté le premier choix de Cambacérès, Roederer, qui pouvait avoir des espérances pour la troisième place, dut les perdre lorsqu’un jour Bonaparte, en le voyant entrer, lui dit comme pour répondre à sa pensée : « Citoyen Roederer, vous avez des ennemis. » — « Je les ai bien mérités, répondit-il, et je m’en félicite. » Et il fut, l’instant d’après, le plus vif à recommander à la désignation du premier consul le nom considéré de Lebrun59. […] Ce sont là des questions sur lesquelles nous avons vu d’anciens amis de Mme Rousseau très vifs, mais qui nous sont aujourd’hui parfaitement indifférentes.
Son père, né à Flamicour, village près de Péronne, homme vif, mobile, probablement spirituel, d’une imagination entreprenante et peu régulière, assez de l’ancien régime par l’humeur et les défauts, aspira constamment, dans le cours d’une vie pleine d’aventures, à une condition plus relevée que celle dont il était sorti. […] L’influence des ouvrages de M. de Chateaubriand sur le jeune Béranger fut prompte et vive. […] Il vit de plus que pour être entendu du peuple, auquel de toute nécessité beaucoup de détails échappent, il fallait un cadre vivant, une image à la pensée dominante, un petit drame en un mot : de là tant de vives conceptions si artistement réalisées, de compositions exquises, non moins parlantes que les jolies fables de La Fontaine ; tant de tableaux si fins de nuances, et si compris de tous par leur ensemble. […] Le poëte mettra ensuite autant de temps qu’il voudra à la confection extérieure, à la rime, à la lime, peu importe ; il y mettrait deux mois ou deux ans, que ce serait aussi vif que le premier jour : car, encore une fois, comme il le dit, il tient son affaire. […] notre France est là… France d’alors, chantant sous le tonnerre Plus d’un refrain qui depuis s’envola, Vive et rétive, assez peu doctrinaire, Encore en sang des caresses des rois ; Oui, cette France est toute dans ta voix.
Dans Paris, au contraire, le succès a été moindre, bien que fort vif encore ; mais on a contesté plusieurs mérites à l’auteur. […] Un homme de vif esprit qui l’a beaucoup connu et qui lui a servi quelquefois de conseil, M. de Latouche, pourrait seul, s’il le voulait sans trop d’ironie, raconter en détail et éclairer ces origines contemporaines qui déjà se dérobent ; il pourrait animer d’anecdotes caractéristiques toute l’arrière-scène obscure de l’atelier littéraire de ce temps-là. […] Le commencement en est vif, naturel, attachant ; mais l’intérêt se perd bientôt dans le fantasque et l’orgiaque. […] Mais le plus touchant et le plus inimitable endroit est celui où il raconte sa découverte, et les sensations inouïes qui l’agitèrent sitôt que le mercure brilla fixé en or sous ses yeux : « Que ma joie fut vive et grande ! […] Il est bien vrai que, cette scène une fois passée, je n’ai oncques vu paraître de cheval, arabe ni autre ; mais enfin son intention était si bonne, si sincère, son insistance si vive, que je serais un grand ingrat si je ne lui demeurais très-obligé. » — Or (et voici ma conclusion), nous tous lecteurs, nous sommes un peu avec M. de Balzac dans le cas de M. de Latouche.
Toute la partie de la « mondanité » de Madeleine nous présente une amusante et vive silhouette de coquette évaporée et vaniteuse : il a bien rendu aussi, avec une saisissante brièveté, le dialogue suprême du Christ et de sa mère. […] Il y a de la gaieté aussi dans la farce des Trois Galants et Phlipot 155 : Phlipot est ce brave qui à Qui vive ? répond : Je me rends, et qui crie à tour de rôle : « Vive France ! vive Angleterre ! vive Bourgogne », jusqu’à ce que, menacé de toutes parts, et ne sachant où se fourrer, il lâche ce mot grandiose : « Vivent les plus forts !
Dans Joies déjà, la chanson populaire lançait sa note claire et vive. […] Alors il se lamenta et composa de vives rimes. […] Les exemples cités l’auraient indiqué davantage si trop souvent la préoccupation de la forme n’atténuait le vif éclair du sentiment et de la pensée. […] L’un demande à tous les éléments de plastique, de musique, de syntaxe, l’expression vive et nouvelle d’une idée ; il se glorifie souvent par des luxuriances qu’on s’étonne de ne guère rencontrer dans les Cygnes. […] Qui de nous ne sent pas au plus vif de lui-même bondir encore l’espoir de la parfaite Musique ?
Je lui demandai s’il n’était point blessé. — Non, me dit-il,-c’est du sang de ces coquins… Et jusque dans cette satirique Histoire des Gaules, il nous le représente ainsi : Le prince Tiridate (le Grand Condé) avait les yeux vifs, le nez aquilin et serré, les joues creuses et décharnées, la forme du visage longue, et la physionomie d’une aigle 34 les cheveux frisés, les dents mal rangées et malpropres ; l’air négligé, et peu de soin de sa personne, la taille belle. […] Il avait l’esprit vif, net, gai, enclin à la raillerie ; il avait un courage invincible ; et, s’il y avait quelqu’un au monde aussi brave que le prince de Condé, c’était le prince son frère. […] Cette Mme de Montglat, qu’il a le plus aimée, est présentée avec une complaisance toute particulière : Mme Bélise a les yeux petits, noirs et brillants, la bouche agréable, le nez un peu troussé, les dents belles et nettes, le teint trop vif, les traits fins et délicats, et le tour du visage agréable. […] Et, en effet, Bussy avait été excellent, dans le principe, pour mettre sa jolie cousine en humeur et en veine de style épistolaire : il était l’homme qu’il lui fallait pour lui renvoyer le volant, comme on dit ; mais il ne s’apercevait pas, en avançant, qu’elle pouvait très bien se passer de lui, dire à d’autres les mêmes jolies choses, en répandre de tous côtés et en retrouver sans cesse, et qu’il n’était plus lui-même assez vif et assez alerte pour ne pas perdre au vis-à-vis devant cette grâce supérieure et naturelle. […] Il pouvait avoir sa force et son cachet marqué de virilité dans l’observation et dans cette manière, qu’on a louée en lui, de laisser voir tout d’un coup sa pensée, et de ne laisser voir qu’elle uniquement ; mais il n’avait pas cette source vive de grâce et d’imagination qui rafraîchit et fertilise à jamais le fonds d’où elle sort.
Ils ont l’un & l’autre donné carriere à leur imagination qu’ils avoient également vive & brillante. […] M. du Perron de Castera nous a donné une traduction en prose de ce Poëme, dont le style est vif & nerveux, mais peu correct & trop coupé. […] Ses peintures sont si vives, qu’elles enlevent l’ame du lecteur. […] Quoiqu’en prose, elle est écrite d’un style vif, brillant & qui approche de la poésie. […] Les charmes de la vie champêtre y sont peints avec les couleurs les plus vives & les plus naturelles.
Après la prise de Saint-Maixent, qui a capitulé (1586), ayant envoyé à l’avance ses maréchaux de logis, il entre dans la ville, lui, toute sa cour et les gens de guerre, « tout ainsi que si elle n’eût point été conquise par les armes, toutes les boutiques y étant trouvées ouvertes, et tous les hommes, femmes et enfants épandus aux portes et par les rues, criant : Vive le roi ! […] Rosny, entendant leur Qui vive ? […] C’est ce cortège tout chevaleresque et seigneurial que Henri IV, qui chassait par la plaine autour de Rosny, rencontra à l’entrée du bourg ; il y applaudit, il en sourit un peu ; il eut pour son brave serviteur, en l’embrassant, de bonnes et vives paroles, et de généreuses promesses qu’il sut tenir avec le temps : « Je n’aurai jamais bonne fortune ni augmentation de grandeur que vous n’y participiez. » Rosny, qui aimait le comptant, demandait quelques jours après le gouvernement de la ville de Mantes, que Henri lui refusait, de peur d’offenser les catholiques. […] » les ordres qu’il envoie à l’instant, l’alerte donnée aux plus prochains quartiers, et sa présence d’esprit, son coup d’œil qu’il avait toujours le plus ferme et le plus judicieux, une fois en selle et l’épée au poing, sont rendus d’une manière vive et des plus françaises. […] Durant son voyage, les membres du Conseil des finances lui détachèrent de Paris mille crocs-en-jambe et mille obstacles : il ne se rebuta de rien, prit à partie les officiers qu’il inspectait, de gré ou de force se fit représenter les comptes de l’année courante et des trois précédentes, examina de près toutes les prétendues dettes et les arrérages, les titres et obligations de tous genres, tondit à son tour sur le vif au profit du roi, et fit tant qu’il rassembla bien cinq cent mille écus : De toutes lesquelles sommes ainsi par vous recouvertes vous fîtes dresser quatre petits bordereaux pour vos quatre généralités, où étaient spécifiées par recettes et natures de deniers toutes les sommes par vous voiturées, et iceux signés par les huit receveurs généraux des deux années dernières comme leur ayant été mis ès mains par les receveurs particuliers ; lesquels bordereaux vous portâtes toujours sur vous, et vous vinrent bien à propos… Vous aviez un équipage de soixante et dix charrettes chargées, pour ce que vous aviez été contraint de prendre quantité de monnaie ; à la suite desquelles étaient les huit receveurs généraux, accompagnés d’un prévôt et de trente archers pour l’escorte.
Seulement La Fontaine y est naturel, même dans le parti pris ; Regnard y est gai, Pompignan plus lourd et provincial, Bertin sec et vif, Boufflers espiègle. […] Sur ce point même, les auteurs ne dérogeaient pas du tout à leur caractère de francs Gaulois : un vif et très rapide éclair de sentiment, à côté de beaucoup de bombance et de médisance. […] Ici nous sommes revenus à l’antique, à la primitive et unique manière d’observer la nature en elle-même, sans souci des livres, des beaux esprits de la capitale ni des coteries littéraires, avec vérité, application vive et présente, et, quand il y a lieu, avec grandeur. […] Comme je sentais une forte odeur de soufre, je montai sur le pont, où j’éprouvai d’abord un froid très vif. […] Chapelle, qui a si peu écrit et dont l’opinion avait une telle autorité sur les plus grands hommes de son temps, me représente assez bien une classe d’esprits peu nombreuse parce qu’elle est très distinguée : c’est celle des hommes d’un goût singulièrement fin, délicat, difficile, qui ont tout lu, qui savent toutes choses, et qui décrivent rien ou presque rien, parce que la volupté du repos est bien grande et que le sentiment très vif de la perfection décourage de produire.
Elle fut éprouvée dans cet intervalle par une vive douleur : le premier Dauphin, tombé depuis quelque temps dans une sorte de rachitisme, mourut le 2 juin 1789 à l’âge de sept ans. […] Le roi a une grâce d’état ; il se porte aussi bien que si rien n’était arrivé… » Tout à côté des paroles douloureuses et concentrées de la reine, on a de ces journées un récit complet, circonstancié, par une correspondante qui ne va plus cesser d’écrire durant ces trois années, et qui est du caractère le plus naturel, le plus accentué, le plus vif, je veux dire Madame Élisabeth. […] Écoutez plutôt : je donnerai toute la dernière partie ; on est sur la route de Versailles ; on a passé Sèvres, on approche de Paris : « … Au Point-du-Jour, les cris les plus continus de Vive le Roi ! […] La reine le lui rappela, et pour lors il reprit avec esprit : « Messieurs, vous êtes bien plus heureux que si je « ne m’étais pas trompé. » Ce fut beaucoup de cris de : Vive le Roi ! […] Mirabeau avait fait remettre quelques notes un peu vives, mais raisonnées, sur la nécessité de prévenir les usurpations de l’Assemblée, et de ne pas lui laisser lancer un décret déclarant la compétence à la nomination des ministres.
Saint-Simon, dans ses mémoires, a tellement rendu au vif cette entrée de Fénelon à la Cour, cette initiation dans le petit monde particulier de Mme de Maintenon, des ducs de Beauvilliers et de Chevreuse, cette rapide fortune de l’heureux prélat, sitôt suivie de tant de vicissitudes et de disgrâces, tout ce naufrage d’espérances qui est aujourd’hui une touchante partie de sa gloire, qu’on ne saurait que renvoyer à un tel peintre, et que ce serait profanation de venir toucher à de pareils tableaux, même lorsqu’on peut croire qu’il y a quelques traits hasardés. […] , rentre chez lui tout échauffé, et là, plume en main, à bride abattue, sans se reposer, sans se relire et bien avant dans la nuit, couche tout vifs sur le papier, dans leur plénitude et leur confusion naturelle, et à la fois avec une netteté de relief incomparable, les mille personnages qu’il a traversés, les mille originaux qu’il a saisis au passage, qu’il emporte tout palpitants encore, et dont la plupart sont devenus par lui d’immortelles victimes. […] Les naturels vifs et sensibles, a dit excellemment Fénelon, sont capables de terribles égarements : les passions et la présomption les entraînent ; mais aussi ils ont de grandes ressources et reviennent souvent de loin…, au lieu qu’on n’a aucune prise sur les naturels indolents. […] Elle eut des doutes sur quelques expressions un peu vives et un peu hasardées, du détail desquelles je fais grâce ici. […] En lisant cette correspondance familière, je retrouve, comme dans tout Fénelon, quelque chose de gai, de court, de vif, de lent, d’aisé, d’insinuant et d’enchanteur.
Tout se faisait autant que possible de vive voix, de manière que l’attention de l’enfant fût tenue constamment en haleine. […] On aime à revoir les lieux qu’on a habités dans son enfance… Je crois rajeunir en quelque manière ; je crois voir renaître ces jours précieux, ces jours irréparables de la jeunesse… On est assez embarrassé d’avoir à citer avec d’Aguesseau, car rien en particulier n’est original, ni bien vif, ni bien neuf, et il convient d’attendre et de prolonger la lecture jusqu’à ce que l’affection dont j’ai parlé opère ; mais alors l’agrément se fait sentir, un agrément honnête et sûr, et salubre. […] » Ce trait m’en rappelle un autre d’un homme qui a laissé un vif souvenir chez ceux qui l’ont connu, l’abbé Mablini, le plus exquis et le plus attique des maîtres que notre École normale ait jamais eus. […] Il avait reçu de la nature, nous dit son fils, un cœur délicat et sensible, avec un sang vif qui s’allumait aisément ; et, comme la promptitude n’est pas incompatible avec la plus grande bonté, il aurait pu être fort prompt, s’il se fût laissé aller à son tempérament ; mais ce n’était que son visage qui trahissait, malgré lui, une émotion entièrement involontaire. […] » Ce qu’il disait eu causant semble avoir été plus vif, comme il arrive d’ordinaire, que ce qu’il s’est permis en écrivant ; dans ce qu’il écrit il est plutôt encore subtil et ingénieux que spirituel.
Elle a beaucoup écrit, et, en ce moment, je n’ai guère moins d’une quarantaine de volumes d’elle rangés sur ma table, romans, contes, comédies, esquisses de société, souvenirs de salons, et tout cela se fait lire, quelquefois avec un vif intérêt, toujours sans ennui. […] Léonie a l’imagination vive ; elle ne conçoit rien de médiocre ; elle est de celles qui veulent être des plus distinguées ou complètement ignorées : « Adorée ou indifférente ! […] Quand Alfred se décide à rester au château, il ne réussit pas toujours mieux qu’en s’éloignant : Son esprit si vif, si gai dans le grand monde, où l’ironie a tant de succès, était d’un faible secours dans une société intime où l’on n’a point envie de se tourner mutuellement en ridicule. […] Malgré ces invraisemblances, le ton de ce roman, surtout du premier volume, est facile et naturel ; c’est le Gil Blas de Mme Gay, et elle s’y permet sous le masque des traits plus gais, plus vifs, plus lestes si l’on veut, que dans sa première manière. […] Elle y avait trouvé, il est vrai, de bien vifs et spirituels auxiliaires ; il suffit de nommer M.
Nous ne sommes plus ici à la hauteur où M. de Suhm nous a portés ; nous n’avons plus affaire à un métaphysicien, homme du monde, homme d’affaires, et à la fois resté plein d’enthousiasme, de l’esprit le plus vif uni avec l’ingénuité du sentiment. […] Que l’on pense de la même manière ou différemment, que l’un soit vif, l’autre mélancolique, tout cela ne fait rien à l’amitié ; mais l’honnête homme, c’est la première qualité qui unit les âmes et sans laquelle il n’y a point de société intime. […] Pendant le récit des derniers moments, frère et roi ne purent, ni l’un ni l’autre, contenir la vive affliction qu’ils éprouvaient, et les derniers détails furent comme étouffés dans leurs sanglots. […] Le goût plus ou moins vif que Frédéric eut pour ces gens d’esprit ne trouva point à s’appuyer sur une estime assez solide de leur caractère. […] En 1740, un autre moment commence ; Frédéric s’était dit de bonne heure : « Ne prenons que la fleur du genre humain. » Une fois maître des choses, il essaya de réaliser ce vœu et de réunir ce qu’il y avait de plus piquant, de plus vif et de plus sociable en gens d’esprit de toutes nations.
J’avais pour Émile Augier une vive et particulière sympathie. […] [Alphonse Daudet] La mort d’Émile Augier me cause une vive peine, et je me déclare incapable d’une parole vraiment digne de lui. […] Au nom de mes compatriotes, je désire exprimer la vive part que nous prenons à la perte qu’ont faite le théâtre et la littérature français. […] Son esprit, éminemment français, qui n’empruntait rien ni à Lope de Vega, ni à Goethe, ni à Shakespeare, qui prenait sa langue dans Rabelais, dans Montaigne, dans Beaumarchais, et peignait ses contemporains sur le vif, tels qu’il les voyait, bourgeois, financiers, aventuriers et aventurières, honnêtes gens, femmes vertueuses et coquines, de son temps, s’était obstinément refusé à s’enrôler sous la bannière du grand maître. […] Viennent ensuite successivement : au Gymnase (1855), Ceinture dorée, trois actes en prose écrits avec Édouard Foussier, et, au Vaudeville (même année), le Mariage d’Olympe, dont le coup de pistolet final produisit une si vive sensation et devait être depuis tant de fois imité.
Il faut encore aimer lire et savoir lire, c’est-à-dire recevoir de ses lectures des impressions vives et des impressions claires. […] Sentir vif et juste, désirer s’expliquer et expliquer son sentiment, sont également nécessaires. […] Elle n’est jamais si vive que lorsqu’on l’a tirée au clair. […] C’est une qualité moins morale qu’intellectuelle : être assez vif amateur de jugement pour désirer serrer au plus près l’asymptotique vérité, pour réduire au minimum le coefficient personnel.
Quelques femmes distinguées, avec ce tact qu’elles tiennent de la nature, n’avaient pas non plus attendu La Bruyère pour montrer leur vive et inimitable justesse dans les genres familiers. […] Doué d’un sentiment vif des ridicules et du tact social le plus pénétrant, il démêlait les moindres nuances, et les fixait d’un trait léger, ineffaçable. […] Ses yeux n’étaient pas grands, mais ils étaient vifs, et ses regards signifiaient tout ce qu’elle voulait ; sa bouche était pleine d’agréments, et le tour de son visage parfait. […] Il est de ces vifs et heureux esprits qui ornent doucement le début du siècle, bien avant la déclamation qui s’ouvre avec Rousseau, et avant la propagande qui va prendre feu avec Voltaire.
Et en effet il ne suffit pas pour qu’un ouvrage prétende à un renom et à une récompense de moralité dans le talent, qu’après avoir présenté des scènes plus ou moins vives et hasardées, empruntées à un monde équivoque, l’auteur se ravisant ajoute après coup je ne sais quelle intention et quel correctif, comme on met une affabulation au bout d’une fable, ou plutôt comme on mettrait un quatrain moral à la fin d’un conte. […] La Commission n’a pas eu à examiner si les auteurs qui ont eu des ouvrages représentés en 1853 sur la scène française ne se sont pas jugés plus sévèrement qu’elle ne l’eût fait elle-même ; mais il nous semble entrevoir, si on osait porter son regard au-delà de 1853 et sans anticiper sur les jugements futurs, que le Théâtre-Français, si riche de tout temps en charmantes et vives productions, ne se dérobera pas toujours si obstinément aux autres conditions indiquées. […] Mais il a été remarqué d’autre part que cette sorte d’exagération avait toujours été concédée aux moralistes, aux satiriques, aux auteurs de comédies ; que c’est un peu la condition de la scène ; que si la vérité peut manquer sur quelques points du tableau, cette vérité se fait sentir en d’autres endroits d’une manière vive, énergique et neuve : par exemple, lorsque le personnage principal au quatrième acte se voit presque amené, à force d’humiliations d’avanies et d’outrages, à se repentir de ce qu’il a fait de bien, et à apostropher le monde entier dans une sorte de délire : moment dramatique et lyrique tout ensemble, d’une vigueur poignante.
Point de gloire, point d’éclat, point d’injustice vive et criante, rien qu’une injustice muette, pesante et durable ; puis, avec cela, une sorte d’effet lent, caché, maladif, qui allait s’adresser de loin en loin à quelques âmes rares et y produire des agitations singulières. […] Vers 1818, plusieurs jeunes gens s’étaient rencontrés après le collége et unis entre eux par une amitié vive, comme on en contracte d’ordinaire dans la première jeunesse. […] Tous vivent aujourd’hui, excepté Sautelet, qui est mort de sa main ; bien peu se souviennent encore de ces années, ou du moins s’y reportent avec regret et amour, excepté Lydia, qui est demeurée, me dit-on, fidèle aux pensées de cette époque, et les a gardées présentes et vives dans son cœur.
Dites que notre littérature s’est gâté le style, qu’elle s’est chargée d’abstractions genevoises et doctrinaires, de métaphores allemandes, de phraséologie drôlatique ou à la Ronsard ; et quatre ou cinq noms qu’à l’instant tout le monde trouvera, vous rappelleront les écrivains les plus vifs, les plus sveltes et dégagés, qui aient jamais dévidé une phrase française. […] Cette espèce de critique est le refuge de quelques hommes distingués qui ne se croient pas de grands hommes, comme c’est trop l’usage de chaque commençant aujourd’hui ; qui ne méconnaissent pas leur époque, sans pour cela l’adorer ; qui, en se permettant eux-mêmes des essais d’art, de courtes et vives inventions, ne s’en exagèrent pas la portée, les livrent, comme chacun, à l’occasion, au vent qui passe, et subissent, quand il le faut, avec goût, la nécessité d’un temps qu’ils combattent et corrigent quelquefois, et dont ils se rendent toujours compte. […] C’est Diderot, en effet, qui est chez nous le père, l’aïeul vénérable, l’Homère de ce genre mélangé de critique et d’art, de ces contes, de ces historiettes, de ces pastiches chauds et gracieux, de ces analyses mousseuses et vives.
Mais nous admettons cette forme vive pour ce qu’elle veut dire, et elle veut dire qu’on trouve l’expression quand on la cherche, l’expression, ce don gratuit de Dieu, et quand on ne l’a pas, de nature, qu’on peut très bien, ma foi ! […] Il a beau écrire Diamant du cœur, pour dire une larme et vouloir pétrifier tous ses pleurs pour en faire jaillir un rayon plus vif, dans son amour de l’étincelle, l’émotion est plus forte que sa volonté. […] Il a concentré leurs deux manières allemande, espagnole et fantasque, dans une troisième qui est la sienne et qui les efface et les fait paraître… passées, comme l’hortensia devant un rose vif.
Massillon ne s’empare point de la persuasion par autorité et de vive force. […] Un jugement plus froid et plus mesuré a affaibli ces vives manifestations. […] Ses livres nous montrent un génie vif et animé que peuvent à peine dompter l’étude et la réflexion. […] On vit avec un vif sentiment d’espérance le nouveau roi monter sur le trône. […] Peut-on dire qu’aucune chose en particulier excitât un mécontentement vif ?
Il a semé son ouvrage de ce que les sentimens naturels ont de plus touchant, de ce que les passions ont de plus vif : mais il ne s’est pas contenté de raconter ces passions ; il les a mises sous les yeux. […] On ne voit point de joye plus vive dans l’iliade que celle des vainqueurs acharnés sur le corps des vaincus : et à la maniere dont tout s’y passe, on diroit que la vengeance étoit alors le souverain bien des dieux et des hommes. […] Il est vrai qu’Ulysse fait succeder à ce détail, des raisons si vives et si adroites qu’il ranime bien-tôt le lecteur ; mais combien le plaisir eût-il été plus grand, s’il eût été continu ? […] Les poëtes ne doivent pas tant songer à donner des idées précises, qu’à en donner de vives, quoiqu’un peu plus confuses. […] Je m’attends, surtout si je réüssis, à de vives contradictions.
Je ne me fie pas aux railleries de Lope de Vega et de Caldéron contre la nouvelle poésie ; elles sont trop vives pour qu’ils y persévèrent. […] « Aussi peut-on trouver une âme Qui ne sente la vive flamme « Qu’allume cet œil radieux ? […] Mais quiconque n’interprète pas de cette façon ses préceptes sur les genres, les vives descriptions qu’il en fait et les limites qu’il leur a tracées, n’a pas compris Boileau. […] La moquerie était d’autant plus vive, que lui-même (qui le croirait ?) […] Tout est vif, tout fiait image ; tout est neuf, parce que tout est exprimé.
Notre nation, ce me semble, est moins sensible que sensuelle et moins sensuelle qu’intellectuelle : plus capable d’enthousiasme que de passion, peu rêveuse, peu poétique, médiocrement artiste, et, selon le degré d’abstraction et de précision que comportent les arts, plus douée pour l’architecture que pour la musique, curieuse surtout de notions intelligibles, logicienne, constructive et généralisatrice, peu métaphysicienne ni mystique, mais positive et réaliste jusque dans les plus vifs élans de la foi et dans les plus aventureuses courses de la pensée. […] Race plus raisonnable que morale, parce qu’elle est gouvernée par la notion du vrai plutôt que du bien, plus facile à persuader par la justice que par la charité ; indocile, même quand elle est gouvernable, tenant plus à la liber té de parler qu’au droit d’agir, et encline à railler toujours l’autorité pour manifester l’indépendance de son esprit : elle a le plus vif sentiment de l’unité, d’où vient que la tolérance intellectuelle lui est peu familière, et qu’elle est moutonnière, esclave de la mode et de l’opinion, mais tyrannique aussi, pour imposer à autrui la mode et l’opinion, chacun voulant ou penser avec tout le monde ou faire penser tout le inonde avec soi.
Un ton noble & mesuré dans l’exorde, des gradations bien amenées dans le cours du discours, une chaleur qui naît de la force des raisons, des réflexions vives & pénétrantes, un pathétique qui acheve, dans la péroraison, de subjuguer le cœur, après avoir captivé l’esprit, sont des ressorts qu’il manie toujours avec un succès, fruit du génie, de l’art de le modérer & de lui donner l’essor à propos. […] Est-ce par des phrases philosophiques, par des ironies indécentes, par un style épigrammatique, par un ton & par des manieres conformes aux mœurs énervées de notre temps, qu’on prétendroit nous retracer, dans la plus noble des fonctions, cette élévation, cette force, cette vive sensibilité, & sur-tout cette décence qui caractérisoit chez les Romains les Défenseurs des Loix & les fléaux de l’iniquité ?
Ils offrent cependant, par intervalles, plusieurs traits d’une éloquence vive, noble, & digne du ton qui convient à la Chaire. […] Pour se venger de l’Académie, M. de Voltaire fit imprimer son Ouvrage à la suite du Poëme de la Ligue, aujourd’hui la Henriade, en y joignant une Note qui contenoit de vifs reproches à ses Juges.
Les fictions en sont simples & ingénieuses ; les sentimens vifs & naturels, la versification harmonieuse & facile, qualités sans lesquelles il faut renoncer à ces sortes de compositions. […] Le coloris en est vif, le ton varié, la touche facile.
Je la sens si vivement, cette influence, je lui garde, à cet illustre mort, une si vive reconnaissance ! […] De là encore son goût si vif pour la tradition, pour le respect de l’évolution lente.
» Quel vif aveu du secret désir de gouverner, dans ces trois mots : ni par moi ! […] Tout ce qui s’y rapporte au caractère des femmes y est dit librement et peint au vif. […] Ce qui se voit du chrétien dans ce traité, c’est un désir plus vif et plus tendre de persuader ceux qui le liront, et un choix de preuves qui s’adressent au cœur. […] On en lit les premières pages avec délices ; on est tout d’abord au milieu du sujet ; ce qu’il a de vif, d’intéressant, d’essentiel, paraît dès le début. […] Elles seules peuvent s’offenser de voir les vives couleurs de l’antiquité païenne s’éteindre sous le pinceau languissant ou timide d’un prélat chrétien.
S’il vous est arrivé jamais de concevoir l’idée d’un enfantillage, d’une équipée, d’une folie, pure fantaisie de l’esprit inquiet et désœuvré, et de passer à l’exécution sans autre raison que l’idée conçue, sans entraînement, sans plaisir, mais fatalement, sans pouvoir résister ; — si vous avez repoussé parfois de toutes les forces de votre volonté une tentation vive, si vous en avez triomphé, et si vous avez succombé à l’instant précis où la tentation semblait s’évanouir de l’âme, où l’apaisement des désirs tumultueux se faisait, où la volonté, sans ennemi, désarmait ; — si vous avez cru, après une émotion vive, ou un acte important, être transformé, régénéré, naître à une vie nouvelle, et si vous vous êtes attristé bientôt de vous sentir le même et de continuer l’ancienne vie ; — si par un mouvement de générosité spontanée ou d’affection vous avez pardonné une offense, et si vous avez par orgueil persisté dans le pardon en vous efforçant de l’exercer comme une vengeance ; — si vous avez pu remarquer que les bonnes actions dont on vous louait n’avaient pas toujours de très louables motifs, que la médiocrité continue dans le bien est moins aisée que la perfection d’un moment, et qu’un grand sacrifice s’accomplit mieux par orgueil qu’un petit devoir par conscience, qu’il coûte moins de donner que de rendre, qu’on aime mieux ses obligés que ses bienfaiteurs, et ses protégés que ses protecteurs ; — si vous avez trouvé que dans toute amitié il y a celle qui aime et celle qui est aimée, et que la réciprocité parfaite est rare, que beaucoup d’amitiés ont de tout autres causes que l’amitié, et sont des ligues d’intérêts, de vanité, d’antipathie, de coquetterie ; que les ressemblances d’humeur facilitent la camaraderie, et les différences l’intimité ; — si vous avez senti qu’un grand désir n’est guère satisfait sans désenchantement, et que le plaisir possédé n’atteint jamais le plaisir rêvé ; — si vous avez parfois, dans les plus vives émotions, au milieu des plus sincères douleurs, senti le plaisir d’être un personnage et de soutenir tous les regards du public ; — si vous avez parfois brouillé votre existence pour la conformer à un rêve, si vous avez souffert d’avoir voulu jouer dans la réalité le personnage que vous désiriez être, si vous avez voulu dramatiser vos affections, et mettre dans la paisible égalité de votre cœur les agitations des livres, si vous avez agrandi votre geste, mouillé votre voix, concerté vos attitudes, débité des phrases livresques, faussé votre sentiment, votre volonté, vos actes par l’imitation d’un idéal étranger et déraisonnable ; — si enfin vous avez pu noter que vous étiez parfois content de vous, indulgent aux autres, affectueux, gai, ou rude, sévère, jaloux, colère, mélancolique, sans savoir pourquoi, sans autre cause que l’état du temps et la hauteur du baromètre ; — si tout cela, et que d’autres choses encore !
« La nation est vraiment comédienne, disait encore le président de Brosses en 1740 ; même parmi les gens du monde, dans la conversation, il y a un feu qui ne se trouve pas chez nous qui passons pour être si vifs. » Ajoutez que dans l’Italie catholique la profession du théâtre fut sans contredit plus considérée qu’en aucun pays du monde ; les princes et les cardinaux témoignaient pour cet art une admiration sans scrupules. […] Une imagination vive, un langage souple et harmonieux leur rendaient facile l’improvisation qui était, du reste dans les habitudes de la nation. […] Ainsi le zanni Arlequin, qui à l’origine était niais et balourd, fut doué par la suite d’un esprit assez vif.
On proteste contre les fusillades de Fourmies et l’interdiction de Lohengrin à l’Opéra et l’assemblée se sépare aux cris alternés de « Vive le vers libre ! » et « Vive l’anarchie ! […] L’élément féminin ne laissait pas d’y luire d’un vif éclat.
Nourri de la lecture de Montaigne &c de Charron, il s’étoit formé un style vif, nerveux, concis, & l’avoit épuré en se l’appropriant. […] Il a été cependant goûté médiocrement par ceux qui n’aiment la morale, même la plus judicieuse, qu’autant qu’elle est animée par des peintures vives, par des portraits d’après nature, par les traits piquans d’une satyre délicate. […] Diderot a donné sur la morale est écrit d’un style vif & énergique, mais de tems en tems louche, dur & négligé.
Mais ce dernier adversaire paroissoit si peu redoutable, que le plus vif partisan des Anciens, Despreaux, demeuroit dans le silence. […] Ses scenes sont vives, pleines de feu & de mouvement. […] Virgile est vif & expressif dans ses images ; son coloris est toujours brillant, mais naturel. […] Peut-être que notre langue n’a pu lui fournir des tours assez vifs, ou que livré à l’enthousiasme poétique, il n’a pas pris soin de régler l’activité de son imagination. […] Les vers servent aux Saints ; la vive poésie Fait triompher la Foi, fait trembler l’hérésie.
ce ne sont plus les traits ardents et vifs du pinceau d’un Saint-Simon, c’est un crayon gris et doux et mou, un peu effacé, qui sent son pastel et qui en a aussi la finesse : « Ce prince, nous dit-il, né sauvage et en même temps si bien fait pour la société, n’a pu en être séparé d’abord que par timidité ; car il ne faut pas s’y méprendre, le désir de plaire, qui tient tant à l’amour-propre et au témoignage favorable que l’on se rend de soi-même, fait qu’on ne veut pas manquer son coup. […] Dans une conversation assez vive qu’il eut à ce sujet avec le roi, Mme de Pompadour présente, celle-ci l’interrompit sur quelqu’une de ses assertions, en lui disant : « Vous ne mentez jamais, Monsieur ? […] Un autre témoin fort digne d’être écouté à son sujet, Dutens, un esprit sérieux et solide, le premier éditeur complet de Leibnitz, Anglais d’adoption et de jugement, qui avait visité les principales Cours d’Europe et qui avait en soi bien des termes de comparaison, a parlé de ce prince dans le même sens que le président Hénault : « M. le prince de Conti était l’un des plus aimables et des plus grands hommes de son siècle : il avait la taille parfaitement belle (il dérogeait par là notablement à la race des Conti, qui avait la bosse héréditaire), l’air noble et majestueux, les traits beaux et réguliers, la physionomie agréable et spirituelle, le regard fier ou doux, suivant l’occasion ; il parlait bien, avec une éloquence mâle et vive, s’exprimait sur tous les sujets avec beaucoup de chaleur et de force ; l’élévation de son âme, la fermeté de son caractère, son courage et sa capacité sont assez connus en Europe pour que je me dispense d’en parler ici. […] Hume a désormais à consoler son amie, et, pour y mieux réussir, dans une lettre nouvelle du 10 décembre, il remet en ordre et par écrit, à tête reposée, tout ce qu’il a dû dire de vive voix déjà dans l’intervalle ; il commence par récapituler et analyser la situation, voulant bien montrer qu’il la comprend tout entière dans ce qu’elle a de pénible, de douloureux, de poignant : c’est afin de donner plus d’autorité ensuite à son conseil. […] Je prévois que vos passions si vives, continuellement remuées, mettront en pièces votre frêle machine : la mélancolie et une constitution ruinée deviendront alors votre lot, et les remèdes qui pourraient maintenant préserver votre santé et conserver l’équilibre de votre âme viendront trop tard pour les rétablir.
Fromentin dans ses tableaux et dans ses deux premiers ouvrages, il ne l’est point en vertu d’un choix et d’une prédilection particulière : il a vu l’Afrique tout d’abord et par occasion ; il en a été saisi et en a rapporté de vives images ; il nous l’a rendue sous toutes les formes. […] Dominique, c’est l’histoire de l’enfance, des premiers sentiments et de la jeunesse du personnage qui porte ce nom ; lui-même raconte à un ami cette histoire toute simple, tout intérieure, en partie délicieuse, en partie douloureuse, et lui fait de vive voix sa confession. […] Le devoir fait, la tâche remplie, l’enfant continuait de vaquer à ses rêves ; il est évident, à lire ces pages de description détaillée et comme attendrie, que l’enfance de Dominique n’est pas une fiction de l’auteur, et qu’il y a là-dessous une réalité vive et sensible, prise sur le fait et étudiée d’après nature ; on y sent l’observation de quelqu’un qui a vécu au sein de la campagne, qui a vu passer bien des fois et repasser sur sa tête le tour des saisons, qui en sait les harmonies et les moindres mystères : « Chaque saison nous ramenait ses hôtes, et chacun d’eux choisissait aussitôt ses logements, les oiseaux de printemps dans les arbres à fleurs, ceux d’automne un peu plus haut, ceux d’hiver dans les broussailles, les buissons persistants et les lauriers. […] Je sentis, à la vive et fraternelle étreinte de ses deux petites mains cordialement posées dans les miennes, que la réalité de mon rêve était revenue ; puis, s’emparant avec une familiarité de sœur aînée du bras d’Olivier et du mien, s’appuyant également sur l’un et sur l’autre, et versant sur tous les deux, comme, un rayon de vrai soleil, la limpide lumière de son regard direct et franc, comme une personne un peu lasse, elle monta les escaliers du salon. » Est-il besoin de remarquer que Dominique, le narrateur qui est ici le peintre, n’a fait entrer dans son tableau que ce qu’il a eu réellement motif de voir, d’entendre, de retenir, ce qui est en rapport avec son sentiment, — le son des grelots qui lui annonçait l’approche désirée, — le voile bleu qui tout d’abord a frappé son regard ? […] Une chose, entre autres, m’y plaît encore : c’est que la description si riche et si vive y est pourtant toujours à sa place et n’empiète pas au-delà, comme on eût pu l’attendre et le craindre de la part d’un peintre.
MM. de Goncourt ont donné ainsi leur Histoire de Marie-Antoinette, si vive de sources, si semée de pièces neuves, et si attachante d’accent. M. de Lescure, après eux, s’est montré plus vif et plus chevaleresque encore dans sa Vraie Marie-Antoinette. […] En quittant la terre natale et au moment de franchir la frontière de l’empire, probablement à Augsbourg, la jeune princesse écrit à son auguste mère une lettre remplie des meilleurs et des plus naturels sentiments : « Madame ma chère mère, « Je ne quitte pas sans une vive émotion et un serrement de cœur la dernière ville frontière de votre empire ; avant de traverser les derniers États qui me séparent de ma nouvelle patrie, je demande à couvrir vos mains de mes baisers et vous remercier comme je le sens pour toutes les bontés maternelles dont vous m’avez entourée. […] Elle avait, en effet, l’éclat plus que la beauté, et cette harmonie qui fait que, chacun des traits pris séparément n’ayant rien de très remarquable, l’ensemble est du plus vif agrément. […] Mais dans l’habitude de la vie et de la conversation, on saisit avec plaisir chez elle ce jet facile et courant, une parole vive, aisée, des plus naturelles, et même spirituelle.
L’unité de cette Correspondance, que quelques suppressions eussent mieux fait ressortir, est dans l’amitié de deux jeunes filles, dans cette amitié d’abord passionnée, au moins chez Mlle Phlipon, et qui, partie du couvent avec ses petits orages, ses incidents journaliers, ses hausses et ses baisses, s’en vint, après quelques années, expirer au mariage : et quand je dis expirer, je ne veux parler que de la forme vive et passionnée, car le fond subsista toujours. […] » Cette phase demi-janséniste dura peu ; on suit, dans la Correspondance, le décours de cette dévotion un moment si vive ; en mars 1776, elle fait encore ses stations, mais elle ne peut se résigner aux cinq Pater et aux cinq Ave ; en septembre de la même année, les amies d’Amiens en sont à prier pour sa conversion. […] Elle se fâche tout bas et se pique même contre eux autant que plus tard elle en rira : « Mes sentiments me paraissent bizarres ; je ne trouve rien de si étrange que de haïr quelqu’un parce qu’il m’aime, et cela depuis que j’ai voulu l’aimer : c’est pourtant bien vrai, je te peins au naturel ce qui se passe dans mon âme. » Les lettres à Sophie, dans ces moments de délicate confidence, deviennent plus vives, plus excitées ; il s’y fait sentir un contre-coup de mouvement et d’aiguillon. […] Je viens de nommer Henriette, la sœur aînée, la seconde et plus vive amie. […] Sur l’aimable et sage M. de Boismorel, qui joue un si beau rôle dans les Mémoires ; sur Sévelinges l’académicien89, qui n’est pas non plus sans agrément ; sur certain Genevois moins léger, et « dont l’esprit ressemble à une lanterne sourde qui n’éclaire que celui qui la tient ; » sur toutes ces figures de sa connaissance et bientôt de la nôtre, elle jette des regards et des mots d’une observation vive, qui plaisent comme ferait la conversation même.
Mais à travers ses arguments et ses exposés de faits, toute son âme se fait jour, un peu tumultueusement : un vif besoin d’ordre, de paix et de justice, un ardent patriotisme, un christianisme sincère, une profonde pitié du peuple qui paie et qui peine, et le très robuste orgueil du commerçant et de l’industriel : on le sent bien nettement, par la bouche de cet économiste, la bourgeoisie fixe le prix dont elle entend que la royauté lui paie le pouvoir absolu. […] Dans ses Satires, mieux que nulle part ailleurs, revit ce Paris de Henri IV, à l’instant où les mœurs grossières commencent à se couvrir de politesse castillane : courtisans, petits-maîtres, médecins, pédants, poètes crottés ou parasites, combien de vives silhouettes s’enlèvent dans la clarté de cette poésie sans brumes ! […] Au reste il écrit « à la vieille française », avec une belle furia, enjambant les obstacles de la syntaxe, forçant la phrase à le suivre par-dessus les barrières des règles, n’ayant souci que d’aller au but, et sans crainte de se casser le cou : toujours clair, toujours vif, toujours fort, il a des constructions troubles, incorrectes. incohérentes, étirées ou estropiées : que lui importe ? […] Régnier, si vif, si ardent, est aussi désordonné et prolixe que les autres. […] Ses Lettres (authentiques) sont nerveuses et sèches avec quelques fusées d’imagination ; il faut se défier des apocryphes qui sont parfois les plus charmantes ; ses harangues sont vives, fermes ; la bonté et l’autorité y sont très attentivement combinées.
Il disait lui-même qu’il n’avait jamais crié ni « Vive la République », ni « Vive la Monarchie », ou « Vive le Roi », ni « Vive l’Empereur ». […] Mais sa vieillesse commençante avait rencontré la plus dévouée et la meilleure des compagnes ; et, de ses deux fils survivants, il vit l’un, historien et romancier de vive imagination et de sensibilité vibrante, trouver l’emploi de son généreux esprit dans cette chaire d’histoire de l’École polytechnique où il avait lui-même enseigné jadis, et l’autre, sorti premier de Saint-Cyr, s’en aller défendre nos ultimes frontières dans cette Algérie où le père avait dû être envoyé comme recteur au temps de la conquête.
On le peignait, lui, le plus accusé des guerriers de ce temps, comme l’un des plus vifs précisément sur l’honneur, sur le sentiment de gloire et de patrie, sur le dévouement à la France, brillant, généreux, plein de chaleur et fidèle aux religions de sa jeunesse, enflammé comme à vingt ans, pour tout dire, et tricolore. […] Thiers, l’ayant lu tout entier en quatre jours avec la plus grande attention, il écrivait de Hambourg, sous l’impression vive qu’il en avait reçue : Toutes les fibres de ma mémoire et de mes anciennes sensations se sont réveillées. […] Un Français, un Allemand et un Anglais seront toujours très inférieurs sous ce rapport, toutes choses égales d’ailleurs en facultés, à un Corse, un Albanais ou un Grec ; et il est bien permis de faire entrer encore en ligne de compte l’imagination, l’esprit vif et la finesse innée qui appartiennent comme de droit aux méridionaux, que j’appellerai les enfants du soleil. […] Cependant, vers trois heures et demie ou quatre heures, l’ennemi, s’apercevant du peu de forces qu’il a en face de lui, déborde et débouche de toutes parts ; on va être pris de vive force ; c’est le moment de capituler. […] [NdA] Ces feuillets ont été conservés et m’ont été communiqués, avec beaucoup d’autres indications utiles, par M. le docteur Grimaud de Caux, longtemps établi à Vienne et à Venise, et qui avait voué au maréchal un vif et profond attachement.
Supposez un univers fabriqué par des papillons, il ne sera peuplé que par des objets de couleur vive, il ne sera éclairé que par des rayons orangés ou rouges ; ainsi font les poètes. […] La première condition pour qu’un personnage soit sympathique, c’est évidemment qu’il vive. […] Il existe nombre d’études de caractères sur le prises vif, parfaitement vraies, qui n’exerceront pourtant jamais d’influence notable dans la littérature ; pourquoi ? […] Il existe sans doute, au fond de tout individu comme de toute époque, un noyau de sensations vives et de sentiments spontanés qui lui est commun avec tous les autres individus et toutes les autres époques ; c’est le fonds de toute existence ; c’est le lieu et le moment où, en étant le plus soi-même, on se sent devenir autrui, où l’on saisit dans son propre cœur la pulsation profonde et immortelle de la vie. […] Ajoutons que le signe d’un sentiment spontané et intense, c’est un langage simple ; l’émotion la plus vive est celle qui se traduit par le geste le plus voisin du réflexe et par le mot le plus voisin du cri, celui qu’on retrouve à peu près dans toutes les langues humaines.
Mon plaisir le plus vif, c’était la musique des bouffes au théâtre nouveau ; mais toujours cette mélodie, si délicate qu’elle fût, me laissait dans l’âme un long et triste murmure de mélancolie ; et alors s’éveillaient en moi, par milliers, les idées les plus sombres et les plus funestes. […] Le très vif désir que j’éprouvais de mériter l’estime de cet homme rare donna tout-à-coup comme un nouveau ressort à mon esprit, et à mon intelligence une vivacité qui ne me laissait ni paix ni trêve, tant que je n’avais pas composé une œuvre qui fût ou me parût digne de lui. […] Elle avait vingt-cinq ans ; un goût très vif pour les lettres et les beaux-arts ; un caractère d’ange, et, malgré toute sa fortune, des circonstances domestiques, pénibles et désagréables, qui ne lui permettaient d’être ni aussi heureuse ni aussi contente qu’elle l’eût mérité. […] Ce ne fut pas toutefois sans des appréhensions très vives : on savait la fureur du comte, on connaissait la violence de son caractère, et il fallait bien avouer qu’il ne manquait pas de bonnes raisons en ce moment pour se faire justice à lui-même. […] Le voyage en effet s’accomplit sans accident, et la comtesse, arrivée à Rome, fut reçue avec les plus vives marques d’affection et de respect par son beau-frère le cardinal.
Né avec un génie vif, gai & vraiment comique, il répandit sur toutes ses piéces le sel de l’enjouement. […] Tout chez lui est vif, concis, touchant, naturel & harmonieux. […] Ses expressions sont vives & énergiques ; mais sa Muse n’est pas décente. […] Son style vif, pressé & impétueux, respire ce beau désordre qui est un effet de l’art. […] La Fontaine, qui a été son rival parmi nous, a des couleurs plus vives sans en avoir moins de naïveté & des graces.
Un homme de large et vive conception, montrant un jour à quelqu’un sa bibliothèque, qu’il avait fort belle, arrivé devant les écrivains ecclésiastiques du règne de Louis XIV, s’écria : « Fleury à côté de Bossuet ; et pourtant quelle distance ! […] Ayant entendu le 8 décembre 1700, jour de la Conception, le sermon du père Maure de l’Oratoire prêché aux Récollets de Versailles, « notre prélat en a loué, dit Le Dieu, la pureté du style, la netteté, les tours insinuants et pleins d’esprit ; mais il n’y a trouvé ni sublimité ni force ; il le tient même au-dessous de son confrère le père Massillon. » Mais ce n’est pas un jugement définitif, et l’on voit que, le vendredi 4 mars 1701, « il entendit à Versailles le sermon de la samaritaine prêché par le père Massillon, dont il fut très content. » Toutefois, il reste vrai pour nous que Bossuet et Massillon ne sont pas tout à fait de la même école d’éloquence sacrée, Bossuet étant de ceux qui y veulent à chaque instant la parole vive, et Massillon au contraire disant, quand on lui demandait quel était son meilleur sermon : « Mon meilleur sermon est celui que je sais le mieux. » Les jugements de Bossuet sur Fénelon sont encore plus sévères, et ils sont décidément injustes. […] Un neveu de Bossuet, l’abbé Bossuet, plus tard évêque de Troyes, et qui n’était pas digne en tout de son oncle, est des plus vifs à résister, à protester, et à vouloir organiser le parti des mécontents. […] On aime, vieux, ce qu’on aimait enfant ; on y revient et l’on s’y reprend d’une plus vive étreinte39.
On dit qu’il a eu un grand succès de lecture : moi qui sais avec quel feu il parle en improvisant, je regrettais d’abord qu’il ne se fût point livré à la parole vive ; mais on m’assure qu’il a lu de façon à produire plus d’effet encore. […] Je ne saurais non plus admettre que les Romains, dès le siècle de Cicéron, et plus tard au temps de Virgile, de Sénèque, de Pline, à cette grande époque de l’unité de l’Empire et de la paix romaine, n’aient pas eu une pleine et vive conscience de ce que nous appelons civilisation, curiosité élevée, progrès des sciences, amélioration de la vie dans tous les sens ; vita, comme ils disaient. […] On n’en était pas à se poser la question dans les termes dégagés et vifs qui sont le point de départ et l’entrée en matière de M. […] Il faut y porter, comme à un théâtre, quelques illusions avec un vif instinct de sympathie morale.
III À ce sentiment vif et pénétrant de la vie en acte, de ses remuements physiques et des ses agitations morales, à cette recherche appliquée et reprise de l’enveloppement du fait par la phrase, se joint en M. de Goncourt le goût particulier d’une certaine sorte de beauté, qu’il recherche avidement et rend amoureusement, dont l’attrait l’a guidé dans ses courses de collectionneur, dans la détermination des sujets et des scènes de la plupart de ses romans : le goût passionné du joli. […] A une époque où le souvenir du romantisme remplit les romans réalistes et les scènes brutales, de grands chocs tragiques et sanglants, de raffinements maladifs, M. de Goncourt a conservé le sens des choses naturellement charmantes, de la poésie dans les incidents journaliers, des âmes délicates de naissance, de ce qui est vif, simple et gai. […] Ajoutez encore à ces anomalies individuelles d’organisation cérébrale, les caractères généraux de toute âme d’artiste et d’écrivain, la vive sensibilité, le don plastique du mot expressif, le don dramatique de la coordination des incidents, l’infinie ténacité de la mémoire pour les perceptions de l’œil, toutes les multiples conditions qui permettent de réaliser cette chose en apparence si simple, un beau livre. […] Le numéro était une fois par semaine rempli tout entier d’une fantaisie de Banville, et pour montrer à quel point on laissait ce poète hausser le ton coutumier de journaux, nous citerons de lui cette magnifique phrase, dont le pendant ne se trouvera guère dans nos quotidiens : « Ainsi dans le calme silence des nuits, aux heures où le bruit que fait en oscillant le balancier de la pendule, est mille fois plus redoutable que le tonnerre, aux heures où les rayons célestes touchent et caressent à nu l’âme toute vive, où la conscience a une voix, où le poète entend distinctement la danse des rhythmes dégagés de leur ridicule enveloppe de mots, à ces heures de recueillement douloureuses et douces, souvent, oh !
Se sentant pourtant près de mourir, centenaires, millionnaires et célibataires, voilà qu’un vif regret de la patrie les reprend tout d’un coup après plus d’un siècle, et ils ont l’idée de rappeler quelque arrière-petit-neveu ou arrière-petite-nièce pour rentrer dans la religion réformée et dans l’héritage. […] …………… …………… Je ne m’éloigne pas ; je me tiens à distance, Épiant, ô ma sœur, tes pieds blancs et mortels : Quand tu m’appelleras de ta plus vive instance, Je t’aiderai, Marie, au retour des autels ! […] Ses lettres à Mme Valmore, d’un ton vif et résolu, presque viril, la font voir sous ce jour, — un fidèle et brave cœur, d’une affection active, et sur qui l’on pouvait compter ; et Mme Valmore le lui rendait par un véritable culte de reconnaissance : « (7 avril 1847)… Cette bonne lettre me trouve au milieu de nouvelles et vives afflictions. — A peine avais-je été frappée de la perte foudroyante de M. […] Souvent dans ses vifs chagrins et ses moments d’abattement, elle entrait dans une église pour prier le Dieu de son cœur ; mais c’était toujours aux heures où toute cérémonie était terminée, et la nef déserte et muette. […] Ne parlons donc pas des riches, sinon pour être contents de ne pas les sentir souffrir comme nous… « Avant-hier dans la nuit, j’ai eu le bonheur de rêver à toi, et de t’embrasser avec une effusion d’amitié et de joie si vive, que je m’en suis réveillée. — Nous allions au-devant l’une de l’autre les bras ouverts.
On lui a montré sur les murs d’une chambre des oiseaux peints, rouges et bleus, longs de deux pouces, et on lui a dit une seule fois en les lui montrant : « Voici des kokos. » Elle a été tout de suite sensible à la ressemblance ; pendant une demi-journée, son plus vif plaisir a été de se faire porter tout le long des murs de la chambre, en disant avec enthousiasme à chaque nouvel oiseau : koko ! […] Pas un aboiement dans la rue qui n’évoque chez elle ce mot dans le sens de chien et avec le plaisir vif d’une découverte. — Dans le nouveau sens, le son a oscillé entre vava et oua-oua, pour se fixer maintenant oua-oua. […] » — Tout ceci ressemble fort aux émotions et aux conjecturés des peuplés enfants, à leur admiration vive et profonde en face des grandes choses naturelles, à la puissance qu’exercent sur eux l’analogie ; le langage et la métaphore pour les conduire aux mythes solaires ou lunaires. […] Il devenait attentif en les revoyant respirait plus vite, faisait une sorte de bruissement avec ses lèvres et, vers le troisième mois, souriait. — Ensuite il a reconnu les autres figures, celles de sa mère, de sa grand’mère, de sa petite sœur. — Vers la même époque, on voyait son attention se fixer sur le dos d’un fauteuil d’une couleur vive et tranchée, sur un rideau, sur le jour qui venait par la fenêtre, sur la lumière d’une lampe. […] Il éprouve toujours un vif plaisir à le faire rouler, à lui communiquer cette série continue d’apparences changeantes qu’on nomme le mouvement.
Dans cette extrême faiblesse du corps, il y avait visiblement une vive énergie de l’esprit. […] Elle était belle, de vive imagination, de cœur prompt. […] C’était une petite impertinence ou, du moins, une remarque un peu vive. […] S’il tenait à ses jolies phrases, il n’était pas moins attaché au plus vif anticléricalisme. […] Les robes ne les alourdissent pas, elles marquent leur vif entrain.
Mais je ne serais pas le réactionnaire que je suis si je ne ressentais une très vive joie à voir soutenir de pareilles théories par les représentants officiels de ce régime. […] Paul-Hyacinthe Loyson « Je me rappelle de votre première démarche et j’aurais aimé à vous en causer de vive voix… » C’est à peu près en ce style qu’un homme de lettres français répondra à une enquête des Marges vers l’an de barbarie 1920. […] Tout poste important exige une culture générale fondée sur les humanités ; les négliger c’est ôter des forces vives à la nation. Robert Scheffer Je remarque surtout ceci : À mesure que la marée bleue envahissait le marché littéraire, nos dames de plume, qui ont l’esprit pratique, s’avisèrent que, pour assurer à leurs bas un indigo bon teint, il convenait de les tremper au préalable dans les eaux Tibériennes : ce pourquoi, les jeunes filles actuelles réclament l’enseignement du latin dont sont privés nos garçons, qui ignorent l’orthographe, pataugent dans la grammaire et méprisent la propriété des termes, hormis les vocables qui, sportifs, nous arrivent tout vifs de l’Angleterre. […] Une suite d’émotions vives leur suffit.
Quand je reconnais un visage familier, je le vois accompagné d’une série indéfinie de reproductions plus faibles, comparables à la répétition d’un objet par deux glaces parallèles : toute image qui a ainsi une répétition d’elle-même dans un cadre de contiguïtés différentes se projette comme souvenir, et je ne tarde pas à distinguer ce genre d’image aussi aisément que je distingue, dans un paysage, la nuance bleuâtre du fond et la couleur vive du premier plan. […] Aussi le contraste s’établit-il tout seul entre la perspective d’images faibles constituant le passé et le tableau d’images vives constituant le présent, comme font contraste au grand soleil mon corps et son ombre, parce que les différences sont données ensemble et éclairées d’une même lumière. […] Ribot explique ces cas curieux en disant que le mécanisme de la mémoire « fonctionne à rebours » : on prend l’image vive du souvenir pour la sensation réelle, et la sensation réelle, déjà affaiblie, pour un souvenir. […] Quand on voit double dans l’espace, c’est que les deux images ne se superposent pas ; de même, quand on voit double dans le temps, c’est qu’il y a dans les centres cérébraux un manque de synergie et de simultanéité, grâce auquel les ondulations similaires ne se fondent pas entièrement ; il en résulte dans la conscience une image double : l’une vive, l’autre ayant l’affaiblissement du souvenir ; le stéréoscope intérieur se trouvant dérangé, les deux images ne se confondent plus de manière à ne former qu’un objet. […] En outre, nous l’avons montré, la conscience des ressemblances et des différences, qui fait le fond de la reconnaissance, vient de ce que chaque image vive est saisie simultanément et classée avec d’autres plus faibles qui lui sont semblables, quoique différentes par leurs cadres et leurs milieux.
Nous-même, nous n’avions pas attendu le jour fatal pour essayer de caractériser cette veine si abondante et si vive, cet esprit si souple et si coloré, ce merveilleux talent de nature et de fantaisie191. […] Il ne vint s’établir à Paris qu’au commencement de la Restauration, et, pendant ces années politiques ardentes, il n’aurait point fallu demander à cette imagination si vive le calme souriant où nous l’avons vu depuis. […] Alfred de Musset : J’ai lu ta vive Odyssée Cadencée, J’ai lu tes sonnets aussi, Dieu merci !
Je prie Dieu que nul de vous ne vive son âge naturel, et que vous soyez tous fauchés par quelque accident imprévu … » (À Glocester, plus tard Richard III). […] Les raisonnements de Démosthène courent d’une vive et dramatique allure, et se précipitent à leur conclusion, comme l’action d’Œdipe-roi marche à son dénouement. […] Quand les idées se succéderont, nombreuses et pressées, ne restant devant les yeux que le temps justement nécessaire pour en être bien reconnues et cédant la place à l’instant qu’on les a saisies, le mouvement sera vif, et le discours sera bref ; si chacune d’elles, au contraire, est retenue en scène, tournée et retournée sous tous ses aspects, le mouvement sera lent et le discours sera ample.
Il n’y eut jamais dans le monde de querelles aussi vives que celles des Juifs entre eux. […] La passion, qui était au fond de son caractère, l’entraînait aux plus vives invectives. […] Les pharisiens lui en faisaient de vifs reproches.
Il y eut, en 1802, non seulement une grande métamorphose dans le pouvoir, il y eut une grande et vive réaction dans les idées. […] Dès 1800 et vers les premières années de cette renaissance, quelques hommes de talent et de goût revinrent également au grand règne, mais par un sentiment prompt et vif d’admiration pour les chefs-d’œuvre, par l’adoption reconnue salutaire des doctrines, par l’attrait du beau langage et de l’éloquence ; les Fontanes, les Joubert, les Bausset obéirent à cet esprit et s’en firent les organes. […] L’auteur avait traité trop légèrement, sans assez d’égards, quelques opinions contraires à la sienne, qu’il avait rencontrées sur son chemin : à propos des précieuses, il se fit des affaires presque aussi vives qu’au 10 Août ou qu’aux approches de Vendémiaire. […] Il n’a prétendu, j’imagine, dans ce jeu suivi et patient de sa vieillesse, que fournir matière à conversation, à contradiction, à quelques-uns de ces dissentiments agréables et vifs qui remplissent et animent les soirées d’automne à la campagne. […] Nous nous séparâmes en gardant, de part et d’autre, les dispositions où nous étions au moment où nous nous étions réunis, et cependant après que le frottement d’une société rapprochée durant quinze jours eût un peu poli ce qu’elles avaient de trop piquant et de trop vif.
Par dédain pour les qualités tempérées qui suffisent aux conditions d’une société vieillie, il disait : « Mêlez un peu d’orgueil qui empêche d’oublier ce qu’on se doit, de sensibilité qui empêche d’oublier ce qu’on doit aux autres, et vous ferez de la vertu dans les temps modernes. » Mais pour les anciens, tout en sachant en quoi nous les surpassons, il les montre bien supérieurs en énergie, en déploiement de facultés de tout genre : forcés par la forme de leur gouvernement de s’occuper de la chose publique d’en remplir presque indifféremment tous les emplois de paix et de guerre, de s’y rendre propres et de s’y tenir prêts à tout instant, de parler devant des multitudes vives, spirituelles, mobiles et passionnées : Quelle devait être, dit-il, l’explosion des talents animés, stimulés par d’aussi puissants motifs ! […] Pour le sauvage, par exemple, qu’est-ce que le plaisir de l’amour, si on le compare à tout ce qu’y fait entrer un homme du monde, doué d’une âme délicate et vive, et d’une sensibilité cultivée ? […] Aladin a un vif désir de savoir et de connaître ; la morale a surtout un grand attrait pour son esprit vif et observateur ; il en voudrait posséder la clef : « Ne pourriez-vous pas, dit-il au Kalender, m’apprendre à connaître les hommes ? […] Il y avait tout à côté des réparations cependant et des hommages : « Celui, disait-il, qui a été aimé d’une femme sensible, douce, spirituelle et douée de sens actifs, a goûté ce que la vie peut offrir de plus délicieux. » Il avait dit encore (car M. de Meilhan n’oublie jamais ce qui est des sens) : « Un quart d’heure d’un commerce intime entre deux personnes d’un sexe différent, et qui ont, je ne dis pas de l’amour, mais du goût l’une pour l’autre, établit une confiance, un abandon, un tendre intérêt que la plus vive amitié ne fait pas éprouver après dix ans de durée. » Tout cela aurait dû lui faire trouver grâce, d’autant plus qu’il flattait les hommes moins encore que les femmes : « La femme, remarquait-il, est bien moins personnelle que l’homme, elle parle moins d’elle que de son amant : l’homme parle plus de lui que de son amour, et plus de son amour que de sa maîtresse. » — (Dans l’édition de 1789, l’auteur, en corrigeant, a supprimé çà et là quelques jolis traits.)
— Et c’est sur cette base-là, ajoute-t-il, qu’a été élevé ensuite tout mon édifice. » Ce fut à la campagne, à la maison d’Athée qui lui venait de sa mère, qu’il éprouva une autre vive impression de lecture ; il vient de parler des jeux de son enfance : J’y ai joui aussi bien vivement, nous dit-il, dans mon adolescence, en lisant un jour dans une prairie à l’âge de dix-huit ans les Principes du droit naturel de Burlamaqui. J’éprouvai alors une sensation vive et universelle dans tout mon être que j’ai regardée depuis comme l’introduction à toutes les initiations qui m’attendaient. […] Il a dit ailleurs avec une grande pénétration morale, et en rectifiant pour ainsi dire les âges de la vie, en les rétablissant dans leur première intégrité et dans leur véritable direction : … L’enfance ne s’annonce-t-elle pas par la rectitude du jugement et le sentiment vif de la justice ? […] De tous les livres que Saint-Martin composa et publia en ces années du règne de Louis XVI, il n’en est qu’un seul, L’Homme de désir, imprimé en 1790, qui appelle l’attention des profanes et à la fois des sincères par des beautés vives jaillissant au sein des obscurités et par des espèces d’effusion ou d’hymnes affectifs annonçant un précurseur. […] S’il se sépare de son siècle par la pureté morale et par une vive pensée de spiritualité divine, il en participe sur d’autres points essentiels de sa doctrine, et il en porte le cachet.
C’est bien, au reste, la même organisation, déjà connue, qui se traduit à nous, vive, heureuse, courante, avec la même facilité, la même verve et un fonds de bon sens dans la pétulance ; on y remarquera de plus la bonté et l’âme, l’humanité, et des éclairs de poésie et d’élévation. […] Vive la France ! […] Le Pacha est petit, la barbe blanche, le visage brun, la peau tannée, l’œil vif, les mouvements prompts, l’air spirituel et très-malin, la parole brève, et riant très franchement lorsqu’il a lâché un petit sarcasme ; plaisir qu’il s’est donné toutes les fois que la conversation tournait à la politique, et surtout lorsque le consul19 insistait pour le départ de la flotte : « Je ne reconnais pas les Français, qui savent si bien faire la guerre, et qui ne parlent plus que de la paix. […] Du Caire, il se dirige vers l’Asie en longeant le Delta, et cette triste route monotone est décrite avec une fidélité vive, précise, et sans charge : « Pour arriver à El-Arich, nous n’avons, pendant douze jours, rencontré qu’un groupe d’Arabes à cheval, qui, sans doute, nous ont trouvés trop bien disposés, et qui se sont contentés de nous suivre pendant deux lieues à peu près. […] … » Et comme Horace lui exprimait son désir de faire une visite en France : « L’empereur m’a dit alors, les larmes dans les yeux : « Allez, vous ferez ce qu’un galant homme doit faire ; si vous voyez le roi des Français, dites-lui bien que je partage tout son malheur ; que personne plus que moi ne peut le comprendre davantage, car je lui dois de connaître le bonheur dont vous me voyez jouir chaque jour : dites-lui tout ce qui pourra le convaincre de l’estime que j’ai pour ses grandes vertus et pour la fermeté de son caractère. » — « L’empereur me tenait la main ; nous sommes restés quelques minutes sans prononcer une parole, en proie à la plus vive émotion, et lorsque j’ai pu parler, je lui ai demandé s’il m’autorisait à répéter textuellement cette conversation.
On ne s’étonnera donc pas qu’à propos du livre, et pour le mieux expliquer à notre gré, nous parlions aussi de l’homme même, des origines et des accroissements intérieurs de cet esprit si original et si vif. […] Sera-ce du moins par une certaine forme d’art, par une certaine lumière vive et juste d’expression qu’il se fera jour et resplendira à travers l’analyse ? […] Cette verve, cette saillie courante et vive qui est le jet de la poésie, M. […] De même, avant l’œuvre tout à fait entamée et avancée, il y a plus d’une forme, je le crois, plus d’une issue possible à un vif esprit pour se produire et donner tout ce qu’il contient ; mais une fois la forme de l’œuvre prise ou imposée, pour peu qu’elle convienne, l’esprit s’y loge à fond et y passe tout entier. […] Mais maintenant je suis heureux, gai, sociable : J’ai l’œil vif et le front serein ; — je suis aimable ; Le ruisseau peut courir à l’aise et murmurer, Dans son onde à l’écart je n’irai point pleurer.
C’est pour les croisades d’abord qu’on eut l’idée d’appliquer la forme des chansons de geste à des faits contemporains, assez extraordinaires et lointains pour exciter une vive curiosité. […] Le goût des compositions historiques semble avoir été très vif chez les rois anglo-normands et dans leur entourage : du xiie au xvie siècle, on les voit éclore en grande abondance. […] Mais il dit aussi certains petits effets de grandes vertus, des excès et des défauts, marques d’humanité, qui rapprochent de nous le saint, et l’animent sans l’amoindrir : nous voyons le roi, vêtu de grossier camelin, « tremper son vin avec mesure », et manger ce que son cuisinier lui prépare, sans condescendre jamais à commander le menu de son repas ; nous le voyons, modeste en sa parole comme pur en ses actes, n’ayant onques nommé le diable en ses propos, toujours timide et petit enfant devant sa mère, froid à l’excès et comme indifférent à l’égard de sa femme et de ses enfants, l’humeur vive avec son angélique bonté, assez jaloux de son autorité, rabrouant prélats ou Templiers, quand ils semblent entreprendre dessus, et, pour tout dire, un peu colère : Joinville ne fait-il pas un pacte avec lui, pour que ni l’un ni l’autre à l’avenir ne se fâchent, le roi de ses demandes, et lui des refus du roi ? […] La pieuse gravité, l’affectueuse et paternelle sollicitude du roi font un contraste avec les sentiments ou trop mondains ou tout humains du sénéchal, avec le vif et plaisant naturel de ses réponses, quand il proteste de ne jamais laveries pieds des pauvres, « ces vilains ! […] Il a l’imagination vive et les sens éveillés : tout ce qu’on lui dit, il le voit, et le fait voir.
Le doux esprit de cette princesse, ce parfum de délicatesse et de bonté dans des écrits plus aimables qu’éclatants, ces couleurs agréablement mélangées plutôt que vives, ces charmantes perfections dans un second rang, n’est-ce pas le genre de beauté de la marguerite ? […] L’image ne sied pas moins à Marguerite de Valois : c’est encore la douceur et la pureté sans vifs reflets. […] Le tour en est vif, les détails piquants, la langue facile et claire c’est toujours ce don du récit, qui, dans les lettres, est tout le génie de nos pères. […] Ces tours si vifs et si heureux cette élégance peu ornée, parce que l’ornement gâterait le sens, ces proverbes populaires semés dans l’entretien à l’appui des réflexions, ce sont les vraies traditions de la comédie, et de tous ces ouvrages de formes diverses, dont la vie sociale est la matière. […] Les lettres de Marguerite, presque toutes écrites à son frère, quoique d’un tour moins vif que ses contes, à cause des formes de respect qu’elle observe à l’égard du roi jusque dans les expressions du plus tendre attachement pour le frère, sont pleines de cette douceur de cette adresse, de cette insinuation qu’on admire dans les discours de dame Oysille.
On frise à tout moment le mot vif, le mot propre, et on s’arrête à temps. […] Les Bohémiens sont une de ces ballades ou fantaisies philosophiques, d’un rythme vif, svelte, allègre, enivrant ; c’est la meilleure peut-être, la plus belle et la plus parfaite de ses chansons que j’appelle désintéressées, et qui ne doivent rien aux circonstances. […] Je trouve dans une lettre familière le récit d’une visite chez Béranger, qui exprimera ce que j’ai à dire de lui, plus au vif que je ne le pourrais en termes généraux, et qui ne renferme rien d’ailleurs que d’honorable et d’adouci : Mai 1846. — J’ai revu Béranger, que je n’avais pas rencontré depuis des années, écrivait le visiteur ; c’est Lamennais qui m’avait fort engagé à l’aller revoir. J’ai trouvé Béranger dans son avenue Sainte-Marie, près la barrière de l’Étoile, après dîner, seul, se promenant dans un petit carré de jardin grand comme la main, sans lunettes, bourgeonné, âgé de soixante-six ans, mais jeune d’esprit, vif, aimable et charmant autant que jamais. […] Mais, à une époque d’effort, de lutte et de calcul, il a su trouver sa veine, il a fait jaillir sa poésie, une poésie savante et vive, sensible, élevée, malicieuse, originale, et il a excellé assez pour être sûr de vivre, lors même que quelques-unes des passions qu’il a servies, et qui ne sont pas immortelles, seront expirées.
Mme de La Tour-Franqueville, après la lecture de La Nouvelle Héloïse, se monte la tête, se croit une Julie d’Étange, et elle écrit des lettres très vives au grand écrivain, qui la traite assez mal et en misanthrope qu’il est. […] Il volait comme une flèche à travers la foule des patineurs ; ses joues étaient rougies par l’air vif, et ses cheveux châtains tout à fait dépoudrés. […] Le fait est que, douée d’une vive imagination, d’un sens poétique exquis, d’un sentiment passionné de la nature, elle personnifiait tous ses goûts et toutes ses inspirations de jeunesse dans la figure de Goethe, et qu’elle l’aimait avec transport comme le type vivant de tout ce qu’elle rêvait. […] » C’est un mélange singulier que ces premières scènes de Weimar, à demi enfantines, à demi mystiques, et dès l’abord si vives ; il n’aurait pas fallu pourtant les recommencer tous les jours. […] « Mme de Staël s’est trompée deux fois, disait Bettina, la première dans son attente, la seconde dans son jugement. » Cependant cette jeune fille si vive, ce lutin mobile qui a en lui je ne sais quoi de l’esprit éthéré de Mab ou de Titania, a aussi, comme Mignon de Wilhelm Meister, du sang italien dans les veines.
Mais il le faisait avec naturel, avec facilité, avec un don de récit et de mise en scène qui était son talent propre, avec une veine de raillerie et de comique qui se répandait sur tout, avec une morale vive, enjouée, courante, qui était sa manière même de sentir et de penser. […] Les traits de Lesage, ce sont de ces mots piquants et vifs qui échappent en courant. […] Le juge le plus compétent en pareille matière, Walter Scott, a très bien caractérisé l’espèce de critique vive, facile, spirituelle, indulgente encore et bienveillante, qui est celle de Gil Blas : « Cet ouvrage, dit-il, laisse le lecteur content de lui-même et du genre humain. » Certes, voilà un résultat qui semblait difficile à obtenir de la part d’un satirique qui ne prétend pas embellir l’humanité ; mais Lesage ne veut pas non plus la calomnier ni l’enlaidir ; il se contente de la montrer telle qu’elle est, et toujours avec un air naturel et un tour divertissant. […] « C’était commencer le métier d’intendant par où l’on devrait le finir. » Le troisième volume, publié en 1724, et qui est le plus distingué de tous, nous montre Gil Blas montant par degrés d’étage en étage ; et, à mesure que la sphère s’élève, les leçons peuvent sembler plus vives et plus hardies. […] Lesage se ressentit de cet inconvénient : après avoir atteint le point parfait de l’observation dans Le Diable boiteux et dans Gil Blas, le vif du comique dans Crispin et dans Turcaret, il se relâcha, il se répéta, il baissa un peu, et alla ainsi jusqu’à se permettre des publications finales telles que La Valise trouvée et Le Mélange amusant, qui sont en effet le fond du sac et de la valise.
Ajoutons vite que si elle se dit fière et orgueilleuse, que si elle se sait belle, et que si elle se regardait souvent, elle restait gaie, franche d’abord, sans grimace aucune, vive et même naïve dans les mouvements, bonne enfant, disent tous ceux qui l’ont connue alors (Lamartine disait bien d’elle un jour : C’est un bon garçon ! […] Elle fera, par exemple, ces vers contre un certain vote de la Chambre des députés (13 avril 1839), vote que je ne prétends point d’ailleurs approuver ; et elle a écrit en novembre 1848 ces autres fameux vers contre le général Cavaignac, où, le voulant exterminer et pourfendre, elle ne trouve rien de plus fort à lui appliquer dans sa colère, parce que le digne général a dormi une heure pendant une des nuits de juin, que ce dernier coup accablant : Vive l’Endymion de la guerre civile ! […] Et aussi comment, avec un sentiment si vif et si fin de la raillerie, n’est-on pas toujours averti de celle à laquelle on peut prêter soi-même par le temps qui court ? […] Mais on a eu au début des scènes vives et risquées, des scènes où la passion de l’esclave heureux est hardiment produite. […] Dans une soirée, à un dîner, dans un cercle, on n’est pas plus vif, plus amusant, plus inépuisable en mots piquants et en étincelles.
« Elle était aimable, écrit Mme de Motteville, et sa beauté avait de grands agréments par l’éclat de la blancheur et de l’incarnat de son teint, par le bleu de ses yeux qui avaient beaucoup de douceur, et par la beauté de ses cheveux argentés qui augmentait celle de son visage. » Ce blond d’argent de ses cheveux, joint à cette blancheur transparente et vive, cette douceur bleue de son regard, s’accompagnaient d’un son de voix touchant et qui allait au cœur ; tout se mariait en elle harmonieusement. […] On reconnaît vers la fin des Réflexions les vifs élans de cet amour tendre qui est en voie de se transformer en passion divine et en charité. […] avec une vive et amoureuse douleur de ses infidélités passées, et avec tout le respect et le religieux tremblement que mérite votre souveraine majesté. » De talent, d’imagination proprement dite, il ne saurait en être convenablement question, en appréciant un écrit de cette simplicité. Deux ou trois passages dénotent seulement une expression assez figurée et assez vive : Il est vrai, Seigneur, que si l’oraison d’une carmélite qui est retirée dans la solitude, et qui n’a plus qu’à se remplir de vous, est comme une douce cassolette qu’il ne faut qu’approcher du feu pour rendre une odeur très suave, celle d’une pauvre créature qui est encore attachée à la terre, et qui ne fait proprement que ramper dans le chemin de la vertu, est comme ces eaux bourbeuses qu’il faut distiller peu à peu pour en tirer une utile liqueur. […] On ne trouve pas, dans les lettres de Mme de La Vallière, un seul mot qui ne soit naturel, humble et doux, d’une reconnaissance vive pour ceux qui lui veulent du bien, d’une parfaite indulgence pour les autres : « Mes affaires n’avancent point, écrit-elle (11 janvier 1671), et je ne trouve nul secours dans les personnes dont j’en pouvais attendre : il faut que j’aie la mortification d’importuner le maître, et vous savez ce que c’est pour moi… » Et ailleurs : « Quitter la Cour pour le cloître, ce n’est point là ce qui me coûte ; mais parler au roi, oh !
Le roi passa par Provins, et, à cette occasion, Moreau fit sa chanson patriotique qui a pour titre : Vive le Roi ! et pour refrain : Vive la Liberté ! […] Qu’il suffise de rappeler qu’Hégésippe Moreau, au moment même où il venait de trouver un éditeur pour ses vers, et où Le Myosotis publié avec luxe (1838) et déjà loué dans les journaux allait lui faire une réputation, entrait sans ressource à l’hospice de la Charité et y mourait le 20 décembre 1838, renouvelant l’exemple lamentable de Gilbert et faisant un pendant trop fidèle au drame émouvant de Chatterton, dont l’impression était encore toute vive sur la jeunesse. […] Dans ce dernier genre pourtant, quoiqu’il rappelle Béranger, Moreau a un caractère à lui, bien naturel, bien franc et bien poétique ; il a du drame, de la gaieté, de l’espièglerie, un peu libertine parfois, mais si vive et si légère qu’on la lui passe. […] Cependant, avec une faculté d’expression vive, expansive et affectueuse, il tâtonnait, il se disposait à tenter le théâtre ; il cherchait encore sa veine, lorsque le succès inespéré de la chanson des Bœufs, faite un jour au hasard, lui ouvrit toute une perspective : J’ai deux grands bœufs dans mon étable, Deux grands bœufs blancs marqués de roux, etc.
Le premier numéro du National (3 janvier 1830) contient un court article de Carrel sur Rabbe, ce Méridional mort à quarante-trois ans, qui « était entré dans le monde à la suite de brillantes études, avec un esprit remuant, un caractère intrépide, des passions vives ; une belle figure, de l’esprit, du cœur, un geste mâle et parlant, une éloquence noble, hardie, animée, entraînante ». […] Pendant le mois écoulé, Le National avait un peu flotté au hasard, ou plutôt il avait été purement gouvernemental, ce qui lui avait attiré bien des critiques de la part des feuilles plus vives. […] Il engageait alors une discussion plus ou moins vive, et, quand il savait à quoi s’en tenir sur la valeur du néophyte, il mettait un art infini à arranger les choses sans que la dignité de l’un ou de l’autre pût en souffrir. […] Voici le point très net : ne point continuer la Chambre née avant les événements, ne point la proroger, mais la dissoudre franchement, et consulter l’opinion vive du pays ; obtenir de lui la même Chambre à très peu près peut-être, mais retrempée et munie d’un droit incontestable. […] L’expression a du vrai ; à le lire, c’est comme le Junius anglais, quelque chose d’ardent et d’adroit dans la colère, plutôt violent que vif, plus vigoureux que coloré ; le nerf domine ; le fer, une fois entré dans la plaie, s’y tourne et retourne, et ne s’en retire plus ; mais ce qui donne un intérêt tout différent et bien français au belliqueux champion, c’est que ce n’est pas, comme en Angleterre, un inconnu mystérieux qui attaque sous le masque ; ici, Ajax combat la visière levée et en face du ciel ; il se dessine et se découvre à chaque instant ; il brave les coups, et cette élégance virile que sa plume ne rencontre pas toujours, il l’a toutes les fois que sa propre personne est en scène, et elle l’est souvent.
Quel plus vif et plus engageant début que celui de la pièce, quand le comte et Figaro se retrouvent et se rencontrent sous le balcon ! […] La parole de Beaumarchais qui court là-dessus est vive, légère, brillante, capricieuse et rieuse. […] monsieur, les hommes n’ayant guère à choisir qu’entre la sottise et la folie, où je ne vois point de profit je veux au moins du plaisir ; et vive la joie ! […] Rien de charmant, de vif, d’entraînant comme les deux premiers actes : la comtesse, Suzanne, le page, cet adorable Chérubin qui exprime toute la fraîcheur et le premier ébattement des sens, n’ont rien perdu. […] On y verra la différence d’un premier crayon naturel et vif à une peinture passionnée et pleine de flamme.
On rend avec netteté ce que l’on conçoit bien ; de même on énonce avec chaleur ce que l’on sent avec enthousiasme, et les mots viennent aussi aisément pour exprimer une émotion vive qu’une idée claire. […] Pleurez, si vous voulez me tirer des pleurs , dit Horace dans cet admirable Art poétique, qu’on doit appeler le code du bon goût ; on peut ajouter à ce précepte, tremblez et frémissez, si vous voulez me faire trembler et frémir : il faut avouer cependant, que si l’agitation qui anime l’orateur au moment de la production doit toujours être très vive, il n’est pas nécessaire qu’elle soit semblable par sa nature à celle qu’il se propose d’exciter. […] L’éloquence ne consiste proprement que dans des traits vifs et rapides. ; son effet est d’émouvoir vivement, et toute émotion s’affaiblit par la durée. […] Ce qu’il a de vif et de moëlle, dit Montaigne, est étouffé par ses longueries. […] Il ne suffit point au style de l’orateur d’être clair, correct, noble, harmonieux, vif et serré ; il faut encore qu’il soit facile, c’est-à-dire que le travail ne s’y fasse point sentir.
Raynouard offrent, avec une incontestable vérité, l’intérêt le plus vif et le plus nouveau. […] Elle offre la plus vive image de l’esprit du temps. […] Quelquefois la réprimande est si vive, qu’il faut la rappeler comme un trait distinctif de la liberté du temps. […] Songez, en effet, combien les hommes avaient l’imagination vive et facile à ébranler, dans ces temps du moyen âge. […] L’imagination n’est qu’un souvenir plus vif ; parfois elle imite seulement une copie.
L’égoïsme est ce qui ressemble le moins aux ressources qu’on trouve en soi, telles que je les conçois ; l’égoïsme est un caractère qu’on ne peut ni conseiller, ni détruire ; c’est une affection dont l’objet n’étant jamais ni absent, ni infidèle, peut, sous ce rapport, valoir quelques jouissances, mais cause de vives inquiétudes, absorbe, comme la passion pour un autre, sans faire éprouver l’espèce de jouissance toujours attachée au dévouement de soi : d’ailleurs, la personnalité, soit qu’on la considère comme un bien ou comme un mal, est une disposition de l’âme absolument indépendante de sa volonté. […] Les consolations de l’amitié agissent à la surface, mais la personne qui vous aime le plus, n’a pas, sur ce qui vous intéresse, la millième partie des pensées qui vous agitent ; de ces pensées qui n’ont point assez de réalité pour être exprimées, et dont l’action est assez vive cependant pour vous dévorer, excepté dans l’amour, où en parlant de vous, celui qui vous aime s’occupe de lui ; je ne sais comment on peut se résoudre à entretenir un autre de sa peine autant qu’on y pense ; et quel bien, d’ailleurs, en pourrait-on retirer ?
Si les autres images sont, non seulement moins vives et moins distinctes, mais toutes également pâles et confuses, alors, par contraste, le signe paraît plus vif et plus distinct encore ; il se détache sur le groupe informe et en apparence homogène de ses concomitants ; il est vraiment indépendant. […] Actuellement, le mot intérieur ou extérieur est, sauf de rares exceptions, un signe parfait ; car, comparé aux pensées qu’il exprime, il n’est pas seulement un état, plus vif que ses concomitants, mais un état doué d’une certaine indépendance, et dont l’impartialité confirme et garantit l’indépendance. […] N’est-il pas naturel que la continuité de notre existence soit faite à nos yeux bien plutôt par le retour périodique des états les plus vifs que par celui des états les plus faibles ? […] Tant que le signe n’est pas impartial, cette division n’est pas rigoureuse, car il existe des intermédiaires entre l’état le plus vif et les états les moins intenses ; mais la transition du signe analogique au signe arbitraire par les signes métaphoriques se fait à son tour, et elle complète la séparation commencée dès les origines de la pensée. […] Enfin, chez les vieillards, la fatigue de la vie est comme un poids trop lourd que l’attention ne peut plus soulever ; la parole reste vive, mais la signification en est émoussée ; incapables d’innovation et d’examen, ils redisent, comme des échos, leurs pensées d’autrefois ; chez eux, l’affaiblissement de la pensée atteint même ses actes les moins relevés : ils n’observent plus le présent ; il leur en coûte moins de se souvenir du passé.
Il était fidèle en cela à l’un des goûts les plus vifs et à l’une des préoccupations constantes de sa vie. […] Le plaidoyer est vif. […] C’est tendre, leste et vif. […] Je crois sans peine que ce fut là son plus vif regret en mourant. […] Le succès a été vif, il méritait de l’être.
Nos vieux trouvères ne sont pas pressés : ils chantent et récitent cela dans les fermes, ou les jours de foire, devant tout un monde rustique dont c’est la vie et qui est flatté de retrouver dans des rimes grossières, mais parfois vives et piquantes, les scènes et accidents de chaque jour. […] Maintenant j’ai à marquer qu’à côté de ces parties du Roman de Renart toutes vives, naturelles et gracieuses, il en est d’un tout autre caractère. […] Sous le titre de Renart le Novel (le Nouveau Renard), un poète des dernières années du xiiie siècle, Jacquemard Gieslée, de Lille en Flandre, a fait un ouvrage de morale et d’allégorie dans lequel il a réuni toutes ces inventions de la fin, qui s’écartent de ce qu’il y avait d’abord de vif et d’enjoué dans les simples branches en apologues. […] Qu’on ne nous parle plus des Romances du Cid pour en faire honte à nos vieux trouvères : ici, il y a des accents tout pareils, que le vieux chantre patriotique a pris sur le vif et tirés de ces rudes courages.
Remarquez ce joli mot désœuvrées de la part d’une amante blessée au cœur, et qui, même en se ressouvenant après des années, devrait sentir se rouvrir sa plaie vive. […] Aussi n’y a-t-il rien de plus amusant, de plus aimable, de plus agréablement vif et étourdi que leur tendresse… À peindre l’Amour comme les cœurs constants le traitent, on en ferait un homme. […] Sa réputation, qui ne s’est jamais entièrement éclipsée au théâtre, a eu de vifs retours et des réveils qui ont dû consoler son ombre. […] » C’est qu’il y a un fonds chez Marivaux ; il a sa forme à lui, singulière en effet, et dont il abuse ; mais comme cette forme porte sur un coin réel et vrai de la nature humaine, c’est assez pour qu’il vive et pour qu’il reste de lui mieux qu’un nom.
C’est de vive voix et dans le plus particulier détail qu’il faudrait faire sentir ces choses ; mais indiquons du moins en quelques mots le sens de la critique, telle qu’on peut l’appliquer à ces pièces légères : Oh ! […] Il a donné quelque part sa théorie pour ce genre poétique grotesque, dont les plus gaies productions contribuent, selon lui, à l’entretien de la santé et devraient être les plus recherchées et les plus chéries de tout le monde : Ce n’est pas, dit-il, que je veuille mettre en ce rang les bouffonneries plates et ridicules, qui ne sont assaisonnées d’aucune gentillesse ni d’aucune pointe d’esprit, et que je sois de l’avis de ceux qui croient, comme les Italiens ont fait autrefois à cause de leur Berni, dont ils adoraient les élégantes fadaises, que la simple naïveté soit le seul partage des pièces comiques : je veux bien qu'elle y soit, mais il faut qu’elle soit entremêlée de quelque chose de vif, de noble et de fort qui la relève : il faut savoir mettre le sel, le poivre et l’ail à propos en cette sauce ; autrement, au lieu de chatouiller le goût et de faire épanouir la rate de bonne grâce aux honnêtes gens, on ne touchera ni on ne fera rire que les crocheteurs. […] Pour moi, qui me réserve de faire un choix sévère dans cette masse de poésies, ma simple conclusion sera : relisons ces livres du passé, connaissons-les bien pour éviter les jugements tout faits et nous former le nôtre, pour nous faire une juste idée avant tout des mœurs et des modes d’esprit aux diverses époques ; soyons comme les naturalistes, faisons des collections ; ayons-les aussi variées et aussi complètes qu’il se peut, mais ne renonçons point pour cela au jugement définitif ni au goût, cette délicatesse vive : c’est assez que nous l’empêchions d’être trop impatiente et trop vite dégoûtée, ne l’abolissons pas. La vraie critique, telle que je me la définis, consiste plus que jamais à étudier chaque être, c’est-à-dire chaque auteur, chaque talent, selon les conditions de sa nature, à en faire une vive et fidèle description, à charge toutefois de le classer ensuite et de le mettre à sa place dans l’ordre de l’art.
Voltaire, dès le premier jour, para au danger pour lui et pour les autres ; il rompit avec le concerté ; il donna l’exemple d’une source rapide et vive de naturel, circulant à travers le siècle. […] Je ne sais si Mme de Créqui n’en fut pas attaquée un moment ; on le dirait du moins, à voir son vif intérêt pour la personne de Rousseau et pour ses écrits. […] C’était une personne toute de mouvement ; je n’ai jamais rien vu de si vif ; quand la dispute s’échauffait entre elle et mes parents, je ne pouvais m’empêcher de trembler pour eux : les cris, les interruptions, les démentis, les sorties furibondes en brisant les portes, tout faisait croire qu’ils ne se reverraient de leur vie. […] Les imaginations vives se flattaient de voir réaliser les plus belles chimères, ou se dépouillaient avec satisfaction de ce qu’on croyait abusif, pensant naïvement s’élever ainsi à une hauteur morale que les masses auraient la générosité de comprendre et de respecter.
Joseph de Maistre, qui distinguait toujours entre la cour et le cabinet autrichien, avait eu des paroles fort vives ; car il ne pouvait s’empêcher de les avoir fort vives, fort ardentes, sur tous les sujets qui lui traversaient la pensée. […] Sa correspondance est le contraire d’une correspondance effacée ; ce sont des saillies perpétuelles, des éclats de bon sens ou du moins qui tiennent le bon sens sur le qui vive. […] Homme d’esprit et de plume, il sent très bien les jets vifs, hardis, étincelants, les tons vibrants et insolents de celui auquel il a la prétention de se rattacher et qu’il imite ou parodie seulement par ses excès.
Si l’on peut trouver qu’il insiste un peu trop sur quelques élèves, dont les noms sont restés parfaitement inconnus, par exemple sur Gautherot « à la dartre vive », il résulte de cette suite de croquis d’après nature une impression totale pleine de vie et de mouvement. […] Il n’oubliera ni une dartre vive à une joue, ni dans une chambre une encoignure (ce dernier mot lui est particulièrement familier et cher). […] L’étonnement des élèves parut grand ; mais il ne fut exprimé que sur la physionomie de chacun… Maurice était sujet à des colères très vives, mais qui duraient peu ; il avait d’ailleurs du tact, et, en cette occasion, il sentit la nécessité de justifier par quelques paroles la hardiesse de la sortie qu’il venait de faire, « Belle invention vraiment, dit-il en continuant de peindre, que de prendre Jésus-Christ pour sujet de plaisanterie ! […] » dit-il d’une voix ferme ; et à peine ces mots eurent-ils été prononcés, que tous les élèves crièrent à plusieurs reprises : « Vive Maurice !
Il ne faut pas que le secrétaire se presse et empiète sur son chef, qu’il devance d’une minute son moment, qu’il commence par en faire à sa tête et par se poser en personnage, sur un pied à lui, comme Chateaubriand prétendit faire à Rome avec le cardinal Fesch ; il ne faut pas qu’il laisse soupçonner ni percer, comme on l’a vu récemment chez un secrétaire revêtu d’un nom illustre (Bellune), une inclination politique différente de celle de son ministre : cela est élémentaire ; il faut qu’il vive en parfaite harmonie et ne fasse qu’un avec lui, qu’il s’efface soigneusement et qu’il s’éclipse, et en même temps toutefois qu’il se tienne tout prêt, le cas échéant, à le remplacer, à le suppléer, à faire même, s’il y a urgence, un pas décisif sans lui ; il peut, sous ce titre secondaire, être chargé par intérim de missions délicates et d’une haute importance. […] Il embrassa toute la littérature allemande, passée et présente ; il y marcha à pas de géant, peignant tout à grands traits, d’une manière rapide, mais avec une touche si vigoureuse et des couleurs si vives, que je ne pouvais assez m’étonner ; il parla de ses ouvrages peu et avec modestie, beaucoup des chefs-d’œuvre en tout genre de la France, des grands hommes qui l’avaient honorée, du bonheur de sa langue, des beaux génies qui l’avaient maniée, des littérateurs présents, de leur caractère et de celui de leurs productions ; enfin, j’étais un Français qui était allé pour rendre hommage au plus beau génie de l’Allemagne, et je m’aperçus bientôt que M. […] Armand Lefebvre avait cette forme d’esprit exigeante ; il était un peu comme Tocqueville, et, sans avoir comme lui le style qui grave, il avait la pensée qui pénètre et qui creuse ; il pesait longtemps avant de conclure, il concentrait plus qu’il ne déployait ; et, dans la conversation même, si mes souvenirs sont bien fidèles, son œil pétillant et vif, son sourire fin, laissaient deviner plus encore que sa parole n’en disait ; son geste fréquent, moins décisif que consultatif, et qui semblait s’adresser à sa propre pensée, exprimait cette habitude de réflexion et comme de dialogue intérieur. […] Ce qu’il faut ajouter aussitôt et ce que m’attestent des confidents de ses plus secrètes pensées, c’est que les déceptions, si vives qu’elles aient dû être, n’ont jamais fait entrer l’amertume dans cette nature aussi élevée que modeste, dans cette âme où la distinction s’unissait à la bonté.
À aucun prix, l’excentrique, l’imprévu, le vif élan spontané ne sont de mise. — Entre vingt exemples qui se pressent, je choisis le moindre, puisqu’il s’agit d’un simple geste : de là on peut conclure aux autres choses. […] Il faut donc être toujours aimable, et, à ce manège, la sensibilité qui se disperse en mille petits canaux ne peut plus faire un grand courant. « On avait cent amis, et sur cent amis, il y en a chaque jour deux ou trois qui ont un chagrin vif : mais on ne pouvait longtemps s’attendrir sur leur compte, car alors on eût manqué d’égards envers les quatre-vingt-dix-sept autres300 » ; on soupirait un instant avec quelques-uns des quatre-vingt-dix-sept, et puis c’était tout. […] On a des amies de cœur pour qui « on éprouve quelque chose de si vif et de si tendre que véritablement c’est de la passion », et qu’on ne peut se passer de voir trois fois par jour. « Toutes les fois que des amies se disent des choses sensibles, elles doivent subitement prendre une petite voix claire et traînante, se regarder tendrement en penchant la tête, et s’embrasser souvent », sauf à bâiller tout bas au bout d’un quart d’heure et à s’endormir de concert parce qu’elles n’ont plus rien à se dire. […] L’étiquette tombe par lambeaux, comme un fard qui s’écaille, et laisse reparaître la vive couleur des émotions naturelles.
Dargaud, c’est que j’avouerai ne point appartenir à cette école trop vive qui attendrit et amollit à ce degré l’histoire. […] Ceux-ci ont consigné leurs regrets dans maintes pièces de vers qui nous peignent au vif Marie Stuart à cette heure décisive, la première heure vraiment douloureuse de sa vie. […] Avec cela un esprit léger, gracieux, enjoué, la raillerie française, une âme vive et capable de passion, ouverte au désir, un cœur qui ne savait pas reculer quand l’animait la fantaisie ou la flamme, on entrevoit l’enchantement : telle était la reine aventureuse et poétique qui s’arrachait à la France en pleurant, et que des oncles politiques envoyaient pour ressaisir l’autorité au milieu de la plus rude et de la plus sauvage des Frondes. […] Plus aimable qu’habile, très ardente et nullement circonspecte, elle y revenait avec une grâce déplacée, une beauté dangereuse, une intelligence vive mais mobile, une âme généreuse mais emportée, le goût des arts, l’amour des aventures, toutes les passions d’une femme, jointes à l’extrême liberté d’une veuve.
Encore une fois, je reconnais que ce droit de promenade buissonnière, qui est celui de toute littérature un peu vive et libre, et pas trop prosaïque, est suspendu dans les jours d’orage, de tempête civile, dans ces affreux moments où la lutte est engagée comme nous l’avons trop vu ; mais, le lendemain, le soleil se lève, le nuage s’entrouvre ; les cœurs restent encore émus et attristés, pourtant le droit que j’appelle le droit littéraire recommence. […] Mais l’essentiel est que ce droit un peu vague, bien que si réel, ne soit jamais supprimé, et que jamais les doctrines régnantes, au nom même du salut commun, ne puissent dire au poète, au littérateur, à l’érudit curieux, comme dans la banlieue d’une place de guerre le génie militaire dit à l’honnête homme, qui a sa métairie avec son petit bois et sa source d’eau vive : « Monsieur, nous avons besoin de ce petit coin qui vous sourit : il entre dans nos lignes, il nous le faut ; voilà le prix, soyez content, mais vous n’y rentrerez pas. » Ceux qui vivent des lettres, de l’amour des livres et des études, de ces passions après tout innocentes et désintéressées, peuvent céder un moment ce coin de leur être et le prêter à la chose et à la pensée publique, ils le doivent dans les cas urgents ; mais, ce cas cessant, ils rentrent de plein droit dans leur domaine. […] Et sans aller si loin, lundi dernier, l’avez-vous entendu nous parler de cette vive, bizarre, et indéfinissable créature, de Mlle Déjazet en personne ? Janin l’a définie dans le style le plus frais, le plus vif, le plus frétillant, le plus semblable à la chose.
Au clairon de la veille, à ce pressant qui vive, Maint beau rêve lointain, et sans cela dormant, S’arme, accourt, mais trop tard, et voit l’endroit fumant, Et se met avec l’aube à chanter sur la rive. […] Le procédé propre à l’art du style est d’emprunter à tous les arts, soit pour les couleurs, soit pour la forme, soit pour les sons, mais sans se borner à aucun de ces moyens, et surtout en les dominant et les dirigeant tous par la pensée et le sentiment, dont l’expression la plus vive est souvent immédiate et sans image. […] Gautier, l’eau ne court que sous une surface glacée et miroitante au soleil ; il a trop oublié que lui-même, quelque part, a dit heureusement : Que votre poésie, aux vers calmes et frais, Soit pour les cœurs souffrants comme ces cours d’eau vive Où vont boire les cerfs dans l’ombre des forêts.
Et l’un des plus vifs plaisirs de son roman, c’est que, la première fois, nous lisons un ouvrage mondain, sans découpage des manuels de psychologie classique. […] Hervieu ne présentait guère, avec les fonds de tableaux indispensables, que la liaison d’un clubman et d’une jolie femme, qu’un vif tableau de mœurs surmenées, adultère, avortement, ruine et revolver. […] On nous conte ses petits malheurs, et une tristesse en sort d’autant plus vive que Poil de Carotte est plus philosophe, d’une résignation précoce qui désole : « Tout le monde ne peut pas être orphelin. » Le mal n’est pas d’avoir les oreilles tirées ; c’est, tout jeune, de n’apprendre pas l’art d’espérer qui est tout l’art de vivre.
Un témoin m’écrit que ce fut pour Nîmes, et vous savez que les luttes religieuses y sont vives, un jour, non pas d’union, mais de communion sous les espèces de l’espérance et de la souffrance5. […] Vive la France ! Vive la France !
Vive le roi ! ou vive la république !
En annonçant avec un vif plaisir7 cette publication érudite et pleine de goût que M. […] Pour cela, la comparaison de nos épopées avec le cycle germanique, avec le cycle scandinave, devenait indispensable ; notre cycle de la Table Ronde en particulier en pouvait recevoir une vive lumière.
On continuera à louer en lui ces images vives et brillantes que sa muse a répandues ; toutefois on ne le considérera plus comme notre seul et premier peintre poétique ; on n’oubliera pas que La Fontaine, Racine, Fénelon, et même Boileau, avaient ouvert, bien avant lui, la pure et vraie source des comparaisons et des images, sans jamais tomber dans la prodigalité ; on n’oubliera pas non plus que Chénier vécut dans un siècle descriptif et que ce don de peindre ou même de colorier les objets, qu’il a perfectionné sans doute, a pourtant été celui de plusieurs de ses contemporains. […] Madame de Beaumont avait connu André Chénier chez « la belle Madame Hocquart » et avait su apprécier sa vive et puissante organisation poétique.
Aujourd’hui un tout autre sentiment dirige les recherches dans le même sens, c’est l’intérêt de plus en plus vif qui s’attache à tout ce qui a pu servir son génie, c’est le désir de montrer comment l’imagination ne crée point de rien, comme quelques-uns se le figurent, mais transforme et vivifie ce qu’elle touche, et d’une chose morte fait une chose impérissable. […] Dès le principe, dès les premiers essais, le dialogue prit sur notre scène un développement préjudiciable à l’action ; celle-ci est vive sans doute dans la Farce primitive, mais combien le dialogue domine dans les Mystères et les Moralités !
Molière vint : le talent du poète comique suppose une vive sympathie avec le sentiment général des ridicules, sans exclure, sans doute, l’appréciation du fond des choses, mais aussi sans y disposer. Peut-être Molière, entraîné par cette sympathie si vive en lui, ne s’appliqua-t-il pas assez à discerner, dans les mœurs dont le public était disposé à rire, le vrai du faux, l’exagération d’avec le naturel noble et choisi, et les affectations hypocrites d’avec un juste éloignement pour l’impudence du vice.
Ils le remplacèrent pour son animosité contre les pastorales ; & la dispute ne fut que plus vive. […] Au milieu de toutes ces vives contestations, Guarini restoit tranquille.
Le sage dit, selon les gens, Vive le roi ! vive la ligue !
Il craint que les peintures et les imitations qui sont l’essence de la poësie, ne fassent trop d’effet sur l’imagination de son peuple favori, qu’il se répresentoit avec la conception aussi vive et d’un naturel aussi sensible que les grecs ses compatriotes. […] D’ailleurs notre naturel n’est pas aussi vif ni aussi sensible que l’étoit celui des atheniens.
Sérieux, et, si l’on veut, un peu tristes, inquiets et sur nous et sur d’autres que nous aussi, citoyens avant tout, nous voulons que, même dans nos chants de plaisir, une part soit faite à ces nobles soucis ; nous voulons qu’en nous parlant d’amour, on nous parle de tout ce que nous aimons ; telles nos affections se tiennent et se confondent en nous, telles nous en demandons au poète la pleine et vive image. […] Mais ce qui étonne, surtout pour le temps, et ce qu’on aime, ce sont ces formes aimables et dégagées, vives comme la passion, abandonnées comme elle.
: Les Syrtes, Les Cantilènes, Les Complaintes, Les Lendemains, L’Imitation de Notre-Dame la Lune, Sur le vif, etc., presque tous édités par l’infatigable Léon Vanier. […] Jean Ajalbert Poète, « impressionniste » a publié Sur le vif, Paysages de femmes, et tout récemment dans La Revue indépendante, une idylle Sur les talus.
C’en était fait des plus vifs plaisirs du théâtre pour les hommes qui aimaient, d’une foi sincère, le beau langage, les nobles traditions, les vivants souvenirs. […] Le critique lui-même, un critique, un sans-cœur par métier, une bête féroce, remué par cette douleur si naturelle, si vive, si bien rendue, était sur le point de pleurer, lui aussi ! […] — Elle avait donné à la critique un peu de sa vie et de son accent, un peu de son vif regard et de sa parole au beau timbre. […] Que d’esprit elle avait, — et, mêlée à cet esprit, quelle intelligence sûre et prompte, nette et vive ! […] Maintenant, disent les messieurs et les dames, qu’elle vive ou qu’elle meure, ou bien que cette âme en peine remplisse son silence et sa solitude de ses regrets et de ses douleurs, que nous importe ?
Ce fut à ce siége, selon la vraisemblance, ou dans les rencontres qui suivirent, qu’elle s’éprit d’une passion vive pour l’homme de guerre à qui s’adressent évidemment ses poésies, et dont elle regrette plus d’une fois l’absence ou l’infidélité par delà les monts. […] … » Il règne dans tout ce passage une éloquence vive et comme une expression d’après nature ; le mouvement de comparaison soudaine avec Orphée : « Combien en vois-je… » est d’une véritable beauté. — Mercure a donc mis dans tout son jour la vieille ligue qui existe entre Folie et Amour, bien que celui-ci n’en ait rien su jusqu’ici. […] Clotilde bien souvent n’est qu’une Louise aussi vive amante, mais de plus épouse légitime et mère. […] Ce dernier vers pourra sembler un peu serré, un peu dur, mais le sentiment général, mais l’expression vive du morceau, ces yeux qui tarissent, montrer signe d’amante, ce sont là des beautés qui percent sous les rides et qui ne vieillissent pas. […] C’est qu’aussi Louise Labé, telle qu’on la rêve de loin et telle que nous l’avons devinée d’après ses aveux, demeure, par plus d’un aspect, le type poétique et brillant de la race des femmes lyonnaises, éprises qu’elles sont de certaines fêtes naturelles de la vie, se visitant volontiers entre elles avec des bouquets à la main, et goûtant d’instinct les vives élégances, les fleurs et les parfums.
On avait insisté auprès de Charles Nodier, qui avait fort connu Désaugiers, pour qu’il retraçât cette physionomie si vivante et rassemblât à ce sujet ses souvenirs : les souvenirs, même en se composant et se confondant un peu selon la fantaisie de Nodier, en s’entremêlant de quelques folles couleurs, n’eussent été ici qu’un charme de plus et une manière non moins vive de ressemblance. […] Rien donc ne manqua, ni au collége, ni au logis, pour mettre en jeu des facultés naturelles si vives dès le premier jour. […] Désaugiers, en ce genre, a la veine plus grasse qu’aucun de ses devanciers et de ses contemporains ; mais on ose mieux louer en lui les vifs et légers accès de son humeur jaillissante, au nombre desquels je rappellerai encore la Manière de vivre cent ans (1810). […] Le moraliste peu chagrin fait défiler en de vifs couplets toute une suite de petites scènes, de façades ou de facettes, nettes, brillantes, mouvantes, de la vie humaine ; c’est bien l’espèce de chanson dont Picard nous rend la comédie. […] Désaugiers (ce qu’on croirait difficilement à ne le juger que du dehors) était un homme d’intérieur ; mari et père tendre, voué aux affections domestiques, il n’a laissé au sein de la famille la plus unie que des souvenirs pieux et inaltérés, aussi vifs après tant d’années que le premier jour.
Dès qu’à la tribune sacrée, De ses vieux défauts épurée, Il monte étincelant de génie et d’ardeur ; Des grands talents soudain la palme ceint sa tête, Et l’art dont il fait sa conquête Luit d’une plus vive splendeur. […] Le saint évêque parla sur ce sujet d’une manière si vive et si touchante, qu’il changea la haine et l’aversion qu’on avait pour Eutrope en compassion, et fit fondre en larmes tout son auditoire. […] » Vous fûtes témoins, hier, quand on vint du palais pour le tirer d’ici par force, comment il courut aux vases sacrés, tremblant de tout le corps, le visage pâle et défait, faisant à peine entendre une faible voix entrecoupée de sanglots, et plus mort que vif. […] L’antiquité païenne peut-elle nous fournir un dis cours plus beau, plus vif, plus tendre, plus éloquent que celui-ci, mais de cette éloquence simple et naturelle, qui passe infiniment tout ce que l’art le plus étudié pourrait avoir de plus brillant ? […] « Je ne peux me plaindre de la bonté avec laquelle vous parlez d’un Brutus et d’un Orphelin ; j’avouerai même qu’il y a quelques beautés dans ces deux ouvrages ; mais encore une fois, vive Jean (Racine) !
L’œil bien encadré, plus fin que grand, d’un brun clair, brille de l’affection ou de la pensée du moment, et n’est pas de ceux qui sauraient la feindre ni la voiler ; le regard est vif et perçant ; il va par moments au-devant de vous, mais plutôt pour vous pénétrer de sa propre pensée que pour sonder la vôtre. […] À ce moment, des amitiés vives et sincères se nouèrent tout naturellement entre elle et les hommes éminents ou distingués qui exerçaient ou disputaient le pouvoir avec tant d’esprit et d’éloquence. […] Elle en avait éprouvé une vive et douce surprise, une joie sensible, visible, et qu’elle ne pouvait contenir.
Le dernier volume qui comprend bien des périodes, bien des successions d’écoles et des révolutions de goût, depuis la fin du xviie siècle jusques et y compris le commencement du xixe , offre un intérêt très vif : la manière seule dont les questions sont posées pique mon attention et m’arrête à chaque pas. […] que de oui et de non pressés, instructifs, et qui font qu’on avance comme dans une conversation vive, tout en contestant et en finissant par céder ! […] Nisard, dans cette sorte de duel avec Rousseau, se montre et s’accuse en traits vifs, aigus, sentencieux, pleins de vigueur et d’éclat ; il a quantité de mots heureux.
Or, le monde qu’on n’entrevoit à cet âge que dans une confusion éblouissante, la vie qui ne s’offre aux yeux encore que comme une tour magique dont les vives arêtes étincellent, les hommes qu’on se figure alors tout bons ou tout méchants, détestables ou sublimes, comment rentrer chez soi pour les peindre, comment cheminer au dehors pour les connaître, et s’en laisser coudoyer sans les heurter ? […] Les développements considérables que reçut Bug-Jargal sous sa dernière forme ont amené quelques défauts de proportion qui jurent avec l’encadrement primitif du récit, lequel, on ne doit pas l’oublier, se débite de vive voix, en cercle, à un bivouac. […] Mais ce qu’il y a de plus caractéristique dans les additions, et ce qui signale une notable intention chez l’auteur, c’est qu’à côté de Marie, c’est-à-dire de la grâce, de la beauté virginale et du bonheur vertueux de l’existence, presque parallèlement se révèle et grossit l’aspect haineux, contrefait, méchant, de la nature humaine, le mal personnifié dans le nain Habibrah, frère africain de Han d’Islande, de même que Marie est la sœur d’Éthel, de Pépita l’Espagnole et de la vive Esméralda.
Mais un spectateur ordinaire, dans l’instant le plus vif de son plaisir, au moment où il applaudit avec transport Talma-Manlius disant à son ami : « Connais-tu cet écrit ? […] Le Romantique était poli ; il ne voulait pas pousser l’aimable académicien, beaucoup plus âgé que lui ; autrement il aurait ajouté : Pour pouvoir encore lire dans son propre cœur, pour que le voile de l’habitude puisse se déchirer, pour pouvoir se mettre en expérience pour les moments d’illusion parfaite dont nous parlons, il faut encore avoir l’âme susceptible d’impressions vives, il faut n’avoir pas quarante ans. […] Leur âme étant susceptible d’impressions vives, le plaisir peut leur faire oublier la vanité ; or, c’est ce qu’il est impossible de demander à un homme de plus de quarante ans.
Certains, donnés inédits, manquaient tout de même un peu trop d’originalité comme ces Marguerites du temps passé, de Mme James Darmesteter, dont les pages les plus savoureuses avaient un parfum un peu vif de Brantôme : les musiciens, n’est-ce pas, madame, ne sont point seuls exposés aux fâcheuses réminiscences… D’autres écrivaines, Mesdames Bertheroy, Judith Gautier, Stanislas Meunier, Augustine Filon, Andrée Theuriet, et Jane Dieulafoy accaparèrent la Collection que, jusque hier, le seul M. […] Détestable écrivain, penseur nul, savant de détails mais fermé à l’intuition exacte, vive, nue et crue d’une civilisation, il s’attachait à l’exactitude morte, et il n’avait jamais songé que des hommes avaient pensé d’autre sorte que lui dans les cuirasses et parmi les tapisseries qu’il exhumait. […] Radiot a symbolisé dans un roman de vif attrait une intuition profonde et instruite de tout un monde.
D’un autre côté, madame de Maintenon ne promettait pas au roi le genre de plaisirs dont il avait le goût si vif et l’habitude si forte. […] Les causes déterminantes, comme nous le verrons dans les événements de cette année, 1680 et des précédentes, qui été l’inconstance du roi, la lassitude des continuelles avanies qu’elle lui attirait, et surtout la douceur, la raison pleine de charmes, le vif intérêt qu’il trouvait dans la conversation de madame de Maintenon, son inclination pour elle, le désir de se fixer à la possession du noble cœur qu’il lui avait reconnu. […] « Ce jeudi soir 1676, Madame de Montespan et moi avons eu une conversation fort vive.
* * * — Prière d’un vieillard de ma connaissance : « Faites, mon Dieu, que mes urines soient moins chargées, faites que les moumouches ne me piquent pas, faites, que je vive pour gagner encore cent mille francs, faites que l’Empereur reste pour que mes rentes augmentent, faites que la hausse se soutienne sur les charbons d’Anzin. » Et sa gouvernante avait ordre de lui lire cela, tous les soirs, et il le répétait, les mains jointes. […] … Et marchant devant moi, je revois derrière la rue sale de Paris où je vais et que je ne vois plus, quelque ruelle écaillée de chaux vive, avec son escalier rompu et déchaussé, avec le serpent noir d’un tronc de figuier rampant tordu au-dessus d’une terrasse… Et assis dans un café ; je revois la cave blanchie, les arceaux, la table où tournent lentement les poissons rouges dans la lueur du bocal, les deux grandes veilleuses endormies avec leurs sursauts de lumières qui sillonnent dans les fonds, une seconde, d’impassibles immobilités d’Arabes. […] * * * — Aujourd’hui, Gavarni nous fait le portrait, de vive voix, de Chicard.
Si les questions qui tiennent à l’existence de la société sont des questions religieuses avant d’être des questions politiques ; si ces principes s’épuisent en passant d’une sphère dans l’autre, c’est que l’homme, qui prend un intérêt très vif à ce qu’il y a d’immuable dans ses destinées, en prend beaucoup moins à ce qu’elles ont de passager. […] Enfin il y a cette dernière génération, si nombreuse, si brillante, si cultivée par de fortes études, cette génération qui donne à la France actuelle de si justes espérances par un grand développement de facultés, en qui l’éducation religieuse a jeté de si heureux germes par l’effet de la force des mœurs contre les tendances exagérées de l’opinion : cette génération doit être l’objet de nos vives sollicitudes ; car, il faut le dire, en entrant dans le monde elle trouvera d’autres enseignements, elle sera soumise à d’autres directions, elle sentira la société assise sur d’autres bases que celles de l’éducation. […] Ici se présente une considération que je voudrais en quelque sorte cacher à mes lecteurs, à cause des réclamations trop vives qu’elle peut exciter chez la plupart d’entre eux ; mais, sans la développer, je l’énoncerai du moins, quand ce ne serait que pour acquitter un devoir de conscience, et afin que les sages en fassent leur profit.