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28. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

Ne m’aimez pas ; l’âme demande l’âme ; L’insecte ardent brille aussi près des fleurs : Il éblouit, mais il n’a point de flamme ; La rose a froid sous ses froides lueurs. […] — « Nous, m’ont dit les Voyages ; Laisse-nous t’emporter vers de lointaines fleurs. » — Mais, tout éprise encor de mes premiers ombrages, Les ombrages nouveaux n’ont caché que mes pleurs. […] Vous ne rejetez pas la fleur qui n’est plus belle ; Ce crime de la terre au ciel est pardonné. […] et presque heureuse, Colombe aux plumes d’or, femme aux tendres douleurs ; Elle meurt tout à coup d’elle-même peureuse, Et, douce, elle s’enferme au linceul de ses fleurs. […] Pour nous, nous n’avons voulu ici que détacher quelques-unes de ces fleurs encore humides de larmes, qui se nuisent quand elles sont un peu trop pressées, et les offrir au lecteur, nouées à peine d’un simple fil.

29. (1896) Le livre des masques

On n’insinue pas davantage que cette floraison est spontanée ; avant la fleur, il y a la graine, elle-même tombée d’une fleur ; ces jeunes gens ont des pères et des maîtres : Baudelaire, Villiers de l’Isle-Adam, Verlaine, Mallarmé, et d’autres. […] En œuvrant ainsi, on échappe au bizarre et à l’obscur ; le lecteur n’est pas brusquement jeté dans une forêt dédalienne ; il retrouve son chemin, et sa joie de cueillir des fleurs nouvelles se double de la joie de cueillir des fleurs familières. […] Il regarde, il écoute, il flaire, il chasse l’oiseau, le vent, la fleur, l’image. […] —    le parfum des fleurs Le ver à soie des cheminées —    ? […] Dire, par exemple, joue en fruit, parce que l’on dit une joue en fleur, pour vermeille.

30. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

La meilleure preuve que l’on puisse donner de l’importance des lois de corrélation pour modifier les parties les plus essentielles de l’organisme, indépendamment de leur utilité et par conséquent de la sélection naturelle, c’est la différence si marquée qu’on observe entre les fleurs extérieures et les fleurs centrales de quelques Composées et Ombellifères. Chacun sait la différence qui existe chez la Pâquerette, par exemple, entre les fleurons de la circonférence et les fleurs du centre. […] À l’égard des différences qu’on observe dans les capitules ou les ombelles entre la corolle des fleurs centrales et celle des fleurs extérieures, C.  […] Cependant parmi les Ombellifères ces différences sont d’une importance si évidente, qu’Auguste-Pyrame de Candolle s’en est servi pour établir les principales subdivisions de l’ordre ; les graines étant quelquefois, selon Tausch, orthospermes dans les fleurs extérieures, et cœlospermes dans les fleurs centrales. […] Si quelques espèces d’un grand genre de plantes ont des fleurs bleues et que d’autres aient des fleurs rouges, la couleur des fleurs sera seulement un caractère spécifique, et nul ne serait surpris de voir l’une des espèces à fleurs bleues varier de manière à produire des fleurs rouges ou réciproquement.

31. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

— Je ne sais ; — mais bientôt, Comme une tendre fleur que le vent déracine. […] la fleur de l’Éden, pourquoi l’as-tu fanée, Insouciante enfant, belle Ève aux blonds cheveux ? […] J’aime, lui dit la fleur, et je meurs embrasée Des baisers du zéphyr, qui me relèvera. […] La joie a pour symbole une plante brisée, Humide encor de pluie et couverte de fleurs. […] Dans l’une de ces circonstances, je me rappelais trois longs mois d’hiver passés à Paris dans la première fleur de mes années.

32. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

On ouvre et l’on voit aussitôt : « l’abeille diligente butiner sur les fleurs — voltiger de fleur en fleur — errer dans la plaine fleurie — ravir le miel que renferme la fleur — dormir sur le sein d’une rose — charger son vol léger du suc des fleurs — piller le thym et le serpolet — se rouler dans le calice des fleurs », et cela, comme le dit si bien l’auteur ingénu, « selon toutes les délicatesses de l’élocution la plus recherchée ». […] Le guide-âne allégué encadre volontiers dans un exemple d’écriture chacune des fleurs dont il est l’herbier ; il y en a de délicieux : Dulces reminiscitur Argos (Il revoit en souvenir sa chère Argos). […] Voici la fameuse grotte tapissée de vigne, de cette vigne devenue vierge au cours des années ; voici les mille fleurs naissantes qui émaillent toujours les vertes prairies ; voici le doux nectar, la vie lâche et efféminée, la jeunesse présomptueuse ; voici « le serpent sous les fleurs ». […] A moins qu’on ne se borne (c’est la méthode scientifique) à observer les mœurs littéraires avec le désintéressement de Swammerdam ou de Réaumur  ; à constater les dégâts que font les hommes dans l’idée de beauté et dans toutes les idées générales, comme l’entomologiste suit curieusement la trace d’une invasion de chenilles vertes sur les fleurs de son jardin. […] Ensuite, de même que certaines fleurs qui se veulent seules pour briller, elles pâlissent et se rident, dès qu’elles sont deux ou trois — dissemblables des Grâces.

33. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Nous chargeons le cercueil qui l’emporte d’une masse de fleurs qui ne se flétriront pas, car ce sont des fleurs de rhétorique, — des fleurs en papier, — et l’homme est si dupe de ses propres simagrées qu’on met à cela une espèce de générosité sentimentale. […] image commune qui n’est qu’un cliché, phrase qui ne dit rien parce qu’elle dit trop, — a lancé de sa patte de rhétoricien, bête comme la patte de l’ours, un pavé à cet homme si bonhomme qui n’avait pas une prétention si hautaine, et qui ne fut jamais que le Roi des fleurs (mais pas des fleurs de rhétorique comme celles de M. Cuvillier-Fleury), — oui, le Roi des fleurs comme le papillon ! […] Il les aimait à travers Horace, qu’il a trop aimé et qui ne les aimait pas, et il se plaisait à en rapporter dans les théâtres de Paris la modeste fleur étonnée ! […] il me plaît tant, cet homme de lettres et d’esprit, et d’esprit français, que j’ai essayé de replacer aujourd’hui dans la lumière de son mérite, qui est immense et qui est charmant, et dont la nature est de passer, — de n’être pas plus immortel que les fleurs qui passent, — il me plaît tant que j’arrête ici mon chapitre !

34. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — O — Olivaint, Maurice (1860-1929) »

Olivaint, Maurice (1860-1929) [Bibliographie] Fleurs du Mékong (1891). — Les Fleurs de corail (1899). […] Antony Valabrègue Ce livre, les Fleurs du Mékong, est un recueil léger, agréable et qu’on lit avec plaisir.

35. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Le vieux tronc, avant de se dessécher, produisit entre ses racines deux fleurs, et ces deux fleurs fragiles, d’une saison à peine, moissonnées avant le temps, (ô triomphe de l’esprit !) […] Louise de Bayne en son château de Rayssac, passant de l’adolescence à la jeunesse, eut tout le temps de voir les saisons se succéder, les printemps courir, sa première fleur pâlir et se décolorer déjà, avant qu’un mariage sérieux la vînt prendre et enlever à sa terre natale. […] Et, par exemple, un jour qu’Eugénie de Guérin visite le Nivernais (à quelques années de là), pour rendre son impression, elle dira : « Il fait bon courir, dans cette nature enchanteuse, parmi fleurs, oiseaux et verdure, sous ce ciel large et bleu du Nivernais. […] « Chaque plante tient du sol, chaque fleur tient de son vase, chaque homme de son pays. » Qui le croirait ? […] Le monde, rien dans le monde ne vaut ce qui se passe sous ce drap des morts couvert de fleurs.

36. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

Une branche de cerisier double au cœur de la fleur jaune ; une espèce où les feuilles viennent en même temps que les fleurs et qui est appelée au Japon Shiogama. […] Des tiges d’iris violacés, ces fleurs à la découpure héraldique. […] Ici, ce semis de pétales de fleurs, là, cette jonchée d’iris, là, cet enguirlandement par un volubilis, là, ce couronnement par une fleur de nénuphar. […] Les Fleurs de Yoshino (nom d’une montagne toute rose de ses arbres en fleurs) aux environs de Kiôto. […] Le feuillage offre sa verdure et la fleur sa couleur.

37. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VII. Suite du précédent. — Paul et Virginie. »

Ils connaissaient les heures du jour par l’ombre des arbres ; les saisons, par le temps où elles donnent leurs fleurs ou leurs fruits, et les années, par le nombre de leurs récoltes. […] Les manguiers ont donné douze fois leurs fruits, et les orangers vingt-quatre fois leurs fleurs, depuis que je suis au monde. » Leur vie semblait attachée à celle des arbres, comme celle des faunes et des dryades. […] Pourquoi vas-tu si loin et si haut me chercher des fruits et des fleurs ? […] Il est certain que le charme de Paul et Virginie consiste en une certaine morale mélancolique, qui brille dans l’ouvrage, et qu’on pourrait comparer à cet éclat uniforme que la lune répand sur une solitude parée de fleurs.

38. (1887) Discours et conférences « Discours lors de la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand »

Parce qu’on vieillit, a-t-on le droit de dire que les fleurs sont moins belles et les printemps moins radieux ? […] Entre toutes les fleurs, et Dieu sait s’il en est de belles (quel monde admirable que celui de la fleur !), il n’y en a qu’une seule qui soit à peu près sans beauté : c’est une fleur jaune, sèche, raide, étiolée, d’un luisant désagréable, qu’on appelle bien à tort immortelle. Ce n’est vraiment pas une fleur.

39. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Courant les bois, nous discourions sur les oiseaux, les nids, les fleurs, sur les glands. […] Cet état de langueur a bien des charmes, et ce mélange de verdure et de débris, de fleurs qui s’ouvrent sur des fleurs tombées, d’oiseaux qui chantent et de petits torrents qui coulent, cet air d’orage et cet air de mai font quelque chose de chiffonné, de triste, de riant, que j’aime… » Ne reconnaissez-vous pas le paysagiste d’instinct, qui se joue et qui s’essaye, sans maître, et auquel il faudrait bien peu de chose, — seulement un cadre, plus grand, — pour devenir, un maître en son genre, et lutter peut-être avec notre grand paysagiste du Berry ? […] Quand elle l’attend, quand elle l’espère au Cayla après cinq années d’absence, elle lui prépare des fleurs dans un gobelet : « J’en ai longtemps regardé deux, dit-elle, dont l’une penchait sur l’autre qui lui ouvrait son calice. […] Ce sont des stellaires, petites fleurs blanches à longue tige des plus gracieuses de nos champs… C’est ma fleur de prédilection. […] Je voudrais qu’elles y fussent quand tu viendras, et te faire voir les deux fleurs amies.

40. (1898) Le vers libre (préface de L’Archipel en fleurs) pp. 7-20

Autour de cette maison, ils plantent un petit jardin, et ils jettent les hauts cris si quelqu’un, y avisant des fleurs qui lui plaisent pour leurs nuances et leur parfum, mais à son goût mal disposées, les loue en peu de termes tout en faisant ses réserves sur le style décoratif du jardin. […] On vante ses fleurs et ses procédés de culture, on s’enquiert de sa méthode, on l’invite à promulguer des Règles, et, s’il a la faiblesse de céder à ces clameurs flatteuses, on le hisse sur un pavois et on le promène à travers le pays, en chantant à l’unisson des louanges imitées de son style — quitte à le laisser choir au fossé de la route s’il finit par se prendre au sérieux. […] « Garde-toi des Écoles, garde-toi des serres où un horticulteur abusé ou malin élève des fleurs quasi artificielles, établit une Tradition — obtient des hybrides, des monstres. […] « Enfin voici ceux qui cueillent les vers comme fleurs de nénuphar sur l’étang de leur cœur. […] Sache qu’il est, ce rythme, changeant et multiforme, qu’aujourd’hui il veut chanter la mélopée de la forêt frémissante ou la cantilène des roseaux penchés aux rives des fleuves, que demain il sera l’ode d’amour parce que l’Ève revenue aura noué autour de ton cou ses bras frais comme des fleurs et sinueux comme des serpents ou bien l’hymne reconnaissant quand le pur baiser du soleil naissant lavera ton front des terreurs nocturnes.

41. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

C’est une entrée de ballet, et les Jeunes Filles s’avancent, fleurs en robes de mousseline : Fleurs au sol attachées Dans les gazons et les ruisseaux natals cachés Fleurs de tiges jamais tâchées, Nulle haleine que du soleil n’est sur nous jamais penchée ; Fleurs sur le sein maternel couchées Nous fleurissons dans les feuillées et les jonchées   ; Quelques-unes avant l’heure se sont séchées, Avant l’heure quelques-unes ont été tranchées   ; Nous avons des pitiés pour les fleurs que l’aurore a fauchées ; puisse le sol nourricier nous garder attachées ! […] Le danger des opinions extrêmes c’est que sorties du cerveau qui les engendra, comme d’une fleur où elles étaient gracieuses, elles s’en vont, germes insensés, se décomposer dans les terrains les plus revêches à produire de la grâce et des fleurs. […] Schwob est une sorte de simplicité effroyablement complexe ; c’est-à-dire, que par l’arrangement et l’harmonie d’une infinité de détails justes et précis, ses contes offrent la sensation d’un détail unique ; il y a dans la corbeille de fleurs une pivoine que seule on voit parmi les autres abolies, mais si les autres fleurs n’étaient pas groupées autour d’elle, on ne verrait pas la pivoine. […] Ce qui disparaît était tout, mais n’est plus rien : une femme, les nuits vécues, les fleurs vues ensemble, la vie écoulée comme du sable d’une main dans une main, enfants ! […] Les fleurs qu’il désire et les fruits qu’il attend diffèrent selon la nature de son âme, mais il croit aux fleurs et aux fruits, et qu’il mangera les fruits, et qu’il s’endormira rassasié au pied de l’arbre de sa prédilection.

42. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

(Les Fleurs.) […] « Je dis : une fleur ! […] Et sur un tel problème l’esprit de Mallarmé, comme la fleur sur l’eau, s’épanouissait voluptueusement. […] Ainsi l’image, fréquente aussi, des fleurs, surtout du lys. […] De grandes fleurs avec la balsamique Mort (Les Fleurs.)

43. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Si elles s’appellent Marie, il leur revient de droit avec un bouquet de fleurs blanches. […] Si ces eaux de l’Ellé et du Scorf n’ont pas plus de courant en été, descendez dans ce lit embaumé d’herbes hautes à forte senteur : il y a le genêt à fleurs d’or. […] Il a même le Nord en aversion ; il en écraserait la fleur sous ses pieds ; dans deux jolis couplets à M. […] Ta jeunesse aima les plus belles choses : L’art, la liberté, fleurs au ciel écloses ! Épargne ces fleurs tombant sous les pas.

44. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

L’Anthologie grecque n’est autre chose qu’un assortiment, un bouquet de fleurs poétiques. […] Le premier Recueil de ce genre dont on ait gardé souvenir était celui que Méléagre avait désigné du nom de Couronne, et qu’il avait tressée en effet de mille fleurs. […] Maintenant ce sera un jardin public, et peut-être, au lieu des fleurs, n’y trouvera-t-on plus que de la jonchée… Et pourquoi tout donner d’un coup ? […] Le très grand nombre des épigrammes amoureuses sont dans le sens épicurien, dans le sens d’Horace, pour rappeler que le plaisir est rapide et qu’il faut le cueillir dans sa fleur, tandis qu’il en est temps encore. […] Que les brebis bêlent autour de moi, et qu’assis sur un rocher, tandis qu’elles broutent, le berger me joue ses plus doux airs ; qu’aux premiers jours du printemps, le villageois, ayant cueilli des fleurs de la prairie, en couronne ma tombe, et que, pressant la mamelle d’une brebis mère, il en fasse jaillir le lait sur le tertre funéraire.

45. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Il y eut en ces années un Hégésippe Moreau primitif, pur, naturel, adolescent, non irrité, point irréligieux, dans toute sa fleur de sensibilité et de bonté, animé de tous les instincts généreux et non encore atteint des maladies du siècle. […] Qu’il prodigue au vallon les fleurs     La joie à la chaumière, Et garde des vents et des pleurs     La ferme et la fermière ! […] C’est ainsi que, dans une autre pièce, représentant l’entrée du Tasse à Rome au milieu d’une pluie de couronnes et de fleurs, il dira : Le pauvre fou sentit, dans la ville papale, Une douche de fleurs inonder son front pâle. […] Mais j’aime la Voulzie et ses bois noirs de mûres, Et dans son lit de fleurs ses bonds et ses murmures. […] Que dites-vous de cette Fée des Pleurs, la consolatrice des affligés, qui voltige plutôt qu’elle ne marche sur la pointe des gazons et des fleurs ?

46. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

puissent les brises légères disperser, pour ses délices, la poussière odorante des fleurs ! […] Un Pontife assisté d’un jeune garçon qui tient une boîte d’encens, et qui a une couronne de fleurs sur la tête. […] Glycère assise et couronnée de fleurs. […] Les fruits même, les fleurs et les vases manquent de perspective, et le contour supérieur de ces derniers ne répond pas au même horizon que leur base. […] Au dedans du temple, des fleurs de toutes couleurs, des instruments de différents arts, et d’autres figures grotesques et emblématiques y sont dépeintes.

47. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Éphémérides poétiques, 1891-1900 » pp. 179-187

Émile Blémont : Les Pommiers en fleurs. […] Charles Guérin : Fleurs de neige. […] Adolphe Retté : L’Archipel en fleurs. […] André Lemoyne : Fleurs du soir.

48. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

La poésie ne meurt pas : il y a des printemps, des générations qui naissent, qui se succèdent et qui amènent chacune avec elles leurs fleurs, leurs amours et leurs chants. […] La critique, à chaque renouvellement de régime, peut essayer et combiner des programmes qu’elle croit utiles ; elle peut proposer et recomposer ses plans d’une littérature studieuse et réparatrice, c’est son droit comme son devoir ; mais l’imagination, la fleur, l’inspiration de la passion et du sentiment, lui échappent ; cela naît et recommence comme il plaît à Dieu, et ne se conseille pas. […] que les fleurs sont belles ! […] les Fleurs sont peut-être déesses. Mais, ce jour-là, j’allais, des larmes dans les yeux Et sans voir le soleil monter au bord des cieux, Ni, tout humide encor de son bain de rosée, Chaque fleur relever sa tête reposée.

49. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Il sut conserver au milieu des écueils de cette vie universitaire sa fleur de pureté et de chasteté, se livrant dès ce temps-là à des méditations et à des préparations intérieures pour avancer dans la poursuite de la piété et de la vertu. […] Il est de ceux qui, en s’éveillant le matin et en se trouvant tout remplis de douceurs et d’allégresses singulières, pouvaient dire en toute vérité : « Je me sens un peu plus amoureux des âmes qu’à l’ordinaire. » Il commence son livre de l’Introduction comme en badinant, et compare la variété avec laquelle le Saint-Esprit dispose et nuance les enseignements de dévotion et les assortit à chacun, avec l’art qu’employait à faire ses guirlandes de fleurs la bouquetière Glycera. […] Il sait bien que toute voie humaine a ses épines et ses ronces encore plus que ses fleurs, et que, lorsque Dieu se manifeste et parle, c’est plutôt parmi les premières : « Je ne me ressouviens pas qu’il ait jamais parlé parmi les fleurs, oui bien parmi les déserts et halliers plusieurs fois. » Et pourtant, François de Sales sème involontairement devant lui et prodigue les fleurs ; il répand le lait et le miel, et les fruits savoureux ; il a surtout ce qui les fait naître sans effort, un fonds de fertilité et d’onction. […] Dégageons donc les gentillesses et les fleurs pour arriver jusqu’à cette âme si doucement ardente et forte, et à ce caractère si ferme, bien que revêtu de suavité. […] Franklin, lui aussi, est riant, il est aimable, il est badin dans son bon sens ; il a bien de l’esprit et de l’imagination dans son expression ; mais, au milieu de toutes ses lumières physiques et positives supérieures, il y a une lumière qui lui manque ou qui semble presque absente, non pas celle qui brille et qui serait fausse, mais celle qui échauffe en rayonnant, une fleur d’éclat qui ne vient pas de la surface, mais du foyer même, une douce, légère et divine ivresse mêlée à la pratique bien entendue des choses, et qui communique son ravissement.

50. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fontainas, André (1865-1948) »

Fontainas, André (1865-1948) [Bibliographie] Le Sang des fleurs (1889). — Les Vergers illusoires (1892). — Nuits d’Épiphanie (1894). — Les Estuaires d’ombre (1896). — Crépuscules (1897). — L’Ornement de la solitude, roman (1899). — Le Jardin des îles claires (1901). […] Henri de Régnier On imagine volontiers son profil bossué au bronze de quelque médaille du temps des Flandres bourguignonnes, et, au revers, pour allégoriser d’emblèmes décoratifs le poète du Sang des fleurs et des Vergers illusoires, on figurerait, dans une guirlande en entrelacs, un miroir, une épée et une grappe, car ses vers, à des vigueurs héroïques, allient des nuances opalines d’eaux calmes et mêlent les saveurs telluriques d’un noble cru. […] Pour avoir suivi (après la publication de son premier recueil : Le Sang des fleurs, 1889) les subtils contours de Mallarmé, ce poète, dont nous retiendrons les consolants mirages, n’en a pas moins su transformer sa manière au point de rendre personnel, selon M. 

51. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

ce sont les fleurs de cheminée. […] Le givre fait de belles fleurs. […] Une a suivi le troupeau toute la journée : c’est de bon augure, nous aurons bientôt des fleurs. […] Les petits enfants s’en amusent et les appellent fleurs de mars. […] Crois-tu que, si je courais vers toi, une fleur sur mon chemin ou une épine au pied m’arrêtassent ?

52. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Mais le parfum des fleurs ne jaillit pas pour lui des corolles et des calices ; il n’est qu’un appât pour les insectes, colporteurs des pollens. Nous trouvons cependant dans ces parfums une excitation à la volupté : c’est que les fleurs sont vraiment des bouches voluptueuses, qui attendent des baisers. […] Des fleurs s’ouvraient en moi, flexibles et flagrantes, Des fleurs… tes gestes et ta blancheur nonchalante : Ton corps se muait tout en folle floraison. […] C’est en elle que le paysage contemplé se prolonge : les fleurs évoquent, deviennent les gestes de l’amour. […] … Quel sentiment d’avoir, éternelle passante, De fleurs, de fleurs, toujours mes gestes désemplis… Hélas !

53. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Vois l’aveugle rejeter, plein de terreur, loin de lui la couronne de fleurs dont une main amie vient de parer sa tête, et que, dans son erreur, il prend pour un odieux serpent. […] Qu’il brille donc de nouveau à ton doigt, comme une fleur éclatante dont se pare une jeune plante au retour du printemps. […] L’une d’elles apporte son tribut de fleurs au saint supérieur du monastère. […] Comment la même main peut-elle allier à la rudesse de manier le fer homicide, la délicatesse de palper le velouté d’une fleur ? […] Vois par quelles agaceries il cherche à gagner l’amour de sa compagne, comme il aspire avec sa trompe l’onde embaumée par la pluie de fleurs des lotus du rivage !

54. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Dans ces fleurs, une âme antique semble subir la Parque. […] répondis-je, c’était peut-être d’autres fleurs. […] Ô choux fleurs ! […] Il y a des arbustes et des fleurs. […] C’était une bataille de fleurs.

55. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Roumanille, Joseph (1818-1891) »

Ces pâquerettes, comme il les appelle, c’étaient des fleurs du jardin de Saint-Remy, fleurs toutes simples, mais toutes fraîches, fleurs de saine pensée comme de gai savoir, offrande et appel adressé du fond du Mas des pommiers à tout le peuple de Provence.

56. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre premier. Nécessité d’une histoire d’ensemble » pp. 9-11

Une œuvre littéraire peut être comparée à une fleur ; la fleur dépend du rameau ; le rameau se rattache à une branche ; la branche se relie à un tronc ; nous sommes contraints, pour nous expliquer la fleur, de considérer l’arbre tout entier et le sol même où il a grandi.

57. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Mon lit, dans le dortoir élevé, était à l’angle de la vaste salle, auprès d’une fenêtre ouvrant sur le coteau et sur les prairies en pente à demi voilées de saules et de frênes ; au printemps, les senteurs des fleurs de pêchers, de vignes, d’amandiers, y montaient pour m’enivrer des suaves réminiscences de mon pays. […] Je marchais à quelque distance derrière lui, cueillant les fleurs, découvrant les nids, écoutant les merles, regardant l’écume des ruisseaux floconner sur les roches de leurs lits profonds, sans m’occuper davantage de lui que je ne m’occupais de l’ombre de mon corps, qui marchait devant moi quand je tournais le dos au soleil couchant. […] Je me souviens que je composais des prières fleuries, toutes formées, comme d’autant de grains de chapelet, des plus jolies fleurs champêtres cueillies çà et là sur ma route, et enfilées, en alternant les couleurs, par un fil arraché à mes bas. […] Le seul défaut littéraire de cet excellent homme tenait à ses qualités de cœur et d’esprit : il y avait un peu d’effémination dans son goût et de fleurs dans son style. […] Le bouvreuil mâle se tenait immobile sur un arbuste voisin comme une fleur de pourpre et d’azur.

58. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

» Et quelle fraîcheur matinale et pure dans le couplet suivant, que tant de poëtes latins modernes ont travaillé à imiter sans l’atteindre : « Déjà la blanche violette fleurit, et fleurit le narcisse ami des pluies, et les lis fleurissent sur les montagnes ; mais la plus aimable de toutes, la fleur la plus éclose entre les fleurs, Zénophila, est comme la rose qui exhale le charme. […] Pluton me l’a enlevée, il me l’a enlevée, et la poussière a souillé la fleur dans son éclat. […] « Le venteux hiver s’en étant allé du ciel, la saison rougissante du printemps a souri avec ses fleurs. […] Déjà les buveurs entonnent Évohé en l’honneur du Père des raisins, la tête ceinte des corymbes en fleur du lierre. […] Mot à mot, qui es au régime des fleurs.

59. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

bien, que dans mon bouquet léger, Passerat figure donc la fleur de vigne, puisqu’on dit qu’il aimait à boire, et Gilles Durant la fleur de souci, qu’il a chantée excellemment, comme nous verrons. […] De tout temps les poètes célébrèrent leur fleur de prédilection. […] Ce genre a donné quelques fleurs éphémères, mais aucun fruit. […] Laisse tomber des fleurs, et ne les répand pas ; Fleurs que les seuls zéphyrs font voler sur leurs pas. […] De pampres et de fleurs viens orner mes cheveux ; De pampres et de fleurs je t’ornerai moi-même.

60. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

La jeune fille est plus occupée des fleurs, des rochers, des oiseaux et de toutes les beautés du paysage, que des choses publiques. […] La jeune fille aime passionnément la nature ; elle la sent dans toutes ses créations, dans les fleurs, dans les arbres, dans les oiseaux. […] Nous sommes rentrées enchantées, et apportant un énorme fagot de fleurs, de quoi nourrir trois vaches si j’en avais. — En aurai-je jamais des vaches à moi ? […] Seule, elle s’occupe de sa musique, de ses oiseaux, de ses fleurs ; il lui est impossible de ne pas mettre de la passion à tout ce qu’elle fait. […] [NdA] Quelqu’un qui a bien connu Mme de Tracy, et qui ne faisait point grâce à ses singularités, m’écrit d’elle ce mot juste et fin : « C’était une personne naturellement affectée ; mais les sentiments qu’elle cultivait de façon à en faire des fleurs doubles avaient des racines franches et profondes.

61. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

La tige a donné avec le temps tous ses jets et poussé tous ses nœuds successifs : elle a bien son port à elle, son unité, son attitude, sa couronne et son luxe de feuillage, ses fleurs éblouissantes, d’un pourpre ou d’un blanc de neige éclatant, ses fruits d’or de forme étrange, élégante, de saveur amère, et dont les plus voisins du tronc sont légèrement empoisonnés. […] … Ne voit-on pas qu’à midi la rosée De ses perles d’argent n’enrichit plus les fleurs ; Que l’anémone frêle, au vent froid exposée, Avant le soir n’a plus ses brillantes couleurs ? […] Et ce sont ensuite des amours d’enfant, des paysages riants et doux, un chemin qui serpente en ruban dans le vallon, un sentier le long de la haie et du ruisseau, et qu’on préfère à tous les autres tout pareils et où il y a également une haie, une source et des fleurs, parce qu’il conduit directement à la petite grille du parc et qu’il s’y rattache un tendre souvenir. […] Est-il amoureux, par exemple, souffre-t-il : au lieu de se plaindre, de gémir, de se répandre en larmes et en sanglots, de presser et de tordre son cœur au su et vu de tous, ce qui lui paraît peu digne, — car il ne sied pas, selon lui, que le poète geigne en public, — il se contient, il a recours à quelque image comme à un voile, il met à son sentiment nu une enveloppe transparente et figurée ; il dira : LE POT DE FLEURS Parfois un enfant trouve une petite graine, Et tout d’abord, charmé de ses vives couleurs, Pour la planter, il prend un pot de porcelaine Orné de dragons bleus et de bizarres fleurs. […] Ainsi germa l’amour dans mon âme surprise ; Je croyais ne semer qu’une fleur de printemps : C’est un grand aloès dont la racine brise Le pot de porcelaine aux dessins éclatants.

62. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Topffer »

Le bel œil bleu, à fleur de tête, de cet honnête Topffer, est un œil de myope, un œil qui glisse, qui n’étreint point, qui ne pénètre pas. […] Elle ressemble trop à une abeille, enivrée de lumière, qui ne penserait pas à enfoncer sa trompe dans la fleur… C’est pour cela, sans doute, qu’il est superficiel, quoiqu’il soit très sensible. […] Si les enfants qui rapportent de leurs promenades, à leurs vieux parents restés à la maison, des fleurs cueillies pieusement pour parer et parfumer leur triste vieillesse, méritent des bénédictions attendries, Genève doit bénir son Topffer, son joyeux flâneur de montagnes, qui lui en a rapporté des pages aussi fraîches que des fleurs.

63. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Judith (1845-1917) »

. — Fleurs d’Orient (1893). — Mémoires d’un éléphant blanc (1893). — Le Vieux de la Montagne (1893) […] Judith Walter a écrit, et cette strophe délicieuse et savante évoque son image, bien mieux que je n’ai su le faire : Derrière les treillages de sa fenêtre, une jeune femme qui brode des fleurs brillantes sur une étoffe de soie, écoute les oiseaux s’appeler joyeusement dans les arbres. […] J « Fleurs de luxe, de charme et de beauté, que l’on cultive encore aujourd’hui et qui seront bientôt les seuls vestiges du Japon splendide d’autrefois, … artificielles princesses choisies parmi les beautés les plus rares, élevées dans tous les raffinements du goût aristocratique, instruites des rites et de l’étiquette, savantes, virtuoses en tous les arts, jeunes, passionnées, enivrantes et… accessibles », ces Princesses d’amour, dans la cité d’amour, content et vivent des histoires d’amour évoquant les précieux décamérons et les merveilleuses « Mille et Une nuits ».

64. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

Les littératures n’ont point trop de ces livres vrais qui disent la vie et nous montrent à nu la racine de cette plante amère, dont les fleurs ne nous paraissent jamais plus belles que quand une fois elles sont flétries et qu’il n’y a plus à en cueillir. […] C’est de la lumière qui tremble sur des larmes, des larmes qui tremblent sur des fleurs, et des arcs-en-ciel qui tremblent à leur tour sur ces fleurs, sur ces larmes et sur cette lumière, Dargaud est une nature poétique. […] qui, pendant la Révolution française, firent à Dieu, par l’organe de Robespierre, cette politesse de « la fête de l’Être suprême », et plus tard ce furent eux encore qui offrirent, sur l’autel idyllique de la Réveillère-Lépeaux, des fleurs au Dieu de la nature. […] Les différentes civilisations successives ont si bien secoué l’âme humaine, que tout ce qui n’était qu’à la fleur de sa surface est tombé.

65. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Roger de Beauvoir. Colombes et Couleuvres. »

……………………………………………… Ma vie a deux parts, amis, dans mes œuvres : Son printemps, doux nids de fleurs et d’oiseaux, Odorant jardin exempt de couleuvres, Luth caché dans l’ombre au sein des roseaux. […] Nous ne savons pas si nous nous trompons… mais au mouvement de ces vers, à leur réchauffement, à leur battement d’ailes, au souffle de tendresse et de plainte qui y passe en notes si simples et si pressées, l’épée est brisée, la cape est brûlée et le Naturel commence, le Naturel, cette fleur tardive de nos automnes intellectuels ! […] … Quelques stances de cet Ariel de la poésie, de cet Hégésippe mort dans le premier duvet de fleur de son génie, dureront davantage, chastes beautés idéales, préservées par leur pure immatérialité ! […] Roger de Beauvoir, ce qui nous a toujours empêché de le confondre, malgré ses erreurs d’homme et de poète, avec les Gentils de notre temps, avec les Idolâtres de la Forme qui n’ont d’autre dieu que le fétiche qu’ils ont eux-mêmes sculpté, c’est le parfum des croyances premières et flétries, mais qu’on retrouve toujours à certaines places de ses écrits ; c’est ce christianisme ressouvenu qu’il tient peut-être de sa mère et qui revient de temps en temps et comme malgré lui, dans sa voix : D’où vient, qu’après avoir dormi sous les platanes, Après avoir sur l’herbe épanché les flacons, Puis être revenus, Ô brunes courtisanes, En rapportant chez nous les fleurs de vos balcons, La tristesse nous prend comme fait la duègne Qui de la jeune Inès s’en vient prendre la main, Et que nous n’arrivons jamais au lendemain Sans qu’aux pensers d’hier tout notre cœur ne saigne ? […] M. de Beauvoir, qui joint à cette émotion une fraîcheur près de laquelle parfois les fleurs de l’hortensia paraîtraient glauques, et les blancheurs du magnolia, des vélins jaunis, manque de netteté de lignes et d’articulation ferme sous cette adorable couleur.

66. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Une des questions qu’elle se pose le plus habituellement est celle-ci : Si la mort est le but, pourquoi donc sur les routes Est-il dans les buissons de si charmantes fleurs ; Et, lorsqu’au vent d’automne elles s’envolent toutes, Pourquoi les voir partir d’un œil mouillé de pleurs ? Si la vie est le but, pourquoi donc sur les routes Tant de pierres dans l’herbe et d’épines aux fleurs ; Que, pendant le voyage, hélas ! […] Pour eux n’épargnez rien ; mettez à toute branche Et l’ombre de la feuille, et la fleur, et le fruit, Et l’ivresse à la coupe où leur lèvre se penche, Sans la tristesse qui la suit ! […] » Mais c’est surtout la comparaison suivante qui, pour l’idée du moins et le jet, me semble ressaisir à merveille la grâce homérique : Parfois, quand un ruisseau, courant dans la prairie, Sépare encor d’un champ, où croît l’herbe fleurie, Un troupeau voyageur aux appétits gloutons, Laissant se consulter entre eux les vieux moutons, On voit, pour le franchir, quelque agneau moins timide Choisir en hésitant un caillou qui le ride, S’avancer, reculer, revenir en tremblant, Poser un de ses pieds sur ce pont chancelant, Et s’effrayer d’abord si cette onde bouillonne En frôlant au passage une fleur qui frissonne, Si le buisson au vent dispute un fruit vermeil, Ou si le flot s’empourpre aux adieux du soleil, Puis reprendre courage et gagner l’autre rive ; Alors tout le troupeau sur ses traces arrive ; Dans le gras pâturage il aborde vainqueur, Il s’y roule en bêlant dans les herbes en fleur, Tandis que seul au bord le berger le rappelle, Et trop tard sur ses pas lance son chien fidèle. […] c’est bien lui ; de ses ailes de fleurs Tombent sur le gazon de joyeuses couleurs… ; après ce premier chant, que tout le monde comprend et volontiers répète, en vient un, comme pendant, sur l’Automne et sur la mélancolie.

67. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

la fleur de l’Éden, pourquoi l’as-tu fanée, Insouciante enfant, belle Ève aux blonds cheveux ? […] Il se retrouve plus sensible qu’auparavant aux innombrables beautés de l’univers, à la verdure, aux fleurs, aux rayons du matin, aux chants des oiseaux, et il porte aussi frais qu’à quinze ans son bouquet de muguet et d’églantine. […] Tout le monde n’a pas le bonheur de rencontrer des obstacles qui vous retardent et vous contiennent jusqu’au moment juste où l’on peut montrer le fruit déjà et encore la fleur. […] Tout respire en ces lieux ; les fleurs des cimetières               Ne poussent point ici. […] Vous emportez nos pleurs, nos cris et nos regrets ; Mais la pitié vous prend, et sur nos fleurs fanées               Vous ne marchez jamais.

68. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Baudelaire.] » pp. 528-529

Le poète Baudelaire, très raffiné, très corrompu à dessein et par recherche d’art, avait mis des années à extraire de tout sujet et de toute fleur un suc vénéneux, et même, il faut le dire, assez agréablement vénéneux ; il avait tout fait pour justifier ce vers d’un poète : La rose a des poisons qu’on finit par trouver. […] Lorsqu’il eut publié ce recueil, intitulé Fleurs du mal, il n’eut pas seulement affaire à la critique, la justice s’en mêla ; elle prit fait et cause au nom de la morale publique, comme s’il y avait véritablement danger à ces malices enveloppées et sous-entendues dans des rimes élégantes. […] Vous dire que vous n’avez reculé, en rassemblant vos Fleurs, devant aucune sorte d’image et de couleur, si effrayante et affligeante qu’elle fût, vous le savez mieux que moi ; c’est ce que vous avez voulu encore.

69. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Ce qui est certain, c’est que le chemin qui mène à la maison de la Lisette de Mme de Gasparin est une route des plus salubres, des plus pittoresques, et que cette verdure d’une matinée de mai y est décrite d’une exactitude et d’une vigueur incomparables : « Chaque fleur, chaque ton et chaque nuance de fleur, nous dit le peintre véridique, a son règne dans la campagne, et ce règne est absolu… La teinte est presque toujours uniforme, splendide en son unité. […] C’est toujours un tapis éblouissant, d’une seule nuance, jusqu’à la fin de juin qu’il s’émaille de toutes les teintes, qu’il brille de tous les éclats, que chaque fleur s’ouvre, s’étale et parfume pour son compte. […] L’autre s’avoisine tout à fait ; elle est simple et grave ; il ne reste pas, on le dirait, une parcelle de sang dans les fibres de sa peau mate ; ses grands yeux s’arrêtent sur nous, amortis par le verre de ses lunettes ; ses manches, larges et pendantes, couvrent presque entièrement la main ; elle parle d’une voix égale, et nous montre, l’un après l’autre, par les trous de ta grille, les souris en pelote, les porte-montre brodés de perles, les coques d’œufs remplies de fleurs microscopiques, les coquilles d’escargots avec des saintes dedans, ces mille prodiges d’adresse et de laideur par quoi de pauvres recluses trompent leur ennui. […] C’était vraiment le bijou du désert, une fleur volante, s’offrant à tous les regards comme pour les consoler de tant de tristesses… Nous portions notre goûter ; il s’est fait pendant un orage. […] L’expression passer fleur n’est pas, je dois le dire, de la façon de l’écrivain. « Dans tout le centre de la France, m’écrit-on, dans l’Ouest, dans le Poitou, il n’y a pas un jardinier qui s’exprime autrement. » Mais la nouveauté consiste à introduire de ces sortes d’expressions naturelles dans la langue écrite ou littéraire, et c’es ce dont je loue l’écrivain.

70. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

Parmi les exemples qu’il cite, on en verrait d’abord qui ne sont pas si répréhensibles qu’il paraît croire : ainsi De la jeunesse en fleur la première étamine me semble très-bien rendre le prima lanugine malas des Latins. […] Chénier a eu d’abord et il n’a pas du tout perdu une qualité que les Grecs prisaient fort et qu’ils ne cessent d’exprimer, de varier, d’appliquer à toutes choses, je veux dire la jeunesse, la fraîcheur et la fleur, le èáëåñüí, si l’on me permet de l’appeler par son nom, le novitas florida de Lucrèce. […] On a le charmant morceau qui servait de préface, et dans lequel il énumère à plaisir les divers poëtes de son choix en les désignant chacun par une fleur appropriée. […] que de noms, alors brillants, qui ne représentent plus rien désormais, et aussi vagues à définir pour nous que les nuances de ces fleurs dont ils empruntaient l’emblème ! […] Le narcisse fécond des hymnes de Mélanippide s’y marie à la fleur de vigne du sarment naissant de Simonide.

71. (1925) Proses datées

Il tenait à la main un gros bouquet de fleurs pour « ces dames ». […] Sur ce point, les Fleurs du Mal nous renseignent. […] Le préau est divisé en parterres plantés de fleurs diverses et ourlés de buis. […] Un autre est tout peinturluré de fleurs naïves. […] En voici un qui se prélasse entre deux fleurs d’or plus hautes que lui.

72. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Il était de cette race de rêveurs opiniâtres et doux qu’on appelle, selon les genres et les degrés, La Fontaine ou Panard, qui n’ont point souci d’eux-mêmes, et qui jettent leurs fleurs ou leurs fruits sans les compter. […] Ainsi plus charmante est la fleur après qu’elle a déployé ses pétales odorants, et le soleil au milieu du jour luit plus beau qu’au matin, et flamboie. […] Les boutons sont charmants, mais j’aime mieux les fleurs ; Le soleil à midi plus qu’au matin rayonne. […] Mais ce dont surtout la postérité sait gré et tient compte, c’est de ce que trouve le talent et de ce qui naît sans peine et comme une grâce ; une strophe bien venue sur une fleur, sur un coquillage, sur un zéphyr, s’en va vivre durant des âges, et suffit à porter un nom.

73. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

Rappelez-vous ses fleurs de papier qui doivent tuer les fleurs de la nature ! […] Eh bien, un jour, je défiai l’originalité de Baudelaire de recommencer les Fleurs du mal et de faire un pas de plus dans le sens épuisé du blasphème. Je serais bien capable de porter à l’auteur d’À Rebours le même défi : « Après les Fleurs du mal, dis-je à Baudelaire, — il ne vous reste plus, logiquement, que la bouche d’un pistolet ou les pieds de la croix. » Baudelaire choisit les pieds de la croix.

74. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Le premier groupe se dérobe derrière les saillies et revient, comme composé de fleurs, et tourne autour du jeune homme sur un rythme lent et voluptueux. Quand le second groupe se précipite à son tour, la tête de Parsifal est comme perdue au milieu d’une mer de fleurs mouvantes. C’est alors que Kundry paraît, comme une incarnation splendide de la forêt magique sur un lit de fleurs. Les autres fleurs disparaissent, comme balayées par une volonté plus puissante. […] Quand elle apparaît, comme une fleur plus resplendissante que les autres fleurs, revêtue d’un costume étrange qui n’appartient à aucune époque, elle représente la séduction profonde opposée à ce charme joyeux des jeunes filles, exercée contre le pur et l’ignorant.

75. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Ils ont aimé les fleurs vénéneuses, les ténèbres et les fantômes et ils furent d’incohérents spiritualistes. […] On flagella la nudité et il y eut des imprécations contre la blanche peau en fleur. […] Cette formidable tourmente a brisé, emporté les fleurs flétries des rhétoriques dépérissantes. […] Il lui est docile comme une fleur et non moins qu’une étoile, les rocs. — Ah ! […] Les feuilles, les brises, les fleurs ordonnent les gestes que font les bûcherons, les pêcheurs.

76. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Cette fleur idéale qui décora l’antique maison dans sa splendeur va se retrouver au déclin et sur une ruine. […] J’aime le mois de Marie et autres petites dévotions aimables que l’Église permet, qu’elle bénit, qui naissent aux pieds de la foi comme les fleurs aux pieds du chêne. […] L’oiseau qui cherche sa branche, l’abeille qui cherche sa fleur, le fleuve qui cherche sa mer, volent, courent jusqu’au repos : ainsi mon âme, ainsi mon intelligence, ô mon Dieu ! jusqu’à ce qu’elle ait trouvé sa fleur, sa branche… Tout cela est au ciel. […] La solitude fait cela ; il y vient des idées qui ne ressemblent à rien du monde, inconnues, jolies comme des fleurs ou des mousses.

77. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Je ne suis plus qu’une ruine couverte d’un peu de mousse et de quelques petites fleurs qui me consolent et me déguisent les outrages du temps. […] Je dois me tenir comme une petite fleur timide sous une cloche de verre que je suis toujours prêt à casser. […] il n’y a point de fruit qui n’ait son ver, point de fleur qui n’ait sa chenille, point de plaisir qui n’ait sa douleur : notre bonheur n’est qu’un malheur plus ou moins consolé. […] Et quand il a voulu peindre les champs dans ses rimes, qu’a-t-il trouvé qui approche, pour la grâce et la fraîcheur, de ce qu’il écrivait un jour à Lemercier du milieu des landes de la Sologne : « J’ai fait une lieue ce matin dans des plaines de bruyères, et quelquefois entre des buissons qui sont couverts de fleurs, et qui chantent. […] » Puis, s’appuyant sur mon épaule pour descendre, et m’ayant consulté sur l’effet de son bouquet, le seul sans doute que la saison eût pu lui offrir : « Mon ami, ajouta-t-il avec une figure dont l’expression m’est encore présente, les anciens couronnaient de fleurs les sources où ils avaient puisé.

78. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Ne possédant pas de jardin, il achète des fleurs et rêve qu’il les a cueillies. […] Vilaines fleurs de rhétorique dans un triste jardin ! […] C’est, appliqué au style, ce que le forçage est aux légumes et aux fleurs. […] C’est la feuille, plutôt que la fleur trop violente (la fleur n’est qu’une feuille folle d’amour), qui enrichira de stylisations nouvelles le nouvel art décoratif. […] Les mêmes bourgeons se finissent les uns en fleurs, les autres en feuilles ; les fleurs durent quelques matinées ; les feuilles, toute une saison.

79. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

que vous sentirez ces petites créatures tenir à chaque goutte de votre sang, dont elles ont été la fine fleur, car c’est ça ! […] En gravissant une crête, j’admirai pour la première fois le château d’Azay, diamant taillé à facettes, serti par l’Indre, monté sur des pilotis masqués de fleurs. […] « Ces dispositions donnent une élégante physionomie à ce castel ouvragé comme une fleur, et qui semble ne pas peser sur le sol. […] Son front arrondi, proéminent comme celui de la Joconde, paraissait plein d’idées inexprimées, de sentiments contenus, de fleurs noyées dans des eaux amères. […] M’eût-elle demandé la fleur qui chante ou les richesses enfouies par les compagnons de Morgan l’exterminateur, je les lui aurais apportées, afin d’obtenir les richesses certaines et la fleur muette que je souhaitais !

80. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Maryllis, Paul »

Maryllis, Paul [Bibliographie] Fleurs gasconnes (1895). […] Edmond Pilon Les Fleurs gasconnes de M. 

81. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Lorrain, Jacques (1856-1904) »

Le Lorrain, Jacques (1856-1904) [Bibliographie] Fleurs pâles (1896). […] Antony Valabrègue Les Fleurs pâles de M. 

82. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Préface »

L’auteur qui veut barrer la rivière et prendre tout le poisson, c’est-à-dire, donner toute la littérature de ce siècle, montre, aujourd’hui, en fait de femmes, la fleur du panier, en supposant qu’un pareil panier ait une fleur… Aujourd’hui, ce n’est que quelques-unes.

83. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Si le caprice le prend de modeler en biscuit ou en porcelaine de Saxe un berger et une bergère rococo enguirlandés de fleurs, certes, il ne se gêne pas. […] Si cela me plaît, je cueillerai ici des fleurs ; si cela me plaît, je vouerai à la liberté un chant, mais jamais je ne me laisserai enrôler par vous.” […] Les Fleurs du mal sont en effet d’étranges fleurs, ne ressemblant pas à celles qui composent habituellement les bouquets de poésies. […] L’eau s’en va par cette fissure inaperçue, les fleurs altérées se dessèchent, penchent la tête et meurent. […] Sully-Prudhomme : un vase de cristal bien taillé et transparent où baigne une fleur et d’où l’eau s’échappe comme une larme.

84. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

« En allant au Posadou, j’ai voulu prendre une fleur très jolie. […] Adieu ma fleur. […] Une autre fois je ne laisserai pas mes fleurs en chemin. […] Ce n’est pas un malheur d’être une fleur sans date. […] Je note cela tous les ans, la venue du rossignol et de la première fleur.

85. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Montoya, Gabriel (1868-1914) »

Montoya ne met guère dans ses chansons que des fleurs, des parfums, des brises, du bleu, des soupirs et des baisers… Mais ses fleurs sont entêtantes, et ses baisers sont ardents et même ils mordent.

86. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Ils jettent fleur sur fleur, clinquant sur clinquant ; tout ce qui brille leur agrée ; ils dorent et brodent et empanachent leur langage, comme leurs habits. […] Cet amas d’idées, de souvenirs tronqués, d’images ébauchées qui gisent obscurément dans tous les coins de son esprit, s’ébranle, s’organise, et tout d’un coup se développe comme une fleur. […] Il pénètre en nous et nous le respirons comme la fraîche haleine d’un vent matinal qui vient de passer sur des champs en fleur. […] Il est changé, avec sa maîtresse, en une fleur « rouge et bleue, qui est d’abord rouge, puis qui pâlit comme lui et devient bleue. […] Un artiste italien copierait ces jardins, ces eaux courantes, ces Amours sculptés, ces traînées de lierre qui serpente chargé de feuilles luisantes et de fleurs laineuses.

87. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

La richesse embauma mon berceau de ses fleurs, Et plus tard, quand j’entrai dans les jeux de la vie, Mon étoile toujours, et selon mon envie, Monta comme un soleil, — et jamais les douleurs N’obscurcirent les jours de ma jeunesse verte. […] Dans Le Drack, où il nous fait passer par toutes les nuances de la peur surnaturelle, il entremêle au pathétique de son sujet des vers charmants : Ce sont les fleurs les plus étranges Et des fruits d’un goût sans pareil, Des orangers remplis d’oranges, Dans des champs tout pleins de soleil ! […] On voit tout ce qui peut surprendre, Des hommes de toutes couleurs, Des oiseaux qui se laissent prendre Avec la main comme des fleurs ! Ce sont là des vers pris aussi avec la main, comme les fleurs auxquelles ils ressemblent, tant ils sont faciles, d’une couleur exquise, d’un tour heureux et naturel.

88. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

A midi sur ce banc s’assoit encor mon père ; Mes filles ont foulé ces gazons dans leurs jeux Sous ces acacias, les pieds dans la rosée, J’ai quelquefois, dès l’aube, égaré la beauté : L’oiseau chantait à peine, et la fleur reposée Assemblait un parfum chargé de volupté. […] On sent une nature très-délicate et très-vite dégoûtée, qui a pris la fleur de mille choses et n’a pas appuyé. […] — Me voici depuis quelques jours occupé du défrichement d’une portion de terre hérissée de ronces et de buissons, sur laquelle je rêve déjà des pommiers et des cerisiers en fleur, une herbe fraîche et ces tranquilles marguerites, comme les appelle Oberman dans une de ses bonnes inspirations. […] Les jours les plus riants de la belle saison, tout splendides qu’ils sont de fleurs ou de fruits, n’ont pas ce charme des jours de labeur protégés par des temps cléments et favorables. […] De quelques fleurs qu’il soit paré, Si riantes que soient ses voies, Il doit à ses célestes joies Manquer ton regard adoré.

89. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Féraudy, Maurice de (1859-1932) »

Armand Silvestre Je me ferai un reproche de dénouer ici la gerbe des Fleurs d’amour qui composent la première moisson des fleurs de ce bouquet.

90. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lesueur, Daniel (1860-1920) »

Lesueur, Daniel (1860-1920) [Bibliographie] Fleurs d’avril (1882). — Un mystérieux amour (1886). […] Schopenhauer avait trouvé son poète en Mme Ackermann ; Darwin possède le sien, inférieur à nul autre, en Mlle Loiseau, qui, après avoir débuté par des vers gracieux, Fleurs d’avril, a trouvé sa voie dans Un mystérieux amour.

91. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Des bancs de marbre régnaient tout autour de la grotte ; elle était tapissée de fleurs grimpantes renouvelées, à mesure qu’elles se fanaient, par les jardiniers. […] Il n’y a qu’un mot qui me la représente, et ce mot est étrange à force de vérité : c’était une âme à fleur de peau ! […] « Voilà que, tout auprès, elle aperçoit une belle touffe de broussailles, d’épines en fleurs et de vermeils églantiers, qui se mire comme dans un miroir dans cette eau courante, et que des chênes touffus et élevés garantissent des rayons du soleil. […] « Apprends d’abord, lui dit-elle, qu’à la première fleur de mes années enfantines, je fus admise au service de la fille du roi, dont, en grandissant avec elle, je devins la compagne et l’amie plus que la suivante. […] comment êtes-vous resté vivant et immortel, et comme adhérent à ces vieilles pages jaunies, où je vous retrouve comme une fleur entre deux feuillets ?

92. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Je n’ai jamais vu un enfant jouir, comme lui, du parfum d’une fleur, de la vue d’une jolie femme bien habillée, du confort d’un bon fauteuil du toucher d’une chose agréable. […] Elle ne durera guère plus que le JJ. en fleurs, calligraphié au milieu du gazon de son jardin. […] Je vague au milieu de mes livres, sans les ouvrir, de mes dessins et de mes fleurs, sans les regarder. […] Je ne crois pas qu’il y ait ce jour, dans les cimetières des autres pays de l’Europe, tant de robes noires, tant de couronnes, tant de fleurs. […] D’une flûte de verre bleu monte dans la verdure grêle de la fougère, un bouquet de chrysanthèmes, aux tons foncés de fleurs de velours.

93. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

La mère de Mme de Genlis, qui faisait tant bien que mal des vers (toute cette famille avait pour premier don la facilité), avait composé un opéra-comique qu’on joua à Saint-Aubin, et dans lequel la jeune comtesse de Lancy (la future Genlis) eut le rôle de l’Amour : Je n’oublierai jamais, dit-elle, que dans le prologue mon habit d’Amour était couleur de rose, recouvert de dentelle de point parsemée de petites fleurs artificielles de toutes couleurs ; il ne me venait que jusqu’aux genoux ; j’avais des petites bottines couleur de paille et argent, mes longs cheveux abattus et des ailes bleues. […] M. de Genlis dessinait parfaitement à la plume la figure et le paysage ; je commençai à dessiner et à peindre des fleurs. […] Imaginez qu’à cette époque, et par une sorte d’attrait qui rapprochait la fleur des pédants de la fleur des pédantes, La Harpe devint amoureux d’elle : c’est à croire à l’influence des étoiles. […] M. de Valois (comme on l’appelait alors) n’annonçait en rien la fleur des anciens Valois, cette distinction suprême dans le goût, qui n’est pas toujours en accord avec le bon sens et avec la science pratique de la vie. […] Un autre inconvénient encore, c’est de ne pas laisser aux jeunes esprits qui en sont le sujet un seul quart d’heure pour rêver, pour se développer en liberté, pour donner jour à une idée originale ou à une fleur naturelle qui voudrait naître.

94. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Des parfums vertigineux se dégageaient des fleurs ; l’air grisait, on était fou de lyrisme et d’art. […] Pour garniture la cheminée avait deux cornets en faïence de Rouen remplis de fleurs. […] La bouche d’un rouge vif luisait comme une fleur sous la moustache et jetait une étincelle de vie dans ce masque d’une immobilité orientale. […] C’est une blancheur dans un rayon, un sillage d’argent sur un miroir limpide, un soupir parmi des fleurs d’eau et des feuillages pâles. […] Ici la façon est toute différente : l’huile prend une fleur de pastel.

95. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Bien des erreurs et des rigueurs suivirent sans doute de si favorables commencements et compromirent les destinées finales du règne ; mais l’élan, une fois donné, suffisait à produire de merveilleux effets ; les semences jetées au vent pénétrèrent et firent leur chemin en mille sens dans les esprits ; la politesse greffée sur la science s’essaya, et l’on en eut, sous cette race des Valois, une première fleur. […] Je retourne le feuillet, et je lis à la page suivante cet autre dizain, non moins égayé, mais qui est de Marot : May bien vestu d’habit reverdissant, Semé de fleurs, ung jour se mist en place, Et quant m’amye il vit tant florissant, De grand despit rougist sa verte face, En me disant : Tu cuydes qu’elle efface A mon advis les fleurs qui de moy yssent ? Je lui respond : Toutes tes fleurs périssent Incontinant que yver les vient toucher ; Mais en tout temps de ma Dame florissent Les grans vertuz, que mort ne peult sécher. […] Il nous rend en vers gracieux les nuances et les parfums d’un beau jour naissant : L’aube duquel avoit couleur vermeille Et vous estoit aux roses tant pareille Qu’eussiez doublé si la belle prenoit Des fleurs le tainet, ou si elle donnoit Le sien aux fleurs, plus beau que nulles choses : Un mesme tainat avoient l’aube et les roses. […] Les rosiers de Paestum traduits par celui de Jean de Meun, c’est ce qu’on peut appeler greffer la fleur antique sur la tige gauloise.

96. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

« Le pavillon, bâti en pierre dans le goût Mansard, lambrissé et meublé dans le goût Watteau, rocaille au dedans, perruque au dehors, muré d’une triple haie de fleurs, avait quelque chose de discret, de coquet et de solennel comme il sied à un caprice de l’amour et de la magistrature. […] « On apercevait, au lieu de fleurs dans les rameaux et de rosée dans les fleurs, les longs rubans d’argent des limaces sur le froid et épais tapis des feuilles jaunes ; mais de toute façon, sous tout aspect, en toute saison, printemps, hiver, été, automne, ce petit enclos respirait la mélancolie, la contemplation, la solitude, la liberté, l’absence de l’homme, la présence de Dieu ; et la vieille grille rouillée avait l’air de dire : — Ce jardin est à moi ! […] La lumière n’emporte pas dans l’azur les parfums terrestres sans savoir ce qu’elle en fait ; la nuit fait des distributions d’essence stellaire aux fleurs endormies. […] « Une moisissure est une pléiade de fleurs ; une nébuleuse est une fourmilière d’étoiles. […] Son âme tremblait à ses lèvres comme une goutte de rosée à une fleur.

97. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gayda, Joseph »

Comme les bergers de Virgile, il aime avec des fleurs. […] Paul Bourget et à qui on pardonne tout, même d’avoir fait souffrir un poète : Édel, je vois en toi, Danoise aux yeux si doux, Cette amante qu’en rêve on adore à genoux, Devant qui le désir reste muet et grave, Tant du plus chaste amour on craint de la meurtrir, Et qui semble une fleur exotique et suave Qu’on n’ose point toucher, de peur de la flétrir.

98. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

C’est la fleur de poésie, sans la terre de réalité sur laquelle elle poussa. […] On n’y voit que fleurs et papillons. […] Deux ou trois fleurs pour boutonnières d’esthètes, voulez-vous ? […] Quelques fleurs sont à ramasser pour leur parfum discret et leur aimable coloris. […] Mais ces herbes mauvaises s’agitent sous un grand vent de passion, parmi d’admirables fleurs.

99. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1826 »

La pensée est terre vierge et féconde dont les productions veulent croître librement, et, pour ainsi dire, au hasard, sans se classer, sans s’aligner en plates-bandes comme les bouquets dans un jardin classique de Le Nôtre, ou comme les fleurs du langage dans un traité de rhétorique. […] Comparez un moment au jardin royal de Versailles, bien nivelé, bien taillé, bien nettoyé, bien ratissé, bien sablé, tout plein de petites cascades, de petits bassins, de petits bosquets, de tritons de bronze folâtrant en cérémonie sur des océans pompés à grands frais dans la Seine, de faunes de marbre courtisant les dryades allégoriquement renfermées dans une multitude d’ifs coniques, de lauriers cylindriques, d’orangers sphériques, de myrtes elliptiques, et d’autres arbres dont la forme naturelle, trop triviale sans doute, a été gracieusement corrigée par la serpette du jardinier ; comparez ce jardin si vanté à une forêt primitive du Nouveau-Monde, avec ses arbres géants, ses hautes herbes, sa végétation profonde, ses mille oiseaux de mille couleurs, ses larges avenues où l’ombre et la lumière ne se jouent que sur de la verdure, ses sauvages harmonies, ses grands fleuves qui charrient des îles de fleurs, ses immenses cataractes qui balancent des arcs-en-ciel ! […] Il existe certaines eaux qui, si vous y plongez une fleur, un fruit, un oiseau, ne vous les rendent, au bout de quelque temps, que revêtus d’une épaisse croûte de pierre, sous laquelle on devine encore, il est vrai, leur forme primitive, mais le parfum, la saveur, la vie, ont disparu.

100. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Certaines plantes de la famille des Malpighiacées portent des fleurs parfaites et des fleurs dégénérées. […] Il en est encore de même dans les fleurs des végétaux. […] Pourquoi, dans chaque fleur, les sépales, pétales, étamines et pistils sont-ils construits sur le même modèle, quoique adaptés à des fonctions si différentes ? […] Chez les plantes à sexes séparés, les fleurs mâles contiennent souvent un rudiment de pistil, et Kœlreuter a trouvé qu’en croisant ces fleurs mâles avec une espèce hermaphrodite, le rudiment du pistil prenait un grand accroissement chez la postérité hybride, ce qui montre que le pistil parfait et le pistil rudimentaire sont exactement de la même nature. […] Le pistil consiste en un stigmate supporté par le style ; mais, en quelques composées, les fleurs mâles, qui naturellement ne sauraient être fécondées, ont un pistil à l’état rudimentaire ou incomplet, car il n’est point surmonté d’un stigmate.

101. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Par cette brisure des lignes, le chapiteau ressemblait à une fleur à quatre pétales, largement épanouie. […] La vertu est une fleur ; le vice est un champignon. […] un fagot d’épines dissimulé sous les fleurs d’une incomparable rhétorique ? […] Quelle douceur de poser mes lèvres ardentes sur sa bouche qui sentait bon comme une fleur ! […] Elles sont la merveille du monde, le sel de la terre, la fleur de nos savantes cultures.

102. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vacaresco, Hélène (1864-1947) »

Que de jolis vers j’ai lus dans ce volume ; et lire un joli vers, c’est, pour citer un vers de Mlle Vacaresco, qui est joli, respirer au passage Le parfum d’une fleur dans le jardin d’un roi. […] Aussi les nocturnes abondent chez Mlle Vacaresco, et les tableaux d’arrière-saison où les feuilles tombent, où s’alanguissent et se fanent les fleurs, et aussi les paysages d’hiver, les effets de neige où se plaisent ceux dont la pensée méditative aime à se replier sur elle-même.

103. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Les royalistes ont continué d’y voir de futures promesses d’avenir, de magnifiques restes d’espérance, je ne sais quelles fleurs de lis d’or, salies, il est vrai, par places, de beaucoup d’insultes et d’éclaboussures, et à travers lesquelles il se mêle, sous cette plume vengeresse, bien autant de frelons que d’abeilles ; mais l’esprit de parti est ainsi fait, qu’il ne voit dans les choses que ce qui le sert. […] On nous a assuré que, quand il voulait plaire, il avait pour cela, et jusqu’à la fin, des séductions, des grâces, une jeunesse d’imagination, une fleur de langage, un sourire qui étaient irrésistibles, et nous le croyons sans peine. […] Lui, ravi de sa beauté et de ses charmes soumis, Adam sourit d’un amour supérieur, comme Jupiter sourit à Junon lorsqu’il féconde les nuages qui répandent les fleurs de mai : Adam presse d’un baiser sur les lèvres de la mère des hommes. […] Tant qu’il put marcher et sortir, la badine à la main, la fleur à sa boutonnière, il allait, il errait mystérieusement. […] Le soleil se levait plus beau ; il remettait la fleur à sa boutonnière, sortait par la porte de derrière de son enclos, et retrouvait joie, liberté, insouciance, coquetterie, désir de conquête, certitude de vaincre, de une heure jusqu’à six heures du soir.

104. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Miłosz, Oskar Wladisław de Lubicz (1877-1939) »

Voici de beaux vers : Jette cet or de deuil où tes lèvres touchèrent, dans le miroir du sang, le reflet de leur fleur mélodieuse et douce à blesser ! […] ………………………………………………………………… Et nous qui connaissons la certitude unique, Salomé, des instincts, nous te donnons nos cœurs aux battements plus forts que, les soirs de panique, l’appel désespéré des airains de douleur, et nous voulons qu’au vent soulevé par ta robe, et par ta chevelure éclaboussée de fleurs              se déchire enfin la fumée              de l’Idéal et des Labeurs.

105. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

Dans la nuit claire-obscure, une flamme bleue, sans blesser ce qu’elle touche, çà et là danse et parcourt en zig-zag tous les points de l’horizon fantastique ; les fleurs en feu s’éteignent, se rallument ; des esprits chuchotent dans le vent, et les montagnes se dressent, vagues formes vacillantes, dans le clair de lune indécis : c’est l’image de la poésie romantique122. […] Le comique est le contraire du sublime. — Dansons ici, auteur et lecteurs, dansons, le balancier en main, sur la chaîne de fleurs d’un syllogisme bien tendu138. — Le sublime ambitionne les termes généraux qui ont de la noblesse : le comique doit donc rechercher les expressions individuelles à l’adresse des sens139. […] La comédie pose sur la tête de l’Humanité une couronne de fleurs, et la conduit souriante aux Petites-Maisons. — Moins une nation ou une époque est poétique, plus elle change facilement la comédie en satire. […] Shakespeare, au milieu même de son feu pathétique, fait jaillir ses fleurs humoristiques.

106. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

Tel est le rêve de ce poète chez qui l’imbécile Démocratie a tout dévoré… excepté, pourtant, une petite fleur de Poésie qui a résisté à sa dent par la raison qu’elle est immortelle, et qui a fleuri moqueusement jusque sous les mandibules de cet âne affamé qui veut tout broyer dans ses lourdes mâchoires. Et c’est cette petite fleur que j’ai aperçue au milieu du pré brouté par la démocratie, — que Pichat croit, lui ! être le champ de l’avenir, — c’est cette petite fleur, retrouvée là, qui m’a empêché de jeter sous mes pieds avec mépris ce livre où un regain de poésie vivace, inarrachable du cœur d’un homme, domine encore, domine toujours tous les prosaïsmes glorifiés de ce siècle dégénéré ! […] Ni poète, ni fleur, ni rêve, ni verdure.

107. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

On l’a vu : des fleurs, des hirondelles, du soleil couchant, du lever de la lune, de toutes les choses importantes. […] Nous sommes de ceux qui se sentent interdits devant les jeunes filles et les fleurs, les trouvant vénérables. […] Cosette déclara ces jardins hideux ; pour la première fois de sa vie elle trouva des fleurs laides. […] Les petits pauvres n’entrent pas dans les jardins publics ; pourtant on devrait songer que, comme enfants, ils ont droit aux fleurs. […] Le soleil dorait, empourprait et allumait les tulipes, qui ne sont autre chose que toutes les variétés de la flamme, faites fleurs.

108. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Ces larmes ont fécondé la tombe sur laquelle elle pleure et en ont fait sortir cette fleur de gloire, plus rare que jamais pour les poëtes ! […] On connaît la fleur qui perce la neige, mais celle qui perce la boue des époques vouées à la matière, est plus difficile à, trouver. […] Cette jeunesse et cette vieillesse n’ont point fait beaucoup plus de pas l’une que l’autre, et, si le vieux Milton nous touche davantage, ce n’est pas que la gloire ait une magie dont nous ne puissions nous défendre, mais c’est qu’il était méconnu quand la fleur du Cayla n’était qu’ignorée, et qu’avec la supériorité du génie, il avait la supériorité du malheur. […] Le riant Cayla, Une terrasse qui s’avance S’y couronne de pots de fleurs Au lieu de créneaux de défense ! […] Eh bien, moi, je vous prends par la fleur !

109. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

. — Duez : des fleurs au beau et large dessin, dans leur mollesse et leur rocaille fripée. — Lhermitte : de vieilles rues normandes, au puissant écrasis de pastel, balafrées en leur ombre bleuâtre, de coups de soleil dorés. […] Le beau buste que le buste coquet et hautain de la duchesse de Mouchy, avec son élégant mouvement de bras, remontant un pan de manteau sur sa poitrine ; le gracieux buste du profil de Mme Demarsay ; le voluptueux buste de Fiocre, à la frimousse mutine dans sa jolie minceur, et dont la fleur de l’entre-deux des seins a quelque chose de l’amoroso de tout le buste, — n’a pas l’air d’une fleur dans un pot, ainsi que la plupart des fleurs, placées là. […] En tête, est imprimée cette ligne d’une poésie : Le vent du printemps, qui a passé sur les fleurs des pruniers, parfume ses cheveux, semblables à des brindilles de saule. […] Au-dessus de la baie, est tendue une bande de drap blanc, sur laquelle sont brodés, en soie bleue et violette, jouant le camaïeu, des chrysanthèmes entre des iris et des fleurs de cognassiers. En face, et se faisant vis-à-vis, est une autre broderie chinoise sur fond blanc, où une étagère en bois de fer, et des consoles en laque de Pékin, portent des fleurs et des grenades.

110. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Au contraire j’accorde, selon sa puissance, sympathie ou admiration à quiconque sort des voies battues et cueille des fleurs que nul passant ne piétina. […] Bientôt ils fuient le taillis et, parmi la clairière où vit « dans une virginale paix un peuple de digitales », leur corps s’allonge « au milieu des fleurs empoisonnées, comme une herbe fauchée ». […] Il chante « la Métamorphose couronnée de fleurs odorantes comme une femme des îles lointaines ». […] Sa phrase peut s’encombrer encore quelquefois épineuse comme l’ajonc : des fleurs d’or toujours y éclatent, des parfums en émanent, et le vent d’un rythme noble remue en sourires ou en émotions les senteurs et les corolles. […] Ce ne sont pas les fleurs du bord de la route qui font la beauté du voyage et les rares que je vais montrer ne peuvent guère aider à juger une œuvre aussi considérable.

111. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

C’est une fleur, une plante qui ne rentre pas dans les familles décrites ; c’est un poëte que nos poétiques n’admettaient pas. […] Comme elle nous le dit en vraie fille de La Fontaine, à quelque chère idole en tout temps asservie, elle aimait une fleur, elle adorait quelque arbrisseau ; elle lui parlait à genoux, lui confiait ses peines, jouissait des mêmes printemps ou souffrait des mêmes vents d’hiver. […] Il y a une ou plusieurs épigraphes à chaque pièce : en lisant les poëtes dont les écrits ont eu la vogue dans ces dernières années, Mme Valmore s’en est affectée et teinte peut-être à son insu ; la blonde et grise fauvette a été prise au miroir, et les fleurs du nid, comme elle le dit quelque part, ont lustré son plumage ardé par le soleil. […] Ils se sont détachés, frêles et angéliques, parmi les étoiles, les rossignols, les fleurs humides de rosée, et comme sur un fond imité des feuillages chatoyants de Lawrence. […] Peu après elle eut le rôle de Julie dans l’opéra de Julie ou le Pot de fleurs, dont la musique était de Spontini.

112. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre II. Mademoiselle Mars a été toute la comédie de son temps » pp. 93-102

À notre sens, rien ne ressemble moins à l’enthousiasme véritable, que ce jet de bouquets et de fleurs. […] Avouez ensuite que c’est là véritablement insulter les fleurs du bon Dieu que de les jeter sans respect, et sans pitié, sur les planches huileuses d’un théâtre ; enfin, ajoutez, pour tout dire, que la plupart du temps ces couronnes maladroites tombent sur la tête mal peignée de quelque brave claqueur. Par exemple, je me rappelle ces propres paroles de deux demoiselles errantes qui se promenaient sur le boulevard de Gand, à dix heures du soir : — “Tiens, disait l’une, Polyte nous rapportera des fleurs, la Taglioni danse ce soir !” […] quelle peur de toucher à ces fleurs sacrilèges, volées par un païen sur un tombeau !

113. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Le monde nous écoute volontiers, quand nous lui parlons de ses intérêts généraux ; car nous avons le don de la sympathie, cette intuition, cette illusion si l’on veut, qui, dans tout homme, je dirai presque dans tout être conscient, nous fait toucher une vie sœur de la nôtre, dans toute fleur nous montre un sourire, dans l’univers entier nous fait voir un grand acte d’amour. […] C’est ce que je me disais, ces jours-ci à Perros, en retrouvant toute sorte de vieilles petites connaissances, des oiseaux, des fleurs poussant sur les vieux murs, dont j’avais oublié le nom, et, en particulier, ce rocher du groupe des Sept-Îles qui est, au printemps, rempli d’innombrables oiseaux de mer. […] Une race donne sa fleur, quand elle émerge de l’oubli.

114. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Colet, Louise (1810-1876) »

Colet, Louise (1810-1876) [Bibliographie] Fleurs du Midi (1836). — À ma mère ; Jeunesse de Goethe ; Penserosa ; Jules César et la Tempête ; Le Musée de Versailles (1839) […] Jeune fille, jeune femme, jeune mère, telles sont les trois phases de la vie correspondant aux trois recueils qui composent le volume de Mme Colet, et chacune d’elles a donné sa fleur ou son fruit.

115. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gille, Philippe (1831-1901) »

Philippe Gille demeure surtout un poète parisien, dans son Herbier, où il ne conserve pas que des fleurs desséchées : loin de là, les fleurs poétiques de ce charmant recueil ont l’éclat et les vives couleurs d’une moisson toute fraîche.

116. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Renaud, Armand (1836-1895) »

Émile Deschanel La plupart des fleurs qui composent le volume des Nuits persanes, fleurs exotiques cueillies dans les riches forêts de Djelaleddin-Roum l’extatique, de

117. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leygues, Georges (1857-1933) »

Louis Tiercelin Vous m’avez dit : « Mes vers aimés Avec des fleurs sont enfermés Dans ce coffret que je vous livre. […] Ces parfums d’idéal et ces fleurs d’Espérance Sont les baumes divins de l’humaine souffrance ; Aussi nous briserons ensemble ce coffret, Et, soudain, s’échappant de leur prison muette.

118. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Bachelier  » pp. 147-148

Mon ami Bachelier, retournez à vos fleurs et à vos animaux. Si vous différez, vous oublierez de faire des fleurs et des animaux, et vous n’apprendrez point à faire de l’histoire et des hommes.

119. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

La jeunesse est la vie en sève ; c’est aussi le génie en fleur. Si nous étions encore poète, nous dirions : « Il y a dans la famille des végétaux, des plantes, des arbres, des arbustes à doubles fleurs dont la sève ne se noue jamais en fruits, précisément parce que la fleur double épuise l’arbuste ; plantes dont la seule destination est de peindre la terre d’un arc-en-ciel de riantes couleurs étendues sur les pelouses, les parterres, les forêts, et d’embaumer le printemps en livrant au vent d’été leurs corolles stériles. […] Don Juan, dans lord Byron comme dans les poètes espagnols, n’est plus Satan, mais c’est un jeune homme satanique, une personnification de la jeunesse corrompue dans sa fleur, corrompant tout autour d’elle, mais ayant conservé, dans sa corruption précoce et malfaisante, quelque chose de la grâce et du parfum de son innocence. […] De là ces gouttes de larmes amères qui tombèrent pendant toute la vie de Musset sur ces feuilles de rose de ses vers, et qui en sont peut-être les perles les plus précieuses, comme dans un tableau de fleurs de Saint-Jean les gouttes de rosée que transperce un rayon de soleil. […] Il me semblait que j’entendais la voix ricaneuse de don Juan, ou la voix plus grinçante de Heine le poète réprouvé de cette école, nous dire, en se faisant une joie de notre horreur : Tenez, regardez votre idéal : Ici la jeunesse, ici la beauté, ici l’innocence, ici l’amour, ici la pudeur, ici la vertu, ici la piété, ici la poésie, cette fleur de l’âme !

120. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

L’exposition pourtant a de la beauté et de l’étendue : ……………………………………………………………………… Ces bois, ces lacs, ces monts, ces grands horizons bleus, La grotte aux verts tapis sous les rocs anguleux, Le flot qui dit sa plainte aux saules des rivages, Et les torrents grondant sur des pentes sauvages ; Tout ce qui, dans l’espace, a son bruit ou sa voix, Ce qu’on entend gémir et chanter à la fois, Ce qui verse un parfum, ce qui boit la rosée, Ce qui flotte ou se pose en la nuit embrasée, Fleurs, insectes, oiseaux, ensemble gracieux, La luciole en flamme et l’astre errant aux cieux, J’ai dans mon vaste amour compris toutes ces choses, Ô nature ! […] L’esprit de Lucrèce, on le connaît aussi : c’est le génie de la nature puisé à sa source, embrassé dans toute sa grandeur et dans sa puissance, et aussi adoré dans sa fleur et sa vénusté. […] On croit sentir la fraîcheur qui circule, on voit le pré peint de fleurs qui rit et verdoie. […] heureux qui l’invoque et le prie à chaque accident de la saison, qui compte sur lui seul comme aux jours de la manne dans le désert qui suit en fidèle ému, entre deux haies en fleur, la procession d’une Fête-Dieu champêtre, ou qui prend part avec foi et ferveur, le long des blés couchés ou desséchés, aux cantiques d’alarmes et aux pieux circuits des Rogations extraordinaires ; qui sait le chemin qui mène à la statue de la Vierge dressée au sommet du rocher ou logée au cœur du chêne antique où hantaient jadis les Fées ; qui ne méprise pas le Saint même du lieu et le miracle d’hier qu’on en raconte, toutes croyances et coutumes innocentes et charmantes, si, au lieu de devenir des affaires de parti, elles restaient ce qu’elles devraient être toujours, de touchantes religions locales et rurales !  […] Philtre mystérieux des dons de la nature ; Alambic distillant l’herbe et les fleurs pour nous ; Mamelle appétissante où boit la soif de tous ; Flanc fécond, qui, donnant à la ferme ravie Ou la crème ou le croît41, nous prodigue sa vie ; La vache, ô doux enfants, qui lui refuserait Un regard, un sourire, — et qui ne l’aimerait ?

121. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Il faut en venir à ce roman en prose, Daphnis et Chloé, à ce dernier des Daphnis, pour y retrouver, comme dans une petite épopée finale, toute la grâce, toute la tradition, la fleur suprême, en un mot, de ces fables pastorales pressée et, rassemblée. […] On est au printemps, dès les premiers moments de l’idylle : toute fleur fleurit, toute créature s’égaie ; Daphnis et Chloé de même : « Toutes choses adonc faisant bien leur devoir de s’égayer à la saison nouvelle, eux aussi tendres, jeunes d’âge, se mirent à imiter ce qu’ils entendaient, et voyaient. Car entendant chanter les oiseaux, ils chantaient ; voyant bondir les agneaux, ils sautaient à l’envi ; et, comme les abeilles, allaient, cueillant des fleurs, dont ils jetaient les unes dans leur sein, et des autres arrangeaient, des chapelets pour les Nymphes ; et toujours se tenaient ensemble, toute besogne faisaient en commun, paissant leurs troupeaux l’un près de l’autre… » Voilà le thème. […] Voilà pourtant la fleur des romans de l’Antiquité. » M.  […] Ne jugeons pas les produits et les fleurs d’une civilisation avec les idées d’une autre.

122. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Les fleurs sentent bon ! […] Oui, les fleurs sentent bon, et cela leur suffit. […] Les fleurs éclatent, pareilles à des astres flamboyants. […] Les fleurs se balancent semant des parfums. […] Parmi l’herbe onduleuse, des fleurs luisent comme les astres là-haut.

123. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

Le cœur humain est comme la terre ; on peut semer, on peut planter, on peut bâtir ce qu’on veut à sa surface ; mais il n’en continuera pas moins à produire ses verdures, ses fleurs, ses fruits naturels ; mais jamais pioches ni sondes ne le troubleront à de certaines profondeurs ; mais, de même qu’elle sera toujours la terre, il sera toujours le cœur humain ; la base de l’art, comme elle de la nature. […] Il ressent, en abandonnant ce livre inutile au flot populaire qui emporte tant d’autres choses meilleures, un peu de ce mélancolique plaisir qu’on éprouve à jeter une fleur dans un torrent, et à voir ce qu’elle devient. […] C’est l’écho de ces pensées, souvent inexprimables, qu’éveillent confusément dans notre esprit les mille objets de la création qui souffrent ou qui languissent autour de nous, une fleur qui s’en va, une étoile qui tombe, un soleil qui se couche, une église sans toit, une rue pleine d’herbe ; ou l’arrivée imprévue d’un ami de collège presque oublié, quoique toujours aimé dans un repli obscur du cœur ; ou la contemplation de ces hommes à volonté forte qui brisent le destin ou se font briser par lui ; ou le passage d’un de ces êtres faibles qui ignorent l’avenir, tantôt un enfant, tantôt un roi.

124. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Dieu cueillait comme des fleurs froissées Les femmes, les enfants qui s’envolaient aux cieux. […] Il y a des fleurs, des herbes, des senteurs de vie qui vous inondent malgré vous-même ; il y a une atmosphère d’insouciance qui vous berce et vous rend tout facile, même la souffrance. […] J’ai vu dans ces maisons bizarres des petites dames très-jolies et de très beaux enfants, des fruits par paniers, des fleurs toujours. […] … C’est alors que mes cinq ou vingt étages me paraissent des Pyrénées, moins les fleurs. — Loger au second, première richesse des ambitions raisonnables ! […] Une pièce du recueil intitulé : Pauvres Fleurs.

125. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

1842 C’est un de nos vœux qui s’accomplit aujourd’hui : nous avions désiré toujours qu’un volume contînt et rassemblât la fleur, le parfum de cette poésie si passionnée, si tendre, et véritablement unique en notre temps. […] fleurs des grandes prairies ! […] Ses projets mûrissent toujours Sa graine germe et pousse ; Le bouton, amer quelques jours Donne une fleur plus douce. […] Tu sentiras aussi par degrés toutes les fougues de ton cœur d’homme s’apaiser devant cet immense amour qui purifie tous les autres, et tu seras comme un enfant qu’une fleur contente et rend riche. […] … C’est alors que mes cinq ou vingt étages me paraissent des Pyrénées, moins les fleurs. — Loger au second, première richesse des ambitions raisonnables ; m’est-il à jamais interdit d’y prétendre ?

126. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Il soutenait sa tête pensive ; sa main gauche, comme alanguie par l’excès des sensations, tenait un petit bouquet de pervenche et de fleurs des eaux noué par un fil, que les enfants lui avaient sans doute cueilli, et qui traînait, au bout de ses doigts distraits, dans l’herbe humide. […] Marchant sur les tapis d’herbe en fleur et de mousses : « Ah ! […] Des harpes et des vers, souvenirs d’une fête, Des livres échappés à des doigts assoupis, Et des festons de fleurs détachés de la tête,             Y jonchaient les tapis. […] Ce boudoir ouvrait sur une terrasse de douze pas de circuit, sur laquelle deux ou trois pots de fleurs souffrantes de leur asphyxie recevaient à midi un rayon de soleil entre deux toits, et où les moineaux d’une écurie voisine piétinaient dans l’eau de pluie. […] Le soir, du pèlerin tu guides le retour…… Le crime, en ses remords, vient t’arroser de pleurs, Et la vierge au front pur te couronne de fleurs.

127. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Lettre à Alphonse Karr, jardinier Esprit de bonne humeur et gaîté sans malice, Qui même en le grondant badine avec le vice, Et qui, levant la main sans frapper jusqu’aux pleurs, Ne fustige les sots qu’avec un fouet de fleurs ! […] On dit que d’écrivain tu t’es fait jardinier ; Que ton âne au marché porte un double panier ; Qu’en un carré de fleurs ta vie a jeté l’ancre Et que tu vis de thym au lieu de vivre d’encre ? […] Je vends ma grappe en fruit comme tu vends ta fleur, Heureux quand son nectar, sous mon pied qui la foule, Dans mes tonneaux nombreux en ruisseaux d’ambre coule, Produisant à son maître, ivre de sa cherté, Beaucoup d’or pour payer beaucoup de liberté ! […] C’était aussi le temps où ces jouets de l’âme, Tes romans, s’effeuillaient sur des genoux de femme, Et laissaient à leurs sens, ivres du titre seul, L’indélébile odeur de la fleur du Tilleul !

128. (1894) Textes critiques

De Guignet, deux jeunes filles penchées sur l’aube douce des fleurs, et le Forgeron roussi dont je parle ailleurs ; — ainsi que des Maufra restés.‌ […] Et dans la salle voisine, par la vitre, le buste de Verlaine. — Trois Guiguet d’attention tous : enfant félin, femme qui tricote et surtout la femme au balcon entre le vol des fleurs vite posées, les yeux tout près, qui sait que le soleil se lève régulier au bâillement des maisons9. — Un d’Espagnat somptueux, balayant la route à l’ombre de sa barbe de fer. — Des Cuvelier aux fleurs de tapisserie, aurore ou crépuscule de toits charnus. […] …) et ses lacs entre les forêts de fleurs bleues, sous les cygnes violets, et ses fleurs serpentant parmi les arbres précieux… Citons sa Marche suisse, sa reine des émeraudes qui, avec des étoiles, jonglait, jonglait, jonglait, … jonglait…‌   L’EMPLOYEE, de Charles de Rouvre (Bibliothèque des Modernes). […] Laissons les autres, dit Orphée à la dérive et noyé au milieu des fleurs. […] pourpiers d’or, fleurs d’Anbour !

129. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Il ne lui arrive jamais, aux heures de rêverie, de voir, dans les étoiles, des fleurs divines qui jonchent les parvis du saint lieu, des âmes heureuses qui respirent un air plus pur, et qui parlent, durant les nuits, un mystérieux langage aux âmes humaines. […] La poésie d’André Chénier n’a point de religion ni de mysticisme ; c’est, en quelque sorte, le paysage dont Lamartine a fait le ciel, paysage d’une infinie variété et d’une immortelle jeunesse, avec ses forêts verdoyantes, ses blés, ses vignes, ses monts, ses prairies et ses fleuves ; mais le ciel est au-dessus, avec son azur qui change à chaque heure du jour, avec ses horizons indécis, ses ondoyantes lueurs du matin et du soir, et la nuit, avec ses fleurs d’or, dont le lis est jaloux. […] on n’a rien de mieux à faire alors que de lui donner audience : Mais aux jours les plus beaux de la saison nouvelle, Que Zéphire en ses rets surprend Flore la belle, Que dans l’air les oiseaux, les poissons en la mer, Se plaignent doucement du mal qui vient d’aymer, Ou bien lorsque Cérès de fourment se couronne, Ou que Bacchus soupire amoureux de Pomone, Ou lorsque le safran, la dernière des fleurs, Dore le Scorpion de ses belles couleurs ; C’est alors que la verve insolemment m’outrage, Que la raison forcée obéit à la rage. […] Il compare sa muse jeune et légère à l’harmonieuse cigale, amante des buissons, qui, De rameaux en rameaux tour à tour reposée, D’un peu de fleur nourrie et d’un peu de rosée, S’égaie… et s’il est triste, si sa main imprudente a tari son trésor, si sa maîtresse lui a fermé, ce soir-là, le seuil inexorable, une visite d’ami, un sourire de blanche voisine, un livre entr’ouvert, un rien le distrait, l’arrache à sa peine, et, comme il l’a dit avec une légèreté négligente : On pleure ; mais bientôt la tristesse s’envole. […] Comme son ïambe vengeur nous montrera d’un vers à l’autre les enfants, les vierges aux belles couleurs qui venaient de parer et de baiser l’agneau, le mangeant s’il est tendre, et passera des fleurs et des rubans de la fête aux crocs sanglants du charnier populaire !

130. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

On connaît beaucoup de plantes qui produisent régulièrement des fleurs de différentes formes, soit sur leurs différentes branches, soit au centre ou à la circonférence de leurs ombelles, etc. ; et si la plante cessait de produire des fleurs de l’une ou de l’autre forme, son caractère spécifique pourrait en être soudainement et considérablement altéré ; mais nous ignorons, du moins quant à présent, par quels degrés de modification et pour quelle fin une plante produit deux sortes de fleurs. Parmi les plantes cultivées, chacune des rares variétés connues, qui portent régulièrement des fleurs ou des fruits de formes différentes, est due à une modification soudaine. […] Cependant un auteur allemand fait plus d’une douzaine d’espèces d’autant de formes presque universellement considérées comme des variétés, et l’on pourrait s’appuyer tour à tour sur les plus hautes autorités botaniques ou sur les praticiens les plus expérimentés de l’Angleterre pour établir que le Chêne à fleurs pédonculées et le Chêne sessiliflore sont deux espèces bien distinctes selon les uns, deux simples variétés selon les autres.

131. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Un jour qu’ils se promènent ensemble, ils parlent de Charlotte ; la tristesse de Werther devient plus profonde, l’idée vague du suicide pénètre en lui sous une forme allégorique qui permet de la deviner : « Je marche à côté de lui, nous parlons d’elle ; je cueille des fleurs sur mon passage ; j’en fais avec soin un bouquet, puis… je le jette dans la rivière qui coule aux environs, et je m’arrête à le voir s’enfoncer insensiblement. » Ainsi il a entrevu l’abîme final sous la forme de quelques fleurs disparaissant sous l’eau. […] George Elliot nous dit se contenter de regarder la vieille femme songeuse, penchée sur un pot de fleurs et mangeant son dîner solitaire ; — eh ! toute la poésie de la vieillesse, du passé se souvenant, est là : la fleur et la solitude, mais c’est presque de la mise en scène pour cette figure de vieille femme. […] Quand on traite ces sortes de sujets, il faut les traiter comme le médecin visite une plaie, suit un cas pathologique, rien de plus : on ne couronne pas de fleurs une bosse. […] C’est l’explosion finale d’une série d’antécédents qui tous la préparent ; un événement aussi sur et aussi fatal que la mort de la fleur rongée au cœur par un insecte. « Le suicide ou la folie, voilà la fin naturelle d’une nature douée d’une sensibilité morbide et dont la faible volonté est incapable de lutter avec les dures épreuves de la vie. « (Maudsley, le Crime et la Folie, p. 258.)

132. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Et comme j’étais debout, jetant de côté les yeux, J’aperçus le plus beau néflier Que j’eusse jamais vu dans ma vie, Aussi rempli de fleurs que cela peut être, Et dessus un chardonneret qui sautait joliment De branche en branche, et, à son caprice, mangeait Çà et là les boutons et les douces fleurs. […] De l’autre côté, arrivait une troupe de dames aussi magnifiques que les autres, mais couronnées de fleurs nouvelles. […] Je veux donner la fleur de mon âge aux actes et aux fruits du mariage… Je veux un mari, et je ne le lâcherai pas !  […] Point de fruits, mais des fleurs passagères et frêles, beaucoup de branches inutiles, encore plus de branches mourantes ou mortes, voilà cette littérature : c’est qu’elle n’a plus de racine ; après trois cents ans d’efforts, un lourd instrument souterrain a fini par la couper. […] Voyez les costumes sous Henri IV et Henri V, les coiffures monstrueuses en cœur ou en cornes, les longues manches chargées de dessins fantastiques, les panaches, et aussi les oratoires, les tombeaux armoriés, les petites chapelles éblouissantes qui viennent s’étaler comme des fleurs sous les nefs du gothique perpendiculaire.

133. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

» Vilmorin n’aurait plus maintenant ses jardins pépiniéristes de plantes et de fleurs, dans le midi de la France, où l’abri des roseaux pendant l’hiver n’est plus suffisant ; il aurait été obligé de les transporter en Égypte. […] En sortant de là, entré à l’Exposition des fleurs. Des orchidées, des lilia, je crois, qui ont l’air de fleurs de chair, avec la petite tache de sang d’une fraise : des fleurs étranges qui sont comme un passage de la flore à de l’animalité angélique. […] Maintenant dans le jardin, dans le petit parc, des plantes venues de chez tous les horticulteurs de l’Angleterre, de la Hollande, de la France, des plantes admirables, des plantes amusant la vue par leurs ramifications artistes, par leurs nuances rares, et surtout des iris du Japon, aux fleurs grandes comme des fleurs de magnolia, et aux colorations brisées et fondues des plus beaux flambés. […] Mercredi 18 septembre La duchesse de Luynes disait à quelqu’un admirant la richesse, le luxe des fleurs à Dampierre : « Mes jardiniers remuent, dans l’année, 600 000 pots de fleurs ! 

134. (1763) Salon de 1763 « Peintures — La Grenée » pp. 206-207

Mon ami, si vous retournez au Salon, n’oubliez pas de comparer ce tableau de La Grenée avec l’Athénienne qui arrose des, fleurs, de Vien. […] Celle-ci n’est occupée que du plaisir de voir croître ses fleurs ; celle de La Grenée a d’autres pensées.

135. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre III. Suite des Époux. — Adam et Ève. »

Je me rappelle souvent ce jour, où, sortant du premier sommeil, je me trouvai couchée parmi les fleurs, sous l’ombrage ; ne sachant où j’étais, qui j’étais, quand et comment j’avais été amenée en ces lieux. […] Adam, ravi de sa beauté et de ses grâces soumises, sourit avec un supérieur amour : tel est le sourire que le ciel laisse au printemps tomber sur les nuées, et qui fait couler la vie dans ces nuées grosses de la semence des fleurs. […] Ils pénètrent dans l’obscurité du bocage, et se couchent sur un lit de fleurs.

136. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes petites idées sur la couleur » pp. 19-25

Et les oiseaux et les nuances dont leur plumage est teint ; et les fleurs et leur velouté ; et les arbres et leurs différentes verdures ; et l’azur du ciel et la vapeur des eaux qui les ternit ; et les animaux et les longs poils et les taches variées de leur peau, et le feu dont leurs yeux étincellent. […] Vous pourriez croire que, pour se fortifier dans la couleur, un peu d’étude des oiseaux et des fleurs ne nuirait pas. […] Les fruits, les fleurs changent sous le regard attentif de la Tour et de Bachelier ; quel supplice n’est donc pas pour eux le visage de l’homme, cette toile qui s’agite, se meut, s’étend, se détend, se colore, se ternit selon la multitude infinie des alternatives de ce souffle léger et mobile qu’on appelle l’âme ?

137. (1902) La poésie nouvelle

En 1886, Laforgue avait à peu près achevé ses Fleurs de Bonne Volonté ; il s’était même assuré d’un éditeur pour la publication de ce recueil. […] Voici, par exemple, quelques vers des Fleurs de Bonne Volonté.‌ […] Et là encore, c’est l’Oubli qui jette des fleurs fanées et se tourne vers les prochains printemps. […] Elle tend les fleurs au bien-aimé, elle lui tend ses lèvres, humides d’avoir baisé les fleurs, elle lui tend ses seins qui palpitent et tout son doux corps délicieux, tiède en l’attente des voluptés. […] …‌ Maintenant, elle retourne à la mer maternelle qui bercera ses cheveux parmi les algues et la fleur rouge de ses seins parmi les fleurs marines, et de ses lèvres fera des coraux, et de ses oreilles fera des conques pour les échos lointains du large.

138. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Une table de marqueterie sera ornée d’une jonchée de fleurs. […] Il résoudra en se jouant ce problème paradoxal, de mettre tout le printemps dans une fleur et toute cette fleur dans quelques traits. […] Le parfum de la fleur d’églantier et sa couleur me semblent en parfait accord. […] Faut-il tant d’appareil pour nous présenter quelques fleurs des champs ? […] Mais pourquoi cette jonchée de fleurs ?

139. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

En 1857, la première édition des Fleurs du Mai est mise en vente. […] L’auteur des Fleurs du Mal lui-même n’échappe pas à cette loi fatale. […] L’expérience en indique un déjà : les Fleurs du Mal et les Poèmes en prose en donnent un exemple. […] Chez le maître des Fleurs du Mal en particulier — et nous aurons pourtant à examiner sa doctrine du satanisme — la théorie de M.  […] Depuis Chateaubriand tous les poètes ont chanté ce lourd engourdissement de l’âme, et un tiers peut-être des Fleurs du Mal est consacré à en peindre les nuances et à en accentuer la désolation.

140. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Jamais la fleur de la bêtise humaine ne s’est plus candidement épanouie ! […] c’est, la fleur de l’âge. » M.  […] Sur son arbre la fleur ne devait pas se nouer en fruit ; il fallait qu’elle restât fleur éternellement, et si elle se détachait de la branche, c’était pour aller parfumer de son empreinte flétrie les pages de quelque reliquaire. […] Adieu lu bottine grise, la robe de toile et le chapeau de paille parfumé d’une fleur naturelle. […] « Nous n’avons jamais lu les Fleurs du mal de Ch.

141. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Aicard, Jean (1848-1921) »

Par contre, il faut signaler particulièrement de petites pièces, dans le goût des poètes grecs, qui sont ravissantes, la Rose jalouse, entre autres : Comme elle m’embrassait, une rose au corsage, La rose me piqua, jalouse du visage ; Je baisai donc la fleur qui, rose avec pâleur, Me parut un sourire appuyé sur ma bouche Ce que voyant (l’amour pour un rien s’effarouche), L’enfant m’égratigna, jalouse de la fleur.

142. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

On peut constater de même un merveilleux progrès chez beaucoup de plantes fleuristes, si l’on en compare les fleurs actuelles avec des dessins faits il y a seulement vingt ou trente ans. […] Il est encore un autre moyen d’observer les effets accumulés de la sélection quant aux plantes : c’est de comparer, dans les parterres, la grande diversité des fleurs chez les variétés différentes d’une même espèce et l’analogie de leur port et de leur feuillage ; dans les jardins potagers, la diversité contraire des feuilles, des gousses, des tubercules, ou, plus généralement, de toutes les parties de la plante ayant une valeur culinaire quelconque, relativement à la monotone uniformité des fleurs ; enfin, dans les vergers, la diversité des fruits de la même espèce en comparaison de l’uniformité des feuilles et des fleurs de ces mêmes arbres. […] et que de ressemblances dans les fleurs ! Combien, au contraire, sont différentes les fleurs de la Pensée ! […] et cependant les fleurs ne présentent que des différences insignifiantes !

143. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Le stoïcisme, le calvinisme, un certain catholicisme janséniste, sont contraires et mortels au sentiment de la nature ; l’épicuréisme, qui ne veut que les surfaces et la fleur ; le panthéisme, qui adore le fond ; le déisme, qui ne croit pas à la chute ni à la corruption de la matière, et qui ne voit qu’un magnifique théâtre, éclairé par un bienfaisant soleil ; un catholicisme non triste et farouche, mais confiant, plein d’allégresse, et accordant au bien la plus grande part en toutes choses depuis la Rédemption, le catholicisme des saint Basile, des saint François d’Assise, des saint François de Sales, des Fénelon ; un protestantisme et un luthéranisme modérés, que les idées de malédiction sur le monde ne préoccupent pas trop ; ce sont là des doctrines toutes, à certain degré, favorables au sentiment profond et aimable qu’inspire la nature, et aux tableaux qu’on en peut faire. […] Ils vous diront d’un blanc manteau, qu’il est plus blanc que neige sur gelée  ; et d’une châtelaine, qu’elle eut plus blanc col et poitrine que fleur de lis ni fleur d’épine  ; mais ce sont là des traits et non pas un tableau. […] Racine l’eût été de même s’il avait plus osé s’abandonner à cette admiration rêveuse qu’il ressentait, jeune écolier, en s’égarant dans les prairies et le désert de Port-Royal, et qui lui inspirait au déclin de sa vie cette aimable peinture des fleurs d’Esther. […] Dès huit ans il cultivait un petit jardin et prenait part à la culture des fleurs, comme il convenait à l’auteur futur du Fraisier. […] S’il y a quelque exagération à dire cela, il faut convenir que Bernardin parle à chaque instant de cette terre raboteuse, toute hérissée de roches, de ces vallons sauvages, de ces prairies sans fleurs, pierreuses et semées d’une herbe aussi dure que le chanvre  ; mais la tristesse de l’exil rembrunissait tout à ses yeux.

144. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Petit glossaire »

— Assemblage de fleurs ou de fruits qui, bien que les rameaux ou pédoncules naissent de divers points de la tige, s’élèvent au même niveau, l. […] De fallaces fleurs emplissent la coiffe de satin rose. […] — Orner de fleurs artificielles. […] Des chimères d’argent butinent parmi les fleurs magiques et se lovent. […] Aux fleurs marcescentes du minuscule parterre, elle laisse un pitoyant regard.

145. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Le critique, quand il s’agit de M. de Chateaubriand, n’en est plus un ; il se borne à rassembler les fleurs du chemin et à en remplir sa corbeille ; c’était l’office, dans les fêtes antiques, de ce qu’on appelait le canéphore ; et même en cette histoire de cloître, si l’on nous passe l’image, c’est ainsi que nous ferons.  […] Pellisson, lorsque celui-ci vint à la Trappe après sa conversion, non pas comme un bon livre, mais comme un livre fort propre et bien relié ; que dans les deux premières années de sa retraite, avant d’être religieux, il avoit voulu relire les poètes, mais que cela ne faisoit que rappeler ses anciennes idées, et qu’il y a dans cette lecture un poison subtil caché sous des fleurs qui est très-dangereux, et qu’enfin il avoit fallu quitter tout cela. » Quand vint la lutte sérieuse, Rancé, on le voit, n’hésita point ; le culte charmant résista peu en lui à cet endroit ; aussi il n’était que scoliaste et non poëte, il étouffa plus aisément sa colombe, qui n’était que celle d’Anacréon.  […] Un biographe élégant, l’abbé de Marsollier, nous l’a peint avec une sorte de complaisance : « Il étoit à la fleur de l’âge, n’ayant qu’environ vingt-cinq ans ; sa taille étoit au-dessus de la médiocre, bien prise et bien proportionnée ; sa physionomie étoit heureuse et spirituelle ; il avoit le front élevé, le nez grand et bien tiré sans être aquilin ; ses yeux étoient pleins de feu, sa bouche et tout le reste du visage avoient tous les agréments qu’on peut souhaiter dans un homme. […] René, il y a plus de quarante ans, invoquait l’aquilon et les orages qui le devaient enlever comme la feuille du dernier automne ; et ici, toujours le même, voilà qu’il s’est mis à regretter l’aubépine des printemps : « Heureux celui dont la vie est tombée en fleurs !  […] Le souffle et le parfum de l’amour expirent dans ces pages de la jeunesse, comme une brise le soir s’alanguit sur des fleurs : on s’en aperçoit et l’on ne veut pas se l’avouer.

146. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Qu’importe qu’il n’y ait chez la femme que la vie inconsciente des choses, des bois mouvants, de l’eau courante et des fleurs, puisque son sourire c’est pour nous, affirme Gustave Kahn :                        la clarté sur les îles Les îles blanches du lointain, Qui s’éveillent sous le frais matin De toutes leurs gerbes éblouies. […] Ô douce chose printanière, Ô jeune femme, ô fleur superbe, Épanouis ta nudité Royale, emmi tes sœurs de l’herbe. […] Nous avons, pour nous consoler, les fleurs, la musique et les livres. […] » Le livre s’orne d’un frontispice de Félicien Rops : une femme hiératique soupèse l’enfant amour, qu’elle respire comme une proie, au milieu d’un paysage stylisé d’arbres, de fleurs et d’ibis. […] Elle m’élude, ne laissant que le corps entre mes mains. — Confus et lassé, je retombe — comment pourrait le corps toucher la fleur que l’âme seule peut toucher14 ? 

147. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Ces premières fleurs de poésie sont toutefois des fleurs d’hiver, cela s’y sent un peu trop à une teinte morale et austère qui est répandue sur le tout ; mais il n’en sera pas ainsi de son second recueil, de son grand et charmant poème. […] Cette rare personne était douée des plus heureux dons ; elle n’était plus très jeune ni dans la fleur de beauté ; elle avait, ce qui est mieux, une puissance d’attraction et d’enchantement qui tenait à la transparence de l’âme, une faculté de reconnaissance, de sensibilité émue jusqu’aux larmes pour toute marque de bienveillance dont elle était l’objet. […] L’ondée abondante chargeait la fleur et faisait pencher sa tête si belle. […] Le poète suit les divers degrés de perfectionnement et montre à plaisir la tapisserie dont bientôt on revêtit le bois des sièges dans les anciens jours, tapisserie à l’étroit tissu, richement brodée, « où l’on pouvait voir s’étaler la large pivoine, la rose en fleur tout épanouie, le berger à côté de sa bergère, sans oublier le petit chien et le petit agneau avec leurs yeux noirs tout fixes et tout ronds, et des perroquets tenant une double cerise dans leur bec. » — Tous ces riens sont agréablement déduits et relevés de couleurs, comme le ferait au besoin l’abbé Delille ou comme un spirituel jésuite n’y manquerait pas non plus dans des vers latins.

148. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Elle insiste fort sur la direction positive qu’il faut se tracer et suivre, sans regret, sans repentir, sans plus regarder en arrière une fois qu’on s’est dit d’aller ; il faut partir d’où l’on est et vouloir ce qu’on veut : « Décidons-nous, dit-elle en concluant, sur la route que nous voulons prendre pour passer notre vie, et tâchons de la semer de fleurs. » Tâchons, en effet ; mais cet effort se marque trop, et ce propos si déterminé de semer des fleurs est tout fait pour les empêcher d’éclore. En général, ce qui manque dans tout ce morceau Sur le bonheur, c’est quelques-unes de ces fleurs mêmes dont parle l’Hippolyte d’Euripide, fleurs encore tout humides de rosée, et qui ont été cueillies dans la prairie qu’arrose la Pudeur 20. […] Simonide le disait mieux dans des vers dont voici le sens : « La santé est le premier des biens pour l’homme mortel ; le second, c’est d’être beau de nature ; le troisième, c’est d’être riche sans fraude ; et le quatrième, c’est d’être dans la fleur de jeunesse entre amis. » Ces traités où la théorie s’évertue à démontrer les machines et les industries de détail du bonheur, et à inventer à grande peine ce qui naît de soi-même dans la saison, me rappellent encore un joli mot de d’Alembert, et qui ne sent pas trop le géomètre : « La philosophie s’est donné bien de la peine, dit-il, pour faire des traités de la vieillesse et de l’amitié, parce que la nature fait toute seule les traités de la jeunesse et de l’amour. » Il est pourtant des endroits bien sentis dans le traité de Mme du Châtelet : elle y parle dignement de l’étude, qui, « de toutes les passions, est celle qui contribue le plus à notre bonheur ; car c’est celle de toutes qui le fait le moins dépendre des autres ».

149. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Ces ruines de son ouvrage primitif ressemblaient à celles qui sont jetées dans un paysage, et qui le décorent ; il les avait revêtues de fleurs et de verdure. Il y avait trop de fleurs, il y avait trop de verdure ; mais le siècle en voulait beaucoup, surtout dans les livres. […] Sa plaie n’était point encore fermée, malgré la douceur du succès et la récompense publique de ses travaux : « Vous n’en voyez que la fleur, disait-il à ceux qui le félicitaient, l’épine est restée dans mes nerfs. » Cependant, au milieu de cette souffrance à demi consolée, il suivait sa voie, et il publiait en 1788 le quatrième volume des Études, qui contenait Paul et Virginie. […] Même lorsqu’il est le mieux traité et le plus choyé dans ses voyages à Paris, lorsque chacun le caresse et veut le retenir, Bernardin ne soupire pas moins après sa solitude champêtre ; il sent que la vie s’écoule, que ses dernières pages à achever le réclament, et il écrit alors naïvement à sa jeune femme : Je suis comme le scarabée du blé, vivant heureux au sein de sa famille à l’ombre des moissons ; mais, si un rayon du soleil levant vient faire briller l’émeraude et l’or de ses élytres, alors les enfants qui l’aperçoivent s’en emparent et l’enferment dans une petite cage, l’étouffent de gâteaux et de fleurs, croyant le rendre plus heureux par leurs caresses qu’il ne l’était au sein de la nature. […] Écoutons M. de Féletz, rapporteur de la séance dans le Journal de l’Empire d’alors (26 novembre) : Après avoir jeté, dit-il ironiquement, quelques fleurs sur M. 

150. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

pour toi la terre diaprée épanouit ses fleurs ; pour toi sourit la face de l’Océan, et le ciel apaisé brille de flots de lumière. […] Ainsi raisonnent les hommes, quand, à l’alentour d’une table, souvent ils tiennent la coupe, et que, couronnant leur tête de fleurs, ils disent volontiers : Ce plaisir n’a qu’un moment pour les pauvres humains ; tout à l’heure il aura passé, et il ne sera pas permis de le rappeler jamais. » Cette fois encore un prélude avait retenti, non pas sans doute de la lyre sacrée, mais de cette corde mélancolique et douce que devait bientôt toucher Horace avec plus d’insouciance que de triste certitude, et en égayant son âme par les douceurs de la vie sans prétendre la convaincre qu’elle doit à jamais mourir. […] « Telle, dans le verger à mille couleurs d’un maître opulent, paraît la fleur d’hyacinthe. […] « Telle qu’une fleur solitaire est née dans l’enclos d’un jardin, à l’abri des troupeaux, loin du soc de la charrue, caressée par les souffles de l’air, fortifiée par le soleil, nourrie des eaux du ciel, objet d’envie qu’ont souhaité bien des enfants et des jeunes filles ; et puis, s’est-elle fanée sous le doigt léger qui la cueille, nuls enfants, nulles jeunes filles ne l’ont plus souhaitée : telle la vierge, tant qu’elle reste pure, est chérie des siens. A-t-elle perdu la chaste fleur de sa beauté, elle n’est plus aimable aux yeux des adolescents, ni chère aux jeunes filles.

151. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIII. »

Le poëte est là tout entier dans ses rêves de liberté sans limites, sa haine de la tyrannie sous toutes les formes, les démentis de son espérance, sa tristesse aussi profonde que sa confiance avait été aveugle et trompée : « Ô vous, nuages, qui, au loin sur ma tête, flottez et vous arrêtez, vous dont nul mortel ne peut régler la marche dans l’espace sans route ; vous, ondes de l’Océan, qui, vers quelque plage que vous rouliez, n’obéissez qu’aux lois éternelles ; vous, forêts, qui écoutez le chant de l’oiseau de nuit penché sur l’écorce d’une branche inclinée, hormis quand vous-mêmes, secouant vos rameaux, vous formez ce majestueux concert des vents devant lequel, comme un inspiré de Dieu, à travers des détours que nul homme des bois n’a jamais foulés, j’ai tant de fois égaré, parmi les herbes sauvages en fleurs, ma course éclairée de la lune, sous l’aspect ou l’écho de chaque image informe qui m’apparaissait, de chaque bruit insaisissable retentissant au désert ! […] Regarde maintenant sous les rameaux du bambou courbés en arc, là où, semant d’étincelles cette obscurité sainte, la fleur écarlate du géranium resplendit aux yeux, et notre sentier s’égare entre maints berceaux d’arbres odorants et de fleurs gigantesques, tandis que l’éclat rougissant du ceiba se déploie au-dessus de l’ombrage plus modeste du plantain aux larges feuilles et sur les rangées de l’ananas rugueux. […] Le bourgeon naissant est cueilli par le martyre : la fleur s’épanouira dans les cieux. […] le bourgeon naissant est cueilli par le martyre ; la fleur s’épanouira dans les cieux. » C’est ainsi que presque tous les pieux souvenirs du christianisme, les mystères de la foi, les fêtes du culte, les noms des saints consacrés, furent célébrés par l’évoque-poëte.

152. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

La plupart de mes lecteurs l’auront déjà senti et en auront fait tout bas la remarque : le monde est présentement occupé et distrait ; il n’a plus d’oreille pour le poëte qui se plaint seul, pour celui qui vient nous dire sur tous les tons : Je suis la fleur des champs égarée au désert… ou bien : J’étais un jeune oiseau sans plumes à son aile… Le monde commence à être rebattu de l’éternelle chanson ; il a écouté, non point patiemment, mais passionnément, tous les grands plaintifs depuis Job jusqu’à Childe-Harold ; il s’écoutait lui-même en eux, et il assistait à ses propres pensées désolées : cela lui suffît ; le reste lui paraît faible ; les pleureurs à la suite ont tort ; il en a assez pour quelque temps de ces lamentations sur les lacs et sur les rochers. […] Son eau fraîche a fui goutte à goutte, Le suc des fleurs s’est épuisé ; Personne encore ne s’en doute, N’y touchez pas, il est brisé ! Souvent aussi la main qu’on aime, Effleurant le cœur, le meurtrit ; Puis le cœur se fend de lui-même, La fleur de son amour périt. […] Comme autour des fleurs obsédées Palpitent les papillons blancs, Autour de mes chères idées Se pressent de beaux vers tremblants ; Aussitôt que ma main les touche, Je les vois fuir et voltiger, N’y laissant que le fard léger De leur aile frêle et farouche.

153. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Qu’il les courtise ou non, il est à son aise dans leur compagnie, occupé et charmé, comme au milieu d’un jardin plein de fleurs. […] Il rêve toute une nuit de la princesse de Conti qu’il vient de voir parée et prête à partir pour le bal : L’herbe l’aurait portée, une fleur n’aurait pas     Reçu l’empreinte de ses pas… Vous portez en tous lieux la joie et les plaisirs15 ; Allez en des climats inconnus aux zéphyrs, Les champs se vêtiront de roses. […] Une grosse toile vulgaire, uniforme, sur laquelle de loin en loin on aperçoit une belle fleur délicatement peinte, voilà l’image de notre condition ; celui-là seul est à envier qui peut montrer sur sa trame beaucoup de fleurs pareilles.

154. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Après les grandes rêveries de Lamartine et de Musset devant la femme, après leurs généreuses confusions du monde et de la divinité au sein de l’amante, le poète de la Bonne Chanson nous a ramenés sur la terre, dans la tiède atmosphère des vivants, parmi des fleurs familières et mortelles. […] Un luxe frais, des bijoux de rosée, des perles d’eau sur les fleurs, exaltent son jardin d’art. […] Edmond Pilon La bonne Vierge-Vénus et la Vénus-Marie Se penchent, se désolent, sanglotent et prient Sur ton tombeau plus blanc que celui des colombes, De l’Olympe, du Pélion, du Paradis, Des anges, des satyres et des séraphins prient Pour le pauvre homme bon et le poète parti Vers les églises d’encens et les riches prairies Où la harpe entremêle à la flûte fleurie Des rythmes de prière à des chansons d’orgie ; Ta vie toute pareille à celle du pèlerin, Dont la violente jeunesse grisée d’amour et de vin Avance peu à peu vers la prière des anges, Aboutit — ô Verlaine — à ce tombeau étrange Bâti des impuretés de ta jeunesse ardente Et des strophes liliales de tes poèmes chrétiens ; Te voici, à présent, couché dans la prairie ; Mais la rouge passiflore à la fleur de Marie Enlace, malgré tout, sa passion orgueilleuse Aux tiges de la pensée et des fleurs religieuses Que placeront des amis, que sèmeront des fidèles Et que planteront de beaux anges avec leurs ailes… La couronne d’épines et la couronne de roses, Le bâton de Tannhauser et la houlette des fêtes Que Watteau dessina, pour toi, voici deux siècles, S’emmêlent sur ton ombre tourmentée et posent Leur symbolique trophée au bord de ton silence… Verlaine, ton tombeau est un tombeau étrange Que veillent à la fois les amours et les anges… [La Vogue (15 juin 1900).]

155. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

L’éditeur anonyme de ce portefeuille de Madame Récamier, trié et surveillé, l’éditeur qui fait la main pieuse, déposant, de nuit, des fleurs sur un tombeau, nous raconte tout ce qui lui plaît sans mettre hardiment, en se nommant, comme il y était tenu, le poids de sa moralité et de son autorité en tête des récits qu’il nous donne et qu’il faudrait appeler, car c’est là leur vrai titre : Souvenirs sur Madame Récamier, par une personne qui l’a bien connue, mais qui n’a pas voulu y mettre son nom. […] Aussi y eut-il un jour, dit l’Histoire, où ce bronze fut jaloux de cette fleur. […] IV Il en est de même pour la Correspondance, continuée par Madame Lenormant, et qui nous fait trop toucher, dans des lettres extrêmement médiocres, Madame Récamier, cette fleur idéale de Madame Récamier, qui, après de pareilles lettres, ne sera toujours pas la fleur qui chante !

156. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Vous avez beau remonter à l’origine des choses et des idées ou à l’A B C de la grammaire et de la rhétorique, suivre un à un les pas de la logique ou faire appel au sens commun simplement, mettre en avant la raison ou, ce qui vaut mieux, la nature ; au fond de toutes vos théories littéraires il y a un sentiment, pas autre chose, analogue, non point au sentiment large d’un homme libre de préjugés qui trouve belles toutes les belles fleurs et belles toutes les belles femmes, chacune dans son genre de beauté, mais au sentiment étroit d’un petit propriétaire qui n’a d’yeux que pour les fleurs de ses plates-bandes et de ses pois, ou d’un jeune amoureux prêt à rompre les os au premier qui osera dire que sa maîtresse n’est pas la plus belle femme du monde. […] Saisissons dans leur fleur ces premiers sentiments délicats et fugitifs qui naissent en nous spontanément avant toute réflexion : la critique littéraire n’est que l’analyse des sentiments littéraires.

157. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

Sur les parfums chauffés brûlant comme des flammes, Sur les fleurs qu’on est las d’arroser, sur les femmes Qu’est-ce qu’on pourrait bien écrire de très doux ? […] On ne peut avoir à la fois la fleur et le fruit. Or c’est, ici, la fleur qui importe.

158. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bouilhet, Louis (1821-1869) »

Henry Céard Dans le même recueil (les Dernières chansons), les amateurs seront dédommagés par un petit poème de peu de vers et qui célèbre les amours d’une fleur et d’un rossignol. Quand on aura pris son parti de deux ou trois mots dont la sonorité chinoise semble bien un peu barbare à nos oreilles accoutumées à de moins rudes syllabes, on goûtera délicieusement la délicatesse et la tendresse de l’humble fabliau où l’on ne sait Si c’est la fleur qui chante ou l’oiseau qui fleurit.

159. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mikhaël, Éphraïm (1866-1890) »

La fleur fraîche a péri, mais la feuille éternelle Verdoie, et tu souris, poète, et lu entends Chanter, échos amis de ta voix fraternelle, « Les joueurs de Syrinx épars dans le printemps ». […] Remy de Gourmont Puisqu’il ne nous laissa que de trop brèves pages, l’œuvre seulement de quelques années ; puisqu’il est mort à l’âge où plus d’un beau génie dormait encore, parfum inconnu, dans le calice fermé de la fleur, Mikhaël ne devrait pas être jugé, mais seulement aimé… Parallèlement à ses poèmes, Mikhaël avait écrit des contes en prose ; ils tiennent dans le petit volume des Œuvres, juste autant, juste aussi peu de place que les vers… Il suffit d’avoir écrit ce peu de vers et ce peu de prose : la postérité n’en demanderait pas davantage, s’il y avait encore place pour les préférés des dieux dans le-musée que nous enrichissons vainement pour elle et que les barbares futurs n’auront peut-être jamais la curiosité d’ouvrir.

160. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Montesquiou, Robert de (1855-1921) »

Le nom de Chef des odeurs suaves qu’il lui a donné ne saurait être mieux placé qu’en tête d’un livre de poésies qui ne chantent que les fleurs, nous en fait encore respirer les parfums au-delà de leurs petites vies, et nous les fait suivre jusque dans le vol de leurs âmes légères. […] Parurent ensuite : Le Chef des odeurs suaves, « poème dont les fleurs et les parfums groupés en symboles forment le sujet varié », Le Parcours du rêve au souvenir, « multiples feuillets recueillis au long des voyages du poète », Les Hortensias bleus, « modulations alternativement fortes et délicates », Les Perles rouges, 93 sonnets sur Versailles, qui font revivre, en lui gardant la grâce de sa vieillesse surannée, le grand siècle aboli.

161. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pilon, Edmond (1874-1945) »

C’est non loin d’un bois semblable que sont la maison de bois noir, la maison dans la forêt et la maison en fleurs, d’où M.  […] On en est pénétré comme de la bonté du soleil par un après-midi de printemps dans les champs de colzas en fleur.

162. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 6, de la nature des sujets que les peintres et les poëtes traitent. Qu’ils ne sçauroient les choisir trop interressans par eux-mêmes » pp. 51-56

Au milieu l’on voit le monument d’une jeune fille morte à la fleur de son âge : c’est ce qu’on connoît par la statuë de cette fille couchée sur le tombeau à la maniere des anciens. […] Mais cette inscription si courte fait faire les plus serieuses reflexions à deux jeunes garçons et à deux jeunes filles parées de guirlandes de fleurs, et qui paroissent avoir rencontré ce monument si triste en des lieux où l’on devine bien qu’ils ne cherchoient pas un objet affligeant.

163. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Je ne veux pas mieux Bouche de fleur, doux œil d’étoile. […] Tristes abeilles, menacées de perdre dans cette ombre jusqu’au souvenir des fleurs ! […] Adieu, le splendide encensoir Des prés en fleurs fumant dans le chaud crépuscule. […] Les chasserons-nous donc, couronnés de fleurs ou d’épines, de la République du Fait ? […] Voici d’adorables strophes sur la création des fleurs.

164. (1933) De mon temps…

A la maison attenait un jardin où Mirbeau cultivait des fleurs rares. […] Sur une table se hérissait un bouquet de chardons qui ressemblaient à des fleurs en ferronnerie. […] Certes, les fleurs de ces plates-bandes ne sont pas des fleurs rares, mais y a-t-il des fleurs communes ? […] Je le regardais se poser, palpiter, s’envoler avec mille gentillesses ailées et il me semblait voir en lui l’âme aérienne d’un candidat académique s’exerçant de fleur en fleur à l’« art des visites ». […] Elle le laisse avec son vieux puits, ses fleurs, à la disposition des papillons qui s’avisent d’y faire aux corolles des visites plus ou moins intéressées.

165. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Voix intérieures » (1837) »

Ce qu’il contient, les autres le contenaient ; à cette différence près que dans les Orientales, par exemple, la fleur serait plus épanouie, dans les Voix intérieures, la goutte de rosée ou de pluie serait plus cachée. […] Il faut qu’il puisse saluer le drapeau tricolore sans insulter les fleur de lys ; il faut qu’il puisse dans le même livre, presque à la même page, flétrir « l’homme qui a vendu une femme » et louer un noble jeune prince pour une bonne action bien faite, glorifier la haute idée sculptée sur l’arc de l’Étoile et consoler la triste pensée enfermée dans la tombe de Charles X.

166. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre II. Vue générale des Poèmes où le merveilleux du Christianisme remplace la Mythologie. L’Enfer du Dante, la Jérusalem délivrée. »

Au reste, si la Jérusalem a une fleur de poésie exquise, si l’on y respire l’âge tendre, l’amour et les déplaisirs du grand homme infortuné qui composa ce chef-d’œuvre dans sa jeunesse, on y sent aussi les défauts d’un âge qui n’était pas assez mûr pour la haute entreprise d’une Épopée. […] C’est moins chez eux, ainsi que parmi nous, quelques pensées éclatantes, au milieu de beaucoup de choses communes, qu’une belle troupe de pensées qui se conviennent, et qui ont toutes comme un air de parenté : c’est le groupe des enfants de Niobé, nus, simples, pudiques, rougissants, se tenant par la main avec un doux sourire, et portant, pour seul ornement, dans leurs cheveux, une couronne de fleurs.

167. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Pensées »

IV J’aime encore beaucoup à respirer les fleurs, mais je n’en cueille plus. […] Je la vois ; elle est dans sa fleur, elle a passé quinze ans à peine ; son front plein de fraîcheur se couronne d’une chevelure qui amoncelle ses ondes, et qui exhale des parfums que nul encore n’a respirés. […] L’humanité est plus grossière et plus forte en appétits que cela ; c’est comme si l’on voulait juger de l’ensemble d’une végétation rustique par quelques fleurs panachées de la serre du Luxembourg.

168. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre X. Prédictions du lac. »

La troupe fidèle allait ainsi, gaie et vagabonde, recueillant les inspirations du maître dans leur première fleur. […] Il aimait les fleurs et en prenait ses leçons les plus charmantes. […] Il n’y a de fleurs, d’herbe, d’ombrage que pour celui qui possède la terre.

169. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVII. Morale, Livres de Caractéres. » pp. 353-369

Son livre est un champ fertile où les fleurs & les fruits, sont mêlés sans aucun art. […] On a trouvé la même différence entre les deux recueils qu’entre les fleurs & les fruits, qu’entre Patercule & Tacite. […] La Métaphysique est une vaste mer où l’on rencontre des rochets à fleurs d’eau, des bancs de sable, des gouffres.

170. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

C’est une fleur amère d’arrière-saison. […] elle naquit sur la même branche que la rose pourpre de l’enthousiasme et la rose rose de la tendresse, — troisième rose, mais empoisonnée comme la fleur — rose aussi — du laurier. […] Elle ne lui pèse plus, ni à vous non plus qui le lisez, et véritablement il rappelle ces femmes qui ressemblent presque à des magies encore plus qu’à des magiciennes, et qui, malades de ces maladies nerveuses et mystérieuses comme l’utérus dont elles sont sorties, lèvent une table de marbre de l’extrémité de leurs doigts tournés en fuseau et la portent comme une corbeille de fleurs !

171. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Couronnés de fleurs, ils s’en étaient allés au festin de la Patrie. […] Depuis quelques années, il va cherchant la fleur d’or des légendes. […] Les âmes ont une fleur que la gloire efface. […] Elles aimaient mieux porter des chapeaux de fleurs. […] Ta jeunesse est en fleur.

172. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Et l’œuvre de Baudelaire, Fleurs du Mal et Spleen de Paris, elle se ramène au journal intime et franc du poète qui vit la vie d’une grande capitale. […] Baudelaire, pour toutes sortes de raisons, n’a pas épousé ce mouvement, qui est, au fond, sentimental, et qui porte devant lui (voyez Musset) moins les fleurs du mal que la petite fleur bleue et les camélias de la Dame. […] L’auteur de Mon cœur mis à nu a donné aux Fleurs du Mal et au Spleen de Paris, souvent, un aspect de planche anatomique intérieure. […] à reconstruire les Fleurs du Mal sur le modèle de la Divine Comédie. […] Et l’originalité de cette fleur consiste dans le lien qui l’unit à sa racine.

173. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

« Son visage à fleur de joues avait deux fossettes ; sa poitrine, qui commençait à se soulever, était une pêche double et pas mûre encore. […] Moins pâles sont les fleurs du cognassier. […] Voyons, belle enfant, là est quelque mystère. » — « Je veux, dit Mireille, me cacher en un couvent de nonnes à la fleur de mes ans plutôt que de me laisser unir à un époux. » On rit, on se moque de son serment. […] Ses oreilles, personne encore ne les lui avait percées ; elle avait des yeux bleus comme des prunes de buisson et le sein à peine enflé ; épineuse fleur de câpre que le Rhône amoureux aimait à éclabousser. […] Les oiseaux couchés sur les arbustes voisins s’envolèrent d’épouvante, et le parfum, cette âme de la fleur, embauma longtemps tout le golfe.

174. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Sur l’eau, à l’ombre, un jardin formé par une haie de roseaux à la Fragonard, levant leurs lances, d’où retombent si élégamment des tiges brisées, et tout au bord les larges feuilles des nénuphars, offrant et présentant, ainsi que des tasses sur des soucoupes, leurs fleurs étincelantes de blanc frais à cœur jaune, reflétées dans la rivière lucide. J’adore ces fleurs aquatiques. […] Ceci fait penser à un tableau de Fragonard, cela évoque ces fleurs éclatantes qui s’épanouissent sur la porcelaine de Chine. […] Elle amassa dans la fameuse chambre bleue où elle se tenait assise ou couchée quantité de choses rares, des fleurs et des meubles toujours à la dernière mode. […] En revanche, ce salon, d’où est exilé ce qui a un caractère intime, s’égaie de plafonds et de panneaux peints de couleurs claires, de lambris où des fleurs, des fruits, des oiseaux se suspendent en guirlandes légères ; il s’encombre aussi de bagatelles précieuses, de bibelots parisiens ou exotiques.

175. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Et quand le flot du jour me défait fleur à fleur, Je vois le purgatoire au fond de ma pâleur. […] Un enfant du village a-t-il perdu ces fleurs ? […] Il l’aperçoit à travers un nuage de fleurs. […] La fleur du cognassier s’ouvrait au bord des routes. […] Un matin, il pria un ami d’aller lui chercher des oranges et des fleurs ; de ces gentilles fleurs fortement parfumées qui ne s’ouvrent qu’au grand soleil.

176. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

En même temps, certains d’entre eux se laissaient hanter par le parfum troublant des Fleurs du Mal. […] Les deux livres qui suivent, Le Double Jardin et L’Intelligence des Fleurs indiquent assez souvent une sérénité presque confiante. […] Fontainas (André). — Le Sang des fleurs. […] Paris, Fasquelle, 1904. — L’Intelligence des fleurs. […] Les Fleurs du Mal, « La Chevelure ».

177. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Pour peu que l’éducation et la culture l’aient touché, il est (à en juger par la fleur des générations aimables et distinguées que nous en avons pu successivement connaître), il est ou devient aussitôt disposé à la poésie, à une certaine poésie, de même encore qu’il l’est naturellement à la musique. […] Au fond, il pensait toujours comme lorsqu’il avait dit dans sa riante peinture des Fleurs : Pour être heureux, il ne faut qu’une amante, L’ombre des bois, les fleurs et le printemps. […] On a remarqué que certaines natures poétiques, voluptueuses et sensibles, se flétrissent vite ; la première fleur passée, elles ne donnent qu’un fruit peu abondant, après quoi ce n’est plus qu’une écorce mince et sèche, à laquelle, s’il se peut, s’attache un reste de l’ancien parfum. […] Le discours de Parny, très-convenable, indique le pli définitif de son esprit, une fois la première fleur envolée : quelque chose de juste, de bien dit, mais d’un peu sec. […] Quand je t’ai suivi, je déchirais encore ta tunique brillante, je froissais tes fleurs sur ta tête, mais, comme auparavant, elles ne se réparaient plus.

178. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Je cultive un petit parterre de fleurs qui pourront vous plaire ; vous en trouverez d’assez rares. […] En effet, voilà des fleurs dont l’aspect est tout à fait nouveau pour moi. […] Si quelques-unes de ces fleurs vous paraissent belles, vous pouvez les prendre sans crainte, et vous ne courrez aucun risque en les portant sur vous. […] Je les vois folâtrer de ma fenêtre et me dérober quelques fleurs. […] Lorsque je rentrais dans ma chambre, j’étais quelquefois surpris d’y trouver des vases de fleurs nouvelles, ou quelque beau fruit qu’elle avait soigné elle-même.

179. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

La modernité, c’est encore ce qui, dans les cervelles, a l’empreinte du moment où nous sommes ; c’est une certaine fleur de culture extrême ou de perversion intellectuelle ; un tour d’esprit et de langage fait surtout d’outrance, de recherche et d’irrévérence, où dominent le paradoxe, l’ironie et « la blague », où se trahit le fiévreux de l’existence, une expérience amère, une prétention à être revenu de tout, en même temps qu’une sensibilité excessive ; et c’est aussi, chez quelques personnes privilégiées, une bonté, une tendresse de cœur que les désillusions du blasé font plus désintéressée, et que l’intelligence du critique et de l’artiste fait plus indulgente et plus délicate… La modernité, c’est une chose à la fois très vague et très simple ; et l’on dira peut-être que la découverte de MM. de Goncourt n’est point si extraordinaire, qu’on avait inventé « le moderne » bien avant eux, qu’il n’y faut que des yeux. Mais leur marque, c’est de l’aimer par-dessus tout et d’en chercher la suprême fleur. […] Tout l’esprit de MM. de Goncourt, étant moins une fleur de bon sens qu’une fleur d’imagination, et ayant ses origines dans leur extrême impressionnabilité, ne les empêche pas de nous émouvoir, et même assez souvent. […] Voici d’abord des sortes d’expressions redondantes par le rapprochement de deux mots de même racine : « Là, une haie de camélias plaquant ses feuilles et ses fleurs de cire contre le rocailleux d’une galerie de rochers 23 » — «… débordant de la bordure turgide et gonflée des fleurs. […] J’en prends une au hasard, qui n’est pas une des pires. « La joie de midi glissait et jouait sur le luisant des feuilles, le brillant des fleurs, bourdonnait dans le silence et la chaleur ; et des vols de mouches, tour à tour blanches sur le vert et noires sur le blanc, s’embrouillaient dans l’air ou bien y planaient, les ailes imperceptiblement frémissantes, ainsi que des atomes de bonheur suspendus dans l’atmosphère 49. » Les défauts sautent aux yeux d’un professeur de rhétorique : l’assonance de joie et de jouait, de fleurs et de chaleur ; ailes se rapportant grammaticalement à vols, si bien que les vols ont des ailes ; dans l’atmosphère faisait double emploi avec dans l’air ; l’ambiguïté de la construction qui fait douter si ce sont les vols ou les ailes qui ressemblent à des atomes de bonheur, ainsi que pouvant se rattacher également à l’un ou à l’autre de ces deux mots.

180. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

Ève, dans sa première fleur de jeunesse, est en face du serpent qui lui montre la pomme : elle la regarde, elle se retourne à demi vers Adam, elle a l’air de le consulter. […] Elle était véritablement magicienne à convertir insensiblement l’amour en amitié, en laissant à celle-ci toute la fleur, tout le parfum du premier sentiment. […] Son cœur en était resté là, à ce tout premier printemps où le verger est couvert de fleurs blanches et n’a pas de feuilles encore. Je pourrais ici raconter de souvenir bien des choses, si ma plume savait être assez légère pour passer sur ces fleurs sans les faner.

181. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — I. La Thébaïde des grèves, Reflets de Bretagne, par Hyppolyte Morvonnais. »

Sur mon front de cinq ans, j’avais toujours des fleurs ; Le temps, comme une plume, emportait les douleurs     Et de mon corps et de mon âme ; Une rose en avril me jetait en transports ; De la vie en mes sens abondaient les trésors ;     Je voltigeais comme une flamme. […] Mais le poète s’excuse d’avance ; il n’est pas né dans un pays de caractère, il n’a pas rêvé, enfant, aux grèves de l’Océan ; il n’a eu pour premier horizon que d’immenses plaines on le regard n’avait pas même de collines où se poser : Et je n’eus pour parfums, dans ces plaines sans sites, Que la senteur des blés et que l’odeur des foins, Que le souffle embaumé des blanches marguerites, Ou les exhalaisons d’autres fleurs plus petites     Aux rebords des chemins.

182. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vicaire, Gabriel (1848-1900) »

. — Fleurs d’avril, un acte (1890). — L’Heure enchantée (1890). — Ballade du Bon-Vivant (1891). — Cinq Ballades (1891). — À la Bonne Franquette (1892). — Rosette en Paradis (1892). — Au Bois-Joli (1893). — La Farce du Mari refondu (1897). — Le Clos des Fées (1897). […] Aux Émaux bressans sont venus s’ajouter les Déliquescences d’Adoré Floupette, le Miracle de Saint-Nicolas, Fleurs d’avril, l’Heure enchantée, À la Bonne Franquette et, tout récemment, le Bois-Joli.

183. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Dans ce salon, qu’il faudrait peindre, où tout dispose à ce qu’on y attend, dont la porte reste entr’ouverte sur le monde qui y pénètre encore, dont les fenêtres donnent sur le jardin clos et sur les espaliers en fleur d’une abbaye, on a donc lu les Mémoires du vivant le plus illustre, lui présent. […] Toutes les réflexions saines, capables d’éloquence, toutes les nobles images à cueillir et les palmes en fleur dans chaque champ, toutes les belles rêveries à rêver, l’appellent d’un attrait invincible. […] Et lui-même, si par hasard nous le rencontrons sous les ormes de son boulevard, n’a-t-il pas fleur à la main et jeunesse légère, et, si nous le saluons, toute la grâce du sourire ? […] Les oiseaux, les fleurs, une belle soirée de la fin d’avril, une belle nuit lunaire commencée le soir avec le premier rossignol, achevée le matin avec la première hirondelle, ces choses qui donnent le besoin et le désir du bonheur, vous tuent !  […] Cet art d’écrire qui ne dédaigne rien, avide de toute fleur et de toute couleur assortie, remonte jusqu’au sein de Du Cange pour glaner un épi d’or oublié, ou ajouter un antique bluet à sa couronne. 

184. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Il a des vers isolés charmants, des alliances de mots heureuses, poétiques, élégantes ; il a les éléments de tout, « mais le tissu manque sous ses fleurs brodées ». […] Quand le printemps en fleurs a couronné ces arbres, Les chants du rossignol hâtent-ils son réveil ? […] Au milieu du bouquet, l’auteur a jeté de jolies fleurs bleues : l’ensemble de cette composition est du plus riant effet. Ces fleurs se nomment en allemand Wergiss mein nicht, Ne m’oubliez pas ! […] Il s’attendrissait d’une fleur et la saluait d’un respect pieux.

185. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Le père Lhéry en bas blancs, en culotte rayée, en gilet à fleurs, avec ses cheveux noués en queue, attend béatement l’heure, les mains sur les genoux, et se chauffe par habitude. […] Si les jeunes hommes de la génération de Bénédict lisaient et savaient Voltaire, il n’aurait pas manqué de se redire à lui-même, en voyant danser à ce bal de mai Mlle de Raimbault, ces vers noblement voluptueux qui eussent rassemblé pour lui comme de flottants souvenirs :  L’étranger admirait dans votre auguste cour  Cent filles de héros conduites par l’Amour,  Ces belles Montbazons, ces Châtillons brillantes,  Ces piquantes Bouillons, ces Nemours si touchantes,  Dansant avec Louis sous des berceaux de fleurs. Tous les détails de cette soirée, la présentation de Bénédict aux orgueilleux parents de Valentine, l’invitation à la danse, l’embarras du baiser, l’aisance de bel air de M. de Lansac, fiancé de Valentine, tout cela est délicieusement conduit ; et le départ ensuite, le retour, la manière dont Valentine s’égare, la rencontre des deux jeunes gens près des buissons fleuris de l’Indre ; cette voix limpide et nerveuse de Bénédict, qui le précède et l’annonce, et dont Valentine a de loin admiré le chant ; cette arrivée à la ferme par les jardins de derrière et à travers les haies, leurs deux haleines se confondant au passage dans les fleurs ; cette visite nocturne de Valentine à Louise, à sa sœur aînée, si longtemps perdue, si merveilleusement retrouvée, et qu’une faute amère, déjà bien ancienne, avait bannie d’un lieu qu’elle a voulu revoir ; — oui, tout, jusqu’à cette façon naturelle et rusée d’éconduire M. de Lansac, tout, dans cette première partie du récit, captive, enchante et satisfait.

186. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier après les funérailles »

Ce qui le blanchit n’est pas l’âge, Ni l’orage ; C’est la fraîche rosée en pleurs Dans les fleurs. […] De toutes ses vicissitudes, de tous ses travaux, de tous ses essais, de toutes ses erreurs même, il était résulté à la longue, chez cette nature la mieux douée, un fonds unique, riche, fin, mobile, propre aux plus délicates fleurs, aux fruits les plus savoureux. […] Depuis que je vieillis, et qu’une femme, un ange, Souffre sans s’émouvoir que je baise son front ; Depuis que ces doux mots que l’amour seul échange Ne sont qu’un jeu pour elle et pour moi qu’un affront ; Depuis qu’avec langueur j’assiste à la veillée Qu’enchantent son langage et son rire vermeil, Et la rose de mai sur sa joue effeuillée, Je n’aime plus la vie et j’aime le Sommeil ; Le Sommeil, ce menteur au consolant mystère, Qui déjoue à son gré les vains succès du Temps, Et sur les cheveux blancs du vieillard solitaire Épand l’or du jeune âge et les fleurs du printemps.

187. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Ses yeux vous en diront plus que ces pages, dans lesquelles cependant j’ai recueilli pour vous la fleur de l'âme des plus doux génies. […] dites, vous qui l’avez vu, quelle est la pêche, quelle est la rose, quel est le fruit, quelle est la fleur qui ne lui cède pas en beauté ? Dire qu’il existe sous le ciel des gens qui s’adonnent avec passion à l’horticulture, qui aiment les fleurs jusqu’à la manie, et qui n’aiment point les enfants ! — les enfants, ces fleurs douées d’intelligence, ces fleurs dont le parfum s’appelle amour !

188. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

L’art n’y est pour rien, mais les premières et douces croyances font que j’adore leurs voiles raides doublés de rose et leurs immobiles couronnes de fleurs d’une batiste si ferme que tous les orages du monde n’en feraient pas bouger une feuille. — J’ai à vous faire le récit d’un cabinet de peinture où nous avons pénétré hier, chez le duc d’Aremberg. […] Entre ses amitiés de femmes Mme Valmore en avait eu une toute première, tout angélique, Albertine (Gantier), qu’elle a célébrée dans ses vers et qui fut ravie dans la fleur de la jeunesse. […] Lui si farouche et si irritable quand il ne cueille pas tranquillement ses fleurs et ses blés ! […] Elle était dans une vraie intimité avec Alexandre Dumas, qui mit, en 1838, une préface entraînante au recueil de Pleurs et Pauvres Fleurs, et de qui elle disait, en 1833, à son jeune fils Hippolyte, visité par lui au passage : « M.  […] Jars, qu’elle connaissait depuis l’opéra-comique du Pot de fleurs, à qui elle ne s’était ouverte avec confiance que bien tard, et de qui elle disait en le perdant (avril 1857) : « Cette affection douce et innocente de M. 

189. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

On avait pris pour riant emblème, et sans doute d’après le choix de l’aimable saint (car cela lui ressemble), un oranger portant fruits et fleurs, avec cette devise : Flores fructusque perennes. […] Doux ornement de la nature, Viens me retracer sa beauté ; Parle-moi de la liberté, Des eaux, des fleurs, de la verdure ; Parle-moi du bruit des torrents, Des lacs profonds, des frais ombrages Et du murmure des feuillages Qu’agite l’haleine des vents. […] Le long de la muraille obscure Tu cherches vainement des fleurs : Chaque captif de ses malheurs Y trace la vive peinture. […] Bientôt, vivement poursuivi, Feins de vouloir te laisser prendre, De fleur en fleur va les attendre Pour les conduire jusqu’ici.

190. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

On la reconnaît à ces détails précis et vrais, à ces touches de pourpre qui mettent le sang de créatures vives aux ombres bleuâtres des romantiques de Berlin et de Stuttgard, à la simplicité et à la fermeté de la langue, à un retour constant au décor primitif de toute poésie, l’oiseau, la fleur, le ciel, — à l’apparition des figures traditionnelles de la légende allemande, la Loreley, l’empereur Barbe-rousse, le Tannhaeuser, l’image miraculeuse de la cathédrale de Cologne. […] Chaque fleur semble Frémir de souffrance, et une secrète douleur Vibre dans les trilles du rossignol. […] Le décor est ce vague pays du lied allemand, plus indéterminé que la Sicile ou la Bohème de Shakespeare, un pays bleu où les fleurs murmurent, où les oiseaux ne chantent que pour réjouir ou contrister l’âme des amoureux, où le ciel est couleur de leur humeur. Ce sont les fleurs traditionnelles, la rose, la violette ou le souci ; le rossignol et l’alouette de Roméo ; l’époque et le costume sont indécis, les incidents si simples qu’un jeune Persan vivant à Bagdad sous les Abassides, en eût pu composer l’histoire de sa passion pour quelque belle Arménienne, aussi bien qu’un étudiant de Bonn pour une fille de brasserie. […] Sur les rives du Gange éclosent de grandes fleurs de lotus, « tremblantes sous les baisers de la lune », tandis que de silencieuses et errantes gazelles paissent sous les palmiers.

191. (1912) L’art de lire « Chapitre XI. Épilogue »

La cinquantaine venue, il vendit son étude et se retira, mais non pas au bord d’un cours d’eau et pour y cultiver les fleurs ; il se retira à la Bibliothèque nationale. […] Au lieu de cueillir des fleurs, il cueillait avec délicatesse les plus belles idées, les plus beaux récits, les plus beaux dialogues qui aient germé dans l’esprit humain.

192. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

De tous les jeunes poëtes qui ne meurent ni de désespoir, ni de fièvre chaude, ni par le couteau, mais doucement et par un simple effet de lassitude naturelle, comme des fleurs dont c’était le terme marqué, Millevoye nous semble le plus aimé, le plus en vue, et celui qui restera. […] En nous tous, pour peu que nous soyons poëtes, et si nous ne le sommes pourtant pas décidément, il existe ou il a existé une certaine fleur de sentiments, de désirs, une certaine rêverie première, qui bientôt s’en va dans les travaux prosaïques, et qui expire dans l’occupation de la vie. […] Aussitôt, pour te paraître belle, L’eau pure a ranimé son front, ses yeux brillants : D’une étroite ceinture elle a pressé ses flancs, Et des fleurs sur son sein, et des fleurs sur sa tête, Et sa flûte à la main……… La muse de Millevoye est bergère aussi, mais sans cet art inné qui se met à tout, et par lequel la fille de Chénier, sous sa corbeille, s’égale aisément aux reines ou aux déesses.

193. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Le botaniste nous laisse considérer dans une plante les feuilles et les fleurs tout ensemble, les sinuosités de sa forme, les nuances de ses couleurs, la diversité des herbes qui l’environnent, la figure du sol où elle croît. […] Si le poëte reçoit du philosophe des idées générales et abstraites, c’est pour les transformer en êtres complexes et particuliers ; s’il conçoit la force qui produit une plante, c’est pour dresser dans l’air sa tige frêle et souple, étendre à l’entour des feuilles vertes et brillantes, épanouir au sommet la fleur parfumée, et répandre en son oeuvre le calme et l’harmonie qui ressemblent au bonheur. […] « Tel est le fertile rejeton d’un olivier, qu’un homme nourrit dans un champ solitaire, où jaillit une eau abondante, beau, verdoyant, que balancent les souffles de tous les vents, et qui se couvre de fleurs blanches. »207 Ainsi, le poëte n’observe la cause primitive que, dans ses effets dérivés, la loi unique que dans son action multiple, la force intime que dans sa vie extérieure. […] Si enfin l’usage impérieux nous contraint de la mettre à part, nous en ferons une exclamation, un regret, un souhait de poëte ; elle prendra un tour éloquent, comique ou touchant ; elle perdra son apparence didactique, en devenant un mouvement de l’âme ; on entendra, en l’écoutant, la voix passionnée d’un homme ; elle sera couverte sous un sentiment, et la poésie la revendiquera en jetant sur elle une poignée de ses fleurs. — Il sera facile alors d’animer le récit qui la confirme.

194. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Le charme, c’est peut-être une certaine aisance heureuse, une fleur de naturel même dans le rare et le recherché ; c’est, en tout cas, quelque chose d’incompatible avec des qualités trop laborieuses et trop voulues : ainsi le charme ne se rencontre guère chez les chefs d’école. […] Je disais aux platanes : « Adieu, mes chers amis, « et aux bassins : « C’est fini, nous ne nous verrons plus. » Il y avait dans le jardin un grenadier dont les belles fleurs rouges s’épanouissaient au soleil. Je lui dis en sanglotant : « Donne-moi une de tes fleurs. » Il me la donna. […] Au petit drame touchant se mêlent les jolis détails d’un paradis d’enfant de chœur, de petit clerc de la manécanterie de Saint-Nizier : « Mes yeux et mon cœur l’ont aussi reconnu, ce petit chérubin vêtu de mousseline, à ceinture d’azur, qui agite dans l’air, de toutes les forces de ses petits bras dodus et roses, une bannière à fleurs d’or aussi grande que lui ; c’est ma sœur, ma petite sœur Anna, que j’ai tant pleurée. » Surtout il y a dans ce rêve bien humain une tendresse profonde, un don de faire monter aux yeux de petites larmes chaudes, don précieux que M. 

195. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Rien n’avait été changé au protocole ordinaire, sauf qu’un bouquet de fleurs ornait la table. […] Sur la chaussée, les attelages fringants filaient en éclairs, où des Parisiennes renversées se pâmaient sous la fleur dansante des ombrelles multicolores. […] Avez-vous remarqué que l’azur du ciel parle mieux à l’âme dans les villes et que les fleurs y sont plus émouvantes ? […] Le dandysme est une fleur des ruines qui s’engendre de la décomposition des empires et qui s’épanouit à l’heure intermédiaire où l’élite d’hier, dépouillée de ses vertus, garde un reste de prestige comme le ciel, à l’heure où le soleil le quitte, en commémore un dernier reflet.

196. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Il dira de l’or d’une étole, qu’il est « assombri et quasi sauré » ; il dira encore : « des hommes soûls turbulaient » ; des fleurs lui apparaîtront « taillées dans la plèvre transparente d’un bœuf » ; il pourra écrire cette phrase : « Attisé comme par de furieux ringards, le soleil s’ouvrit en gueule de four, dardant une lumière presque blanche… grillant les arbres secs, rissolant les gazons jaunis ; une température de fonderie en chauffe pesa sur le logis ». […] Assurément cette phrase peut rivaliser avec les pigments qu’elle décrit : « Des branches de corail, des ramures d’argent, des étoiles de mer ajourées comme des filigranes et de couleur bise, jaillissent en même temps que de vertes tiges supportant de chimériques et réelles fleurs, dans cet antre illuminé de pierres précieuses comme un tabernacle, et contenant l’inimitable et radieux bijou, le corps blanc, teinté de rose aux seins et aux lèvres, de la Galatée, endormie dans ses longs cheveux pâles ». […] Les fleurs rares et étranges dont le duc Jean garnit son vestibule, ne lui présentent que des images de charnier et d’hôpital : « Elles, affectaient cette fois une apparence de peau factice sillonnée de fausses veines ; et la plupart comme rongées par des syphilis et des lèpres, tendaient des chairs livides, marbrées de roséoles, damassées de dartres ; d’autres avaient le teint rose vif des cicatrices qui se ferment, ou la teinte brune des croûtes qui se forment ; d’autres étaient bouillonnées par des cautères, soulevées par des brûlures ; d’autres encore montraient des épidermes poilus, creusés par des ulcères et repoussés par des chancres ; quelques-unes enfin paraissaient couvertes de pansements, plaquées d’axonge noire mercurielle, d’onguents verts de belladone, piquées de grains de poussière, par les micas jaunes de la poudre d’iodoforme. […] Husymans, comme un arbuste souffreteux et effeuillé culmine en une radieuse fleur.

197. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

» ; mademoiselle Bénigne, « une fleur d’innocence édénique, la simplicité d’un élément, la bêtise immaculée, une bêtise céleste », selon son frère. […] » N’est-ce pas là une touche excellente, et, quoique la bonhomie n’y soit pas encore, la bonhomie, cette fleur tardive qui ne croit dans le talent qu’à travers les expériences et quand la vie nous a simplifiés, ne peut-on prévoir que Babou l’aura un jour et qu’il deviendra le peintre complet qu’il n’est que fragmentairement aujourd’hui ? […] Seulement, si Babou est tout cela, s’il a cette fleur de bienveillance qu’on aime à voir fleurir, comme celle du cactus, entre deux dards, il en utilise les deux dards autant que la fleur.

198. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VII : Théorie de la raison par M. Cousin »

De ce que cette fleur est rose, on ne peut conclure que cette fleur est nécessairement rose. […] Une fois posé que cette fleur est rose, on peut par abstraction dégager du mot fleur l’idée de substance, et du mot rose l’idée de qualité, comparer ces deux termes, isoler entre eux par abstraction un rapport nécessaire, celui de substance à qualité, et tirer ainsi une vérité nécessaire d’une vérité contingente.

199. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édouard Fournier »

Ce n’est pas tout que de vouloir être le fils de quelqu’un, il faut l’être, ou du moins tellement ressembler à ce quelqu’un-là qu’on puisse le faire croire, et ce n’est pas là le cas Fournier a beau grimer son sourire, il a beau se barder de bouquins, comme disait Nodier, qui se moquait bien de cette bouquinerie et qui ne l’aimait peut-être que pour s’en moquer, — car c’est encore une des manières d’aimer de cette aimable créature qui s’appelle l’homme, — il n’a point, lui, Édouard Fournier, cette fleur de raillerie charmante, qui fait tout pardonner, que Nodier fourrait entre les feuillets de ses vieux livres et qui ne s’y dessécha jamais. […] le parfum de cette fleur qui ne lève point en lui Fournier l’a respiré, et c’est en ruminant le parfum que l’idée lui est venue d’imiter l’homme qu’on imite le moins, puisqu’il a été le La Fontaine de l’érudition fabuleuse. […] Quel effet bizarre produit sur nous Fournier, ce singulier racleur de mots, cet effaceur d’esprit, qui semble suspendu sur une planchette d’érudition que je crois très mince et très fragile, mais pourtant avec moins de risques que ses confrères en regrattage, et dont tout le soin est d’enlever le noir et la poussière à l’histoire, d’essuyer incessamment avec son torchon d’érudit cette estompe poétique que les proprets de l’exactitude bien lavée prennent pour une tache, et de s’acharner, jusqu’à ce qu’elles soient abattues, sur ces fleurs tombées on ne sait d’où, ces traditions qui voilent moins l’histoire qu’elles ne l’ornent, et qui ne sont pas contraires à la réalité parce qu’elles sont beaucoup plus belles !

200. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

On dirait un flacon d’essence extrait de je ne sais combien de philosophies, — une eau de Mille fleurs philosophique, dans laquelle on reconnaît bien, quoique affadies les unes par les autres, toutes les erreurs qui portent aux têtes faibles et qui se confondent dans une petite infection très satisfaisante : ainsi le matérialisme français et le naturalisme du xviiie  siècle, et l’humanisme du xixe et l’idéalisme allemand et l’hégélianisme, mais l’hégélianisme en gouttelettes, dosé homéopathiquement, à peu près comme dans le petit flacon si bien bouché à l’émeri du baron de Feuchtersleben ! […] Le grain de poésie qui est en lui, et qui l’a fait peintre d’intérieur et de paysages dans quelques nouvelles et quelques romans, l’empêchera toujours de se donner entièrement aux idées de ce monstre d’abstraction… et de concrétion, qui comparait les étoiles, ces radieuses fleurs du ciel, à une éruption de petite vérole. Et d’ailleurs, sentimental, attendri, cordial, aimant la famille, un naïf au fond, une bonne pâte d’homme, que la Fantaisie, cette boulangère ravissante, qui a des écus intellectuels et des trésors de sensation, roulera jusqu’au dernier moment dans sa fleur de farine, sous ses roses mains potelées, l’auteur de Si j’avais une fille à marier !

201. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

La fleur littéraire, qui n’est parfois qu’un brin de muguet, insinue son parfum dans ces livres de nomenclatures et de descriptions anatomiques qui devraient être si secs et parfois st nauséabonds pour tout ce qui n’a pas l’ardente et féroce curiosité du savoir, et cette petite odeur qui surprend là, mais qui plaît partout, invite les esprits les moins enclins à la science à prendre ces livres et à les ouvrir. […] Il y a là, dans cette publication de chez les frères Garnier, huit à dix volumes qui ne sont que la fleur d’un panier très plein et très profond, dans le fond duquel je ne plongerai pas mes mains indignes, mais je me permettrai de toucher, sans appuyer, au velouté de toute cette fleur.

202. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

Alors que vous goûtez enfin, à jamais calmes L’incorruptible paix sous les fleurs et les palmes ! […] Elle aimait Parce qu’il faut aimer, comme les fleurs de mai Ont une âme pour la donner à ceux qui passent. […] Édouard Ducoté (Aventures, Renaissance, le Chemin des Ombres heureuses, la Prairie en fleurs), est un poète et un moraliste en même temps. […] Je suis la volupté qu’ils n’atteindront jamais, Tous les espoirs, toutes les joies et tous les rêves, Tout l’amour que pour eux filent les heures brèves… Mais nul ne doit cueillir la fleur de ma beauté, Car ma lèvre cruelle a le goût de la mort. […] La nature lui a montré, dans ses fleurs qui se fanent les champs que l’hiver flétrira, le ciel changeant et ses beautés instables, elle lui a montré l’ombre prochaine et lui a murmuré l’éternel « carpe diem ! 

203. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Les uns meurent à la fleur de la jeunesse, au printemps des espérances ; on leur rêvait tout un avenir de bonheur ou de gloire, et ils disparaissent : leur image continue de nous sourire de loin, à demi voilée, du haut d’un nuage. […] Notre beau soleil m’a calmé ; j’ai parcouru les grandes ruines de Rome ; j’ai été voir reverdir les arbres, éclore les fleurs parmi les majestueux débris de cette reine du monde. […] Comme je cueillais une fleur sur la roche stérile et nue, un enfant me tendit une poignée d’herbe sèche, ne comprenant guère qu’on puisse compter les jours de sa vie aux pages de son album et mettre quelque chose de son cœur dans les feuilles flétries qu’il a si souvent foulées aux pieds. […] Gandar retrouvait l’École bien en progrès, la bibliothèque agrandie et complétée, le petit jardin ayant gagné en verdure et en fleurs, d’autres jardins encore (ceux de la reine) créés et embellis par une habile culture : « Bien que deux hivers désastreux, dit-il, aient ravagé toute la plaine, brûlé les jeunes orangers d’Athènes comme les oliviers séculaires du Céphise, la reine est parvenue à doubler ses plantations où l’on trouve de l’eau, des fleurs, de l’herbe, presque de l’ombre, et quelques arbustes exilés de nos pays, mêlés à ceux des montagnes de l’Attique et aux palmiers de l’Orient. […] Il avait un exemplaire de la Divine Comédie qui lui avait été donné par le peintre Émile Michel, et il s’y trouvait, entre les feuillets non coupés, des fleurs séchées qui étaient sans doute un souvenir des printemps d’Italie : « Quel dommage, écrivait-il à son ami (31 décembre 1856), que ni vous ni moi nous n’ayons lu ce livre, là où vous avez cueilli ces fleurs !

204. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Dans le fagot épineux de l’éducation scolaire, il choisit la seule fleur, bien fanée sans doute, la versification latine, mais qui, comparée à l’érudition, à la théologie, à la logique du temps, est encore une fleur. […] Pardonnez au traducteur qui essaye d’en donner un exemple dans cette moqueuse peinture du poëte et de ses libertés : « Il n’est pas contraint d’accompagner la Nature dans la lente démarche qui la mène d’une saison à l’autre, ou de suivre sa conduite dans la production successive des plantes et des fleurs. […] Si tout cela n’est point assez pour lui arranger un paysage agréable, il peut faire des espèces de fleurs nouvelles, aux parfums plus riches, aux couleurs plus puissantes que toutes celles qui croissent dans les jardins de la nature. […] Par exemple, Addison raconte en manière de rêve la dissection du cerveau d’un élégant937 : « La glande pinéale, que plusieurs de nos philosophes modernes considèrent comme le siége de l’âme, exhalait une très-forte odeur de parfums et de fleur d’oranger. […] Les nuages reposaient encore sur une des deux moitiés, en sorte que de ce côté je ne pus rien découvrir ; mais l’autre était un vaste océan semé d’îles innombrables : ces îles étaient couvertes de fruits et de fleurs, et entrecoupées de mille petites mers brillantes qui serpentaient tout au travers.

205. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

petit pot de fleur oublié sur cette fenêtre ? […] Une brise glacée s’exhalait de cet immense champ de fleurs, et ces corolles blanches gelaient le bout des les doigts qui approchaient. En voyant ces fleurs si fraîches et si mortes, je pensais à ces douces souvenances qui dorment en nous, et parmi lesquelles nous nous égarons quelquefois, essayant de retrouver en elles le printemps et la jeunesse. […] Fleur sans espoir, qui ne pourras être féconde, et qui embaumes et réjouis, fleur douloureuse qui, avant de t’éteindre, souris ! […] Le vent avait molli, la mer se plissait paisiblement, on devinait à fleur d’eau quelques brisants où les panaches d’écume retombaient avec grâce ; il venait du large un murmure semblable à un bruit d’abeilles.

206. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Ils sont doux parfois comme des parfums de fleurs. […] il ne reste plus que Lamartine : Lamartine génie aisé et puissant, torrent d’harmonie, fleur d’amour, océan d’idéal. […] Je ne suis pas plus l’homme d’un seul poète que d’une seule espèce de fleurs ou de fruits. […] Les poètes que vous citez et qui ont écrit Éloa, Les Confidences, Les Nuits, Les Fleurs du. […] Il est la fleur éclatante ou pâle d’un arbre auquel il a fallu des années et des années pour croître et se développer.

207. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Chemin faisant, en tournant les pages du livre, je trouve une charmante pièce en mémoire de Chevreul qui indique, à propos des couleurs et de l’harmonie de leurs groupements : La fleur qui ne doit pas côtoyer une fleur. […] … — Mais douces sont les fleurs et douces les amours Qui naissent dès l’aurore et qui durent toujours ! […] « Il se précipite au jardin et baise les fleurs une à une, il étreint les arbres et les massifs comme de vieux amis retrouvés ; il fuit la maison, son cercueil noir. […] C’est, sur la frontière, une fleur de paix que j’ai cueillie, au sommet des Alpes : — ce n’est pas une fleur de sang… » XXXIX. […] Anatole France ; admirable et terrifiant jardin que celui dans lequel il nous promène, jardin où naissent de riantes fleurs aussi douces à voir qu’à respirer, fleurs de jeunesse à côté desquelles en poussent d’autres qui exhalent ces poisons mortels qui sont le doute, l’athéisme et le scepticisme.

208. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Entouré de fleurs, ce lit-ci, bercé et réveillé par des oiseaux. […] Les joyeux Ambassadeurs étincellent, ce dimanche de la fête des Fleurs. Il y a des fleurs, aussi, des fleurs vivantes qui éclosent une nuit ou deux avant que les parfums ne s’en aillent. Et toutes les fleurs de toutes les voies de la cité, rient, avec Yvette, en ce jour des jours. […] Car les fleurs se fanent devant elle : voyez, la lumière meurt sur cette pauvre joue et la laisse pâle.

209. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Nation en fleurs, l’épée trancha ton épanouissement ! […] « Le doux zéphir soufflait à peine et son haleine odorante répandait sur tout en passant le suave parfum qu’il dérobe aux fleurs. […] Les fleurs germent dans nos fontaines, et partout jaillissent ses fontaines, comme les papillons et les abeilles autour des fleurs. […] Les cinquante-trois sonnets des Fleurs de ronces accentuent encore ce progrès rapide, subit. […] pêches et prunes en fleurs !

210. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Hallé » pp. 71-73

Cette rapetissée et petite paix laisse tomber d’une corne d’abondance, des fleurs, sur quelques génies des sciences et des arts, et sur leurs attributs. […] Même couleur aux fleurs.

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