Jeune encore, lorsque j’avais fait un petit poème sur l’établissement de l’École militaire, dont il avait le principal honneur, il s’était plu à faire valoir ce témoignage de mon zèle.
Les éloges qu’on y entend de la vertu, de la liberté, de la mélancolie, donnent la date française : c’était l’heure où Legouvé faisait un poème sur ce dernier sujet, La Mélancolie.
et la discussion politique s’enflammait de toutes parts ; mais, au milieu de ce souffle croissant et de ce vent impétueux qui s’élevait, et qui n’était pas encore une tempête, on recevait à l’Académie le chevalier de Boufflers, l’abbé Delille récitait dans les séances publiques des fragments applaudis du poème de L’Imagination, et le jeune Anacharsis surtout entrait à toutes voiles dans le port d’Athènes.
Sur les cinq livres de mon poème, si j’avais été M.
Leconte de Lisle venait de rimer les Poèmes antiques et préparait les Poèmes barbares. […] Le poète Lamartine voyait dans son poème, intitulé la Mort du Juif-Errant, le « germe de la plus belle épopée moderne ». Le poète Théophile Gautier disait que ce poème « c’était une belle fresque sur fond d’or ». […] En février 1884, il était à Pise, non pas encore pour y savourer le soave austero de l’Italie, mais pour y lire les poèmes de Shelley, notamment la Plante sensitive. […] Ils ont étendu leur enquête jusqu’aux romans et poèmes où se marque l’activité intellectuelle de nos voisins.
L’esprit, dont la nature est toujours de se porter en avant, peut donner à la scène la vigueur et l’énergie qui lui manquent ; mais après des poèmes monstrueux, qui font frémir la nature, que reste-t-il, sinon de s’enfoncer toujours plus avant dans les atrocités ? […] Le poème de La Pucelle n’est pas ennuyeux, et assurément le genre en est très mauvais : il vaut encore mieux ennuyer que corrompre. […] Ce n’est ici ni le poète ni l’écrivain qu’il faut considérer ; avant de faire des vers ou de la prose, il faut être citoyen, il faut être honnête homme : de bonnes actions valent mieux que de bons poèmes ; le talent dont on abuse mérite plus de haine et de mépris que d’éloges, au jugement de J. […] Ne cherchons point à mettre dans la tragédie plus d’appareil de spectacle et de pantomime que ces grands modèles n’ont jugé à propos d’en mettre ; ce serait aux dépens de la raison, du sentiment et de l’éloquence qui doivent dominer dans le poème dramatique ; c’est par le discours que la tragédie fait son imitation : au lieu de perfectionner la scène, nous ne ferions que la dégrader et la dénaturer. […] Si les larmes sont les meilleurs juges de la bonté d’un poème dramatique, Voltaire lui-même se trouvera fort au-dessous des auteurs des plus chétifs romans et des drames les plus médiocres.
Victor Hugo était donc tout prêt pour nous donner, à défaut de ce poème attendu et réclamé depuis trois siècles, manqué par Ronsard, par Chapelain et par Voltaire, la suite de fragments de la Légende des Siècles. […] Aussi les Burgraves peuvent bien être un des pires entre les mélodrames ; ils sont par ailleurs un des plus beaux poèmes qu’il y ait dans notre littérature. […] L’auteur d’Éloa ne voyait dans un poème qu’un symbole pour traduire une idée ; c’est à la même fin qu’il fera servir les moyens du théâtre. […] Sully-Prudhomme, dans la Justice et le Bonheur, fait du « long poème » un instrument d’investigation philosophique. […] Les premiers recueils de Verlaine : les Poèmes saturniens, les Fêtes galantes, la Bonne Chanson, contenaient plusieurs des pièces qu’on devait par la suite admirer comme autant de bijoux délicats et de frêles chefs-d’œuvre.
Beaucoup de noms s’y rencontrent, dont quelques-uns célèbres : — Varron d’Atace, le poêle didactique, né dans la Narbonnaise, auteur d’un poème sur la Navigation, et qui traduisit Apollonius de Rhodes ; — Cornelius Gallus, qui imita Euphorion, dont Virgile a immortalisé la passion en quelques vers, et qui n’a rien de commun avec le Pseudo-Gallus contemporain de Théodoric ; — l’historien Trogue-Pompée, que Justin a tué en l’abrégeant (on a sauvé l’Abrégé et laissé périr l’histoire originale). […] Il en parut le Restaurateur et le Père ; c’est le titre que lui donnait en 1594 l’avocat Loisel, en lui dédiant un vieux poème de la Mort attribué à Hélinand, qu’il publiait sans le bien comprendre.
N’avons-nous pas vu récemment renaître et remourir la mode de Dante, très grand mais très barbare poète du moyen âge de l’Italie, et placer son illisible poème épique à mille piques au-dessus des poèmes, aujourd’hui avilis, du Tasse, de l’Arioste et de Pétrarque, ces trois royautés légitimes de l’art italien ?
Le même phénomène se produit dans les sociétés en décadence et chez leurs écrivains ; ceux-ci sont des automates répétant indéfiniment sans se lasser des formules toutes faites, fabriquant des poèmes et des tragédies avec de la mémoire, des sonnets selon la formule, et ne pensant que par centons. […] Paul Verlaine, Poèmes saturniens.
Et nous attendions toujours l’Oraison de Mauclair et le Poème de Pierre Quillard. […] Quant aux poèmes ils disent d’agréables illusions dans une forme classique — ariostique même — mais très amollie par la fréquentation des récents poètes français.
Un poète véritable, selon moi, est un homme qui, né avec une puissante sensibilité pour sentir, une puissante imagination pour concevoir, et une puissante raison pour régler sa sensibilité et son imagination, se séquestre complétement lui-même de toutes les autres occupations de la vie courante, s’enferme dans la solitude de son cœur, de la nature et de ses livres, comme le prêtre dans son sanctuaire, et compose, pour son temps et pour l’avenir, un de ces poèmes vastes, parfaits, immortels, qui sont à la fois l’œuvre et le tombeau de son nom. […] Il fallait un décorateur du passé qu’on voulait faire revivre et régner sous ses deux formes de trône absolu et d’autel populaire ; l’auteur du Génie du Christianisme, grand poète qui cherchait un poème, s’offrit avec ses magiques pinceaux.
[NdA] La Grèce sauvée, poème de Fontanes.
On cite d’ordinaire, dans les poèmes épiques en renom, tel ou tel chant célèbre ; il faudrait citer de même, dans l’ordre des grandes choses historiques, le troisième livre des Commentaires de Montluc.
Santeul était plus enflé, du Périer plus modeste ; il se voyait en celui-ci une certaine couleur d’antiquité, laquelle, à y bien regarder, se découvrait avec bien plus d’éclat dans les poèmes de Petit ; et ce dernier était de plus un esprit orné et imbu de toutes sortes de lettres… Quant à Santeul et à du Périer, si le hasard me les amenait parfois (et il ne me les amenait que trop souvent), tout à l’instant chez moi retentissait du bruit de leurs vers ; et comme le premier surtout, se tenant, comme on dit, sur un pied, faisait mille vers à l’heure et coulait plein de limon, vous l’auriez exactement comparé à ce Camille Querno dont s’amusait le grand pape Léon X ; qui obtint de lui le titre et les insignes d’archipoète, et qu’on saluait comme décoré d’une couronne de choux, de pampre et de laurier.
Il lui avait envoyé son poème sur La Loi naturelle ; elle lui propose des doutes sur sa théorie, un peu trop platonicienne selon elle ; il semble que pour son compte elle adopterait plutôt celle de Hobbes, de Pascal, et de ceux qui ne cherchent l’origine de la justice que dans l’amour de la conservation et dans la seule utilité de la société.
Ces journées de fermentation poétique étaient toujours suivies de quelque beau poème.
Il n’est pas si aisé qu’on le croirait de prouver à des académiciens politiques et hommes d’État comme quoi il y a, dans les Fleurs du Mal, des pièces très remarquables vraiment pour le talent et pour l’art ; de leur expliquer que, dans les petits poèmes en prose de l’auteur, le Vieux Saltimbanque et les Veuves sont deux bijoux, et qu’en somme M.
J’ai parcouru jusqu’ici bien des tons, j’ai fait résonner bien des notes sur le vaste clavier de la poésie, et pourtant je n’ai pas encore abordé mon vrai sujet, celui qui m’a réellement mis cette fois en goût d’écrire, le Poème des Champs de M.
Malouet savait décrire ; et déjà, à son premier voyage d’Amérique, allant à Saint-Domingue, il avait occupé les loisirs de la trame, dans lequel la périphrase continuelle rachète amplement l’absence de la rime, ressemble tout à fait à une traduction élégante d’un poème moderne en vers latins.
Martha (né en 1820) : les Moralistes sous l’empire romain (1854) ; le Poème de Lucrèce (1869) ; Études morales sur l’antiquité (1883) ; la Délicatesse dans l’art, 1884, Hachette, in-18.
Vous avez connu les troubles de la sensualité la plus curieuse et la plus savante — et les émotions de la sympathie la plus pure et de la plus chaste pitié… Ainsi vous goûtez dans ces livres le charme limpide des poèmes ingénus et le charme pervers des extrêmes recherches de l’esthétique contemporaine ce qui est au commencement des littératures et ce qui est à la fin.
Les mœurs locales défrayent tous les genres, depuis les romans qui en mêlent la peinture satirique à leurs fictions, jusqu’aux petits poèmes qui ne sont que des anecdotes de la vie contemporaine.
Ce qu’il a fait et semé, dans tous les lieux où il a vécu et dans les sociétés qu’il a traversées, de jolis vers, de petits poèmes allégoriques, de couplets de fête et de circonstance, il l’a lui-même oublié.
Ainsi, les Vies de Plutarque, par exemple, admirable poème de la vertu antique, sont d’une autorité assez médiocre comme documents historiques.
Aucun poème, ni l’Iliade, ni les Vedas, ni Hamlet, n’égale en beauté le geste du scribe égyptien qui, voulant fixer une idée rebelle à l’idéogramme, imagina le jeu des sons initiaux. […] Loin d’être une longue patience, le génie poétique est d’abord fait d’impatience et les retours, les retouches, le polissage n’enlèvent rien au caractère initial du poème, qui est la spontanéité. Ce caractère est visible dans les plus anciens poèmes, comme dans les plus récents. […] Certains poèmes de Victor Hugo, tels que Pleine Mer, Plein Ciel, ne font-ils pas un effet analogue ? […] Réja, quel poème immortel est sorti d’un asile d’aliénés ?
Ce Gitanjali est une suite de petits poèmes, de lieds, tout embrasés de l’amour divin. […] Croyez bien que je ne verrais pas d’un cœur léger figurer à une vente le manuscrit dédicacé de l’Otage, ou celui des 40 exemplaires de ses poèmes que Mallarmé orna pour moi d’un quatrain. […] André Gide lui-même sont des contes philosophiques ou symboliques ou des poèmes en prose : voir surtout ceux qu’il a réunis dans le volume du Retour de l’Enfant prodigue.
On s’imagina que les grands hommes n’avaient exécuté leurs actions prodigieuses que par l’assistance des êtres immortels, et le poème épique embrassa bientôt dans ses récits tous les intérêts des habitants de la terre, du ciel, et des enfers. […] La même gradation remarquée depuis les simples chansons jusqu’aux odes, et depuis les simples récits en vers jusqu’aux narrations du poème épique, apparaît clairement dans la poétique imitation produite par l’action feinte. […] De ce dernier mode résultent les poèmes dramatiques, la tragédie qu’il envisage comme la peinture du bon, et la comédie, comme celle du mauvais. […] Je l’ai tracé en quelques vers : permettez-moi de les extraire d’un poème que j’ai publié sous le nom de ce héros. […] Peut-être cette cause produit-elle le désavantage attaché au grand sujet du poème de la Pharsale, et la supériorité de la petite fable qui servit de fondement à l’immense Iliade.
Daru ; il lui envoyait à Vienne, dans la campagne de 1809, son poème de La Maison des champs.
Mme Sand, en publiant le Centaure dans la Revue des Deux Mondes, avait insisté sur le caractère de naturalisme, de panthéisme, comme on dit, qui est en effet celui de cet étrange poème.
Par des illustrations d’un tout autre genre, destinées à des ouvrages littéraires, Horace Vernet reprend la trace de son grand-père Moreau, et il fait concurrence à Achille Dévériá : ainsi, illustrations de la Hehriade, dans le goût du temps ; illustrations de Mathilde et Malek-Adel, genre troubadour ; une Mort de Tancréde ; illustrations des poèmes de Byron, Manfred et le Chasseur, la Fiancée d’Abydos, le Naufrage de don Juan… C’est du métier, passons !
Elle était restée longtemps inconnue des Anglais eux-mêmes ; elle se trouve à la page 50 d’un charmant petit livre, Trésor des meilleures chansons et poèmes lyriques (The golden Treasury…), recueilli par M.
Voltaire a enterré le poème épique, le conte, le petit vers et la tragédie : Diderot a inauguré le roman moderne, le drame et la critique d’art.
On se rappelle l’Ame du Purgatoire ; les Limbes, le second chant de ce petit poème du Miracle, sont admirables de ton.
remy, à retrouver, dans un sujet où le poëte a entrepris de faire chanter Homère, quelques-unes des beautés empruntées aux poèmes de son héros ?
L’histoire ne monte pas plus haut : elle est alors le grand poème épique de la vérité.
Voyez comment, dans son dernier roman, un drame tout moral et tout intime se tourne peu à peu en un poème symbolique, grandiose et tout matériel.
Aussi appelle-t-il lui-même ses poèmes une aurore boréale nuancée de mille couleurs qui flambe sur une terre glaciale et déserte 9.
Un jour, se souvenant que son poème des Martyrs avait été critiqué au point de vue de l’orthodoxie, il lui est échappé, dans un accès d’amour-propre, de dire des chrétiens ce qu’il a dit si souvent des rois : « Et ne voilà-t-il pas que les chrétiens de France, à qui j’avais rendu de si grands services en relevant leurs autels, s’avisèrent bêtement de se scandaliser !
Ainsi, sans prétendre éclaircir quelques obscurités d’allusion, nous tenons l’aveu essentiel : quand M. de Chateaubriand s’en allait au tombeau de Jésus-Christ pour y honorer le berceau de sa foi, pour y puiser de l’eau du Jourdain, et, en réalité, pour y chercher des couleurs nécessaires à son poème des Martyrs, le voilà qui confesse ici qu’il allait dans un autre but encore.
Chez tous on trouverait des fables vives, ingénieuses, piquantes, qui remplissent toutes les conditions propres à ce petit poème.
Un mot charmant qui exprime bien cette passion de d’Aguesseau pour les lettres, c’est ce qu’il dit un jour au savant Boivin avec qui il lisait je ne sais quel poème grec : « Hâtons-nous, s’écria-t-il ; si nous allions mourir avant d’avoir achevé !
Je dis cela de tous les ouvrages de La Harpe en vers, soit qu’ils s’intitulent Warwick ou Mélanie, soit même qu’ils aient, comme dans Philoctète, une intention de goût plus sévère, mais à laquelle la vraie simplicité savante a manqué ; soit que l’auteur se joue d’un air plus léger, et qui vise au gracieux, dans des poèmes tels que Tangu et Félime, genre de poésie dans lequel Voltaire est à la fois, chez nous, le seul maître et le seul supportable ; car on ne peut lire que lui.
Je ne recommencerai pas ici une analyse qui a été faite tant de fois ; évitons ces commentaires plus longs que le poème.
Elle imite et reproduit les diverses formes de poèmes en usage à sa date.
En 1851, Augier écrivit le poème de Sapho, dont Gounod fit la musique.
Ce sont, disent-ils, les écrivains modernes qui ont imité les auteurs anciens, au lieu de créer comme eux ; qui leur ont emprunté, avec les formes de leurs poèmes, le fond même de leurs sujets et de leurs idées, au lieu de traiter, sous des formes différentes, des sujets et des idées appartenant à l’histoire, à la religion, aux mœurs des nations chrétiennes.
Il est évident que les Mémoires devenaient alors pour lui ce que le poème de l’Enfer fut pour Dante qui, dit-on, y mit ses ennemis.
Je regrette les ailes blanches que le vent soulevait, les châteaux ajourés des Normandes, casques de la douce guerre, les capuchons rouges des Béarnaises, les mouchoirs multicolores noués sur la nuque des Provençales, les coquilles enroulées, les bandeaux transparents qui laissaient deviner la blancheur de leur front, et ces fleurs merveilleuses, marguerites, cyclamens, digitales, pensées, qu’avaient imitées nos grand-mères inconnues quand elles inventaient la coiffe de leur bourg natal, poème féminin, l’un des plus exquis et des plus profonds qui soient sortis du génie anonyme de la foule.
Ne dirait-on point un canevas tout prêt pour quelque poème grandiose de La Légende des siècles ? […] Francaleu est le type d’une espèce impérissable, le type des vieux Messieurs, colonels, magistrats ou notaires en retraite, qui font des fables, des traductions en vers, des poèmes didactiques et des tragédies. […] Et il écrirait des poèmes abscons en langage précieux et en lignes très inégales, assonancées. […] Le poème de M. […] Mais c’est une charmante amusette de décadence, un bizarre joyau de simplicité artificielle, un doux et baroque petit poème de balbutiement concerté, d’un vague et d’un inachevé très précieux.
« Il n’est qu’un malheureux c’est le méchant » devenait poème mystique, poème historique et poème biblique. […] Ceci n’a probablement pas été ajouté par Hugo relisant son poème et s’inspirant de lui. Ce n’est pas dans le ton, tout à fait, du reste du poème. […] Pour que le titre V fût à peu près de la même étendue que les autres sections du poème, lesquelles, sauf la dernière, sont toutes approximativement de la même longueur. […] La délivrance d’Orléans est tout un poème vrai, d’un relief et d’un éclat sans pareil.
Je défie « ceux qui ont aimé » — (à peine si on ose écrire ces quatre mots aujourd’hui) de ne pas se reconnaître à certaines pages, comme on se retrouve dans le livre de l’abbé Prévost, dans les grands poèmes d’Alfred de Musset. […] Adoré Floupette a écrit : Poèmes décadents. […] Georges Rodenbach, dont nous avons, il y a longtemps déjà, cité un charmant petit poème : le Coffret, vient de publier chez Lemerre un volume : la Jeunesse blanche. […] Malheureusement, quoique considérable, l’œuvre est inachevée et il y manque des parties entières ; à l’importance des morceaux qui restent, on peut cependant juger de la place qu’elle eût prise parmi les grands poèmes de Victor Hugo. […] Le chapitre dans lequel Victor Hugo décrit la Passion de Jésus-Christ constitue à lui seul un grand poème où le génie du maître se révèle dans toute sa puissance.
Je relis, en feuilletant le recueil, les fameuses chansons et petits poèmes : Sur les fortifs, les Halles, etc. […] Je détache bien vite ces quelques pages qui sont un poème en prose, et qui en disent plus que bien des vers. […] On a lu, et on lira éternellement, dans les Contemplations, les admirables et douloureux poèmes intitulés : Pauca Meæ. […] Quel poème que cette tour Saint-Michel ! […] Un peu hésitant devant la sévérité du sujet, le lecteur, dès qu’il aura ouvert le livre, sera pris par une réelle intensité d’intérêt et lira ces poèmes tout parfumés de l’air des siècles passés, sentant s’élever son esprit devant les images évoquées.
Le style du poème en prose, tel que l’ont pratiqué un Aloysius Bertrand ou un Baudelaire, figerait le récit et détruirait radicalement la crédibilité, condition sine qua non de l’illusion, nécessaire elle-même à la création du type. […] Le roman vivant, quand il est réussi, est la transformation moderne du poème épique. […] Le style dans le roman ne saurait, sans fausser le genre, rappeler celui du poème en prose. […] Je ne le sais pas, mais si jamais ce mot barbare put être appliqué justement à quelqu’un, c’est à l’auteur de cet incohérent poème : Mes livres, et à sa fringale, non pas seulement de lectures, mais d’idées et de milieux. […] » Puis il s’est réveillé de cette illusion et il a soin de mettre cette note à son poème : « Une légère teinte d’ironie n’est-elle pas répandue dans cette pièce ?
Mort de Du Parc ; traduction du poème de Lucrèce par Molière ; perte du manuscrit. […] Critique de ce poème par une femme. […] C’est là que se contracta entre ces deux hommes célèbres une union qui concourut pour ainsi dire à leur gloire mutuelle : Mignard laissa à la postérité le portrait de son ami ; Molière, nouvel Arioste d’un autre Titien, consacra son poème de La Gloire du Val-de-Grâce à célébrer le talent de son peintre. […] Celui du poème De Natura rerum aura éprouvé le même sort. […] Ce poème restait toujours ouvert sur la table, et celui des convives auquel il échappait dans la conversation une faute de langage était, suivant la gravité de son délit grammatical, condamné à en lire quinze ou vingt vers.
On songe à lui faire écrire un opéra, c’est-à-dire le poème épique du chant, avant l’âge où les passions ont donné leur note dans un cœur d’homme. […] C’est le poème intime de la douleur, de la patience, de la séparation, de la piété dans la correspondance de quatre exilés du ciel ici-bas.
Seul, l’auteur pourrait répondre à cette question, et révéler le mystère d’une composition qui, comme toute composition, a son mystère, et où deux histoires vraies peuvent s’entrelacer et se fondre, comme dans beaucoup de romans et de poèmes, pour n’en faire qu’une, sans que l’on sache bien où l’une de ces histoires finit et où l’autre commence. […] Écoutez le peintre : « Mais c’est lui surtout, — nous dit-il, — créature brillante et incomplète, poème auquel il manquait des feuillets, c’est Jean lui-même qui vit en moi avec tout ce que Dieu lui avait donné, défaillances et vigueur, lumières et ombres.
Ce plan lui eût fourni un poème grand, noble, varié, plein d’âme et d’intérêt, et plus flatteur pour une jeune princesse, surtout s’il eût su lui parler de sa beauté moins longuement et d’une manière plus simple, plus vraie, plus naïve qu’il ne l’a fait.
Voltaire, le premier, était en train d’y aider par La Henriade, lorsqu’ayant eu à se plaindre du descendant de Sully, il effaça dans son poème le nom de l’ancêtre et y substitua celui de Du Plessis-Mornay.
La Beaumelle se souvient qu’Auguste a fait une tragédie d’Ajax, et vite il fait dire à Frédéric : « J’ai lu qu’Auguste (p. 397) avait fait quelques poèmes dramatiques, entre autres un Ajax.
Je sais bien qu’il y avait les grands jours classiques où Racine célébrait solennellement Corneille, où l’on recevait La Bruyère ; mais l’ordinaire de l’Académie, c’était la lecture d’un poème de Perrault, d’une dissertation de Charpentier, d’une idylle de Fontenelle, et bientôt d’une fable ou d’une traduction en vers de La Motte.
Le rôle de spectateur désintéressé était évidemment le meilleur ; c’était celui de l’abbé Legendre : « Tant que dura, dit-il, cette comédie dont je connaissais les acteurs, le plaisir que j’avais les après-dîners d’en apprendre les scènes nouvelles aidait à me délasser du travail sérieux du matin. » Quelques années après, lors de la querelle des Anciens et des Modernes, qui s’émut à l’occasion du poème du Siècle de Louis le Grand, lu par Perrault à l’Académie, en 1687, M. de Harlay ne pensa plus à rétablir la paix et l’union parmi ses confrères ; mais il s’amusa à faire traiter devant lui la question ; il fit plaider le pour et le contre par deux avocats d’office qu’il désigna : Martignac, ancien précepteur de son neveu, et l’abbé de La Vau.
Hugo, divers poèmes de M. de Vigny, datent et illustrent la période dont il s’agit ; mais, à part M. de Lamartine qui l’avait ouverte, ces autres poëtes, plus jeunes, n’étaient pas arrivés à leur expansion définitive : ce ne fut guère que de 1824 à 1829, dans la seconde phase du mouvement que nous décrivons, qu’ils montèrent à leur rang, groupant autour d’eux et suscitant une génération fervente.
C’est dans la Théogonie qu’il est raconté ; mais sa place serait plutôt dans les Travaux et les Jours, ce poème de sueur et de peine, dont chaque vers semble creuser un sillon.
On trouverait de semblables conseils dans un bien vieux poème français, le Roman de la Rose ; c’est une vieille aussi, qui développe à l’un des personnages allégoriques du roman les préceptes de cette exécrable morale tout intéressée.
La Pucelle de Chapelain avait rendu l’héroïne presque ridicule ; ce poème, selon la remarque de M.
» Raynouard se présenta et remporta le prix avec un petit poème (Socrate dans le temple d’Aglaure) qui transformait et mettait en action cette espèce d’aphorisme.
On généralise et on idéalise les sensations agréables de cette époque de la vie, la seule où l’on ait des sensations fortes, et l’on s’en fait un rêve permanent, toujours plus cher, toujours plus fascinateur, d’où, selon nos talents, sortent nos poèmes, nos romans, nos théories, nos systèmes, nos conversations ou nos bavardages. […] Ces découragés et ces mélancoliques font de leur découragement beaucoup de volumes, et mettent bien souvent leur mélancolie en grands poèmes. […] Il y suffisait de deux cents vers de plus que Virgile aurait écrits, que tout le poème annonce, que l’auteur n’a pas eu le temps de composer, ce pourquoi il a commandé de détruire l’ouvrage. […] Elle comprendra peut-être le vers où elle est placée et le précédent ; mais non pas tout le poème, non pas même toute la page où elle se trouve. Nous sommes cette syllabe dans le poème de l’humanité.
C’est que, à part quelques cas très exceptionnels, dont nous pourrions presque faire le compte, que nous ne sommes même pas sûrs d’avoir rencontrés autour de nous, qu’il faut aller chercher dans les poèmes et dans les romans, et où l’amour libre s’absout de l’inéluctable égoïsme qui en fait toujours le fond par son caractère de fatalité, d’invincibilité, par de grandes douleurs, de longs sacrifices, et parce qu’il reste unique et immuable jusqu’à la mort (combien en connaissez-vous de cette espèce ?
Le Chariot de terre cuite est un drame d’amour, un drame social, un drame religieux, un conte philosophique, un mélodrame, une comédie et un poème. […] Songeons que nos arrière-grands-pères ont accueilli avec le plus fervent enthousiasme des pauvretés telles que les idylles de Gessner ou les poèmes d’Ossian, et défions-nous du Nord. […] Déjà, il y a vingt et un ans, le poète Théodore de Banville avait compris que c’était un poème, un drame symbolique. […] Donc, c’est un poème, une rêverie passionnée, très simple, très grande. […] Oui, ce poème est plein de pressentiments.
Considérons toutes les lettres de l’alphabet qui entrent dans la composition de tout ce qui a jamais été écrit : nous ne concevons pas que d’autres lettres surgissent et viennent s’ajouter à celles-là pour faire un nouveau poème. Mais que le poète crée le poème et que la pensée humaine s’en enrichisse, nous le comprenons fort bien : cette création est un acte simple de l’esprit, et l’action n’a qu’à l’aire une pause, au lieu de se continuer, en une création nouvelle, pour que, d’elle-même, elle s’éparpille en mots qui se dissocient en lettres qui s’ajouteront à tout ce qu’il y avait déjà de lettres dans le monde. […] Mais à travers les mots, les vers et les strophes, court l’inspiration simple qui est le tout du poème.
Dans le printemps et l’été de cette année 92, il vécut à Petit-Bourg, où il écrivait en prose un poème hiéroglyphique et baroque intitulé Le Crocodile ; il le termina le 7 août 1792, « à une heure après midi, dans le petit cabinet de son appartement de Petit-Bourg, donnant sur la Seine ».
Un jour vint et une heure, un moment social, non calculé, non prévu, général, universel, où il se trouva, — sans que personne pût dire ni à quelle minute précise, ni par quelle transformation cela s’était fait, — où, dis-je, il se trouva qu’une langue nouvelle était née au sein même de la confusion, que cette langue toute jeune, qui n’était plus l’ancienne langue dégradée et dénaturée, offrait une forme actuelle et viable, animée d’un souffle à elle, ayant ses instincts, ses inclinations, ses flexions et ses grâces : le français des XIe et XIIe siècles, cette production naïve, simple et encore rude et bien gauche, ingénieuse pourtant, qui allait bientôt se diversifier et s’épanouir dans des poèmes sans nombre, dans de vastes chansons chevaleresques, dans des contes joyeux, des récits et des commencements d’histoires, venait d’apparaître et d’éclore aux lèvres de tout un peuple.
Un honnête homme, né pour l’Almanach du Commerce, qui aura griffonné jusque-là à grand’peine quelques pages de statistique, s’emparera d’emblée du premier poème épique qui aura paru, et, s’il est en verve, déclarera gravement que l’auteur vient de renouveler la face et d’inventer la forme de la poésie française.
Le poème manque d’action ; la narration se traîne souvent et le dialogue est pesant.
Qui n’est prêt à croire, au contraire, que c’est presque un poème de savoureuse supercherie mentale que M.
Étrange personnage que ce lettré, qui ne s’occupe pas de morale ou de philosophie parce que cela est de la nature humaine, mais parce qu’il y a des ouvrages sur ce sujet, de même que l’érudit ne s’occupe d’agriculture ou de guerre que parce qu’il y a des poèmes sur l’agriculture et des ouvrages sur la guerre !
Il a beau fulminer contre Ronsard ; il conserve la moitié de l’idéal de la Renaissance ; il érige en principe l’imitation des auteurs de la Grèce et de Rome ; il maintient les genres littéraires créés par eux ; il prescrit l’emploi de la mythologie ; il en fait une condition vitale du poème épique ; il invite les faiseurs d’odes à prendre Pindare pour modèle et il abritera sous l’autorité du poète thébain les hardiesses prudentes (oh combien prudentes !)
Lamoureux a groupé autour de lui à peu près tout le wagnérisme militant de Paris qu’ont encore rapproché son amitié et son alliance avec le faiseur d’opérettes brabançon chargé par brevet de ridiculiser en France les poèmes wagnériens.
Milton aurait été taxé d’hyperbole, s’il en avait armé les artilleurs diaboliques qui se battent, dans son poème, contre l’armée céleste.
Un autre jour, comme Perrault lisait à l’Académie française son poème du Siècle de Louis le Grand, où l’Antiquité est sacrifiée au présent, et qui commença cette longue guerre des anciens et des modernes, Boileau, outré, ne se pouvait contenir pendant la lecture, et Huet le calmait de son mieux en lui disant, non sans un grain d’ironie : « Monsieur Despréaux, il me semble que cela nous regarde encore plus que vous. » Huet, en parlant ainsi, avait raison et tort.
Et quand il avait un chagrin, il en faisait un poème.
D’après les deux mots qu’il laisse échapper à regret sur Gil Blas, Voltaire ne paraît pas se douter qu’il sera infiniment plus glorieux bientôt d’avoir fait ce roman-là que le poème de La Henriade.
Il s’occupait toujours de son grand poème de l’Anti-Lucrèce, où il soutenait en vers latins les bons principes de la théologie et de la morale : il le lisait, l’expliquait à la duchesse, et M. du Maine se plaisait à en traduire des chants.
Victor de Laprade l’a pu faire depuis dans ses Poèmes évangéliques.
Un écrivain d’un mérite médiocre, mais qui a recueilli quelques traditions et informations assez justes sur les personnages du Grand Siècle, l’abbé Lambert, avait dit (Histoire littéraire du règne de Louis XIV), en parlant de la vogue prodigieuse qu’eurent en leur temps ces romans de Mlle de Scudéry et pour l’expliquer : Il est vrai que ces romans, si toutefois on peut les appeler de ce nom, ne doivent être regardés que comme des espèces de poèmes épiques et des histoires véritables sous des noms cachés.
Pourtant, tandis qu’il achève là son livre des Études, cette espèce de poème ou de concert rustique qu’il dédie à la nature, il a de doux sentiments, précurseurs des joies de la paternité ; il écrit à M.
Les premiers poèmes et les premiers romans ont conté les aventures des dieux ou des rois ; dans ce temps-là, le héros marquant de tout drame devait nécessairement avoir la tête de plus que les autres hommes
Si de tels hommes, — et toutes les sociétés antiques primitives, tout le moyen âge en étaient formés — sont amenés graduellement à prendre plaisir aux arts graphiques, au poème épique, au drame, au roman, à la musique, à tout ce qui fait frémir l’âme de douleurs fictives, de compassion et d’admiration pour des semblables, ces sentiments se développeront en eux et modifieront leur conduite.
Pour arriver à ce résultat, il a consulté Priscus, toutes les chroniques du ve siècle, Jornandès, Prosper d’Aquitaine, les poèmes teutons, les légendes latines et orientales, les chants de la Germanie et enfin les traditions hongroises, dont il ferme avec émotion le dernier et éblouissant anneau ; et c’est de tous ces mirages pourtant, c’est de toutes ces fantasmagories qu’il a fait jaillir une figure qu’il appelle la vraie, et qui est peut-être la fausse, car où est la réalité ?
Qui ne se rappelle le poème de Monsieur Jean, ce modèle de naïf travaillé et… constipé, aurait dit Montaigne ?
C’est un véritable poème épique fait de vingt chapitres indépendants, que le livre de M. […] Georges Rodenbach, le délicat et subtil poète, vient de nous donner un poème ou plutôt un recueil de pièces détachées, réunies sous ce titre séduisant : Le Voyage dans les yeux. […] Une pièce grandiose : la Vision des montagnes, sert de prélude à une suite de poèmes d’une indiscutable beauté. […] Mallarmé, il me paraît vraiment désolé de ne plus le comprendre ; mais, de fait, il ne le comprend plus : « C’est, avoue-t-il, un métier qui, aujourd’hui, dépasserait mes forces ; car je dois bien avouer que je ne comprends plus avec la même précision littérale ces beaux poèmes de M. […] Pour être ému, il est indispensable de comprendre, et le temps qu’on passe à traduire est un réfrigérant pour l’émotion ; le plus beau poème chinois me laissera insensible si je ne sais pas le chinois, et si Mathurin Régnier, Racine, La Fontaine, Chénier, Victor Hugo, Lamartine et Musset n’avaient pas pris toutes ses clartés à la langue française ; ils ne seraient pas aujourd’hui encore, et pour longtemps, les plus grands poètes de notre pays.
C’est alors que le poème épique peut être empreint de couleurs primitives et revêtu de formes grandioses. […] Il fit un poème épique avec le même degré d’inspiration qui l’aurait porté à composer une longue épître en vers ; il crut que l’épopée consistait dans de certaines formes convenues, dans un merveilleux prescrit ; il remplit ces formalités, et pensa avoir accompli ce grand ouvrage. Il ne vit pas que ce n’est point un songe, un récit, des divinités qui constituent le poème épique, mais bien une imagination élevée, solennelle, et surtout simple et vraie, quelque forme qu’elle prenne. L’Iliade ne ressemble en rien à l’Odyssée par la disposition des parties, ces poèmes n’ont de commun que le caractère épique. […] Le petit poème et les poésies de Gresset ont moins d’attrait que les ouvrages légers de Voltaire.
La Dame de la mer est un poème dramatique plutôt qu’un drame. […] Dans l’épilogue du poème, il se montre enchanté des événements. […] Tandis que je tourne du doigt les feuillets de son poème, çà et là des vers me raccrochent, qui sont décidément de bien jolis, jolis petits vers ; mieux que jolis, car ils ont la grâce. […] Une conférence n’est pas plus une leçon de Sorbonne ou un chapitre de critique qu’un drame ou une comédie n’est un poème ou un roman. […] Sully Prudhomme y a magnifiquement échoué dans son poème du Bonheur, si profondément triste.
Sûrement ici l’art et le bon sens, recommandés par Boileau même en chanson, jouent leur rôle, et surtout à présent que le style de ce petit poème doit être si travaillé et la composition si remplie. […] Ce poème est, en quelque sorte, dédié par l’épilogue à Mme de Rémusat la mère : Θεά γάρή μοι γ΄έλπίς ήδεϊ εΰρετο….
Thiers en a fait un prodige de conception et d’exécution, un véritable poème de stratégie. C’est évidemment un poème populaire destiné à faire des Alpes franchies sans obstacles un piédestal dans les nuages à son héros.
Là il préparait ou revoyait ses harangues, enlevant avec la plume les imperfections de la parole ; il dictait les règles des différents genres d’éloquence, il composait ses deux poèmes épiques, il commentait la philosophie grecque de Platon, il la dépouillait de ses rêveries sophistiques, il la fortifiait par cette sévérité logique et expérimentale, caractère de la haute et sévère raison des Romains. […] Il écrit le code de la raison humaine ; Platon n’en écrit que le poème.
., débordent dans le large lit des aventures fabuleuses et des poèmes épiques. […] Parcourez ces cent volumes de ses œuvres jetés avec profusion de sa main jamais lasse, et concluez avec moi qu’un seul homme en France était capable d’exécuter ce qu’il avait conçu, la Comédie humaine, ce poème épique de la vérité !
Les vers qu’il nous lit cette fois sont tirés d’un nouveau poème qu’il appelle : « Toute la lyre », un poème où il veut mettre tout — et qui lui permet d’être jeune, dit-il en souriant.
c’est l’éternel sujet de l’éternel poème. […] Mais le sentiment patriotique a changé de mesure, le mot nation est trop vaste, trop vague peut-être pour tenir en un poème.
Mais, lorsque Galatée ne réussit pas à se laisser apercevoir dans sa fuite, elle écarte elle-même le feuillage des saules trop protecteurs : Daniel Lesueur fait mettre devant ses poèmes son sourire de femme et son accoudement de penseuse. […] S’avancent d’abord, graves et lourds, des poèmes commandés par l’Académie, des traductions, je ne sais quels autres automates indifférents, parfois un peu ridicules d’avoir été à la mode et de ne plus l’être. […] Je dois pourtant avertir les jeunes gens : les dégâts de la femme pieuvre sont particulièrement terribles quand c’est « à l’entrée de la vie, sous le portique du temple où le convoquait le destin » que le pauvre bougre « a rencontré cette créature apocalyptique, à la tête de chérubin qui souffle de la trompette, aux griffes de dragon qui déchire les anges. » Outre de nombreux romans, Mme Schalck de la Faverie a publié un poème, Coupables ou Victimes ? […] Mais l’amour qu’elle chante sur son mirliton est de ces sentiments de surface dont il est difficile de juger s’ils ont été vaguement sentis ou décrits seulement : Ami, te dire que je t’aime, C’est, je crois, ne t’apprendre rien ; Mais il est, et tu le sais bien, Des mots qui sont tout un poème. […] Elle ne créera jamais ni un poème large, ni un drame puissant, ni un caractère autre que le sien, ni un roman qui ne soit pas son roman, ni surtout une doctrine philosophique.
Quand je lis un beau poème qui me transporte, est-ce que je fais seulement attention aux caractères imprimés que je parcours du regard ? […] Pourrait-on dire que j’ai vraiment lu un poème, si je me suis contenté du sens strict des phrases, laissant de côté comme d’inutiles rêveries toutes les images que le poète voulait en même temps me suggérer ? […] Tout poète nous dira que ses plus beaux poèmes n’ont jamais été écrits. […] Sur la couverture du poème de Rodenbach, ce seront des tons de mélancolie ; des fleurs retombantes, ou bien entrevues dans une brume ; quelques images indécises et tristes, vagues impressions de crépuscule. […] Certaines visions, qui produisaient le plus charmant effet quand elles ne faisaient que passer dans le poème, évoquées un instant par le jeu subtil des métaphores, sembleront presque monstrueuses quand on les verra ainsi étalées et comme solidifiées.
Je copie sur le manuscrit original une note qui est une indication précieuse, elle est comme le titre des chapitres de la seconde partie du poème, définition des êtres que le poète interroge : La Chauve-souris représente l’athéisme : Nihil. […] Robert de Bonnières, Dans ce petit volume pur de sentiment, clair de style, si bien châtié dans toutes ses parties, la note dominante est évidemment l’amour et la recherché de la perfection ; l’auteur — qui comme tout poète est un rêveur — a voulu, chose rare aujourd’hui, raconter ses rêves d’une façon intelligible en langue française, choisissant le mot qui, rendant exactement la pensée, eût toujours l’harmonieuse sonorité qu’il voulait à son vers ; M. de Bonnières ne regarde pas au temps quand il écrit ces petits poèmes auxquels il donne volontairement l’aspect de bluettes, et c’est une raison pour que le temps lui en tienne compte. […] Paul Lacomblez, dans Loth et ses filles, a voulu écrire et a écrit un livre tout de pureté biblique, malgré l’impression que pourrait donner le titre de son poème. […] Je coupe au hasard dans une de ces pages, regrettant de ne pouvoir donner un plus long extrait de ce poème. […] Quand l’esprit revient de cet étourdissement, de ces éblouissements du bruit et du feu, il commence à percevoir mille détails, mille renseignements, qui ne sont plus le poème héroïque, mais qui sont les éléments de l’histoire et des mœurs d’un temps si curieux.
André Chénier, dont nous avons un intéressant commentaire, sur quelques pièces de Malherbe, trouvait la versification de ce petit poème « étonnante » ; et Sainte-Beuve, depuis, y a signalé « un éclat d’images, une fermeté de style, et une gravité de ton qui ne pouvait, dit-il, appartenir qu’à la jeunesse de Malherbe ». […] Un poème épique, sa Franciade, qu’il doit laisser inachevée, et ses Discours sur les misères de ce temps, où sans doute il y a moins de poésie que d’éloquence. […] Épicure, en Grèce, a fait d’elle ce que l’on pourrait appeler la grande ouvrière de son atomisme, et elle remplit un livre entier du poème de Lucrèce, le cinquième, celui dont on pourrait dire que la science moderne a confirmé depuis cent ans presque toutes les hypothèses. […] Si d’ailleurs son roman d’Ariane ou son poème de Clovis sont aujourd’hui parfaitement illisibles, sa comédie des Visionnaires a passé pour « inimitable » pendant un quart de siècle, et, sans parler des emprunts que Molière y a faits, la lecture en est intéressante encore, — pour les curieux. […] Pour concilier sa piété nouvelle avec ses anciens goûts littéraires, il écrivait donc le matin des pamphlets contre Port-Royal, et le soir il rimait des poèmes épiques généralement chrétiens : Marie-Magdeleine, ou le Triomphe de la grâce, et Clovis, que nous citions.
J’ai aussi une passion particulière pour Scaliger, des œuvres duquel j’aime et chéris les Épîtres et les Poèmes particulièrement ; j’honore aussi extrêmement ses autres œuvres, mais je ne les entends point… Ici se décèle plus naïvement qu’on n’aurait pu l’attendre la part de superstition et de croyance sur parole qui se mêlait à ces cultes et à ces admirations ultra-classiques de Gui Patin.
Moins de vingt-cinq ans après, Voltaire qui d’abord s’était annoncé si peu comme devant être le successeur de Bayle et celui qui le détrônerait, Voltaire qui inaugurait ce nouveau rôle philosophique par ses Lettres sur les Anglais (1733), disait vers le même temps dans ce charmant poème du Temple du Goût, à l’endroit où il se représente comme visitant la bibliothèque du dieu : « Presque tous les livres y sont de nouvelles éditions revues et retranchées.
Pour la Passion, ou plutôt pour la Vie du Christ, il n’apparaît pas d’ensemble primitif : le poème cyclique succède aux Nativités, aux Annonciations, aux Adorations des rois mages, aux Résurrections, aux Passions, etc., qui existèrent d’abord séparément151.
C’est le moins styliste, le moins puriste des hommes : il n’est pas « de ceux qui pensent la bonne rhythme faire le bon poème », et il n’a cure d’où viennent les mots qui rendent sa pensée : « C’est aux paroles à servir et à suivre ; et que le gascon y arrive, si le français n’y peut aller236 ».
Sans doute la foule n’exige pas que la vertu soit toujours récompensée et le vice toujours puni ; mais elle pense comme Corneille : « Une des utilités du poème dramatique se rencontre en la naïve peinture des vices et des vertus, qui ne manque jamais son effet quand elle est bien achevée et que les traits en sont si reconnaissables qu’on ne peut les confondre l’un dans l’autre ni prendre le vice pour la vertu.
Au deuxième chant du poème, quand les hérauts rassemblent devant les vaisseaux les armées des Grecs, Agamemnon surgit de leurs rangs, dans une grandeur souveraine, pareil au dieu du commandement.
Dans ses Mémoires, le chapitre par lequel il entame sa vie politique et qu’il intitule « De Bonaparte », débute également par une page qui va rejoindre la dernière invocation de ce poème des Martyrs : « La jeunesse est une chose charmante ; elle part au commencement de la vie, couronnée de fleurs, comme la flotte athénienne pour aller conquérir la Sicile… » Et le poète conclut que, quand la jeunesse est passée avec ses désirs et ses songes, il faut bien, en désespoir de cause, se rabattre à la terre et en venir à la triste réalité.
Quant à une restitution morale, le bon Flaubert s’illusionne, les sentiments de ses personnages sont les sentiments banaux et généraux de l’humanité, et non les sentiments d’une humanité particulièrement carthaginoise, et son Mathô n’est au fond qu’un ténor d’opéra dans un poème barbare.
La solidarité des élites « Mon rêve le plus cher est pour une internationalité de poèmes et de poètes, reliant les contrées de la terre plus étroitement que tous les traités et toute la diplomatie… » Walt Whitman.
Homère, Eschyle, Sophocle, Aristophane, Euripide, Pindare écrivent ou chantent leurs admirables poèmes. […] C’est à la fois un traité didactique et une sorte de poème, ce qui veut dire que c’est une suite d’observations critiques animées d’une flamme intense et, aussi, disposées dans un si bel ordre artistique que l’ensemble en est aussi beau et imposant que le détail en est lumineux et juste. […] Avais-je tort de dire qu’il y a là un livre de critique à la fois et un poème ? Faire d’un poète un poème, en effet, le traiter, l’ordonner, le distribuer comme une œuvre d’art ayant son unité, sa suite et son progrès, voilà la méthode. […] Il n’en sera pas de même, sans doute, dans un poème épique, un drame, une comédie, un discours philosophique en vers, une histoire, un traité philosophique, etc.
Toutes les traductions d’un poème dans toutes les langues possibles auront beau ajouter des nuances aux nuances et, par une espèce de retouche mutuelle, en se corrigeant l’une l’autre, donner une image de plus en plus fidèle du poème qu’elles traduisent, jamais elles ne rendront le sens intérieur de l’original. […] Pour choisir un exemple plus frappant, un cas où la notation est plus complètement symbolique, supposons qu’on me présente, mêlées au hasard, les lettres qui entrent dans la composition d’un poème que j’ignore. Si les lettres étaient des parties du poème, je pourrais tâcher de le reconstituer avec elles en essayant des divers arrangements possibles, comme fait l’enfant avec les pièces d’un jeu de patience. […] C’est pourquoi, si je connais le poème, je mets aussitôt chacune des lettres à la place qui lui revient et je les relie sans difficulté par un trait continu, tandis que l’opération inverse est impossible. […] Vous avez cherché la signification du poème dans la forme des lettres qui le composent, vous avez cru qu’en considérant un nombre croissant de lettres vous étreindriez enfin la signification qui fuit toujours, et en désespoir de cause, voyant qu’il ne servait à rien de chercher une partie du sens dans chacune des lettres, vous avez supposé qu’entre chaque lettre et la suivante se logeait le fragment cherché du sens mystérieux !
Qu’est-ce, pour Taine, qu’un tableau, une statue, un roman, un poème ? […] Qu’y a-t-il « sous les feuillets d’un poème moderne ? […] Jour par jour, au hasard de ses aventures, il a écrit le poème de l’élément instable. […] Seignobos signale, sans réserve aucune, aux tout jeunes gens ses lecteurs l’Amour, la Femme, Nos fils, « cette belle trilogie qui est à la fois un poème de mutuelle tendresse et un traité d’éducation ». […] C’est dans ces asiles d’étude et de rêverie qu’il souhaitait que l’on mît les portraits des écrivains, afin que les lettres pussent penser longuement devant l’image du poète en lisant le poème, ce qui « serait utile et fécond ».
Mais ce que ces émigrés rapportèrent chez nous, ce fut la connaissance de la langue anglaise, qu’en vingt ans de séjour ils avaient bien été obligés d’apprendre ; et dans leurs malles, les romans de Walter Scott et les poèmes de Byron. Sans Byron, sans l’espèce de révélation que furent pour nous ses poèmes, sans leur orgueil, leur désespérance, l’esprit d’insurrection morale dont ils sont pénétrés, sans Ossian aussi — allais-je oublier cette curieuse mystification de Macpherson, qu’on admira, que Napoléon lui-même admira à l’égal d’Homère, plus qu’Homère, et qui fit que même de nos jours il est encore des gens, dans notre pays, qui s’appellent Oscar ! […] On ne se trouve plus en présence d’un roman, mais pour ainsi dire d’une série de poèmes psychologiques en prose, d’une poésie entièrement subjective. […] Voyez Jean Giraudoux : facettes, images provoquées par association, le second terme de l’association étant omis — comme dans les poèmes de Rimbaud. […] Guillaume Apollinaire est peut-être pour quelque chose dans son talent, car Apollinaire a été un de ces inventeurs de style et de procédés littéraires inédits dont il fut parlé tout à l’heure. — Alors, dans Cocteau, des pitreries, des cocasseries ; puis, tout à coup, des poèmes d’une mélancolie, d’une exquise pureté classique dans la mélancolie, enfin du roman.
. — Sonnets et Poèmes, par M. […] Delphine y récitait un poème au milieu de l’enthousiasme de ses compatriotes et au grand ébahissement des Italiens, dont très naïvement on croyait avoir emprunté les usages. […] Il s’agit d’un volume de Sonnets et Poèmes, par M. […] Doré a peuplé l’enfer, il est difficile de se défendre de l’idée qu’il a été presque aussi préoccupé du souvenir de l’œuvre perdue de Michel-Ange que du poème qu’il illustrait. […] L’ouvrage est orné en tout de soixante-seize gravures, qui ne sont pas, comme on le pense bien, réparties d’une façon égale entre les chants dont se compose le poème.
On a dit d’Homère que, dans son poème, « il faisait autant de dieux des hommes qui étaient au siège de Troie15, et qu’en revanche il faisait à peine des hommes, de tous les dieux d’un Olympe créé par lui ». — Ces écrivains dont je parle, ils faisaient de nos plus grands hommes une proie ; ils faisaient de nos dieux une ironie ; ils bouleversaient toutes choses, du haut de cette tribune éclatante, élevée à leur génie. […] Bulwer fasse des comédies, soit qu’il écrive des tragédies, soit qu’il invente des romans…, ne vous adressez ni aux comédies, ni aux tragédies ni aux romans, ni aux poèmes, ni à l’esprit, ni au génie de M. […] Lui-même, le roi-soleil, le plus roi des rois, disait Leibnitz, en habit d’émeraudes et de perles, il lui fallait se défendre contre tant de jeunes gens, ses rivaux légitimes, chargés de représenter à ses côtés les héros du poème et les dieux de l’Olympe : Lycée, Yolas, Alceste, Télamon et le berger Endymion dans sa grotte du mont Lathmos.
C’est ainsi, pour n’en citer qu’un exemple, qu’il écrivait à Andrieux, au commencement de l’année 1806, — une date qui n’était pas trop ignoble toutefois et trop déshonorante : « Si, chemin faisant, dans vos lectures, dans vos souvenirs, par le bénéfice des occasions, vous pouviez m’indiquer un sujet de poème neuf, intéressant, pathétique, aimable, pastoral, patriarcal, sans héros, — je ne les aime point du tout, — vous me feriez, mon cher ami, un très grand plaisir.
Je ne saurais dire combien il en résulte, à mon sens, jusqu’au sein des plus grands talents, dans les plus beaux poèmes, dans les plus belles pages en prose, — oh !
Ailleurs, parlant du plaisir pieux que trouvait saint Louis à lire les Écritures, et comparant son respect pour les livres sacrés au respect d’Alexandre pour les poèmes d’Homère, il dit : Il les tenoit enclos comme un riche trésor Dans un coffre odorant de cèdre et de fin or : Il les vouloit nommer la fleur de ses délices L’aiguillon des vertus et la bride des vices.
A l’époque où La Fontaine composa ses premiers poèmes, l’usage était d’écrire chaque ouvrage en vers, petits ou grands, soit dans la même mesure, soit en strophes formées symétriquement de vers inégaux.
Trois poèmes, dont l’un contemporain d’Homère, l’avaient célébré. : la Thébaïs, l’OEdipodia et l’Alkmœonis.
» On récita un jour, devant Walter Scott vieillissant, un poème qui lui plut ; il demanda le nom de l’auteur : c’était un chant de son Pirate.
Voltaire a enterré le poème épique, le conte, le petit vers, la tragédie.
Philomela, le petit poème latin où sont cités tant de noms d’animaux, dit regulus : Regulus atque Merops et rubro pectore Progne.
La chute des âmes et leur retour à Dieu, ce fond commun du platonisme et du christianisme, ont inspiré les deux grands poèmes : Chute d’un ange et Jocelyn : Borné dans sa nature, infini dans ses vœux, L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux.
Il semble à vous ouïr parler que les règles de l’art soient les plus grands mystères du monde, et cependant ce ne sont que quelques observations aisées que le bon sens a faites sur ce qui peut ôter le plaisir que l’on prend à ces sortes de poèmes.
, p. 389-390 : poème qui raconte une soirée solitaire au Théâtre-Français : « Je vis que devant moi, se balançait gaiement / Sous une tresse noire un cou svelte et charmant ; / Et voyant cet ébène enchâssé dans l’ivoire, / Un vers d’André Chénier chanta dans ma mémoire, / Un vers presque inconnu, refrain inachevé, / frais comme le hasard, moins écrit que rêvé. »] 236.
Et ce sont des symphonies de feuillage, des rôles donnés aux brins d’herbe, des poèmes de clarté et de parfums.
Nous mettons à part Victor Hugo, qu’on ne saurait ranger dans la catégorie des romanciers proprement dits, à cause de cette espèce d’universalité littéraire qui lui permet de toucher au drame, à l’épopée, à l’ode, à l’élégie, à l’histoire, et de la nature des Misérables, qui sont un poème, une invective historique, un pamphlet politique, une thèse philosophique et sociale, aussi bien qu’un roman. […] Sainte-Beuve l’assure, ce roman est un poème, on peut dire que Fanny est le dernier chant d’un poème qui cherche à s’échanger contre un poème tout entier. Triste poème, il est vrai, que Roger ! […] Où donc est l’attrait du roman, où est le poème dont parle M. […] Jules Janin, qui trouve que les femmes peuvent lire sous la forme de poème ce qu’elles n’oseraient pas lire sous la forme du roman ?
C’est André Chénier enfermant sous clef ses poèmes, et, de la plume qui tout à l’heure traçait les vers, divins de l’Aveugle ou de la Jeune Tarentine, écrivant les courageux articles du Journal de Paris, contre « les bourreaux, barbouilleurs de lois ». […] Il l’a symbolisé dans un de ses plus curieux poèmes, Prométhée. […] Pareillement de l’Hamlet de Shakespeare et du Cid de Corneille, des Fables de La Fontaine et des poèmes de lord Byron, des romans de George Eliot et de ceux de Balzac, vous direz que ce sont de belles œuvres. […] Quand, à vingt et un ans, il publiait son Traité contre les Turcs, et à vingt-cinq son poème : le Véritable Anglais, qui donc eût prophétisé qu’à cinquante-six il donnerait à l’art du roman un de ses chefs-d’œuvre ? […] La largeur d’esprit d’un Goethe a-t-elle empêché qu’il ne se trompât sur la qualité respective des poèmes de Béranger et de Hugo ?
. — Dans son poème intitulé Religions et religion, Hugo expose d’abord éloquemment les objections faites à Dieu par la « philosophie de la négation » : — « Le monde, quel qu’il soit, c’est ce qui dans l’abîme N’a pas dû commencer et ne doit pas finir. […] Et Byron : « Tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. » — Même les poèmes des philosophes conscients et raisonnés, comme Sully-Prudhomme : — L’homme ne peut se résoudre à ne pas espérer (les Danaïdes) ; Les âmes délicates sont faciles à froisser (le Vase brisé) ; On serait heureux de retrouver dans une autre vie ceux qu’on a perdus (les Yeux) ; Les hommes travaillent l’un pour l’autre : il se faut entr’aider, c’est la loi de nature (le Rêvé) ; Les aéronautes sont des hommes courageux, qui se munissent de baromètres et qui font à leurs dépens des expériences de physique (le Zénith)192. — C’est un lieu commun aussi que de vivre, d’être homme : tous nous faisons tour à tour les mêmes réflexions ; cependant, pour chacun de nous, elles sont neuves, imprévues.
Poèmes de Provence. — 1878. […] Témoin la pièce suivante des Poèmes de Provence parus chez Charpentier, qu’à notre grand regret nous sommes obligé de morceler. […] C’est un poème biblique qui a pour personnages : Adam, Gad, Tubal, etc., et Caïn lui-même. […] Adam se met à la recherche de Caïn, et c’est là qu’est l’intérêt dramatique du beau poème de M. […] Il ne faut pas chercher à comparer cette œuvre dramatique au beau poème de Victor Hugo sur le même sujet ; le maître est le maître, mais un sentiment vrai appartient à tous, et cette pensée du pardon pour Caïn est aussi personnelle à M.
Sac au dos est un exercice de style dont l’auteur semble avoir entrepris d’écrire le savoureux poème de la peur, de la colique, de la crasse et de la diarrhée. […] le poème en bottes vernies et en gants clairs qu’avait rêvé le poète inquiet des Aveux. […] La faveur dont jouissaient les cuistres était si scandaleuse qu’un poète, irrité par le triomphe de ces pédants, ne put s’empêcher de les invectiver ainsi : « Engeance ridicule des grammairiens, rongeurs qui grignotez infatigablement ce que font les autres, chenilles de buissons, vous qui bavez sur les œuvres immortelles, vous qui souillez l’âme des enfants, allez-vous-en, punaises, par qui sont dévorés dans l’ombre les poèmes harmonieux ! […] On retrouve, dans ce nouveau poème, la grâce ingénieuse et touchante de Tobie et de Noël.
Toute cette partie du poème de M. de Lamartine, depuis l’entrée de Laurence dans la vallée, est véritablement une grande idylle, à prendre le sens exact du mot.
Aujourd’hui des légions et des flottes, et, ce qu’on avait vu plus rarement encore, les prétoriens et les soldats, gardiens de la ville, marchaient au combat. » II Selon l’admirable économie de ses récits, ordonnés comme des poèmes, Tacite profite de la lenteur d’Othon dans sa marche vers les Gaules pour reporter les regards de son lecteur vers une autre région de l’empire où se noue un autre drame militaire pour un troisième dénouement déjà prévu.
L’aspect de ces lignes harmonieuses dans le ciel d’Athènes, dont les profils et les contours forment ce qu’on appelle le beau dans l’architecture, — l’architecture, m’écriai-je, n’est qu’une géométrie animée : cette géométrie chante comme un poème ; ces lignes sont leur poésie ; la symétrie est l’équilibre des lignes.
Je dis un vrai misérable, parce que le titre du livre de Victor Hugo est faux, que ses personnages ne sont pas les misérables, mais les coupables et les paresseux, car presque personne n’y est innocent, et personne n’y travaille, dans cette société de voleurs, de débauchés, de fainéants, de filles de joie et de vagabonds ; c’est le poème des vices trop punis peut-être, et des châtiments les mieux mérités.
« Mais pourtant dans cette décadence certainement partielle et dans ce verbiage, surtout en certains sujets d’opéra, combien leur forme et leur manière viennent aux Italiens à propos, Bellini en donne la preuve dans la norma, sans contradiction une de ses compositions les plus réussies ; dans cette pièce où le poème même s’élève à la hauteur tragique des anciens grecs, cette forme que Bellini en même temps aussi relève et anoblit, rehausse le solennel et grandiose caractère du tout ; toutes les passions que son chant transfigure si singulièrement, reçoivent par cela même un fondement majestueux, sur lequel elles ne flottent pas vaguement, mais se forment en un grand et clair tableau qui, involontairement, rappelle les créations de Gluck et de Spontini.
Il y a tout un petit poème bien entendu comique dans ce conte.
Il répond en faisant, à sa façon, l’histoire de l’humanité depuis les premiers âges, un peu comme Lucrèce au Livre V de son poème, ou comme Buffon dans la Septième époque de la Nature, mais avec plus de développement et dans un autre esprit. Son Discours est, en somme, un poème, c’est le roman de l’humanité innocente, puis pervertie. […] Il faut le considérer comme une sorte de poème, comme une vision de nabi, de prophète en chambre, bien ordonnée et écrite en style didactique et tendu. […] Puis, en 1756, Rousseau avait un jour reçu le poème de Voltaire sur le Désastre de Lisbonne (la ville à moitié détruite en 1755 par un tremblement de terre et un incendie ; trente mille hommes écrasés ou brûlés). […] (Et pourtant, dans la Nouvelle Héloïse, il écrivait à la fois le poème et le traité du gouvernement domestique ; et cela supposait à la fois l’inégalité assez grande des fortunes et une sévère hiérarchie, et il en résultait un groupement naturel, économique et moral, qui formait évidemment une « société partielle », interposée entre l’individu et l’État.
Le baron de Creuz écrit un poème sur les tombeaux, où se montre toute la tristesse d’Young. […] Au début, dirai-je de ce poème ou de ce drame ? […] C’est ce que la trame du poème ne permet pas toujours de distinguer. […] Ils achetaient son portrait ; ils faisaient collection de ses moindres reliques ; ils apprenaient par cœur ses poèmes ; ils faisaient les plus grands efforts pour écrire comme lui et pour se donner les mêmes airs que lui. […] Dans le poème de Rolla (1833), Alfred de Musset, nous révèle ses tourments religieux.
La pièce de Corneille, Molière et Quinault n’a pas pu échapper à un inconvénient inhérent à la matière, qui est que le sujet de Psyché est impropre au théâtre et ne s’ajuste qu’au roman et au poème, la scène capitale ne pouvant guère être mise sur la scène. […] La comédie centrale, pour ainsi dire, la comédie essentielle, c’est la comédie qui se moque des défauts des honnêtes gens pour les mettre en garde contre les coquins qui exploitent ces défauts et qui ne peint les coquins que comme « instrument » du comique dirigé contre les honnêtes gens et pour que ceux-ci, s’il est possible, apprennent à se défier des coquins ; et donc les défauts des honnêtes gens sont bien « le sujet » du poème comique. […] Dès 1603, dans la Critique de l’École des femmes, il dit son fait à la tragédie et sans douceur : « Vous croyez donc, Monsieur Lysidas, dit Dorante, que tout l’esprit et toute la beauté sont dans les poèmes sérieux, et que les pièces comiques sont des niaiseries qui ne méritent aucune louange ? […] Il a absolument raison et c’est pour cela que les règles ne sont point pour le génie qui peut faire la faute et la compenser par une beauté, par une perfection qui vient de lui, qui peut par exemple n’avoir pas d’unité d’action dans son poème, ce qui, très certainement, est toujours dangereux, mais qui peut y avoir mis une autre unité (d’intérêt, d’impression, d’idée générale) qui fera que le spectateur ne fera aucune attention à celle qu’il a omise. […] Il dira au moment qu’il va lire un sonnet que cet ouvrage a passé pour avoir quelque délicatesse dans le salon d’une princesse, risquant de paraître incivil en ce qu’il n’a pas gardé les prémices de son poème pour le salon où il est, mais comptant sur le prestige que lui donne l’approbation princière, et disant aux bourgeoises femmes de lettres : « Ce sonnet a été loué chez une princesse » exactement comme le Marquis dit au Bourgeois gentilhomme : « J’ai parlé de vous dans la chambre du roi ».
Victor Hugo n’a jamais été plus poète que lorsqu’il a écrit en prose, et, si le titre d’épopée lui paraît trop ambitieux pour les œuvres qu’il a qualifiées de romans, qu’il les nomme des poèmes non rimés. C’est, en effet, un poème que Notre-Dame de Paris ; c’est aussi un poème que les Misérables, car le poète y domine l’observateur, et l’imagination la plus ardente ne cesse d’inspirer l’écrivain. […] Daudet ne sont pas des poèmes en prose, où règnent en souveraines maîtresses l’imagination et la fantaisie ; ce sont bien des romans inspirés par l’observation la plus exacte, composés selon les règles les plus judicieuses du genre, mais le plus souvent écrits par le poète. […] Comme on s’aperçoit aisément en lisant ce volume, qui est en réalité le poème des halles, que l’artiste s’est affranchi du joug de l’homme au système ! […] La Faute de l’abbé Mouret est tellement une œuvre d’art indépendante du point de départ scientifique d’abord adopté, puis oublié, que les amours de l’abbé Mouret et d’Albine dans les jardins du Paradou sont une espèce de poème en prose, imitation visible du séjour d’Adam et d’Ève dans le paradis terrestre.
Philoxène Boyer a eu du génie pendant six mois, c’est-à-dire tout le temps qu’a duré une fortune qu’il a servie à ses admirateurs temporaires avec l’insouciante prodigalité d’une généreuse nature d’artiste ; aujourd’hui, l’auteur du poème dialogué de Sapho n’est plus même compté parmi les poètes de la génération nouvelle. […] « des scories humanitaires » — Les poèmes d’Homère ? […] Romans et poèmes redevinrent une succursale du paradis.
N’est-il pas dit cent fois dans ce poème qu’elle est un appendice, une propriété de l’homme ; qu’elle a dans l’homme sa raison d’être ; qu’elle ne peut s’élever directement à Dieu, que l’homme seul a ce privilège : He for God only, she for God by him. […] [NdE] Orthographié poèmes.
Il trépigne et beugle : « C’est insensé… Peut-on vraiment… D’abord les Grecs sont indiscutables… Tout est divin chez eux. » Hourvari général pendant lequel Sainte-Beuve se signe avec une piété d’oratorien, en murmurant : « Mais, Messieurs, le chien d’Ulysse… » et que Gautier lance : « Homère, un poème de Bitaubé… oui, c’est Bitaubé qui l’a fait passer… Homère n’est pas ça. […] 22 mai Après dîner, en compagnie de Flaubert et de Bouilhet, — s’essayant à apprendre, à Mantes, le chinois, pour fabriquer un poème du Céleste Empire, — nous voici rue de Bondy, à l’entrée du boyau noir, encombré de blouses, au milieu desquelles s’ouvre la porte des coulisses de la Porte-Saint-Martin.
Voltaire reçut un jour d’un perruquier nommé maître André je ne sais quelle horrible élucubration, poème épique ou tragédie ; il lui répondit une grande lettre qui ne contenait que ces mots répétés à satiété : « Maître André, faites des perruques ; faites des perruques, maître André… » Mais, si l’on est contraint parfois de recourir au fer et au feu, comme un chirurgien, ce n’est que dans des cas très graves et presque désespérés, quand il s’agit d’œuvres malsaines et non viables. […] Il philosophe aussi volontiers sur un poème de M. […] Il pense malgré lui à la Pucelle de Chapelain, à ce malheureux poème dont Mlle de Bourbon disait en bâillant « qu’il était parfaitement beau ». […] « L’homme qui a fait de sa vie un poème de charité vaut mieux qu’Homère. » Honneur aussi à ceux qui s’efforcent de faire passer dans les faits leur idéal !
Quelques-uns de ses poèmes d’amour les plus touchants sont sortis d’une bouteille d’absinthe, comme les contes les plus sagaces et les plus logiques d’Edgar Poe sont sortis d’une bouteille d’eau-de-vie. […] Cet état d’esprit a été admirablement noté par le plus divin de nos poètes, peut-être, Stéphane Mallarmé, dans son court poème, Brise marine. […] Mais le poète ne partira pas, il le sait, et c’est pour rompre le réseau de sa mélancolie qu’il écrit son poème. […] Beaucoup de ces fragments sont, comme on le voit ici, de vers isolés, d’abord destinés au poème du Bonheur.
Les journées n’étaient pas rares pour lui où il pouvait écrire à son ami, après des pages toutes remplies d’effusions : « Je suis dans un jour où je vois tout idéalement et douloureusement, et enfin, s’il m’est possible de m’exprimer ainsi, lamartinement. » Faisant allusion à quelque projet de poème ou d’élégie, où il s’agissait de peindre un souvenir qui datait de l’âge de douze ans (ils en avaient seize), il écrivait à la date de juin 1832 : « Mais revenons au souvenir.
C’était le goût du temps ; M. de Malesherbes, si honnête et si grave, savait par cœur et récitait la Pucelle ; du plus sombre des Montagnards, Saint-Just, on a un poème aussi lubrique que celui de Voltaire, et le plus noble des Girondins, Mme Roland, a laissé des confessions aussi risquées, aussi détaillées que celles de Rousseau462 D’autre part, voici une seconde boîte, celle qui contient le vieux sel gaulois, je veux dire la plaisanterie et la raillerie.
Tandis que le poème héroïque s’évanouit pour plaire aux nobles dans la chevalerie carnavalesque des Vœux du Paon, il aboutit quand on s’adresse a la roture, à la chevalerie joviale de Baudouin de Sebourc, cette sorte de Du Gueselin vert-galant, à qui sa bravoure enragée contre la féodalité et la maltôte tient lieu de toutes vertus.
Député en 1870 à l’Assemblée nationale.Éditions : Traduction des Idées sur la philosophie de l’histoire de Herder, 1827, 3 vol. in-8 ; Ahasvérus, 1833, in-8 ; Napoléon, poème, 1836, in-8 ; Prométhée, 1838, in-8 ; Allemagne et Italie, 1839, 2 vol. in-8 ; Des Jésuites, 1853, in-18 (avec Michelet) ; Révolutions d’Italie, 1848, in-8 ; Œuvres complètes, in-8, 1857-1858, t.
Ce besoin d’acteurs pleins d’âme et de feu pour des peintures vivantes, trahit le penchant croissant du poète à chercher l’effet du poème dans le secours de ceux qui l’interprètent.
L’obscurité même de ses poèmes ajoute à leur grandeur l’étonnement de l’inconnu et le prestige du mystère.
A partir de 1668, La Fontaine entrelaça le travail des Fables et le travail des Contes, de telle manière que tantôt il paraissait un recueil de Contes et tantôt un recueil de Fables, et ceci jusqu’à la fin, ce qui lui a permis d’insérer dans les Fables un certain nombre de poèmes qui sont des Contes, qui ne sont pas autre chose que des Contes.
Ahasverus, on le sait, est un poème mystique en prose, où l’auteur a eu la prétention de retracer la vie religieuse de l’humanité symbolisée dans la légende du Juif errant. […] quelquefois le crime doit être tout un poème, je l’ai compris153. » Cette poésie du crime, M. de Balzac l’a incarnée dans un de ses personnages favoris, dans cet abominable Vautrin dont il a dessiné la hideuse figure avec tant d’amour, qui reparaît si obstinément dans plusieurs de ses longs romans, et où nous avons eu déjà occasion de signaler l’alliance du plus pur dévouement et de la plus profonde perversité. […] « En ce moment, Collin (c’est le même que Vautrin), devint un poème infernal où se peignirent tous les sentiments humains. — Le bagne… avec son épouvantable grandeur fut tout à coup représenté par cet homme. […] Ce livre étrange, terrible, moitié poème et moitié pamphlet, mystique en la forme et révolutionnaire au fond, provoquant, au nom de l’Évangile, au renversement des sociétés et des lois, c’était Les Paroles d’un Croyant, de M. de Lamennais.
Et ce n’est pas sans raison que cette maxime est invoquée par Horace à propos du drame : aux époques primitives, quand les hommes se contentaient pour la vie pratique du langage audible, l’épopée, poème purement audible, était aussi la seule poésie ; dès qu’on l’a pu, l’écriture idéographique et les arts du dessin furent inventés, puis, bientôt après, le drame, sorte d’épopée visible et vivante qui est au poème épique ce qu’un dessin explicatif est à la parole ; comme il répond à un besoin réel et spécial de l’âme humaine, le drame remplit mal sa mission si, par des récits trop longs et trop fréquents, il retourne aux formes de l’épopée279 ; telle est spécialement l’idée qu’Horace voulait exprimer ; mais sa maxime avait une portée plus haute : le drame sans action, comme l’écriture en train de devenir phonétique, est un mode d’expression détourné de son but et qui perd sa raison d’être originelle.
Il s’y délassa en faisant des vers, une traduction du poème de Richardet (Ricciardetto) de Fortiguerri, trente mille vers, disent ceux qui les ont comptés.
Quand Racine fils, plus tard, dans son Poème de la Religion, a fait de si tendres peintures des instincts et de la couyée des oiseaux, il se ressouvenait plus de Fénelon que des pures doctrines de Saint-Cyran.
Il a rendu surtout l’appel ardent, impérieux, désespéré à la fois et confiant, de l’âme pécheresse au Rédempteur : son Mystère de Jésus est un poème d’une grandiose et bizarre sublimité.
Chaque fois qu’un événement wagnérien a lieu, on s’aperçoit avec terreur, par l’examen des comptes-rendus, que les plus autorisés de nos critiques n’ont absolument rien compris à ce dont il était question, qu’ils ont lu les poèmes comme pourraient le faire des aveugles, et écouté la musique à la façon des sourds.
On sait quel rôle joua dans le polythéisme cette secte théurgique et mystagogique qu’on voit poindre vers le milieu du sixième siècle, obscure d’abord et latente, masquée du nom d’Orphée dont elle divulgue des hymnes et des poèmes apocryphes.
C’est là tout le motif de la ciselure, et ces deux feuilles, qui font tout le décor imaginé par l’artiste, composeraient également tout le libretto d’un poème de là-bas.
Ses poèmes naïfs ou sublimes, endormis dans nos bibliothèques, comme les statues mélancoliques qui rêvent depuis tant d’années aux portails de nos vieilles églises, sortirent de leur immobilité séculaire.
Le fond du poème, ce sont les épisodes, et ces épisodes sont du Rabelais, du bâton de Rabelais, empoigné par le bout… que personne ne prend.
Elle a donné naissance au poème héroï-comique, genre un peu usé, sans doute, mais dont on retrouve les restes chez tous ceux qui sont enclins à exagérer méthodiquement.
Ayant fait un poème latin sur les Grands Jours, il le justifiait en ces termes : « Ce poème a trois parties : la préparation, la narration, la conclusion. […] Non ; l’auteur finit par les croire réelles, il les voit vivre ; il leur parle, il entend leurs réponses ; le dialogue et le drame entrent de toutes parts dans l’histoire ; le cadre étroit de la narration est brisé ; les apostrophes, les exclamations, tous les mouvements de l’inspiration, le dithyrambe, les malédictions, les confidences personnelles, les exhortations, arrivent en foule ; l’histoire devient un poème. […] Il serait curieux de démêler le chevalier vrai sous le chevalier des poèmes. […] « Je ne pus me contenir de lui dire à l’oreille que je ne serais point heureux avec une autre qu’avec sa fille. » On lui oppose de nouvelles difficultés ; à l’instant un poème d’arguments, de réfutations, d’expédients, pousse et végète dans sa tête ; il étourdit le duc « de la force de son raisonnement et de sa prodigieuse ardeur » ; c’est à peine si enfin, vaincu par l’impossible, il se déprend de son idée fixe. […] On aperçoit dès l’abord ce manque d’attention passionnée et profonde dans la clarté des longues épopées prosaïques, dans l’abondance des poèmes didactiques et des froides allégories, dans la popularité des fabliaux malins, dans la modération éternelle du style, dans la perfection subite de la prose.
Il n’y a que l’embarras du choix, et cent devises de néant (dont chacune pourrait servir d’épigraphe à un chapitre du présent ouvrage) résument cent années de discours, discussions, palabres, poèmes, romans, journaux, critiques et considérations philosophiques, dont le fatras remplirait dix bibliothèques de la contenance de celle d’Alexandrie. […] Il est d’ailleurs une expérience que je vous recommande : lisez à la suite, une page de Chateaubriand, choisie parmi les meilleures (Mémoires d’Outre-Tombe), une de Bossuet dans les mêmes conditions (Histoire universelle), puis un poème de Ronsard, parmi les célèbres, et un de Hugo (idem), puis une page d’Amyot et une de Michelet, et vous saisirez la différence, que j’essaye de qualifier ici, entre ce que j’appelle la littérature de sincérité et cette littérature d’attitudes, qui est la littérature romantique, et qui a submergé le XIXe siècle. […] Cette soudaineté initiale, quasi explosive, qui offre plus d’une analogie avec la fécondation sexuelle, assure l’unité du roman, de l’ouvrage de critique, du drame ou du poème. […] C’est lui qui se pâme aux Poèmes barbares de Leconte de Lisle, ou chose pire, aux luisants et vides Trophées de Hérédia, plus tard aux hideux exercices mécaniques d’Henri de Régnier, lesquels sont à la poésie véritable, ce que le pianola est à la musique et la gymnastique rationnalle aux mouvements naturels de l’être humain. […] La charge, que bat le petit tambour d’Arcole (célébré par Mistral dans un poème resplendissant comme une matinée de printemps rue Soufflot), est ainsi, en effet, la plus gigantesque « charge » (au sens rapin du mot) qui ait été montée au peuple français.
XVII À l’époque où madame Récamier le connut et lui permit de l’aimer, il avait déjà écrit une espèce de poème en prose, Antigone, sorte de Séthos ou de Télémaque dans le style de M. de Chateaubriand ; on parlait de lui à voix basse comme d’un génie inconnu et mystérieux qui couvait quelque grand dessein dans sa pensée ; il couvait, en effet, de beaux rêves, des rêves de Platon chrétien, rêves qui ne devaient jamais prendre assez de corps pour former des réalités ou pour organiser des doctrines.
Ce n’est pas dans la vieille littérature prophétique qu’il faut classer ce livre, mais bien en tête de la littérature apocalyptique, comme premier modèle d’un genre de composition où devaient prendre place après lui les divers poèmes sibyllins, le Livre d’Hénoch, l’Apocalypse de Jean, l’Ascension d’Isaïe, le quatrième livre d’Esdras.
Ce ton, d’un pathétique élevé, sera toujours nécessaire dans les poèmes de notre époque classique.
Et dans l’harmonie transparente et envolée, dans ce poème du blanc frileux et du blanc tiède, au premier plan, rien que la noire tache d’un plateau de laque, sur laquelle pose une tasse de Chine bleue.
C’est alors que Karamsin écrit, d’une main encore novice, l’histoire nationale de la Russie ; que Pouschkine ou Lamanof chantent leurs poèmes, auxquels il ne manque que l’originalité ; c’est alors, enfin, que des écrivains à formes moins prétentieuses, comme Ivan Tourgueneff, dont nous nous occupons en ce moment, écrivent avec une originalité à la fois savante et naïve ces romans ou ces nouvelles, poèmes épiques des salons, où les mœurs de leur nation sont représentées avec l’étrangeté de leur origine, la poésie des steppes et la grâce de la jeunesse des peuples.
Aussi chez les maniaques il y a parfois une exaltation extrême de la mémoire ; ils peuvent réciter de longs poèmes, depuis longtemps oubliés. […] Coleridge compose un poème, mais il ne résout pas des problèmes d’algèbre ; Tartini achève sa sonate, mais il n’invente pas une combinaison financière.
Je donnerais un long poème Pour un cri du cœur que j’entends.
Boileau, quoique copiste d’Horace, a traité le même sujet dans son Art poétique avec une grande supériorité sur le poète romain, bien que Boileau fût infiniment moins poète que l’ami de Mécène ; mais Horace ne prétendait qu’à faire une ébauche, Boileau faisait un poème.
Fénelon n’en approche pas, quoiqu’il en enrichisse son style ; c’est le poème entier de la création, une symphonie d’Haydn en prose latine, un hymne d’Orphée dans la bouche d’un orateur.