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50. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Nous voudrions rechercher comment ces sortes de jugements sont possibles. […] Comment, en effet, serait-ce possible ? […] Pour qu’il soit autre chose qu’un simple possible, conçu par les esprits, il faut qu’il soit voulu et, par suite, qu’il ait une force capable de mouvoir nos volontés. […] Les premiers se bornent à analyser la réalité et à la traduire aussi fidèlement que possible. […] Dans la faculté d’idéal, elle voit une faculté naturelle dont elle cherche les causes et les conditions, en vue, si c’est possible, d’aider les hommes à en régler le fonctionnement.

51. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

On établit ainsi, à des points de vue aussi divers que possible, des groupes sympathiques et l’on aboutit, pourvu qu’on procède avec toute la prudence que réclame la logique, à des constatations dont l’intérêt ne saurait échapper à personne. […] La paresse est la reine de la terre, pourrait-on dire ; même quand l’homme est sollicité à agir par le désir ou le besoin, il agit de façon à atteindre son but avec le moins de peine possible. […] J’ai réduit au minimum les preuves dont on peut étayer ces conclusions39 ; la démonstration, pour écourtée qu’elle soit, me paraît cependant suffire à établir qu’il est possible de déterminer les causes qui expliquent un ensemble de faits. […] Je crois inutile d’insister sur les applications possibles de la même méthode.

52. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

les travaux si pleins d’originalité des Guizot, des Thierry, des Michelet auraient-ils été possibles sans les collections bénédictines et tant d’autres travaux préparatoires ? […] N’est-ce pas l’érudition qui a ouvert devant nous ces mondes de l’Orient, dont la connaissance a rendu possible la science comparée des développements de l’esprit humain ? […] Nul n’a mieux compris que lui que la science seule est désormais possible ; mais sa science n’est ni poétique ni religieuse ; elle est trop exclusivement abstraite et logique. […] L’argumentation n’est possible que dans une science comme la géométrie, où les principes sont simples et absolument vrais, sans aucune restriction. […] Le jour donné à la pensée est ici la seule démonstration possible.

53. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Mais je ne voudrais pas trop insister sur cette critique, et il est bien possible qu’il n’y ait là qu’une différence de mots. […] « Ces deux grands faits de la loi morale et de la liberté sont au-dessus de toute contestation possible. […] Si des deux parts on ne la comprenait pas, il n’y aurait point de liaisons ni de contrats possibles. […] Comment cette chute est-elle possible ? […] La différence radicale s’explique encore mieux, s’il est possible.

54. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

S’il en est ainsi, l’« expérience » proprement dite, au sens où la prend Spencer, n’est pas la seule origine possible de nos formes cérébrales et mentales. […] Pour que la vie soit possible, en effet, il faut deux conditions : d’abord, que la nature soit réellement intelligible, puis que l’être vivant réagisse d’une manière intelligente. […] La parole humaine a des ailes : elle s’envole au-dessus de la réalité présente et des besoins immédiats ; elle est l’idée même revêtue d’un corps subtil et se faisant le plus possible immatérielle ; elle est la raison manifestée, le « verbe ». Or, la parole n’est possible que selon le principe de contradiction et le principe de raison suffisante. […] Peu à peu, nous éliminons le plus possible notre moi, notre sensibilité ; au lieu de cette succession particulière : — sensation et mouvement, émotion et motion, — nous finissons par ne plus considérer que la succession en général, la succession des sensations possibles ou des mouvements possibles pour les autres comme pour nous.

55. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Cela est possible ; mais, sans être réactionnaire, on peut affirmer qu’elle ne s’est pas encore produite. […] Ici plusieurs directions sont toujours possibles ; il y a capacité pour la décadence comme pour le progrès. […] Or cette réaction peut être plus ou moins énergique, selon que l’homme le veut plus ou moins : par là la liberté rentre dans ses droits, et le progrès est possible. […] Le beau et le divin sont toujours, par leur nature propre, causes du mieux dans les choses qui ne sont simplement que possibles. […] Toujours il est vrai que les organes ont dû s’adapter entre eux et aux conditions des milieux pour assurer dans la mesure du possible la victoire de la vie sur la mort.

56. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

Or, le passé n’a plus d’intérêt pour nous ; il a épuisé son action possible, ou ne retrouvera une influence qu’en empruntant la vitalité de la perception présente. […] En d’autres termes, plaçons-nous, dans la figure schématique que nous avons tracée (page 181), à ce point S qui correspondrait à la plus grande simplification possible de notre vie mentale. […] Tout à l’heure, la perception actuelle se prolongeait en mouvements déterminés ; maintenant elle se dissout en une infinité de souvenirs également possibles. […] De ce double effort résultent, à tout instant, une multitude indéfinie d’états possibles de la mémoire, états figurés par les coupes A′B′, A″B″, etc., de notre schéma. […] Tout se passe donc comme si nos souvenirs étaient répétés un nombre indéfini de fois dans ces mille et mille réductions possibles de notre vie passée.

57. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

C’est dire que l’analyse de la perception pure nous a laissé entrevoir dans l’idée d’extension un rapprochement possible entre l’étendu et l’inétendu. […] Cette déduction n’est possible, il est vrai, que si l’on découvre, sous l’hétérogénéité apparente des qualités sensibles, des éléments homogènes et calculables. […] Comme d’ailleurs elle ne cesse jamais d’être espace, elle implique toujours juxtaposition et par conséquent division possible. […] Faut-il s’étonner qu’entre cette abstraction, d’une part, les sensations de l’autre, on ne trouve plus de communication possible ? […] Oui sans doute, la distinction subsiste, mais l’union devient possible, puisqu’elle serait donnée, sous la forme radicale de la coïncidence partielle, dans la perception pure.

58. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Aussi faudrait-il, si possible, la placer la première de toutes. […] Est-ce possible ? […] De même que la mémoire n’est possible que si le moi est identique, de même la comparaison n’est possible que si le moi est un. […] Cette doctrine conserve une liberté non point réelle, mais possible. […] Il n’en reste dès lors que dix possibles.

59. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

C’est possible, mais remontons à l’impulsion qui fut à l’origine. […] Ainsi devient possible le progrès, malgré l’oscillation ou plutôt au moyen d’elle, pourvu qu’on en ait le souci. […] La tendance antagoniste prend alors la place restée vide ; seule à son tour, elle ira aussi loin qu’il lui sera possible d’aller. […] Il a créé une foule de besoins nouveaux ; il ne s’est pas assez préoccupé d’assurer au plus grand nombre, à tous si c’était possible, la satisfaction des besoins anciens. […] C’est possible ; mais pourquoi demande-t-elle aux bras plus d’effort qu’ils n’en devraient donner ?

60. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Je le ferai dans les termes les plus simples, en me rapprochant le plus possible de mes dossiers, de mes sources. […] du moins, sur ce terrain de conciliation et de paix où nous sommes, tâchons que toutes les concessions possibles se fassent, que tous les rapprochements d’égards, de bienfaits, d’estime et de mutuelle sympathie s’opèrent. […] Si l’avenir, comme il est inévitable, garde à la vertu bien des épreuves et des combats, tâchons, par le bon  usage et le salutaire emploi des intervalles, que ces combats soient encore les plus humains, les plus civilisés possible. […] Le propre de la société moderne est de comprendre et de maintenir le plus possible le sérieux et l’égalité dans toutes les choses honorables et bonnes. […] Messieurs les Sénateurs, je me suis écarté le moins possible de mon sujet.

61. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Est-il possible de mettre sur la même ligne celles d’un homme ou celles d’un peuple aux différentes époques de leur vie ? […] Est-il possible d’assigner le même rang à toutes celles de la même époque ou aux différentes formes du beau qui ont été réalisées par des peuples différents ? […] Il doit se faire un principe de jugement et de classement, qui soit à la fois aussi large et aussi scientifique que possible. […] Veut-on, dans chacun de ces ordres naturels, établir d’une façon aussi rigoureuse que possible la supériorité d’une œuvre ? […] Est-il possible de les ramener à l’unité ?

62. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Que l’auteur ait des sympathies pour lui, cela est possible, mais ne regarde guère le lecteur. […] Outre que son lyrisme lui confère la vertu suggestive et enlevante des chants en vers, elle dépeint le réel avec la fidélité facile d’un cristal grossissant, et elle évoque le possible avec l’autorité d’une prédication. […] Ne comptent que les littérateurs en activité, non en devenir, et c’est pourquoi j’omets sans doute de plus purs écrivains possibles, mais aucun écrivain actuel, en ne nommant à l’honneur de la prose récente que M.  […] Une autre action demeure possible, mais sans préconception sociale, rigoureusement individuelle. […] Qu’on demeure attaché à se vouloir le meilleur possible : l’œuvre que sera la vie ainsi cultivée sera visible ; on l’admirera, et par instinct d’amour-propre on l’égalera.

63. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IX. La pensée est-elle un mouvement ? »

Cet intermédiaire est le système nerveux, et comme toutes les sensations venant par des voies différentes ont besoin de se lier et de s’unir pour rendre possible la pensée, il faut un centre, qui est le cerveau. […] La pensée résulte du conflit qui s’établit entre les forces cérébrales dépositaires des actions extérieures et la force interne ou force pensante, principe d’unité, seul centre possible de la conscience individuelle. […] Disons seulement que, si les décrets de la justice divine exigent l’immortalité personnelle de l’âme, une telle immortalité n’a rien en soi de contradictoire, quoique nous ne puissions nous faire aucune idée des conditions selon lesquelles elle serait possible. […] Si vaste que soit notre science, elle ne peut avoir la prétention d’avoir sondé l’abîme du possible et d’en avoir atteint toutes les limites. […] La morale d’ailleurs vient ici au secours de la métaphysique : ce que celle-ci déclare simplement possible, l’autre le proclame comme nécessaire.

64. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Il est vrai qu’on aperçoit tout de suite une autre solution possible du problème. […] Mais une autre interprétation est possible ; et elle serait, à notre sens, plus vraisemblable. […] Si c’est possible, ce ne pourra être que par l’emploi simultané ou successif de deux méthodes très différentes. […] Il est donc donné dans une expérience, réelle ou possible. […] Nous avions voulu rester aussi près que possible des faits.

65. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Sans ce mensonge, le succès au combat ne serait plus possible, et faute de ce succès, la vie disparaîtrait. […] Nous devons donc non seulement nous y conformer, s’il est possible, mais supposer que les autres s’y conforment et leur demander d’admettre que nous nous y conformons aussi. […] L’instinct individuel approuve et tâche d’obtenir au plus juste prix les avantages offerts et de s’assurer les joies d’en haut en renonçant le moins possible à celles d’ici-bas. […] Il n’est pas possible qu’en pétrissant la terre sociale pour dresser la statue rêvée, les créateurs d’activités ne tiennent compte de ses qualités de souplesse, de plasticité, de résistance. […] Certes j’en prendrai ma part, puisque je ne saurais faire autrement, mais je la réduirai autant qu’il sera possible.

66. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Nous ne savons rien de toutes les gradations possibles entre les organes les plus simples et les plus parfaits ; nous ne pouvons prétendre que nous connaissions tous les moyens possibles de migration pendant une longue suite d’années, ni combien sont incomplets nos documents géologiques. […] Plus tard, nous serons obligés de reconnaître que la seule distinction possible entre les espèces et les variétés bien tranchées consiste seulement en ce que l’on sait ou l’on croit les unes actuellement reliées par des degrés intermédiaires et que les autres l’ont été à une époque antérieure. […] Il est très possible que des formes, aujourd’hui généralement considérées comme de simples variétés, soient plus tard jugées dignes d’un nom spécifique, comme il en serait par exemple de la Primevère et du Coucou ; et en ce cas le langage scientifique se mettrait d’accord avec la langue vulgaire. […] Mais il nous sera possible d’évaluer cette durée avec quelque certitude en comparant les formes organiques antérieures et postérieures. […] On dirait qu’une fois le corps parvenu à ses derniers perfectionnements, c’est-à-dire à la spécialisation la plus complète possible des organes purement vitaux, un seul organe, le cerveau, garde encore la faculté de se perfectionner en spécialisant de plus en plus.

67. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 11, les romains partageoient souvent la déclamation théatrale entre deux acteurs, dont l’un prononçoit tandis que l’autre faisoit des gestes » pp. 174-184

Je crois qu’il seroit inutile d’exposer dequel poids est ici l’autorité de Tite-Live, et de faire voir que tous les raisonnemens possibles ne doivent pas balancer un moment sa déposition, il n’y aura personne qui ne sente bien cette verité. […] Suivant les apparences, on choisissoit un chanteur dont la voix approchât, autant qu’il étoit possible, de la voix du comédien, et l’on peut croire qu’il n’étoit plus possible de reconnoître les deux voix et de les distinguer quand elles avoient passé par le masque.

68. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Alfred de Musset part de ce principe qu’une œuvre d’art doit autant que possible réunir deux conditions : plaire à la foule et satisfaire les connaisseurs. […] Horace Vernet aimait que ce fût une convention le moins possible, que le convenu ne s’y aperçût qu’au moindre degré. […] J’examine : tout est lié, motivé, sensé, possible, intelligible ; tout ressemble à ce qu’on a vu ou à ce qu’on peut se figurer, et les peintres sincères vous diront tout ce qu’il y a, sous cette ressemblance vive, de hardiesses de première venue, de difficultés abordées de front, enlevées à la pointe du pinceau et tournées en effets heureux et en triomphes. […] Dès le premier pas qu’on fait dans la ville, on ne peut croire qu’il soit possible d’y rester. […] Du reste, j’ai reçu dans ce palais le meilleur accueil possible du général Bernelle ; il m’a donné une ci-devant belle chambre dans laquelle j’ai couché par terre avec délices, car du moins j’étais à sec, et mes trois jours se sont passés à courir la ville et les environs, dessinant autant que possible les points intéressants, et j’ai fait une fameuse récolte de tableaux à faire. » L’honnête homme, l’homme de devoir et de probité percent à tout moment à côté des impressions du peintre guerrier ; si Horace aime les soldats, il les aime aux mains nettes et pures.

69. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Mais une autre manière eût été également possible. […] Le philosophe est possible dans un état qui ne réclame que la coopération de la main, comme le travail des champs. […] Quelque chimérique qu’elle puisse paraître au point de vue de nos mœurs actuelles, je maintiens comme possible cette simultanéité de la vie intellectuelle et du travail professionnel. […] Ce qu’il faut dans un tel état, c’est la plus grande variété possible entre les individus ; car chaque originalité c’est l’esquisse d’un aspect des choses ; c’est une façon de prendre le monde. […] Ces espérances sont si loin d’être indifférentes que seules elles expliquent et rendent possible la grande vie de sacrifice et de dévouement.

70. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

L’histoire, suivant Mommsen 58, va du canton à la nation ; elle est un « système d’incorporation », destiné à agglomérer, en des groupements aussi larges que possible, le plus grand nombre possible d’individus. […] Pour celles-ci l’accroissement quantitatif semble en quelque sorte de rigueur : chacune d’elles paraît tenir pour une nécessité vitale l’assimilation du plus grand nombre possible d’individus. […] Ce gouvernement direct et permanent de tous par tous, qu’on nous montre dans certaines sociétés primitives, n’était possible que grâce à l’étroitesse des clans. […] Il est vrai que le gouvernement direct du peuple par le peuple, dont on nous dit que les sociétés archaïques donnent quelques exemples, ne paraît guère possible dans une société volumineuse. […] Il est possible d’aller plus loin et de montrer comment cet accroissement tend à détruire, de lui-même, tout qui empêche les esprits de se plier aisément aux prescriptions égalitaires.

71. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Le programme qu’il eût voulu voir adopter à la jeune génération parlementaire, c’eût été non-seulement de ne pas faire la guerre à la forme des gouvernements établis, mais de ne pas faire la guerre à mort aux ministères existants, à moins d’absolue nécessité, et de chercher bien plutôt à en tirer parti pour obtenir le plus de réformes possible, pour introduire le mouvement et le progrès dans la conservation même. […] Certes, M. de Girardin eut alors un sentiment très-vrai de la situation, des divers moments et comme des divers accès par où le mal allait empirant chaque jour, et lorsque le 24 février éclata, il était en règle, il avait poussé d’avance tous les cris d’alarme ; on l’avait même vu, dans la séance du 14 février 1843, après un vote de la majorité qui qualifiait la minorité avec injure, déposer sur le bureau du président sa démission de député et signifier sa sortie de la Chambre jusqu’à de nouvelles élections générales : il donnait pour motif qu’il ne voyait pas de place possible entre une majorité intolérante qui s’égarait, et une opposition inconséquente qui allait on ne sait où. […] Chacun, dans les résumés et les récapitulations qu’il donne de sa vie passée, s’arrange sans doute pour faire le moins de mea culpa possible et pour se rendre justice par les meilleurs côtés ; mais, quand on y regarde avec lui, on ne peut s’empêcher d’être en cela de l’avis de M. de Girardin sur lui-même : parmi les députés de la Chambre de 1846, il fut l’un de ceux qui se laissèrent le moins abuser par le spectacle des luttes oratoires, et qui, ne se réglant en rien sur le thermomètre intérieur de la Chambre, restèrent le plus exactement en rapport avec l’air extérieur : il fut, de tous les conservateurs de la veille, celui qui, avec M.  […] C’est un système où l’État prend et empiète le moins possible sur l’individu, lequel se développe et agit dans la plus grande latitude et la plus entière liberté. […] Il goûte particulièrement en celui-ci l’homme de son idée favorite et de son rêve, un réformateur aussi déclaré que possible et qui n’était en rien un révolutionnaire.

72. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Philosophie du costume contemporain » pp. 154-161

Et, de dix ans en dix ans, les jupes, tour à tour trop amples et trop étroites, s’étalent sur des contours artificiels et démesurés, ou épousent du plus près possible les contours réels : deux façons diverses de nous communiquer une même impression. […] Les contours masculins s’en éloignent beaucoup moins : la toilette les en rapproche le plus possible. […] * * * Seulement, puisque le vêtement masculin s’inspire, avant tout, de la commodité, je voudrais qu’il fût entièrement conséquent à son principe, tout en offensant le moins possible la beauté.

73. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Introduction »

Néanmoins, une telle conclusion, serait-elle fondée, ne saurait être satisfaisante, jusqu’à ce qu’il fût possible de démontrer comment les innombrables espèces qui habitent ce monde ont été modifiées de manière à acquérir cette perfection de structure et cette adaptation des organes à leurs fonctions, qui excite à si juste titre notre admiration. Les naturalistes en réfèrent continuellement aux conditions extérieures, telles que le climat, la nourriture, etc., comme à la seule cause possible de variation. […] Nous verrons ainsi qu’une somme considérable de modifications héréditaires est au moins possible, et, ce qui est au moins aussi important, nous verrons tout ce que peut l’homme en accumulant, au moyen de sélections successives, des variations légères.

74. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Un individu humain quelconque, bien organisé toutefois, pris au hasard dam l’époque présente ou dans toute autre époque, et se traitant lui-même par la méthode expérimentale intérieure, découvrira, autant qu’il est donné à l’homme de le faire, sa destinée propre, et la destinée des autres hommes ses semblables, et la destinée de l’espèce tout entière ; il saura déterminer, autant que cela nous est possible, la loi du passé et de l’avenir de l’humanité. […] Tant qu’une révélation reste à faire, et lorsque l’époque en est venue, le seul grand psychologiste possible, le seul psychologiste capable de tirer directement de l’observation individuelle l’avenir de l’humanité, c’est le révélateur lui-même ; car déjà l’humanité transformée vit en lui et remplit son moi ; mais ce révélateur alors ne s’amuse jamais à faire une psychologie, il fonde une religion. […] Jouffroy ; je dis précisément qu’il n’y a plus de religion possible, parce que le temps de l’inspiration est passé, et que désormais la raison seule domine. » Mais M.  […] Si une religion nouvelle est possible (ce que ne croit pas M.  […] Auguste Comte avait déjà opposé, en termes bien autrement positifs et avec une formidable rigueur scientifique, des difficultés du même genre à la naissance et à l’adoption possible d’une foi nouvelle.

75. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Pourquoi n’en pas mettre le plus possible ? […] Je voudrais au contraire être aussi clair que possible. […] Qu’elle soit belle, et simple aussi, et vraisemblable autant que possible. […] Serrez la réalité d’aussi près que possible ! […] Ici il n’y a pas de doute possible.

76. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Sans doute il doit souhaiter et tâcher de réaliser le plus grand accord possible de ces forces. […] Elle est la réponse naturelle de l’homme, réponse contradictoire et unifiée à la fois, aux contradictions du monde, de la vie et de l’esprit, elle le laisse à la fois s’adapter à la réalité la plus large et tâcher d’adapter la réalité à lui, dans la mesure où cela est possible. […] L’ironie qui résulte d’une conception générale de la vie est très favorable au contrôle permanent, qui doit non pas être toujours actif, mais être toujours possible. […] Il combattra quand il le jugera bon, mais ce qu’il combattra, ce qui lui semblera inférieur, il en comprendra la raison d’être et la réalisation possible. […] Et, tel que je le conçois, ses préférences iront à une forme sociale, à un système moral qui donneraient à l’individu le maximum de développement individuel compatible avec une harmonie de l’ensemble aussi pure que possible, mais pas très serrée.

77. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre premier. L’idée force du monde extérieur »

Mais la conscience n’est pas une région de l’espace ni du temps ; le seul fait d’avoir conscience d’une sensation présente, joint au souvenir d’avoir eu conscience d’une sensation passée et contraire, nous permet déjà de concevoir, au-delà de la sensation présente, d’autres sensations possibles, et, derrière cette possibilité de sensations, une activité réelle autre que notre sensation même. […] Or, comme acte de connaissance, la conscience peut fort bien dépasser son contenu actuel pour concevoir un autre contenu possible ; elle peut même concevoir négativement quelque chose d’autre que la totalité de son contenu. […] Une fois construite, l’idée d’objet est, par excellence, une idée-force : l’être qui conçoit les objets agissant sur lui, et sur lesquels il peut réagir, ne réagit pas de la même manière que l’être qui ne conçoit ni les objets, ni leur action, ni sa réaction possible. […] En Angleterre, Clifford et ses imitateurs ont fondé la métaphysique, « la métempirique », sur le fait même que nous admettons d’autres consciences analogues à notre conscience : selon eux, ces autres consciences ne peuvent, comme les phénomènes matériels encore inconnus, devenir pour nous objets de conscience ; elles sont donc rejetées en quelque sorte de notre conscience, ou actuelle ou possible, et elles constituent des éjets, non des objets. — A ce compte, les animaux eux-mêmes feraient de la métempirique en supposant chez leurs semblables des sensations et des volontés analogues aux leurs.

78. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

Le même fait apparaît dans les grandes différences des habitants de l’Australie, de l’Afrique et de l’Amérique du Sud sous les mêmes latitudes ; car ces contrées sont aussi complétement séparées les unes des autres qu’il est possible. […] Nous en pouvons donc inférer que des glaces flottantes apportèrent autrefois leurs fardeaux rocheux jusque sur les bords de ces îles, et il est au moins possible qu’elles y aient apporté aussi des graines des plantes septentrionales. […] Dans cette question du niveau des anciens glaciers, toujours relative au niveau de la montagne, il faut faire la part des oscillations possibles du sol. […] Les lois générales du ciel n’offrent ainsi aucune cause possible d’une diminution ou d’une augmentation de chaleur à la surface de notre globe ; car, à la distance où notre système est placé de toute étoile, la chaleur, même des plus prochaines, figure pour une quantité absolument nulle en comparaison de la chaleur solaire. […] La plupart des types des climats torrides se seraient complétement éteints, de sorte qu’il ne nous serait plus possible de rendre compte de leur existence actuelle par des modifications héréditaires L’hypothèse d’un refroidissement partiel suivant des zones longitudinales n’est pas plus admissible.

79. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Il répond de sa main au maréchal (26 novembre 1742) : « Le feu roi, mon bisaïeul, que je veux imiter autant qu’il me sera possible, m’a recommandé, en mourant, de prendre conseil en toutes choses et de chercher à connaître le meilleur pour le suivre toujours ; je serai donc ravi que vous m’en donniez : ainsi, je vous ouvre la bouche, comme le Pape aux cardinaux, et vous permets de me dire ce que votre zèle et votre attachement pour moi et mon royaume vous inspireront. […] Il consulte là-dessus le maréchal de Noailles qui lui a promis de lui ménager le plus prochainement possible quelque siège glorieux, à l’instar de ceux de Louis XIV : « Dans tous les cas, écrit Louis XV (24 juillet), il faudra faire quelque chose, soit à la fin de cette campagne, soit au commencement de l’autre ; vous savez ce que vous m’avez promis, et ce n’est pas d’aujourd’hui que j’en grille d’envie. […] Je me hasarde peut-être un peu trop dans les circonstances critiques où nous sommes ; mais si vous ne croyez pas la chose possible, mandez-le-moi avec votre franchise ordinaire. Je suis accoutumé à me contenir sur les choses que je désire, et qui n’ont pas été possibles jusqu’à présent, ou du moins qu’on n’a pas crues telles, et je saurai encore me contenir sur celle-ci, quoique je puisse vous assurer que j’ai un désir extrême de pouvoir connaître par moi-même un métier que mes pères ont si bien pratiqué, et qui jusqu’à présent ne m’a pas réussi par la voie d’autrui, ainsi qu’il y avait lieu de s’en flatter. […] Le maréchal de Noailles le lui insinue aussi respectueusement que possible : « Votre Majesté me paraît frappée, autant que je puis l’être, de la stérilité des grands hommes ; ce n’est cependant pas, Sire, que je ne sois persuadé qu’il n’y ait de l’étoffe pour en faire ; il s’agit d’aider à la nature, d’exciter le zèle et l’émulation et de fournir aux bons sujets les occasions de se développer.

80. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XI. De l’ignorance de la langue. — Nécessité d’étendre le vocabulaire dont on dispose. — Constructions insolites et néologismes »

Autant que possible, sans trop de pruderie, sans excès de purisme, sans tapage, avec une constante et modeste fermeté, il faut lutter contre ces influences corruptrices de la langue ; il faut tâcher de la conserver, par un emploi judicieux, éclairé, des mots que le xviie  siècle et le xviiie vous ont légués, et si parfois la pensée se trouve à l’étroit dans leur vocabulaire, rafraîchir un vieux mot plutôt que d’en fabriquer un tout neuf, recourir à l’archaïsme plutôt qu’au néologisme ; mais, dans l’un et l’autre procédé, user toujours d’une extrême discrétion. […] Et il faut diriger les études de telle sorte que le vocabulaire dont on disposera le jour où l’on aura besoin d’exprimer sa pensée soit aussi ample, aussi riche que possible : l’intelligence même y trouvera son compte. […] L’étude des écrivains du xviie  siècle est extrêmement féconde en résultats, pour cette connaissance de la langue que je veux aussi approfondie, aussi vaste que possible.

81. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Retté, Adolphe (1863-1930) »

Singulière esthétique, car, enfin, la reproduction directe de la vie ou, comme ici, du possible est œuvre de science et non d’art, — à moins qu’on ne tolère cette enseigne ; photographie artistique. Similitudes nous emmène dans le possible, mais par de trop possibles sentiers ; trop clair, c’est aussi trop simple, trop comme le désire l’auteur, qui ne daigne compter qu’avec son rêve et de toutes les contradictoires tendances de l’humanité n’en admet qu’une, enfin victorieuse, celle qui lui plaît.

82. (1863) Molière et la comédie italienne « Préface » pp. -

Mais, après avoir terminé ce premier travail, je voulus franchir les limites où il m’avait contraint de me renfermer ; je m’engageai alors librement dans les curieuses perspectives que j’avais vues s’ouvrira mes yeux, et j’essayai d’y pénétrer le plus avant qu’il me fut possible. […] Cette pièce rentrait nécessairement dans le cadre de cette étude : elle est trop essentielle et trop caractéristique pour qu’il fût possible de l’omettre ici. […] Malgré ces nombreux devanciers, le soin que j’ai pris de remonter autant que possible aux textes et aux documents originaux, m’a permis d’apporter dans cette étude quelques éléments nouveaux, que le lecteur qui a étudié ces questions saura facilement reconnaître.

83. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Conclusion »

Puisque la loi de causalité a été vérifiée dans les autres règnes de la nature, que, progressivement, elle a étendu son empire du monde physico-chimique au monde biologique, de celui-ci au monde psychologique, on est en droit d’admettre qu’elle est également vraie du monde social ; et il est possible d’ajouter aujourd’hui que les recherches entreprises sur la base de ce postulat tendent à le confirmer. […] Nous avons, au contraire, entrepris d’établir qu’il était possible de les traiter scientifiquement sans rien leur enlever de leurs caractères spécifiques. […] Nous avons fait voir qu’un fait social ne peut être expliqué que par un autre fait social, et, en même temps, nous avons montré comment cette sorte d’explication est possible en signalant dans le milieu social interne le moteur principal de l’évolution collective.

84. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

Avec une très claire conscience du possible et du nécessaire en l’état présent des choses, Malherbe fit la liquidation générale du xvie siècle. […] On peut trouver sa forme étriquée, ses rythmes monotones et simples : songeons que la liberté antérieure était indétermination, confusion : il a réglé la cadence de la poésie comme il était possible en son temps, et il fallait passer par la simplicité classique pour arriver à la complexité plus riche de l’harmonie romantique. […] « Comment serait-il possible, disait la pétulante demoiselle de Gournay, que la poésie volât au ciel, son but, avec une telle rognure d’ailes, et qui, plus est, écloppement et brisement ? […] Il rendait à la littérature française le plus grand service qu’il fût possible alors de lui rendre : il lui révélait le prix de la vérité, et celui de la perfection.

85. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

Il est venu à une époque où il était possible d’être ainsi. […] « … Qu’on calcule l’influence d’une fièvre lente de huit mois, alimentée par toutes les misères possibles, sur un tempérament déjà attaqué d’obstruction et de faiblesse dans le bas-ventre, et qu’on vienne me dire que mon père n’abrège pas ma vie ! […] Ne point se former le goût sur l’exemple de mes devanciers, mais à coups d’analyse, en recherchant comment la poésie plaît aux hommes et comment elle peut parvenir à leur plaire autant que possible. » Et alors il s’impose d’énormes lectures. […] Beyle nous dit lui-même : « Je m’arrêtais trop à jouir de ce que je sentais… Je connais si fort le jeu des passions… que je ne suis jamais sûr de rien, à force de voir tous les possibles ».

86. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIV. Conférence sur la conférence » pp. 291-305

Méthode possible si j’avais à parler de Rotrou ou de Scarron. […] Le drame en un acte annoncé par l’affiche pose la question vieille mais éternelle de la femme fatale, de la Sapho de Daudet, la question des relations intellectuelles et des confidences possibles de frère à frère ; l’autre tragi-comédie incitait à parler du divorce, ou de la fidélité, ou de la jalousie, mais ces fantaisies physio-psychologiques, de trop fortes lectures récentes m’en avaient ôté le goût. […] Vu cet égal dénuement d’intérêt des diverses manières possibles, il ne restait que d’oublier que cette conférence est le prologue d’une représentation et de l’utiliser à traiter verbalement un sujet agréable ou utile : l’impôt sur les revenus, le pari mutuel, la question congolaise. […] Ils parlaient pour la gloire plus grande d’un dogme religieux, politique ou littéraire, ils parlaient pour dire quelque chose et le fond de leur pensée leur importait plus que la forme, ils parlaient pour le plus grand nombre possible d’auditeurs à instruire, à entraîner ou à convertir.

87. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

Il y aura eu de l’avantage à passer sur cette planète le plus tard possible. […] Que ne donnerions-nous pas pour qu’il nous fût possible de jeter un coup d’œil furtif sur tel livre qui servira aux écoles primaires dans cent ans ? […] Tant qu’il y a eu des masses croyantes, c’est-à-dire des opinions presque universellement professées dans une nation, la liberté de recherche et de discussion n’a pas été possible. […] Il n’est pas sûr que la Terre ne manque pas sa destinée, comme cela est probablement arrivé à des mondes innombrables ; il est même possible que notre temps soit un jour considéré comme le point culminant après lequel l’humanité n’aura fait que déchoir ; mais l’univers ne connaît pas le découragement ; il recommencera sans fin l’œuvre avortée ; chaque échec le laisse jeune, alerte, plein d’illusions.

88. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

Étudiant le problème de l’éducation à propos de la crise du libéralisme 61 déclare qu’il y a antinomie entre la liberté de l’individu et « cette ressemblance, cette obéissance et cette concentration » sans lesquelles il n’y a pas de vie sociale possible. […] Les projets d’instruction intégrale, c’est-à-dire aussi poussée que possible et égale pour tous reposent sur une méconnaissance de la diversité des intelligences. […] Un autre individualisme pédagogique est celui dont le desideratum serait d’individualiser le plus possible l’éducation, de l’adapter au tempérament intellectuel et moral de celui qui le reçoit, de faire violence le moins possible à l’individualité qu’il s’agit de former. […] Les idées qu’on vous demande d’assimiler peuvent être en elles-mêmes et entre elles aussi différentes ou aussi semblables, aussi concordantes ou aussi opposées que possible, elle vous demande non pas de vous en enquérir, mais de les acquérir ainsi.

89. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Il faut toujours faire le meilleur, et le faire le plus vite possible. […] En supposant que la société qu’ils rêvent fût possible, en supposant même qu’elle fût absolument la meilleure, ce ne serait pas encore la société véritable, celle qui a été créée par tous les antécédents de l’humanité. […] Un jour viendra où la société sera possible sans esclave, bien que vous, philosophe, ne puissiez l’imaginer », Sénèque n’aurait pas cru sans doute ; peut-être pourtant aurait-il consenti à ne pas faire battre de verges cet innocent rêveur. Le socialisme a donc raison, en ce qu’il voit le problème ; mais il le résout mal, ou plutôt le problème n’est pas encore possible à résoudre. […] Il faut dire : le but de la société est la plus grande perfection possible de tous, et le bien-être matériel n’a de valeur qu’en tant qu’il est dans une certaine mesure la condition indispensable de la perfection intellectuelle.

90. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Il y a là, se succédant les unes aux autres, des trillions d’oscillations, c’est-à-dire une série d’événements telle que si je voulais les compter, même avec la plus grande économie de temps possible, j’y mettrais des milliers d’années. […] Pourquoi ne s’est-elle pas bornée à le faire, partout où c’était possible ? […] D’autre part, la matière provoque et rend possible l’effort. […] Or, cet effort n’eût pas été possible sans la matière : par la résistance qu’elle oppose et par la docilité où nous pouvons l’amener, elle est à la fois l’obstacle, l’instrument et le stimulant ; elle éprouve notre force, en garde l’empreinte et en appelle l’intensification. […] Nous étions tout à l’heure dans la région du probable ; nous voici dans celle du simple possible.

91. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Sous des conditions de vie nouvelles, il est donc au moins possible que de légères modifications d’instincts soient avantageuses à une espèce ; et si l’on peut prouver que les instincts varient quelquefois, si peu que ce soit, dès lors je ne vois aucune difficulté à ce que la sélection naturelle conserve et accumule continuellement toute variation d’instinct en quelque chose avantageuse à chaque espèce, sans qu’il soit possible de poser une limite fixe où son action doive nécessairement s’arrêter. […] Nous devrions au moins pouvoir prouver que ces transitions sont possibles d’une façon quelconque, et c’est ce que nous pouvons faire aisément. […] — La découverte de ce remarquable instinct a été faite d’abord chez le Polyergue roussâtre (P. rufescens) par Pierre Huber, si possible encore meilleur observateur que son célèbre père lui-même. […] Les esclaves sont noires et moitié plus petites que leurs maîtres, qui sont de couleur rouge, de sorte que le contraste est trop grand pour qu’aucune méprise soit possible. […] Les mathématiciens avouent que les Abeilles ont pratiquement résolu, bien longtemps avant eux, l’un des plus difficiles problèmes de la géométrie, en ce qu’elles ont trouvé le moyen de faire leurs cellules de manière qu’elles pussent contenir la plus grande quantité possible de miel, en employant la moins grande quantité possible de cire.

92. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

La pensée crée de toutes pièces la notion d’absolu en niant ses propres conditions, et en supposant que quelque chose est encore possible ou réel en dehors de ces conditions, en dehors même de toute condition et de toute relation. […] Mais elle n’en est pas moins utile pour nous exciter à rechercher de plus en plus loin les conditions de nos connaissances, à remonter l’échelle des effets ou celle des moyens ; elle exige de nous la plus grande extension possible de la connaissance suivant les lois de l’expérience. […] La science présuppose donc l’idée d’une vérité absolue. » A cette théorie nous répondrons d’abord que, si la science se place en dehors de toute perception actuelle, elle ne se place pas en dehors de toute perception possible. […] Une douleur infinie, si elle était possible, serait elle-même la perfection de la douleur, une perfection en son espèce, purement quantitative, mais ne serait pas une perfection proprement dite et qualitative, c’est-à-dire un bien d’une grandeur infinie. […] Le mot choses, en effet, a deux sens possibles : il peut signifier d’abord les choses constituées comme elles apparaissent dans notre expérience ; les mouvements de la matière, par exemple, et la matière elle-même, résistante, étendue, durable, etc., sont des choses d’expérience.

93. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

Thiers, de faire un résumé, le plus clair et le plus simple possible, de ces suprêmes et émouvants récits. […] Les premières poursuites de la cavalerie n’ayant rien appris de positif, le maréchal Grouchy fut chargé avec un corps considérable (36,000 hommes) d’atteindre l’ennemi dans sa marche qu’on estimait plus confuse qu’elle ne l’était, de le suivre l’épée dans les reins, de le talonner, de l’empêcher de se rallier, et, s’il se rabattait vers Bruxelles du côté des Anglais, de le retarder le plus possible, en se tenant dans tous les cas entre lui et l’armée française, de manière à pouvoir se rallier à celle-ci dès qu’il y aurait lieu. […] Était-ce possible dans l’état d’esprit de Farinée, dans l’état de la France et de l’Europe ? […] Dès l’origine, l’ombre de Bülow se dessinant et grandissant à l’horizon indiqua l’intervention possible des Prussiens et causa une perturbation sensible dans l’action principale ; le nœud n’était plus où il devait être ; une autre pièce (pour continuer l’image) venait compliquer la première et s’essayer à côté : il n’y avait plus d’unité d’action.

94. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

On l’a prise pour matière de programme, qu’il faut avoir parcourue, effleurée, dévorée, tant bien que mal, le plus vite possible, pour n’être pas « collé » : quitte ensuite, comme pour tout le reste, à n’y songer de la vie. […] J’ai essayé de faire cette modeste bibliographie aussi utile et pratique que possible. […] Dans le plan de cette Histoire, on verra aisément que je me suis attaché à respecter la succession chronologique des hommes et des œuvres : c’est-à-dire, en somme, à représenter le plus possible le mouvement de la vie. […] C’est le fil directeur qu’il faut rompre le moins possible.

95. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 518-522

Ici, monsieur le ministre, la Commission a pu regretter que le second Théâtre-Français, dont l’objet est de concourir le plus possible avec la première scène française dans les mêmes genres à la fois dramatiques et littéraires, n’eût point obtenu, dans l’arrêté, un article à part qui permît de considérer en elles-mêmes les pièces qui y sont représentées, sans qu’on fût obligé de les comparer avec des ouvrages d’un genre et souvent d’un ordre tout différent. […] Ici l’enseignement peut être plus direct et plus en relief ; le genre vertueux, pour le nommer par son vrai nom, peut être plus décidément encouragé : mais que le talent y mêle toujours le plus d’observation réelle et de vérité possible, il agrandira et passionnera ses effets. […] La littérature dramatique a été prise au dépourvu ; on lui demande presque le contraire de ce qu’on était accoutumé à désirer d’elle depuis longtemps ; on lui demande des émotions vives, profondes et passionnées, mais pures s’il est possible, et, dans tous les cas, salutaires et fortifiantes ; on lui demande, au milieu de toutes les libertés d’inspiration auxquelles le talent a droit et qui lui sont reconnues, de songer à sa propre influence sur les mœurs publiques et sur les âmes, de se souvenir un peu, en un mot, et sans devenir pour cela trop sévère, de tout ce qui est à guérir parmi nous et à réparer.

96. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Ce que c’est que le Romanticisme Le romanticisme est l’art de présenter aux peuples les œuvres littéraires qui, dans l’état actuel de leurs habitudes et de leurs croyances, sont susceptibles de leur donner le plus de plaisir possible. Le classicisme, au contraire, leur présente la littérature qui donnait le plus grand plaisir possible à leurs arrière-grands-pères. Sophocle et Euripide furent éminemment romantiques ; ils donnèrent, aux Grecs rassemblés au théâtre d’Athènes, les tragédies qui, d’après les habitudes morales de ce peuple » sa religion, ses préjugés sur ce qui fait la dignité de l’homme, devaient lui procurer le plus grand plaisir possible.

97. (1890) L’avenir de la science « VII »

Les lexicographes ne sont pas en général de très grands philosophes, et pourtant le plus beau livre de généralités n’a pas eu sur la haute science une aussi grande influence que le dictionnaire très médiocrement philosophique par lequel Wilson a rendu possibles en Europe les études sanscrites. […] On peut affirmer que, sans cet attrait, jamais les premiers érudits des temps modernes, qui n’étaient soutenus ni par une haute vue philosophique, ni par un motif immédiatement religieux, n’eussent entrepris ces immenses travaux, qui nous rendent possibles les recherches de haute critique. […] Tout est vanité, excepté aimer Dieu et le servir. » Cela est indubitable, si la science est conçue comme une simple série de formules, si le parfait amour est possible sans savoir.

98. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Comment arrive-t-on à savoir, du passé, ce qu’il est possible et ce qu’il importe d’en savoir ? […] Comment procède-t-on pour en établir le meilleur texte possible ? […] Ne serait-il pas possible de préciser davantage ? […] Pour apercevoir ces motifs possibles il faut que l’attention y soit attirée d’avance. […] Comment doit être composé le livre scolaire pour rendre possible des exercices actifs.

99. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

D’autre part, l’opinion généralement adoptée que la quantité de variation possible chez une espèce est strictement limitée, n’est pareillement qu’une généralisation tout à fait hypothétique. […] Que la plus grande diversification possible d’organisation permette la plus grande somme de vie possible, c’est une loi dont la vérité éclate dans un nombre considérable de phénomènes naturels. […] Il est probable même que le laps de temps écoulé entre la formation d’un type et son extinction ne suffit jamais à réaliser pour ce type toute la somme possible de progrès et de développement. […] Ainsi, nous voyons d’abord les variétés de la même espèce aussi étroitement alliées que possible entre elles, puis les espèces de même genre moins étroitement et plus inégalement alliées. […] La quantité de vie possible peut augmenter, et cette augmentation est justement une conséquence de la loi de divergence des caractères.

100. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Mais cela n’est pas possible. […] Est-il possible de faire un seul pas en géométrie si l’on n’admet que le même est le même, que le tout est plus grand que la partie ? […] Puisque les jugemens synthétiques à priori existent, ils sont donc possibles, et on peut en dire autant d’un certain nombre de sciences théorétiques qui reposent sur ces jugemens. Il faut bien que les mathématiques pures, que la physique pure soient possibles, puisqu’elles existent, mais on ne peut faire la même réponse pour la métaphysique ; jusqu’ici elle a si peu atteint le but qu’elle s’était proposé, qu’on ne peut contester à personne le droit d’élever cette question : comment la métaphysique est-elle possible ? […] Mais en même temps Kant n’hésite pas à proclamer qu’elle est possible ; il en appelle au besoin éternel de la nature humaine ; il compare la métaphysique à une plante dont on peut bien couper tous les rejetons qui ont poussé jusqu’ici, mais dont on ne peut extirper les racines.

101. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Grenier, qui débrouille aussi nettement que possible l’état présent, qui l’analyse et l’expose en pleine connaissance de cause, comme il sied à quelqu’un qui aime les Grecs, qui les a vus chez eux, qui leur a du une hospitalité amicale et savante ; et qui n’en désespère nullement, ce volume, toutefois, a surtout contribué à réveiller en moi tous les souvenirs contraires, et à me rendre, avec une certaine amertume qui ne déplaît pas à l’expérience, le sentiment de ces belles années où la Grèce n’était pas comme un malade atteint de maladie chronique, exposé à l’indifférence de tous, mais une héroïne saignante et une victime, une Andromède enchaînée et palpitante pour laquelle on s’enflammait. […] Pour les purs, pour les lettrés enthousiastes et ardents, pour ceux qu’un danger de plus stimule à l’étude, et qui aiment à montrer qu’ils sont capables d’être hommes en même temps qu’érudits, aller en Grèce un jour et le plus tôt possible, arriver au pied de ses monuments, en face de ses marbres, avant que la flamme, la fumée des dernières explosions fût dissipée et éteinte, avant que les dernières balles eussent cessé de siffler, c’était, — comme l’a dit Quinet et comme il l’a prouvé, — c’était « le long désir de la jeunesse. » Et tous ceux qui n’allaient pas en Grèce la chantaient, la racontaient, la pleuraient sur tous les tons. […] Grenier, quand il fera réimprimer son excellent livre, nous doit, ce me semble, un court résumé historique de tout ce passé, un chapitre narratif où se dessineraient quelques figures originales de philhellènes : je vois d’ici sous sa plume trois beaux portraits aussi peu semblables entre eux que possible, mais dignes d’être réunis et rapprochés sous une même invocation et à un même titre de pieuse reconnaissance : lord Byron, le banquier genevois Eynard et le colonel Fabvier, trois types de cœurs passionnés, dévoués et sans réserve aucune au service de la même cause. […] Tâchons, pour l’honneur du drapeau, nous qui soutenons la retraite, que ce soit le plus tard possible, et que la nouveauté-dans les lettres, — cette nouveauté en partie si légitime, — ne batte pourtant pas à plate couture la tradition. […] Widal, dans la suite de ses estimables Études homériques, nous donner un chapitre oit il traiterait expressément ce sujet et où il viderait la question, s’il est possible.

102. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Et ce que nous disons de la vie pourrait se répéter de toutes les synthèses possibles. […] Ce que nous nous proposions était, non d’anticiper par une vue philosophique les conclusions de la science, mais simplement d’indiquer à quels signes extérieurs il est possible de reconnaître les faits dont elle doit traiter, afin que le savant sache les apercevoir là où ils sont et ne les confonde pas avec d’autres. Il s’agissait de délimiter le champ de la recherche aussi bien que possible, non de l’embrasser dans une sorte d’intuition exhaustive. Aussi acceptons-nous très volontiers le reproche qu’on a fait à cette définition de ne pas exprimer tous les caractères du fait social et, par suite, de n’être pas la seule possible. […] Même il est très possible d’employer concurremment plusieurs critères, suivant les circonstances.

103. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IX. Du rapport des mots et des choses. — Ses conséquences pour l’invention »

Mais tant que cette évocation n’est pas faite, nulle pensée originale, nulle invention n’est possible : les mots se combinent en nous, sans nous, mécaniquement, selon les affinités et les répugnances qu’ils ont contractées, avant nous souvent et hors de nous « par leur association avec l’expérience de l’objet et avec l’image de l’objet ». […] L’impossibilité est plus grande encore pour les termes purement abstraits, et non généraux ni collectifs, qui expriment des qualités, des manières d’être, tous les accidents possibles de la substance.

104. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

On trouvera, dans la seconde partie de la Notice colonel Lecomte, la liste aussi complète que du possible (et elle est difficile à faire complète) de ces divers opuscules de circonstance, mais qui tous sont d’un extrême intérêt, même historique ; il s’y rencontre des faits et des particularités marquées qu’on ne retrouverait pas ailleurs. […] Mon cadre est tracé, il faut le remplir, et je compte les minutes que la Parque me laisse ; à chaque instant je sens ses ciseaux chatouiller le fil65, et il n’est guère possible, après avoir glissé deux ou trois fois entre ses serres, que je l’évite au prochain tour. […] Désenchanté de toutes les illusions humaines, je ne désire qu’une retraite que je ne puis pas décemment demander, ayant si peu servi depuis ma démarche ; je traînerai donc par reconnaissance et par devoir ma triste carcasse sur le premier champ de bataille où il me sera possible de courir au-devant d’un boulet bienfaiteur. […] Dans son rôle spécial de général russe, Jomini rédigea en particulier une série d’études sur toutes les hypothèses de guerre possibles pour la Russie. […] j’ai cru possible de montrer et de faire accepter son portrait vu de la France.

105. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre III. La notion d’espace. »

Nous avons vu ce qui caractérise le continu physique, chacun des éléments de ce continu consiste en un ensemble d’impressions ; et il peut arriver ou bien qu’un élément ne peut pas être discerné d’un autre élément du même continu, si ce nouvel élément correspond à un ensemble d’impressions trop peu différentes, ou bien au contraire que la distinction est possible ; enfin il peut se faire que deux éléments, indiscernables d’un même troisième, peuvent néanmoins être discernés l’un de l’autre. […] Et alors, nous devons nous demander s’il est possible de se représenter un point de l’espace. […] Je savais en effet, avant toute expérience, que l’espace satisfera à cette condition ou qu’il ne sera pas, je ne puis pas dire non plus que l’expérience m’a appris que la géométrie est possible ; je vois bien que la géométrie est possible puisqu’elle n’implique pas contradiction ; l’expérience m’a appris seulement que la géométrie est utile. […] Il est clair que je n’ai aucune raison pour faire un choix aussi arbitraire parmi toutes les sensations visuelles possibles, pour réunir dans une même classe toutes les sensations de même couleur, quel que soit le point de la rétine affecté. […] L’ensemble de ces sensations formera une sorte de coupure que j’appellerai C, et il est clair que cette coupure suffit pour diviser l’ensemble des sensations rouges possibles, et que si je prends deux sensations rouges affectant deux points situés de part et d’autre de la ligne, je ne pourrai passer de l’une de ces sensations à l’autre d’une manière continue sans passer à un certain moment par une sensation appartenant à la coupure.

106. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Zoïle, Mœvius, Cecchi, Green, Avellaneda, Guillaume Lauder, Visé, Fréron, aucun lavage de ces noms-là n’est possible. […] C’est du reste un champ possible pour l’érudition comparée et la critique sérieuse. […] Mercure, c’est tout le vice possible, plein d’esprit ; Mercure, le dieu vice, sert Jupiter, le dieu crime. […] Hamlet est cette chose sinistre, le parricide possible. […] la faim du monstre toujours possible dans l’homme.

107. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Revue encyclopédique. Publiée par MM. H. Carnot et P. Leroux »

On retomberait vite dans l’exploitation de l’homme par l’homme, dans les mille abus criants et désastreux qui sont en tout temps possibles et même inévitables dès qu’on cesse de se prémunir : la dignité manquerait au grand nombre comme le bien-être. […] Reynaud possible qu’avec des tempéraments et des gradations qui le ramèneraient à ne plus être qu’une variété du nôtre, de celui qui nous semble, après tout, atteindre à la même solution par voie indirecte, mesurée et sûre. […] Aussi, tout en félicitant les écrivains de la Revue de leur noble effort pour replanter un véritable arbre encyclopédique au milieu de notre sol poudreux et tant de fois balayé, nous les louons de ne pas négliger les morceaux de science et de littérature positive qui s’adressent à tous les bons esprits, et qui sont, d’ici à un assez long temps encore, les seuls produits toujours possibles et d’une culture qui ne trompe jamais.

108. (1874) Premiers lundis. Tome II « Charles de Bernard. Le nœud Gordien. — Gerfaut. »

Les nouvelles diverses, qu’il a recueillies dans son Nœud Gordien et son Gerfaut, permettent déjà de porter sur lui, sur l’ensemble de son talent et de son rôle possible, un jugement ou au moins un pronostic général. […] Sans M. de Balzac, il est fort possible que M. de Bernard eût fort longtemps tâtonné avant de trouver son genre et de savoir exploiter sa veine. […] M. de Bernard, dans cette fin, a trop cédé à la dramaturgie moderne ; il y avait, j’ose le lui affirmer, sans pouvoir l’indiquer, quelque autre conclusion possible et vraie, qu’il eût trouvée en le voulant bien et en restant fidèle à tous ses caractères, même à celui du baron.

109. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre IX. L’avenir de la Physique mathématique. »

. — Il est possible aussi que l’astronomie nous fournisse un jour des données sur ce point ; c’est elle, en somme, qui a soulevé la question en nous faisant connaître le phénomène de l’aberration de la lumière. […] Cela est évidemment toujours possible et je ne retire rien de ce que j’ai dit plus haut. […] Est-il possible de la concilier avec le principe de la conservation de l’énergie ?

110. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

Une philosophie autonome, où le sujet s’exprime le plus adéquatement possible, sera la science véritable. […] Tout en portant aussi loin que l’empirisme par le domaine de la science, tout en ouvrant le monde entier à la libre réflexion et en affirmant qu’il y a une explication possible des choses, il oppose une fin de non-recevoir aux explications sommaires et simples. […] Tant donc qu’on n’aura pas démontré que cette science est impossible — et elle est possible, puisqu’elle a déjà commencé à donner des résultats — la thèse de nos néo-mystiques sera sans fondement.

111. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

La nécessité de pousser aussi loin que possible mes études d’exégèse et de philologie sémitique m’obligea d’apprendre l’allemand. […] Il n’est plus possible de soutenir que la seconde partie d’Isaïe soit d’Isaïe. […] J’espère n’hésiter jamais sur ce point, et, quels que soient les maux que la Providence me réserve encore, je croirai toujours qu’elle me mène à mon plus grand bien possible par le moindre mal possible. […] Je ne reculerais pas devant l’amputation si elle était licite et possible. […] Je partis donc pour Paris sans leur laisser entrevoir autre chose que des voyages à l’étranger et une interruption possible dans mes études ecclésiastiques.

112. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

C’est à cette condition seulement qu’il sera possible. […] Les autres solutions possibles étaient l’émigration, le suicide, le crime. […] Seulement ce n’est pas eux qui la suscitent ni qui lui donnent sa forme spéciale ; ils ne font que la rendre possible. […] On n’a même pas essayé si une explication sociologique des mêmes phénomènes n’était pas possible et nous sommes convaincus qu’elle pourrait être tentée avec succès. […] Il est même possible de préciser davantage.

113. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre II. La mesure du temps. »

De sorte que la définition implicitement adoptée par les astronomes peut se résumer ainsi : Le temps doit être défini de telle façon que les équations de la mécanique soient aussi simples que possible. […] Nous voulons au moins que l’on puisse concevoir une intelligence infinie pour laquelle cette représentation serait possible, une sorte de grande conscience qui verrait tout, et qui classerait tout dans son temps, comme nous classons, dans notre temps, le peu que nous voyons. […] Ainsi on adopte pour la vitesse de la lumière une valeur telle que les lois astronomiques compatibles avec cette valeur soient aussi simples que possible. […] Nous choisissons donc ces règles, non parce qu’elles sont vraies, mais parce qu’elles sont les plus commodes, et nous pourrions les résumer en disant : « La simultanéité de deux événements, ou l’ordre de leur succession, l’égalité de deux durées, doivent être définies de telle sorte que l’énoncé des lois naturelles soit aussi simple que possible.

114. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Elle ne serait possible tout au plus qu’avec la solution idéaliste, pour qui Dieu, Nature, Histoire, tout n’a de réalité que dans la pensée humaine. […] Comment y aurait-il science là où il n’y a ni mesure ni vérification possibles ? […] Cela ne semble ni désirable ni possible. […] Entre autres avantages, je n’en veux signaler que deux : elle introduit dans la psychologie l’idée de progrès, elle rend possible une psychologie comparée. […] Et pourtant il n’est point possible que les effets varient sans cesse, et que la cause reste immobile.

115. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

Je n’ai pas besoin pour cela d’instituer une comparaison réfléchie entre les idées de deux partis possibles, ni de concevoir explicitement le contraire de ce que je veux comme étant également possible pour moi. […] Quand on parle du son objectif, on désigne, encore un coup, d’autres sensations possibles de la vue et de l’ouïe, d’autres rapports du même phénomène, d’autres richesses qu’il renferme. […] Quand même l’être individuel étudié par le psychologue n’aurait d’abord aucune notion du subjectif et de l’objectif, — comme cela est certain, — cette distinction n’en demeure pas moins essentielle pour le psychologue, parce que, de fait, il étudie la façon dont les phénomènes arrivent à constituer une conscience possible, une individuation au moins virtuelle. […] Il faut donc que, quelque part, à quelque moment, quelque fonction interne soit évidente par elle-même et s’aperçoive en s’exerçant, pour que la réflexion ultérieure devienne possible. […] Si nous examinons avec soin l’idée de l’étendue, nous reconnaissons qu’elle est un ensemble de sensations possibles, d’actions possibles sur nos sens, et que ces actions ne sauraient se concevoir sans un degré d’intensité quelconque.

116. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Nous ne considérons encore la science que comme une humanisation des choses aussi fidèle que possible. […] — Il est possible, répondrait Nietzsche, la volonté de puissance, elle aussi, a ses erreurs. […] Aussi peu que possible ! […] Le dernier but de la science serait de créer à l’homme autant de plaisir et aussi peu de peine que possible ? […] Il est aussi, par conséquent, aussi personnel que possible.

117. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Pourtant, quand la guerre éclate, quand la Turquie (elle le pouvait alors) se pique la première, et lorsqu’on apprend que l’ambassadeur russe a été mis aux Sept-Tours, Catherine, rentrée dans sa capitale, reçoit ces événements d’un air moins joyeux qu’elle ne les avait provoqués : elle redevient ce qu’elle était en réalité, une souveraine pour l’histoire bien plus que pour le roman, et ne songe plus qu’à se procurer le moins difficilement quelques résultats possibles et solides. […] Je suppose un cas horrible, imprévoyable, et possible pourtant à des tigres-singes, comme vous a appelés M. de Voltaire ; on peut culbuter un roi, mais jamais le trône… Êtes-vous faits pour être des hommes, mes enfants, les plus jolis enfants du monde ? […] Une telle ambition est honorable : il y avait plusieurs manières possibles d’être vaincu par Bonaparte, et on en imagine qui pouvaient encore être dignes d’envie. […] Un jour, le prince de Ligne s’aperçut que deux belles Juives, chez qui il allait souvent, demeuraient bien haut ; il leur écrivit un petit billet le plus dégagé possible, par lequel il prenait congé d’elles à l’avenir, leur disant : « Adieu ! […] L’auteur a ingénieusement construit cette notice avec les paroles mêmes, autant que possible, avec les expressions et les mots du prince : dans ce travail M. de Reiffenberg, à qui l’on a pu reprocher quelquefois des légèretés et des rapidités comme érudit, s’est montré de la plus agréable et de la plus française littérature.

118. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Mais avant d’en dire quelque chose, il est indispensable de parler du genre même des Mystères, duquel il n’est, après-tout, qu’une variante ; et cela nous mène à expliquer ce qu’était notre ancien théâtre ; car tout s’y tient, et il n’est pas possible d’en prendre une juste idée sans remonter aux origines et le suivre dans ses progrès et son développement. […] Magnin, va plus loin : dans ses ingénieuses recherches sur les origines du Théâtre moderne, il tendrait à admettre qu’il y a eu aussi peu d’interruption que possible dans l’exercice de cette faculté dramatique qui est inhérente à l’esprit humain, et il en recueille partout des vestiges. […] On les jouait dehors et devant, sur la place du parvis, aussi près que possible du saint lieu, mais non plus dedans ; — et voilà enfin le théâtre. […] Milton a donné à ce sujet biblique la seule invention, là seule profondeur, le seul recul possible, en remontant par-delà le commencement jusqu’à la chute des Anges, en nous transportant au milieu de ces démons précipités dont Satan est le roi, et qui, de loin, ont ouï parler confusément d’une nouvelle création, d’un nouvel être devenu le favori du Tout-Puissant. […] Ici, dans notre pauvre drame, rien, ou aussi peu que possible ; pas même de ces effets tout naturels que suggérait immédiatement le sujet.

119. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

Il aimait passionnément les idées générales, mais il les dissimulait si bien, qu’un Anglais, auteur d’un livre intéressant sur les États-Unis, lui disait : « Ce que j’admire particulièrement, c’est qu’en traitant un si grand sujet, vous ayez si complètement évité les idées générales. » Il ne les évitait pas, loin de là ; mais il cherchait autant que possible à les incorporer dans les faits. […] A cette époque, en effet, on avait le goût de la plus haute généralité possible dans l’interprétation des faits humains. […] Il reconnaissait que, dans les sociétés démocratiques, les lois ne sont pas toujours les meilleures possible. […] Il m’a semblé que les démocrates (et je prends ce motdans son bon sens) ne voyaient clairement ni les avantages, ni les périls de l’état vers lequel ils cherchaient à diriger la société, et qu’ils étaient ainsi exposés à se méprendre sur les moyens à employer pour rendre les premiers les plus grands possible et les seconds les plus petits qu’on puisse les faire. […] Il ne s’agit, selon lui, que de les conjurer le plus longtemps possible, et lorsque enfin ils se présentent, il n’y a plus qu’à se couvrir la tête de son manteau et à se soumettre à sa destinée.

120. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Après, le plus tôt possible, nous passerons à l’audition des poèmes. […] L’unité du vers peut se définir encore : un fragment le plus court possible figurant un arrêt de voix et un arrêt de sens. […] on ne saurait dire le plus tard possible, mais pourtant on en aurait bien envie. […] Théophile Gautier, que nous aimons et connaissons plus et mieux que les fils de Parnasse, disait : « Je vois le monde extérieur et j’écris des métaphores qui se suivent. » Nous, nous avons cherché à voir le mieux possible le monde extérieur, à traduire quelques nuances, (le plus possible) du monde intérieur, ce qu’on en peut saisir, chacun dans les limites de ses forces, et nous avons cherché à créer des métaphores qui s’engendrent les unes les autres ; nous n’avons pas souvent tenu à les exprimer entièrement mais pour ainsi dire à les citer, à les énumérer.

121. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Nous remplaçons simplement une série de perceptions par une série de possibilités, qui sont elles-mêmes des perceptions possibles. […] Penser, c’est établir des relations entre des termes qui, tous les cieux, doivent être présents à la fois pour que la comparaison soit possible. […] Une simple conception est elle-même un complexus de sensations possibles et, pour saisir ce complexus, il faut embrasser les parties dans un même regard intérieur. […] En effet, c’est un principe pour Kant qu’« une intuition ne peut avoir lieu qu’autant qu’un objet nous est donné », et cela n’est possible, ajoute-t-il, qu’autant que l’objet « affecte l’esprit d’une certaine manière ». […] Dans ses essais pour expliquer la genèse de l’idée du temps, Guyau suppose l’expérience avec les lois physiologiques et psychologiques qui la rendent possible, et qui elles-mêmes rentrent dans les lois générales de l’univers.

122. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

On passe, par degrés insensibles, des souvenirs disposés le long du temps aux mouvements qui en dessinent l’action naissante ou possible dans l’espace. […] Rien de tout cela n’eût été possible s’il y avait eu cécité psychique au sens absolu du mot. […] Dans la seconde, au contraire, ces lésions intéresseraient notre action naissante ou possible, mais notre action seulement. […] Pour le comprendre, il suffit d’en réaliser l’essentiel, juste assez pour le distinguer des autres mouvements possibles. […] Alléguerez-vous que ce sont là des raffinements d’une langue déjà très perfectionnée, et qu’un langage est possible avec des noms concrets destinés à faire surgir des images de choses ?

123. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

Communications possibles entre les cerveaux. […] Cette action a son parallèle dans l’opposition mutuelle (les idées qui fait que la conscience aperçoit plusieurs partis possibles. […] Nous ne connaissons pas toutes les forces en jeu dans la nature, c’est-à-dire tous les grands modes possibles d’ondulations éthérées. […] Nouvelle preuve que ce qui est aboli dans l’hypnotisme n’est pas la volonté au sens général du mot, mais l’idée de choix possible pour la volonté, l’idée de liberté. […] Les hallucinations négatives ont plusieurs explications possibles.

124. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Or, en de telles îles, des espèces distinctes peuvent s’être formées séparément sans que la formation de variétés intermédiaires dans les zones moyennes ait été possible. […] Mais je ne m’arrêterai pas plus longtemps à ce moyen d’échapper à la difficulté, car je crois que la formation d’espèces très distinctes est possible dans de vastes régions parfaitement continues. […] Mais il ne s’ensuit pas que la structure de chacun de ces Écureuils soit la meilleure qu’il soit possible de concevoir dans toutes les conditions naturelles possibles. […] Nous sommes obligé de faire nos observations sur les espèces du même groupe, c’est-à-dire sur les descendants collatéraux de la même souche originelle, afin de voir quels sont les degrés possibles. […] Le Lepidosirène semble nous rappeler les traits généraux et quelques détails possibles de l’organisation de pareils êtres et nous montre peut-être un de leurs derniers descendants.

125. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Qu’on conçoive cette unité des sciences, cette unité des esthétiques, c’est possible, mais dans une sphère de métaphysique, non dans une sphère de critique et de raisonnement. […] Pour moi (et c’est là que le sentiment individuel a toute sa part), j’admets toutes les formes possibles, pourvu qu’elles me charment, Or, moi seul, je serai juge du plaisir que j’aurai. […] ») me semble, parmi beaucoup d’autres, une forme très souple dans son infinie complexité possible. […] Un peu plus tard j’essayerai de montrer de même comment l’œuvre se réalise, et quels sont actuellement les divers modes d’expression possibles de la poésie française. […] Le vers classique régulier dont il héritait et qu’il assouplissait n’était pas, loin de là, le seul mode d’expression possible de la poésie française.

126. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Préface »

Nous avons pensé qu’il était possible de les coordonner suivant un certain plan, et de leur donner ainsi une sorte d’unité. […] Nous avons pensé que les droits de la méthode expérimentale sont absolus, et que nul ne peut interdire au savant de la pousser aussi loin qu’il lui est possible.

127. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

Je ne sais point si cette morale est conforme aux nécessités du monde possible. […] N’est-il pas possible à chacun de nous d’être indulgent, candide, charitable et fécond ? […] Elle est utile, usuelle, possible et propre à tous.

128. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

Or si absurde qu’apparaissent toutes les affirmations et tous les vœux que l’on vient de formuler, il faut reconnaître que sans leur intervention aucune réalité ne serait possible. […] L’état quelconque du mouvement qu’il immobilise apparaît sous le regard de la conscience, comme le seul état parfait ; il emporte la foi absolue en lui-même et fait tenir le nombre illimité des possibles dans les limites qui le définissent. « Je suis, dit-il toujours, la vérité et la vie. » Et la force avec laquelle ce pouvoir d’arrêt s’affirme sous forme de vérité dans le monde moral traduit expressément le degré du pouvoir de réalisation dont il est l’interprète. […] Par contre l’immobile, ce qui sous la contrainte d’une vérité trop forte, d’un pouvoir d’arrêt excessif vient à se figer dans la durée hors de tout changement possible, tombe au-dessous de la conscience dans l’automatisme.

129. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Dupont-White »

Pourquoi, dans cette seconde édition d’un livre qui ressemble bien plus à la glaise énergique d’un sculpteur qu’à son marbre achevé et définitif, le de Maistre possible n’aurait-il pas fait au moins un effort pour sortir ? […] Dans l’intérêt même du progrès, incessamment ajourné par la révolution, ce que l’amoureux de l’État devrait se proposer, s’il n’était pas un risible étreigneur de nuées, c’est, dans un livre comme celui-ci, la plus grande longévité possible à donner à l’établissement de l’État dans la conviction affermie de l’opinion publique. […] Avec cette notion de l’État, rabaissée jusqu’au chien même de Thémistocle, que devenait le de Maistre possible que notre critique avait cru entrevoir à travers les indécisions, les confusions et les ténèbres d’un livre dont nous avions noté avec espérance quelques éclairs ?

130. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Préface » pp. -

Cela est possible. […] Or voici ce journal, ou du moins la partie qu’il est possible de livrer à la publicité de mon vivant et du vivant de ceux que j’ai étudiés et peints ad vivum .

131. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Autobiographie » pp. 169-176

Cela est possible. […] Or voici ce journal, ou du moins la partie qu’il est possible de livrer à la publicité de mon vivant et du vivant de ceux que j’ai étudiés et peints ad vivum .

132. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

L’imitation musicale est possible, nous y prenons plaisir et nous sommes libres. […] Ou bien il faudra que le poète réussisse à nous émouvoir sans être ému lui-même, et cela est possible à force d’art. […] C’est bien possible. […] Il faudra donc faire surgir autant que possible l’image d’un mot. […] Le véritable progrès, ce serait de trouver d’autres rythmes, et si possible des rythmes plus beaux.

133. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Toute raideur du caractère, de l’esprit et même du corps, sera donc suspecte à la société, parce qu’elle est le signe possible d’une activité qui s’endort et aussi d’une activité qui s’isole, qui tend à s’écarter du centre commun autour duquel la société gravite, d’une excentricité enfin. […] Elle conserve, dans sa fixité, une indécision où se dessinent confusément toutes les nuances possibles de l’état d’âme qu’elle exprime : telles, les chaudes promesses de la journée se respirent dans certaines matinées vaporeuses de printemps. […] On y démêlera toujours l’indication d’un pli qui s’annonce, l’esquisse d’une grimace possible, enfin une déformation préférée où se contournerait plutôt la nature. […] Même, autant que possible, ils ne s’assoient pas. […] On sait qu’il est possible d’évoquer chez un sujet hypnotisé, par simple suggestion, des visions hallucinatoires.

134. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

L’élément primordial du développement volontaire, sans lequel la sélection naturelle n’aurait pas où s’exercer, est donc l’appétition spontanée par laquelle, étant donné un plaisir, l’être réagit pour le retenir, étant donnée une douleur, l’être réagit pour l’écarter, sans avoir besoin ni de concevoir plusieurs partis possibles, ni d’opposer la représentation à la peine présente ou au plaisir présent. […] De plus, comme on vient de le voir, la volonté unilinéaire, c’est-à-dire sans plusieurs lignes possibles, précède nécessairement la volonté bilinéaire, qui suppose conflit de désirs et détermination finale sous un désir dominant, avec l’idée du contraire. […] Enfin il n’y a que cette idée des contraires qui puisse nous rendre relativement libres en nous montrant le possible à côté de l’actuel. […] La volition est le désir déterminant d’une action comme possible par nous et seulement par nous. […] Il faut en outre tenir compte, comme nous allons le voir, de la réaction exercée sur le déterminisme par la notion de la liberté sous ses diverses formes et chercher ainsi dans le déterminisme bien compris, non au dehors, la seule liberté possible et désirable.

135. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Mais pour que les faits ainsi définis pussent être assignés, en tant que choses, à l’observation du savant, il faudrait tout au moins que l’on pût indiquer à quel signe il est possible de reconnaître ceux qui satisfont à cette condition. […] Dans tout ordre de recherches, en effet, c’est seulement quand l’explication des faits est assez avancée qu’il est possible d’établir qu’ils ont un but et quel il est. […] Cette élimination, en effet, ne peut être faite que d’après une idée préconçue, puisque, au début de la science, aucune recherche n’a pu encore établir la réalité de cette usurpation, à supposer qu’elle soit possible. […] Les caractères extérieurs en fonction desquels il définit l’objet de ses recherches doivent être aussi objectifs que possible. […] C’est seulement ensuite qu’il sera possible de pousser plus loin la recherche, et, par des travaux d’approche progressifs, d’enserrer peu à peu cette réalité fuyante dont l’esprit humain ne pourra jamais, peut-être, se saisir complètement.

136. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Puis, plus tard, au milieu de tous ses mécomptes et de ses découragements moroses, il eut encore le sentiment net des situations diverses et des principaux moments de la Révolution : il comprit les temps où il fallait attendre et se taire (1794), ceux où il n’était possible que de marchander et de biaiser (1795), ceux enfin où il était bon de reparaître et où le nœud ne devait être résolument tranché que par l’épée (1799). […] D’ailleurs renchérir sur les critiques littéraires, c’était me donner le droit de les traiter de futiles et de les émousser ; et accorder quelque chose aux censures personnelles, c’était désintéresser autant qu’il était possible l’envie et la malveillance. […] Faites un gouvernement, disait-il, faites-le homogène autant qu’il est possible : « sans l’homogénéité, j’ose prédire qu’on sera forcé de recourir plus tôt qu’on ne pense à l’unité physique ». […] Son but, par cette quantité d’idées et de vues qu’il essayait chaque jour, son vœu du moins bien évident était de clore la Révolution le plus tôt possible, d’arriver à un gouvernement régulier, à l’ordre ; mais les hommes manquaient encore aux choses, et il est souvent infligé aux sociétés en détresse de les désirer longtemps. […] Dans les premiers jours de Brumaire et pendant qu’on discutait avec détail la révolution qui devait s’opérer le 19, Bonaparte lui disait : Il n’y a pas un homme plus pusillanime que moi quand je fais un plan militaire ; je me grossis tous les dangers et tous les maux possibles dans les circonstances ; je suis dans une agitation tout à fait pénible.

137. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre IV. L’espace et ses trois dimensions. »

Or ces mouvements nous sont révélés par nos sensations musculaires ; mais rien ne nous fait connaître la situation initiale ; rien ne peut nous la faire distinguer de toutes les autres situations possibles. […] S + σ + S′ sera une série σ′, et en faisant varier σ de toutes les manières possibles, on obtiendra toutes les séries σ′ possibles. […] Ainsi la question posée ne peut s’entendre que d’une manière ; est-il possible d’imaginer que, les résultats des expériences relatées plus haut ayant été différents, nous ayons été conduits à attribuer à l’espace plus de trois dimensions ; d’imaginer, par exemple, que la sensation d’accommodation ne soit pas constamment d’accord avec la sensation de convergence des yeux ; ou bien que les expériences dont nous avons parlé au paragraphe 2 et dont nous exprimons le résultat en disant « que le toucher ne s’exerce pas à distance », nous aient conduits à une conclusion inverse. Et alors évidemment oui cela est possible ; du moment qu’on imagine une expérience, on imagine par cela même les deux résultats contraires qu’elle peut donner. Cela est possible, mais cela est difficile, parce que nous avons à vaincre une foule d’associations d’idées, qui sont le fruit d’une longue expérience personnelle et de l’expérience plus longue encore de la race.

138. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

Forçé de se tenir sur la défensive, il la rendit aussi active et aussi nuisible à l’ennemi que possible, soit qu’il attaquât des camps isolés, des partis de fourrageurs, soit qu’il comblât des cours d’eau et coupât la navigation des rivières. […] Je vous supplie de me mander si vous jugez qu’en faisant le siège de Landrecies, ils puissent toujours conserver leur communication à Douai par Marchiennes, pour en tirer leurs convois et munitions de guerre, ce qui est fort éloigné de Landrecies ; et il est néanmoins bien difficile qu’ils les puissent faire venir d’ailleurs… S’il était possible dans ce grand éloignement d’attaquer leurs lignes de Denain pour couper la communication> ce moyen paraîtrait le plus assuré et le moins hasardeux pour les obliger à lever le siège ; et vous feriez bien d’en écrire vous-même à M. le maréchal de Villars et de lui en envoyer un projet, lui marquant le nombre de troupes dont vous auriez besoin, de quelle manière et en quel temps il devrait les faire marcher, etc., etc.38» Voilà donc l’idée d’une diversion sur Denain proposée aussi clairement que possible. […] Louis XIV cependant voulait qu’on fît quelque chose : lui qui avait recommandé la prudence et d’éviter une affaire générale tant que la négociation se poursuivait avec l’Angleterre, il exigeait maintenant qu’on tentât plus qu’on ne le faisait, et qu’on jetât le dé plus hardiment : « Mon intention, mandait-il à Villars le 21 juillet, n’est pas de vous engager à faire ce qui est impossible ; mais, pour tout ce qu’il est possible d’entreprendre pour secourir Landrecies et empêcher que les ennemis ne se rendent maîtres de cette place, vous devez le faire ; votre lettre n’explique point en quoi consiste le désavantage qui peut se trouver en attaquant les ennemis entre la Sambre et le ruisseau de Prisches39. […] Je lui répétai tout ce qui devait l’en empêcher, après quoi il se rendit en me disant : « Puisque vous êtes d’avis d’attaquer, marchons. » Que Villars ait voulu différer l’attaque jusqu’à ce qu’il fût arrivé et présent de sa personne, c’est possible et c’est naturel ; mais il ne paraît pas qu’après les précautions prises pour assurer son arrière-garde contre un retour du prince Eugène, il ait hésité sur l’attaque du camp ; et comme le marquis d’Albergotti lui proposait de faire des fascines pour combler les retranchements : « Croyez-vous, lui répondit-il en lui montrant l’armée ennemie dont les têtes de colonnes s’apercevaient déjà, que ces messieurs nous en donnent le temps !

139. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Une telle modification est-elle possible ? Si elle est possible, doit-elle se faire dans le sens du vers libre ou dans le sens du vers rythmique, dans le sens de la mélodie ou dans le sens de la mélopée ? […] Ces deux vers de Racine se coupent ainsi : Oui je viens | dans son temple | adorer | l’Eternel Je viens | selon l’usage | antique | et solennel « Leur unité vraie n’est pas le nombre conventionnel du vers, mais un arrêt simultané du sens et du rythme sur toute fraction organique du vers et de la pensée.  » En d’autres termes, le distique est formé de huit petits vers de trois, trois, trois, trois ; deux, quatre, deux, quatre syllabes, — le vers étant « un fragment le plus court possible figurant un arrêt de voix et un arrêt de sens ». […] Il est improbable que le commun des poètes s’approprie les secrets de cet art aussi facilement que les procédés parnassiens ; mais, quels que soient l’avenir et la destinée de cette poétique, il reste que par Moréas, Gustave Kahn, Vielé-Griffin, Verhaeren, Henri de Régnier (car les recherches et les résultats furent parallèles) un vers plus libre est possible en France et, avec ce vers, des laisses d’aspect nouveau, et avec ces laisses, des poèmes assez différents, en ce qu’ils ont d’acceptable et de très bon, pour justifier des espoirs qui n’avaient paru d’abord que d’obscurs désirs. […] Cependant l’influence des chants populaires allemands est possible.

140. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Anatole France a dit quelque part (en substance) que les poètes trouvaient leurs rythmes, et se forgeaient leur langue, assez inconsciemment, et qu’ils étaient disgracieux, s’essoufflant à démonter les rouages de leur strophe ; c’est fort possible, et il faut émettre en principe qu’on fait d’abord ses vers, et qu’on s’en précise ensuite la rythmique. […] Ce vers est devenu le vers de douze syllabes, avec dix césures possibles, avec césure obligée, car il n’y a pas de mots de douze syllabes : ce qui est presque l’abolition de la césure. […] Dans un affranchissement du vers, je cherchais une musique plus complexe, et Laforgue s’inquiétait d’un mode de donner la sensation même, la vérité plus stricte, plus lacée, sans chevilles aucunes, avec le plus d’acuité possible et le plus d’accent personnel, comme parlé. […] L’unité du vers peut se définir encore : un fragment le plus court possible figurant un arrêt de voix et un arrêt de sens. […] Et fussent-elles assez puissantes, pour, par leur présence, résumer en leur sens la question, elles n’empêcheraient pas que le lendemain de nouvelles recherches se montreraient au jour, plus instruites, plus souples et plus tenaces, dans leur volonté d’exprimer le plus possible avec le moins d’entraves techniques.

141. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

Si l’on pose sur la main immobile et appuyée un poids de 32 onces, on peut faire varier la quantité de ce poids de 8 à 12 onces, sans que le sujet s’en aperçoive ; au contraire, si les muscles de la main sont en action, la variation n’est plus possible que de 1 1/2 à 4. […] Or, tant que cette distinction n’est pas possible, nous ne pouvons connaître l’étendue, laquelle a pour fondement la coexistence. […] III Avant de pénétrer dans une région plus élevée de la psychologie, en allant des sensations à la pensée, il nous reste à passer en revue, d’une manière aussi complète que possible, tous les phénomènes qui sont la matière brute de l’intelligence et de la volonté. […] Ces actes instinctifs forment cinq groupes : 1° Les actions réflexes ; 2° Le mécanisme spécial de la voix ; 3° Les arrangements primitifs qui rendent possibles l’harmonie et la combinaison de certaines actions ; 4° La liaison du sentiment et de ses manifestations physiques.

142. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

Si la déduction est possible et si la vérification réussit, on pourra regarder la preuve comme faite. […] Or, non seulement un inventaire aussi complet n’est pas possible, mais encore les faits qu’on accumule ainsi ne peuvent jamais être établis avec une précision suffisante, justement parce qu’ils sont trop nombreux. […] Ce qu’il faut, c’est comparer non des variations isolées, mais des séries de variations, régulièrement constituées, dont les termes se relient les uns aux autres par une gradation aussi continue que possible, et qui, de plus, soient d’une suffisante étendue. […] Il est donc possible, pour reprendre le même exemple, que ce retour du traditionalisme que l’on observe au début de chaque histoire soit dû non à ce fait qu’un recul du même phénomène ne peut jamais être que transitoire, mais aux conditions spéciales où se trouve placée toute société qui commence.

143. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

En somme, le système de crédit public de Jefferson ne diffère pas de ce précepte privé, qu’il donne à l’un de ses petits-fils encore enfant : « Ne dépensez jamais votre argent avant de l’avoir dans vos mains. » Quelque médiocre valeur qu’on attribue à cette doctrine prudente d’économie domestique, appliquée au gouvernement d’un grand État, il faut reconnaître qu’elle était à la fois possible et sage pour les États-Unis d’Amérique, et qu’elle a porté ses fruits. […] Dans une lettre de février 1815, adressée à M. de La Fayette, on voit en abrégé toute l’opinion de Jefferson sur les événements de notre Révolution, avec les changements qu’y avait apportés l’expérience ; il y rétracte son ancienne idée d’un accommodement possible en 89 ; il croit reconnaître, avec M. de La Fayette, que la France de 91 était mûre pour la constitution qu’on lui avait faite, si on n’avait voulu la pousser encore plus avant, au-delà de la monarchie. […] Avec un chef héréditaire, mais renfermé dans d’étroites limites ; avec un Corps législatif investi du droit de déclarer la guerre, une rigide économie des contributions publiques, l’interdiction absolue de toutes dépenses inutiles, on peut réaliser à un très haut degré les conditions d’un gouvernement honnête et éloigné de toute oppression ; mais la seule garantie de tout cela est une presse libre. » Si Jefferson vivait en ce moment ; si, âgé de 90 ans, et de son poignet de plus en plus perclus, il écrivait à son même ami, après une expérience nouvelle, ne lui manderait-il point, par hasard, que cet autre accommodement qu’il se figurait possible ne l’était guère plus en réalité que celui qu’il conseillait en 89 ?

144. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note II. Sur l’hallucination progressive avec intégrité de la raison » pp. 396-399

Et le plus doucement possible, avec lenteur et circonspection, déplaçant sous le drap celui de ses bras qui se trouvait le plus éloigné de la figure imaginaire, il l’allongea avec précaution dans la direction opposée, afin de sortir sa main aussi loin que possible de celle qu’il contemplait et de revenir sur celle-ci par un détour fait en l’air, bien lentement, comme on fait quelquefois pour atteindre un papillon ; il s’attendait à voir la main s’envoler avant de l’avoir touchée ; mais pas du tout, les légers plis de la couverture qui se firent malgré ses soins pendant cette grande opération ne modifièrent en rien l’apparence de cette main charmante : voilà que la sienne en est tout près et va pouvoir la saisir.

145. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre III. Les questions que l’historien doit se poser. » pp. 16-17

De même encore, il n’est guère possible de suivre et de noter jour par jour la marche des variations du goût ; de marquer, à l’instant même où elle a dû agir, chacune des causes qui ont modifié son insensible évolution. […] Traduisons tout cela en langage plus simple : Par la complexité, par la solidarité, par la mobilité du vaste ensemble que l’historien d’une littérature embrasse, il est obligé : D’abord de distinguer, dans la suite ininterrompue des âges, des époques enfermées entre des dates aussi précises que faire se peut ; Ensuite de trouver la formule générale de la littérature pendant chacune de ces époques ; Puis d’indiquer, ses attaches, lors de ces mêmes époques, avec tous les phénomènes d’ordre divers au milieu desquels elle évolue ; Enfin, d’expliquer par quelles transitions et, si possible, par quelles causes et suivant quelles lois elle a passé de l’une à l’autre.

146. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Est-il possible d’assimiler entièrement la philosophie et la chimie ? […] J’ai des perceptions avant d’avoir des hallucinations, et sans perception point d’hallucinations possibles, car les aveugles-nés, que je sache, n’ont point d’hallucinations de la vue. […] De là une nécessité manifeste d’unir les deux méthodes pour arriver à une distinction aussi précise que possible des deux substances. […] Or d’où peut nous venir ce besoin d’une généralité toujours de plus en plus grande, s’il n’y a pas dans l’esprit humain une idée qui dépasse tous les phénomènes possibles ? […] Comment une créature imparfaite pourra-t-elle s’élever à un tel idéal, qui dépasse, dit-on, toute réalité possible ?

147. (1908) Après le naturalisme

On ne tente que ce que l’on croit possible. […] Ils envisagent un bonheur possible à tous les hommes. […] La vie n’est plus possible pour les dogmes convaincus d’hérésie. […] La raison s’oppose formellement à la foi et, entre elles, il n’est pas de compromis possible. […] Ce sera la vie possible, très possible qu’ils décriront.

148. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 109-114

Cet orgueil, d'après le Moraliste, se cache avec tant de subtilité dans notre cœur, y conserve un empire si absolu sur tous ses mouvemens, qu'il n'est pas possible que toutes nos actions ne soient un effet de ce vice plus ou moins caché, & qu'elles ne se rapportent toutes à lui. […] D'ailleurs, donnons à la méchanceté des hommes toute l'étendue possible : cette méchanceté, cet orgueil, infecteront-ils tous les mouvemens de leur ame ?

149. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre V »

Un mot étranger ne peut devenir entièrement français que si rien ne rappelle plus son origine ; on devra, autant que possible, en effacer toutes les traces. […] Je ne crois pas qu’il soit possible ni utile de modifier la forme des mots latins anciennement francisés par les érudits, ni, sous prétexte d’alignement, de biffer certaines lettres doubles, de remplacer les g doux et les ge par les j, ni enfin de faire subir à l’orthographe aucune des modifications radicales et maladroites préconisées par les « fonétistes » .

150. (1925) Comment on devient écrivain

Tâchez, du moins, d’y mettre du tact, ne l’étalez pas, disparaissez le plus possible. […] Chacun ayant sa façon de sentir, il est toujours possible d’écrire quelque chose de nouveau sur l’Orient. […] Il est possible, il est très possible que j’aie tort, et que j’aie tort même en ayant raison, etc. »‌ Voilà le pastiche-Faguet. […] Tout ce qu’on demande est de s’en rapprocher le plus possible. […] L’un ou l’autre, tous les deux même, si c’est possible.

151. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

L’ancienne Académie ne relevait que du roi ; c’était son privilège et sa noblesse ; il serait bon que la nouvelle institution ne relevât aussi que de l’empereur, le plus directement possible et avec le moins d’intermédiaires. […] Ce serait du ministère même de la maison de l’empereur, et, s’il était possible, de la personne même du prince, que relèverait l’institution littéraire. […] Est-ce possible, pour quelques-uns du moins, et de ceux qu’on répute les plus spirituels et qui brillaient entre les humanistes ou les rhétoriciens ?

152. (1890) L’avenir de la science « IX »

La logique entendue comme l’analyse de la raison n’est qu’une partie de la psychologie ; envisagée comme un recueil de procédés pour conduire l’esprit à la découverte de la vérité, elle est tout simplement inutile, puisqu’il n’est pas possible de donner des recettes pour trouver le vrai. […] L’apparition d’un ouvrage comme le Cosmos de M. de Humboldt, où un seul savant, renouvelant au XIXe siècle la tentative de Timée ou de Lucrèce, tient sous son regard le Cosmos dans sa totalité, prouve qu’il est encore possible de ressaisir l’unité cosmique perdue sous la multitude infinie des détails. […] Pénétration la plus intime des secrets de la psychologie spontanée, haute habitude de la psychologie et des sciences philosophiques, étude expérimentale de l’enfant et du premier exercice de sa raison, étude expérimentale du sauvage, par conséquent connaissance étendue des voyages, et autant que possible avoir voyagé soi-même chez les peuples primitifs, qui menacent chaque jour de disparaître, au moins avec leur spontanéité native ; connaissance de toutes les littératures primitives, génie comparé des peuples, littérature comparée, goût délicat et scientifique, finesse et spontanéité ; nature enfantine et sérieuse, capable de s’enthousiasmer du spontané et de le reproduire en soi au sein même du réfléchi.

153. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIV. Vaublanc. Mémoires et Souvenirs » pp. 311-322

Il a probablement écrit parce que l’action pour laquelle il était fait ne lui fut pas toujours possible, du moins dans la mesure qu’il fallait à des facultés aussi fortes que les siennes. […] Or, c’est peut-être tout le devoir et toute la gloire possible des hommes politiques de retarder l’heure des crises, comme celle du médecin de reculer l’heure de la mort, comme celle du commandant de place assiégée (et tous les pouvoirs sont assiégés et il n’y a point de places imprenables !) de tenir le plus longtemps possible et de se faire tuer, si, en se faisant tuer, on gagne un jour de plus.

154. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Quant à vouloir enchaîner les aventures avec ordre, quant à conduire l’action au dénouement par un fil logique, on ne saurait s’embarrasser que le moins possible de cette gênante préoccupation. […] Tantôt, c’était une allusion aussi transparente que possible ; tantôt, c’était une atteinte directe et comme un coup qu’on se donnerait à soi-même. […] Mais on peut le souhaiter, le croire possible, et c’est mon cas. […] Que ces Contes soient écrits le mieux possible, que la morale et la décence n’y soient pas trop offensées : voilà ce qu’il nous est permis de souhaiter. […] Les œuvres d’art ne se font pas sur commande : elles naissent, comme les vivants, du milieu moral qui les rend possibles.

155. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

C’est d’abord la peinture qui a rendu possible la vision de ces miracles intraduisibles en paroles ; puis la poésie qui, dans le lyrisme, emporte l’âme déjà au-delà des symboles. […] Alors la corruption cessera ; l’homme verra sa liberté possible, et il la verra sans terreur. […] Saint-Saëns sont venus après lui, qui ont montré possibles bien d’autres merveilles. […] Article hostile, aussi peu intelligemment que possible. […] Point de tergiversation possible.

156. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

Mais, en vertu de l’égalité entre la réaction et l’action, il m’est impossible de subir une action, sous forme de sensation consciente, sans réagir immédiatement par les divers modes de réaction qui me sont possibles. […] Binet croit qu’on saisit sur le fait « le travail logique de l’esprit qui tire toutes les déductions possibles du thème qu’on lui impose ». […] L’imagination rend l’induction et la prévision possibles. […] Ce qu’on nomme l’observation interne ou la réflexion n’est le plus souvent que l’imagination se représentant et analysant des états de conscience possibles. […] Les idées sont donc, en définitive, de la force emmagasinée qui se dépense avec la plus grande économie possible.

157. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Prenez le Fontenelle dans le moment le plus élevé et le plus majestueux qu’il vous sera possible, prenez-le faisant l’éloge de Newton, dans ce morceau capital dont M.  […] « Celui qui veut être heureux, disait-il, se réduit et se resserve autant qu’il est possible. […] Il crut possible de concilier cette disposition qui le rendait tout propre pour les vérités exactes, avec le goût qu’il avait pour les manières de dire agréables et assaisonnées. […] Signalant le principe essentiel de la nature, laquelle fait toutes choses à moins de frais possible et use d’une épargne extraordinaire dans son grand ménage, il vous dira que ce n’est que par là qu’on peut attraper le plan sur lequel elle a fait son œuvre. […] Dans les extraits, il s’attache, avant tout, à éclaircir et à démêler ce qu’il expose : il avait pour principe que, dans les sciences, la certitude elle-même des résultats ne dispense point de la clarté, et que la raison commune a droit à tout instant d’intervenir et de demander compte, autant qu’il est possible, de ce que les méthodes particulières lui dérobent.

158. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Il ne croyait plus, de nos temps, à des proscriptions possibles ni à des spoliations en masse. Parlant de celles des Romains : « Nous tirons cet avantage, disait-il, de la médiocrité de nos fortunes, qu’elles sont plus sûres : nous ne valons pas la peine qu’on nous ravisse nos biens. » Montesquieu ne concevait pas qu’il y eût un jour possible, un jour prochain, où le clergé en masse serait dépossédé, où la noblesse le serait en grande partie, où les premières têtes du parlement de Paris monteraient en ordre sur l’échafaud : un 1793, cela ne se devine pas. […] Et parlant du grand ouvrage que Montesquieu préparait depuis vingt ans, M. d’Argenson ajoutait : J’en connais déjà quelques morceaux qui, soutenus par la réputation de l’auteur, ne peuvent que l’augmenter ; mais je crains bien que l’ensemble n’y manque, et qu’il n’y ait plus de chapitres agréables à lire, plus d’idées ingénieuses et séduisantes, que de véritables et utiles instructions sur la façon dont on devrait rédiger les lois et les entendre… Je lui connais tout l’esprit possible ; il a acquis les connaissances les plus vastes, tant dans ses voyages que dans ses retraites à la campagne ; mais je prédis encore une fois qu’il ne nous donnera pas le livre qui nous manque, quoique l’on doive trouver dans celui qu’il prépare beaucoup d’idées profondes, de pensées neuves, d’images frappantes, de saillies d’esprit et de génie, et une multitude de faits curieux, dont l’application suppose encore plus de goût que d’étude. […] Buffon, si opposé à cette manière d’écrire, l’expliquait chez Montesquieu par le physique ; « Le président, disait-il, était presque aveugle, et il était si vif, que la plupart du temps il oubliait ce qu’il voulait dicter, en sorte qu’il était obligé de se resserrer dans le moindre espace possible. » Montesquieu est convenu lui-même qu’en causant, s’il sentait qu’il était écouté, il lui semblait dès lors que toute la question s’évanouissait devant lui. […] Ce n’est pas mal qu’un législateur pousse les hommes, fût-ce même moyennant un peu d’illusion, à toutes leurs facultés et à toute leur vertu ; mais il doit savoir au-dedans à quelles conditions cela est possible et prendre ses précautions en conséquence.

159. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Voici les paroles que nous trouvons dans l’introduction dont Saint-Chéron a fait précéder sa traduction de l’Histoire d’Innocent III : « Recevons le beau tableau historique de Hurter comme un témoignage du bien immense qu’un souverain pontife a pu accomplir dans un siècle reculé, mais encore du bien que l’institution, reconnue comme nécessaire aux intérêts les plus élevés du genre humain, pourra faire dans les siècles à venir où il se rencontrera un Grégoire, un Innocent, au milieu des hommes ramenés par une pénible et douloureuse expérience, aux vrais principes sociaux. » Comme on le voit, s’il n’est guère possible d’être plus lourd, il n’est guère possible d’être plus clair. […] Le traité tardif que Leibnitz, ce grand esprit de juste milieu, avait entrevu, mais à son heure, au moment où il était possible, n’est pas seulement empêché par l’inertie peureuse du ministère prussien, dont le seul homme capable (Eichorn) est piétiste exalté, il rencontre un empêchement plus dirimant et plus honorable encore dans le bon sens de l’Allemagne, qui ne le réclame pas, qui ne s’en émeut pas, qui dit : À quoi bon ? […] Une fois et seulement indiquée, il n’est plus possible d’accepter les insinuations du parti de Saint-Chéron sur ce pays. […] Ce qu’il fît est-il en proportion avec ce qui était possible ?

160. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

À prendre des procédés d’observation et d’expérimentation qu’on pratiquait déjà, et, plutôt que de les appliquer dans toutes les directions possibles, à les faire converger sur un seul point, la mesure — la mesure de telle ou telle grandeur variable qu’on soupçonnait être fonction de telles ou telles autres grandeurs variables, également à mesurer. […] il n’était ni possible ni désirable que l’esprit humain suivît une pareille marche. Cela n’était pas possible, parce que, à l’aube des temps modernes, la science mathématique existait déjà, et qu’il fallait nécessairement commencer par tirer d’elle tout ce qu’elle pouvait donner pour la connaissance du monde où nous vivons : on ne lâche pas la proie pour ce qui n’est peut-être qu’une ombre. Mais, à supposer que c’eût été possible, il n’était pas désirable, pour la science psychologique elle-même, que l’esprit humain s’appliquât d’abord à elle. Car, sans doute, si l’on eût dépensé de ce côté la somme de travail, de talent et de génie qui a été consacrée aux sciences de la matière, la connaissance de l’esprit eût pu être poussée très loin ; mais quelque chose lui eût toujours manqué, qui est d’un prix inestimable et sans quoi le reste perd beaucoup de sa valeur . la précision, la rigueur, le souci de la preuve, l’habitude de distinguer entre ce qui est simplement possible ou probable et ce qui est certain.

161. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

« Cacault assura donc qu’il ne lui paraissait pas possible que le premier consul, en apprenant directement de ma bouche tout ce que je venais de lui dire, n’en demeurât pas frappé, et qu’il ne se contentât pas de ce que le Pape pouvait et désirait accorder. […] Je démontrai aussi fortement qu’il me fut possible, et avec les raisons les plus évidentes, qu’il ne fallait pas penser à moi, mais plutôt aux cardinaux Doria et Mattei, dont je fis ressortir les titres, qui devaient, à mon avis, leur assurer la préférence. […] Ces gens espéraient qu’il leur serait possible de me faire sauter de mon poste. […] On prouvait ainsi à Napoléon que le Pape faisait pour lui plaire, bien qu’à contrecœur, tout ce qu’il était possible de faire, mais qu’il n’accordait pas ce que ses devoirs sacrés lui interdisaient de céder. […] Il n’y eut rien au monde qu’il ne tentât pour m’amener à persuader aux autres d’intervenir ou tout au moins, — car il m’entendait répéter que cela n’était pas possible, — à intervenir moi-même.

162. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

On fait bien des coupures dans les théâtres allemands, mais on ne peut encore arriver à étouffer complètement le sens de l’œuvre, qu’il est possible de reconstituer ; et l’on a la conscience qu’on ne peut pas trop défigurer le drame qui a été représenté complet sur le théâtre de Bayreuth. […] Je vais tâcher d’expliquer la chose aussi clairement que possible, et je prie le lecteur, quelle que soit son opinion personnelle sur Wagner, de bien vouloir me suivre. […] Et le meilleur moyen d’y arriver, c’est de faire connaître aux Français ce qu’était Wagner, ce qu’il a voulu, ce qu’il a fait, et ensuite, d’engager tous les artistes français à faire le plus souvent possible le voyage de Bayreuth, et d’aider ceux qui ne le peuvent de leurs propres moyens. […] Lorsqu’une nouvelle tentative se produira, nous ferons notre possible pour contribuera sa réussite, chacun dans sa sphère, qui par la plume, qui par la parole, tel autre par ses capitaux, s’il a l’heur d’en avoir. […] Il est fort possible qu’il y ait des projets de drames restés inconnus.

163. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Fouché aurait répondu « qu’il était temps que cette démocratie sans but et sans règle fît place à l’aristocratie républicaine, ou gouvernement des sages, le seul qui pût s’établir et se consolider. » — « Oui, sans doute, reprit Sieyès, et si cela était possible, vous en seriez ; mais que nous sommes encore loin du but !  […] Je le répète, il n’est guère possible aujourd’hui de déterminer avec précision le projet politique auquel il aurait concouru, s’il lui avait été donné de vaincre. […] Cependant, tout en insistant auprès du général en chef en ce sens de la temporisation, les généraux divisionnaires l’assurèrent de leur zélé concours, quel que fût le parti auquel il s’arrêterait ; seulement il y avait hâte et urgence à en prendre unr, — ou celui de la retraite, très possible et le plus opportun —, ou celui d’une bataille à livrer ; mais, dans ce cas, serait-elle défensive ou offensive ? […] Moreau prit le commandement, repoussa pendant tout le jour les efforts de Souvarof et perdit la bataille le moins possible.

164. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Mais était-il possible de la demander à Térence sans lui demander de cesser d’être lui-même et de devenir Plante ou tout autre ? […] Quoiqu’il n’ait pas mis le texte en regard de sa traduction et qu’il ait dû obéir aux nécessités d’une librairie courante qui, comme l’ancienne malle-poste, ne permet que le moins de bagage possible (le texte de Térence un bagage !) […] «  Vous autres, dit-il en s’adressant aux esclaves chargés des provisions, emportez tout cela au logis, allez ; et toi, Sosie, viens ici, j’ai quelques mots à te dire. » — « J’entends, dit le bon Sosie, toujours prompt à entrer dans la pensée de son maître et à la devancer s’il est possible, vous voulez que je veille à ce que tout aille à souhait. » — Mais il s’agit de tout autre chose. […] » Et elle, donnant aisément à voir que ce n’était pas la première fois, se rejeta sur lui, pleurant aussi tendrement que possible : Tum illa, ut consuetum facile amorem cerneres, Rejecit se in eum flens quam familiariter.

165. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Il est reconnu, je crois, que la fédération est un système politique très favorable au bonheur et à la liberté, mais il nuit presque toujours au plus grand développement possible : des arts et des talents, pour lesquels la perfection du goût est nécessaire. […] Il n’existe ni religion dominante, ni opinion dominante dans un pays ainsi partagé : les pouvoirs établis se maintiennent par la protection des grandes puissances ; mais l’empire de chaque gouvernement sur ses sujets est extrêmement limité par l’opinion ; et l’on peut parler sur tout, quoiqu’il ne soit possible d’agir sur rien. […] On ne doit pas se mettre au niveau du plus grand nombre, mais tendre au plus haut terme de perfection possible : le jugement du public est toujours, à la fin, celui des hommes les plus distingués de la nation. […] Les succès de Voltaire ont inspiré le désir de faire, à son exemple, des contes philosophiques ; mais il n’y a point d’imitation possible pour ce qui caractérise cette sorte d’écrits dans Voltaire, la gaieté piquante et la grâce toujours variée.

166. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

— D’une part, la représentation du jeu possible provoque une réaction volontaire et motrice dans le sens de cette représentation. […] Pour lui, la tendance active qui se manifeste au fond de toute impulsion n’est que la tendance de la représentation dominante à se maintenir contre les représentations opposées, à atteindre son summum d’intensité et à s’élever ainsi dans la conscience au plus haut degré de clarté possible. […] Il n’y a que quatre hypothèses possibles : 1° l’explication du premier mouvement par un pur mécanisme, non précédé d’un sentiment de peine ou de plaisir (Spencer) ; 2° l’explication par le mouvement spontané (Bain) ; 3° l’explication par le mouvement expressif (James Ward) ; enfin 4° l’explication par le mouvement appétitif non défini, précédant le mouvement appétitif défini. […] Même au point de vue de l’évolution, nous avons montré qu’on ne peut se contenter de la sélection par « heureux accidents » ; il faut faire intervenir la sélection cérébrale et mentale qui a lieu au sein d’un individu donné, et qui provient de ce que, dans la multitude des sensations que l’individu éprouve, il y en a seulement un petit nombre qui occasionnent des émotions de peine ou de plaisir assez distinctes pour devenir des objets possibles d’appétition déterminée.

167. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Mais si nous n’envisagions l’observation que dans ce sens abstrait, il ne nous serait pas possible d’en tirer une science d’observation. […] Une autre condition essentielle de l’hypothèse, c’est qu’elle soit aussi probable que possible et qu’elle soit vérifiable expérimentalement. […] Elle est l’expression du doute philosophique porté aussi loin que possible. […] Ils ramèneront ainsi les phénomènes à leurs conditions matérielles les plus simples possible, et rendront ainsi l’application de la méthode expérimentale plus facile et plus sûre. […] Ici les cas paraissaient aussi comparables que possible ; il s’agissait de la même opération faite par le même procédé, sur les mêmes animaux, sur les mêmes racines rachidiennes.

168. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rimbaud, Arthur (1854-1891) »

Jules Lemaître Si l’on vous disait que ce misérable Arthur Rimbaud a cru, par la plus lourde des erreurs, que la voyelle U était verte, vous n’auriez peut-être pas le courage de vous indigner ; car, il paraît également possible qu’elle soit verte, bleue, blanche, violette et même couleur de hanneton, de cuisse de nymphe émue ou de fraise écrasée. […] Ce sonnet est un amusant paradoxe détaillant une des correspondances possibles des choses, et, à ce titre, il est beau et curieux.

169. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Il est possible et j’ai tendance aie croire. […] Deux choses ont été démontrées possibles : arriver à tout, arriver vite. […] Leur unique idée politique, qu’ils réaliseront au milieu du siècle, le suffrage universel, n’est que la même idée fixe : qu’il soit possible d’arriver à tout, qu’il soit possible d’arriver vite. […] Dites : il faut que les hommes soient aussi heureux que possible parce que c’est bon. […] Je les peindrai aussi intimes, partant aussi particuliers, partant aussi dissemblables les uns des autres que possible.

170. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Parfois nous ne pouvons nous rappeler où nous avons vu un visage, où nous avons lu une phrase, et cependant nous sentons que ce visage n’est pas nouveau, que cette phrase nous est déjà familière, à un degré aussi faible que possible, mais réel. […] Cet élément dynamique, qui, selon nous, existe jusque dans les représentations les plus abstraites et contribue à faire de toute idée une idée-force, est aussi ce qui rend le souvenir possible. […] Les explications mécanistes, nous les avons étendues aussi loin qu’il est possible, et même partout ; mais nous ne croyons pas pour cela que ce qui se retrouve partout soit le tout : c’est seulement un aspect universel de la réalité. […] Se souvenir, c’est avoir senti et pouvoir sentir de nouveau : tout le mécanisme extérieur n’est que le moyen de rendre possibles et la sensation, et la renaissance de la sensation, et la reconnaissance de la sensation. […] Si révolution semble étendre d’un côté la sphère de l’inconscience, c’est pour pouvoir étendre d’un autre côté celle de la conscience même : les chefs-d’œuvre de son subtil mécanisme ont pour effet de rendre possible une sensibilité plus subtile encore.

171. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Il est d’ailleurs bien possible que, si la volonté est capable de créer de l’énergie, la quantité d’énergie créée soit trop faible pour affecter sensiblement nos instruments de mesure : l’effet pourra néanmoins en être énorme, comme celui de l’étincelle qui fait sauter une poudrière. […] En d’autres termes, la pensée est orientée vers l’action ; et, quand elle n’aboutit pas à une action réelle, elle esquisse une ou plusieurs actions virtuelles, simplement possibles. […] Serait-ce possible, si le souvenir avait été déposé dans la matière cérébrale altérée ou détruite ? […] Serait-ce possible, si c’était aux souvenirs eux-mêmes que la maladie s’attaquait ? […] La première méthode, pour avoir voulu nous apporter tout de suite la certitude, nous condamne à rester toujours dans le simple probable ou plutôt dans le pur possible, car il est rare qu’elle ne puisse pas servir à démontrer indifféremment deux thèses opposées, également cohérentes, également plausibles.

172. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 326-344

Il n'est pas possible de se retirer de la chaîne des événemens, de la chaîne des devoirs, de la chaîne des idées, de la chaîne des corps, de la chaîne des temps, de la chaîne des êtres…. […] Il vous dira qu' il doit gouverner comme la Nature, par des principes invariables & simples, bien organiser l'ensemble, pour que les détails roulent d'eux-mêmes ; qu'il doit, pour bien juger d'un seul ressort, regarder la machine entiere, calculer l'influence de toutes les parties les unes sur les autres & de chacune sur le tout, saisir la multitude des rapports entre les intérêts qui paroissent éloignés ; qu'il doit faire concourir les divisions même à l'harmonie du tout, veiller sans cesse à retrancher la somme des maux qu'entraînent l'embarras de chaque jour, le tourment des affaires, le choc & le contraste éternel de ce qui seroit possible dans la Nature & de ce qui cesse de l'être par les passions *. […] Revenez ensuite au Texte, & vous apprendrez que Maurice écartoit les barrieres du préjugé pour reculer les limites de son art, qu'après avoir trouvé le bien il cherchoit le mieux, qu'il s'élançoit au delà du cercle étroit des événemens, & créoit des combinaisons nouvelles, imaginoit des dangers pour trouver des ressources, étudioit sur-tout la science de fixer la valeur variable & incertaine du Soldat, & de lui donner le plus grand degré d'activité possible.

173. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre II. Le Bovarysme comme fait de conscience son moyen : la notion »

Les dangers de la notion : moyen possible de transmettre et de propager l’erreur : Ouï-dire. — Elle propose à l’individu des manières d’être qui dépassent son pouvoir de réalisation. […] Avant d’user de cette méthode et de la mettre à profit en l’appliquant à divers ordres de phénomènes, on peut rechercher à quelles conditions mentales est liée la faculté bovaryque ; à mieux connaître le mécanisme de cette lorgnette, il sera possible d’en faire par la suite un meilleur usage. […] Mais il est possible de distinguer les phénomènes les plus généraux qui l’accompagnent.

174. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VII »

Qu’il y ait des traductions plus fidèles, c’est très possible ; ce qui est sûr, c’est qu’elles sont à peu près toutes incolores, « Mais, nous dit-on, ce que vous admirez dans l’Homère de Leconte de Lisle, n’est pas dans Homère. […] Que le meilleur de leur style soit perdu pour nous, il est très possible, et nous l’avons dit ; mais que leur émotion, leurs images, leur vie descriptive, leurs fortes qualités intérieures ne se puissent plus sentir, c’est, je crois, ce que personne ne soutiendra. […] Nous l’avons dit, il n’y a et il ne peut y avoir qu’une méthode : transposer ce que l’on observe, mettre à profit les choses vues ; étudier surtout par quels procédés les grands auteurs ont réalisé cet effort ; s’assimiler enfin autant que possible leurs procédés de description vraie, pour les appliquer à vos peintures de convention.‌

175. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Cette dernière opération n’est possible que si nous savons sur quoi nous pouvons compter. […] L’espèce et l’individu ne pensent ainsi qu’à eux, — d’où un conflit possible avec les autres formes de la vie. […] Nous annoncions que, si cette démonstration est possible, c’est à condition qu’on se place franchement dans l’hypothèse évolutionniste. […] Or, un choix suppose la représentation anticipée de plusieurs actions possibles. […] Là où les éléments préexistent, la synthèse qui s’en fera est virtuellement donnée, n’étant que l’un des arrangements possibles : cet arrangement, une intelligence surhumaine aurait pu l’apercevoir d’avance parmi tous les possibles qui l’entouraient.

176. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Il est possible et il est souhaitable. […] Un premier tableau se présente aux yeux qu’il est fort possible qui soit la réalité dans un siècle. […] Il est possible encore. — Et c’est le second tableau, moins séduisant que le premier. […] Mais ce qui n’est pas possible pour deux familles Test parfaitement pour cent cinquante. […] Et s’il peut y avoir lutte, si très légitimement et pour le bien de l’humanité il doit quelquefois y avoir conflit, il n’est pas possible qu’on soit payé par son adversaire ; il ne faut pas qu’on soit payé par son adversaire possible.

177. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Les définitions doivent être claires, précises, et aussi courtes qu’il est possible ; car la brièveté en ce genre aide à la clarté. Quand on est forcé d’expliquer une idée, par le moyen de plusieurs idées accessoires, il faut au moins que le nombre de ces idées soit le plus petit qu’il est possible. […] Ce qu’il ne faut pas oublier surtout, c’est de tâcher, autant qu’il est possible, de fixer la langue dans un dictionnaire. […] Tels sont les principaux objets qui doivent entrer dans un dictionnaire de langue, lorsqu’on voudra le rendre le plus complet et le plus parfait qu’il sera possible. […] Enfin il ne faut pas s’imaginer que quand on traduit des mots d’une langue dans l’autre, il soit toujours possible, quelque versé qu’on soit dans les deux langues, d’employer des équivalents exacts et rigoureux ; on n’a souvent que des à peu près.

178. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Ainsi ne nous arrêtons point ni aux douze ni aux vingt-quatre heures, mais resserrons l’action du poème dans la moindre durée qu’il nous sera possible, afin que sa représentation ressemble mieux et soit plus parfaite316. » Et pareillement pour le lieu. […] Quand on a donné au sujet toute la concentration que ses propriétés essentielles rendent possible, on a atteint l’unité de ce sujet et le maximum de vraisemblance. […] « Ce qui n’est pas historique ne nous apparaît pas immédiatement comme possible : les faits historiques, au contraire, sont évidemment possibles : ils ne seraient pas arrivés, en effet, s’ils n’étaient possibles. » Au point de vue poétique, l’histoire et la légende sont équivalentes : mais il est notable que Corneille les distingue.

179. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Le type du cliché, c’est le proverbe, immuable et raide ; le lieu commun prend autant de formes qu’il y a de combinaisons possibles dans une langue pour énoncer une sottise ou une incontestable vérité. […] N’est-il pas possible, au contraire, que le zèle des imitateurs ait été à la fois l’ensevelisseur et l’embaumeur de Télémaque et de toutes les œuvres dont le sort fut pareil ? Cela est très possible. […] Le nombre des combinaisons possibles (il y a peut-être cent mille clichés dans Goyer-Linguet) touche à l’infini dans l’absolu ; elles sont toutes mauvaises, et le jeu est dangereux qui habitue l’esprit à recevoir, sans travail et sans lutte, la becquée. […] Le genre admis, s’il était possible, il n’y aurait rien à reprendre.

180. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVI » pp. 147-152

Est-il possible que le cartésianisme d’après ait la même efficacité et la même innocence que le cartésianisme d’avant ? […] Après le xviiie  siècle accompli, il n’y a plus de philosophie possible si mitigée et si méthodique qu’elle soit, qui au fond et en résultat ne se trouve hostile au catholicisme.

181. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Louise Labbé, et Clémence de Bourges. » pp. 157-164

Au talent de rendre en vers l’amour & ses fureurs avec toute la vérité possible, elle joignoit celui de chanter admirablement & de jouer du luth. […] Elle implore ensuite l’Amour, pour qu’il daigne, au moins, lui faire partager ses feux, & qu’il mette dans le cœur de son nouvel amant autant ou plus, s’il est possible, d’ardeur pour son amante, qu’elle en ressent pour lui : Ah !

182. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVII »

Si on bannissait de telles locutions, la littérature deviendrait une algèbre qu’il ne serait plus possible de comprendre qu’après de longues opérations analytiques ; si on les récuse parce qu’elles ont trop souvent servi, il faudrait se priver encore de tous les mots usuels et de tous ceux qui ne contiennent pas un mystère. […] Notre doctrine se résume donc à ceci : nous posons en principe qu’il faut éviter les clichés et le style banal ; nous donnons de ce genre de style des exemples aussi étendus que possible, et finalement nous condamnons, non pas remploi de ces expressions, mais leur emploi continu.

183. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

il n’est plus possible de dévorer en secret le sentiment de tant de crimes. […] Le possible, — ce qui eût été possible, — est comme une mer immense et sans horizon. […] Elle a raconté toutes ces tracasseries, et comment, après avoir éludé et tardé le plus longtemps possible, elle se décida, en quittant Paris, à partir pour l’Allemagne. […] On y a tout exagéré, si exagérer est possible, et un pauvre président du tribunal criminel, beau-frère de Villers, ne croit pas pouvoir me voir sans courir le risque d’être destitué. […] Vous savez pourtant que vous occupez bien souvent mes pensées, et, s’il était possible de vous oublier, vous nous faites donner de vos nouvelles par la Renommée.

184. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Cette sujétion était très naturelle autrefois ; elle n’est plus possible. […] Or les penseurs de 1800 à 1830 sont mystiques aussi peu que possible. […] Un tel désordre est-il possible ? […] Et Bonald y tient dans tous les cas possibles, et multiplie les cas. […] Cette révolution était-elle possible ?

185. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Je désirerais faire voir, s’il m’est possible, la différence que je trouve entre ces deux peuples, et pour cela il faut des sujets à peu près semblables. […] Voilà mon plan, qui est aussi arrêté qu’il est possible. […] Un moment viendra où il sera possible, je le crois, à M.  […] Accroissons le plus possible le nombre de ces livres naturels, où des esprits et des cœurs vivants se montrent avec sincérité et apportent une expérience de plus dans le trésor de l’observation humaine.

186. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Il faut un intervalle pour s’en remettre et pour qu’il soit possible de se figurer l’original sous d’autres couleurs. […] Villars débuta auprès de Louis XIV par être un des pages de la grande écurie : « Avec une figure avantageuse, une physionomie noble, et de la vivacité qui relevait encore un extérieur prévenant par lui-même, il se fit bientôt connaître et distinguer du roi parmi ses camarades. » À un moment il aurait pu suivre à l’armée son cousin germain le maréchal de Bellefonds ; mais, pressentant la disgrâce de ce général et guidé par son étoile, il se détermina « à se tenir le plus près du roi qu’il lui serait possible. » S’attacher au roi, lui persuader qu’il ne dépendait et ne voulait dépendre que de lui, ce fut toute sa politique au dedans. […] L’année suivante, Villars continua de servir encore quelque temps en Allemagne sous Turenne, qui l’apprécia, et qui dit qu’il le fallait faire colonel le plus tôt possible ; puis il passa en Flandre, sous Condé, de qui il eut pareillement l’honneur d’être distingué. […] Le jeune Villars, qui se tenait le plus près possible, ne put s’empêcher de s’écrier, de manière à être entendu de lui : « Voilà la chose du monde que j’avais le plus désiré de voir, le grand Condé l’épée à la main ! 

187. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Il essaye, pour y répondre, d’hypothèses diverses : l’arrangement fortuit, la nécessité du mouvement de la matière, l’infinité de combinaisons possibles dont une a réussi… Il hésitait, il commençait à se troubler : placé entre des explications incomplètes et des objections sans réplique, il allait, s’il n’y prenait garde, trop accorder à la raison, au raisonnement ; il sentait poindre l’orgueil en même temps que s’accroître les obscurités, quand tout à coup… mais laissons-le parler lui-même sa plus belle langue : Quand tout à coup un rayon de lumière vint frapper son esprit et lui dévoiler ces sublimes vérités qu’il n’appartient pas à l’homme de connaître par lui-même et que la raison humaine sert à confirmer sans servir à les découvrir. […] À l’instant, toutes les énigmes qui l’avaient si fort inquiété s’éclaircirent à son esprit : le cours des cieux, la magnificence des astres, la parure de la terre, la succession des êtres, les rapports de convenance et d’utilité qu’il remarquait entre eux, le mystère de l’organisation, celui de la pensée, en un mot le jeu de la machine entière, tout devint pour lui possible à concevoir comme l’ouvrage d’un Être puissant directeur de toutes choses ; et s’il lui restait quelques difficultés qu’il ne pût résoudre, leur solution lui paraissant plutôt au-dessus de son entendement que contraire à sa raison, il s’en fiait au sentiment intérieur qui lui parlait avec tant d’énergie en faveur de sa découverte, préférablement à quelques sophismes embarrassante qui ne tiraient leur force que de la faiblesse de son esprit. […] Je ne demande qu’à obéir ; qu’on me dise seulement ce que je dois faire, car, durant ma malheureuse existence, je ne puis pas m’empêcher d’être quelque part, mais rester ici ne m’est pas possible, et je suis bien déterminé, quoi qu’il arrive, à ne plus essayer de la maison d’autrui. […] Enfin Rousseau, dans ses lettres, est aussi peu gentilhomme que possible.

188. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Qu’on imagine un Tertullien évangéliste, avec ses antithèses et ses cliquetis de mots ou d’images ; est-ce possible ? […] C’est à l’histoire à raconter ce développement, à le constater partout où cela est possible, à le deviner et à le conjecturer avec sagacité et prudence là où les témoignages directs manquent et sont interrompus. Une telle histoire, si elle est jamais possible pour les premiers siècles, est encore à l’état d’étude critique et de préparation. […] On ne revient pas à la naïveté comme on le veut ; même quand on se borne à la calquer le plus exactement possible, on a l’air de la singer.

189. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Adolphe Dumas : Quand on s’est mis en tête une idée éternelle, Qu’on y tient, à son flanc, comme on tient à son aile, Cela n’est plus possible !  […] Déjà, en ce qui touche Napoléon, l’admiration fertile des générations survenantes surpasse les bornes de ce qu’on aurait cru possible. […] Or, est-il possible, à une si courte distance, d’idéaliser déjà si absolument, sa figure ? est-il possible de dire (et ce n’est pas seulement ici à M.

190. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Il importe que l’Académie redevienne ou reste autant que possible une Compagnie. […] L’important, c’est que l’Académie soit libre dans ses choix, qu’elle les fasse aussi balancés, aussi imprévus, aussi étendus que possible, et sans s’interdire même les gens de lettres proprement dits, spéciaux, isolés, célibataires obstinés jusque-là, et qui, à ce titre, ont marqué un peu vivement. […] l’Académie est un salon ; pour qu’il reste le premier de tous, à de certains jours, il faut qu’il n’y manque aucune des formes et des distinctions possibles du langage. […] Échapper toujours aux ridicules littéraires, c’est beaucoup, c’est difficile pour un corps ; mais surtout ne jamais donner accès aux vices littéraires, voilà le possible et l’essentiel.

191. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

C’est, sans doute, une jouissance enivrante que de remplir l’univers de son nom, d’exister tellement au-delà de soi, qu’il soit possible de se faire illusion, et sur l’espace et sur la durée de la vie, et de se croire quelques-uns des attributs métaphysiques de l’infini ; l’âme se remplit d’un orgueilleux plaisir par le sentiment habituel, que toutes les pensées d’un grand nombre d’hommes sont dirigées sur vous ; que vous existez en présence de leur espoir ; que chaque méditation de votre esprit peut influer sur beaucoup de destinées ; que de grands événements se développent au-dedans de soi, et commandent, au nom du peuple, qui compte sur vos lumières, la plus vive attention à vos propres pensées ; les acclamations de la foule remuent l’âme, et par les réflexions qu’elles font naître, et par les commotions qu’elles excitent ; toutes ces formes animées, enfin, sous lesquelles la gloire se présente, doivent transporter la jeunesse d’espérance et l’enflammer d’émulation. […] Pour les républiques populaires, il faut distinguer deux époques tout à fait différentes, celle qui a précédé l’imprimerie, et celle qui est contemporaine du plus grand développement possible de la liberté de la presse ; celle qui a précédé l’imprimerie devait être favorable à l’ascendant d’un homme sur les autres hommes, les lumières n’étant point disséminées ; celui qui avait reçu des talents supérieurs, une raison forte, avait de grands moyens d’agir sur la multitude ; le secret des causes n’était pas connu, l’analyse n’avait pas changé en science positive la magie de tous les effets. […] Plus on laisse aller sa pensée dans la carrière future de la perfectibilité possible, plus on y voit les avantages de l’esprit dépassés par les connaissances positives, et le mobile de la vertu plus efficace que la passion de la gloire. […] Les amis peuvent si aisément attribuer à la bonté de leur âme l’exagération de leur enthousiasme, à l’oubli qu’on a fait de leurs conseils, les derniers revers qu’on a éprouvés ; il y a tant de manières de se louer en abandonnant son ami, que les plus légères difficultés décident à prendre ce parti ; mais la haine, dès ses premiers pas, engagée sans retour, se livre à toutes les ressources des situations désespérées ; de ses situations dont les nations, comme les individus, échappent presque toujours, parce que l’homme faible même ne voit alors de secours possible que dans l’exercice du courage.

192. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

Une dernière réflexion, la plus importante de toutes, reste donc à faire, c’est de savoir jusques à quel point il est possible aux âmes passionnées d’adopter le système que j’ai développé. […] S’il existe une situation dans l’ordre des choses possibles qui puisse vous en préserver, je la chercherai avec vous, je tâcherai de contribuer à vous l’assurer ; mais le plus grand argument à présenter contre les passions, c’est que leur prospérité est peut-être plus fatale au bonheur de celui qui s’y livre que l’adversité même. […] C’est dans la crise d’une révolution qu’on entend répéter sans cesse, que la pitié est un sentiment puérile, qui s’oppose à toute action nécessaire, à l’intérêt général, et qu’il faut la reléguer avec les affections efféminées, indignes des hommes d’état ou des chefs de parti ; c’est au contraire au milieu d’une révolution que la pitié, ce mouvement involontaire dans toute autre circonstance, devrait être une règle de conduite ; tous les liens qui retenaient sont déliés, l’intérêt de parti devient pour tous les hommes le but par excellence : ce but, étant censé renfermer et la véritable vertu et le seul bonheur général, prend momentanément la place de toute autre espèce de loi : hors dans un temps où la passion s’est mise dans le raisonnement, il n’y a qu’une sensation, c’est-à-dire, quelque chose qui est un peu de la nature de la passion même, qu’il soit possible de lui opposer avec succès ; lorsque la justice est reconnue, on peut se passer de pitié ; mais une révolution, quel que soit son but, suspend l’état social, et il faut remonter à la source de toutes les lois, dans un moment où ce qu’on appelle un pouvoir légal, est un nom qui n’a plus de sens. […] 5 J’aurais pu traiter la générosité, la pitié ; la plupart des questions agitées dans cet ouvrage, sous le simple rapport de la morale qui en fait une loi, mais je crois la vraie morale tellement d’accord avec l’intérêt général, qu’il me semble toujours que l’idée du devoir a été trouvée, pour abréger l’exposé des principes de conduite qu’on aurait pu développer à l’homme d’après ses avantages personnels ; et comme, dans les premières années de la vie, on défend ce qui fait mal, dans l’enfance de la nature humaine, on lui commande encore ce qu’il serait toujours possible de lui prouver.

193. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Or cela est possible, cela est réalisable, à condition de sortir de la routine, de démontrer le métier et les procédés, de décomposer et d’analyser la substance du style. […] Il s’agit seulement de s’en approcher le plus près possible, et cet effort n’est pas une tentative vaine. […] Albalat, j’ai eu tout d’abord un sentiment de méfiance, en me demandant s’il était vraiment possible d’enseigner l’art d’écrire, et surtout en vingt leçons… Mais quand j’ai ouvert ce volume, j’ai été vite détrompé ; et l’œuvre m’a tellement séduit dès les premières pages que j’en ai fait mon compagnon de vacances. […] Albalat a lu, la plume à la main, annoté, disséqué les pages de tous nos écrivains français ; et, les textes sous les yeux, il explique comment on peut s’y prendre pour écrire sans recherche, mais avec précision, goût, sobriété et, si possible, de façon originale6. »‌ M. de Gourmont lui-même le reconnaît :‌ « Ce livre, dit-il, est bien meilleur que son titre, en ce sens qu’il soulève toutes sortes de questions de psychologie linguistique, alors qu’ou aurait pu s’attendre à un simple manuel scolaire… L’œuvre garde des parties excellentes ».

194. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Pareillement, quand vous faites parler vos personnages dans une narration, ou que vous avez choisi ou reçu la forme du dialogue, il ne s’agit pas de copier aussi exactement que possible l’allure et le ton d’une conversation réelle. […] Mais il est rare qu’il y ait cette inégalité entre les arguments qui s’offrent : on choisira alors les plus efficaces et on les disposera autant que possible selon leur degré de force, de façon que les plus décisifs viennent à la fin et terminent toute contestation. […] Mais il n’est guère possible qu’il ne faille pas démolir la thèse adverse avant d’élever la sienne : c’est une règle qui ne souffre guère d’exception, et l’on peut dire que dans toute question sujette à controverse, où l’on peut répondre sans absurdité : oui ou non, il faut examiner d’abord les raisons qui engagent à répondre oui, quand on doit répondre non, et commencer par les raisons qui sont en faveur du non, quand on doit conclure par le oui.

195. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

Il n’y a point à se demander ce que fera l’humanité sans religion, comme si le fait était possible. […] Les philosophes auront beau mettre tous les ménagements possibles dans leurs rapports avec la religion, ils n’empêcheront pas leurs semblables de se détacher comme ils se sont détachés eux-mêmes : si vous n’avez pas la foi, pourquoi voulez-vous que je l’aie ? […] Sans renoncer aux différences propres qui caractérisent chaque école et même chaque nuance d’école, ne serait-il pas possible de chercher à s’entendre, à se comprendre, à s’associer, au lieu de se perdre dans une multitude de petites hérésies, impuissantes dans leur isolement ?

196. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Introduction »

C’est pourquoi il paraît d’une bonne méthode, si nous voulons étudier objectivement l’idée de l’égalité des hommes, de faire autant que possible abstraction des sentiments, justifiés on non par des principes, qu’elle peut nous inspirer : nous n’avons brièvement rappelé les problèmes moraux de l’égalitarisme que pour les écarter préalablement. […] La fin une fois posée a priori, il serait possible de découvrir a posteriori les moyens les mieux adaptés à cette fin. […] Il semble qu’on ne puisse actuellement constituer de science sociale qu’à la condition de décomposer l’histoire, c’est-à-dire d’isoler ses « facteurs » pour pousser aussi loin qu’il est possible la connaissance de leurs formes propres, de leurs conséquences et de leurs causes.

197. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Je ne crois pas qu’il soit possible de conserver un doute à cet égard. […] Y a-t-il une comparaison possible entre le talent oratoire de M.  […] L’ambition, ainsi définie, et nous ne croyons pas possible de la définir autrement, est-elle bien l’ambition de M.  […] Nous ne croyons pas possible de nier cette définition. […] S’il était possible de croire un instant que la simplicité de la fable s’oppose à l’expression pathétique.

198. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Biot » pp. 306-310

Ce qui est si facile et, j’ajouterai, si agréable aujourd’hui, était-il possible il y a quelques années ? Ne disons donc pas, éternels ingrats, qu’il est inutile ou indifférent au développement de l’esprit, cet ordre stable et ce gouvernement qui seul rend possibles ce que j’appelais tout à l’heure les fêtes de l’esprit ; car je n’y vois et n’y veux voir que cela.

199. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre III. Des moyens de trouver la formule générale d’une époque » pp. 121-124

Aussi faut-il prendre pour l’étudier toutes les précautions possibles. […] Tel doit être le rôle de la littérature dans une histoire qui. lui est consacrée ; à elle, sans conteste possible, revient la place d’honneur ; mais autour d’elle, au second plan, doivent se grouper harmonieusement les voix des autres parties de la société, qui accompagnent, soutiennent et font ressortir le chant du personnage en vedette.

200. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Introduction »

Selon nous, trois réponses sont possibles. […] Mais, selon nous, une troisième théorie des idées est possible : c’est celle qui, sous l’opposition du sujet pensant et du sujet pensé, chercherait une unité plus profonde, une action commune à l’esprit et aux choses, un processus universel dont la « représentation intellectuelle » est un moment et une manifestation incomplète.

201. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 6, que dans les écrits des anciens, le terme de chanter signifie souvent déclamer et même quelquefois parler » pp. 103-111

Peut-être qu’après un mois de meditation on auroit trouvé les mêmes choses possibles dans la speculation, et six mois d’application les auroient fait encore trouver possibles dans la pratique.

202. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

IV « Crois-tu qu’il soit possible de mentir ?  […] Entre un politique et un utopiste, il y a la différence du songe à la réalité, c’est-à-dire d’une ombre à un monde : l’un plane dans les régions du possible ou de l’impossible (car ces songes, si l’utopiste est absurde, sont bien souvent même des impossibilités) ; l’autre marche sur le sol inégal, raboteux et résistant des choses humaines. […] « Vraiment, cette forme de gouvernement a bien l’air d’être la plus belle de toutes, parce que, grâce à la liberté, il renferme en soi tous les gouvernements possibles. » Platon critique ensuite ironiquement les vices propres à toute nature de gouvernement démocratique. […] Cousin, qui comprend tout de si haut, semble n’avoir pas assez sondé le danger d’offrir en admiration aux hommes des théories qui ne sont que des rêves contre la société possible : car la société est la première des réalités ; les rêves la tuent. […] Le bon sens est son seul législateur possible.

203. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Il nous suffira alors de passer aux caractères opposés pour obtenir la formule abstraite, cette fois générale et complète, des procédés de comédie réels et possibles. […] Et le quiproquo est bien en effet une situation qui présente en même temps deux sens différents, l’un simplement possible, celui que les acteurs lui prêtent, l’autre réel, celui que le public lui donne. […] Mais le thème du « voleur volé » n’est pas le seul possible. […] Nous aurons ainsi les formes diverses du comique de mots et les variétés possibles de l’esprit. […] Le langage n’aboutit à des effets risibles que parce qu’il est une œuvre humaine, modelée aussi exactement que possible sur les formes de l’esprit humain.

204. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Tout est possible. Sous un climat tempéré, une belle vie est possible, même dénuée des métaux. […] Ajoutons que, non seulement elles sont possibles, mais qu’elles furent réelles. […] Il nous est impossible d’empêcher notre cœur de battre ; nous est-il possible d’empêcher nos doigts de remuer, et, si c’est possible, pendant combien de temps ? […] Mais il est peut-être possible de les comprendre.

205. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Jules Sandeau » pp. 322-326

Le romancier gracieux, qui a si souvent introduit dans ses ouvrages des figures de personnages aristocratiques en y mêlant une fine pointe d’ironie, n’a eu cette fois qu’à imaginer un personnage de plus, celui d’un homme de lettres né dans les rangs du peuple, aussi peu né que possible, mais avec des goûts distingués et une vocation d’homme de qualité, qui eût été abbé dans l’ancien régime, qui eût été toute sa vie le gentil abbé de l’hôtel d’Uzès et à qui il n’a manqué de nos jours, pour remplir cette destinée d’autrefois, que le titre et le petit collet. […] Mme Récamier a dit encore de lui dans une de ses lettres, en indiquant ce dernier trait distinctif de cette nature aussi factice que possible (23 septembre 1845) : « M. 

206. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Introduction » pp. 2-6

Une connaissance du passé aussi précise, aussi complète que possible. […] L’une doit rester en majeure partie subjective ; l’autre travaille à devenir aussi objective que possible.

207. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Nous entrevoyons ici la réponse possible à une question grave, que nous retrouverons plus loin, mais que nous venons de frôler en passant. […] Du moins avait-on poussé aussi loin que possible l’imitation du dynamique par le statique. […] Cette réalisation n’est possible que par l’intermédiaire des lois ; elle implique le consentement de la société. […] Même si nous n’évoquons pas telle ou telle grande figure, nous savons qu’il nous serait possible de l’évoquer ; elle exerce ainsi sur nous une attraction virtuelle. […] Elle est simplement venue se surajouter, comme un complément artistique, à des obligations qui lui préexistaient et qui la rendaient possible.

208. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Mais il se trouve qu’une circonstance favorable nous met à même d’introduire sur son compte la seule nouveauté possible, c’est-à-dire quelque chose de positif. […] M. de Latouche, dans son édition de 1819, a fait des manuscrits tout l’usage qui était possible et désirable alors ; en choisissant, en élaguant avec goût, en étant sobre surtout de fragments et d’ébauches, il a agi dans l’intérêt du poète et comme dans son intention, il a servi sa gloire. Depuis lors, dans l’édition de 1833, il a été jugé possible d’introduire de nouvelles petites pièces, de simples restes qui avaient été négligés d’abord : c’est ce genre de travail que nous venons poursuivre, sans croire encore l’épuiser. […] Viens, Fanny : que ma main suspende Sur ton sein cette noble offrande… La pièce reste ici interrompue ; pourtant je m’imagine qu’il n’y manque qu’un seul vers, et possible à deviner ; je me figure qu’à cet appel flatteur et tendre, au son de cette voix qui lui dit Viens, Fanny s’est approchée en effet, que la main du poëte va poser sur son sein nu le collier de poésie, mais que tout d’un coup les regards se troublent, se confondent, que la poésie s’oublie, et que le poëte comblé s’écrie, ou plutôt murmure en finissant : Tes bras sont le collier d’amour ! […] Au sein de cette future édition difficile, mais possible, d’André Chénier, on trouverait moyen de retoucher avec nouveauté les profils un peu évanouis de tant de poëtes antiques ; on ferait passer devant soi toutes les fines questions de la poétique française ; on les agiterait à loisir.

209. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Les vrais auteurs de ces coups d’État sont ceux qui les rendent possibles et quelquefois inévitables. […] Ne serait-il pas possible de retrouver ce sens vrai de la Révolution française en remontant à son origine et à ses premiers organes, d’en dégager la juste signification des passions et des crimes à travers lesquels elle a perdu son caractère et son but, et de rappeler ainsi la France de 1840 à la philosophie sociale et politique dont elle fut l’apôtre et la victime pour devenir, quoi ? […] Tout le royaume est en feu, sans roi, sans loi, sans répression possible des désordres d’une anarchie. […] Il est sans doute possible qu’après un si long laps de temps le curé de Bessancourt ait commis quelques inadvertances de noms, de dates, de détails sur des personnages si nombreux alors dans les prisons et sur leurs rôles respectifs dans ce drame pathétique de leur dernière heure ; mais il est impossible à qui a entendu ce modeste et sincère témoin de ces scènes de révoquer en doute sa véracité. […] Buchez et Roux, qui a été mon manuel historique, toujours ouvert sur ma table pendant les deux années consacrées par moi à écrire cette histoire, je n’ai pas négligé une seule information verbale possible à obtenir des parents ou des amis des personnages, même odieux, dont j’avais à sonder la vie publique ou la vie intime.

210. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

La Perse seule arriva à se faire une religion dogmatique, presque monothéiste et savamment organisée ; mais il est fort possible que cette organisation même fût une imitation ou un emprunt. […] Le judaïsme devint la vraie religion d’une manière absolue ; on accorda à qui voulut le droit d’y entrer 88 ; bientôt ce fut une œuvre pie d’y amener le plus de monde possible 89. […] Le juif de cette époque était aussi peu théologien que possible.

211. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Telles étant les principales qualités qu’on a le droit d’exigence tout produit se donnant comme traduction d’un drame wagnérien, on peut se demander si une traduction est possible. […] Les particules, les verbes auxiliaires, etc., en sont autant que possible bannis. […] Je donnerai cependant, au hasard, quelques exemples de défauts de style, de traduction, de déclamation, ce manque de conformité du texte sous les modulations, etc., en tâchant de rendre la chose aussi claire que possible. […] Cette traduction, faite par un homme qui connaîtrait à fond la musique et s’appliquerait à faire renaître en sa langue un poème aussi exactement analogue que possible à l’original, serait une œuvre fort incomplète, puisqu’elle ne s’adapterait pas à la musique, au chant. […] C’est ce qui amène Chamberlain à écrire  : «  on peut se demander si une traduction est possible.

212. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

De plus, le plaisir s’accroît avec l’intensité même du stimulant, jusqu’au point où la stimulation et la dépense qu’elle entraîne excèdent l’intensité possible ou normale du travail compensateur de réparation. […] La vraie loi première, c’est que le plaisir est lié à l’activité vitale la plus intense possible et la plus efficace, qui deviendra, d’ailleurs, la vraie condition de supériorité dans la lutte pour l’existence. […] Jouir, c’est toujours agir, agir le plus possible, avec la plus grande efficacité et la plus grande indépendance, avec la plus grande liberté possible. […] Darwin n’a pas assez considéré les nécessités intérieures, soit physiologiques, soit psychologiques, qui agissent avant toute sélection et rendent la sélection même possible. […] L’indépendance possible de la sensibilité par rapport au besoin et à la douleur, déjà manifeste pour les sens les plus élevés, est plus remarquable encore pour les plaisirs intellectuels, esthétiques et moraux dont parlent Platon et Aristote.

213. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Il est cependant possible, d’après ma théorie, qu’entre deux formes vivantes l’une soit descendue de l’autre, par exemple qu’un Cheval soit issu d’un Tapir ; or, en ce cas, des chaînons directement intermédiaires doivent avoir existé entre eux. […] Et si, dans chaque contrée, considérée séparément, on peut à peine se former une idée de la longueur des temps écoulés entre deux formations consécutives, on en peut inférer que nulle part une semblable évaluation n’est possible. […] Agassiz le pense, ce serait certainement un fait très remarquable ; mais je ne saurais y voir une objection insoluble contre ma théorie, à moins qu’il ne soit possible de démontrer aussi que toutes les espèces de ce groupe ont apparu soudainement et simultanément dans toutes les mers du monde à la même époque. […] On suppose même qu’il a pu exister des faunes et des flores dont l’organisme élaborait des substances siliceuses, comme les faunes et les flores plus récentes ont élaboré le calcaire, et que leurs détritus seraient mêlés jusque dans les roches métamorphiques et granitoïdes, sans qu’il nous soit jamais possible d’en connaître ou d’en reconstruire les formes perdues. Peut-être même qu’une telle supposition devra demeurer à l’état de pure hypothèse, sans qu’il nous soit jamais possible d’en confirmer la vérité ou d’en prouver la fausseté.

214. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

Je ne suis pas de ceux qui, par une estime exagérée, mettent les pièces et les matériaux au-dessus de l’œuvre définitive ; mais comme les monuments historiques vraiment dignes de ce nom sont rares, comme ils se font longtemps attendre, et comme d’ailleurs ils ne sont possibles et durables qu’à la condition de combiner et de fondre dans leur ciment toutes les matières premières, de longue main produites et préparées, il n’est pas mauvais que celles-ci se produisent auparavant et soient mises en pleine lumière ; ceux qui aiment à réfléchir peuvent, en les parcourant, s’y tailler çà et là des chapitres d’histoire provisoire à leur usage ; ce ne sont pas les moins instructifs et les moins vrais. […] M. d’Ormesson ne jugea pas à propos de quitter Paris ; il fut même choisi par le duc de Mayenne pour être du fameux conseil, de si mauvais renom, les Seize ; mais il en fut comme M. de Villeroy, comme le président Jeannin, pour modérer, s’il était possible ; il était de plus capitaine de son quartier. […] Ceux qui, comme moi, se sont occcupés de Port-Royal et de son premier éclat, y trouvent des détails curieux et précis, d’une impartialité incontestable, sur le bruit que fit le livre d’Arnauld, De la fréquente communion, sur les prédications auxquelles il donna sujet dans les chaires de Paris, sur les sentiments de messieurs du Parlement à l’égard d’Arnauld. — Un de nos jeunes maîtres qui s’occupe, je le sais, d’une histoire de l’éloquence de la chaire dans la première moitié du xviie  siècle et avant Bossuet, y trouvera le compte rendu ou la mention au moins de plus d’un sermon qui fut éloquent à son heure ; et en particulier d’Ormesson, bon témoin, mais nullement prophète, dira de l’un des premiers sermons du coadjuteur (Retz) : « L’après-dînée (du jeudi 4 décembre 1643), M. le coadjuteur prêcha à Saint-Jean où était la reine, avec toute la suffisance et éloquence possibles, dont chacun espérait beaucoup de fruit lorsqu’il sera archevêque de Paris. Il y prêcha l’Avent. » — Un historien du barreau (si une telle histoire est possible) aurait également à consulter d’Ormesson pour les plaidoiries et actions mémorables des avocats pendant ce laps de temps.

215. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Ces femmes d’une éducation si parfaite, d’une culture si élaborée, mais qui ne sont pas Françaises, ont beau avoir tout l’esprit possible ; il y a un moment où elles forcent le ton, et la vendeuse d’herbes du marché aux fleurs leur dirait bien plus sûrement qu’à Théophraste : « Vous n’êtes pas d’ici. » De l’élévation d’ailleurs dans l’ensemble, des vues justes dans le détail, je suis loin de les lui refuser. […]  » J’ai relu une page de l’illustre Mme de Condorcet, cherchant dans les plaisirs vrais de la bienveillance, de l’estime et de l’intimité affectueuse, les seules consolations possibles, à un certain âge, « pour ce sexe comblé à un moment des dons les plus brillantsde la nature, et pour lequel elle est ensuite si longtemps marâtre » ; car il est une heure (et c’est au milieu de la carrière) où la coupe enchantée lui tombe des mains et se renverse pour toujours. […] Elle en fait quelque chose d’essentiellement à part et qui ne ressemble pas à ce que le commun des gens entend sous ce nom : car se résigner, après tout, n’est pas si rare ni si difficile, et il n’y a pas tant de mystère ; tous les hommes y viennent plus ou moins quand la nécessité est là ; mais Mme Swetchine se méfie de ce qui est trop simple et trop commun : « Ce qui me gâte un peu la résignation, avait-elle dit, c’est de la voir si conforme aux lois du bon sens : j’aimerais encore un peu plus de surnaturel dans l’exercice de ma plus chère vertu. » En conséquence elle s’est appliquée à y introduire le plus de surnaturel possible, et elle y a réussi. […] « La nuit de notre exil, dit-elle, peut avoir des ombres, mais elle n’a point de ténèbres. » Elle excelle à ces nuances incroyables, à cet art d’opposer entre eux les mots les plus voisins parle sens, de manière à multiplier la pensée en la divisant, et à faire croire peut-être à plus de choses possibles qu’il n’y en a ; c’est ainsi qu’ailleurs elle dira, en jouant sur ces mots unisson, union, unité : « Il n’y a rien de si attractif pour les belles âmes qu’une belle âme ; et quand cette harmonie qui se devine existe, il faut peu de chose pour que, partant de l’unisson, on arrive à prétendre à l’unité.

216. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Pourquoi, par exemple, est-il possible aujourd’hui à M.  […] Renan, pour la poésie de l’industrie à propos de l’Exposition universelle, et qui maintiendra de ce côté tout ce que l’avenir laisse entrevoir de neuf, d’original et de possible en effet. […] Une grande Assemblée consultée n’a-t-elle pas déclaré, par la bouche de l’un de ses plus hommes de goût, que ce n’était pas possible pour le moment, et qu’il n’y avait pas lieu ? […] La conclusion impartiale et équitable d’une comparaison entre les inconvénients et les avantages du trop d’autorité et du trop de liberté, la conclusion vraiment pratique serait de combiner l’un et l’autre, de les balancer autant que possible, d’établir un tempérament qui ne fût pas la neutralité, une sorte d’alternative sans révolution.

217. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

Malheureusement les propos tenus par plusieurs ministres du roi dans les Cours ont fait croire le contraire. » Dans de telles conjonctures, Marie-Antoinette, on le conçoit, ne réussit à rien tirer de bien net des ministres qui sont et doivent être plus Français qu’elle, et qui ne se décident point sur des impressions et d’après des convenances de famille : « Pour le roi personnellement, il est bien attaché à l’alliance, et autant que je puisse le désirer ; mais, pour un moment aussi intéressant, je n’ai pas cru devoir me borner à en parler au roi : j’ai vu MM. de Maurepas et de Vergennes ; ils m’ont fort bien répondu sur l’alliance et m’y paraissent véritablement attachés ; mais ils ont tant de peur d’une guerre de terre, que quand je les ai poussés jusqu’au point où le roi de Prusse aurait commencé les hostilités, je n’en ai pu avoir de réponse bien nette. (25 mars 1778.) » Novice qu’elle est dans ces sortes d’affaires, elle ne démêle pas très distinctement les motifs qui font agir nos ministres et les intérêts véritables qu’elle aurait dû comprendre comme eux, ce qui lui aurait permis d’agir de concert vers le seul résultat possible. […] Elle eût évoqué l’affaire, s’en fût emparée par l’intelligence comme par le cœur, l’eût comprise dans le fond et dans la forme ; elle eût écouté les raisons des ministres de Louis XVI, y eût ajouté l’autorité de sa raison propre ; elle eût épargné à un roi faible ses tiraillements et son embarras, elle eût épousé sa politique sans abjurer la voix du sang : au lieu d’être un simple écho et de répéter sa leçon de Vienne, elle aurait eu sa façon de voir, un avis à elle, et indiquant toute la première la voie moyenne à suivre, la seule possible, renvoyant à Marie-Thérèse quelques-unes des objections que l’impératrice avait faites à Joseph II, elle eût réjoui Marie-Thérèse elle-même, et celle-ci, reconnaissant jusque dans les demi-résistances de sa fille ses propres pensées, sa propre sagesse, se fût écriée avec orgueil : « Elle est deux fois ma fille et mon sang !  […] Si Marie-Antoinette avait pu faire prévaloir, dès le début, les vœux et les sollicitations politiques de sa mère, c’est pour le coup qu’elle se fût vraiment compromise en France devant l’opinion, laquelle, par raison ou par mode, était toute en faveur de Frédéric ; mais, la campagne militaire en Bohême n’ayant abouti à aucun résultat décisif, on rentra de part et d’autre dans la voie des négociations, et dès lors, en effet, la France, prise pour médiatrice avec la Russie, put intervenir utilement dans la paix dite de Teschen, et couvrir le plus honorablement possible le pas en arrière de l’Autriche. […] L’opposition de ton et de procédé entre elle et lui est aussi complète que possible.

218. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Cela rend possibles bien des accords. […] La figure qu’on fera devant ces autres générations survivantes et toujours assez peu bien disposées, l’idée générale qu’on laissera de soi et la considération définitive qu’on ménagera à ses vieux jours littéraires, dépendent beaucoup de la façon dont on va se comporter et se poser en ces années où tant de féconds emplois sont possibles encore. […] Cet accord s’essaye et subsiste plus ou moins déjà ; c’est la pensée et le vœu de cette Revue même, et c’est parce que la chose est en train de se faire qu’elle devient possible, et qu’il y a lieu d’insister, d’achever et de s’exhorter. — Un coup d’œil sur l’ensemble de la littérature et sur les phases de ses principaux personnages depuis dix ans éclairera encore mieux notre idée et la modération de notre désir. […] Si une conciliation entre toutes les parties généreuses et saines peut sembler possible au sein de la littérature moderne, c’est surtout en contemplant celle qui s’est faite avec les années dans ce haut esprit de plus en plus étendu, attentif et accueillant.

219. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Les molécules changent incessamment de place et dans ces déplacements continuels, les figures qu’elles forment passent successivement par toutes les combinaisons possibles. […] En d’autres termes, il est possible de faire une classification des séquences. […] Rien n’est objectif que ce qui est identique pour tous ; or on ne peut parler d’une pareille identité que si une comparaison est possible, et peut être traduite en une « monnaie d’échange » pouvant se transmettre d’un esprit à l’autre. […] Or à cet égard aucun doute n’est possible.

220. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Cet homme ayant manqué à l’heure opportune, le cours des événements et des opinions s’était dirigé autrement et au hasard ; au point où le prit Casimir Périer, il fit la seule chose forte et hardie qui était possible alors : il mit un bras de fer dans la roue du char lancé à l’aventure, et l’arrêta. […] Nous voulons la France aussi grande, aussi redoutée que possible, parce que c’est le seul moyen qu’elle soit prospère et respectée… (8 mars 1832.) Comment concilier ce vœu si français de Carrel, cet élan d’une démocratie qui n’est jamais mieux qu’en uniforme et sous le drapeau, avec la pensée de ces républicains d’Amérique, calculateurs et économes, qui croient que, tout gouvernement étant un mal, il faut rendre ce mal le moindre possible ? […] Dans l’état des partis, ce rôle personnel et d’isolement armé n’était pas longtemps possible.

221. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

La voici dans toute son éloquence : qu’on en retienne les termes pour les comparer tout à l’heure à ceux du document, officiel celui-là, que je citerai : « En présence des malheurs qui désolent la France, et des malheurs plus grands peut-être qui la menacent encore ; « En présence des attentats sacrilèges commis à Rome contre les droits de l’Église et du Saint-Siège, et contre la personne sacrée du Vicaire de Jésus-Christ ;‌ « Nous nous humilions devant Dieu et, réunissant dans notre amour l’Église et notre Patrie, nous reconnaissons que nous avons été coupables et justement châtiés,‌ « Et pour faire amende honorable de nos péchés et obtenir de l’infinie miséricorde du Sacré-Cœur de Jésus-Christ le pardon de nos fautes, ainsi que les secours extraordinaires qui peuvent seuls délivrer le Souverain Pontife de sa captivité et faire cesser les malheurs de la France, nous promettons de contribuer à l’érection à Paris d’un sanctuaire dédié au Sacré-Cœur de Jésus. »‌ Il n’y a là nulle équivoque possible : le document est nettement catholique et incontestablement papiste. […] Tolain qui, après avoir longtemps discuté la valeur du culte du Sacré-Cœur, et devant les explosions de colère que cette sacrilège dissection du viscère divin provoqua sur les bancs de la droite, ne put qu’ajouter : « S’il était permis, s’il était possible de caractériser d’un mot la ligne politique que vous suivez, — je dirais que c’est la ligne politique des Jésuites et de Loyola !  […] Je dis seulement ceci : Est-il possible qu’un État, dont la constitution est purement laïque, déclare d’utilité publique et par conséquent patronne une œuvre catholique et papiste ? […] III Du sommet de la colline de Montmartre, par un clair matin, on jouit de l’un des plus magnifiques spectacles qu’il soit possible de contempler.

222. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettre sur l’orthographe » pp. 427-431

Si l’on m’avait dit, avant de me l’avoir montré, qu’il était possible de faire tenir un dictionnaire, doublé même d’un extrait de grammaire, entre les feuillets d’un sous-main, je ne l’aurais pas cru ; mais il n’y a plus de tour de force, petit ou grand, qui puisse étonner en notre âge industrieux. […] Mme de Bregy, une nièce du savant Saumaise, une précieuse des plus qualifiées, auteur d’un petit volume de pièces galantes, félicitant un jour Mme de Sablé sur son esprit à la fois et sur son potage qui était en renom, trouvait moyen de lui dire qu’elle quitterait volontiers tous les mets du plus magnifique repas de la Cour pour une assiettée de ce potage, à la condition de l’écouter tout en en mangeant ; cela est flatteur et spirituel, mais elle le lui écrivait en ces termes impossibles, dont je ne veux rien dérober : … Aujourduy la Rayne et Mme de Toscane vont à Saint-Clou don la naturelle bauté sera reausé de toute les musique possible et d’un repas manifique don je quiterois tous les gous pour une ecuele non pas de nantille, mes pour une de vostre potage ; rien n’étan si delisieus que d’an manger an vous ecoulan parler.

223. (1875) Premiers lundis. Tome III « Eugène-Scribe. La Tutrice »

Il n’est pas vrai, comme on se plaît à le répéter, que la comédie ne soit plus possible, que Molière et le XVIIe siècle aient épuisé le champ des faiblesses, des sottises et des vices de l’homme, et que, les maîtres s’étant emparés des principaux sujets, il ne reste plus qu’à glaner. […] La comédie n’a jamais été plus possible que de nos jours.

224. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

C’est donc en écartant cette époque monstrueuse, c’est à l’aide des autres événements principaux de la révolution de France et de l’histoire de tous les peuples, que j’essayerai de réunir des observations impartiales sur les gouvernements, et si ces réflexions me conduisent à l’admission des premiers principes sur lesquels se fondent la constitution républicaine de France, je demande que, même au milieu des fureurs de l’esprit de parti qui déchirent la France, et par elle le reste du monde, il soit possible de concevoir que l’enthousiasme de quelques idées n’exclut pas le mépris profond pour certains hommes1, et que l’espoir de l’avenir se concilie avec l’exécration du passé. […] Ne serait-il pas possible que le genre humain, témoin et victime de ce principe de haine, de ce germe de mort qui a détruit tant d’États, pût chercher et trouver la fin du combat de l’aristocratie et de la démocratie, et qu’au lieu de s’attacher à la combinaison d’une balance, qui par son avantage même, par la part qu’elle accorde à la liberté, finit toujours par être renversée : on examinât, si l’idée moderne du système représentatif n’établit pas dans le gouvernement, un seul intérêt, un seul principe de vie, en rejetant toutefois tout ce qui peut conduire à la démocratie ? […] L’avantage de l’aristocratie de naissance, c’est la réunion des circonstances qui rendent plus probables dans une telle classe les sentiments généreux : l’aristocratie de l’élection doit, alors que sa marche est sagement graduée, appeler avec certitude les hommes distingués par la nature aux places éminentes de la société. — Ne serait-il pas possible que la division des pouvoirs donnât tous les avantages et aucun des inconvénients de l’opposition des intérêts, que deux chambres, un directoire exécutif, quoique temporaire, fussent parfaitement distinctes dans leurs fonctions ; que chacun prit un parti différent par sa place, mais non par esprit de corps, ce qui est d’une toute autre nature ? […] Ne serait-il pas possible qu’un grand pays, loin d’être un obstacle à un tel état de choses, fut particulièrement propre à sa stabilité ? […] L’on n’a point, au-dedans de soi, de transaction à faire avec des obstacles étrangers ; l’on mesure sa force, on triomphe, ou l’on se soumet ; tout est simple, tout est possible même ; car, s’il est absurde de considérer une nation comme un peuple de philosophes, il est vrai que chaque homme en particulier peut se flatter de le devenir.

225. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

On devra considérer un moment du déroulement de l’univers, c’est-à-dire un instantané qui existerait indépendamment de toute conscience, puis on tâchera d’évoquer conjointement un autre moment aussi rapproché que possible de celui-là, et de faire entrer ainsi dans le monde un minimum de temps sans laisser passer avec lui la plus faible lueur de mémoire. […] Mais il faut ajouter que, si cette mesure du temps par le mouvement est possible, c’est surtout parce que nous sommes capables d’accomplir des mouvements nous-mêmes et que ces mouvements ont alors un double aspect : comme sensation musculaire, ils font partie du courant de notre vie consciente, ils durent ; comme perception visuelle, ils décrivent une trajectoire, ils se donnent un espace. […] Ce ne serait pas possible, sans la tendance — fertile en illusions — qui nous porte à appliquer le mouvement contre l’espace parcouru, à faire coïncider la trajectoire avec le trajet, et à décomposer alors le mouvement parcourant la ligne comme nous décomposons la ligne elle-même : s’il nous a plu de distinguer sur la ligne des points, ces points deviendront alors des « positions » du mobile (comme si celui-ci, mouvant, pouvait jamais coïncider avec quelque chose qui est du repos ! […] Il n’y a pas de physique, pas d’astronomie, pas de science possible, si l’on refuse au savant le droit de figurer schématiquement sur une feuille de papier la totalité de l’univers. […] Nous restions ainsi le plus près possible de l’immédiat ; nous n’affirmions rien que la science ne pût accepter et utiliser ; récemment encore, dans un livre admirable, un mathématicien philosophe affirmait la nécessité d’admettre une advance of Nature et rattachait cette conception à la nôtre 24.

226. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Nous ne le définissons jamais que par nos impressions présentes ou passées, futures ou possibles, complexes ou simples. […] La première exprime une relation possible entre trois lignes droites, la seconde donne le nom de cette relation. […] C’est pourquoi faisons varier autant que possible la substance seule, en exposant à l’air les surfaces polies de différentes sortes. […] Nous allons même plus loin que vous : nous pensons qu’il n’y a ni esprits ni corps, mais simplement des groupes de mouvements présents ou possibles, et des groupes de pensées présentes ou possibles. […] Soufre, sucre, alun, chlorure de sodium, les substances, les températures, les circonstances sont aussi différentes que possible.

227. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Quoi qu’il en soit, voici, seulement expurgé des apocryphes en question et classé aussi soigneusement que possible par ordre de dates, mais, hélas ! […] Et alors, n’est-ce pas que j’ai eu quelque lieu de m’écrier, en considérant de tels lamentables abus encore possibles : Ô qui dira les torts de la Rime ? […] Il parlait d’une voix profonde aux intonations agréables au possible, et son discours, qui n’avait rien de positivement sententieux, néanmoins se répandait volontiers en conseils familiers, en préceptes loin d’être énoncés comme tels. […] J’ai, il y a une quinzaine, adressé à M. le Secrétaire perpétuel de l’Académie la déclaration de ma candidature, et pousserai celle-ci du mieux possible. […] En effet, l’art violent ou délicat prétendait régner presque uniquement dans les précédents, et il devient dès lors possible de discerner des vues naïves et vraies sur la nature, matérielle et morale.

228. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Tel est l’élargissement possible du drame. […] Omar a donc été nettoyé le plus possible. […] Tout exemplaire est germe, et a en lui sa propre renaissance possible à des milliers d’éditions ; l’unité est grosse de l’innombrable. […] Avant lui, oui, ceci était possible, un chef-d’œuvre mourait. […] L’Art est une immense ouverture, béante à tout le possible.

229. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

À l’effet de subvenir aux dépenses extraordinaires de la guerre, on a créé des offices triennaux qui se vendent : Rosny, pour en tirer au profit du roi le plus d’argent comptant possible, s’astreint jusqu’à faire lui-même l’office de greffier du Conseil, et de trésorier, comme on disait, des parties casuelles (c’est-à-dire des droits perçus pour le roi), vendant lui-même les offices, donnant de sa main à l’acheteur un billet adressé au trésorier, afin que celui-ci reçoive l’argent et délivre la quittance, « tellement que nul du Conseil n’y puisse gratifier son parent ni son ami ». […] Dans les moments de presse et de nécessité, quand l’État devait une grosse somme, soit à la reine d’Angleterre, soit au comte Palatin, ou à d’autres princes étrangers ou français, on aliénait une portion d’impôts, et on la leur livrait pour paiement : « Tirez-en ce que vous pourrez. » Ces créanciers, ainsi pourvus d’une valeur incommode et d’un rapport peu précis, l’affermaient à quelque homme de finance qui leur en rendait le moins et en tirait pour son compte le plus possible. […] À une demande que lui fait un jour le duc de Florence, et qui semblait toute simple aux Gondi et à d’autres gens de qualité mêlés dans les affaires, il répond : « À ce que je vois, M. le duc de Florence me prend pour un banquier ou un mercadant ; or, veux-je bien qu’il sache qu’il n’y en eut jamais en ma race, et partant que je n’en ferai rien. » Sully régit la fortune de l’État comme on ferait une grande fortune territoriale, en supposant toujours le cas de guerre possible, en s’aguerrissant pendant la paix et en ayant des fonds en réserve pour l’accident. […] Rosny désirait la paix de Vervins ; dès qu’il la croit possible, il la conseille à son maître : les ministres des finances aiment en général la paix.

230. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Après avoir disposé de tous ses effets pour acquitter ses dettes, le testateur ajoutait : « Mais comme il pourrait se trouver quelques créanciers qui ne seraient pas payés quand même on aura réparti le tout, dans ce cas, ma dernière volonté est qu’on vende mon corps aux chirurgiens le plus avantageusement qu’il sera possible, et que le produit en soit appliqué à la liquidation des dettes dont je suis comptable à la société ; de sorte que, si je n’ai pu me rendre utile pendant ma vie, je le sois au moins après ma mort. » Il faut entendre probablement par là que Vaugelas, depuis longtemps malade d’une tumeur vers la rate ou l’estomac, autorisa l’autopsie après sa mort. […] Il n’est presque aucun des reproches qu’on est tenté de lui faire à première vue et sur un coup d’œil superficiel, qu’il n’ait prévus, pressentis et, autant que possible, réfutés à l’avance. […] Il y en avait de son temps ; Arnauld, dans sa Grammaire générale, et les écrivains de Port-Royal essayeront de porter le plus de raison possible dans la langue : Vaugelas se borne à constater le fait existant, en le puisant à sa meilleure source. […] Ce n’est pas un médiocre honneur pour Vaugelas d’avoir préparé à Racine sa langue, de lui avoir aplani les voies d’élégance et de douceur dans la diction, et d’avoir si bien et si exactement défini tout ce rare ensemble de qualités possibles, qu’il n’y manque plus que d’écrire en marge le nom du plus parfait écrivain.

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