On y admirait un reste de façade écroulée avec des masques de pierre au front des portes. […] Bien que souffrant, il avait tenu à me conduire sur le balcon pour me faire admirer le décor mouvant des verdures.
Pourquoi ne pas admirer M. […] J’admire qu’on nous dise : « Il n’y a plus de poésie possible ! […] C’est qu’ils croient pouvoir produire ce qu’ils ne peuvent qu’admirer. […] Quel malheur que d’être admiré ainsi ! […] On aime peut-être encore plus Béranger qu’on ne l’admire.
Il n’est personne qui n’admire le genie et la verve de Lucrece, l’énergie de ses expressions, la maniere hardie dont il peint des objets, pour lesquels le pinceau de la poësie ne paroissoit point fait : enfin sa dexterité pour mettre en vers des choses, que Virgile lui-même auroit peut-être desesperé de pouvoir dire en langage des dieux : mais Lucrece est bien plus admiré qu’il n’est lû.
S’il est attaqué avec plus de vivacité qu’il n’est admiré, c’est que nous l’admirons par raison et l’attaquons par tempérament. […] Gare à son épée de garde française, si l’on hésite à les admirer ! […] Mme de Sévigné s’obstinait à ne pas admirer Racine et à admirer Mlle de Scudéry, dont les livres lui plaisaient, disait-elle, par-dessus tout. […] S’ils s’admirent si fort, c’est qu’ils se mesurent aux louanges dont ils se payent entre eux. […] J’en admire avec tout le monde les belles parties.
On dit que, dans le texte de Pascal sur le ciron, voyant le manuscrit, Cousin lisait : «… dans l’enceinte de ce raccourci d’abîme » Et il admirait ! Il admirait !
Si Racine se peut admirer après Sophocle, on peut lire La Rochefoucauld après Job, Salomon, Hippocrate et Marc-Aurèle. […] Jeunes, nous aimons, nous admirons à chaque pas ; nous croyons aimer les autres : c’est notre jeunesse que nous aimons en eux. — Mais quelques-uns, après la jeunesse, continuent d’admirer et d’aimer. — Heureuses natures ! […] Aimez-le, admirez-le, couronnez-le ! […] N’admirez-vous pas la franchise ?
Cependant, ce n’est ni l’action ni les coups de théâtre qu’on admire le plus dans Zaïre et dans Mérope : ce sont les caractères. […] Il y a même lieu d’admirer l’industrie avec laquelle le poète diversifie par les jeux de scène l’expression d’un sentiment qu’il n’a pas su varier en l’approfondissant. […] C’est même une de ses mille qualités d’avoir su imiter ce qu’il admirait. […] Je ne voudrais pas m’appesantir sur cette pièce qui ne doit pas porter la peine de ce que je l’ai admirée. […] J’ai lu des lettres où il parle de ses pièces, non en auteur qui s’y admire, mais en père qui se complaît dans des enfants honnêtes et bons.
il est honorable d’admirer le Génie, mais est-on en droit de lui faire, à si bon marché, des vertus ? […] On était si las de la rhétorique de ce lâche menteur trop admiré, qu’on trouva d’une sensation délicieuse un livre rapide, de courte haleine, où la passion, la bavarde passion, savait en finir, et avalait ce verre d’eau du suicide, comme dit Stendhal, sans même penser à cette vieillerie de l’enseignement chrétien qui avait été la loi morale de l’Europe. […] Mais Saint-Victor s’assied devant ces figures à peine indiquées, et remplit les blancs, prononce les lignes, dessine et ombre, et colorie, et fait tourner avec l’ongle, et arrive enfin par tous les moyens à ces saillies que Goethe, s’il revenait au monde, admirerait. […] Ce que ne pourrait faire Goethe, puisqu’il est mort, les Allemands qui l’admirent le feront pour lui.
Nous admirons le pinceau qui a sçu contrefaire si bien la nature. […] Les tableaux de l’école lombarde sont admirez, bien que les peintres s’y soïent bornez souvent à flater les yeux par la richesse et par la verité de leurs couleurs, sans penser peut-être que leur art fût capable de nous attendrir : mais leurs partisans les plus zelez tombent d’accord qu’il manque une grande beauté aux tableaux de cette école, et que ceux du Titien, par exemple, seroient encore bien plus précieux s’il avoit traité toujours des sujets touchans, et s’il eut joint plus souvent les talens de son école aux talens de l’école romaine.
Les lecteurs de bonne foi n’auraient eu alors qu’à approuver le plus souvent et à admirer la force et l’ingénieux de la démonstration. […] On admire cette drue végétation, cette sève verdoyante, inépuisable, moelle d’une terre généreuse ; mais on lui voudrait parfois plus d’ouvertures et plus d’éclaircies dans ses riches Ardennes. […] Il faut admirer ce que nous avons et ce qui nous manque ; il faut faire autrement que nos ancêtres et louer ce que nos ancêtres ont fait. » Et après quelques exemples saillants empruntés à l’art du Moyen-Age et à celui de la Renaissance, si originaux chacun dans son genre et si caractérisés, passant à l’art tout littéraire et spirituel du xviie siècle, il continue en ces termes : « Ouvrez maintenant un volume de Racine ou cette Princesse de Clèves, et vous y verrez la noblesse, la mesure, la délicatesse charmante, la simplicité et la perfection du style qu’une littérature naissante pouvait seule avoir, et que la vie de salon, les mœurs de Cour et les sentiments aristocratiques pouvaient seuls donner. […] Pardon, dirai-je à l’auteur, votre conclusion est excessive, ou du moins elle ne dit pas tout ; critique, vous avez raison dans ces éloges si bien déduits et motivés, tirés des circonstances générales de la société à ses divers moments ; mais vous avez tort, selon moi, de ne voir absolument, dans les délicatesses que vous admirez et que vous semblez si bien goûter, qu’un résultat et un produit de ces circonstances. […] « J’ai admiré souvent, et j’avoue que je ne puis encore comprendre, quelque sérieuse réflexion que je fasse, pourquoi toute la Grèce étant placée sous un même ciel, et les Grecs nourris et élevés de la même manière, il se trouve néanmoins si peu de ressemblance dans leurs mœurs. » C’est cette différence d’homme à homme dans une même nation, et jusque dans une même famille, qui est le point précis de la difficulté.
Dès qu’il eut fait paroître quelques-unes de ses Pieces, tous les esprits se réunirent pour admirer l’élévation de son style, la délicatesse & la force de ses pensées, l’énergie & la pureté de ses expressions, l’élégance & le naturel de ses Vers. […] C’est là qu’on admire à la fois tout ce que le sentiment a de plus vif, tout ce que la piété a de plus noble & de plus tendre, tout ce que la Langue Latine a de plus énergique & de plus mélodieux, tout ce que la Religion peut ajouter à l’enthousiasme, en lui fournissant des sujets vraiment propres à l’échauffer.
Depuis quinze ou vingt ans que la France l’admire, On ne sait ce qu’il est ni ce qu’il veut nous dire. […] Je veux que l’on m’achète, et surtout qu’on m’admire. […] Je ne veux point ici blesser la modestie Des prosateurs fameux qu’admire ma patrie ; Mais je loûrai leur style et leurs descriptions, La grâce et la clarté de leurs inversions, Le fracas de leurs mots, et ces phrases sublimes, Qui, pour être des vers, n’ont besoin que de rimes.
Il l’indique avec une justesse admirable : « Sachez, lecteur, dit-il, que celui sera veritablement le poète que je cherche en nostre langue, qui me fera indigner, apayser, esjouyr, douloir, aymer, hayr, admirer, estonner bref qui tiendra la bride de mes affections, me tournant çà et là à son plaisir. » C’est l’image même de la haute poésie, et le portrait de nos grands poëtes. […] « L’imitation des nostres, dit-il dans la préface de la première édition de ses Odes, m’est tant odieuse, d’autant que la langue est encores en son enfance, que pour cette raison je me suis eslongné d’eux, prenant style à part, sens à part, œuvre à part, ne désirant avoir rien de commun avec une si monstrueuse erreur. » Il attaque les rimeurs, et principalement les courtisans, « qui n’admirent qu’un petit sonnet pétrarquisé ou quelque mignardise d’amour qui continue toujours en son propos ». […] C’est par l’imagination que nous admirons les contemporains, et de là nos illusions ; c’est par le jugement, quelle que soit la prévention qui le sollicite, que nous les critiquons ; et de là cette sorte d’infaillibilité de la critique. […] Aucun poëte ne s’est plus admiré, parce qu’aucun de son vivant n’eut plus d’admirateurs. […] Ses vers si fort admirés, et ses préceptes si obéis, attirèrent les esprits à ces études fécondes où nous devions prendre le goût d’ouvrages plus parfaits que les siens ; cet enthousiasme, même mal exprimé, pour ce qui a fait depuis lors le fond de notre éducation intellectuelle, a de la vie.
Taine nous fait comprendre et presque aimer, à la façon éprise et enivrée dont il en parle, les premiers moteurs et les héros de cette Renaissance littéraire anglaise : en prose, Philippe Sidney, ce d’Urfé antérieur au nôtre ; en poésie, Spenser, le féerique, qu’il admire au-delà de tout. […] Je le sais, la doctrine du trop, de l’exagération dite légitime, de la monstruosité même, prise pour marque du génie, est à l’ordre du jour : je demande à n’en être que sous toute réserve ; j’habite volontiers en deçà, et j’ai gardé de mes vieilles habitudes littéraires le besoin de ne pas me fatiguer et même le désir de me plaire à ce que j’admire. […] S’il haïssait trop les sots auteurs et les méchants poètes, il n’en admirait que mieux les bons et les grands. […] Vous admirez Balzac ; vous le citez plus d’une fois, vous l’introduisez volontiers au milieu de ces auteurs anglais, et même là où il n’a que faire : je le prends donc comme un exemple, à vous familier. […] On trouvera cela beau peut-être au point de vue de l’inspiration et de la verve ; c’est original du moins, et on y doit admirer une faculté de transposition singulière et puissante.
Je confesserai pourtant, avant d’aller plus loin, ma faiblesse : je suis de ceux qui ont toujours reculé devant cette poésie Louis XIII, et je n’ai jamais pu m’en inoculer le goût ; tout en désirant qu’il s’en écrivît une histoire exacte et critique, et en croyant qu’il en résulterait des jours curieux et utiles sur la formation définitive du genre Louis XIV, il m’a été impossible d’admirer à aucun degré (j’excepte bien entendu Corneille et Rotrou) aucun de ces poëtes. […] Mais comment concevoir que dans un livre où l’auteur paraît sentir si bien le prix de l’art et où il se pique de faire valoir ses poëtes, de nous les faire admirer presque à la loupe, les négligences soient poussées au point où on les voit ici ? […] L’historien de Louis XIII, dans le compte exact et fin qu’il nous rend des vicissitudes du poëte, n’a pas de peur plus grande que celle de paraître l’admirer ; sa parole discrète et correcte est comme armée à demi-mot d’une épigramme continuelle. […] Gautier l’en admire plus qu’il ne l’en blâme) que l’orgie fut d’abord un des emplois les plus assidus de son talent ; ces Cabinet satyrique, ces Parnasse satyrique, où on l’accusait d’avoir trempé avec d’autres beaux-esprits, et dont tout le monde voulut se justifier dès que vint le danger, ces recueils, tout farcis de grossières horreurs, avaient pourtant été approvisionnés par quelqu’un, et Théophile, sans nul doute, y avait fourni son contingent48. […] On y peut rire tant qu’on veut et prendre son plaisir, mais il ne faut pas avoir tellement l’air d’admirer.
Ailleurs, tu admets et tu admires le « noble amour de la patrie ». […] La morale du boutiquier approuve le geste utile, comme son esthétique admire un canal ou un chemin de fer. […] Le romantique s’extasie ou s’indigne, « admire comme une brute » ou brandit un fouet ivre. […] Dans ses Discours civiques, la phrase, d’un rythme souvent admirable et qui toujours s’admire, s’étale comme une queue-de-paon. […] J’admire en la méprisant un peu cette souplesse d’Alcibiade de librairie, cette faculté d’adaptation qui fait tant de choses d’Anatole France et même « un homme de bonne volonté » parmi les naïfs constructeurs de la cité future.
Le jugement sérieux, profond, véritable, sur Mme Du Deffand, c’est dans les Lettres de Walpole qu’il le faut chercher ; car Walpole, malgré ses rigueurs plus apparentes que réelles, appréciait sa vieille amie à tout son prix et l’admirait extrêmement. […] … J’admirais hier au soir la nombreuse compagnie qui était chez moi ; hommes et femmes me paraissaient des machines à ressort qui allaient, venaient, parlaient, riaient, sans penser, sans réfléchir, sans sentir ; chacun jouait son rôle par habitude : Mme la duchesse d’Aiguillon crevait de rire ; Mme de Forcalquier dédaignait tout ; Mme de La Vallière jabotait sur tout. […] j’admire votre Shakespeare. […] Comme on ne lui avait pas dit d’avance ce qu’il fallait admirer, elle n’avait que son avis net, son instinct franc et lumineux ; d’ordinaire il la guidait bien. […] Mme Du Deffand lui portait envie de ce qu’il ne s’ennuyait jamais dans la solitude ; mais, avec son goût sévère, elle ne comprenait pas qu’on aimât pêle-mêle tant de choses, qu’on pût lire à la fois Shakespeare et La Guerre de Genève de Voltaire, admirer Mme de Sévigné et se plaire aux romans d’un Crébillon fils.
Un critique spirituel et sensé le remarquait à propos de la musique d’Auber, en parlant d’un de ses derniers opéras qui avait fort réussi : « Pour remporter ce succès avec une œuvre si élégante et si claire, un style si aimable et si charmant, il a fallu, disait-il, un très grand talent et un très grand bonheur ; car aujourd’hui, par la pédanterie qui court, par les doctrines absurdes qu’on voudrait accréditer, par l’ignorance et l’outrecuidance de quelques prétendus savants, la clarté, la grâce et l’esprit sont un obstacle plutôt qu’un avantage… Le beau mérite que d’entendre et d’admirer ce que tout le monde admire et comprend ! […] Que ceux qui arrivent à conquérir et à admirer ces fortes choses à la sueur de leur front, en aient la satisfaction et l’orgueil, je ne trouve rien de mieux ; mais que des esprits médiocres et moyens se donnent les airs d’aimer et de préférer par choix ce qu’ils n’eussent jamais eu l’idée de toucher et d’effleurer en d’autres temps, voilà ce qui me fait sourire. […] Est-il donc bien nécessaire d’en passer par la méthode de Gervinus pour sentir et admirer La Fontaine ?
Ou encore, comme un poëte devenu critique le disait : Jeune, on se passe très-aisément d’esprit dans la beauté qu’on aime et dé bon sens dans les talents qu’on admire. […] Les hommes se mettent beaucoup trop en frais, ce me semble, pour admirer le génie de l’homme, c’est-à-dire pour s’admirer eux-mêmes.
Je l’admire surtout quand il se déguise en homme et en camelot. […] Il ouvre certains jours un musée forain où nous pouvons admirer les merveilles de l’hypnotisme. […] En voilà un qui « admire comme une brute ».
On peut dire que Socrate ne peut avoir un panégyriste plus célèbre, ni plus digne de lui ; on a souvent attaqué Platon comme philosophe, on l’a toujours admiré comme écrivain. […] Criton approche, contemple le vieillard et admire ce sommeil profond ; il craint de le troubler, et il attend. […] Socrate, laisse-toi persuader, et ne préfère ni tes enfants, ni ta vie, ni rien même à la justice. » Criton cède ; il admire Socrate qui finit par lui dire : « Marchons par où Dieu nous conduit. » Le troisième discours, beaucoup plus connu que les deux autres, est ce Phédon si fameux qui contient le récit des derniers entretiens de la mort de Socrate ; c’est un des ouvrages les plus célèbres de l’antiquité ; c’est celui que Cicéron, comme il nous l’apprend lui-même, n’avait jamais pu lire sans verser des larmes.
J’admire aussi ce naturel auquel les contemporains se méprirent à ce point, que l’on s’aperçut à peine des dix années de prédication de Bossuet, et que l’art exquis de Bourdaloue les fit oublier. […] Il admire librement, dans les nations et dans les hommes supérieurs du paganisme, les exemples de la sagesse humaine, sachant bien qu’il n’a pas longtemps à les admirer, qu’encore un moment et toute cette sagesse se sera évanouie, et que l’heure de Dieu va sonner. […] Il faut aussi admirer cette force d’imagination par laquelle Bossuet, présentant les raisons de l’adversaire, semble les sentir pour son compte, et s’approprier ce qu’il réfute. […] Cette dame avait de la beauté, beaucoup d’esprit, et ce tour de piété que Fénelon admirait dans les mystiques : elle le charma. […] On admirait cet air de résignation et de candeur ; on se laissait prendre à ces offres de soumission sous lesquelles perçaient l’opiniâtreté et l’assurance, à cette sensibilité qui touchait les femmes.
Cette disposition à tout condamner se décele si évidemment dans lui, qu'il est aisé de s'appercevoir qu'il impute souvent des vices à l'homme, non pas tant parce qu'il le voit réellement, que pour ne pas perdre une expression énergique, un tout ingénieux, une pensée vive, qui peuvent servir à faire admirer son génie. […] Notre but n'est pas d'empêcher qu'on ne l'admire, mais d'empêcher qu'on ne le croye toujours sur sa parole.
Deux ou trois passages de Lélia pouvaient mériter, à coup sûr, des reproches et soulever des scrupules par une grande nudité d’aveu ; mais le sérieux continu et l’élévation du sentiment rendaient ces passages mêmes beaucoup plus chastes que les trois quarts des scènes triviales qu’admirent et célèbrent nos critiques dans les romans de chaque jour. […] Il est arrivé de là qu’une œuvre si pleine de puissance et souvent de grâce, mais où ne circule aucun zéphyr mûrissant, a paru extraordinaire plutôt que belle, et a effrayé plutôt que charmé ceux qui admirent sur la foi de leur cœur. […] En lui désirant plus de calme dans la conception, et une continuité plus réfléchie, on admire cette rare faculté de style et cette source variée de développements.
L’enthousiasme pour les facultés de l’esprit l’emporte en eux sur tout autre genre d’estime : ils excitent l’homme à se faire admirer ; mais ils ne portent point un regard inquiet ou pénétrant dans les peines intérieures de l’âme. […] On doit recourir aux anciens pour le goût simple et pur des beaux-arts ; on doit admirer leur énergie, leur enthousiasme pour tout ce qui est grand, sentiments jeunes et forts des premiers peuples civilisés ; mais il faut considérer tous leurs raisonnements en philosophie comme l’échafaudage de l’édifice que l’esprit humain doit élever. […] L’amour de la réputation était le principe de toutes les actions des Grecs ; ils étudiaient, pour être admirés ; ils supportaient la douleur, pour exciter l’intérêt ; ils adoptaient des opinions, pour avoir des disciples ; ils défendaient leur patrie, pour la gouverner21.
Sismondi ne fut point, lui, amoureux de Madame de Staël, mais, quand il mettait la tête hors de ses livres comme une carpe met la sienne hors de l’eau, il l’admirait naïvement et passait sa vie à l’entendre. […] Et ce doivent être aussi des Madame de Staël et des Madame de Souza ; car il est impossible que de pareilles femmes, qui ont prouvé leur supériorité dans des livres puissants ou délicieux, n’aient pas laissé des lettres plus elles-mêmes encore que leurs écrits, et qui, pour cette raison, nous les feraient aimer et admirer davantage. […] D’ailleurs, il peut admirer de bonne foi et trouver très beau et très intéressant ce qui me semble, à, moi, parfaitement indigne du talent et de la renommée de Madame de Staël.
Nisard aime, admire, juge en perfection, et qui néanmoins se concilient très-difficilement avec son principe de la discipline et du sens commun. […] Nisard admire les Pensées autant que qui que ce soit, et ce grand sujet, qui a inspiré les écrivains les plus illustres de notre siècle, Chateaubriand, M. […] C’est une des choses dont le goût public doit lui savoir le plus de gré ; mais ici encore je ferai quelques réserves, et, si j’admire ces poètes, c’est à titre de poètes vrais et non de poètes disciplinés. […] Lorsque je vois Boileau s’échauffer contre les mauvais ouvrages, comme si c’étaient de mauvaises actions, louer et célébrer avec foi et passion et avec une admiration désintéressée Racine et Molière, lorsque j’entends sa voix mâle et émue demander au poëte l’honnêteté, la dignité, la fierté du cœur, je l’aime et je l’admire avec M. […] Bossuet est la plus grande imagination que nous ayons dans notre littérature, c’est une imagination biblique, homérique, grande, fière, simple, naïve, hardie, ayant toutes les qualités sans un seul défaut, et dans cet écrivain si surprenant, le premier de la France sans aucun doute, et qui n’a peut-être de rival dans toutes les littératures du monde que Platon, vous vous oubliez à nous faire admirer son bon sens, à nous montrer les limites de ses pensées, à lui faire un mérite de ces limites mêmes !
II Or, en quelques mots, voici cette histoire dont Edouard Drumont a tiré un parti charmant, mais trop doux… Le duc de Saint-Simon mourait en 1755, insolvable et probablement ruiné par son ambassade d’Espagne, qu’il avait menée avec cette grandeur désintéressée et ce luxe que notre siècle, peu accoutumé à ces généreux spectacles, a pu admirer quand le duc de Northumberland vint, comme ambassadeur d’Angleterre, au sacre du roi Charles X. […] Cela venge d’admirer. […] Il est monté jusqu’à ce crime pour le raconter, et ce qui fait la beauté de son Mémoire, c’est le sentiment de cette angoisse respectueuse qui s’y déchire, c’est le prosternement de l’homme qu’il admire et que le crime de celui qui admire humilie plus bas que la poussière, et qui se débat éloquemment dans cette poussière ; c’est la douleur enfin d’un royalisme qui voit dans le Roi la Monarchie, et la Monarchie périr par le Roi ! […] Je retrouve bien ici le Louis XIV des Mémoires, peint et diminué souvent par la passion de l’écrivain ; mais j’ai le secret maintenant de cette passion, et j’admire encore qu’après ce crime de Louis XIV, qu’il a sondé jusque dans le fond de son horreur, Saint-Simon soit resté si juste… IX Écrit de cette plume immortelle qui traîne sa vaste phrase comme un de ces lourds manteaux de pourpre que des épaules d’Hercule pourraient seules porter, le Mémoire sur les légitimés pourrait s’appeler hardiment : « la Bâtardise dans l’Histoire », car, à propos des légitimés de Louis XIV, c’est l’histoire de la bâtardise en France et de la bâtardise en soi.
Mais, par là même, tout demeurait confus ; et souvent, à côté de l’éclair du vrai génie paraissait seulement l’essai maladroit d’un art grossier, qu’on admirait, par inexpérience, autant que le génie même. […] Il n’eut pas seulement un prédécesseur de son nom, auteur de quelques froids sonnets, et cependant admiré jusqu’à la passion par une jeune fille poëte, qui voulut se nommer la Nina di Dante : il crut, dans sa jeunesse, avoir quelques rivaux de poésie, et ne laissa que bien tard échapper l’aveu qu’il espérait les effacer tous, comme le peintre Cimabué surpassait Giotto. […] Vous avez admiré dans le poëte l’appareil de terreur et de vengeance qu’il fait marcher devant elle : Te semper anteit sæva Necessitas, Etc., etc. […] Qu’il nous suffise ici de retrouver çà et là et de suivre à la trace les blanches lueurs de cette grande poésie, que nous avions admirée dans la Grèce et qui revient, à longs intervalles, pour le monde, comme ces astres dont le poëte a vu Flammarum longos a tergo albescere tractus. […] » Ces images peuvent nous rappeler ce que nous avons admiré dans Pindare, et ce que Dante n’avait pas ln, ces îles des bienheureux, où abordent les âmes choisies, où la lumière ne s’éteint jamais, où le souffle léger du zéphir agite les rameaux odorants des arbres.
N’a-t-il pas aussi défini le beau, et sa définition ne lui interdit-elle pas absolument d’admirer L’École des femmes ? […] Elle rit, elle admire. […] Aujourd’hui elle admire, elle aime les objets de ses colères d’autrefois, et, avec la même prétention absolue, elle entend que l’humanité entière partage son culte pour eux309. […] Car elle sait que ces choses-là ne sont point belles, si elles ne plaisent qu’à ses sens ou ne touchent que son cœur, sans pouvoir être en même temps admirées, ni d’elle, ni de personne. […] Entre ces deux limites tracées par la raison, Uranie suit la nature, et lorsqu’elle admire, elle sait qu’elle peut se laisser aller avec confiance à son émotion ; car c’est le signe de la présence du beau.
Cette majesté si admirée était Guillaume IV, roi de Prusse et frère de l’empereur d’Allemagne, couronné à Versailles19. […] Mais la critique historique qui n’admire ni ne blâme, mais essaye de tout expliquer, adopte l’axiome populaire, il n’y a pas de fumée sans feu ; elle pense que l’écrivain acclamé par ses contemporains, n’a conquis leurs applaudissements que parce qu’il a su flatter leurs goûts et leurs passions, et exprimer leurs pensées et leurs sentiments dans la langue qu’ils pouvaient comprendre. […] Ils se contemplaient et s’admiraient dans Hugo, ainsi que dans un miroir. […] Bien que Victor Hugo ne mentionne jamais les productions poétiques et romantiques de son père, il les admirait beaucoup. […] Dans une épître en vers de 1818, mais publiée en 1863, Hugo dit en parlant de lui-même : « … J’ai seize ans… Je lis l’Esprit des lois et j’admire Voltaire. » (Victor Hugo rac.
On est donc réduit à commenter l’œuvre, à l’admirer, à rêver l’auteur et le poète à travers. […] La sœur de Balzac, Mme Surville, dont la ressemblance physique avec son frère saute aux yeux, est faite en même temps pour donner à ceux qui, comme moi, ont le tort peut-être de n’admirer qu’incomplètement le célèbre romancier, une idée plus avantageuse qui les éclaire, les rassure et les ramène. […] Chaque ouvrage d’un auteur vu, examiné de la sorte, à son point, après qu’on l’a replacé dans son cadre et entouré de toutes les circonstances qui l’ont vu naître, acquiert tout son sens, — son sens historique, son sens littéraire, — reprend son degré juste d’originalité, de nouveauté ou d’imitation, et l’on ne court pas risque, en le jugeant, d’inventer des beautés à faux et d’admirer à côté, comme cela est inévitable quand on s’en tient à la pure rhétorique. […] Dis-moi qui t’admire et qui t’aime, et je te dirai qui tu es.
Le tout se couronne par une prière adressée surtout au Dieu infini et bon, auquel il s’abandonne avec confiance si quelquefois la parole l’a trahi : Pardonnez ces erreurs, ô Bonté qui n’êtes pas moins infinie que toutes les autres perfections de mon Dieu ; pardonnez les bégaiements d’une langue qui ne peut s’abstenir de vous louer, et les défaillances d’un esprit que vous n’avez fait que pour admirer votre perfection. […] Pascal, tout d’abord, commence par rejeter les preuves de l’existence de Dieu tirées de la nature : « J’admire, dit-il ironiquement, avec quelle hardiesse ces personnes entreprennent de parler de Dieu, en adressant leurs discours aux impies. […] Il est curieux de remarquer que la phrase un peu méprisante de Pascal : « J’admire avec quelle hardiesse, etc. », avait d’abord été imprimée dans la première édition de ses Pensées, et la Bibliothèque nationale possède depuis peu un exemplaire unique, daté de 1669, où on lit textuellement cette phrase (page 150). […] Allons voir à Londres, allons visiter et admirer le Palais de cristal et ses merveilles, allons l’enrichir et l’enorgueillir de nos produits : oui, mais en chemin, mais au retour, que quelques-uns se redisent avec Pascal ces paroles qui devraient être gravées au frontispice : Tous les corps, le firmament, les étoiles, la terre et ses royaumes, ne valent pas le moindre des esprits ; car il connaît tout cela, et soi ; et les corps, rien.
Heureux s’il se fût contenté de combattre les travers de la Secte dont il a été la victime, de démasquer l’hypocrisie politique de ses Chefs, de ridiculiser la sotte crédulité de ses Partisans, de s’élever contre la bassesse de ses Espions, de couvrir de mépris & d’infamie les Journalistes gagés par elle, qui n’admirent & ne louent que ce qui est marqué à son vénérable sceau ! […] Linguet l’a bien senti lui-même par le désaveu glorieux qu’il en a fait, & par les éloges vrais qu’il a donnés depuis à ce grand homme d’Etat, dont la Nation & les Etrangers admirent également la sagesse & la probité ; qui ne doit son élévation qu’à son mérite ; dont tous les pas dans la carriere politique, où il est entré dès l’âge le plus tendre, ont été marqués par des services rendus à la Patrie ; qui, malgré sa grande modestie, jouit de toute sa réputation ; & dont la gloire, appuyée sur l’estime générale de ses contemporains, ne pourra qu’augmenter par la succession des temps.
Tous ont combattu, tous ont fait l’effort, tous sont vainqueurs ; qu’ils aient combattus par les idées ou par la force sans comprendre bien, suivant leurs moyens, admirons-les ! […] Raffaëlli, dominé d’une sympathie humaine qui est belle en soi et qui vivifie son grand talent, voudrait borner cet art à nous donner de notre race et de nos contemporains, une série d’effigies caractéristiques, propre à nous les faire connaître intimement et par conséquent aimer, admirer, ou haïr et ridiculiser.
Le savant, l’ignorant, les admire sans avoir jamais vu les personnes, c’est que la chair et la vie y sont. […] C’est que celui-ci ne s’est jamais occupé de l’imitation rigoureuse de la nature ; c’est qu’il a l’habitude d’exagérer, d’affaiblir, de corriger son modèle ; c’est qu’il a la tête pleine de règles qui l’assujettissent et qui dirigent son pinceau, sans qu’il s’en apperçoive ; c’est qu’il a toujours altéré les formes d’après ces règles de goût et qu’il continue toujours de les altérer ; c’est qu’il fond, avec les traits qu’il a sous les yeux et qu’il s’efforce en vain de copier rigoureusement, des traits empruntés des antiques qu’il a étudiés, des tableaux qu’il a vus et admirés et de ceux qu’il a faits ; c’est qu’il est savant, c’est qu’il est libre, et qu’il ne peut se réduire à la condition de l’esclave et de l’ignorant ; c’est qu’il a son faire, son tic, sa couleur auxquels il revient sans cesse ; c’est qu’il exécute une caricature en beau, et que le barbouilleur, au contraire, exécute une caricature en laid.
Ces sentiments sont ennemis de la dissimulation, et n’excluent point la générosité ; elle devait admirer Achille, le héros de la force. […] La Grèce devait alors admirer Ulysse, le héros de la sagesse.
Madame Gay s’était faite elle-même le piédestal de sa fille ; on la raillait de son empressement à la produire et à faire admirer ses perfections : mais qu’y a-t-il de plus innocent et de plus désintéressé que de vouloir faire éclater aux yeux du monde le prodige qu’une mère a trouvé dans le berceau de son propre enfant ? […] J’admirai de ses bords la superbe misère ; Mais les flots sablonneux de ce fleuve agité, De nos fleuves riants n’ont pas la pureté. […] De tous ces familiers, ou aimables ou célèbres, que nous y avons aimés, admirés ou entrevus, elle était le lien : le lien brisé, le faisceau s’est dispersé. […] J’y trouvai un jeune écrivain, d’âme sensible et de main magistrale, qui ne rougit ni d’aimer ni d’admirer, Paulin de Limayrac ; une femme qui a perdu son sexe dans la mêlée du génie comme les héroïnes du Tasse, madame Sand. […] J’admirai ce hasard qui réunissait ainsi, dans un espace de quatre pas carrés, quatre âmes de nature diverse presque inconnues les unes aux autres, mais dont chacune avait un empire au dehors sur une région de l’intelligence humaine.
J’y disais : J’admire Baudelaire tout en estimant Lamartine. Il est probable qu’un artifice de bien dire m’induisit à cette assertion, car, à la vérité, il me semble avoir toujours admiré Lamartine autant que Baudelaire, je n’ose pas ajouter davantage. […] Verlaine, dans un sonnet très admiré, il s’imaginera qu’il est à lui seul l’empire romain tout entier : Je suis l’empire à la fin de la décadence Qui regarde passer les grands barbares blancs, En composant des acrostiches indolents D’un style d’or où la langueur du soleil danse. […] La plupart des statues antiques que nous admirons sont des répliques. […] Vous admirez Lamartine, tout en estimant, j’aime à le croire, Charles Baudelaire ; et moi j’admire Baudelaire tout en estimant Lamartine.
Descartes admire dans les lettres de Balzac précisément ce qui en faisait la nouveauté : l’accord et le tempérament de toutes les parties, la composition, la proportion, et cette harmonie de l’ensemble, qu’il compare à la beauté dans une femme parfaitement belle. […] « Et la postérité, ajoute-t-il, lui faisant justice et voyant en lui des mœurs tout conformes à celles de ces grands hommes de l’antiquité, admirera la candeur et l’ingénuité de cet esprit élevé au-dessus du commun, quoique les hommes jaloux maintenant de sa gloire ne veuillent pas reconnaître une vertu si sublime. » C’est sa franchise qui lui attire ces libelles diffamatoires dont les auteurs ont pris dans ce qu’il dit de lui le spécieux prétexte et la matière de toutes leurs accusations. […] Aussi ses premières lettres furent-elles très admirées. […] Ce que Descartes y admirait n’a pas cessé d’être admirable. […] A qui croit-on, par exemple, qu’il fasse allusion dans les lignes qui suivent : « Et ici, Ménandre, avant que de passer outre, admirons ensemble les moyens dont Dieu se sert pour procurer le repos du monde, et le soin qu’il a de trouver quelquefois le bien public dans le malheur des particuliers.
Si les jeunes hommes de la génération de Bénédict lisaient et savaient Voltaire, il n’aurait pas manqué de se redire à lui-même, en voyant danser à ce bal de mai Mlle de Raimbault, ces vers noblement voluptueux qui eussent rassemblé pour lui comme de flottants souvenirs : L’étranger admirait dans votre auguste cour Cent filles de héros conduites par l’Amour, Ces belles Montbazons, ces Châtillons brillantes, Ces piquantes Bouillons, ces Nemours si touchantes, Dansant avec Louis sous des berceaux de fleurs. Tous les détails de cette soirée, la présentation de Bénédict aux orgueilleux parents de Valentine, l’invitation à la danse, l’embarras du baiser, l’aisance de bel air de M. de Lansac, fiancé de Valentine, tout cela est délicieusement conduit ; et le départ ensuite, le retour, la manière dont Valentine s’égare, la rencontre des deux jeunes gens près des buissons fleuris de l’Indre ; cette voix limpide et nerveuse de Bénédict, qui le précède et l’annonce, et dont Valentine a de loin admiré le chant ; cette arrivée à la ferme par les jardins de derrière et à travers les haies, leurs deux haleines se confondant au passage dans les fleurs ; cette visite nocturne de Valentine à Louise, à sa sœur aînée, si longtemps perdue, si merveilleusement retrouvée, et qu’une faute amère, déjà bien ancienne, avait bannie d’un lieu qu’elle a voulu revoir ; — oui, tout, jusqu’à cette façon naturelle et rusée d’éconduire M. de Lansac, tout, dans cette première partie du récit, captive, enchante et satisfait. […] Ces courses de Valentine avec Louise et Athénaïs, Bénédict toujours présent, par les prairies, à travers le foin des granges et au bord de la rivière ; le moment surtout où Bénédict, lassé de courir et de pêcher, en blouse, négligemment assis les jambes pendantes sur un tronc de chêne au-dessus des eaux, est admiré pour la première fois et trouvé beau par Valentine qui le regarde du bord ; ce moment et les tendresses folâtres qui l’amènent et le suivent sont le triomphe du roman.
Le savant seul a le droit d’admirer. […] Sotte manière d’admirer l’antiquité. Le savant seul a le droit d’admirer.
Philémon-Quinet, et qui, depuis des années, l’adore et l’admire, ce que je trouverais très bien, de moralité édifiante et de difficulté vaincue, si elle ne voulait pas nous le faire admirer, à nous qui n’avons l’honneur ni le bonheur, d’être la femme de M. […] » Déjà à la page 125 de son volume, cette hallucinée d’amour conjugal avait tracé ces mots incroyables pour consoler Paris de ses misères et relever son cœur humilié : « Je ne sais pas si l’Europe admire Paris, mais j’ai vu pleurer mon mari !!!
Ces traditions, qui sont les mêmes à peu près à l’École normale et à l’Académie, et que comme professeur, quand on l’est, on est obligé de transborder dans d’autres esprits, qui à leur tour en seront les débardeurs sur tous les quais des écoles de France, ne sont pas des garanties d’indépendance bien souveraines quand il s’agit d’un classique aussi séculairement admiré, par exemple, que Thucydide. […] Il admire Thucydide comme, je crois, il ne faut admirer personne, sans restriction d’aucune sorte, et plaidant — je ne veux pas dire sophistiquant — toutes les admirations de détail qui composent son ensemble d’admiration.
Enfin, si Socrate lui-même avait pu lire les ouvrages de ses deux disciples, il eût peut-être plus admiré l’un, mais il eût plus tendrement aimé l’autre. […] C’est celle d’un vieillard plein de sens, accoutumé au spectacle des choses humaines, qui ne s’échauffe pas, ne s’éblouit pas, admire avec tranquillité et blâme sans indignation ; sa marche est mesurée, et il ne la précipite jamais : semblable à une rivière calme, il s’arrête, il revient, il suspend son cours, il embrasse lentement un terrain vaste ; il sème tranquillement, et comme au hasard sur sa route, tout ce que sa mémoire vient lui offrir ; enfin partout il converse avec son lecteur : c’est le Montaigne des Grecs ; mais il n’a point comme lui cette manière pittoresque et hardie de peindre ses idées, et cette imagination de style que peu de poètes même ont eue comme Montaigne. […] Antipater admire en écoutant : il semble qu’au spectacle d’un homme libre, son âme s’élève.
Lorsque dans une monarchie il s’élève un sujet qui, par les circonstances ou ses talents, obtient un grand pouvoir, aussitôt les hommages et les regards se tournent de ce côté ; tout ce qui est faible est porté, par sa faiblesse même, à admirer ce qui est puissant ; mais si ce sujet qui commande, a une grandeur altière qui en impose, si par son caractère il entraîne tout, s’il se sent nécessaire à son maître en le servant, si à cette grandeur empruntée qu’il avait d’abord, il en substitue une autre presque indépendante, et qui, par la force de son génie, lui soit personnelle ; si, de plus, il a des succès, et que la fortune paraisse lui obéir comme les hommes, alors la louange n’a plus de bornes. […] Les uns, frappés de ses grandes qualités de ministre et d’homme d’état, l’ont admiré sans réserve. […] Quelques-uns même vont jusqu’à lui faire un reproche de cette politique si vaste, tant admirée par d’autres.
Pour me faire admirer je ne fais point de ligue ; J’ai peu de voix pour moi, mais je les ai sans brigue ; Et mon ambition, pour faire un peu de bruit, Ne les va point quêter de réduit en réduit. […] Il rentra dans l’imitation espagnole par le Menteur, comédie dont il faut admirer bien moins le comique (Corneille n’y entendait rien) que l’imbroglio, le mouvement et la fantaisie ; il rentra encore dans le génie castillan par Héraclius, surtout par Nicomède et Don Sanche, ces deux admirables créations, uniques sur notre théâtre, et qui, venues en pleine Fronde, et par leur singulier mélange d’héroïsme romanesque et d’ironie familière, soulevaient mille allusions malignes ou généreuses, et arrachaient d’universels applaudissements. […] Mais il n’avait pas le génie assez artiste pour étendre au drame entier cette configuration concentrique qu’il a réalisée par places ; et, d’autre part, sa fantaisie n’était pas assez libre et alerte pour se créer une forme mouvante, diffuse, ondoyante et multiple, mais non moins réelle, non moins belle que l’autre, et comme nous l’admirons dans quelques pièces de Shakspeare, comme les Schlegel l’admirent dans Calderon. […] La moralité de ses héros est sans tache : comme pères, comme amants, comme amis ou ennemis, on les admire et on les honore ; aux endroits pathétiques, ils ont des accents sublimes qui enlèvent et font pleurer ; mais ses rivaux et ses maris ont quelquefois une teinte de ridicule : ainsi don Sanche dans le Cid, ainsi Prusias et Pertharite.
Il se refusa à condamner, comme théologien, ce qu’il admirait comme homme, comme poëte et comme ami. […] À ce titre, madame de Maintenon espérait le faire associer lui-même aux évêques qui jugeaient madame Guyon, et le contraindre à réprouver ainsi comme pontife, ce qu’il avait admiré comme ami. […] Ils voulaient un hérésiarque à foudroyer, Fénelon ne leur offrait qu’une victime à admirer. […] Ce livre partage les esprits : la cabale l’admire, le reste du monde le trouve peu sérieux et peu digne d’un prêtre. » Il fut convenu à la cour qu’on ne prononcerait pas le titre devant le roi : il le crut oublié, parce qu’il l’oubliait lui-même. […] C’est à Cambrai, pendant les tristes années où l’Europe liguée faisait expier à Louis XIV l’éclat dominateur, les longues prospérités, la gloire hautaine de tout son règne, qu’il faut surtout admirer Fénelon.
Les anciens n’avoient pas bien demêlé ceci ; ils regardoient comme des qualités positives toutes les qualités relatives de notre ame ; ce qui fait que ces dialogues où Platon fait raisonner Socrate, ces dialogues si admires des anciens, sont aujourd’hui insoûtenables, parce qu’ils sont fondés sur une philosophie fausse : car tous ces raisonnemens tirés sur le bon, le beau, le parfait, le sage, le fou, le dur, le mou, le sec, l’humide, traités comme des choses positives, ne signifient plus rien. […] Voyez, je vous prie, la multiplicité des causes ; nous aimons mieux voir un jardin bien arrangé, qu’une confusion d’arbres ; 1°. parce que notre vûe qui seroit arrêtée ne l’est pas ; 2°. chaque allée est une, & forme une grande chose, au lieu que dans la confusion, chaque arbre est une chose & une petite chose ; 3°. nous voyons un arrangement que nous n’avons pas coûtume de voir ; 4°. nous savons bon gré de la peine que l’on a pris ; 5°. nous admirons le soin que l’on a de combattre sans cesse la nature, qui par des productions qu’on ne lui demande pas, cherche à tout confondre : ce qui est si vrai, qu’un jardin négligé nous est insupportable ; quelquefois la difficulté de l’ouvrage nous plaît, quelquefois c’est la facilité ; & comme dans un jardin magnifique nous admirons la grandeur & la dépense du maître, nous voyons quelquefois avec plaisir qu’on a eu l’art de nous plaire avec peu de dépense & de travail. […] Souvent notre ame se compose elle-même des raisons de plaisir, & elle y réussit sur-tout par les liaisons qu’elle met aux choses ; ainsi une chose qui nous a plu nous plaît encore, par la seule raison qu’elle nous a plu, parce que nous joignons l’ancienne idée à la nouvelle : ainsi une actrice qui nous a plu sur le théatre, nous plaît encore dans la chambre ; sa voix, sa déclamation, le souvenir de l’avoir vûe admirer, que dis-je, l’idée de la princesse jointe à la sienne, tout cela fait une espece de mélange qui forme & produit un plaisir. […] Nous admirons la majesté des draperies de Paul Veronese ; mais nous sommes touchés de la simplicité de Raphael, & de la pureté du Correge.
On tenait plus à approuver qu’à admirer. […] « Prenons garde, disait la Harpe, défendant la Henriade contre la critique, c’est le seul poème épique que nous ayons » ; comme s’il n’était pas plus honorable pour la France de n’avoir pas de poème épique du tout que d’en admirer un médiocre ! […] Tout en a passé de mode, la gloire de Voltaire y aidant du reste, car, dans son œuvre prodigieuse, on abandonne d’autant plus aisément le médiocre qu’on y trouve à admirer l’excellent. […] Plus d’un qui l’admirait à son profit, et pour se louer plus commodément sous le nom d’un illustre mort, ne faisait que lui rendre justice. […] Elles furent cependant très admirées, et elles en durent la fortune au dégoût pour le précieux.
Née à la Havane dans cet opulent climat qui plus tard lui faisait paraître l’Andalousie si chétive, et où les mouches volantes seraient seules des clartés suffisantes de la nuit, la jeune Mercedès Jaruco, élevée d’abord et très gâtée chez sa grand-mère, puis mise au couvent où elle ne peut tenir et d’où elle s’échappe un matin, puis auprès d’une tante de chez laquelle elle s’échapperait non moins volontiers, nous apparaît dans sa beauté native, sachant lire à peine, souvent sans bas, un peu sauvage, ne s’arrêtant jamais entre un désir et son but, courant à cheval et tombant, grimpant à l’arbre et s’évanouissant au toucher d’une couleuvre, bonne pour les nègres, dévouée au premier regard pour ce qui souffre ; on se plaît à admirer une enfance si franche et si comblée des plus riches dons, racontée avec finesse et goût par la femme du monde. […] Ils veulent bien admirer une fois pour toutes un mérite en vous, mais deux, c’est trop fort.
C’est fort beau ces vers qu’il nous a dits. » Et tâtonnant dans sa mémoire, il y rattrapait morceau par morceau et ajustait, comme on fait d’une porcelaine brisée, l’une ou l’autre pièce, par exemple, ce sonnet, que, quelques mois après, Catulle Mendès, le raffiné, notre hôte à son tour, admira autant que l’avait fait ce fils des sillons : Ta gloire évoque en moi ces navires houleux… Que de fiers conquérants aux gestes magnétiques Poussaient, dans l’infini des vierges Atlantiques, Vers les archipels d’or des lointains fabuleux. […] Donc, pratiquons le vers libre, s’il nous plaît, laissons le poète tranquille et admirons.
Il est certain qu'on n'y retrouve pas cette noblesse, cette élégance soutenue, cette même force de génie qui caractérise ses Poésies lyriques ; mais on seroit injuste de ne pas y admirer une raison supérieure, une poésie nerveuse, une facilité de style, une sûreté de goût, qui décelent le grand Maître, sur-tout dans les matieres où il parle de son Art. […] Il seroit à souhaiter qu'on pût louer le sujet de toutes ses Epigrammes, comme on admire la maniere dont il l'a traité ; mais on ne doit pas oublier qu'il s'est reproché ces écarts ; & en ne considérant ces petites Pieces que du côté de la poésie, qui n'applaudira à la simplicité, à la briéveté, à la justesse & à l'énergie de l'expression, au sel piquant, au tour original, qui le rendent un Auteur presque unique en ce genre, sans excepter Martial, lequel, à beaucoup près, n'est ni aussi précis, ni aussi nerveux, ni aussi agréable que lui ?
On a admiré dans Le Dépit amoureux la scène de la brouillerie et du raccommodement d’Éraste et de Lucile. […] Mais aussi les connaisseurs admirèrent avec quelle adresse Molière avait su attacher et plaire pendant cinq actes, par la seule confidence d’Horace au vieillard, et par de simples récits. […] Il court en foule à des comédies gaies et amusantes, mais qu’il n’estime guère ; et ce qu’il admire n’est pas toujours réjouissant. […] On admire la conduite de la pièce jusqu’au dénouement ; on sent combien il est forcé, et combien les louanges du roi, quoique mal amenées, étaient nécessaires pour soutenir Molière contre ses ennemis. […] Plus on la vit, et plus on admira comment Molière avait pu jeter tant de comique sur un sujet qui paraissait fournir plus de pédanterie que d’agrément.
Cependant je sens que je commence à te goûter, et je l’admire comme un rare génie, surtout pour le temps où il a vécu… Mais cette lecture ne profite pas à de Brosses, qui continue de trouver Dante un poète tout à fait sec et sans aménité : Je ne puis m’empêcher d’ajouter encore ici que plus je lis le Dante, plus je reste surpris de cette préférence que je lui ai vu donner sur l’Arioste par de bons connaisseurs : il me semble que c’est comme si on mettait le Roman de la rose au-dessus de La Fontaine. […] De Brosses a beau faire, il est trop Français à sa date, il ne peut venir à bout d’admirer Dante. […] Il lui faisait d’ailleurs la grâce d’y reconnaître, sans doute sur parole, « une foule de beautés de style et d’expressions qui devaient être vivement senties par les compatriotes du poète, et même quelques morceaux assez généralement beaux pour être admirés par toutes les nations. » On en était là au commencement de ce siècle. […] Les beautés chez Dante sont grandes, et elles sont d’un ordre si imprévu, si puissant et si élevé, qu’on ne regrette point, quand on les possède une fois, la peine qu’elles ont coûtée ; elles ont pourtant coûté une grande peine, et il est de ceux qu’on admire, en étant obligé de les conquérir à chaque pas et à chaque instant.
faut-il que celles que l’on a le plus admirées et plaintes, le plus exaltées et célébrées, nous fassent faute à quelques années de là, nous donnent le regret, la confusion et presque le remords de nos espérances, et que cette misérable vie qui, passé une certaine heure, se compose pour nous d’une suite d’affronts secrets et d’échecs individuels, ne puisse s’achever sans que nous ayons vu coucher l’un après l’autre tous nos soleils, s’abîmer dans l’Océan toutes nos constellations, pâlir au fond du cœur toutes nos lumières ? […] On se lasse d’admirer ce qu’on a admiré, on change de veine ; on parlait pour, on parle contre ; on est homme, on est mobile, on est Français. […] Tous ceux, en effet, qui voyagent en Grèce ou dans la Troade commencent invariablement, on le sait, par vérifier et admirer l’exactitude et le piitoresque de la plupart des épithètes homériques relatives aux lieux : Ithaque aux beaux couchants, la sablonneuse Pylos, la profonde Lacédémone, Épidaure fertile en raisins, la venteuse Ilion, le Pélion, agitateur de feuilles, etc.
Malgré tout et dussé-je trahir mon côté profane, mon côté faible, il m’est impossible, à parler franc, d’admirer autant qu’on le fait cette sécheresse extrême de la première partie du Discours sur l’Histoire universelle ; elle serait un vrai défaut, si cette première partie était capitale et le fonds même du Discours. […] Il le propose comme le modèle inimitable des abrégés : « Cet écrivain, dit-il, que je ne me lasse point de lire ; que, par pressentiment, j’ai admiré toute ma vie ; qui réunit tous les genres ; qui est historien, quoique abréviateur ; qui, dans le plus petit espace, nous a conservé un grand nombre d’anecdotes qu’on ne trouve point ailleurs ; qui défend son lecteur de l’ennui d’un abrégé par des réflexions courtes, qui sont comme le corollaire de chaque événement ; dont les portraits nécessaires pour l’intelligence des faits sont tous en ornement ; enfin l’écrivain le plus agréable que l’on puisse lire… », cet écrivain sans pareil n’est autre pour lui que Velléius. […] Velléius se demande encore pourquoi, après les chefs-d’œuvre produits, et même quand on les admire, on s’en écarte ; pourquoi il y a l’âge des Sénèque et, j’allais dire, des Chateaubriand. […] J’avoue que j’admire cette première partie au moins autant que les deux autres. » Cette première partie ainsi expliquée, et les grands événements de l’histoire ancienne étant une fois distribués chronologiquement et par époques, de manière à venir se ranger, pour ainsi dire, « chacun sous son étendard,) » on est préparé et l’on n’a plus qu’à entrer avec Bossuet, le grand généralissime, dans ce qui fait l’objet principal et le vrai dessein du livre, à savoir les considérations sur la suite du peuple de Dieu, et sur celle des grands empires.
Élégie tant que vous voudrez, mais élégie souverainement dramatique. » Puis ce sont des rapprochements de noms et d’idées propres à troubler les esprits timides « On pourrait admirer, au troisième acte de Ma camarade, une psychologie racinienne. » — « Pour l’élan du geste il n’y a eu de nos jours, avec Thérésa, que Rachel, et encore ! […] Racine serait fort étonné d’être admiré pour « ses à-fond d’une brutalité froide et la souplesse de ses dégagements ». […] Sur Corneille et Racine, il s’abandonne à des effusions intransigeantes : nul n’a plus contribué que lui à mettre à la mode le parti pris très distingué de les admirer sans réserve, de tout voir chez eux, même des choses auxquelles il ne semble pas qu’ils aient beaucoup songé. […] S’il adore Scribe et Dumas, c’est assurément à cause de leurs œuvres, mais aussi par la raison qu’il admire tant Gambetta (et en général tous ceux qui ont joué un grand rôle dans l’histoire) : parce qu’ils ont été forts, puissants, féconds.
Et s’ils étaient encore académisables, bien des hommes auraient la courageuse franchise de n’admirer ni Salammbô ni Les Fleurs du Mal. […] Cette Académie comprend un certain nombre d’écrivains, (j’en admire quelques-uns) qui se réunissent pour des raisons tout autres que littéraires : prix aux sauveteurs, aux vieux domestiques vertueux, aux riches maîtresses de maison. […] Il faut admirer en elle la conscience nette qu’elle conserve de sa destinée. […] Peut-être un grammairien académique y fera-t-il admirer à nos petits-fils une hardie figure pour laquelle il obtiendra les honneurs d’un vocable en méta.
Avant lui, notre Nation étoit réduite à admirer chez les Anciens ou les Etrangers les beautés du Poëme épique : Fénélon parut, & nous lui dûmes la gloire de pouvoir offrir un chef-d’œuvre capable de surpasser peut-être, ou du moins de balancer la gloire de ceux qui l’avoient précédé. […] Admirons encore dans cet Ecrivain in comparable, l’idée sublime & neuve d’avoir caché Minerve sous la forme de Mentor. […] Dans ses Réflexions sur la Grammaire, la Rhétorique, la Poétique & l’Histoire, on admire le Littérateur éclairé, l’Erudit sans étalage, l’homme de goût sans affectation.
Les âmes qui retrouvent en cette œuvre leur âme, l’admirent, se groupent autour d’elle et se séparent des hommes d’âme diverse… En d’autres termes (remarquons la fin de ce paragraphe), la série des œuvres populaires d’un groupe donné écrit l’histoire intellectuelle de ce groupe, une littérature exprime une nation, non parce que celle-ci l’a produite, mais parce que celle-ci l’a adoptée et admirée, s’y est complue et reconnue. » En ces quelques lignes se trouvent exprimées une doctrine et une méthode, qui ne marchent pas nécessairement ensemble. […] On peut admirer dans l’œuvre d’autrui des qualités qu’on n’apporte pas dans la sienne propre, ou qu’on ne possède point dans son propre caractère.
L’histoire ne s’écrit que parce qu’on hait ou qu’on aime, parce qu’on méprise ou qu’on admire. […] le La Grange qui a fait le Mât de cocagne, et qui n’est pas du tout ce marquis de la Grange chez lequel servait Mascarille, D’un autre côté, Cousin, en voulant nous faire admirer les Cathos princesses, nous a autorisés, nous autres démocrates, à admirer toutes les espèces de Cathos.
Michelet a nié celle des chefs de la Révolution dans les choses de la Révolution qu’il admirait le plus. […] Il coupa sa forêt d’ennemis, et, quand il l’eut coupée, il posa la hache à ses pieds avec une hauteur et un calme que l’Histoire, malgré son horreur, admire encore. […] Charles d’Héricault pouvait peindre à grands traits, avec les reliefs du style et de la langue et le frémissement d’un artiste, il l’a dit sans s’y arrêter, avec la sobriété voulue, réfléchie et maintenue résolument, tout le temps de son livre, et que je ne puis m’empêcher d’admirer.
Ce n’est plus là le grand portail officiel que l’imagination idéalise, cette apothéose du plafond que la postérité regarde d’en bas et admire ; ce n’est plus le Bossuet de Versailles dont la main, brillant de l’émeraude donnée dans la mort par Madame Henriette, s’étend haut de la chaire sur le front pensif ou pénitent de Louis XIV ; ni ce prélat majestueux, ce grand artiste en dignité extérieure, qui ordonnait qu’on changeât dans ses jardins de Meaux un escalier en pente adoucie, pour que les flots moirés de sa robe violette traînassent derrière lui avec une décence plus grandiose. […] Floquet admire Bossuet comme Kepler admirait le monde.
Mais, sans s’arrêter à cette ligne extrême du dandysme, de Vigny avait pourtant le sentiment de la forme, — de la beauté voulue dans tous les détails de la vie, qui répugne à tout ce qui est inférieur, et qui faisait admirer au vieux Mirabeau le rouge que se mettait Mazarin mourant ! […] Le style du poète reste toujours aussi mélodieux de pureté que jamais, mais c’est moins la forme du poète qui est changée que son fond même… Cette coupe d’ivoire, incrustée d’argent, que j’ai tant admirée, je la vois bien encore ici, mais elle ne renferme ni les saveurs ni les senteurs d’autrefois. […] Je vois mieux ainsi ce sincère glorificateur du silence, ce trappiste de la Poésie, qui s’était créé comme une solitude monastique sous les rideaux et les persiennes de son salon de la rue des Écuries-d’Artois, si plein des portraits et des souvenirs de sa jeunesse, et dans lequel il s’était, de si longue main et de si bonne grâce, préparé à ce qu’il admirait le plus : — silencieusement mourir !
En guise de préface Il y a, dans une Revue illustre, un écrivain que je respecte et que j’admire infiniment. […] J’admire de bon coeur la majesté d’une telle critique.
Les transports qui suivent la reconnaissance des deux époux ; cette comparaison si touchante d’une veuve qui retrouve son époux, à un matelot qui découvre la terre au moment du naufrage ; le couple conduit au flambeau dans son appartement ; les plaisirs de l’amour, suivis des joies de la douleur ou de la confidence des peines passées ; la double volupté du bonheur présent, et du malheur en souvenir ; le sommeil qui vient par degrés fermer les yeux et la bouche d’Ulysse, tandis qu’il raconte ses aventures à Pénélope attentive, ce sont autant de traits du grand maître ; on ne les saurait trop admirer. […] Il faut admirer de telles infidélités.
Il dit une seconde fois penser, aimer, admirer, vivre, comme on avait pensé, aimé, admiré, vécu. […] Nul plus que moi n’admire l’œuvre charmante d’André Chénier. […] Ne pouvant prier lui-même, il envie, il admire ceux qui prient. […] Rien n’est plus noble qu’admirer. […] et ceux qui, alors, n’admirent pas Armand Silvestre, mentent quand ils disent qu’ils admirent Lamartine, Hugo ou Musset.
C’est la différence entre le poète purement ingénieux et le poète créateur ; l’un fait admirer son esprit, l’autre communique son âme. […] Admirer, c’est monter. […] Admirez combien la conviction de l’âme relative des animaux, conviction si oblitérée en nous aujourd’hui, était puissante et hardie dans le père des poètes ! […] Achille contemple à son tour et admire « le vieillard au visage majestueux ». […] Voulez-vous l’amitié : admirez Patrocle !
J’admire toujours Baudelaire et ne le relis jamais. […] Il sied que je vous admire sans tendresse désormais. […] Faut-il l’admirer, faut-il en être dégoûte ? […] Admirons-la et faisons-nous y ressemeler. […] Jolie peinture, mais je suis trop malade pour admirer.
On admire le premier, & l’on aime le second. […] Je l’ai toujours admiré.
Ils admirent et ils aiment comme il faut qu’on admire et qu’on aime : trop. il n’y a qu’eux pour jeter généreusement des couronnes. […] Le public a besoin de croire que les augustes poètes que nous admirons comme lui et dont les ombres lumineuses sont des soleils de nos rêves, s’abandonnèrent sans calcul au caprice de leur tempérament, parce qu’ils dédaignèrent de dire leur esthétique.
[José-Maria de Heredia] Combien « les hommes des grandes villes », qui « n’ont pas trouvé malin » le pauvre Lélian, doivent admirer l’habileté de M. de Heredia. […] Il a admiré Leconte de Lisle, puissant discobole, et il a voulu l’imiter. […] Il convient d’admirer son habileté et de s’intéresser à sa carrière littéraire comme au plus adroitement composé des romans picaresques.
Pauthier et Bazin, qui sont d’un temps plus rassis, n’ont point de ces façons de corybante à tympanon et à cymbales ; mais, avec les airs modérés et prudents, le grand uniforme de la philosophie officielle du xixe siècle, ils glissent en dessous de leurs grosses statistiques bien de petites phrases où perce la préférence marquée d’une tradition qui n’explique aucune des traditions diverses des races aux dépens de la grande Tradition qui les explique toutes, et c’est au point que sans cette tradition anti-chrétienne, chère aux voltairiens de tous les âges, ils n’oseraient peut-être pas, malgré la chinoiserie de leurs manières de voir et de sentir, nous vanter la Chine et ne rien ajouter aux raisons connues que ses plus anciens partisans avaient déjà de l’admirer. […] ce que nous avons cherché, avant tout, dans ces deux volumes, aussi typographiquement qu’intellectuellement illisibles, c’est de nouvelles et meilleures raisons d’admirer la Chine, puisque Pauthier et Bazin l’admirent, que les vieilles raisons, devenues sournoises, du xviiie siècle !
« Jamais — nous enseigne-t-il — l’homme n’est plus grand que quand il admire. » Mais c’est là une grimace suspendue, attendu que, pour être admirable d’admirer, il faudrait au moins nous dire quoi, et Vacquerie ne nous le dit pas. […] Shakespeare, traduit filialement par un fils de Hugo. » Et l’on admire cette douce manière, ces mignardises aimables, ce baissement de voix dans un homme dont le verbe est si haut quand il proclame ses adorations !
je le sais bien et je ne le dirai pas, le défaut de ce poète que j’aime et qui est le défaut de la presque universalité des poètes de ce temps, mais je dirai ce que je me permets de regretter dans son livre : c’est qu’on y voit qu’il a trop lu les poètes de son époque ; il s’est trop imprégné de ceux qu’il admire. […] Or encore, l’admiration d’un homme tue toujours un peu l’originalité de celui qui l’admire. […] Et un autre jour, il jette au Soleil et à l’Océan des strophes qu’eut admirées Pascal et dans lesquelles il aurait reconnu sa pensée.
Le livre de l’Amour, — ce chef-d’œuvre de pointillé dans l’observation et de grâce inattendue dans le bien dire, que Sterne aurait admiré, et où les nuances, qui ondoient, chatoient, se fondent et s’évanouissent comme des lueurs d’opale dans le merveilleux observateur du Sentimental Journey, sont nettement fixées sous le regard par un procédé supérieur d’analyse sans rien perdre de leur ténuité et de leurs qualités presque immatérielles, — ce livre d’un agrafeur de nuances (ces mots-là sont faits pour lui seul), ce livre qui a tout dit et fait le tour du cœur, de ce muscle qui renferme l’infini, comme on fait le tour de la terre, de cette misérable petite chose que Voltaire appelait « un globule terraqué », nous ne croyons pas que Paulin Limayrac l’admire et l’aime mieux que nous. […] Il avait l’impartialité sereine d’un homme de génie qui en comprend un autre, et qui le dit simplement et grandement, en ajoutant pourquoi il l’admire.
») : j’admire le mouvement lyrique et certains détails de cette pièce. […] Elle admire de jolies « attitudes sur une barrière, comme d’oiseaux perchés ». […] Elle admire surtout ce jeune Horace, inhumain plus que surhumain, trop brute pour être un héros. […] Malgré l’âpreté sincère et contenue de cette satire, ce n’est pas ici que j’admire l’originalité de Marni. […] Un hasard remarquable : le moins médiocre de ces gentils enfantillages est précisément celui qu’admira l’Académie.
On lui avait fort conseillé la lecture des grands auteurs, particulièrement de Schiller et de Klopstock ; il les admira, mais sans tirer grand profit de leurs œuvres. […] À peine arrivé, il le vit, l’admira et l’aima de plus en plus, s’acquit d’emblée sa bienveillance, vit qu’il pourrait lui être agréable et utile, et, se fixant près de lui à Weimar, il y demeura (sauf de courtes absences et un voyage de quelques mois en Italie) sans plus le quitter jusqu’à l’heure où cet esprit immortel s’en alla. […] À genoux devant Molière et La Fontaine, il admire Athalie, goûte Bérénice, sait par cœur les chansons de Béranger et raconte parfaitement nos plus nouveaux vaudevilles. […] Ni son prince ni son pays ne lui demandaient compte de cette partialité blessante pour le vainqueur. « Ce sont deux grands esprits, se disaient-ils, ils ne se jugent pas, ils s’admirent. » Napoléon, en effet, comme on le verra, affecta d’admirer beaucoup Goethe. […] Il y a une parenté étroite entre cet empire qu’il avait sur lui-même et la puissance de réflexion qui le maintenait toujours maître du sujet qu’il traitait en écrivant, et qui lui permettait de donner à ses œuvres ce fini dans la forme que nous admirons.
Je sais bien que les snobs feignent de ne pas admirer Victor Hugo. […] Leurs tendances sont contradictoires selon les périodes de leur vie, et chaque lecteur peut trouver à admirer dans le sens de ses préjugés. […] Elles sont les points communs qui permettent d’en admirer la sève et le bien-fondé et de rendre justice à des parti-pris différents, opposés, mais tous procédant d’une passion de vérité, de conscience et d’originalité. […] J’admire toujours la chance miraculeuse qui y a fait fleurir, à si peu d’intervalle, une dizaine de génies lyriques, si divers et si magnifiques, à commencer par Victor Hugo. […] Le Grand Siècle, le grand des grands, n’aurait pas duré trente ans, et ses oracles n’étaient pas les écrivains que nous admirons aujourd’hui, mais des hommes qu’on ne lit plus et non point toujours avec raison.
il y a des gens qui admirent cela : « Comment, s’écrie M. […] Admirez la convenance ! […] Louis Paris ait rappelé le souvenir de l’Œdipe-Roi de Sophocle ; mais, ce qui est moins naturel, il s’est mis, à force de vouloir admirer la scène du mystère, à la préférer presque à la situation et à la conception de l’antique : « La seule différence dans le sujet, dit-il, consiste dans la continuelle innocence d’Œdipe : ses crimes sont involontaires ; écrasé sous le poids de la fatalité, le malheureux Œdipe ne cesse d’être vertueux. […] Paulin Paris s’y prend pour annoncer sa dissidence avec son frère Louis Paris sur cette grosse question de savoir quel était au juste notre Jean-Michel : « L’argumentation de mon frère est vigoureuse », dit-il en faisant mine d’admirer et en rendant chevaleresquement justice à l’adversaire… « Certes, en l’absence des manuscrits, il « était impossible de raisonner d’une façon plus irréprochable et plus persuasive.
Est-ce par le besoin d’admirer de la jeunesse et d’élire le premier guide qu’elle rencontre en chemin, comme l’insinue M. […] … Qui admirer, grands dieux ? […] Moréas, après avoir admiré Mallarmé, disait vers la fin : « Je ne rouvrirai plus ses livres. » Pourtant, plus d’un quart de siècle après sa mort, la jeunesse intellectuelle qui a enterré d’un cœur joyeux le Parnasse et qui est en train d’enterrer si résolument le symbolisme, se préoccupe toujours de Stéphane Mallarmé. […] Paul Souday qui n’a point accoutumé de se perdre dans les nuages répond avec tranquillité à ceux que hante la peur d’être mystifiés : « On peut admirer Mallarmé » et ce matin même (1920), M.
Section 20, de quelques circonstances qu’il faut observer en traitant des sujets tragiques Il importe beaucoup aux poëtes tragiques de nous faire admirer des personnages dont il faut que les malheurs nous coûtent des larmes afin que la tragedie réussisse. […] Je souscris volontiers au livre qui a dit : que les plus grands ennemis de la gloire des heros, étoient leurs valets de chambre : les heros gagnent toujours à n’être connus que par le recit des historiens ; la plûpart se plaisent à rapporter ces traits naïfs et ces petits faits anecdotes qui font encore admirer davantage les hommes illustres, mais ils taisent volontiers tout ce qui feroit un effet contraire.
Il blâme à tout moment dans Lucain ce qu’il trouverait moyen d’admirer comme des audaces dans Virgile. […] Même quand il loue en lieu excellent et de bon cœur, il ne sait pas toujours les mesures : en dissertant tout au long de la santé chétive, des afflictions corporelles ou de la pauvreté des auteurs qu’il admire, il a, en trois ou quatre rencontres, manqué notablement de tact, ce qui est une manière encore de n’avoir pas assez de goût. […] André Chénier, à qui il accorde le miel de l’Hymette, n’est pour lui qu’un jeune poëte, auquel on a fait le tort de le mal admirer ; répétition encore (en diminutif) du rôle de M. de Buffon, de l’homme de la prose, qui s’applaudit de pouvoir dire : Cela est beau comme de la belle prose ! […] Nous avions cru toujours que c’était rendre plus d’hommage au grand style de Chactas, que de l’admirer plus librement. […] Nisard admire cette manière auguste de reculer le trône intérieur de la majesté divine assez loin des regards de l’homme pour que celui-ci ne s’en exagère pas le voisinage.
Il comprit qu’il fallait asseoir sa vie sur des fondements plus solides que des succès de conversation : il travailla à se placer aux côtés des grands hommes qu’il admirait alors docilement avec le monde : Lamotte, J. […] Il admira dans l’Angleterre un pays où la liberté de penser était en apparence illimitée, où toutes les variétés du doute et de la négation se rencontraient : Swift satirique et sceptique, mais croyant ; Pope déiste ; Bolingbroke brillamment incrédule ; Woolston publiant des discours contre les miracles de Jésus-Christ, qu’un jury condamnait, mais où quantité de gentlemen applaudissaient. […] En 1730, Voltaire est l’auteur de la Henriade, de Zaïre, des Lettres anglaises, un homme admiré du public, redouté et parfois persécuté par le gouvernement. […] Il admirera chez les Anglais l’entente de la vie matérielle. […] D’autre part, dans ce sujet infiniment vaste, il nous fait admirer l’incroyable netteté de son esprit.
Cependant, on n’admire pas de la même façon les grands prosateurs du dix-huitième siècle et ceux du dix-septième. […] Où le publiciste ne voit qu’un expédient politique, l’évêque reconnaît et admire une des vertus de la nature humaine. […] Personnages des plus considérables dans toute histoire, hommes qui emportent tout dans l’histoire de leur pays, les Gracques seront à jamais un sujet de jugements contradictoires, et admirés, même de ceux qui les condamnent. […] Pour moi, qui n’admire Montesquieu que pour les lumières que j’en reçois, là où ce grand esprit pose la question en me laissant la charge de la résoudre, je cesse de l’admirer.
Ceux-là, nous les avons rappelés tout à l’heure ; les vraiment grands parmi eux se nomment Cyrus, Sésostris, Alexandre, Annibal, César, Charlemagne, Napoléon, et, dans la mesure que nous avons dite, nous les admirons. Mais nous les admirons à condition de disparition. […] L’historien russe admire seulement, tandis que l’historien turc adore. […] Admirez la nature qui d’un peu de boue et d’oxyde fait cette charmante pierre verte. — J’admire bien plus les hommes, répondit Jérôme Bonaparte, qui font de cette pierre une écritoire.
Ainsi, lorsqu’il s’écrie, en montrant le cercueil de Madame : La voilà, malgré ce grand cœur, cette princesse si admirée et si chérie ! […] C’est par l’opposition qui se trouve entre ce grand cœur, cette princesse si admirée, et cet accident, inévitable de la mort, qui lui est arrivé comme à la plus misérable des femmes ; c’est parce que ce verbe faire, appliqué à la mort qui défait tout, produit une contradiction dans les mots et un choc dans les pensées, qui ébranlent l’âme ; comme si, pour peindre cet événement malheureux, les termes avaient changé d’acception, et que le langage fût bouleversé comme le cœur.
Ces saints ne créerent pas une nouvelle musique pour composer ceux des chants de leur office qu’ils firent lorsqu’ils reglerent ces offices : car il paroît par la maniere dont s’expliquent les auteurs contemporains qu’ils admirent dans les églises plusieurs chants dont on se servoit déja. […] Ce qui est de certain, c’est que tous les connoisseurs admirent la beauté de la preface et de plusieurs autres chants de l’office gregorien, quoique comme nous l’avons remarqué dès le commencement de cette troisiéme partie, il s’éloigne beaucoup moins de la déclamation naturelle, que ne s’en éloignent nos chants musicaux.
Ils admiraient en Gérard son constant souci d’ennoblir la réalité. Ils admiraient aussi en lui l’écrivain ingénieux et délicat, son sens de la légende et du mystère, sa compréhension, aussi bien que des plus subtils mouvements du cœur, des plus hautes spéculations de l’esprit. […] Certes la jeunesse romancière d’à présent continue sans doute à admirer l’œuvre si volontaire, si originale et si personnelle des deux illustres frères, mais elle ne s’en inspire guère. […] C’est ce souci de précision élégante et de scrupuleuse exactitude qu’admirait chez Théophile Gautier José-Maria de Heredia. […] Il les admire presque et, au fond, il est d’avis que, s’il importe de faire justice des voleurs, il est, après tout, juste aussi de la leur rendre !
Cette méthode de cénacle était certes la plus opposée à celle de l’homme qui semait le pur froment à pleines mains, et de qui l’on a dit : « Tout est pratique dans les idées du judicieux Bourdaloue. » M. de Tréville était un oracle dans le cercle intime où on l’admirait ; ses amis lui trouvaient plus d’esprit qu’à Pascal même. […] La Bruyère a très finement touché ce coin singulier, et ce travers d’être en tout l’opposé du commun des mortels, dans le portrait qu’il a donné de Tréville sous le nom d’Arsène (chapitre « Des ouvrages de l’esprit ») : Arsène, du plus haut de son esprit, contemple les hommes, et, dans l’éloignement d’où il les voit, il est comme effrayé de leur petitesse : loué, exalté et porté jusqu’aux cieux par de certaines gens qui se sont promis de s’admirer réciproquement, il croit, avec quelque mérite qu’il a, posséder tout celui qu’on peut avoir, et qu’il n’aura jamais : occupé et rempli de ses sublimes idées, il se donne à peine le loisir de prononcer quelques oracles : élevé par son caractère au-dessus des jugements humains, il abandonne aux âmes communes le mérite d’une vie suivie et uniforme, et il n’est responsable de ses inconstances qu’à ce cercle d’amis qui les idolâtrent ; eux seuls savent juger, savent penser, savent écrire, doivent écrire… À l’heure dont nous parlons, Tréville n’avait point encore eu d’inconstance proprement dite, mais une simple conversion ; seulement il l’avait faite avec plus d’éclat et de singularité peut-être qu’il n’eût fallu et qu’il ne put le soutenir : il avait couru se loger avec ses amis du faubourg Saint-Jacques, il avait rompu avec tous ses autres amis ; il allait refuser de faire la campagne suivante sous les ordres de Louis XIV : « Je trouve que Tréville a eu raison de ne pas faire la campagne, écrivait un peu ironiquement Bussy : après le pas qu’il a fait du côté de la dévotion, il ne faut plus s’armer que pour les croisades. » Et il ajoutait malignement : « Je l’attends à la persévérance. » Tel était l’homme dont la retraite occupait fort alors le beau monde, lorsque Bourdaloue monta en chaire un dimanche de décembre 1671 et se mit à prêcher Sur la sévérité évangélique : il posait en principe qu’il faut être sévère, mais que la sévérité véritablement chrétienne doit consister, 1º dans un plein désintéressement, un désintéressement même spirituel et pur de toute ambition, de toute affectation même désintéressée ; — 2º qu’elle doit consister dans une sincère humilité, et 3º dans une charité patiente et compatissante. […] En traçant si curieusement ce qu’il nomme un détail de mœurs, si Bourdaloue n’avait pas en vue Pascal dans Les Provinciales, et s’il ne le traduit pas trait pour trait à sa manière devant ses auditeurs, dont plusieurs durent être à la fois choqués et transportés, et ne purent s’empêcher d’admirer tout en protestant, il n’y a pas un seul portrait chez Saint-Simon ni chez La Bruyère. […] Après la mort du grand orateur, Despréaux, recevant son portrait des mains de la présidente de Lamoignon, pouvait dire par une association généreuse : Enfin, après Arnauld, ce fut l’illustre en France Que j’admirai le plus et qui m’aima le mieux.
Sur les bords de l’Isère, apercevant les ruines du château Bayard : « Ici naquit Pierre Du Terrail, cet homme si simple, dit Beyle, qui, comme le marquis de Posa de Schiller, semble appartenir par l’élévation et la sérénité de l’âme à un siècle plus avancé que celui où il vécut. » Mais pourquoi, à la page suivante, en visitant le château de Tencin, Beyle, venant à nommer le cardinal Dubois, tente-t-il en deux mots une réhabilitation qui crie : « La France l’admirerait, dit-il de ce cardinal, s’il fût né grand seigneur ? […] L’amour-passion, tel que me l’ont peint dans Médée, dans Phèdre ou dans Didon, des chantres immortels, est touchant à voir grâce à eux, et j’en admire le tableau : mais cet amour-passion, devenu systématique chez Beyle, m’impatiente ; cette espèce de maladie animale, dont Fabrice est l’idéal à la fin de sa carrière, est fort laide et n’a rien d’attrayant dans sa conclusion hébétée. […] Que j’admire cet auteur ! […] [NdA] L’anecdote qu’on va lire est authentique, et je la tiens d’original : On sait que Balzac admirait Beyle à la folie pour sa Chartreuse de Parme et qu’il l’a loué à mort dans sa Revue parisienne.
Aujourd’hui c’est une seconde édition plus complète qui se publie et qui, se joignant au Journal et aux Lettres de Mme Eugènie de Guérin, sœur aînée du poète et morte elle-même peu de temps après lui, vient montrer quel couple poétique distingué c’était que ce frère et cette sœur : — lui, le noble jeune homme « d’une nature si élevée, rare et exquise, d’un idéal si beau qu’il ne hantait rien que par la poésie » ; — elle la noble fille au cœur pur ; à l’imagination délicate et charmante, à la croyance vaillante et ferme ; toute dévouée à ce frère qu’elle adorait, qu’elle admirait : et que, sans le savoir ; elle surpassait peut-être ; qu’elle craignait sans cesse devoir s’égarer aux idées et aux fausses lumières du monde ; qu’elle fût heureuse de ramener au bercail dans les heures dernières ; qu’elle passa plusieurs années à pleurer, à vouloir rejoindre, et dont elle aurait aimé cependant, avant de partir, à dresser elle-même de ses mains le terrestre monument. […] Quand il créa le Centaure, son seul morceau achevé (et qui me fait regretter qu’on ait retrouvé la Bacchante, autre morceau de lui bien inférieur et capable, vraiment, de faire tort au premier), quand au sortir d’une visite au Musée des Antiques, après avoir admiré cette œuvre vivante, correcte, magnifique, irréprochable, qu’on attribue à des sculpteurs cariens, il se dit qu’il allait, « par sa plume, commenter et étendre le ciseau29 » que fit-il, qu’imagina-t-il dans sa conception vraiment puissante ? […] Elle en vint par la suite à admirer, mais elle ne put jamais prendre sur elle d’aimer et de goûter ces autres génies incontestables, mais dont les écrits ont des laideurs qui choquent l’œil d’une femme . « Je déteste de rencontrer, disait-elle, ce que je ne veux pas voir. » Bientôt elle fit des vers elle-même ; elle avait reçu de la nature le rythme intérieur et la mélodie. […] Elle a, au réveil, des esquisses de matin d’une fraîcheur délicieuse : « J’admirais tout à l’heure un petit paysage de ma chambrette qu’enluminait le soleil levant.
Ils ont raison d’admirer le grandiose de ces écuries de Chantilly ; mais leur point de vue en reste marqué. […] Michelet, qu’admirent MM. de Goncourt, et qui le leur rend, a très-bien dit dans son œuvre récente114 : « Cherchons le cœur du xviiie siècle, il est double : Voltaire, Diderot. » Pour moi, je ne considérerai la moyenne des esprits comme tout à fait émancipée en France et la raison comme bien assise, même à Paris, que lorsque Voltaire aura sa statue, non pas dans le vestibule ou dans le foyer d’un théâtre, mais en pleine place publique, au soleil. […] De notre xviie siècle à nous, l’auteur qu’ils estiment le plus, le seul peut-être qu’ils admirent entièrement, est La Bruyère, précisément celui qui, par quelques-uns de ses procédés, inaugure le xviiie siècle déjà, qui en a les inquiétudes, les recherches et bien des replis. […] Bernardin de Saint-Pierre, admiré par MM. de Goncourt, le savait bien ; Sénancour-Oberman le savait aussi ; Maurice de Guérin, qu’ils critiquent en passant et qu’ils ne prennent que par un de ses défauts, ne l’ignorait pas.
Il essaye de décomposer et d’expliquer la fortune d’André Chénier par toutes les raisons les plus étrangères au talent même et au charme de ses vers ; il côtoie complaisamment les suppositions les plus gratuites en finissant par les rejeter sans doute, mais avec un regret mal dissimulé de ne les pouvoir adopter : « On se demanda, écrit-il (lorsque ces Poésies parurent), si on n’admirait pas sous la garantie d’une muse posthume l’effort d’un esprit moderne ; si, sous la main d’un éditeur célèbre et poëte lui-même, telle épître ou telle élégie n’avait pas pu s’envoler d’un champ dans un autre, et sans qu’il lui fût bientôt permis de revenir à la voix de son premier maître. […] remy ne se lasse pas d’admirer et de préférer l’Aristonoüs de Fénelon. […] Si ce que nous allons transcrire était de Boileau, il y a longtemps peut-être que l’accusateur l’aurait admiré : Ami, Phœbus ainsi me verse ses largesses. […] Que diriez-vous si on vous adressait les mêmes questions pour l’Aristonoüs et le Télémaque, que nous admirons d’ailleurs autant que vous ?
Je le hais, ce Mirbeau, qui me force à admirer la puissance de son esprit et à mépriser l’ignominie de son âme. […] L’adjectif est d’ailleurs plus banal ici que chez Barrès ou Paul Adam et seul, je crois, un naturiste oserait dire : « Il admira la moisson féconde, la substance magnifique du pain nécessaire. » Or c’est tout le temps comme ça. […] À condition de lire très vite, elle paraît supportable dans l’action orageuse et dans l’analyse : Adolphe Dennery et Paul Bourget nous ont rendus si peu exigeants… Ceux qui aiment Montégut doivent admirer dans Le Geste une inspiration particulièrement heureuse et un livre relativement harmonieux. […] Et admirez le génie du musicien Paul Kotchouleff qui « chanta, d’une voix large et pure, pendant une heure durant, de nobles mélodies d’un grand souffle inspiré ».
Mais elle admirera comme nous la puissance dramatique, la sincérité d’exécution, la probité littéraire, la fermeté et la pureté de la forme du grand auteur dramatique et de l’homme de bien qui vient de mourir. […] Que dirais-je d’Émile Augier, si ce n’est que j’admirais le poète et que j’aimais l’homme de tout mon cœur ? […] S’il suffit de connaître les œuvres d’Augier pour l’admirer, il suffit de l’avoir connu lui-même pour le pleurer. […] [Sarah Bernhardt] Je ne l’ai pas toujours aimé; je l’ai toujours admiré, et je le regrette de tout mon cœur.
On n’aime pas cette posture pour l’homme qu’on admire. […] Il avait admiré Taine ; il admirait M.
Il faut vous dire pourtant que je raffole de la pièce LXXV, Tristesse de la lune : Qui d’une main distraite et légère caresse, Avant de s’endormir, le contour de ses seins… et j’admire profondément le Voyage à Cythère, etc. […] Or, ce qui distingue Satan, c’est qu’il ne peut ni admirer ni aimer… Baudelaire, comme tous les poètes-nés, dès le début posséda sa forme et fut maître de son style, qu’il accentua et polit plus tard, mais dans le même sens. […] Ont dans son œuvre ensemble admiré leur ouvrage.
Oh, que je l’admire ! […] Elle est fondée sur le don d’admirer et sur le goût de l’émulation. Qu’on demeure attaché à se vouloir le meilleur possible : l’œuvre que sera la vie ainsi cultivée sera visible ; on l’admirera, et par instinct d’amour-propre on l’égalera.
Les passages les plus fameux, les traits les plus connus et les plus admirés dans Homère, se retrouvent presque mot pour mot dans la Bible, et toujours avec une supériorité incontestable. […] « Son fils bien-aimé l’admire, et se hâte de détourner sa vue, dans la crainte que ce ne soit un Dieu. […] Par là nous espérons (du moins aussi loin que s’étendent nos lumières) avoir fait connaître aux lecteurs quelques-unes des innombrables beautés des livres saints : heureux si nous avons réussi à leur faire admirer cette grande et sublime pierre qui porte l’Église de Jésus-Christ !
Il aurait pu déshonorer ces niaiseries, ces sensualités sentimentales, qui, pour être sentimentales, n’en sont pas moins des sensualités, et qui font qu’un homme qu’on veut faire admirer se décoiffe d’une couronne pour se couronner d’un jupon. […] Admirez, du moins, sa masse ! Sa masse, en effet, est énorme ; admirez la belle ordonnance de sa division en trois parties ; en tête, la tribu bariolée des imbéciles.
Gygès jaloux tua Trydo ; il admire Gygès : mais il lui donne sa propre femme Nyssia et de cela s’admire ! […] Certes nous avions admiré la loyauté de la couleur aux aquarelles des maquettes exposées chez MM. […] Et même, admirez en passant quelques strophes nettes et sonores, point indignes de Signoret ! […] Il se méfie de la simplicité d’action qu’il admire dans leurs ouvrages : il ne se risque pas à l’imiter. […] combien il faut admirer des poètes comme Vigny, surtout comme Baudelaire.
Et pourtant — ce pourquoi je l’aime et l’admire — il laisse parfois jaillir son émotion. […] Maurice Le Blond Parmi les poètes parnassiens, celui dont, toujours, nous avons aimé le haut talent et admiré le pur génie, c’est Léon Dierx, le poète de Odeur sacrée , du Gouffre, de l’Ode à Corot, de tant de chefs-d’œuvre d’une sensibilité si frémissante et si aigue, qui n’est point sans analogie avec celle des naturistes.
Que ce soit la mer merveilleuse, tout enguirlandée de varechs et de madrépores, comme une galaxie d’étoiles roses ; que ce soit le fleuve, où tant de fois il admira rouler le Bateau Ivre ; que ce soit le lac plat, ou Autre décor, une eau de songe et jamais grise ; que ce soit la source bruissante en cascatelles d’écume, ou la fontaine de girandes lumineuses, ses yeux avides de cliquetis et de clarté s’amusent puérilement des perles blanches et des cristallines paroles grêles des gouttes d’eau. […] Il admire les parfums épouser les lueurs.
L’homme vain se réjouit d’être admiré des badauds, envié des jaloux, récompensé par ceux qui distribuent les places et les décorations. […] Flaubert, moins poli et plus dur, n’avait pas assez de sarcasmes pour « les bourgeois qui se forcent à admirer ce qui les ennuie ». […] Non, la vraie admiration n’est pas « historique », quoi qu’en ait dit Renan, qui se flatte lui-même lorsqu’il ajoute73 : « Nul plus que moi n’admire les pensées de Pascal, les sermons de Bossuet ; mais je les admire comme œuvres du xviie . » S’il existe (et je crois qu’on en découvrirait) des lecteurs de Bossuet et de Pascal capables de les admirer absolument, et non pas seulement comme écrivains du xviie siècle, ils les admirent plus que ne faisait Renan. […] Jean le Maire de Belges, autre génie précoce, fut étudié et admiré par Ronsard, qui l’honora du titre de « maître ». […] Veut-on voir un modèle de ces commentaires pleins de sagesse qui, dans chaque grand fait de l’histoire littéraire, reconnaissent et admirent un ordre rationnel ?
Comme elle écoutait ses paroles admirées ! […] Depuis de longues, années, j’admirais profondément le célèbre écrivain, et j’étais un lecteur passionné de son œuvre. […] Dargaud admire donc Lamartine pleinement. Il admire en lui le poète, l’historien, le politique. […] Il ne s’ensuit pas que Faguet n’admire point Balzac, mais il ne le veut admirer qu’à bon escient et dans les parties qui lui en semblent vraiment supérieures.
J’admire Bossuet autant qu’homme de France, et je crois l’avoir bien prouvé. […] Les critiques craignent beaucoup plus le ridicule d’admirer trop que l’injustice de ne pas louer assez. […] Est-il donc si étrange et si téméraire de critiquer ce que d’ailleurs on admire ? […] Ne peut-on pas toujours, en cherchant bien, trouver quelques raisons d’admirer ce qui, évidemment, ne saurait être de tous points méprisable ? […] Ce qui n’empêche pas qu’ils n’admirent nullement la prose de Chateaubriand et encore moins celle de Gautier.
Je l’admire et je l’aime quand elle l’accuse de cruauté, de lâcheté. […] Ce que j’admire surtout dans ce recueil, c’est la spontanéité des sentiments et des pensées. […] Écoutez et admirez. […] Qu’il s’admire, j’y consens : il a le droit de s’admirer ; mais qu’il se plaigne d’avoir été méconnu dès son second ouvrage, je ne puis lui donner raison. […] Mais ce qu’ils condamnent comme drame, ils l’approuvent, ils l’admirent, ils le vantent comme poème.
En ce sens, les mémoires des grands hommes sont des titres de famille pour tous les hommes qui reconnaissent en ceux qu’ils admirent des frères seulement plus favorisés ou plus bénis, ou plus rudement éprouvés. […] Parmi les guerriers, on n’en voyait pas de plus enviables et de plus grandement famés que les Turenne ou les Catinat ; et dans l’ordre des productions de l’esprit, la supériorité admise et admirée ne dépassait jamais le cercle des facultés humaines ; c’en était le couronnement et la fleur, flos et honos, l’enchantement, la décoration et la grâce. […] Au nom de cette classe intermédiaire, de plus en plus nombreuse, qui flotte entre les admirateurs aveugles et les admirés déifiés, qui n’est plus le vulgaire idolâtre et qui ne prétendra jamais au rang des demi-dieux, qui devra pourtant accorder sa juste estime et son admiration à qui méritera de la ravir, on est tenté de redemander quelques-uns de ces beaux et purs grands hommes dont les actes ou les œuvres sont comme la fleur du sommet de l’arbre humain, comme l’ombre bienfaisante qui s’en épanche, comme le sue mûri qui en découle. […] En un endroit, le poëte ne peut s’empêcher d’admirer que Mirabeau ait été populaire sans être plébéien : « Chose rare, s’écrie-t-il, en des temps pareils ! […] Mais, si nous admirons en M.
Le peuple entendit, admira, applaudit, mais n’accorda rien qu’à sa rage. […] Le marin qui nous raconte les dangers qu’il a courus dans sa navigation a plutôt en vue de nous faire admirer ses talents et sa prudence, que les faveurs dont il est redevable à sa bonne fortune ; et souvent, il lui arrive d’exagérer ses périls pour augmenter notre admiration : de même les médecins ne manquent guère à présenter la situation de leur malade comme beaucoup plus alarmante qu’elle ne l’est en effet, afin que, s’il vient à mourir, ce malheur soit plutôt attribué à la force de la maladie qu’à leur défaut d’habileté ; et que s’il en réchappe, le mérite de la cure paraisse encore plus grand. […] Sa taille était noble et élégante ; il y avait dans toute son apparence quelque chose de divin ; doué d’une pénétration d’esprit inconcevable, d’une mémoire infaillible, d’une ardeur infatigable au travail, parlant avec autant d’éloquence que de netteté, on ne savait ce que l’on devait le plus admirer, de ses talents ou de ses vertus. […] Cette lettre me fait le plus grand plaisir, car j’aime les morceaux de sculpture au-delà de toute expression ; je ne saurais me lasser d’admirer l’habileté d’un artiste qui sait travailler le marbre au point d’imiter la nature elle-même. […] La nature elle-même est, sans doute, toujours supérieure à ces imitations ; cependant on est excusable d’admirer un art qui sait donner à la matière morte tant de vie et d’expression, qu’il semble qu’il ne faudrait que le souffle pour l’animer.
Ils cherchent, eux aussi, à vivre d’une manière supportable, mais nous n’avons pas à les admirer. […] Nous pouvons admirer vivement, admirer trop, ce qui est nécessaire, sans être dupes de cette admiration. […] Il est des gens qui se plaisent à parler sur un ton d’ironie injurieuse ou condescendante de tout ce qu’admirent les autres. […] Mais elle nous apprend aussi à aimer ou à estimer dans les valeurs inférieures ou négatives ce que nous admirons dans les plus hautes.
L’humanité ne croit plus à Vénus ni à Minerve ; mais elle admire toujours la Vénus de Milo et les frises du Parthénon ; elle pourrait cesser de croire au christianisme sans moins admirer pour cela La Dispute du Saint-Sacrement de Raphaël, ou La Création de l’homme de Michel-Ange. […] Hugo aux romans de George Sand, où l’humanité moderne ne croie retrouver à un degré plus ou moins éminent les mêmes mérites, et c’est de cela justement qu’elle les admire. […] Ils signalent à leur vertueuse indignation ces portraits comme autant d’exactes photographies ; ils leur demandent ce qu’il faut penser d’une société qui inspire de tels livres et de celle qui les admire. […] Parmi les phénomènes de la nature, parmi les « documents humains », le naturalisme a opéré, comme l’on dit aujourd’hui volontiers, sa « sélection » à lui, et c’est cette sélection que nous demandons la permission de ne pas admirer sans réserve.
La cabale s’empressa, comme c’était immanquable, d’admirer l’éloge nouveau-venu et de l’opposer au précédent, si bien qu’on lui décerna le prix, et à l’autre seulement l’accessit. […] Impatient de tout voir, et avec la meilleure volonté d’admirer, il court çà et là. […] De là a excuser, à absoudre, à admirer même quelquefois les hommes qui ont figuré dans chaque phase avec désintéressement et grandeur, il n’y a qu’un pas, et l’historien, si l’on n’y prend garde, vous le fait faire. […] Mais n’admirez-vous pas cette activité en tous sens, et comment cet esprit curieux, entraîné, se portant d’instinct aux grands sujets comme à son niveau, jette tout son feu d’universalité avant d’entrer dans l’œuvre pratique ? […] En tout, l’expression a beau être grandiose et mâle, il la veut encore simple ; il admire Corneille, dit-il, mais il préfère Racine à Corneille, et il préfère Raphaël à Racine, et à Raphaël peut-être le Parthénon.
Et en cette opinion extrême, n’admirez-vous pas comme Naudé et de Maistre se rencontrent ? […] Naudé avait toujours admiré et vénéré Campanella (ardentis penitus et portentosi vir ingenii, comme il l’appelle sans cesse), Campanella novateur et investigateur en toutes choses, en philosophie, en ordre social, conspirateur et chef de parti un moment239, et qui du fond d’un cachot obscur retraçait et rêvait sa Cité du Soleil. […] A un endroit, par exemple, il énumère au long les académies d’Italie ; rien de plus intéressant pour les esprits académiques ; on croirait, à la complaisance du détail, que Naudé admire, qu’il se prend ; pas du tout. […] La lettre de Naudé à Peiresc, datée de Riète, 30 juin 1636, nous montre plus que nous ne voudrions l’irritation de l’offensé et son jugement secret sur l’homme qu’il avait tant admiré et célébré publiquement. […] Naudé, qui n’avait admiré qu’une seule fois avec cette ferveur, et qui s’en trouvait dupe, jura sans doute qu’on ne l’y reprendrait plus.
Marie-Joseph Chénier continuait de tout admirer de Voltaire, et l’épître qu’il lui adressa put devenir le programme brillant du peuple des voltairiens : mais les gens de goût et dont en même temps l’esprit s’ouvrait à des aperçus d’un ordre plus élevé, des hommes tels que M. de Fontanes, par exemple, savaient fort bien concilier ce que méritait en Voltaire l’auteur charmant, et ce qui était dû au satirique indécent, au philosophe imprudent, inexcusable. […] Admire qui voudra cette faculté qu’avait Voltaire à vingt-quatre ans de faire des tragédies, un poème épique et des affaires ! […] Il était réellement sous le charme : il l’admirait, il la proclamait sublimée, il la trouvait belle ; il se plaît, dans ses lettres à Falkener, à donner son adresse chez elle, au château de Cirey : « Là, disait-il, vit une jeune dame, la marquise du Châtelet, à qui j’ai appris l’anglais, etc. » Trois choses pourtant me gâtent Cirey, a dit un fin observateur : — d’abord, cette manie de géométrie et de physique qui allait très peu à Voltaire, qui n’était chez lui qu’une imitation de la marquise, et par laquelle il se détournait de sa vocation vraie et des heureux domaines où il était maître ; — en second lieu ces scènes orageuses, ces querelles de ménage soudaines, rapides mais burlesques, dont nous sommes, bon gré mal gré, informés, et qui faisaient dire à un critique de nos jours qu’il n’aurait jamais cru que l’expression à couteaux tirés fût si près de n’être pas une métaphore ; — en troisième lieu, cette impossibilité pour Voltaire, même châtelain, même amoureux, même physicien et géomètre de rencontre, de n’être pas un homme de lettres depuis le bout des nerfs jusqu’à la moelle des os ; et dès lors ses démêlés avec les libraires, ses insomnies et ses agitations extraordinaires au sujet des copies de La Pucelle (voir là-dessus les lettres de Mme de Grafigny), ses fureurs et ses cris de possédé contre Desfontaines et les pamphlets de Paris. […] Mme la marquise du Châtelet me faisait, il y a quelques jours, l’honneur de lire avec moi La Dioptrique de Descartes : nous admirions tous deux la proportion qu’il dit avoir trouvée entre le sinus de l’angle d’incidence et le sinus de l’angle de réflexion ; mais en même temps nous étions étonnés qu’il dît que les angles ne sont pas proportionnels, quoique les sinus le soient.
Dis-moi qui t’admire, et je te dirai qui tu es, du moins qui tu es par la forme du talent, par le goût. […] C’est toujours soi qu’on aime, même dans ce qu’on admire. […] Il reçut, à la fin de septembre 1761, une lettre non signée, dans laquelle on lui disait : « Vous saurez que Julie n’est point morte et qu’elle vit pour vous aimer ; cette Julie n’est pas moi ; vous le voyez bien à mon style : je ne suis tout au plus que sa cousine, ou plutôt son amie, autant que l’était Claire. » C’était l’amie de Mme de La Tour, qui faisait ici le rôle de Claire, et qui dénonçait à Jean-Jacques l’admiratrice nouvelle, digne elle-même d’être admirée. […] » Le plus piquant hommage qu’on puisse adresser aux hommes de cette nature et de cette manie, c’est de leur dire : « On vous comprend, on vous connaît, on vous admire ; mais vous avez des pareils, ou du moins des semblables, plus que vous ne le croyez. » Mme de La Tour ne lit pas comme son amie Claire ; elle ne se découragea point.
Cet auteur admire ses confrères. Et parce qu’il les admire, il s’en fait louer.
Si vous en exceptez le clair de lune de Vernet que beaucoup de gens ont admiré sur parole, il n’y en a peut-être pas un autre qui ait arrêté autant de monde et qu’on ait plus regardé que celui-ci. […] Pour une petite poignée d’hommes de goût qui vous admireront en silence, tandis que le stupide, l’ignorant vulgaire, jettant à peine un coup d’œil sur vos chefs-d’œuvre, ira se pâmer, s’extasier devant une enseigne à bierre, un tableau de guinguette.
Mais après un certain nombre de représentations, le monde comprit que la maniere de traiter la comédie en philosophe moral étoit la meilleure, et laissant parler contre le Misantrope les poëtes jaloux, toujours aussi peu croïables sur les ouvrages de leurs concurrens, que les femmes sur le mérite de leurs rivales en beauté, il en est venu avec un peu de temps à l’admirer. […] Mais cette fameuse conspiration ne sçut pas empêcher le public d’admirer la Phedre de Racine après la quatriéme représentation.
Elles ont des admirateurs, qui ne les admirent point assez, suivant lui. […] On ne peut trop admirer Dante. […] Le sage accepte le train du monde, ou s’en arrange, il n’est pas tenu de l’admirer. […] On s’est demandé : « Comment pouvait-il admirer à la fois Virgile et Shakespeare ? […] Et tous deux admiraient le grand œuvre rationnel du génie humain.
D’abord il croyait admirer assez en choisissant parmi ses Oraisons funèbres : il y en avait trois sur six qu’il estimait fort inférieures aux autres. […] Mais n’admirez-vous pas le scrupule ? […] qui ralentit à tout instant son débit pour avertir d’admirer, et qui s’applaudit du geste comme s’il était l’auteur.
On l’admira et on la rechercha curieusement dans le passé ; on la honnit dans le présent. […] Vous avez pensé librement, nous penserons de même ; ces grands hommes du passé que vous nous avez appris à admirer, ces illustres promoteurs de la pensée que vous répudiez aujourd’hui, nous les admirerons comme vous. […] Vous admirez Luther, Descartes, Voltaire et vous anathématisez ceux qui, sans songer à les imiter, continuent leur œuvre, et s’il y avait de nos jours des Luther, des Descartes, des Voltaire, vous les traiteriez d’hommes antisociaux, de dangereux novateurs.
Oui, pour rester inconnue, excepté de Dieu, il ne s’en est fallu que de la mince épaisseur de l’homme qui admira, sans réserve et sans peur, le spectacle qu’elle faisait à elle seule et qui était d’une sublimité si déconcertante que les cœurs les plus forts en tremblaient, et que les esprits les plus ouverts aux choses de la foi se fermaient presque au témoignage de leurs yeux qui le contemplaient. […] Et voilà pourtant ce qu’a fait la sœur Emmerich, et avec une telle certitude, une telle sûreté d’elle-même, qu’elle a réussi de manière à ce que les théologiens l’absolvent, tout au moins, quand ils ne la glorifient pas, et que nous, critiques littéraires, nous admirons au nom de la beauté, telle que l’art la conçoit, l’intuition, quelle qu’elle fût, qui fut en elle et qui nous a donné ces trois livres, comme on n’en avait pas vu encore dans la littérature sacrée, — ces trois livres d’histoire qui, en définitive, sont trois poëmes ; car l’histoire se puise à des sources, et ici il n’y a pas d’autre source qu’une âme en extase, — ces trois livres enfin dont on peut dire : « théologiquement, il n’est pas de rigueur d’y croire », mais dont on n’oserait dire cependant : « théologiquement, ils sont faux ! » Et vraiment pour nous qui les admirons aujourd’hui comme l’originalité la plus extraordinaire et la plus puissante, le plus incroyable à nos yeux n’est pas d’avoir créé dans l’histoire ou vu ce qui, de fait, n’y est pas (car c’est la même chose), mais c’est de n’avoir pas brouillé les lignes en écrivant dans l’entre-deux ; c’est de n’avoir pas faussé l’histoire connue, en y ajoutant ; c’est d’avoir pu, par exemple, l’Évangile étant donné, l’Évangile qu’on peut, même sans être chrétien, sans avoir l’âme bien haute, sans être Jean-Jacques, trouver le plus beau livre qui ait jamais paru parmi les hommes, ajouter aux faits qu’il renferme ; à son esprit, à son langage, et cela sans que l’imagination se soulève avertie et dise précisément comme on dit du Père Lacordaire sur la Madeleine : « Prenons garde !
Ainsi il admire l’Hôpital et Coligny, ses héros d’opinion, et il admire avec autant de passion sincère le grand François de Guise, par exemple, qui est le héros de l’opinion opposée à la sienne, mais il ne jugera plus avec cette haute et radieuse libéralité les travaux du Concile de Trente, et quand il aura dit des Jésuites « qu’ils eurent le génie de la politique et la passion religieuse », cet écrivain généreux, quand il s’agit de tel homme historique, se croira quitte envers la justice et la vérité. […] Tout le monde peut, sans réserve, l’admirer, et même nous, nous qui, séparés de M.
Pour le mettre à l’abri de toute réfutation, messieurs de l’Académie ont usé d’une adresse singulière, et bien digne d’hommes admirés dans Paris, pour les succès de la politique appliquée aux intérêts de la vie privée. […] Dans une assemblée nombreuse on pense toujours à Paris que l’autre côté de la salle est pris pour dupe et admire. […] Les contemporains de La Harpe admirent le ton lugubre et lent que Talma porte encore trop souvent dans la tirade ; ce chant lamentable et monotone, ils l’appellent la perfection du tragique français16. […] Seriez-vous comme ces faux braves des cafés de province qui ne sont jamais si terribles que lorsqu’ils parlent bataille à table avec leurs amis, et que tout le monde les admire ? […] La défaveur où le Déjeuner a fait tomber l’Académie ne peut que s’accroître ; car jamais la majorité des hommes dont le public admire le talent ne sera appelée à y entrer.
Il est, si j’en ose parler d’après ceux qui le connaissent, de ces natures élevées, originales, qui ont besoin d’admirer, d’aimer, et qui, même dans l’ordre intellectuel, n’ont de satisfaction réelle que de se dévouer exclusivement à ce qu’ils aiment, à la mémoire illustre en qui leur sentiment de vénération et d’idéal s’est une fois logé. […] Ainsi, il proclame hardiment cet homme de mérite mort à trente-deux ans, et qui n’avait été promu qu’à des charges locales et aux dignités de son quartier, il le proclame le plus grand homme, à son avis, de tout le siècle : il a connu, dit-il, bien des hommes qui ont de belles parties diverses, l’un l’esprit, l’autre le cœur, tel la conscience, tel autre la parole, celui-ci une science, celui-là une autre ; « mais de grand homme en général et ayant tant de belles pièces ensemble, ou une en tel degré d’excellence qu’on le doive admirer ou le comparer à ceux que nous honorons du temps passé, ma fortune ne m’en a fait voir nul40 ; et le plus grand que j’aie connu au vif, je dis des parties naturelles de l’âme, et le mieux né, c’était Étienne de La Boétie. […] Et il définit cette vertu idéale à laquelle il faut tendre ; il n’ose se croire digne encore de l’atteindre, mais du moins il la recherche, il la poursuit, et partout où il lui est donné de la contempler, il l’aime et l’admire. […] Dezeimeris a retrouvé là un La Boétie primitif, antérieur, philologue et tout à fait neuf, un La Boétie admiré de Scaliger avant de l’être de Montaigne. — Ces humbles travaux d’histoire littéraire seraient sans cesse à retoucher et à remettre au courant : la vie n’y suffit pas.
Campaux, surtout en un siècle où le sentiment de patrie était encore si peu commun ; il y avait un Français dans ce vagabond qui n’avait ni feu ni lieu. » Admirons moins : il faut bien que Villon, puisqu’il nous occupe, ait eu quelque chose en lui et qu’il soit quelquefois sorti de sa vie de taverne et de crapule ; sans quoi nous l’y laisserions tout entier. […] Je ne saurais, je l’avoue, admirer beaucoup cette prose symétrique dans laquelle la rime donne le mot, de gré ou de force, et tire tout à soi ; mais enfin le premier mouvement, l’accent et, pour ainsi dire, le geste sont là. […] Campaux, on aura pour tout le reste un commentaire aussi ample qu’utile, et conçu dans un esprit mieux encore que littéraire, je veux dire sympathique et presque filial. — Il a dû y avoir, je m’imagine, du temps de Villon, quelque écolier un peu plus jeune que lui, aussi laborieux, aussi bon sujet que l’autre était mauvais et dérangé, mais grand admirateur du poète, sachant ses premières chansons, récitant à tous venants ses plus jolies ballades, en étant amoureux comme on l’est à cet âge de ce qu’on admire. […] En un mot, le jeune homme aura connu assez Villon pour l’admirer encore plus, et il l’aura fréquenté assez peu pour continuer de l’estimer et de l’aimer.
Un jeune homme qui n’admirerait pas le Cid serait bien malheureux ; il manquerait à la passion et à la vocation de son âge. […] Ceux qui, comme Mme de Sévigné et Saint-Évremond, avaient admiré le Cid encore nouveau, et étant eux-mêmes dans leur première jeunesse, ne lui comparaient rien et souffraient difficilement que l’on comparât personne à Corneille. […] Dans le drame espagnol, cette même infante qui a commencé par chausser à Rodrigue les éperons de chevalier, cette princesse tant respectée et admirée de lui, et qui lui voudrait un peu moins de respect avec un peu plus de tendresse, a une existence bien distincte, bien définie ; elle passe par des péripéties frappantes et qui intéressent ; elle sauve Rodrigue et le protège quand on le poursuit après la mort du comte ; elle a le temps de renaître à l’espérance lorsque lui-même, partant pour combattre les Maures à la tête de ses cinq cents amis, il la salue galamment à ce balcon de sa maison de plaisance, d’où elle l’a reconnu. […] En France il n’en était pas ainsi ; on ne savait pas un mot du Cid avant Corneille : le poète et le père de notre scène avait à nous le faire connaître et admirer du premier coup et vite, par les profils les plus nets et les plus tranchés, en raccourci.
Tel était l’enthousiasme qui animait autrefois le paysan du Danube, et qui le fit admirer dans le sanctuaire de l’éloquence par le sénat de Rome. […] Ainsi l’émotion qui doit animer l’orateur, doit réparer par sa véhémence ce qu’elle pourra ne pas avoir en durée, elle ne ressemblera pas à cette agitation superficielle que l’éloquence excite dans les âmes froides ; impression purement mécanique, produite par l’exemple ou par le ton qu’on a donné à la multitude : plus l’auditeur aura de génie, plus aussi son impression ressemblera à celle de l’orateur ; plus il sera capable d’imiter ce qu’il admire. […] « L’éloquence, dit très bien M. de Voltaire, a tant de pouvoir sur les hommes, qu’on admira Balzac de son temps, pour avoir trouvé cette petite partie de l’art ignorée et nécessaire, qui consiste dans le choix harmonieux des paroles, et même pour l’avoir souvent employée hors de sa place. » Le style de Thucydide, auquel il ne manque que l’harmonie, ressemble, selon Cicéron, au bouclier de Minerve par Phidias, qu’on aurait mis en pièces. […] Pindare fut certainement un grand poète ; plus à portée que nous d’en décider, toute l’antiquité l’a jugé tel, et elle s’y connaissait ; mais est-ce une raison pour que nous l’admirions comme des enfants jusque dans ses écarts même ?
J’admire avec quelle précision et quelle délicatesse, M. […] En renonçant à m’attaquer à la doctrine tellement surnaturelle du moderne « vierge et martyr », je me demande ce qu’il faut le plus admirer, du courage de celui qui écrivit un livre semblable au sien, ou de l’inépuisable sympathie de ceux qui eurent la constance de prendre pour autre chose que ce qu’elle est au fond, cette amusante comédie dont l’auteur est le seul personnage, et à laquelle il voudrait nous voir participer. Si je possède assez de bonne humeur pour m’amuser cordialement d’une comédie considérée comme telle, j’admire que d’autres possèdent assez de sérieux pour y voir un drame. […] Nous les admirons et avec raison : ce sont les forts et les victorieux.
Promulguons la joie de vivre, admirons les différents labeurs de l’homme par quoi se transforme le monde. […] Charles Maurras, qui consacra au Naturisme plusieurs études fort sympathiques (dans la Revue Encyclopédique, le Soleil, la Gazette de France), n’en ait pas admiré toute la pureté.
Et je la prêcherai plus persuasivement à mes frères qui ont été créés comme moi pour t’admirer, t’aimer et te servir. […] Mais, quand je réfléchis, je reconnais que le devoir est un absolu ; on ne saurait faire plus que son devoir et par conséquent, en bonne morale, nul ne doit être admiré.
Il l’a depuis étendu & comme refondu pour en faire sa grande histoire, où l’on ne sçait ce que l’on doit le plus admirer de l’érudition, de la netteté, & de l’ordre dans lequel les matieres sont traitées, & de la solidité de jugement, ou des graces du style de l’auteur. […] in-8°. est le recueil des rêveries d’un grand homme, dont on admire la vaste génie, même lorsque ce génie lui fait faire des écarts.
On prétend que Démosthène l’admirait ; il fut loué par Socrate ; Platon en a fait un magnifique éloge ; Cicéron l’appelle le père de l’éloquence ; Quintilien le met au rang des grands écrivains Denys d’Halicarnasse le vante comme orateur, philosophe et homme d’État ; enfin, après sa mort, on lui érigea deux statues, et sur son mausolée on éleva une colonne de quarante pieds, au haut de laquelle était placée une sirène, image et symbole de son éloquence. […] Ainsi presque toutes les réputations sont des procès indécis, qu’on perd d’un côté et qu’on gagne de l’autre ; l’un méprise, l’autre admire.
Il aima passionnément les lettres, écrivit l’histoire de son siècle en latin, fut admiré pour le style, peu renommé pour la vérité, plut aux uns, déplut aux autres, et fut accusé tour à tour de flatterie et de satire ; sort presque inévitable de tous ceux qui ont l’ambition et le courage d’écrire de leur vivant ce qui ne peut être écrit avec sûreté que cent ans après. […] D’abord, ils ont le mérite d’être très courts ; ils renferment quelquefois en peu de lignes, et d’autres fois en peu de pages, l’idée du caractère, des actions, des ouvrages de celui qu’il loue, ou du moins dont il parle ; car quelquefois il fait le portrait d’hommes plus célèbres que vertueux ; mais il les représente tels qu’ils sont, loue les vertus, admire les talents et déteste les crimes.
Admirons en tout ceci la Providence divine qui, nous ayant donné comme pour la garde de notre corps des sens, à la vérité bien inférieurs à ceux des brutes, voulut qu’à l’époque où l’homme était tombé dans un état de brutalité, il eût pour sa conservation les sens les plus actifs et les plus subtils, et qu’ensuite ces sens s’affaiblissent, lorsque viendrait l’âge de la réflexion, et que cette faculté prévoyante protégerait le corps à son tour. […] Examinons le trait sublime que Longin admire dans l’ode de Sapho, traduite par Catulle : le poète exprime par une comparaison les transports qu’inspire la présence de l’objet aimé, Ille mi par esse deo videtur, Celui-là est pour moi égal en bonheur aux dieux même....
Michelet compte encore des adversaires, qui l’admirent mais lui en veulent. […] Paul Bourget sait l’admirer en nobles termes. […] Il a peur d’y choisir ce qu’il y veut admirer. […] On l’admirait et il s’admirait infiniment lui-même. […] Rudyard Kipling — et là qu’on peut l’admirer.
S’il arrive donc que nous ne devions plus rien produire qui soit dû à nos propres efforts, sachons garder le souvenir des œuvres vénérables qui nous ont initiés à la poésie, et puisons dans la certitude même de leur inaccessible beauté la consolation de les comprendre et de les admirer. […] J’admire et je respecte les grands poètes qui se sont succédés depuis Homère ; mais je ne puis me dissimuler que leurs travaux se sont produits à des conditions on ne peut plus défavorables. […] Je sais admirer, et, si peu que je sois, j’ai trop d’orgueil pour être injuste. […] Il y a ici un éclat et un mouvement lyriques très supérieurs à tour ce qu’on admire dans les Méditations. […] Il est entendu que ceci s’adresse infiniment moins à Auguste Barbier, que nul n’admire plus que moi, là où il est admirable, qu’aux juges ordinaires, et peu informés, de la poésie contemporaine.
Et admirez l’inconséquence ! […] Moi, j’admire tout de Goncourt comme une brute. […] — C’est frappant, admirai-je. […] … Le secret de la passion et de la force tenace que vous daignez admirer en moi, le savez-vous ? […] Il l’admirait beaucoup.
Cette poésie prodigieuse a fait peur presque autant qu’elle a été admirée. […] Si quelques esprits restés fidèles à l’ancien type historique, et justement préoccupés de précision, de choix sévère entre le nécessaire et le superflu, de beauté soutenue du langage, ont pu croire par moments qu’ils lisaient moins une histoire qu’un vaste et éloquent rapport, ils sont d’accord avec les bons juges et la foule pour admirer cette facilité, cette lumière universelle qui, de l’esprit de l’écrivain, se répand sur tous les sujets qu’il traite, cette pénétration qu’aucune difficulté ne met en défaut, cette éloquence qui, même où elle surabonde, ne sent jamais l’amplification, cette veine de français des meilleurs temps de la langue, qui court à travers les négligences et les locutions vieillissantes de la langue politique138. […] Nous avons, vers la fin du premier tiers de ce siècle, admiré comme auditeurs, et nous admirons aujourd’hui comme lecteurs, une brillante application de la critique à l’histoire de la philosophie. […] Je ne parle pas du théâtre de ce poète, sur lequel les juges compétents, unanimes pour en admirer les beautés plus lyriques que dramatiques, continuent, après plus de trente ans, à différer d’avis.
Taine est classique, les professeurs la lisent et la commentent, les élèves, non seulement en France, mais en Angleterre, en Italie, en Allemagne, l’étudient ; les mondains même la feuillettent, les jeunes gens l’admirent ; il y a toute une école historique qui suit sa méthode ; Nietzsche ne cache point l’influence que Taine a eue sur lui, et c’est l’un de ses rares contemporains auxquels il fasse grâce ; enfin deux romanciers bien différents, mais dont l’action opposée fut presque aussi forte sur les lecteurs cosmopolites, M. […] Dans la littérature anglaise, j’admire comme vous Byron, mais je voudrais bien que vous fissiez une petite place à Keats, que Shelley ne vous parût pas être si négligeable, ni Tennyson l’unique poète de l’Angleterre moderne ; j’aimerais, quand vous allez à Venise, que vous eussiez un petit coup d’œil pour Tiepolo, j’aimerais, enfin, rencontrer dans votre œuvre mille choses que je n’y trouve pas. » Vous direz tout cela, mais M. […] Taine se dit : « Il faut que j’admire cela. » Et en dépit ou à cause de cette notation des détails, tous les grands ensembles lui échappent ; qu’on lise le Journal du Siège, le Journal de l’Exposition, le Journal du Voyage en Italie. […] Il lui arrivera ce qui est arrivé à Voltaire, ce qui arrive à Wagner, c’est que ses disciples empêcheront de l’admirer. […] Mais il faut faire avec Nietzsche comme le seigneur Pococurante faisait avec les anciens, n’admirer que ce qui est vraiment admirable, ne prendre que ce qui est à votre usage.
Il est vrai qu’en remontant au tems et aux circonstances, où une chose sublime a été dite, on reconnoît bien qu’elle a dû étonner alors ; et on l’admire soi-même, en la regardant dans son origine : mais l’imitateur qui la répete, ne peut plus que surprendre l’estime de ceux qui l’ignorent, et qui prennent sa mémoire pour du génie. […] Mais le public ne s’y trompe pas comme eux ; et il sçait mépriser des auteurs qui ne lui disent que ce qu’il a cent fois admiré. […] Pour les sentimens, on peut bien être touché des plus foibles et de ceux qui nous sont les plus familiers : mais nous n’admirons que ceux qui sont au-dessus des foiblesses communes, et qui par une certaine grandeur d’ame qu’ils nous communiquent, augmentent en nous l’idée de notre propre excellence. […] L’académie examina ses stances pour le roi allant en Limosin : il n’y en eut qu’une qu’elle admira toute entiére. […] Je conviens que qui ne sçait pas les admirer où ils sont admirables, n’écrira jamais rien que de médiocre.
Veut-elle que nous admirions aveuglement Homere sur la foy de nos ancêtres ? […] Il n’y a que quelques sçavans qui se plaisent à l’admirer dans le grec, parce qu’ils prennent le plaisir historique et celui d’entendre une langue sçavante, pour un plaisir purement poëtique. […] Ils sont comme ces imaginations foibles, qui, subjuguées par l’éclat des dignitez et des richesses, admirent dans la bouche d’un grand, ce qu’ils trouveroient pitoyable dans un homme du commun. […] Elle prétend qu’Homere excelle en cette partie, et j’en conviens sans peine, sur la foi de tant de grands hommes qui l’ont admiré de ce côté-là. […] Ils admirent alors l’adroite sublimité du poëte, en admirant leur propre pénétration : voilà deux bonnes affaires, et c’est le fruit des allégories.
Mme de Maintenon, grâce à une exacte et fidèle reproduction de ses paroles et de ses écrits, va être de plus en plus connue, appréciée de tous et, nous n’hésitons pas à le dire avec le nouvel éditeur, estimée et admirée. […] L’expérience lui avait inculqué pour principe « qu’on ne peut trop compter sur la faiblesse humaine. » Elle se méfiait, elle savait que tout se gâte vite et se dérange dans les éducations les plus admirées comme dans les natures les plus innocentes, dès qu’on cesse de veiller jour et nuit. […] Pendant sa convalescence, en même temps qu’il se faisait lire quelque beau morceau de son histoire par Racine et Despréauxg, ou qu’il s’amusait à voir des médailles avec le père de La Chaise, le roi revoyait et corrigeait les constitutions de Saint-Cyr : Vos constitutions ont été examinées, écrivait Mme de Maintenon à Mme de Brinon qui les avait dressées ; on a retranché, ajouté et admiré.
C’est parmi eux qu’il s’agit pour vous de se créer des amis fidèles, sincères, qui vous aiment pour vos belles qualités, non pour vos défauts ; qui ne vous admirent point par mode, et qui sauront vous défendre contre la mode un jour, quand elle tournera. […] J’ai parlé tout à l’heure, dans les jeunes générations, de ceux qui, les premiers, ont admiré M. de Musset avec sincérité, avec franchise. On ferait un piquant chapitre de mœurs sur les personnes de bel air, les enthousiastes à la suite, qui l’ont adopté avec engouement, les mêmes qui auraient admiré, il y a vingt-cinq ans, des vers alexandrins, parce qu’ils les auraient crus jetés dans le moule de ceux de Racine, et qui exaltent aujourd’hui les moindres bagatelles du brillant poète, à l’égal de ce qu’il a fait de mieux et de réellement bon.
Walckenaer, on a vu le savant M. de Chézy, dans ses traductions de poèmes orientaux, chercher à reproduire je ne sais quel modèle d’élégance cérémonieuse et uniforme, plutôt que de calquer avec simplicité et énergie les originaux qu’il avait sous les yeux et qu’il admirait. […] Peut-être, Amélie, ce tableau fidèle d’une amitié d’enfance si vraie et si naïve, et accompagnée d’un si charmant abandon, vous fait-il aujourd’hui rougir : alors il ne faudrait plus tant vous enorgueillir de ce rare assemblage de belles qualités que l’on admire en vous, puisqu’il en est une dont vous avez à regretter la perte. […] Telle fut la dot imprévue de sa fille, qui fit dans la suite le mariage le plus avantageux. — N’admirez-vous pas comme ce livre d’observation amère et un peu chagrine devient un don souriant du philosophe et fait la fortune de la petite Michallet ?
Voulez-vous me faire admirer les vertus, les travaux, les grands sacrifices ? […] Mais si un peuple a des mœurs frivoles et légères ; si, au lieu de cette sensibilité profonde qui arrête l’âme et la fixe sur les objets, il n’a qu’une espèce d’inquiétude active qui se répande sur tout sans s’attacher à rien ; si, à force d’être sociable, il devient tous les jours moins sensible ; si tous les caractères originaux disparaissent pour prendre une teinte uniforme et de convention ; si le besoin de plaire, la crainte d’offenser, et cette existence d’opinion qui aujourd’hui est presque la seule, étouffe ou réprime tous les mouvements de l’âme ; si on n’ose ni aimer, ni haïr, ni admirer, ni s’indigner d’après son cœur ; si chacun par devoir est élégant, poli et glacé ; si les femmes même perdent tous les jours de leur véritable empire ; si, à cette sensibilité ardente et généreuse qu’elles ont droit d’inspirer, on substitue un sentiment vil et faible ; si les événements heureux ou malheureux ne sont qu’un objet de conversation, et jamais de sentiment ; si le vide des grands intérêts rétrécit l’âme, et l’accoutume à donner un grand prix aux petites choses, que deviendra l’éloquence chez un pareil peuple ? […] Qu’ainsi, dans l’ordre politique, l’orateur se pénètre des grands rapports du prince avec les sujets, et des sujets avec le prince ; qu’il sente avec énergie et les biens et les maux des nations ; que, dans l’ordre moral, il s’enflamme sur les liens généraux de bienfaisance qui doivent unir tous les hommes, sur les devoirs sacrés des familles, sur les noms de fils, d’époux et de père ; que dans ce qui a rapport aux talents, il admire les découvertes des grands hommes, la marche du génie, ces grandes idées qui ont changé sur la terre la face du commerce, ou celle de la philosophie, de la législation et des arts, et qui ont fait sortir l’esprit humain des sillons que l’habitude et la paresse traçaient depuis vingt siècles.
S’il a commencé par admirer les voitures au défilé des Champs-Élysées par un beau soleil, il arrive bientôt à les envier. […] Goriot avait admiré en elle une nature frêle et forte, sensible et jolie, qui contrastait singulièrement avec la sienne. […] Je les attends au passage, le cœur me bat quand les voitures arrivent, je les admire dans leur toilette, elles me jettent en passant un petit rire qui me dore la nature comme s’il y tombait un rayon de quelque beau soleil. […] En gravissant une crête, j’admirai pour la première fois le château d’Azay, diamant taillé à facettes, serti par l’Indre, monté sur des pilotis masqués de fleurs. […] En montant le chemin qui côtoie Clochegourde, j’admirais ces masses si bien disposées, j’y respirais un air chargé de bonheur.
Pour l’amour noble, idéal, comme pour la poésie, il n’y a que deux âges, jeunesse et vieillesse ; dans l’intervalle, quand l’amour profond et passionné existe, il faut qu’il se cache et se garde des témoins ; il intéresse malaisément un tiers ; il se complique de mille petitesses et misères du corps et de l’âme, d’obésité, d’ambition : on a peine à y croire, on ne peut l’admirer. […] Après tout, comme Diderot, en écrivant à sa maîtresse, n’écrivait que pour elle, et songeait assez peu à son lecteur de 1830, il faut bien s’accommoder de bonne grâce à cette variation de tons qui se fait remarquer dans le cours de sa correspondance ; il y aura toujours assez d’endroits à relire et à admirer.
Enfin, pour faire admirer ses grâces, on se jeta dans la minauderie. […] Les étrangers y admiraient cette naïveté, cette aisance, cette délicatesse si naturelle aux Français, jointes à une modestie, à une candeur digne des premiers temps.
Cependant, comme un nom accrédité dans la Littérature n’est que trop capable aujourd’hui d’en imposer à la multitude ; comme les Esprits foibles & légers se laissent aisément ébranler par le persiflage ; comme la plupart d’entre eux cessent d’admirer, dès que la mode le commande, ou que le ridicule les effraie : il est nécessaire de défendre la gloire d’un des premiers Poëtes de la Nation. […] C’est à lui seul qu’il étoit réservé de faire admirer, dans la briéveté d’un Apologue, l’accord des nuances les plus touchantes, & l’harmonie des couleurs les plus opposées.
Il a banni de la Scène cette noble simplicité qu’on est forcé d’admirer dans Sophocle & Euripide. […] Ces morceaux, trop peu admirés dans ses Ouvrages, n’ont pas été éclipsés par les Odes sacrées du grand Rousseau.
* * * Ainsi j’admire Fécondité. […] On peut également et par contre admirer, dans Fécondité, le rajeunissement d’un génie, des parties lyriques et épiques, une fermeté extraordinaire dans le récit.
Il en est resté cette loi éternelle, que les républiques seront plus heureuses que celle qu’imagina Platon, toutes les fois que les pères de famille n’enseigneront à leurs enfants que la religion, et qu’ils seront admirés des fils comme leurs sages, révérés comme leurs prêtres, et redoutés comme leurs rois. […] Admirons la Providence d’avoir permis qu’avant cette époque les hommes fussent des géants : il leur fallait, dans leur vie vagabonde, une complexion robuste pour supporter l’inclémence de l’air et l’intempérie des saisons ; il leur fallait des forces extraordinaires pour pénétrer la grande forêt qui couvrait la terre, et qui devait être si épaisse dans les temps voisins du déluge....
Diderot aurait trop rappelé Cousin à Sainte-Beuve, Cousin qu’il admirait respectueusement, mais à distance, craintif comme un lièvre devant ce bombardant philosophe. […] Il avait cependant lu et admiré Richardson. […] Diderot admirait Falconet, comme il admirait tout, quand il se mettait à admirer, ce gobe-montagne qui aurait avalé la statue de Pierre le Grand avant qu’elle ne fût faite. […] admira ce que Gœthe admirait. […] Tous avaient pris Diderot avec ces deux taches ; ils l’avaient pris ruisselant de la boue dans laquelle il s’était vautré, et ils l’avaient admiré, nonobstant, comme un magnifique animal auquel la fange dont il est couvert n’enlève ni les belles proportions ni la vigueur des attitudes.
On admire Brutus ; on pleure avec Zaïre. […] Un homme qui se piquait de ne rien admirer & de fronder tout ce qu’on admirait, osa dans ce moment contredire le Génie même. […] On admirait souvent le Philosophe ; mais on oubliait le Théologien. […] On l’admire plutôt qu’il ne touche. […] Nous admirons le premier : nous sommes émus par le second.
» Il admire les croyants et il ne croit pas. […] Pourtant, je l’admirais. […] Dans ceux-ci on admire un art incomparable. […] comme j’admire M. […] Je demeure stupide et j’admire.
Nous n’admirons guère MM. […] Et puis après le romantisme, on n’admirait que les grands gestes et les pompes magnifiques. […] Et comme il faut admirer aussi l’exquise puissance de l’art ! […] Nous l’admirons comme l’authentique effigie d’une race étrangère. […] Ces héros agrestes ou citadins, il en admire le merveilleux destin.
L’auteur, à contre-cœur, admirait les corrections tout bas, et tâchait tout haut d’en rabaisser l’importance, jusqu’à ce qu’enfin sa vanité, blessée de tant devoir à un si jeune homme et de rencontrer un maître dans un écolier, finit par le retirer d’un commerce où il profitait et souffrait trop. […] En vérité, je voudrais admirer les œuvres d’imagination de Pope ; je ne saurais. […] Mais Pope, qui vit tranquille et admiré dans sa villa, et qui n’est poussé que par des rancunes littéraires ! […] On le vit bien le jour où Pope traduisit l’Iliade : c’était l’Iliade écrite dans le style de la Henriade ; à cause de ce travestissement, le public l’admira. Il ne l’eût point admirée dans la simple robe grecque ; il ne consentait à la voir qu’avec de la poudre et des rubans.
On admire Aristote comme on admire Euclide ; mais le suivre, ce serait le refaire. […] Peut-on s’empêcher de l’admirer, quand on voit qu’il a connu à fond tous les principes de l’éloquence et de la poésie ? […] Mais on peut être assuré qu’on l’admirera tout autant. […] Quand on vient de lire attentivement sa Psychologie, on s’attriste au lieu d’admirer. On admire son éloquent traducteur, M.
L’enfant admire tout, parce qu’il ignore tout. […] Admirons la Providence qui permit qu’à une époque où les hommes étaient incapables de discerner le droit, la raison véritable, ils trouvassent dans leur erreur un principe d’ordre et de conduite. […] Mais il admira la physique des stoïciens qui composent l’univers de points, comme les platoniciens le composent de nombres. […] Ne vous est-il pas arrivé de faire, dans l’élan d’une volonté forte, des choses que vous admiriez ensuite, et que vous étiez tentés d’attribuer à un dieu plutôt qu’à vous-mêmes ? […] C’est là qu’il juge Descartes avec l’impartialité que nous avons admirée plus haut.
Le temps s’arrête pour celui qui admire. […] Mais il y a trop d’importuns ; je m’arrête, je regarde, j’admire et je passe. […] On ne songe pas à l’art, on admire, et c’est de l’admiration même que l’on accorde à la nature. […] Ce morceau est très-beau, il est plein de grandeur et de majesté ; on l’admire, mais on n’en est pas plus ému, il ne fait point rêver, ce n’est qu’une vue rare où tout est grand, mais symmétrique. […] " son maître peut lui répondre : sot, tu admires une sottise et cependant tu manques à ton devoir.
L’homme, revenu de son premier étonnement, relève la vue et ose fixer d’un regard attentif ce que d’abord il n’avait admiré qu’en se prosternant. […] Cette seconde espèce de beautés demande plus de temps pour être aperçue et sentie, et diffère surtout de la première, en ce que celle-ci est embrassée par le sentiment, au lieu que l’autre est admirée par la réflexion. […] Mais comment parler de Bérénice , sans admirer encore cette éloquence si touchante et si inépuisable, cette diction si flexible et si mélodieuse, qui exerce tant d’empire sur les coeurs et sur les sens ? […] C’est qu’on ne veut point revenir sur ses pas ; qu’on tient à ses erreurs par amour-propre ; qu’après avoir décidé qu’un auteur a seul atteint les bornes de son art, il en coûte d’avouer qu’un autre les a reculées bien plus loin ; que c’est bien assez d’avoir un grand homme à admirer, et qu’il paraît un peu pénible d’en admirer encore un autre sur lequel on n’a pas compté ; qu’en général dans tous les arts on adopte d’abord un maître, à qui l’on veut bien prodiguer toutes les louanges, pourvu qu’on soit dispensé d’en accorder aucune à tous les autres : c’est qu’il est beaucoup de juges de certains traits de force et de grandeur, et qu’il en est peu de la perfection ; que les beautés étincellent davantage dans une multitude de défauts, sont plus vivement senties et plus aisément pardonnées ; au lieu que la perfection continue, procurant un plaisir égal, paraît naturelle et simple, charme sans étonner, et a pour ennemis secrets ceux qui, pouvant l’apprécier mieux que les autres, ont plus d’intérêt à la rabaisser.
« C’est alors — — dit un grand critique des temps modernes qui, quoique anglais et protestant, ne peut s’empêcher de l’admirer, — qu’elle forgea des instruments de domination et de propagation encore plus redoutables que ceux qu’elle possédait déjà. […] On le conçoit : avec les forts instincts d’administration qui étaient en lui et qu’il prenait pour des instincts politiques, il avait dû admirer sur la terre du schisme cette religion nationale, chère à l’esprit de tous les despotes, et il en avait remporté l’idée dans sa patrie pour la réaliser un jour. […] Nous admirons sans réserve la position que Crétineau-Joly a prise. […] L’Europe, ricaneuse comme le vice, se souciait fort peu des saints à cette heure-là et des spectacles qu’ils donnaient au monde, — mais par-dessus tous ces gouvernements d’insensés qui ne voyaient pas ce qu’ils auraient dû admirer, il s’élevait un homme qui le voyait bien. […] Il avait l’expérience de la difficulté de gouverner les peuples, et il ne pouvait s’empêcher d’admirer hautement les hommes d’un système qui diminuait cette difficulté.
Mais soyez tranquilles sur le résultat : toutes celles de ces admirations qui sont bien fondées, et si lui-même, lecteur, en son âme secrète, n’est pas devenu, dans l’intervalle, moins digne d’admirer le Beau, toutes ou presque toutes gagneront et s’accroîtront à cette revue sincère : les vraiment belles choses paraissent de plus en plus telles en avançant dans la vie et à proportion qu’on a plus comparé. Nous tâcherons donc, messieurs, de ne pas admirer plus qu’il ne faut, ni autrement qu’il ne faut ; — de ne pas tout donner à un siècle, même à un grand siècle ; de ne pas tout mettre à la fois sur quelques grands écrivains. […] Je sais que d’en bas, et quand on est de la simple majorité des mortels, il convient de moins compter ses paroles et de se moins garder d’admirer ; mais encore faut-il savoir diriger sa louange et ne pas la faire monter en fusée. […] Il se pourra quelquefois que, dans cette quantité d’appréciations, d’estimations successives, où je mettrai tout mon soin, nous différions un peu de mesure, qu’il y ait des cas où vous me trouviez moins vif que vous ne comptiez, et que vous admiriez plus que moi certaines qualités de nos écrivains ; je serai heureux d’être en cela comme en d’autres choses, dépassé par vous.
Il est plus rare à lui d’avoir si fort admiré Bayle que d’avoir admiré Boileau. […] Quand il voulait savoir le vrai, non ce qui s’affiche et se répète, mais le fin mot sur les illustres du temps, il ne s’en rapportait qu’à lui : « Que j’admire, lui écrivait-il (2 octobre 1698), l’abondance des faits curieux que vous me communiquez touchant M. […] Marais le réfute par lettre, discute pied à pied avec lui et conclut juste en disant (juin 1725) : « Je sais bien ce qui arrivera de cette grande lettre (de l’abbé) de 600 pages : il y aura peut-être 600 fautes corrigées ou plus, et ce sera 600 endroits qu’on relira avec grand plaisir, parce que ces fautes de fait seront environnées de traits éloquents, vifs, agréables, et qui feront toujours admirer l’esprit et la pénétration de l’auteur critiqué.
Il ne faudrait pas le voir pourtant trop amoureux des âges gaulois, ni trop épris des doctes personnages de la Renaissance ; il était de son siècle et n’enviait guère à ces savants hommes du passé que leur façon de s’exprimer, plus franche que la nôtre : « On avait », dit-il, « l’esprit étrangement fait du temps de Pasquier ; il admirait Ronsard, que nous ne voudrions pas lire à présent… Disons la vérité, tous ces messieurs-là étaient trop graves pour être plaisants ; il n’y a que leur langage ancien que je voudrais qui eût été conservé, et je sais bon gré à M. de Cambrai (Fénelon) d’avoir dit que ce langage se fait regretter, parce qu’il avait je ne sais quoi de court, de naïf, de hardi, de vif et de passionné. N’est-ce pas là une belle description, et n’admirez-vous pas cet homme, qui a toujours des termes propres à exprimer tout ce qu’il pense, et qui voit dans toutes choses ce qui y est ? […] Le comparant un jour avec Racine fils, dont il avait le tort d’admirer le poëme sur la Grâce, et annonçant la prochaine publication du poëme de la Ligue ou la Henriade, qui s’imprimait en Hollande (décembre 1723) : « Si ce poëme est aussi beau, disait-il, que celui de Racine, nous aurons là deux grands poètes, mais deux petits hommes ; car ce Racine, que j’ai vu deux ou trois fois, n’a qu’un esprit frivole et sans goût dans la conversation, et l’autre est un fou qui méprise les Sophocle et les Corneille, qui a cru être de la Cour, qui s’est fait donner des coups de bâton, et qui ne saura jamais rien parce qu’il croit tout savoir. » À quelques années de là, quand Voltaire a grandi et s’est déjà mis hors de pair, on lit dans une lettre de Marais au président Bouhier le récit suivant sur la répétition de la scène du pont de Sèvres ; il s’agit de l’éclat si connu avec le chevalier de Rohan ; il est bon d’avoir la version de Marais (6 février 1726) : « Voltaire a eu des coups de bâton. […] Il l’admire comme poète ; il n’a pas assez d’éloges pour sa Henriade ; il n’a jamais rien vu de si beau, c’est du véritable enthousiasme, et qui donne la mesure de celui des contemporains : « (Février 1724.) — Le poëme de la Ligue, par Arouet, dont on a tant parlé, se vend en secret.
Les faits particuliers qui nous sont attestés et qui nous donnent la mesure de son zèle au bien ne sauraient se reproduire ici : enfants nouveau-nés, trouvés sous des portes cochères, et qu’on va déposer d’abord chez Mme Navier ; — jeunes filles de dix ans, abandonnées par d’indignes parents, quelle recueille, qu’elle instruit, quelle ne laisse qu’après les avoir mises en lieu sûr ; — quelquefois des familles entières qu’elle entreprend de sauver de la détresse, et dont elle place les différents membres ; — des orphelins même qu’on lui envoie de province, comme si ce gouffre de Paris ne lui suffisait pas : — on admire, rien qu’à y jeter les yeux et à l’entrevoir un moment, cette série d’œuvres continuelles et cachées, ce courant salutaire et pur à côté d’autres qui le sont moins ou qui sont tout à fait contraires : c’est ainsi, selon une juste remarque, qu’au sein des sociétés humaines subsiste et se renouvelle incessamment cette dose de bien nécessaire à l’équilibre moral du monde. […] Nous avons tous admiré son portrait, où, sous le pinceau attendri d’un fils, transpirait l’âme maternelle. […] Il y a eu de grands siècles littéraires : nul né les salue et ne les admire plus profondément que moi ; mais de nos jours la littérature a pris un développement plus suivi, plus régulier, en rapport avec une société moyenne ou démocratique qui consomme prodigieusement. […] Mais aussi il n’est rien de respectable et de touchant (je reprends le mot, et, pour ma part, je sais aussi de tels exemples) comme de voir un homme, lui-même laborieux ou distingué dans son étude, dans sa profession, s’honorer d’une femme remarquable par un talent et un don qui la rend célèbre et qui ne la laisse pas moins aimable ; lui en permettre le libre et facile exercice, s’y prêter ; ne parler d’elle qu’avec respect et une sorte de modestie ; oser l’admirer et cependant rougir presque lui-même quand on la loue.
Le Pilote et le Corsaire rouge de Cooper avaient mis le public français en goût de cette vie de périls et d’aventures ; on admirait à chaque salon Gudin. […] Dans le jardin des Récollets de Nîmes où le jeune chef se rendit (mai 1704), le peuple admira, au passage, sa jeunesse, son air de douceur, sa belle mine ; et en sortant du jardin, est-il dit, on lui présenta plusieurs dames qui s’estimaient bienheureuses de pouvoir toucher le bout de son justaucorps. […] L’ouverture du roman a vraiment de la beauté : la douceur du paysage qu’admirent les deux enfants, la ferme de Saint-Andéol, le repas de famille et l’autorité patriarcale du père de Cavalier, l’arrivée des dragons et des miquelets sous ce toit béni, les horreurs qui suivent, la mère traînée sur la claie, tout cela s’enchaîne naturellement et conduit le lecteur à l’excès d’émotion par des sentiments bien placés et par un pathétique légitime. […] L’intérieur politique du règne est là ; on y suit et on y admire cette constante application aux affaires, du sein des pompes et des plaisirs.
Homère sera admirable, non pas pour avoir écrit il y a trois mille ans, mais parce qu’il y a trois mille ans qu’on l’admire. […] Il ne s’agit pas d’admirer les anciens par autorité, aveuglément. […] Nous y reconnaissons la nature, exactement et vigoureusement rendue, et c’est parce que nous les sentons vraies, d’une vérité qui nous saisit immédiatement, que nous pouvons les admirer autant que firent les hommes auxquels elles apparurent dans leur nouveauté. […] Un artiste aime la brutalité des passions naturelles, comme il admire le dessin d’un os ou la saillie d’un muscle.
Il en eut la pensée dans le temps où il aima la gloire avec candeur, alors qu’elle lui apparaissait sous les traits des jeunes Français de l’âge futur apprenant de lui à admirer, dans l’époque où régna Louis XIV, toutes les grandeurs de leur pays. […] Le promoteur de la première croisade, Pierre l’Ermite, c’est « Coucoupètre ou Cucupiètre, ce Picard qui marche à la tête de l’armée, en sandales et ceint d’une corde, nouveau genre de vanité. » L’éloquence de saint Bernard lui vaut quelque justice ; mais Voltaire s’en rachète bien vite aux yeux de Frédéric, par un portrait de saint Bernard « refusant l’emploi de général pour se contenter de celui de prophète, prêchant partout en français à des Allemands, et prédisant des victoires à des armées qui sont battues. » Pour saint Louis, auquel il n’a pas nui, aux yeux de Voltaire, d’avoir tenu tête à Rome, il l’admire sincèrement ; mais Saladin lui est plus cher. […] S’il n’admire pas Homère, c’est qu’il ne sait pas le grec, et qu’il préfère la Henriade à l’Iliade. […] Cependant, nul n’a plus admiré leurs qualités.
Type du décousu, de la témérité, se permettant tout, même la raison et la vérité, agité de tous les souffles du temps, sans lest, point incapable du bien, pourvu qu’il n’y fallût que le premier mouvement, faisant le mal avec l’étourderie de l’enfant qui lapide une statue, il y aurait autant de duperie à l’admirer qu’à lui demander, comme la Harpe, au nom de la religion, de la morale et du goût, un compte pédantesque de tous ses paradoxes. […] Je ne suis pas si inquiet sur la gloire de Bernardin de Saint-Pierre que cet apologiste qui, trouvant sans doute Paul et Virginie un trop petit bagage, nous renvoie aux Études, « non pour y voir le grand peintre, dit-il, ce qui est n’y rien voir, mais pour y admirer la pensée supérieure qui unit l’homme aux nations, les nations au monde, et le monde à Dieu125. » Si Bernardin de Saint-Pierre avait à attendre sa gloire jusqu’au jour où le monde sera d’accord avec son apologiste sur « la pensée supérieure » des Études, il l’attendrait longtemps. […] Encore n’admirait-on les premiers que sur la foi des seconds, les seuls qui fussent lus. […] On lut ceux qu’on se contentait d’admirer ; on se refroidit pour ceux qu’on lisait128.
Or, les quatre amis se disposent, après avoir admiré les constructions, nouvelles alors, du palais de Versailles, se décident à revenir à Paris, après des réflexions sur les principaux endroits de l’ouvrage, de Psyché elle-même : « Ne voyez-vous pas, dit Ariste, qui est le raisonneur de l’affaire, que ce qui vous a donné le plus de plaisir, ce sont les endroits où Polyphile a tâché d’exciter en vous la compassion. […] admirait la Fiancée du roi de Garbe comme modèle de récit, et il admirait aussi l’Oraison de saint Julien. […] En vérité, on dirait que la postérité a voulu lui faire amende honorable le jour où Musset s’est avisé de faire, lui aussi, des contes dans la manière de La Fontaine, pour montrer à quel point il admirait cette manière, et le charme de cette manière, et aussi un peu pour la corriger, pour la redresser, car, dans ses deux contes, Musset a été très loin des excès, des véritables culpabilités de La Fontaine.
Cette sœur, qui lui a survécu pour mourir quelque temps après lui, inconsolable de sa perte, admirait son frère de cette admiration fervente que la sensibilité de son esprit ajoutait à la sensibilité de son âme ; et c’est cette admiration, tournée par la mort en angoisse, qu’elle exprima avec la variété des sentiments infinis, dans des lettres incomparables. […] » Ces grands traits, que Bossuet et Corneille auraient admirés et qui sont partout dans les pages que nous avons d’elle, ce sont des mots à la chrétienne, des mots pour Nous ! […] Voilà ce que nous admirâmes ! […] … elle se fût peut-être bleuie… Le monde, qui est toujours funeste et dépravant, même quand il admire, lui aurait appris qu’il y avait en elle un charme et une puissance, et ses facultés auraient été moins ingénues… C’était là l’écueil.
Sous ce langage insuffisant et délicieux (on dirait une mauvaise traduction du Cantique des Anges), je vois et j’admire combien la discipline de la guerre a vaincu dans les jeunes cœurs les ferments d’anarchie auxquels nous trouvions tant de beauté, jadis. […] Au milieu du péril, ces jeunes êtres font leur déclaration d’amour à la lumière, à l’espace, au mouvement, à l’espérance ; mais ils préfèrent la France, et Jean Rival écrit à une jeune parente une lettre où le chant du départ, l’éternel chant de la vingtième année, se mêle et se subordonne au cantique de l’acceptation : Je sens en moi une telle intensité de vie, un tel besoin d’aimer et d’être aimé, de me répandre, d’admirer, de respirer en plein air, que je ne peux croire que la mort puisse me toucher. […] Ces enfants, dans leur dure vie, ne veulent pas être plaints, ni ménagés, ni admirés. […] Corps flexibles, âmes molles et tendres, en qui la force précocement s’éveille, véridiques et modestes jusqu’à l’humilité, connaissant leur honneur et leur devoir, ces soldats de dix-sept, dix-huit, vingt ans, sont « les fils de France », comme dit l’univers qui les admire.
Au fond, il paraîtrait ne le goûter qu’à demi, l’admirer surtout par respect humain, et peut-être ne l’avoir pas lu tout entier ; car, dans la suite de ses réponses à Perrault sur la controverse homérique, il n’emprunte rien, ni pour l’histoire conjecturale des premiers poëtes grecs, ni pour l’analyse du sentiment poétique, à bien des traits originaux, à bien des témoignages précieux de Pindare, qui partout, dans ses hymnes, se montre le premier croyant à l’authenticité d’Homère et comme le prêtre de son temple. […] Une autre preuve peut-être que Boileau, qui parfois a si bien compris et rendu le Traite du sublime de Longin, avait trop peu étudié le sublime dans Pindare et n’admirait pas assez le génie de ce grand poëte, c’est qu’il a cru de bonne foi l’avoir imité, dans son ode sur la prise de Namur, ville trop tôt reprise par le roi Guillaume, et ode parodiée alors si plaisamment par le poëte anglais Prior, chargé plus tard d’une ambassade à la cour de France, où Fénelon goûtait beaucoup son entretien, et où Boileau a dû le rencontrer quelquefois. […] C’était un instinct de la grandeur sous toutes les formes, un goût pour les choses éclatantes, depuis les phénomènes de la nature jusqu’aux pompes de la puissance et de la richesse humaines ; c’était aussi ce ferme jugement, en contraste avec l’imagination éblouie, ce retour sévère et triste qui abat ce qu’elle avait d’abord admiré et se donne le spectacle de deux grandeurs également senties, celle du monument et celle de la ruine. […] » Puis, dans un retour aux mouvements impétueux de la vie, est-ce Pindare, est-ce Bossuet, qui, frappé du sillon d’éclair de l’aigle, que sa pensée a tant de fois suivi dans les cieux, dit d’un guerrier qu’il admire : « Comme une aigle qu’on voit toujours, soit qu’elle vole au milieu des airs, soit qu’elle se pose sur quelque rocher, porter de tous côtés ses regards perçants et tomber si sûrement sur sa proie qu’on ne peut éviter ses ongles non plus que ses yeux ; aussi vifs étoient les regards, aussi vite et impétueuse était l’attaque, aussi fortes et inévitables étaient les mains du prince de Condé. » Un seul mot vient ici littéralement de Pindare, et avant lui, d’Homère : χεῖρας ἀφύκτους.
Le duc de Bourgogne l’admira si fort qu’il en traduisit de beaux morceaux et les fit lire à Louis XIV, qui là-dessus reprit en gré l’abbé négociateur, depuis quelque temps tombé en disgrâce. […] Fénelon, plus difficile que ses autres précepteurs et plus clairvoyant, voudrait le voir un homme, un grand prince, ouvert, sociable, accessible à tous, non étroit ni particulier, ni renfermé et borné à un petit nombre de gens qui l’obsèdent et qui l’admirent, à une coterie, comme nous dirions ; ayant de la religion la moelle et l’esprit, non pas les simples pratiques minutieuses et les scrupules (comme de ne pas savoir pendant une marche en campagne, s’il peut, en conscience, loger dans les dehors d’une abbaye de filles), s’inspirant de lui-même dans les occasions, prenant sur lui, brave à la guerre, sachant y acquérir de la gloire, sinon par des succès éclatants qui peuvent manquer, par sa fermeté du moins, son génie et son esprit de ressource jusque dans les tristes événements. […] Fénelon admire ce scrupule d’une âme si timorée, répond en s’écriant : « Oh !
« Mais heureux aussi celui qui, d’un esprit moins émancipé et d’un cœur plus humble, reconnaît dans la nature un Auteur visible, se manifestant par tous les signes ; qui croit l’entendre dans le tonnerre et dans l’orage ; qui le bénit dans la rosée du matin et dans la pluie du printemps ; qui l’admire et l’adore dans la splendeur du soleil, dans les magnificences d’une belle nuit, et qui ne cesse de le sentir encore à travers la douce et tiède nuaison d’un ciel voilé ! […] je traverse avec lui la basse-cour où j’admire la couveuse que j’effraye en passant, et le jeune poulet déjà coq qui se rengorge au soleil ; je longe la mare où flotte l’escadre criarde des canards, et j’arrive sans honte ni vergogne à l’étable aux pourceaux. […] Voici le portrait du taureau, du mezenc pur-sang, et qui rappelle les portraits d’animaux au livre III des Géorgiques ( optima torvæ forma bovis… ) : Portant haut, bien campé sur un jarret d’acier, Trapu, tout près de terre, encore un peu grossier ; Groupe longtemps étroite, et déjà suffisante ; Le rein large et suivi, l’encolure puissante, Le garrot s’évasant en un large plateau, L’épaule nette, — et forte à porter un château ; La poitrine, en sa cage, ample et si bien à l’aise Qu’il faudrait l’admirer dans une bête anglaise ; Sobre et fort, patient et dur, bon travailleur, À ce point qu’un salers à peine fût meilleur, Lent à croître, mais apte à la graisse à tout âge, Tel est le pur mezenc, taureau demi-sauvage ; Et tel voici Gaillard, roi de mes basses-cours, Sultan de mon troupeau, connu dans les concours, Lauréat de renom, vainqueur en deux batailles, Et qui n’est pas plus fier ayant eu deux médailles.
Étienne, dans son discours de réception à l’Académie, déclare qu’il admire Molière bien plus comme philosophe que comme poëte. […] Il y a dans Bajazet un passage, entre autres, fort admiré de Voltaire : Acomat explique à Osmin comment, malgré les défenses rigoureuses du sérail, Roxane et Bajazet ont pu se voir et s’aimer : Peut-être il te souvient qu’un récit peu fidèle De la more d’Amurat fit courir la nouvelle. […] D’où il résulte aussi que vouloir ériger ce style en style-modèle, le professer à tout propos et en toute occurrence, y rapporter toutes les autres manières comme à un type invariable, c’est bien peu le comprendre et l’admirer bien superficiellement, c’est le renfermer tout entier dans ses qualités de grammaire et de diction.
Elle n’affectait pas de rigorisme avec moi ; elle ne s’informait pas avec inquiétude des visites d’une belle princesse romaine qu’elle rencontrait quelquefois sur mon escalier, et dont elle admirait la beauté sans en connaître le nom. […] Lefèvre, que j’avais connue et admirée dans ce pays de tous les prodiges. […] Ces deux grandeurs m’éblouissaient ; j’admirais l’une, je respectais et je chérissais l’autre.
Elle s’y accoutuma au sein de la cour la plus polie, la plus savante, la plus galante d’alors, y brillant en sa fleur naissante comme l’une des plus rares merveilles et des plus admirées, sachant la musique et tous les arts ( divinae Palladis artes ), apprenant les langues de l’Antiquité, soutenant des thèses en latin, commandant des rhétoriques en français, jouissant de l’entretien de ses poètes et leur faisant rivalité avec sa propre poésie. […] Nous voilà loin du roux, et je ne vois de moyen de tout concilier que d’en passer par ces cheveux « si beaux, si blonds et cendrés » qu’admirait Brantôme, témoin très oculaire ; cheveux que la captivité devait blanchir, et qui laisseront apparaître, à l’heure de la mort et aux mains du bourreau, cette pauvre reine de quarante-cinq ans « toute chenue », comme dit L’Estoile. […] Une telle conduite et de tels actes, qui se couronnèrent par sa fuite inconsidérée en Angleterre et par l’imprudent abandon de sa personne aux mains d’Élisabeth, semblent bien peu propres à faire de Marie Stuart l’héroïne touchante et pathétique qu’on est accoutumé de chérir et d’admirer.
et qu’il faut les admirer de n’être arrêtés par rien, ni par le labeur, ni par la droiture, ni par la sincérité d’une œuvre ! […] Albalat me l’ordonne et que je m’y exhorte, réprouver tel morceau qu’il réprouve, admirer tel autre qu’il admire.