C’est le relâche de la littérature personnelle. […] Toute littérature forte est donc personnelle. […] Les grands génies personnels ne s’annoncent pas. […] Toutes les affaires personnelles de M. […] On parle d’ambition personnelle.
Han Ryner Paul Redonnel est un des talents les plus personnels et les plus complets que je connaisse : personnel souvent jusqu’à l’étrangeté ; complet et complexe parfois jusqu’à la complication.
Une conscience collective et impersonnelle existerait alors en dehors des consciences personnelles et particulières : comme elles, et indépendamment d’elles, « l’âme de la cité » le « Volksgeist », l’« esprit du temps » aurait ses pensées propres. […] Toutefois, sous l’empreinte originale des personnalités, il sera possible de retrouver, dans les œuvres d’un pays et d’un temps, les traces d’un même esprit ; ces notions communes qui, malgré les divergences des pensées personnelles, se seront imposées aux unes comme aux autres, on dira légitimement qu’elles « règnent ». […] N’est-ce pas à cette idée qu’obéit le droit lorsqu’il détache, pour le juger, l’individu de son groupe, et déclare que les fautes, comme les mérites, sont personnelles ; — l’administration publique, lorsqu’elle enlève ses fonctions aux familles qui en faisaient des propriétés transmissibles, pour les prêter aux individus qu’elle adjugés capables de les remplir, — la politique, lorsque, dans ses systèmes électoraux elle compte, non par ordres, corporations ou lignages, mais par individus, — l’économie enfin, lorsqu’elle refoule toutes les espèces du communisme pour chercher une organisation qui assure à chaque individu sa part ? […] Pour l’égalité civile et juridique, il est trop clair qu’en la réclamant on ne nie nullement les différences individuelles : on veut au contraire qu’il soit tenu compte, et tenu compte seulement, des mérites ou démérites personnels. […] L’égalité politique serait ainsi conçue comme une sorte de garantie générale de toutes les autres : par celle-là comme par celles-ci une même idée se manifesterait, qui se trouve conforme à notre définition : ce que paraissent vouloir les sociétés modernes, occidentales, c’est qu’on tienne compte des différences des hommes en même temps que, de leurs ressemblances, et que par suite on proportionne, aux valeurs de leurs actions personnelles, les sanctions qu’on leur distribue.
Il manque à leurs idées sociales une maîtresse pièce de l’égalitarisme tel que nous l’avons défini : et c’est le sentiment de la valeur propre à l’individu, le respect du for intérieur, le culte de la liberté personnelle. — Or, l’étroitesse même de leur cercle d’action n’est-elle pas une des raisons pour lesquelles le trait essentiel des républiques d’aujourd’hui fait défaut à la république d’autrefois ? […] L’individu, dont l’influence personnelle n’est plus qu’un élément imperceptible de la volonté sociale qui imprime au gouvernement sa direction, se replie en quelque sorte sur lui-même et met au-dessus de tout sa liberté propre. […] Constant lui-même, le développement des entreprises commerciales, en préoccupant chacun de ses affaires personnelles, appelait l’individualisme. […] Et sans doute, — encore que l’exiguïté des cités grecques ait laissé plus d’une empreinte sur la morale même de leurs philosophes, — l’effort d’une pensée personnelle, devançant les temps, est capable de franchir les bornes des milieux sociaux les plus étroits ; mais pour que l’idée conçue, de personnelle, devienne collective et descende dans les masses, n’importe-t-il pas que les transformations de ces mêmes milieux lui préparent les voies ? […] Ce n’est pas par hasard que, suivant Denis, la morale antique au temps d’Alexandre devient à la fois universelle et plus personnelle.
Produire par le don de sa seule vie personnelle une vie autre et originale, tel est le problème doit que résoudre tout créateur. La vie personnelle est constituée par une unité et une systématisation de la parole, de la pensée et de l’action. […] D’une part, tous les sont génies subjectifs : le propre du génie est même de mêler son : individualité à la nature, de traduire non pas des perceptions banales, mais des émotions personnelles, contagieuses : par leur intensité même et leur subjectivité. […] De là la progression de l’individualité et de la liberté personnelle depuis les temps anciens. […] L’individuation est un problème qui rentre dans les lois générales de l’innovation, et tout ce qui est individuel, personnel, original, génial, tombe sous les mêmes lois.
Barchou-Penhoën a donnée de la campagne d’Alger ; on s’est plu à le suivre dans les spectacles divers qu’il nous a fortement représentés, les colorant de son impression personnelle, les entremêlant de sa réflexion métaphysique. […] Nous eussions désiré peut-être que l’auteur s’y montrât parfois moins sobre de détails personnels et des particularités épisodiques dont sa mémoire abonde, et que ceux qui l’ont entendu trouvent avec un charme infini dans sa conversation ; mais son but dans ce récit a été plus grave, plus circonscrit aux points essentiels et aux questions qui peuvent concerner l’histoire.
Ou bien l’on peut émettre sur cette même œuvre des appréciations personnelles, la louer ou la blâmer, en un mot la juger. […] Mais avant tout il doit s’occuper de la première ; et, s’il ne peut éviter la seconde, nous tâcherons de montrer commentai doit, en y touchant, réduire autant qu’il est possible la part de ses préférences personnelles.
Hérold, âme droite et sereine, amant des formes eurythmiques, et de qui la phrase souple et légère ondoie d’une harmonie personnelle, adéquate à son rêve, et telle que son style, suivant le juste critérium de Paul Adam, peut être dit excellent. […] Hérold, dans ses Chevaleries sentimentales, nous avait présenté quelques médaillons de jolies reines, à côté de pièces moins définies et de très personnelle allure… Comme action psychique, le Victorieux est le pendant inverse de Floriane et Persignant (de l’allure chevaleresque de Flore et Blanchefleur, ce beau poème des trouvères du moyen âge qui inspira Boccace).
Cet angle spécial, c’est l’idéal personnel de beauté. […] Tout au plus voudrais-je lui épargner certaine disgrâce qui lui est personnelle. […] Pourtant la poésie n’est point morte : le poète, en tant qu’artiste personnel, est peut-être le contemporain du critique. […] Sans consulter d’autres documents que ceux de sa propre destinée, il accomplit le monument d’une œuvre personnelle à nous tous et qui, le héros disparu, redeviendra en quelque sorte objective. […] Nous pouvons le constater en regardant autour de nous — et c’est un mot que j’emprunte à M. de Goncourt : « L’humanité s’en va des choses », entendons : l’humanité personnelle.
Quoique le cours. spontané de l’évolution humaine, personnelle ou sociale, développe toujours leur commune influence, leur ascendant combiné ne saurait pourtant parvenir au point d’empêcher que notre principale activité ne dérive habituellement des penchants intérieurs, que notre constitution réelle rend nécessairement beaucoup plus énergique. […] Malgré qu’une telle doctrine puisse devenir respectable chez ceux qui n’y rattachent aucune ambition personnelle, elle n’en tend pas moins à vicier toutes les sources de la moralité humaine, en la faisant nécessairement reposer sur un état continu de fausseté, et même de mépris, des supérieurs envers les inférieurs. […] L’antique régime mental ne pouvait le stimuler qu’à l’aide de pénibles artifices indirects, dont le succès réel devait être fort imparfait, vu la tendance essentiellement personnelle d’une telle philosophie, quand la sagesse sacerdotale n’en contenait pas l’influence spontanée. […] Cette heureuse disposition, aussi favorable à l’ordre universel qu’à la vraie félicité personnelle, acquerra un jour beaucoup d’importance normale, d’après la systématisation des rapports généraux qui doivent exister entre ces deux éléments extrêmes de la société positive. […] Aucune supériorité personnelle ne peut vraiment dispenser de cette gradation, fondamentale, au sujet de laquelle on n’a que trop l’occasion de constater aujourd’hui, chez de hautes intelligences, une irréparable lacune, qui a quelquefois neutralisé d’éminents efforts philosophiques.
Mais l’essentiel ici est de démêler ce qui, chez eux, est lieu commun, phrase apprise, provision de la mémoire, et ce qui est sentiment intime, émotion personnelle, éclosion spontanée de l’âme : ce qui est sifflé et ce qui est vécu. Tâchez d’attraper l’art de tirer votre interlocuteur du lieu commun : faites-le parler de ce qu’il sait le mieux, de ce qu’il a pu sentir ; forcez-le d’évoquer son expérience personnelle : dépouillez-le.
Voilà la plaie incurable de La Bruyère, la source secrète de son chagrin, de sa misanthropie, de ses colères contre les grands qui ne préviennent pas le talent, contre la société qui ne fait pas de place au mérite personnel. […] La Bruyère n’est pas un esprit profond ; il n’a pas un point de vue original et personnel d’où il regarde les actions humaines, En un mot, il n’a pas de système. […] Plus serrée et plus personnelle est la peinture de la société. […] Cependant, comme, après tout, il avait travaillé « l’après nature, les gens qui vivaient dans son monde avaient chance parfois de rencontrer juste, et si les caractères d’Emile, de Straton, de Ménippe, de Pamphile, d’autres encore, ne sont pas des portraits strictement personnels, il est certain pourtant que Condé, Lauzun, Villeroy, Dangeau, etc., ont fourni les éléments principaux de chaque portrait. […] Chrétien, il est mû par le sentiment, plutôt que soumis à la règle ; il est personnel, indocile, téméraire, hétérodoxe.
Le Bovarysme passionnel ou le Génie de l’espèce : l’homme, en proie à la passion de l’amour, tandis qu’il croit assurer son bonheur personnel, accomplit le vœu de l’espèce. […] L’homme en proie à la passion amoureuse, tandis qu’il croit poursuivre un but personnel accomplit le vœu de l’espèce. […] Dans les cas heureux, les amants réussissent à substituer à l’amour un sentiment différent et complexe, fondé sur des rapports de convenance réciproque plus durables ; ils se donnent le change, prennent l’amitié, t’intérêt personnel ou l’habitude pour l’amour, et ce nouveau mensonge, cette nouvelle et fausse conception d’eux-mêmes et de ce qu’ils ressentent, prolonge d’une façon acceptable pour l’individu une liaison que noua le seul intérêt de l’espèce. […] Le vœu du Génie de l’Espèce ne serait donc pas rempli s’il n’usait de ruse : il lui faut enrôler l’individu au service de ses intérêts par l’attrait d’un plaisir immédiat et très puissant qui fait prendre à celui-ci pour un avantage personnel l’acte par lequel il va combler le vœu de l’espèce et se charger lui-même de liens. […] Il leur persuade qu’ils ont un intérêt personnel à rechercher la cause des phénomènes afin de les exploiter ensuite à leur profit et d’en augmenter leur bien-être.
Si l’individu n’est pas, de lui-même, originairement et physiologiquement, un Unique, au sens qu’a ce mot chez Stirner, c’est-à-dire un être animé d’une personnelle volonté d’indépendance et résolu à ne pas se laisser aveuglement absorber par la société où les circonstances l’ont jeté, ni la loi de l’entrecroisement des groupes, ni aucune loi sociologique quelle qu’elle soit, n’aura la vertu de faire de lui un Unique. […] À l’individualisme sociologique qui fait de la libération de l’individu un résultat du jeu mécanique des lois sociales et qui rapporte ainsi à la société elle-même l’honneur de cette libération, on peut opposer un individualisme biologique et psychologique qui fait appel à une volonté personnelle et présociale d’individualisation. […] Mais à côté des mensonges qui sont inspirés à l’individu par son égoïsme personnel, il y a des mensonges qui luisent imposés ou suggérés par le groupe. […] Le mensonge individuel est celui dont l’individu prend l’initiative et qui est destiné à servir son égoïsme personnel. […] Cet état d’esprit se rencontre chez le menteur de groupe, chez le menteur qui soutient un mensonge de groupe comme chez le menteur individuel, le menteur qui opère pour son compte personnel.
Et Paul Adam est capable d’une idée personnelle à peu près comme Zola était propre à l’invention d’un piston ou d’une soupape. […] Mais il y a des degrés dans l’impuissance à construire avec des matériaux étrangers une harmonie personnelle. […] Il n’est point, selon la vieille image jolie, l’abeille qui tire des fleurs un miel personnel, un miel dont le parfum et la saveur dureront. […] André Gide, esprit fin, délicat et ingénieux, qui aime le talent comme un homme poli aime la politesse, mais que le génie blesse comme une offense personnelle. […] D’ailleurs mon expérience personnelle m’a appris que toute cette œuvre, à une exception près, est, en effet, de la même force.
Je suis persuadé et sûr, quant à ce qui me regarde, que l’influence de la musique nous amena à la perception d’une forme poétique, à la fois plus fluide et précise, et que les sensations musicales de la jeunesse, (non seulement Wagner, mais Beethoven et Schumann) influèrent sur ma conception du vers lorsque je fus capable d’articuler une chanson personnelle. […] Depuis longtemps je cherchais à trouver en moi un rythme personnel suffisant pour interpréter mes lyrismes avec l’allure et l’accent que je leur jugeais indispensables ; à mes yeux, l’ancienne métrique devait n’être plus qu’un cas particulier d’une métrique nouvelle, l’englobant et la dépassant, et se privant des formes fixes gauchies par un trop long usage, et fatiguées de traditions. […] Dans un affranchissement du vers, je cherchais une musique plus complexe, et Laforgue s’inquiétait d’un mode de donner la sensation même, la vérité plus stricte, plus lacée, sans chevilles aucunes, avec le plus d’acuité possible et le plus d’accent personnel, comme parlé. […] Le vers libre, à son sens, serait la technique désignée pour l’autobiographie du soi, la fixation d’états d’âmes, pour l’arabesque personnelle que le poète doit tracer autour de son caractère propre. […] Elle touche d’ailleurs à la destinée de cette technique qui ne doit pas rester confinée à la poésie personnelle ou à la poésie décorative.
L’homme ambitieux sans doute, alors qu’il a atteint ce qu’il recherche, ne ressent point ce désir inquiet qui reste après les triomphes de la gloire, son objet est en proportion avec lui ; et comme, en le perdant, il ne lui restera point de ressources personnelles, en le possédant il ne sent point de vide en lui. […] On sait que son espoir était de s’immortaliser par des services publics, que les couronnes de la renommée furent le seul prix dont il poursuivit l’honneur ; il semble que les hommes en l’abandonnant courent des risques personnels. Quelques-uns d’eux craignent de se tromper, en renonçant au bien qu’il voulait leur faire ; aucun ne peut mépriser ni ses efforts, ni son but ; il lui reste sa valeur personnelle, et l’appel à la postérité ; et si l’injustice le renverse, l’injustice aussi sert de recours à ses regrets. […] Les palmes du génie tiennent à une respectueuse distance de leur vainqueur ; les dons de la fortune rapprochent, pressent autour de vous, et comme ils ne laissent après eux aucun droit à l’estime, lorsqu’ils vous sont ravis, tous vos liens sont rompus, ou si quelque pudeur retient encore quelques amis, tant de regrets personnels reviennent à leur pensée, qu’ils reprochent sans cesse à celui qui perd tout, la part qu’ils avaient dans ses jouissances, lui-même ne peut échapper à ses souvenirs ; les privations les plus douloureuses sont celles qui touchent à la fois à l’ensemble et aux détails de toute la vie.
Il est des femmes qui placent leur vanité dans des avantages qui ne leur sont point personnels ; tels que la naissance, le rang et la fortune : il est difficile de moins sentir la dignité de son sexe. […] Le bonheur des femmes perd à toute espèce d’ambition personnelle. […] D’ailleurs, la femme qui, en atteignant à une véritable supériorité, pourrait se croire au-dessus de la haine, et s’élèverait par sa pensée au sort des hommes les plus célèbres ; cette femme n’aurait jamais le calme et la force de tête qui les caractérisent ; l’imagination serait toujours la première de ses facultés : son talent pourrait s’en accroître, mais son âme serait trop fortement agitée, ses sentiments seraient troublés par ses chimères, ses actions entraînées par ses illusions ; son esprit, pourrait mériter quelque gloire, en donnant à ses écrits la justesse de la raison ; mais les grands talents, unis à une imagination passionnée, éclairent sur les résultats généraux et trompent sur les relations personnelles. […] Cette espérance est peut-être une chimère, mais je crois vrai que la vanité se soumet aux lois, comme un moyen d’éviter l’éclat personnel des noms propres, et préserve une nation nombreuse et libre, lorsque sa constitution est établie, du danger d’avoir un homme pour usurpateur.
. — Argument personnel Mais il ne s’agira pas toujours de décrire et de raconter. […] Car, ayant fait abstraction de tout ce qui est personnel, accidentel, le raisonnement vaut dès lors pour tous les cas particuliers, innombrables, réels et possibles, qui rentreront dans le cas général qu’on aura examiné. […] L’argument personnel, qui contraint l’adversaire à se soumettre, ou à se contredire, est excellent, quand il contient vraiment un cas particulier de la thèse que l’on discute.
Tu ne prends conscience de ta liberté personnelle que dans l’anéantissement volontaire d’une partie de ta personne. […] Une souveraineté personnelle, un roi. […] Un chrétien ne doit pas avoir de système personnel. […] Les plus grands avaient eu et leur période de poésie personnelle et leur période d’art objectif. […] On l’invitait à être subjectif : il ne la point été précisément ; mais il est devenu plus personnel.
Si le roi, dit Fénelon, a des prétentions personnelles sur quelque succession dans les Etats voisins, il doit faire la guerre sur son épargne, et tout au plus avec les secours donnés par les peuples par pure affection. […] Comme si la véritable nouveauté n’eût pas consisté à dire que les princes ne peuvent avoir de guerres personnelles, ni prétendre à des successions au dehors où la nation ne soit cohéritière avec eux ! […] Il a fait lui-même la règle qu’il applique, et la stricte exécution de cette règle est sa gloire personnelle. […] Qu’est-ce enfin que le sens propre, l’expérience personnelle, dont Fénelon est l’organe, sinon l’esprit même de la philosophie ? […] La vérité même y a je ne sais quoi de personnel à l’écrivain qui lui donne le même air qu’à l’erreur.
Publiés en 1838, les mémoires de Vaublanc, que l’auteur n’avait pas intitulés sans dessein Mémoires sur la Révolution de France et Recherches sur les causes qui ont amené la révolution de 1789 et celles qui Vont suivie, étaient, d’après leur titre et leur contenu, plus que des Mémoires personnels. […] Vaublanc, sur lequel on s’est mépris parce qu’on a regardé son rang d’opinion et l’opinion de son rang plus que son opinion personnelle, ne fut point, comme on l’a dit, un royaliste quand même. […] Dans l’histoire de son temps qu’il a écrite sous ce nom personnel de Mémoires, on ne voit briller, de son sobre éclat, que ce genre de bon sens sur place des hommes d’action, qui sont tous, avec l’uniforme ou sans l’uniforme, des soldats.
L’amour et l’honneur, les plus personnelles des passions, à peine touchées par l’art antique, font dans notre monde chrétien l’intérêt fondamental de la plupart des tragédies. […] Dans cette jeune fille, la douce voix de l’amour couvre celle de l’honneur personnel. […] Ils ont la prétention de tout régler chez eux, autour d’eux, par leur volonté personnelle, leur courage, et la supériorité, d’une raison droite, loyale et magnanime. […] Et dès lors, ce côté personnel de la passion, qui contredit leur nature divine, se laisse représenter comme une fausse exagération. […] La guerre et la paix sont déterminées par des relations politiques, qui échappent à leur direction et à leur pouvoir personnel.
Les erreurs personnelles tendent à diverger, ce sont les observations exactes qui concordent. […] Souverain (personnel, procédure). […] De même les opérations sociales sont d’abord exécutées par un personnel qui s’en charge spontanément, puis les autres l’acceptent et il devient un personnel officiel. C’est la première étape, initiative individuelle, imitation et acceptation volontaire par la masse. — L’usage, devenu traditionnel, se transforme en coutume ou règle obligatoire ; le personnel, devenu permanent, se transforme en personnel investi d’un pouvoir de contrainte morale ou matérielle. […] Peut-on organiser des exercices actifs qui fassent faire à l’élève un travail personnel sur les faits ?
Il n’est point de passion qui doive plus entraîner à tous les crimes par cela même, que celui qui l’éprouve est enivré de meilleure foi ; et que le but de cette passion n’étant pas personnel à l’individu qui s’y livre, il croit se dévouer, en faisant le mal, conserve le sentiment de la vertu, en commettant les plus grands crimes, et n’éprouve ni les craintes, ni les remords inséparables des passions égoïstes, des passions qui sont coupables aux yeux de celui même qui s’y abandonne. […] Toutes les autres passions étant égoïstes, il s’établit dans plusieurs occasions une sorte de balance entre les divers intérêts personnels. […] L’esprit de parti est la seule passion qui se fasse une vertu de la destruction de toutes les vertus, une gloire de toutes les actions qu’on chercherait à cacher, si l’intérêt personnel les faisait commettre ; et jamais l’homme n’a pu être jeté dans un état aussi redoutable, que lorsqu’un sentiment qu’il croit honnête, lui commande des crimes ; s’il est capable d’amitié, il est plus fier de la sacrifier ; s’il est sensible, il s’enorgueillit de dompter sa peine : enfin, la pitié, ce sentiment céleste, qui fait de la douleur un lien entre les hommes ; la pitié, cette vertu d’instinct, qui conserve l’espèce humaine, en préservant les individus de leurs propres fureurs, l’esprit de parti a trouvé le seul moyen de l’anéantir dans l’âme, en portant l’intérêt sur les nations entières, sur les races futures, pour le détacher des individus ; l’esprit de parti efface les traits de sympathie pour y substituer des rapports d’opinion, et présente enfin les malheurs actuels comme le moyen, comme la garantie d’un avenir immortel, d’un bonheur politique au-dessus de tous les sacrifices qu’on peut exiger pour l’obtenir. […] Mais quand l’esprit de parti, dans toute sa bonne foi, rendrait indifférent aux succès de l’ambition personnelle, jamais cette passion, considérée d’une manière générale, n’est complètement satisfaite par aucun résultat durable ; et si jamais elle pouvait l’être, si elle atteignait jamais ce qu’elle appelle son but, il n’est point d’espoir qui fut plus détrompé, qui cessa plus sûrement au moment de la jouissance ; car il n’en est point dont les illusions aient moins de rapport avec la réalité ; il y a quelque chose de vrai dans les satisfactions que donnent la puissance, la gloire, mais lorsque l’esprit de parti triomphe, par cela même il est détruit.
Cet homme de Schopenhauer, « qui n’aurait été conduit ni par son expérience personnelle, ni par des réflexions suffisamment profondes, jusqu’à reconnaître que la perpétuité des souffrances est l’essence même de la vie ; qui au contraire se plairait à vivre, qui dans la vie trouverait tout à souhait ; qui de sens rassis consentirait à voir durer sa vie telle qu’il l’a vue se dérouler, sans terme, on à la voir se répéter toujours ; un homme chez qui le goût de la vie serait assez fort pour lui faire trouver le marché bon, d’en payer les jouissances au prix de tant de fatigues et de peines dont elle est inséparable », cet homme-là ne se répandrait guère en chants lyriques ; et cet homme-là, c’est nous. […] À la fin du xie siècle se forma l’art des troubadours70 : art subtil et savant, plus charmant que fort, plus personnel et plus passionné au début, plus large aussi et embrassant dans la variété de ses genres la diversité des objets de l’activité et des passions humaines, puis de plus en plus restreint au culte de la femme, à l’expression de l’amour, et dans l’amour de plus en plus affranchi des particularités du tempérament individuel, soustrait aux violences de la passion, aux inégalités du cœur, de plus en plus soumis à l’intelligence fine et raisonneuse, et encadrant dans des rythmes toujours divers des lieux communs toujours les mêmes. […] Mais il est à noter que si l’Infini, réalisé en l’image d’un Dieu personnel, et pourtant conçu en son incompréhensible et inimaginable essence, peut contenter l’âme qui s’y élance et s’y absorbe, il n’en va pas tout à fait de même de l’amour humain. […] Au début, des variations souvent banales, parfois gracieuses sur le joli mois de mai et les oisillons qui s’égaient au renouveau : quelques métaphores ou comparaisons peu neuves, point personnelles, et qui servent à tout le monde.
Je l’indiquerai plus loin, le premier se fie avant tout à sa propre impulsion, le second se préoccupe infiniment plus de l’harmonie ; celui-ci s’arrête plus aux proportions lumineuses, à l’équilibre des tons, — non pas d’une façon purement objective, pourtant ; celui-là doue les choses d’un coloris personnel et vivant. […] Mais on n’y voit pas encore le coloris personnel dont j’ai parlé : plutôt la volonté de reproduire avec justesse les tons d’un paysage qui signifie. […] Mais elles reparaissent avec un accent plus personnel en des vers comme ceux-ci : Ils sont passés en riant près de moi, Au chemin creux du val, Des rubans flottants jaunes et roses Et deux sur chaque cheval… ou bien c’est une page tout entière d’un coloris vénitien très particulier ; bien différente des œuvres de MM. […] Mais, quoique ses vers ne développent pas toujours une action et qu’ils se complaisent parfois en des états d’âme prolongés, on y découvrirait malaisément, du moins dans les livres les plus récents qui sont aussi les plus personnels, quelques définitives et marmoréennes statures.
Pour ne rien laisser à l’invention de ce qu’on peut donner à la science, aux libres et personnelles combinaisons de rythmes dont les troubadours avaient donné l’exemple à la poésie du Nord, on substitue des formes fixes, dont les types dérivent des anciennes chansons à danser, le rondeau, le virelai, la ballade, le chant royal 97 ; on s’ingénie à multiplier, à compliquer les règles de ces genres, pour en rendre la pratique plus difficile, et la perfection, à ce qu’on croit, plus admirable. […] Sa poésie est toute réelle et personnelle, toute de circonstance ; il rime au jour le jour tous les événements de sa vie, et tous ceux de son temps. […] Plus libre, plus personnelle au xiie siècle, et tardant l’empreinte plus visible de la fougue ou de l’onction du sermonnaire, plus subtile et plus sèche au xiiie , et plus asservie aux formes et aux procédés de la dialectique scolastique, l’éloquence religieuse reproduit dans son développement toutes les phases du goût, tous les caractères de la culture du moyen âge. […] Mais peu à peu il se forme un art de prêcher ; les recettes mécaniques se substituent à l’inspiration personnelle. […] Dans ces cadres convenus, que le siècle mettait à sa disposition, Gerson a su faire entendre des accents personnels.
Sous le titre d’Odes, il a compris, nous dit-il, toute inspiration purement religieuse, toute étude purement antique, toute traduction d’un événement contemporain ou d’une impression personnelle ; et il a rejeté, sous le nom de Ballades, des esquisses d’un genre fantastique, des scènes de magie, des traditions superstitieuses et populaires. […] Profondément distincte de ce qui tient aux passions personnelles, au milieu et comme au travers de leurs impressions, elle nous arrive plus désintéressée et plus pure, et ne nous parle que du beau, du sublime, de l’invisible. […] Hugo n’a pas à sortir de lui-même, et qu’il veut rendre seulement une impression personnelle, nous avons déjà remarqué que ses défauts disparaissent.
Le suffrage universel représente une moyenne d’opinion dans laquelle mon opinion personnelle est comme noyée et annihilée. […] La réflexion personnelle, la lucidité d’esprit, l’indépendance du jugement sont des hôtes mal accueillis dans ces séances qui finissent généralement dans la plus horrible confusion. […] Ici la liberté ne consiste plus à mépriser les lois ou à se révolter contre elles, mais à essayer d’influer, chacun pour sa part personnelle et selon ses forces et ses lumières sur la confection des lois.
Poète personnel, il ne dit pas, comme lord Byron dans le plus personnel de ses poèmes (le Don Juan), il ne dit pas, avec le cant de l’orgueil anglais : « Quand je ris, c’est pour ne pas pleurer », mais, avec la grâce et la franchise de France : « Je ris en pleurs », et, par cette naïveté de génie, il a traduit tout son génie ! […] Tout le monde sait que Villon est l’auteur d’un grand nombre de ballades, parmi lesquelles les deux fameuses : Les Dames du temps jadis et L’Honneur français, et de deux poèmes d’assez longue haleine : Le Petit Testament ou les Legs et Le Grand Testament, qui est vraiment une épopée personnelle.
L’individu peut faire deux parts dans sa vie : l’une vouée à la tâche ou, si l’on veut, à la servitude économique inévitable ; l’autre consacrée au loisir et à la libre culture de ses goûts personnels. […] Tout industrieux est en guerre avec la masse et malveillant envers elle par intérêt personnel. […] Et dans l’association même, l’initiative de l’individu, son apport personnel est forcément très réduit. […] Il y a dans l’invention industrielle, comme dans l’invention littéraire, artistique ou philosophique, un élément proprement personnel : la cérébralité de l’individu, qui est irréductible aux influences sociales. […] « On voit maintenant se former, remarque ce philosophe, la culture d’une société dont le commerce est l’âme… Celui qui s’adonne au commerce s’entend à tout taxer d’après le besoin du consommateur et non d’après son besoin personnel ; chez lui, la question des questions, c’est de savoir “combien de personnes consomment cela”.
Il pouvait donc dans un livre, cette œuvre personnelle, secouer le joug des petites réserves que les partis imposent à leurs serviteurs, et il était tenu plus que personne de nous donner sur la Restauration ce jugement qui nous manque encore, un de ces jugements qui peuvent déchirer le cœur de l’homme, mais qui sont la gloire de l’esprit dont ils confessent la mâle vigueur. […] Parmi ces hommes, les uns sont morts, laissant leur gloire diminuée des passions de leur temps, éteintes, et de cet éclat tout personnel qui s’en va souvent avant la vie ! […] Si le premier de ces ouvrages ne révélait, comme on l’a vu, aucune qualité forte et personnelle, telle qu’elle était, cependant, il avait été écrit sous l’influence de ces principes religieux qui importent plus, que l’originalité littéraire, et qui, si rare qu’elle soit dans notre temps, sont plus rares qu’elle. […] Homme politique avant d’être un homme littéraire, journaliste, c’est-à-dire improvisateur, il est impatient d’aller tout d’abord, — et il y va, — aux détails d’une histoire qui n’est plus qu’une série d’impressions personnelles, si l’on n’a pas dans la main le flambeau qui doit l’éclairer. […] Nettement, c’est-à-dire d’un adorateur du Dieu personnel de la croix, le spiritualisme de la Philosophie avec sa Providence sans visage pouvait jamais constituer un titre de gloire à quelqu’un !
Cette langue personnelle doit se réduire à la langue commune ; nos idées, nos sentiments doivent revêtir dans notre esprit les formes qui les feront reconnaître de tous les esprits. […] Comment, avec du griffonnage noir aligné sur du papier d’imprimerie, remplacerez-vous pour lui la vue personnelle des couleurs et des formes, l’interprétation des visages, la divination des sentiments ?
Gustave Kahn Les Complaintes de Jules Laforgue parurent en 1885… C’était plein de philosophie personnelle, parfois satirique (dans le bon sens de la chose, et piquant aux travers généraux de l’espèce), plus cosmogonique qu’héroïque. Autorisé par son sujet, le poète négligeait l’habit noir traditionnel, élidait la voyelle du même droit qu’un vaudevilliste, sacrifiant quand il lui plaisait la rime à l’œil… L’Imitation de Notre-Dame la Lune, tantôt parlant à Séléné, tantôt à cette bonne lune, à une lune d’autres paysages, à des lunatiques, à des lunaires, d’un art plus concentré que les Complaintes, et semé au long de belles chansons personnelles sans égotisme, et de grands vers picturaux s’amoncelant aux petits détails… Et formulons, en terminant, que M.
On ne se propose ici de venger ni ses injures personnelles, ni celles des autres, encore moins d’avilir les gens de lettres. […] Ces raisons nous ont engagé à parler de toutes sortes de querelles, des personnelles comme des autres, en choisissant néanmoins celles qui nous ont paru les plus dignes d’attention, ou par le nom des auteurs, ou par leur objet.
Un grand romancier doit avoir le sens du réel et l’expression personnelle. […] Rien ne remplace le sens du réel et l’expression personnelle. […] Il n’en a pas moins eu l’expression personnelle à un très haut degré. […] De là le style personnel, qui est la vie des livres. […] Il y a là une création très personnelle.
Ils ne le sentaient pas personnel et vivant. […] L’élément personnel, ou, comme disent les philosophes, subjectif, est donc par définition écarté de l’ordre scientifique. […] C’est là, comme on voit, plus qu’un sentiment personnel, c’est une doctrine. […] Ils montrent la créature humaine dominée par les choses ambiantes et quasi incapable de réaction personnelle. […] Le système d’effacement personnel du montreur devant l’objet achève d’augmenter l’effet total d’angoisse.
Étouffant toute personnelle sympathie, ils atteignirent, d’emblée, une quasi-férocité : Flaubert, que nous retrouverons maintenant à chaque pas de notre étude, car il fut par excellence antithétique et divers, adressait à Feydeau, au sujet de la mort prochaine de Madame Feydeau, cet encouragement décisif : « Pauvre petite femme ! […] Antécédents personnels : Surmenage intellectuel. […] Dans ses yeux, une expression de souffrance et de misère indicible… Créer un être comme celui-ci, si intelligent, si personnel, si original, et le briser à trente-neuf ans ! […] Leur peinture met donc en relief la puissance personnelle d’observation du grand dramaturge ; son chef-d’œuvre en la matière est réalisé dans le « cas Hamlet ».
.), non comprises les charges personnelles comme les vingtièmes. […] Le haut, justicier, selon l’acte de notoriété donné au Châtelet, le 29 avril 1702, « connaît de toutes les matières réelles et personnelles, civiles et criminelles, même des actions des nobles et ecclésiastiques, des scellés et inventaires de meubles et effets, des tutelles, curatelles, administration des biens de mineurs, des domaines, droits et revenus usuels de la seigneurie, etc. » 2° Droit de gruerie, édit de 1707. […] 4° Taille personnelle et réelle. En Bourbonnais, jadis la taille était serve et les serfs mainmortables. « Les seigneurs, qui ont encore des droits de bordelage bien établis dans l’étendue de leurs fiefs et justices, sont encore aujourd’hui en possession de succéder à leurs vassaux dans tous les cas, même au préjudice de leurs enfants, si ceux-ci n’étaient résidants avec eux et n’habitaient le même toit. » Mais en 1255, Hodes de Sully, ayant donné une charte, renonça à ce droit de taille réelle et personnelle moyennant un droit de bourgeoisie perçu encore aujourd’hui (voyez plus loin).
C’est un doux et fin poète, fluide et facile, d’une grâce sérieuse et souvent mélancolique : aussi dissemblable que possible de Marot, et d’une inspiration toute lyrique et personnelle. […] Ce qui lui manqua, ce fut une pensée originale, une pensée qui ne fût occupée qu’à faire entrer le monde et la vie dans les formes du tempérament, à projeter le tempérament sur l’univers et sur l’humanité : qui par conséquent permît au tempérament de dégager toute sa puissance, et de réaliser ses propriétés personnelles. […] Ronsard est excellent, exquis, délicieux ou grand, chaque fois que par hasard son intention d’érudit tombe d’accord avec son tempérament (et alors l’imitation ne lui sert qu’à manifester dans une forme plus belle son sentiment personnel), ou bien chaque fois que son tempérament prend le dessus et refoule les réminiscences de l’érudit. […] Ce qui manque surtout à Ronsard, ce qui reste à acquérir, c’est l’indépendance intellectuelle, la nette conscience du sentiment personnel, le goût : en un seul mot, la raison.
Il ne trouve pas de traits vifs pour peindre des intrigues où il s’était vu si tiraillé, et il n’a du cardinal de Retz ni l’imagination qui ressuscite les choses passées, ni la vanité qui ranime les souvenirs personnels. […] D’autres vérités ne nous persuadent que lentement, soit qu’elles ne s’appliquent pas à notre condition personnelle, soit qu’il faille quelque effort pour les déduire, par le raisonnement, des vérités à notre usage et de notre sphère. […] Distribuez en partis toute cette foule d’ennemis de Mazarin, en factions tous ces partis, en rivalités personnelles toutes ces factions : voilà des formes à l’infini, voilà « le pays où il y aura toujours à découvrir des terres inconnues. » La première édition des Maximes commençait par une longue et subtile analyse de l’amour-propre C’était plus qu’un portrait chargé, où beaucoup de traits portent à faux ; c’était une sorte d’accusation où se trahissait une main passionnée. […] Malgré le désintéressement qui lui fit retrancher toutes les maximes trop particulières, et toutes les généralités hasardées, le malaise de sa vie à cette époque, ses froissements personnels, ses luttes, sa passion pour Mme de Longueville, à laquelle il eût sacrifié l’Etat, lui avaient fait un fond d’humeur qui s’épancha dans ses pensées et attrista sa raison d’une manière irréparable.
C’est là qu’il faut le chercher, et précisément, c’est en le cherchant là qu’on saisira les différences entre le style personnel et le style qu’il invente et qu’il crée à l’usage des personnages étrangers à lui et pour les peindre. […] Et, enfin, on distingue la pensée personnelle de l’auteur dramatique surtout à l’accent avec lequel un personnage parle. […] Le lyrisme n’est pas tout entier littérature personnelle, mais il y a toujours quelque littérature personnelle dans le lyrisme.
Mais je vous eusse de la sorte privé de la moitié de votre plaisir : la surprise, et j’eusse défloré pour ma commodité personnelle le charme d’inédit du spectacle qu’on va donner. […] Sans doute il est déjà flatteur d’être imprimé, mais qui est imprimé n’est pas nécessairement lu, et l’esthète qui écrit de littérature au Courrier du Soir, par exemple, ou à La Presse, se peut froisser à la longue de constater qu’on n’achète sa feuille que pour y lire les résultats du sport et les derniers cours de la Petite Bourse, et peut éprouver l’incompressible besoin de confier à une centaine de personnes, dûment enfermées et obligées d’écouter la conception personnelle et distinguée qu’il s’est faite du théâtre de Victor Hugo ou de la musique de Verdi. […] Mais son inutilité, sa vacuité même sont une preuve ultime, personnelle et décisive de ce que j’avançais tout à l’heure touchant la mode superflue et l’engouement assez Trissotin des conférences.
Il ne faut pas, pour nos goûts personnels, peut-être pour nos préjugés, nous mettre en travers de ce que fait notre temps. […] Une société où la distinction personnelle a peu de prix, où le talent et l’esprit n’ont aucune valeur officielle, où la haute fonction n’ennoblit pas, où la politique devient l’emploi des déclassés et des gens de troisième ordre, où les récompenses de la vie vont de préférence à l’intrigue, à la vulgarité, au charlatanisme qui cultive l’art de la réclame, à la rouerie qui serre habilement les contours du Code pénal, une telle société, dis-je, ne saurait nous plaire. […] La religion est irrévocablement devenue une affaire de goût personnel.
Lui, qui a essayé d’écrire l’histoire de la Révolution française, l’histoire prise dans son esprit et dans son idée, a bientôt perdu la tête à cette hauteur d’abstraction, et il est retombé dans les habitudes de l’idolâtrie personnelle. […] En effet, puisqu’un écrivain comme Michelet revenait à l’histoire personnelle et à la défroque biographique, puisqu’il abordait un sujet (les femmes) si cher aux imaginations françaises, on pouvait croire, n’est-il pas vrai ? […] Seulement, n’est-il pas singulier que des écrivains qui ne croient pas au Dieu personnel du Christianisme viennent, dans leur indigence de métaphores, prostituer cette pure et spirituelle notion d’anges aux actrices, plus ou moins jeunes-premières, de leurs révolutions ?
Ce rêveur triste, chaste et doux, mais si personnel, et dont la rêverie n’est — comme vous le verrez — ni celle de Chateaubriand, ni de Gœthe, ni de Sénancour, ni de Ballanche, ni d’aucun des grands Tristes contemporains, ne souffrit guères que d’une unique souffrance, très délicate, mais infiniment rare, et qui fera son exclusive originalité. […] Au lieu d’écrire, eux qui l’avaient connu, sous l’empire des souvenirs personnels et émus qu’il leur avait laissés, ils ont mieux aimé s’adresser à un écrivain qui ne l’avait jamais vu, pour dire au monde ce qu’il était et lui attacher le second grelot de sa gloire, puisque le premier n’avait pas assez retenti ! […] Et cependant, moi qui connais le langage poétique que Guérin a laissé derrière lui, j’aurais voulu qu’on eût ajouté aux quelques pièces éditées plusieurs autres, inférieures aussi d’art, de rhythme, et même de rime, mais qui n’en serviraient pas moins à caractériser le génie personnel d’un poète qui n’a cherché à imiter personne !
Il peut être en grande partie personnel, ce qui n’est pas permis au langage audible, lequel est essentiellement un instrument de société. […] Notre expérience personnelle ne confirme pas cette affirmation. […] 2° La parole intérieure est plus rapide et plus concise ; elle est souvent plus originale et plus personnelle dans la syntaxe et le vocabulaire [§ 4]. […] [Quant à la forme littéraire, cette réflexion sur la présence éventuelle de « formules de paix » à usage personnel dans la parole intérieure peut se prolonger par exemple, dans le leitmotiv shakespearien qui traverse le roman de V. […] Observations personnelles.
C’est pourquoi il est si grand, en dépit de l’étroitesse des règles, et si personnel, malgré le drame grec. […] Est-ce à dire que son mérite personnel en soit diminué et que, s’il avait été au théâtre un génie créateur, la beauté de ses créations en fût moins admirable ? […] L’indépendance personnelle, la gloire de ne rien devoir qu’à soi-même sont augustes et précieuses, même au prix de la misère et de la mort. […] Et cette beauté, chacun de nous la conçut selon son personnel idéal. […] Mais c’est au personnel génie de M.
Quand la parole intérieure est faible, monotone, rapide, concise, personnelle et absolument intérieure, c’est que l’âme est repliée sur elle-même et très calme ; c’est que nous pensons pour nous seuls, sans passion comme sans imagination. […] Mais elle ne cesse pas pour cela d’être toute personnelle quant au choix et à l’assemblage des locutions ; bien au contraire : la concision et la personnalité que nous avons signalées dans le langage intérieur se montrent alors plus que jamais. […] Quand la poésie est personnelle et que le poète n’imagine pas parler à autrui, mais se parler à lui-même, — ce qui est rare, — l’inspiration est un cas particulier de la parole intérieure passionnée ; partout ailleurs, elle est un cas particulier de la parole intérieure dramatique. […] Cette théorie de la Providence, par laquelle Socrate conciliait les résultats de ses spéculations personnelles avec les idées religieuses de son temps, est, en quelque sorte, le sol sur lequel a germé dans son esprit la conception du signe démonique. […] Mais parfois il se sentait forcé de nier sa personnalité ; quelque chose de subit et d’imprévu se produisait en lui, qu’il ne reconnaissait pas comme sien : c’était là le signal divin dont il parlait fréquemment, son oracle personnel, la voix d’un dieu sans nom.
. — Le témoignage personnel de Taine. — Taine et l’enseignement du style. […] Voici en quels termes, dans ses notes personnelles, à propos de la double tendance poétique et philosophique, Taine confirme ce que nous disons : « Je lutte, dit-il, entre les deux tendances, celle d’autrefois et celle d’aujourd’hui, Probablement j’ai voulu allier deux facultés inconciliables.
Stéphane Mallarmé Qui passe familièrement pour être avec Paul Verlaine, l’un des deux « maîtres » de la jeune littérature, est tout simplement un poète très personnel et exquis, malgré — et peut être à cause de — son apparente obscurité. […] Jules Laforgue Si malheureusement enlevé par la mort à une carrière où les bons lutteurs se font rares, étale dans ses Complaintes et son Imitation de Notre-Dame la Lune, une vision poétique toute spéciale et un humorisme tout personnel.
N’allons pas croire pourtant que tout, dans la poésie personnelle, soit l’expression vraie de la personne, ni que tout ce qui est écrit ait été senti. […] C’est le piège de la poésie personnelle ; mais là où le portrait reproduit fidèlement l’original, l’art n’a pas de beautés plus pénétrantes. Parmi les poètes qui s’y sont illustrés de notre temps, il en est trois qui, de l’aveu même de leurs émules, ont représenté avec le plus d’éclat la poésie personnelle. […] En revanche, ils liront et goûteront plus d’une pièce que nous n’avons point chantée, où la poésie politique fait place à la poésie personnelle, où de belles strophes parlent à l’homme de tous les temps de la vie de tous les jours, à la France de sa gloire militaire et du grand homme qui lui en a le plus donné. […] J’ai peut-être des raisons personnelles pour ne pas mépriser ce genre ; j’en ai plus encore pour le trouver difficile et périlleux.
Ces quatre ou cinq pièces politiques, jointes à tant de délicieuses chansons personnelles, d’une inspiration et d’une fantaisie intimes, telles que Mon Tombeau ; Passez, jeunes Filles ; le Bonheur ; Laideur et Beauté ; la Fille du Peuple, et ce sémillant Colibri, qui est le lutin familier du maître et la personnification éthérée de sa muse comme est la Cigale pour Anacréon ; toutes ces pièces ensemble auraient suffi à composer un charmant recueil final, digne assurément de ses aînés, et la dernière couronne eût brillé verdoyante encore, pour bien des saisons, au front du citoyen et du poëte. […] Ainsi, pour exprimer que trop souvent la pauvreté ôte à l’homme le sentiment de fierté et de dignité personnelle, Franklin disait : « Il est difficile à un sac vide de se tenir debout ; » ainsi, dans le Bonhomme Richard :« Un laboureur sur ses pieds est plus haut qu’un gentilhomme à genoux. » Comme Franklin, dont jeune il apprenait le métier à Péronne, dont plus vieux il renouvelle l’ermitage à Passy, Béranger a l’imagination du bon sens. — Un art ingénieux et délicat règne insensiblement dans la distribution du recueil, dans l’ordonnance et le mélange des matières, dans ces petits couplets personnels jetés comme des sonnets entre des pièces d’un autre ton, et surtout dans ce soin scrupuleux de faire revenir tous les noms des amis et anciens bienfaiteurs comme on ramène les noms des héros au dernier chant d’un poëme.
Brunetière : j’ai estimé plus utile, en une matière où il n’y a point de vérité dogmatique ni rationnelle, d’apporter les opinions, les impressions, les formes personnelles de pensée et de sentiment que le contact immédiat et perpétuel des œuvres a déterminées en moi. […] Je ne pouvais, en aucune partie de ce travail, perdre de vue ni laisser oublier que tous les secours de l’érudition et de la critique, toute l’écriture amassée autour des textes, celle des autres comme la mienne, ont pour fin dernière la lecture personnelle des textes. […] Je ne veux point dire par là, comme quelques lecteurs l’ont cru, qu’il faut revenir à la méthode de Sainte-Beuve et constituer une galerie de portraits ; mais que, tous les moyens de déterminer l’œuvre étant épuisés, une fois qu’on a rendu à la race, au milieu, au moment, ce qui leur appartient, une fois qu’on a considéré la continuité de l’évolution du genre, il reste souvent quelque chose que nulle de ces explications n’atteint, que nulle de ces causes ne détermine : et c’est précisément dans ce résidu indéterminé, inexpliqué, qu’est l’originalité supérieure de l’œuvre ; c’est ce résidu qui est l’apport personnel de Corneille et de Hugo, et qui constitue leur individualité littéraire.
Toutes les idées qui embrassent le sort de plusieurs hommes à la fois, se fondent sur leur intérêt bien entendu ; mais lorsqu’on veut donner à chaque homme, pour guide de sa propre conduite, son intérêt personnel, quand même ce guide ne l’égarerait pas, il en résulterait toujours que l’effet d’une telle opinion serait de tarir dans son âme la source des belles actions. […] Les règles de la prudence (et la vertu, fondée seulement sur l’intérêt, n’est plus qu’une haute prudence), les règles de la prudence les plus reconnues, souffrent une multitude d’exceptions ; pourquoi la vertu, considérée comme le calcul de l’intérêt personnel, n’en aurait-elle point ? […] Il n’est pas vrai que l’intérêt personnel soit le mobile le plus puissant de la conduite des hommes ; l’orgueil, l’amour-propre, la colère leur font très aisément sacrifier cet intérêt ; et dans les âmes vertueuses, il existe un principe d’action tout à fait différent d’un calcul individuel quelconque. […] La même puissance créatrice qui fait couler le sang vers le cœur, inspire le courage et la sensibilité, deux jouissances, deux sensations morales dont vous détruisez l’empire en les analysant par l’intérêt personnel, comme vous flétririez le charme de la beauté, en la décrivant comme un anatomiste.
Et voilà qui nous marque bien exactement la limite du succès de Boileau : si l’on fait abstraction des ressentiments personnels de quelques littérateurs, il n’y avait pas d’hostilité contre Despréaux, ni de résistance consciente à sa doctrine, dans les marques d’estime et d’honneur que recevaient les Quinault, les Fontenelle et les Perrault : mais — et c’est plus grave — le goût public suivait Boileau précisément jusqu’où il pouvait, et l’abandonnait précisément où il fallait, pour ne point être obligé de renoncer à la littérature polie et au bel esprit moderne. […] Le lecteur y trouve l’expression parfaite de ses vagues tendances, et de l’esprit général du siècle : mais Boileau y a mis quelque chose de plus, une doctrine originale et personnelle, qui, dans la vaste unité du siècle, sépare un certain groupe d’esprits, exprime l’idéal d’une école littéraire. […] Mais le xviiie siècle ramena Boileau à son niveau pour l’adapter à son usage : et sous le nom de Boileau, ce fut lui-même, son goût personnel, ses secrètes tendances, qu’il déifia. […] Eh bien, c’est précisément au xviiie siècle, quand Voltaire ne veut pas que personne (sauf lui médise de Nicolas Boileau, que vraiment celui-ci n’a pas d’action directe et personnelle sur la littérature.
Mazarin l’avait mis en méfiance du surintendant, et, en même temps, il lui avait offert le remède : « Sire, je vous dois tout, avait-il dit à son lit de mort, mais je crois m’acquitter en quelque sorte avec Votre Majesté en lui donnant Colbert. » Depuis longtemps, Colbert avait l’œil sur les procédés de Fouquet, sur ses irrégularités et ses dilapidations ; il avait adressé à Mazarin des mémoires détaillés à ce sujet ; il allait continuer plus expressément le même rôle auprès de Louis XIV et par son ordre ; et, s’il était poussé dans cette chasse ardente qu’il faisait au surintendant par tous les aiguillons de son ambition personnelle, il ne l’était pas moins par tous les instincts de sa nature exacte et rigide : intérêt à part, il devait en vouloir au surintendant de toute l’indignation et de toute la haine que peut avoir contre un magicien plein de maléfices et de prestiges le génie de la bonne administration et de l’économie. […] Louis XIV pardonna au cardinal de Retz, qui ne s’était révolté que contre Mazarin ; il ne pardonna jamais à Fouquet, qu’il rencontra comme son premier adversaire personnel, et qu’il dut abattre pour commencer véritablement à régner. […] Le surintendant trouvait de l’argent sur ses promesses (personnelles), mais la prudence ne lui conseillait pas d’engager si avant sa fortune particulière dans la publique ; il allait pourtant passer par-dessus, quand de grands et doctes personnages lui montrèrent clairement qu’il ne le pouvait ; car de prêter ces grandes sommes sans en tirer aucun dédommagement, c’était ruiner impitoyablement sa famille ; d’en prendre le même intérêt qu’un homme d’affaires, cela était indigne et même usuraire ; de faire un prêt supposé sous le nom d’un autre, c’était une fausseté. […] En second lieu, l’argumentation de Pellisson ne s’applique qu’à des irrégularités, à des transactions utiles et indispensables, et non à des déprédations personnelles, profitables seulement à ceux qui les commettaient, ruineuses à l’État, dont elles augmentaient la gêne et dont elles aggravaient les charges.
La question ne vous sera plus indifférente et étrangère : une partie de vous-même témoignera pour ou contre la thèse à soutenir, et vous ne saurez exposer froidement une idée qui représentera pour vous toute une collection de faits intimes et personnels. […] La question particulière d’histoire romaine a fait place à une question générale, qui de nouveau a reçu une forme particulière des idées et des sentiments personnels du poète.
Sainte-Beuve (se levant et interrompant l’orateur) : « Je proteste contre des imputations personnelles qui sortent de la question, et qui s’adressent à des hommes honorables. […] Je me permets même de penser que l’empereur, qui savait mon insuffisance à tant d’égards pour tous les ordres de services et de savoir qui sont si bien représentés dans cette assemblée, n’a pu songer à moi que pour que je vinsse de temps en temps et rarement apporter au milieu de vos délibérations une note sincère, discordante peut-être, mais personnelle et bien vibrante. […] « Je n’apporte dans ce débat aucun sentiment étranger ni personnel, en dehors du sujet même. « Jamais, avant ce moment, nous n’avions eu, monsieur, aucun rapport personnel ; jamais nous n’avions eu l’occasion d’échanger une parole ; jamais même nous ne nous étions rencontrés ni vus. […] Je suis à mille lieues de cette combinaison ; ma conduite est des plus simples et toute personnelle. — Entre lui et moi, il n’y a pas dans tout ceci une ombre de question ou de cause ; il n’y a qu’une offense, dont je poursuis la réparation.
On en ôte quantité de mots expressifs et pittoresques, tous ceux qui sont crus, gaulois ou naïfs, tous ceux qui sont locaux et provinciaux ou personnels et forgés, toutes les locutions familières et proverbiales356, nombre de tours familiers, brusques et francs, toutes les métaphores risquées et poignantes, presque toutes ces façons de parler inventées et primesautières qui, par leur éclair soudain, font jaillir dans l’imagination la forme colorée, exacte et complète des choses, mais dont la trop vive secousse choquerait les bienséances de la conversation polie. « Il ne faut qu’un mauvais mot, disait Vaugelas, pour faire mépriser une personne dans une compagnie », et, à la veille de la Révolution, un mauvais mot dénoncé par Mme de Luxembourg rejette encore un homme au rang des « espèces », parce que le bon langage est toujours une partie des bonnes façons Par ce grattage incessant la langue se réduit et se décolore : Vaugelas juge déjà qu’on a retranché la moitié des phrases et des mots d’Amyot357. […] Il se refuse à exprimer les dehors physiques des choses, la sensation directe du spectateur, les extrémités hautes et basses de la passion, la physionomie prodigieusement composée et absolument personnelle de l’individu vivant, bref cet ensemble unique de traits innombrables, accordés et mobiles, qui composent, non pas le caractère humain en général, mais tel caractère humain, et qu’un Saint-Simon, un Balzac, un Shakespeare lui-même ne pourraient rendre, si le langage copieux qu’ils manient et que leurs témérités enrichissent encore, ne venait prêter ses nuances aux détails multipliés de leur observation366. […] C’est un palais ou un temple quelconque, où, pour effacer toute empreinte historique et personnelle, une convention uniforme importe des façons et des costumes qui ne sont ni français ni étrangers, ni anciens ni modernes371. […] Il manque au personnage l’étiquette personnelle, l’appellation authentique et unique qui est la marque première de l’individu. […] Jamais, avec eux, on n’est sur le terrain palpable et solide de l’observation personnelle et racontée, mais toujours en l’air, dans la région vide des généralités pures.
Ces passions ne doivent point être rangées dans la classe des ressources qu’on trouve en soi ; car rien n’est plus opposé aux plaisirs qui naissent de l’empire sur soi-même, que l’asservissement à ses désirs personnels. […] Si l’avare, si l’égoïste sont incapables de ces retours sensibles, il est un malheur particulier à de tels caractères auquel ils ne peuvent jamais échapper ; ils craignent la mort, comme s’ils avaient su jouir de la vie : après avoir sacrifié leurs jours présents à leurs jours avenir, ils éprouvent une sorte de rage, en voyant s’approcher le terme de l’existence ; les affections du cœur augmentent le prix de la vie en diminuant l’amertume de la mort : tout ce qui est aride fait mal vivre et mal mourir : enfin, les passions personnelles sont de l’esclavage autant que celles qui mettent dans la dépendance des autres ; elles rendent également impossible l’empire sur soi-même, et c’est dans le libre et constant exercice de cette puissance qu’est le repos et ce qu’il y a de bonheur.
Négligeons la variété des tempéraments personnels : nous aurons à définir les principaux dans le cours de cette étude. […] En Champagne fleurissent l’idéalisme romanesque et lyrique, et les mémoires personnels.
Il s’agit d’affinités intellectuelles seulement, cela va sans dire, et non pas d’imitation : l’auteur des Ballades est trop personnel pour qu’on puisse lui faire un pareil reproche. […] On trouve d’ailleurs des ancêtres aux méthodes les plus personnelles, et celle-ci serait mauvaise si elle était sans famille.
Incroyablement paresseux à l’expérimentation personnelle, armé de documents de pacotille ramassés par des tiers, plein d’une enflure hugolique, d’autant plus énervante qu’il prêchait âprement la simplicité, croulant dans des rabâchages et des clichés perpétuels, il déconcertait les plus enthousiastes de ses disciples. […] On aimait se représenter Zola vivant parmi les paysans, amassant des documents personnels, intimes, analysant patiemment des tempéraments de ruraux, recommençant, enfin, le superbe travail de l’Assommoir.
Inspiration lyrique : personnelle et humaine. — 4. […] Nous avons gagné à cette prudence d’avoir, au lieu de mémoires personnels, une histoire générale de la politique de Louis XI. […] Il y a des intérêts généraux et des sentiments publics, des intérêts privés et des passions personnelles : voilà les réalités qu’il aimait et sur lesquelles il opère. […] Leur œuvre, qui tient à leur temps essentiellement, tire sa valeur littéraire de la qualité individuelle de leur nature, et de cette qualité seule : on y cherche l’expression personnelle d’une âme chez Villon, d’une intelligence chez Commynes. […] Toute cette poésie se passait de spontanéité personnelle, et n’était que combinaisons artificielles, mécanisme laborieux.
Nous en aurons un plus triste en jugeant l’histoire de la volonté ou pouvoir personnel. […] Il est la personne des choses, comme l’ouvrier est la personne de la montre… Quoique la plante manifeste une foule d’effets qui dérivent des capacités de son organisation, ces capacités ne sont dans toute langue que des propriétés (et non des facultés), parce qu’il n’y a point en elle de pouvoir personnel qui s’approprie ces capacités et les gouverne. […] Le lecteur voit que le pouvoir personnel n’est que la force prédominante d’une idée ; que bien loin d’être une chose distincte et une personne réelle, il n’est que la qualité périssable d’une idée périssable ; que si M. […] Mélanges, p. 319. « Ce fait est la liberté, ou, si l’on aime mieux, le pouvoir personnel. » 77.
Un certain goût, une certaine humeur, enfin une nature d’homme apparaît sans cesse, qui court à son plaisir, suit une curiosité personnelle dans la prise de telle matière, dans ce libre vagabondage à travers tout l’inexploré des sciences historiques et philologiques. […] C’est parce qu’ils fournissent la naïve expression d’un tempérament personnel, et, en lui, de l’universelle humanité, que Paré209 et Palissy210 peuvent encore avoir d’autres lecteurs que les historiens de la chirurgie ou des sciences physiques et naturelles. […] Aux Mémoires personnels se rattachent toute sorte de vies et de récits où le narrateur, quel qu’il soit, a pour objet de déployer la richesse ou la beauté de quelque nature héroïque ou illustre.
On ne connaît guère de romans plus « personnels » que René, que Delphine, que Corinne ; je veux dire que l’on n’en connaît guère qui ressemblent davantage à des confessions. […] S’ils sont bien les plus grands de nos poètes lyriques, c’est qu’ils en sont les plus personnels ; et parce qu’ils en sont les plus personnels, ils en sont les plus romantiques. […] L’attitude de Balzac en présence de ses personnages ou du sujet de ses tableaux est celle du naturaliste en présence de l’animal ou de la plante qu’il étudie, patiente et attentive, « soumise à son objet », libre de tout parti pris personnel. […] En réalité, l’un et l’autre Victor ont été les plus « personnels » des hommes, et de même qu’il n’y a qu’Hugo dans les Feuilles d’automne ou dans les Voix intérieures, pareillement il n’y a que Cousin dans sa philosophie. […] Ce n’est pas davantage que nous prenions notre opinion particulière et personnelle pour la règle arbitraire des autres.
Si grande est notre paresse, inaccoutumés que nous sommes à chercher des idées ou des mots, que souvent nous aurions quelque inclination à penser d’une manière : nous parlons d’une autre, non par modestie, non par timidité, mais parce qu’il est plus commode de répéter une phrase apprise que de créer pour une pensée personnelle une forme originale. […] Le pis est qu’on ne s’en aperçoit pas et que l’on croit bien véritablement exprimer son sentiment personnel ; on s’y affermit, on en conçoit la vérité en le voyant partagé par tant d’autres, qui lisent aussi le journal.
L’on ne saurait trop présenter cette erreur sous ses diverses faces, tant elle a d’influence sur les impressions de l’âme : on dirait qu’il suffit d’avoir un certain nombre de compagnons d’infortune pour se résigner aux événements quels qu’ils soient, et qu’on ne trouve d’injustice que dans les malheurs qui nous sont personnels. […] L’homme social met trop d’importance au tissu de circonstances dont se compose son histoire personnelle. […] Les philosophes du dix-huitième siècle ont appuyé la morale sur les avantages positifs qu’elle peut procurer dans ce monde et l’ont considérée comme l’intérêt personnel bien entendu. […] Le génie et le talent peuvent produire de grands effets sur cette terre, mais dès que leur action a pour but l’ambition personnelle de celui qui les possède, ils ne constituent plus la nature divine dans l’homme. […] Il ne vaudrait pas la peine de s’arrêter sur un acte de démence qui peut être excusé par des circonstances personnelles dont nous ignorons jusqu’à un certain point les détails, si cet événement n’avait pas eu des apologistes en Allemagne.
Que la distinction soit faite des choses artistiques utiles personnelles… « Parce que la sympathie était morte, l’admiration devait elle s’éteindre ? […] Avant de juger les théories énoncées, recréons-les entièrement, de notre création personnelle, mettant les pensées au point de notre spéciale intelligence. […] Et Wagner nous montre la folie de toute résistance : agir au dehors, c’est affirmer la volonté personnelle, fausse et meurtrière. […] Nous avons réduit notre Ame aux limites dépendantes du moi personnel, opposé à toute la variété des êtres créés. […] Chassons les désirs actuels, personnels : mais remplissons-nos âmes par d’autres désirs.
Donner telle quelle son impression fugitive, changer d’avis suivant la disposition du moment, s’abandonner doucement au caprice de ses préférences personnelles, fuir toute apparence de dogmatisme : voilà ce qu’ont pratiqué et enseigné des critiques ondoyants qui se sont crus modestes. […] En vain serait-il convaincu qu’il n’arrivera jamais à éliminer absolument cette cause d’erreur que Sainte-Beuve a signalée en disant : « C’est toujours soi qu’on aime, même dans ceux qu’on admire », il doit travailler à réduire au minimum cet élément subjectif, ou, pour emprunter une expression au langage de la science, ce cœfficient personnel. […] Il s’ensuit, d’une part, que le style doit être personnel, original, c’est-à-dire qu’il doit obtenir, par une combinaison neuve des éléments qui sont ses matériaux, ce caractère irréductible qui est l’individualité ou, comme on disait jadis, la marque de l’ouvrier sur son ouvrage. […] § 9. — Est-ce à dire que cette formule puisse être appliquée presque mécaniquement, comme une formule d’algèbre ; qu’elle dispense l’historien de la littérature d’avoir le sentiment vif et affiné des choses littéraires ; qu’elle supprime par suite, dans ses jugements, tout élément d’incertitude dû à l’intervention du goût personnel ?
L’impression de cette injure dut agir sur l’esprit précoce de Barnave enfant : on n’apprécie jamais mieux une injustice, une inégalité générale, que quand on en est atteint soi-même, ou dans les siens, d’une manière directe et personnelle. […] Il raconte en termes simples et véridiques ses impressions premières et sa situation d’esprit à son arrivée à Versailles : Ma position personnelle dans ces premiers moments, dit-il, ne ressemblait à celle d’aucun autre : trop jeune pour concevoir l’idée de diriger une Assemblée aussi imposante, cette situation faisait aussi la sécurité de tous ceux qui prétendaient à devenir chefs ; nul ne voyait en moi un rival, et chacun pouvait y apercevoir un élève ou un sectateur utile. […] Détenu durant plus d’une année en Dauphiné, les nombreux écrits par lesquels il remplissait les longues heures de réflexion et de solitude sont empreints du même caractère : maturité, sagesse, élévation, aucun sentiment irrité ni haineux, rien de personnel. […] La poche de Jarjayes était comme un bureau où chacun déposait sa réflexion, son impression personnelle, son monologue, sans avoir l’air de se douter qu’un autre que soi en pût prendre connaissance.
« Jamais, nous a-t-il très bienveillamment affirmé lui-même, bien que toujours curieux des choses de la médecine et profondément attiré par l’intensité de leur notion. » Ou bien il use des termes techniques comme d’un véritable procédé littéraire, dont voici, chez lui, le personnel mécanisme : dans sa jalousie de prodigieux orfèvre et ouvrier d’art, il horrifie par dessus tout la banalité du mot, expulse violemment de son répertoire les clichés ressassés, les figures redites, les termes éculés. […] Ibsen pourtant, avait, comme Flaubert, de personnels souvenirs médicaux.
L’univers ressemble plus à un poëme qu’à une machine ; et s’il fallait choisir, pour le concevoir, de l’imagination ou de l’esprit mathématique, l’imagination approcherait davantage de la vérité. » LI Ses dédains contre la doctrine de la soi-disant vertu, fondée sur l’intérêt personnel, et sa flétrissure de l’égoïsme, s’élèvent jusqu’à la sublimité de l’invective. « Non, certes, la vie n’est pas si aride que l’égoïsme nous l’a faite : tout n’y est pas prudence, tout n’y est pas calcul, et quand une action sublime ébranle toutes les puissances de notre être, nous ne pensons pas que l’homme généreux qui se sacrifie a bien connu, bien combiné son intérêt personnel ; nous pensons qu’il immole tous les plaisirs, tous les avantages de ce monde, mais qu’un rayon divin descend dans son cœur pour lui causer un genre de félicité qui ne ressemble pas plus à tout ce que nous revêtons de ce nom, que l’immortalité à la vie. « Ce n’est pas sans motif cependant qu’on met tant d’importance à fonder la morale sur l’intérêt personnel : on a l’air de ne soutenir qu’une théorie, et c’est en résultat une combinaison très-ingénieuse pour établir le joug de tous les genres d’autorité. […] Le crime même a plus de grandeur, quand il tient au désordre des passions enflammées, que lorsqu’il a pour objet l’intérêt personnel : comment donc pourrait-on donner pour principe à la vertu ce qui déshonorerait même le crime ? […] « Seulement à l’affliction grave et agitée de ses traits, il semblait que toute cette série d’épreuves épuisées successivement par elle lui réapparaissait en masse dans l’avenir, à elle plus avancée dans la vie et d’une santé déjà languissante, et on eût dit en même temps, à l’effort de courage qui dominait sa tristesse, qu’elle se résignait à être frappée à mort par le triomphe de ce qu’elle avait le plus haï, le plus redouté, mais qu’elle en attendait, avec plus d’indignation encore que d’effroi personnel, bien d’autres maux pour le monde, pour la France et pour la grande cause qu’elle avait tant aimée.
C’est la seconde et la plus noble des deux causes que j’annonçais, personnelles, de la tristesse de Sénancour. […] Sans copier jamais, il a fait vrai, de cette Vérité personnelle et supérieure qui tend à se revêtir de Beauté. […] Chez lui pour la première fois nous voyons l’écrivain s’inventer de toutes pièces « une langue personnelle ». […] — ont un caractère d’unité qui leur est tout personnel. […] Quant à ma pensée personnelle, elle est dans les pages qui seront lues les dernières.
Je ne croupirais pas dans la poésie personnelle ! […] Et de même, mais en proposant du Symbole, en même temps, une conception personnelle dont nous parlerons, Edouard Dujardin.) […] Jean Philibert « par prédilection personnelle et aussi reconnaissance envers M. […] René Ghil » « Sûrement les collaborateurs des « Ecrits » gardent intactes leurs préférences, leurs personnelles visions d’art et de choses. […] Rien de personnel, donc.
Ce que j’ai mêlé d’humeur personnelle et de fantaisie au fond solide des choses, pourquoi serait-ce une cause d’insuccès ? […] messieurs les critiques, qui naguère me donniez si amicalement à entendre que je n’avais aucun style, aucun tour personnel, je ne les crois pas mal troussés. […] Cette dernière est désespérée, comme le prouve, après tant d’autres efforts qu’on a faits dans ce sens, ma récente expérience personnelle. […] Schopenhauer nous a-t-il laissé, sur l’amour de la gloire, son sentiment personnels Je dis « personnel », parce que nous connaissons sur ce point toute sa doctrine. […] Il y a une très grande variété de styles, s’il y en a autant, non seulement que d’écrivains de génie, mais que d’écrivains vraiment personnels.
Soustrait à toute inspection, à tout contrôle officiel, le régime intellectuel des grands séminaires est celui de la liberté la plus complète : rien ou presque rien n’étant demandé à l’élève comme devoir rigoureux, il reste en pleine possession de lui-même ; qu’on joigne à cela une solitude absolue, de longues heures de méditation et de silence, la constante préoccupation d’un but supérieur à toutes les considérations personnelles, et on comprendra quel admirable milieu de pareilles maisons doivent former pour développer les facultés réfléchies. […] Rien de tel ; si le déchirement exista en effet, ce fut dans un autre ordre, dans celui des relations personnelles ; il lui fut pénible et douloureux, sans doute, d’avoir à se séparer des hommes respectables auxquels il était attaché par des sentiments d’affection et de reconnaissance ; il souffrit de devoir les affliger en leur annonçant une résolution irrévocable. […] Doué non pas simplement d’une extrême ardeur personnelle de connaître et de savoir, mais de l’amour dû vrai et de « cette grande curiosité » qui porte avec elle son idée dominante, et qui se règle aussi sur le besoin actuel et précis de l’œuvre humaine à chaque époque, il s’est dit de bonne heure que ce qu’il désirait le plus de savoir, d’autres le désiraient également ; et il s’est assigné, pour rendez-vous et pour terme éloigné, mais certain, au milieu même de la variété et de la dispersion apparente de ses travaux, l’Histoire des origines du christianisme.
Il est une molécule vivante, incessamment excitée et modifiée par l’organisme social dont elle fait partie intégrante ; arrêter la molécule, la monade, au point où on la trouve, la détacher du tout, la soumettre au microscope ou au creuset expérimental, la retourner, la décomposer, la dissoudre, et conclure de là à la nature et à la destinée du tout, c’est absurde ; conclure seulement à la nature et à la destinée de la molécule, c’est encore se méprendre étrangement ; c’est supprimer d’abord, dût-on y revenir plus tard et trop tard, c’est supprimer le mode l’influence que l’individu reçoit du tout, à peu près comme Condillac faisait pour les détails organiques de sa statue, qu’il recomposait ensuite pièce à pièce sans jamais parvenir à l’animer ; c’est, comme lui, par cette suppression arbitraire, rompre l’équilibre dans les facultés du moi et se donner à observer une nature humaine qui n’est plus la véritable et complète nature ; c’est décerner d’emblée à la partie rationnelle de nous-mêmes une supériorité sur les facultés sentimentale et active, une souveraineté de contrôle qu’une vue plus générale de l’humanité dans ses phases successives ne justifierait pas ; c’est immobiliser la monade humaine, lui couper la source intarissable de vie et de perfectibilité ; c’est raisonner comme si elle n’avait jamais été modifiée, transformée et perfectionnée par l’action du tout, ou du moins comme si elle ne pouvait plus l’être ; c’est supposer gratuitement, et le lendemain du jour où l’humanité a acquis la conscience réfléchie de sa perfectibilité, que l’individu de 1830, le chrétien indifférent et sans foi, ne croyant qu’à sa raison personnelle, porte en lui, indépendamment de ce qui pourrait lui venir du dehors, indépendamment de toute conception sociale et de toute interprétation nouvelle de la nature, un avenir facile et paisible qui va découler, pour chacun, des opinions et des habitudes mi-partie chrétiennes, mi-partie philosophiques, mélangées à toutes doses. […] Quand elle se hasarde à des inductions sur l’avenir de l’homme, ce ne sont que des inductions sur l’avenir du moi, et ces inductions supposent toujours que la dernière grande évolution sociale est accomplie en ce monde ; c’est toujours d’après cette hypothèse que la psychologie s’enquiert des conséquences probables de destinée personnelle auxquelles l’individu est sujet, et dans cette recherche elle ne sort pas un seul instant du point de vue chrétien ; elle se pose l’âme comme substance distincte de la matière, Dieu comme un pur esprit, et l’autre vie comme n’étant pas de ce monde. […] Vous supposez dès le début que l’homme est condamné à chercher ici-bas la vérité, seul, par lui-même, à la sueur de son front ; et tout cet effort infatigable de l’humanité pendant des siècles, ce sang, ces larmes répandues à travers ses diverses servitudes, ces joies quand elle se repose et se développe harmonieusement, ces religions qui fondent, ces philosophies qui préparent ou détruisent, cette loi de perfectibilité infinie et d’association croissante, tout cela n’aura abouti pour vous qu’à la conception mélancolique et glacée d’un ensemble d’êtres rationnels avant tout, destinés à s’observer, à se connaître, s’ils en ont la capacité et le loisir, à chercher concurremment ce qu’aucun ne sait, ce qu’aucun ne saura ; honnêtes gens tristes et solitaires, sortis d’un christianisme philosophique d’où la foi et la vie ont disparu, ayant besoin d’espérer, s’essayant à croire, oubliant et rapprenant la psychologie tous les ans, pour s’assurer qu’ils ne se sont pas trompés, et pour vérifier sans cesse les résultats probables de leur observation personnelle.
Force d’ailleurs incommensurablement supérieure à moi en puissance, en étendue, en durée, en ressources ; ce qui ne m’empêche pas de lui résister, parce que je sens que lui céder serait m’annihiler dans ce que j’ai de plus intime et de plus précieux : le sentiment de mon indépendance et de mon existence personnelle. […] sur la volonté de sauvegarder les valeurs individuelles : énergie, indépendance, orgueil et noblesse personnels et de les défendre contre les prétentions de plus en plus envahissantes de la morale de groupe119. […] L’homme supérieur, d’ailleurs, ne travaille pas pour la société qu’il juge souvent peu intéressante, mais pour le surhumain, c’est-à-dire pour son surhumain à lui, pour son idéal personnel de grandeur.
De là ses originalités absolument personnelles ; de là ses idiosyncrasies, qui existent sans faire loi. […] Quant à Shakespeare, puisque Shakespeare est le poëte qui nous occupe, c’est, au plus haut degré, un génie humain et général, mais, comme tous les vrais génies, c’est en même temps un esprit idiosyncratique et personnel. […] Quoi de plus personnel que Troïlus et Cressida ?
Cette école a défendu l’idée du devoir et l’a fortement séparée de l’intérêt personnel. […] La question maintenant est de savoir si la responsabilité est exclusivement personnelle et limitée à l’auteur du péché lui-même, ou si elle peut être contagieuse et héréditaire. […] Le surnaturel est l’intervention immédiate et personnelle de Dieu dans la nature : c’est ce qui excède les forces naturelles.
Peintre de talent sur la toile, que nous n’avons pas ici à apprécier, Eugène Fromentin est allé demander deux fois à l’Afrique ce que les peintres vraiment inventeurs trouvent par l’intuition seule de leur génie, fussent-ils culs-de-jatte, et voilà qu’une fois parti il n’a pu résister à la facilité de ce livre de tout le monde que chacun peut faire, et même les enfants et les femmes, car les femmes et les enfants aiment très fort à parler de leurs impressions personnelles. […] Excepté les hommes qui ont besoin de consulter des catalogues de musée, qui achèvera ce livre vide et prétentieux, où l’auteur, du moins, n’a pas perdu de talent, car il n’en a pas mis, et où, comme dans le livre de Fromentin, qui, si lâché qu’il soit, a de l’accent, on ne retrouve pas ce timbre personnel qu’on ne peut confondre avec la manière de dire de personne ? […] Puisqu’il s’agit inévitablement ici d’impressions personnelles, autant Eugène Fromentin est aimable, intelligent, ouvert aux grands spectacles des mœurs arabes, autant l’auteur d’En Hollande 33 est peu avenant, et, il faut bien le dire, fermé à la Hollande réelle et vivante, qu’il ne voit que dans ses tableaux ou comme un sujet de tableau !
Poictevin, toujours une profonde réflexion des lieux, des peintures, des aspects de foule, en une âme qui sait en ouvrer un entrelac sûr et personnel. […] De là, la nécessité d’une poésie extrêmement personnelle, cursive et notante. […] Techniquement même, ses pièces orientales ont, dans la monotonie de l’ancienne strophe, de personnelles variations de forme, M. […] Dans un mode cruel de concevoir la vie, s’il n’a ni une forme encore personnelle, ni le haut sang-froid de M. […] l’adorable livre de variations personnelles !
Ce succès fut, en quelque sorte, personnel à M. de Ségur, qui, dans ses Mémoires et dans ses divers écrits, a pu s’en montrer fier à bon droit. […] Est-ce avant, est-ce après ce voyage, qu’il eut à poser lui-même une limite dans les degrés de cette faveur personnelle qu’il avait ambitionnée auprès de l’illustre souveraine, faveur précieuse et qu’il ne voulait pourtant pas épuiser ? […] M. de Ségur n’hésita point un moment : « Je dois tout à l’Empereur, « disait-il dans l’intimité ; quoique je n’aie que du bien personnel « à en dire, il y aurait des faits toutefois qui seraient « inévitables ; il y en aurait d’autres qui seraient mal interprétés « et qui pourraient actuellement servir d’arme à ses « ennemis et tourner contre sa mémoire. — Oh ! […] Mémoires tirés des papiers d’un Homme d’État, t. 1, p. 180-194. — Un adversaire et sans aucun doute un ennemi personnel du comte de Ségur, Senac de Meilhan, a écrit, à ce sujet, cette page peu connue : « … La présomption que l’homme est porté à avoir de ses talents et de son esprit faisait croire à plusieurs jeunes gens qu’ils joueraient (en 1789) un rôle éclatent ; mais la Révolution, en mettant en quelque sorte l’homme à nu, faisait évanouir promptement cette illusion, qu’il était aisé de se faire à l’homme de cour, à celui du grand monde, qui se flattait d’obtenir dans l’Assemblée les mêmes succès que dans la société.
Il ne vit jamais que des disputes de mots dans les querelles théologiques, même dans celle du jansénisme, auquel il ne tint que par une sympathie d’honnête homme et par certaines amitiés personnelles. […] La polémique des satires Mais le critique, pour nous, dépasse le poète, ou l’artiste : et la raison en est qu’ici Boileau ne représente plus dans son œuvre son tempérament personnel, mais le génie de son siècle, et la commune essence des grandes œuvres. […] Sous cette réserve, Boileau fut vraiment le premier à se constituer conseiller du public dans le jugement des écrits, à entreprendre, sans passion personnelle, pour de pures raisons de goût, de démolir ou d’élever les réputations littéraires. […] Les grands genres, où Boileau s’arrête en son 3e chant, sont l’épopée, par tradition antique, et par respect d’Homère et de Virgile, la tragédie et la comédie, par tradition aussi, mais surtout par sentiment de leur importance actuelle, par goût personnel et conscience du goût commun de son siècle.
Cette hallucination fantastique est sortie tout entière d’une patiente étude de documents ; de là, justement, la froideur de l’œuvre, et la fatigue qu’elle laisse : tellement l’auteur s’est mis en dehors de la vie contemporaine, tellement il a éliminé toute idée personnelle, toute conception philosophique, morale ou religieuse, qui eussent donné direction, sens et portée à ce splendide cauchemar. […] C’est là surtout que l’ironie s’alourdit jusqu’à la cruauté : précisément parce que Flaubert prend son point de départ dans son préjugé personnel, c’est là qu’il y a le moins de vérité objective, et, sous la platitude réaliste du détail, le plus de fantaisie arbitraire : cette étude n’est, qu’un vieux paradoxe romantique traité par le procédé naturaliste. […] Tout ce qui est dans son œuvre impression personnelle et vécue, non pas seulement chose vue, mais chose sentie, ayant fait vibrer son âme douloureusement ou délicieusement, tout cela est excellent : il a été supérieur dans la description de tout ce qui intéressait sa sympathie. […] Il en a l’intensité d’impressions pittoresques, la profondeur de mélancolique désillusion ; mais Loti, au reste, est très personnel et tout moderne.
Sa poésie à lui, Verlaine, fut toute personnelle et individuelle. […] Ajoutons même que les principes sur lesquels il fonda son œuvre personnelle agirent en dehors de cette œuvre même et reçurent des applications fort différentes. […] Ce ne fut donc pas à cet effort personnel qui force la gloire que Verlaine et Mallarmé durent de passer brusquement d’une obscurité relative à une célébrité universelle et à la situation de chefs d’école qu’ils occupèrent l’un et l’autre. […] Il faut remonter à des principes généraux très profonds pour déterminer à leur effort personnel un point de départ commun.
Les sensations et les sentiments sont, au premier abord, ce qui divise le plus les hommes ; si on ne « discute » pas des goûts et des couleurs, c’est qu’on les regarde comme personnels, et cependant, il y a un moyen de les socialiser en quelque sorte, de les rendre en grande partie identiques d’individu à individu : c’est l’art. […] Vie intense, en effet, sera celle de l’artiste, car « on ne donne après tout la vie qu’en empruntant à son propre fonds… Produire par le don de sa seule vie personnelle une vie autre et originale, tel est le problème que doit résoudre tout créateur5. » La caractéristique du génie est donc, pour Guyau, « une sorte de vision intérieure des formes possibles de la vie », vision qui fera reculer au rang d’accident la vie réelle. […] Hugo, et le mot a toujours servi ; de là l’impossibilité d’exprimer l’émotion. » — « Eh bien non, répond Guyau, et c’est là ce qu’il y a de désolant pour le poète, l’émotion la plus personnelle n’est pas si neuve ; au moins a-t-elle un fond éternel ; notre cœur même a déjà servi à la nature, comme son soleil, ses arbres ses eaux et ses parfums ; les amours de nos vierges ont trois cent mille ans, et la plus grande jeunesse que nous puissions espérer pour nous ou pour nos fils est semblable à celle du matin, à celle de la joyeuse aurore, dont le sourire est encadré dans le cercle sombre de la nuit : nuit et mort, ce sont les deux ressources de la nature pour se rajeunir à jamais. » La masse des sensations humaines et des sentiments simples est sensiblement la même à travers la durée et l’espace, mais ce qui s’accroît constamment et se modifie pour la société humaine, c’est la masse des idées et des connaissances, qui elles-mêmes réagissent sur les sentiments. « L’intelligence peut seule exprimer dans une œuvre extérieure le suc de la vie, faire servir notre passage ici-bas à quelque chose, nous assigner une fonction, un rôle, une œuvre très minime dont le résultat a pourtant chance de survivre à l’instant qui passe. […] Son œuvre, toute pénétrée d’un haut désintéressement, est à la fois très personnelle et très impersonnelle : on ne sent nulle part quelqu’un qui songe à s’affirmer, mais il semble qu’on reconnaisse partout la présence d’un ami.
Si, d’aventure, vous le questionnez, soyez sûr qu’il vous faudra prendre l’exact contraire de sa réponse, si vous ne voulez pas commettre une erreur, et cela toujours par le même besoin invincible de cacher la vérité afin de la conserver plus rare et plus personnelle. […] Voici de quelle façon ce docteur de l’infécondité appelle l’attention du public sur son œuvre : « Depuis plus de cinq mille ans, l’humanité cherche en vain la solution des grands problèmes de l’univers, le problème de l’existence d’un dieu personnel, celui de la survivance de l’âme après la mort, celui des causes de la souffrance qui est dans le monde, et de ses remèdes etc. […] J’ose à peine l’avouer au nouvel apôtre, mais il me semble que l’idéal qu’il nous propose, n’est pas fort éloigné de celui du moyen-âge catholique, avec ses couvents d’hommes et de femmes, où chaque sexe, en s’éloignant de l’autre, poursuivait, pour son compte personnel, les délices du ciel. […] J’admets cette chasteté bienfaisante, pour une période subordonnée à la vigueur mentale de l’individu qui peut la pratiquer impunément, et tous les travailleurs intellectuels connaissent, par expérience personnelle, ces besoins momentanés de solitude et de claustration.
Je ne craindrai pas de faire suivre ici, de considérations personnelles purement logiques, l’analyse des deux épopées mystiques dont Emile Zola et M. […] Pour toute question que l’esprit pose elle tient des mots tout prêts ; elle l’enveloppe dans un filet d’abstractions où s’endort bientôt toute capacité d’intuition personnelle, et qu’il ne saurait rompre sans une extraordinaire vigueur native. […] individualité suppose volonté et le prêtre ne peut avoir une volonté personnelle, celle de l’Église en tenant lieu. […] Il ne peut avoir de valeur personnelle, puisqu’il n’a ni libre arbitre, ni faculté pensante, et cependant il se présente comme le dépositaire de la vérité, l’éducateur par excellence, le guide nécessaire.
Et ce n’étaient point là griefs personnels contre un temps qui méconnaissait son talent, mais la révolte d’une âme haute. […] Mais il est possible aussi que l’éducateur, en acquérant les capacités qui lui sont nécessaires, y ait pris le goût du travail personnel. […] Il se bornait à être, le plus qu’il pouvait, absent en pensée de la classe et à y réduire le plus possible les occasions d’intervention personnelle. […] Il leur donne un tour et un accent personnels. […] Chacun y apporte ses talents personnels et y applique ses perfectionnements particuliers.
Ce procédé, qui n’est point celui du critique impartial et tout à fait naturaliste, tenait à la fois, sans doute, à l’affection tendre que j’avais mise dès l’abord au succès et au triomphe de ce talent, et aussi à ma tournure d’esprit personnelle. […] Hugo en 1830 était surtout un homme littéraire ; il se ralliait à la révolution de Juillet par un principe général de libéralisme plutôt que par un enthousiasme personnel.
Dans les monarchies limitées, comme en Angleterre et en Suède, l’amour de la liberté, l’exercice des droits politiques, des troubles civils presque continuels, apprenaient aux rois qu’ils avaient besoin de rencontrer dans leurs favoris de certaines qualités défensives, apprenaient aux courtisans que même pour être préférés par les rois, il fallait pouvoir appuyer leur autorité sur des moyens indépendants et personnels. […] Les courtisans venant se mêler aux habitants de la capitale, voulaient y montrer un mérite personnel, un caractère, un esprit à eux ; et les habitants de la capitale conservaient toujours un attrait irrésistible pour les manières brillantes des courtisans.
Elle ne se livre pas à un seul mouvement personnel, pas même au besoin d’inspirer un sentiment réciproque, et ne jouit que de ce qu’elle donne. […] Le bonheur qui naît des passions est une distraction trop forte, le malheur qu’elles produisent cause un désespoir trop sombre pour qu’il reste à l’homme qu’elles agitent aucune faculté libre ; les peines des autres peuvent aisément émouvoir un cœur déjà ébranlé par sa situation personnelle, mais la passion n’a de suite que dans son idée ; les jouissances, que quelques actes de bienfaisance pourraient procurer, sont à peine senties par le cœur passionné qui les accomplit.
Comme Callot, il a mis dans sa peinture ses souvenirs personnels, et il a raison. […] ce que je lui reproche, c’est de ne traîner jamais que le boulet, trop lourd et trop rivé, d’un seul souvenir personnel.
Le Dieu des déistes, puisqu’il n’est pas personnel, n’est plus que la Nature, et la Nature influe sur la conscience, — comme Dieu. […] Il a oublié que les ermites, dans toutes les religions, placent toujours Dieu, un dieu personnel, — qu’il soit faux ou vrai, mythologique ou chrétien, — dans le fond de leurs ermitages.
… Que savons-nous de la survivance de nos âmes personnelles ou de celle de notre âme collective, et de Dieu, et du bien, et du mal ? […] Le royaume des cieux, en tant que monde régulièrement organisé où se poursuivront nos existences personnelles, n’est nécessaire qu’aux simples d’esprit ; aussi leur est-il réservé. […] Il le trouve « le moins personnel des écrivains », n’ayant « ni dessin, ni couleur, ni relief, ni mouvement. […] En d’autres termes, on se fabrique couramment sa petite morale personnelle, bonne pour soi et les siens, adaptée aux besoins particuliers de sa conscience, avec les adoucissements et les exceptions nécessaires. […] Voy. article intitulé : La littérature personnelle.
Nous pensâmes qu’une lecture, là, devant un public d’hommes de lettres, aurait peut-être chance de valoir à notre pièce une heure d’attention, la lecture personnelle d’un directeur de théâtre comme M. […] Il y a trois questions : La question littéraire ; La question politique ; La question personnelle, — ou plutôt la question sociale. […] Arrivons à la dernière question, à la question personnelle, et cherchons en nous tout ce qui peut expliquer cet inexplicable déchaînement d’hostilités. […] Elle retrace enfin avec des souvenirs bien personnels et vécus — l’expression est acceptée aujourd’hui — des sentiments qui ont le mérite de représenter rigoureusement, à la scène, les sentiments humains et contradictoires de deux hommes d’âge différent, confondus et mêlés dans une même existence. […] Ainsi, dans la pièce d’Henriette Maréchal, à propos de laquelle, un moment, il semblait qu’on nous fît l’honneur d’avoir inventé l’adultère au théâtre, dans cette pièce ressemblante à toutes les pièces du monde, il n’y a jamais eu pour nous qu’un acte original et bien personnel à nous : le Bal masqué.
Il arrivera précisément ce qui arrive dans les cas où, après bien des années, nous voyons de nouveau des lieux ou des objets, nous entendons de nouveau des mélodies, que nous avons jadis connus mais que nous avons depuis longtemps oubliés… Or si, dans ces derniers cas, nous avons appris à interpréter la plus faible poussée des associations comme le signe d’expériences antérieures se rapportant aux mêmes objets que ceux d’à présent, on devine que, dans les autres cas aussi, dans les cas où, par suite d’une diminution de l’énergie psychique, l’entourage habituel déploie une efficacité associative très diminuée, nous aurons cette impression qu’en lui se répètent, identiquement, des événements personnels et des situations tirées du fond d’un passé nébuleux 51 » Enfin, dans un travail approfondi qui contient, sous forme d’auto-observation, une des plus pénétrantes analyses qu’on ait données de la fausse reconnaissance 52. […] Ce qui caractérise la reconnaissance du premier genre, c’est qu’elle exclut tout rappel d’une situation déterminée, personnelle, où l’objet reconnu aurait été déjà perçu. […] S’ils évoquent le souvenir précis d’un incident auquel ils ont été mêlés, je les reconnais encore comme y ayant pris part, mais cette reconnaissance se surajoute à la première et s’en distingue profondément, comme le personnel se distingue de l’impersonnel. […] Elle porte toujours sur une situation personnelle, dont on est convaincu qu’elle reproduit une autre situation personnelle, aussi précise et aussi déterminée qu’elle. […] Qu’on nous permette de décrire une impression personnelle.
Paisiblement et minutieusement, il essaye de démontrer que Dieu ne saurait être tout ensemble infini et personnel, puisque toute détermination est une négation. […] Il y a dans tout désir amoureux, et dans la nuance d’enchantement qui raccompagne, une part énorme de création personnelle, si l’on peut dire. […] Elle doit vivre par elle-même, d’une vie propre, d’une vie étrangère à la destinée personnelle de celui qui l’a créée. […] C’est pour cela que les figures féminines esquissées par chaque écrivain lui sont plus personnelles encore que les figures masculines. […] Les âmes dans lesquelles cette impression de la vitalité personnelle est diminuée devraient être en théorie les plus dépourvues d’égoïsme.
Pendant qu’ils furent fermés et leur personnel dispersé, et plus tard avant que l’Université impériale eût solidement renoué la tradition, s’éleva librement la génération qui, vers 1820, commença d’écrire ; au reste, il était impossible de vivre au collège, comme autrefois, absorbé dans l’antiquité : et le présent disputait victorieusement au passé les âmes des enfants. […] Il dépouillait les formes classiques de l’ode ; il essayait des rythmes plus simples, plus souples, plus personnels ; il cherchait des combinaisons fantaisistes, où éclatait sa prodigieuse invention rythmique ou verbale. […] Deschamps727, romantique de la première heure, essayait de concilier le principe de l’originalité personnelle, et celui de l’imitation des Espagnols, Allemands et Anglais.
L’un est fait de tous les états mentaux qui ne se rapportent qu’à nous-mêmes et aux événements de notre vie personnelle. […] Reste enfin l’exemple, le prestige personnel de l’éducateur. Ce moyen d’action suppose une condition particulièrement difficile à réaliser : un personnel d’éducateurs vraiment exemplaires et possédant une supériorité morale éclatante et incontestée.
C’est, à mon sens, le plus personnel, le plus spontané de ses livres, au moins en ce qui regarde la pensée ; car le style de Stello est plus châtié, plus condensé, plus volontaire que celui de Cinq-Mars. […] [Souvenirs personnels (1883).]
Pour mon compte, je maintiens qu’il n’y a qu’un catholique qui puisse écrire profondément et intégralement l’histoire de Philippe II et de son siècle, et encore un catholique assez fort (cherchez-le dans le personnel du catholicisme actuel et trouvez-le si vous le pouvez !) […] Ce livre a la puissance personnelle des facultés qui font le talent, mais il a l’impuissance de son siècle, — d’un siècle à qui manque radicalement le sens des choses religieuses, et il en faut au moins la connaissance et la compréhension pour en parler dans une histoire où elles tiennent une si grande place.
Mais ici qu’avons-nous, sinon un aveu personnel, une confession directe, par où le poète prend à témoin son lecteur ? […] Mais je crois bien que si, par aventure, une telle contradiction se fût produite, j’aurais été contraint de substituer mes souvenirs personnels à l’image que l’auteur me venait proposer. […] Qui de nous ne pourrait retrouver, dans ce magnifique répertoire de souvenirs que crée une expérience personnelle subordonnée à l’observation, quelque figure s’apparentant à l’héroïne de Mme Henri de Régnier ? […] Un instant, imaginons par contraste que se trouve restreint à la littérature personnelle le domaine de la création littéraire… qu’est-ce alors qu’on en supprimerait ? […] On ne saurait imaginer deux talents plus divers que Mme de Noailles et Mme Henri de Régnier, bien que leur point de rencontre soit l’exaltation de l’art personnel dans la transposition du roman.
. — Il a prouvé que l’élément essentiel dans toute création artistique est un élément personnel, qui échappe aux définitions exactes et surtout aux prévisions. […] Un seul et même sujet (paysage, figure, situation morale) sera senti très différemment, selon le tempérament de l’artiste ; et la forme d’expression devrait être adéquate à cette façon de sentir, c’est-à-dire personnelle. […] Je crois donc que chaque individualité est une combinaison particulière, unique en son genre et passagère, de certains éléments généraux et durables ; les deux éléments principaux sont l’esprit de l’époque (principe directeur) et le tempérament personnel, tel qu’il est produit par l’hérédité, par les expériences, par le milieu spécial, par la culture intellectuelle, etc. […] Dans chaque cas, il importe de voir comment ces emprunts ont été remaniés, combinés, et s’ils répondent à la vision personnelle de l’auteur. […] Pour ne pas répéter des choses déjà dites par d’autres, je choisis un petit exemple qui, dans ses détails, est assez instructif ; c’est une expérience personnelle, dont je puis garantir qu’elle ne fut pas troublée par des idées préconçues (j’ignorais alors les articles de M.
Les romans modernes sont descriptifs, pittoresques, analytiques ; conçus généralement en une langue graphique et peinant à l’être, s’appliquant à dépeindre exactement et magnifiquement, en couleur et en relief, les lieux où se passe l’action, ils tendent surtout à présenter une image précise et impartiale de l’âme humaine conçue comme complexe, variable, aussi intéressante dans ses parties inférieures ou honteuses, dans ses laideurs, ses vices, ses passions, qu’en ses vertus et son énergie ; ils tendent encore à donner la connaissance minutieuse et renseignante du milieu social ou professionnel dans lequel se meut le protagoniste, du monde qui l’entoure, des intérêts qu’il prend du département de la vie commune auquel il participe ; et tous ces renseignements et ces analyses sont mis bout à bout au moyen d’une intrigue la plus simple, la plus ordinaire possible, réduite à n’être plus qu’une sorte de prétexte à lier entre eux les tableaux, les scènes, les traits de caractère, de façon que l’œuvre soit plutôt une étude de personnage et de mœurs, qu’un récit romanesque ou une effusion personnelle de l’auteur. […] Avec des cadences de phrases pompeuses et bruyantes qui ressemblent aux triomphants paraphes de certaines signatures, usant tantôt d’une solennité prêcheuse, tantôt de la grande éloquence des bateleurs, tantôt encore de l’attendrissement contenu des petits traités religieux, recourant au comique de l’argot et au pathétique des mélodrames, l’auteur anglais s’attache constamment à développer le plus copieusement du monde les thèmes les plus minces, par considérations personnelles, par hypothèses, par associations d’idées, par amplifications, par n’importe quel moyen extrinsèque autre que la description et la considération même de l’objet dont il disserte. […] Que l’on étende l’emploi de ces procédés du ridicule au comique bienveillant, au pathétique et au mystérieux, que l’on conçoive un écrivain qui, dans ces trois sortes d’émotions, ne peut faire une description, poser un personnage, développer une scène, sans intervenir et marquer directement l’impression qu’il veut en faire ressentir, on aura la définition de l’art de Dickens, qui n’est en somme que l’exagération du procédé fondamental de tout art, l’excès de la vision et de la représentation personnelles. […] On sait si Dickens se prive de consacrer de longs passages aux commentaires personnels introduits à propos ou hors de propos dans la trame de son récit, comment son style est trépidant et empanaché, comment, même dans la narration pure, dans le dialogue, la description, il trouve moyen de marquer sans cesse ce qu’il pense de ce qu’il raconte. […] Aussi un être affectif ne peut-il avoir du monde extérieur qu’une connaissance toute personnelle, subjective, et qui lui indique simplement si certaine partie lui en plaît ou non ; s’il est amené à décrire quelque spectacle, il pourra seulement non pas l’analyser et susciter dans d’autres esprits l’image qu’il en aura conçu, mais s’étendre sur l’agrément ou le déplaisir qu’il en aura ressenti.
Dans les formes conventionnelles qu’ils empruntent à ces premiers maîtres, et dont ils subissent docilement les exigences, quand encore ils ne les modifient pas pour en rendre la contrainte plus étroite et plus monotone, nos trouvères, — un Quesne de Béthune, le sire de Couci, Thibaut de Champagne, Huon d’Oisi, Charles d’Anjou, — tous de race noble, essaient de faire entrer l’expression de leurs sentiments personnels. […] Mais le signal n’en est pas moins donné, et cette poésie « courtoise », où le sentiment personnel s’efforce de se faire jour, est déjà le symptôme d’une émancipation prochaine de l’individu. […] De tous les caractères de la littérature européenne du Moyen Âge, il n’en est pas qui soit demeuré plus national et, si l’on ose ainsi parler, plus personnel à la littérature française que cette tendance à l’universalité. […] E. — Dernière transformation de la poésie lyrique. — Développement des genres à forme fixe [Ballade, Rondeau, Virelai, Chant Royal]. — Disparition du sentiment personnel. — Guillaume de Machaut, — Eustache Deschamps, — Christine de Pisan, — Alain Chartier. — Caractère « circonstanciel » de leur œuvre ; — ils essaient de faire de la poésie avec l’actualité. — Qu’il y a lieu de s’étonner que, contemporains de Du Guesclin ou de Jeanne d’Arc, ils n’y aient pas mieux réussi [Cf. la plus connue des ballades d’Eustache Deschamps, sur du Guesclin] : Estoc d’honneur et arbre de vaillance. […] Le Roman de Jean de Meung ; — et que le poète n’a vu lui-même dans cette partie de son œuvre qu’une saillie de jeunesse ; — dont la signification n’est ainsi que plus caractéristique. — En respectant la fiction et le cadre de Guillaume de Lorris, Jean de Meung y introduit des intentions marquées de « satire sociale » et de « philosophie naturelle » ; — dont les premières le rapprochent des auteurs des « branches » additionnelles du Roman de Renart ; — avec lesquels il a encore de commun la violence de son langage, — et la licence de ses discours. — Ses intentions de « philosophie naturelle » semblent lui être plus personnelles ; — quoique d’ailleurs on puisse les rapprocher de la philosophie, très inconsciente, à la vérité, des auteurs de nos fabliaux.
Il avait l’âme inquiète, profondément personnelle, avide de plaisirs et de sensations, l’imagination ardente et mobile, l’esprit souple, vaste, actif, lucide : joueur incorrigible, amant toujours passionné et prompt à changer, causeur étincelant, homme d’État inconsistant, déroutant l’opinion par de soudaines volte-face. […] Royer-Collard692 réservait ses coups de boutoir pour les conversations de couloir et les relations personnelles. […] Trop souvent même, les intérêts personnels passèrent au premier plan ; et les orateurs de l’orléanisme nous apparaissent comme occupés surtout de saisir ou de retenir le pouvoir, divisés par leur ambition seule, et montant à l’assaut du ministère, sans s’inquiéter de discréditer la bourgeoisie qu’ils représentent tous au même titre, ou d’ébranler la dynastie dont ils sont tous également serviteurs. […] Il est admirable et irritant dans sa politique de résistance, identifiant obstinément la bourgeoisie avec la France, les intérêts de la bourgeoisie avec la raison, et, cinquante ans après cette révolution qui avait cru faire place au mérite personnel en ruinant le privilège de la naissance, établissant durement, hautainement le privilège de l’argent : jamais il n’était plus bel orateur, jamais son raisonnement n’a été plus serré, sa parole plus animée, que lorsqu’il allait superbement contre la justice et contre la nécessité, lorsqu’il maintenait, au risque d’abîmer tout, l’iniquité d’une société chancelante. […] Didon, ce n’est pas le livre : c’est le discours, l’action directe et personnelle sur les âmes.
On a beaucoup disputé pour ou contre la valeur personnelle de Louis XIV ; dans ce curieux procès qui s’est débattu depuis l’abbé de Saint-Pierre jusqu’à Lemontey et au delà, chacun prenait parti selon ses préventions et tranchait à sa guise. […] La hauteur personnelle de Louis XIV et ses ténacités d’orgueil compliquèrent toujours et traversèrent plus ou moins la vue de ses vrais intérêts comme roi ; son rare bon sens, en se mettant au service de cette passion personnelle, ne la dominait pas assez. […] Si quelquefois, en d’autres écrits, il a paru faire trop étroite la part des intentions et des influences personnelles dans l’histoire, s’il les a souvent encadrées et un peu écrasées dans une formule absolue et inflexible, ici elles reprennent tout leur espace et tout leur champ ; on a la revanche au complet.
Sa physionomie ouverte et bonne, la politesse décente de son langage, laissent transpirer à son insu une sensibilité intérieure profondément tendre, et, sous la généralité de sa morale et la multiplicité de ses récits, il est aisé de saisir les traces personnelles d’une expérience bien douloureuse. […] Il est possible, à la rigueur, que la philosophie, alors commençante, l’ait séduit un moment dans l’intervalle de sa sortie de La Flèche à son entrée chez les bénédictins, et que le personnage de Cléveland représente quelques souvenirs personnels de cette époque. […] Ce n’est partout que peintures et sentiments, mais des peintures vraies et des sentiments naturels99. » Une ou deux fois Prévost fut appelé sur le terrain de la défense personnelle, et il s’en tira toujours avec dignité et mesure. […] Or le nombre 47, consacré à une défense personnelle, est bien expressément de Prévost.
C’est avec la même indépendance d’esprit, que j’ai tâché, dans la première partie de cet ouvrage, de peindre les effets des passions de l’homme sur son bonheur personnel. […] Loin donc de ceux qui ont quelque valeur personnelle, toutes les dénominations d’esclaves et de factieux, de conspirateurs et d’anarchistes, prodiguées aux simples opinions ; les actions doivent être soumises aux lois : mais l’univers moral appartient à la pensée ; quiconque se sert de cette arme, méprise toutes les autres, et l’homme qui l’emploie est par cela seul incapable de s’abaisser à d’autres moyens. — Plusieurs ouvrages de très bons auteurs renferment des raisons en faveur de l’hérédité modifiée, ou comme en Angleterre, c’est-à-dire, composant deux branches du gouvernement, dont le troisième pouvoir est purement représentatif ; ou comme à Rome, lorsque la puissance politique était divisée entre la démocratie et l’aristocratie, le peuple et le sénat ; il faudrait donc déduire tous les motifs qui ont fait croire que la balance de ces intérêts opposés, pouvait seule donner de la stabilité aux gouvernements ; que l’homme qui se croit des talents, ou se voit de l’autorité, tendant naturellement, d’abord aux distinctions personnelles, et ensuite aux distinctions héréditaires, il vaut mieux créer légalement ce qu’il conquerra de force. […] Il y a du bien pour la masse dans l’ordre même des choses, et cependant il n’est pas de félicité pour les individus ; tout concourt à la conservation de l’espèce, tout s’oppose aux désirs de chacun, et les gouvernements, à quelques égards, représentant l’ensemble de la nature, peuvent atteindre à la perfection dont l’ordre général offre l’exemple ; mais les moralistes, parlant aux hommes individuellement, à tous ces êtres emportés dans le mouvement de l’univers, ne peuvent leur promettre avec certitude aucune jouissance personnelle, que dans ce qui dépend toujours d’eux-mêmes.
Par conséquent, le but serait manqué si une civilisation, quelque élevée qu’elle fût, n’était accessible qu’à un petit nombre, et surtout si elle constituait une jouissance personnelle et sans tradition. […] Ce qui est horrible c’est que l’individu, de son droit propre et pour sa jouissance personnelle, enchaîne son semblable pour jouir de son travail. L’inégalité est révoltante, quand on considère uniquement l’avantage personnel et égoïste que le supérieur tire de l’inférieur ; elle est naturelle et juste, si on la considère comme la loi fatale de la société, la condition au moins transitoire de sa perfection. […] Je le répète, si l’on n’envisageait dans la civilisation que le bien personnel qui en résulte pour les civilisés, peut-être faudrait-il hésiter à sacrifier pour le bien de la civilisation une portion de l’humanité à l’autre.
Est-ce une immortalité de l’âme personnelle ? […] La nature n’est pas personnelle, elle est collective. […] Il va publier bientôt un premier cahier de ses recherches sur le mouvement et la vitesse… Mais il y a pour lui une difficulté personnelle à se faire accepter, à se faire lire. […] Dans ses divagations, ce dentiste a pour excuse de ne pouvoir porter quelque chose sur la tête et de tenir dans la rue son chapeau à la main, mais les folies qui jaillissent de sa faible cervelle, ne lui sont pas tout à fait personnelles : elles lui sont apportées par le courant des choses, elles lui sont soufflées par le vent des idées dans l’air.
Je ne vais pas répéter ce que je vous ai dit de sa moralité personnelle, et ici il faut faire une très grande distinction. […] Or, la morale d’intérêt personnel, d’intérêt bien entendu, c’est la morale de La Fontaine. […] La solidarité et la bonté, c’est déjà une morale, c’est déjà quelque chose qui nous détache de l’intérêt personnel, même bien entendu. […] Je ne puis pas m’empêcher de vous dire en terminant une petite anecdote qui ne m’est pas tout à fait personnelle, mais qui est de mon domestique et dont je suis sûr, puisque j’en ai été témoin.
À ces renseignements objectifs, qu’il est impossible de recueillir, peut-être un appel à l’expérience personnelle peut-il suppléer. […] On y voit les justiciables invoquer alternativement le régime des lois dites personnelles et le régime des lois dites territoriales173 ; lorsqu’ils sont dans la main du seigneur, ils en appellent au roi ; dans la main du roi, au seigneur. […] En un mot, la diversité des situations sociales que l’individu occupe dans des groupements très variés aide l’esprit dans son lent effort pour se déshabituer de mesurer, aux situations sociales, la valeur personnelle. […] Ainsi, par la variété aussi bien que par la multiplicité des situations sociales d’un même individu, l’opinion publique est comme désorientée dans son respect des distinctions collectives ; elle n’a plus d’autres ressources que d’asseoir sur leur seul mérite personnel son estime des hommes.
Un sentiment personnel élevé domine et donnera le ton au discours, à l’apologie tout, entière : Si j’étais sorti de l’arène comme un vaincu renversé et mis hors de combat par ses vainqueurs, je ne tenterais pas, dit-il, de parler aujourd’hui des luttes que j’ai soutenues. » M. […] Ici l’on entre dans les ministères plus personnels : grand parti du gouvernement se disloque ; la base du juste-milieu est amoindrie. […] J’ai pu avoir alors mes impressions personnelles, mes passions même à un certain moment : je les avais étouffées ; j’ai su apprécier les douceurs de ce régime de dix-huit ans, ses facilités pour l’esprit et pour l’étude, pour tous les développements pacifiques, son humanité, les plaisirs d’amateur que causaient, même à ceux qui n’avaient pas l’honneur d’être censitaires, des luttes merveilleuses de talent et d’éloquents spectacles de tribune, et aussi les éclairs de satisfaction que donnaient à tous les cœurs restés français de brillants épisodes militaires.
Molé sans garanties suffisantes), à mes impressions personnelles, à l’insistance du roi, à l’urgence de la situation, et aussi à une disposition de ma nature qui est d’avoir trop de facilite à accepter ce qui coupe court aux difficultés du moment, trop peu d’exigence quant aux moyens et trop de confiance dans le succès. » Il est curieux, en le lisant, de remarquer comme ces formes de phrases se reproduisent involontairement sous sa plume : « J’ai la confiance de croire, etc. […] Molé en 1837 et le secret désir de prendre une revanche personnelle, tout en soutenant une bonne cause générale, aient été sans influence sur mon adhésion à la Coalition de 1839 et sur l’ardeur que j’y ai portée. […] Il n’en sortira, certes, pas grand bien encore ; mais c’est déjà beaucoup que cette émeute parlementaire, dont les chefs ne me paraissent pas avoir pressenti toutes les conséquences. » Le bonhomme se frotte les mains ; et prévoyant que la nouvelle monarchie pourrait bien, comme l’autre, prendre un jour la route de Cherbourg : « La Coalition, répète-t-il, vient de lui porter un coup qui laissera des cicatrices, et je vous avoue que je n’aurais rien conçu à ces attaques dirigées par des hommes qui se prétendent monarchiques, si les ambitions personnelles n’expliquaient bien des choses.
Ils étaient là, de père en fils, laborieux, instruits, secrets, sachant l’échiquier, alors si compliqué, des États de l’Europe, le personnel des Cours, le droit public et les traités, le mécanisme et l’organisme du Corps germanique et de l’Empire, les prétentions et les casus belli de tout genre, tous les mystères et les arcanes des chancelleries ; on leur demandait des mémoires sur les questions les plus ardues ; ils les rédigeaient aussitôt, du jour au lendemain, avec exactitude, clarté, sans qu’on eût même l’idée d’y rattacher leur nom. […] Celui-ci, interpellé soudainement sur un sujet aussi délicat, répondit avec un peu d’embarras qu’aucune instruction de sa Cour ne l’autorisait à traiter d’un mariage entre une princesse de Naples et le fils de l’Impératrice : « Il ne pouvait donc soumettre à la reine que ses opinions personnelles ; il lui semblait que, dans l’intérêt de sa maison et de ses peuples, elle devrait favoriser une semblable union ; Eugène de Beauharnais avait toute l’affection de l’Empereur, et de grandes destinées semblaient promises à ce jeune homme. » La reine demeura quelque temps sans répondre : un sourire amer parut un moment sur ses lèvres ; elle semblait agitée intérieurement par des réflexions pénibles ; enfin elle rompit le silence et dit, comme avec effort, qu’elle n’avait aucune objection à élever contre la personne du jeune Beauharnais : « Mais il n’avait pas encore de rang dans le monde ; si, plus tard, la Providence l’élevait à la dignité de prince, les obstacles qui s’opposaient aujourd’hui à une pareille alliance pourraient être écartés. » Le moment une fois manqué ne revint pas. […] Il se résigna à cette inactivité et s’en accommoda même, en se consacrant dès lors tout entier dans le silence et la retraite à l’étude approfondie, passionnée et à la fois philosophique, du drame émouvant « qui commence dans les plaines de Marengo et finit sur le rocher de Sainte-Hélène. » En 1848, à la suite de l’effondrement général qu’occasionna la Révolution de février, le personnel de la diplomatie se trouva désorganisé, les rangs furent soudainement éclaircis.
Ceux qui sous un tel ordre de choses sont nés dans la classe privilégiée, ont à quelques égards beaucoup de données utiles ; mais d’abord la chance des talents se resserre, et à proportion du nombre, et plus encore, par l’espèce de négligence qu’inspirent de certains avantages ; mais quand le génie élève celui que les rangs de la monarchie avaient déjà séparé du reste de ses concitoyens, indépendamment des obstacles communs à tous, il en est qui sont personnels à cette situation ; des rivaux en plus petit nombre, des rivaux qui se croient vos égaux à plusieurs égards, se pressent davantage autour de vous, et lorsqu’on veut les écarter, rien n’est plus difficile que de savoir jusqu’à quel point il faut se livrer à la popularité, en jouissant de distinctions impopulaires ; il est presqu’impossible de connaître toujours avec certitude le degré d’empressement qu’il faut montrer à l’opinion générale : certaine de sa toute puissance, elle en a la pudeur, et veut du respect sans flatterie ; la reconnaissance lui plaît, mais elle se dégoûte de la servitude, et rassasiée de souveraineté, elle aime le caractère indépendant et fier, qui la fait douter un moment de son autorité pour lui en renouveler la jouissance : ces difficultés générales redoublent pour le noble, qui dans une monarchie veut obtenir une gloire véritable ; s’il dédaigne la popularité, il est haï : un plébéien dans un État démocratique, peut obtenir l’admiration en bravant la popularité ; mais si un noble adopte une telle conduite dans un État monarchique, au lieu de se donner l’éclat du courage, il ne ferait croire qu’à son orgueil ; et si, cependant, pour éviter ce blâme, il recherche la popularité, il est sans cesse près du soupçon ou du ridicule. Les hommes ne veulent pas qu’on renonce totalement à ses intérêts personnels, et ce qui est, à un certain points contre leur nature, est déjoué par eux ; de tous ses avantages il n’y a que la vie qu’on puisse sacrifier avec éclat ; l’abandon des autres, quoique bien plus rare et plus estimable, est représenté comme une sorte de duperie ; et quoique ce soit le plus haut degré du dévouement, dès qu’il est nommé duperie, il n’excite plus l’enthousiasme de ceux mêmes qui sont l’objet du sacrifice. […] Mais non, pourrait-on dire, le jugement de la multitude est impartial, puisqu’aucune passion envieuse et personnelle ne l’inspire ; son impulsion toujours vraie, doit être juste ; mais par cela même que ces mouvements sont naturels et spontanés, ils appartiennent à l’imagination ; un ridicule détruit à ses yeux l’éclat d’une vertu ; un soupçon peut la dominer par la terreur ; des promesses exagérées l’emportent sur des services prudents, les plaintes d’un seul, l’émeuvent plus fortement que la silencieuse reconnaissance du grand nombre ; enfin, mobile, parce qu’elle est passionnée ; passionnée, parce que les hommes réunis ne se communiquent qu’à l’aide de cette électricité, et ne mettent en commun que leurs sentiments ; ce ne sont pas les lumières de chacun, mais l’impulsion générale qui produit un résultat, et cette impulsion, c’est l’individu le plus exalté qui la donne.
Tous ces écrivains, malgré leurs diversités nationales et personnelles, ont agi en somme dans le même sens : ils ont porté le coup de grâce au naturalisme français. […] Il y a un accent bien personnel de pessimisme énergique dans la poésie bouddhique de Jean Lahor967 ; et l’on trouve un exquis mélange de philosophie et d’émotion, un fin sentiment des antiquités et des religions, dans les drames que M. […] Rosny, qui dans ses romans d’une écriture trop personnelle, ou, si l’on veut, d’un français trop douteux, pose les problèmes moraux et sociaux les plus actuels avec un sens pénétrant de la vie et une sympathie pour les souffrants qui n’a rien de banal, Indompté (1894), ou qui ramène le roman à la simplicité puissante de l’épopée par ses visions des temps préhistoriques, poétiques expressions des hypothèses de la science d’aujourd’hui Vamirch : et M.
Et ces observations générales, il y a beau temps qu’elles ont été faites : on ne peut qu’en varier la forme (il est vrai qu’on le peut indéfiniment et qu’on y peut mettre sa marque personnelle). […] Mais voici la plus grande originalité de cette artiste si complètement personnelle. […] Et le jeu de cette grande artiste n’est point seulement poignant et enveloppant à la fois ; il est personnel jusqu’à l’excès et pour ainsi dire coloré.
Et qu’on ne dise point que le procédé est facile ; car ces aspects nouveaux, c’est bien lui qui les découvre ; nous n’y aurions jamais songé sans lui ; et c’est chose si rare et si précieuse que d’avoir dans la critique littéraire, où la tradition est encore si puissante, des impressions et des vues vraiment personnelles ! […] C’est là une de ses idées les plus personnelles et les plus chères, une de celles qu’il a le plus souvent développées, et dès janvier 1858, dans le plus long chapitre de ses Essais sur l’histoire de la littérature française. […] On devine chez lui cette arrière-pensée que, pour un homme de talent, il faisait bon vivre dans ce monde du dernier siècle : le mérite personnel s’y imposait peut-être mieux, y était traité avec plus de justice que dans une société démocratique, bureaucratisée et enchinoisée à l’excès.
Rien n’est donc plus intéressant, non-seulement pour les philosophes et pour les savants, mais pour tous les esprits éclairés, que de voir un des maîtres de la science nous exposer les principes de sa méthode, les éclairer par de nombreux exemples empruntés à son expérience personnelle, nous faire assister avec ingénuité à toutes les opérations de son esprit, nous apprendre comment les erreurs mêmes peuvent être profitables et instructives, à quel prix enfin se font les découvertes et les solides progrès. […] Claude Bernard nous décrit avec vivacité, et avec toute l’autorité de l’expérience personnelle, cette remarquable vertu de l’invention scientifique, supérieure à toutes les méthodes et à toutes les règles. […] Ce n’est pas le préjugé d’une philosophie spéculative qui le fait parler, c’est le souvenir vivant de l’expérience personnelle.
Je pense seulement que le livre sera bon si le lecteur, en le fermant, a senti plus vivement le danger, personnel ou social, de la faute ou de l’erreur que l’auteur a décrite, ou s’il a plus clairement compris la grandeur et la nécessité de la loi morale à laquelle il est, comme homme, obligé d’obéir. […] C’est la vie, c’est la souffrance personnelle qui prépare la communion de ces inconnus dans une même émotion, que l’un exprime à peine, et que l’autre éprouve tout entière. […] J’en ai assez dit pour prouver que la lecture du roman ne peut convenir à tout le monde, puisqu’elle demande une expérience personnelle de la vie et un sens exercé de la beauté.
Cela aura pour premier et sensible effet de reporter du dehors au dedans la règle, la loi de la création littéraire, de rendre l’écrivain dépendant de son seul tempérament, de son propre et personnel idéal : à moins — ce qui arrivera aussi — qu’à la tyrannie du monde ne se substitue la tyrannie des écoles, des ateliers, des sociétés professionnelles, imposant d’absolus mots d’ordre, d’exclusives formules, et décriant la concurrence. […] Mais le talent original et personnel qui appartient uniquement au journalisme révolutionnaire et qui le représente dans la mémoire du public, c’est Camille Desmoulins625.
Puis, cette désignation laisse encore à désirer au point de vue de la précision ; le mot de siècle est trop vaste ; le mot d’époque vaudrait mieux, à condition d’être précisé par les deux dates qui enferment le gouvernement personnel du Roi-Soleil (1661-1715). […] De plus, une société, après de longues et terribles secousses, arrive parfois ù un état d’équilibre qui donne aux contemporains l’illusion d’un repos indéfini ; c’est ainsi que, dans la première partie du règne personnel de Louis XIV, la plupart des Français crurent la langue, les règles de la poésie et du bon goût, le régime politique et religieux aussi bien que le régime littéraire fixés en France pour l’éternité.
Saint-René Taillandier, c’est tout le personnel, ancien et moderne, de la Revue des Deux-Mondes, pour laquelle son livre est une épouvantable réclame de quatre cents pages environ, et ses goûts, c’est MM. […] L’opinion personnelle de M.
car ce cri final (daté de 1862), qui n’est plus de l’Alfred de Musset amoureux, mais du Roger de Beauvoir trahi par la vie, ce cri qui promettait un poète nouveau dans le poète connu, dans le poète de Cape et d’Epée et même dans le poète de Colombes et Couleuvres, déjà si personnel et presque profond, ce cri qui promettait un de ceux-là qui sont les plus grands parce qu’ils sont les phénix de la douleur ! […] En soi, le talent existe : cela est sûr ; il est même évidemment très grand, quand on compare ces vers à tous les vers qui s’impriment dans ce temps de descripteurs qui se croient des poètes, de tricoteurs de vers qui n’ont pas une idée ou un sentiment à fourrer dans leur petit ouvrage, et de réalistes qui, comme Calemard de Lafayette, font tomber Delille dans de la bouse de vache ; — mais d’une vache personnelle, disait si drôlement Sainte-Beuve.
Il est poète, ce n’est pas douteux, et nous le prouverons tout à l’heure, mais à son inspiration, parfois très énergiquement personnelle, se mêle aussi parfois l’alliage fatal des réminiscences involontaires. […] La vieillesse en conseils aura beau se lasser, L’expérience est personnelle.
En cela rien d’extraordinaire et que les autres n’aient éprouvé avant moi ; mais, comme ma course se croisait avec tout ce qui se passait alors, avec les flottes alliées en station à Bérika et à Ténédos, avec l’armée ottomane qui demandait la guerre, avec les troupes égyptiennes qui s’exerçaient au combat avant de s’embarquer sur la mer Noire, j’ai dû associer presque involontairement mes sensations personnelles à celles des populations que je visitais… » Certes ! il est impossible de moins se surfaire et de mieux apprécier son livre tout en l’expliquant… Seulement, la Critique littéraire, qui voit les facultés où elles sont et qui lit les feuillets des livres qui n’ont jamais été écrits, regrette que des intelligences faites pour mieux se contentent de brûler le pavé et ne rapportent au logis, sur des peuples qu’on a regardés du dehors au dedans, au lieu de les regarder du dedans au dehors, rien de plus que des impressions personnelles, fussent-elles aussi vivantes que peuvent l’être ces impressions !
C’est du fond de sa province que Lamartine a créé notre grande école de poésie personnelle. […] Nous avons assez longtemps exploré nos maladies personnelles et disséqué notre propre cœur. […] On a signalé bien des fois cet effort d’harmonie chez Flaubert et on a peut-être eu tort de lui en faire un mérite si personnel. […] Mais peut-être exagère-t-on ses torts en faisant un cas trop personnel d’une défaite qui a des conséquences plus étendues. […] Par quels moyens arrive-t-on à avoir une originalité et une forme personnelles ?
L’expérience personnelle, quels que soient ses défauts, peut seule nous faire percevoir ce qu’il y a d’essentiel et de caractéristique dans la poésie. […] Chacun sera tenté de le résoudre selon ses préférences personnelles. […] Parfois il parle en son nom personnel, se met lui-même en scène ; parfois il nous présente quelque personnage imaginaire, dont il nous décrit les pensées. […] Mais de ce que le poète s’affranchit des égoïsmes du sentiment personnel, on conclut à son impassibilité. […] Leurs sentiments les plus personnels sont toujours largement humains ; ils enveloppent et engendrent d’autres sentiments à l’infini.
En somme, la question n’est que d’intérêt inférieur, et il nous suffît ici, avant de passer à la critique personnelle de chaque artiste, d’avoir simplement constaté, sans commentaires, un des plus graves symptômes de nos mœurs artistiques. […] On peut la placer dans ce besoin à demi avoué de jouer perpétuellement un rôle, de se promener à travers la vie comme un comédien sur les planches, prenant tantôt un masque et tantôt un autre, et ne se révélant presque jamais sous son aspect personnel et véritable. […] Et le poète complète ces réflexions par le récit de son aventure personnelle, un jour qu’il entend dans la rue un vitrier. […] Par sa valeur personnelle, Ferdinand de Lanoye était donc hors d’état d’exercer une action quelconque sur un grand esprit, encore hésitant, déjà formé néanmoins. […] Mais où s’en vont la spontanéité originale, l’inspiration personnelle au milieu de ces procédés de facture industriels, auxquels doit se soumettre quiconque veut user de la parole rythmée ?
Certaines pièces plus personnelles, — comme Sur mes vers — ont un bel accent triste et contenu.
Leur vision du monde est alors directe, personnelle et neuve. […] Tu représentes donc mon intérêt personnel, le sanctuaire de mon égoïsme. […] L’afflux des sensations personnelles est encore ici trop fort. […] Il énumérera tous les types successivement dans lesquels ce personnel a pu s’incarner. […] Il dénombrera le personnel administratif, tant à Paris qu’en province.
Ceux qui désireront des éclaircissemens sur le personnel de cet Auteur, si décrié par les ennemis que les Trois Siecles lui ont attirés, pourront consulter les articles Condorcet, Helvetius, Liger, Lacombe, Palissot, Robé, &c. ainsi que l'Avertissement de la seconde édition de ce Livre, le Discours préliminaire de la quatrieme, & les Lettres qui terminent celle-ci.
Charles Fuster Il y a, dans Blanchefleur et dans la Riviera beaucoup de piécettes personnelles, certes, et même dont l’accent, en sa sincérité, est même très particulier.
Aussi n’avez-vous rien écrit de mieux que Les Hirondelles, Les Oubliés, La Petite Fille aux étoiles, Les Trois Gouttes de sang, et cette Forêt muette qui me plaît pour des raisons personnelles.
Il refusait toute distraction mondaine et poursuivait des études personnelles à côté de ses occupations de collégien. […] Comme à l’École, Taine fait marcher de front les devoirs professionnels et les études personnelles. […] Il me reste sept heures par jour, plus les jeudis et les dimanches, pour les études personnelles. […] Il ne concevait même pas qu’une considération personnelle pût arrêter l’expression d’une conviction sérieuse. […] « Retranchons des paroles tout ce qui est personnel.
René Maizeroy L’un des plus personnels et des plus intéressants « nouveaux » qui se prodiguent dans le cabaret de Salis a des trouvailles de blague, des fins de couplet, des cinglées d’ironie qui font songer à ces mazarinades dont se grisaient jadis les bons bourgeois de Paris et aussi aux poèmes batailleurs de Méry.
Lerambert, homme distingué, des plus instruits, formé dès l’enfance aux meilleures études, initié à la littérature anglaise, a exprimé, dans un volume de Poésies, des sentiments personnels vrais et délicats, entremêlés d’imitations bien choisies de poètes étrangers.
Les poésies, les romans sont arrivés à un tel degré d’individualité, comme on dit, à un tel déshabillé de soi-même et des autres ; — le style, à force d’être tout l’homme, est tellement devenu non plus l’âme, mais le tempérament même, — qu’il est à peu près impossible de faire de la critique vive et vraie sans faire une opération inévitablement personnelle, sans faire presque de la physiologie à nu sur l’auteur et parfois de la chirurgie secrète ; ce qui frise à tout moment l’offensant. […] Ce qui est bon à rappeler, c’est qu’on n’en sort jamais, après tout, qu’avec le fonds d’enjeu qu’on y a apporté, je veux dire avec le talent propre et personnel : le reste était déclamation, appareil d’école, attirail facile à prendre, et que le dernier venu, eût-il moins de talent, portera plus haut en renchérissant sur tous les autres.
Il n’y a point en Angleterre de mémoires, de confessions, de récits de soi faits par soi-même ; la fierté du caractère anglais se refuse à ce genre de détails et d’aveux : mais l’éloquence des écrivains en prose perd souvent à l’abnégation trop sévère de tout ce qui semble tenir aux affections personnelles. […] Le point d’honneur met nécessairement aussi quelques bornes à la violence des attaques personnelles.
Chemin faisant, on n’oubliera point de relever les particularités orthographiques, les majuscules mises à certains mots ; les habitudes personnelles de ponctuation, les formes qui dérogent à l’usage où à la tradition. […] C’est la combinaison personnelle à l’auteur de tous les moyens d’expression qu’il a trouvés à sa disposition ou inventés lui-même.
L’esprit de Galiani, si à part et si personnel, est plus curieux à étudier que ses ouvrages, et cet esprit est surtout dans sa correspondance il y parle beaucoup des livres qu’il a faits, mais il y parle aussi des livres qu’il veut faire, et ses projets de travaux qu’il n’a pas accomplis donnent la mesure et la portée d’un esprit qui tranchait sur les esprits de son temps par la pétulante originalité du sien. […] … Ce qu’il y a de personnel et d’intime dans cette Correspondance donnera-t-il une idée complète d’un esprit qui était surtout une personne ?
Ce jeu de cartes biseautées se coupe toujours de la même façon, tandis que, hors la scène, il faut au moins une inspiration personnelle d’une valeur quelconque et une puissance relative de langage, pour être compté parmi les écrivains d’imagination et les poètes. […] Reboul, le célèbre boulanger de Nîmes, avait chance, à moins d’efforts qu’aucun autre écrivain, d’être personnel et original, pour peu qu’il eût dans la tête ce que madame de Staël appelait « l’étincelle divine ».
En abdiquant et en se retirant dans une neutralité commandée par cette double qualité de prince de la maison d’Autriche et de souverain d’une partie de l’Italie en guerre avec l’Autriche, le prince préservait sa dignité personnelle et peut-être son trône, car après la guerre il pouvait être rappelé comme un arbitre par ses sujets, et avoué comme un parent par l’Autriche. […] Si le monde savait combien est grand l’amour que j’ai pour ma patrie, il m’excuserait d’avoir bravé quelques inculpations personnelles pour la servir. » Charles-Quint lui offrit la souveraineté sur sa patrie, avec le titre de prince de Gênes. […] Ils avaient deux religions dans leur cœur, leurs princes et leurs prêtres ; superstitieux chez eux, héroïques dehors, bons et honnêtes partout, aussi propres à subir le joug de la conquête sans le secouer qu’à imposer ce joug à leurs voisins, quand l’inquiétude de la maison de Savoie les mettait à la solde des grands alliés auxquels on inféodait leur sang pour des causes toutes personnelles à ces princes. […] J’eus alors connaissance personnelle des efforts faits par les envoyés piémontais et savoyards à Paris pour obtenir de l’Europe la partie de la Savoie que 1814 nous avait laissée. […] Allait-il à Novare pour enlever, par l’exemple de ses régiments personnels, l’armée de Latour ?
« Je fis donc observer au plénipotentiaire français que je n’étais pas bien vu par le premier consul, et que cela porterait préjudice à mon ambassade, dès mon arrivée à Paris et pendant le cours des négociations ; que du reste son gouvernement ne voyait pas le Concordat d’un œil très favorable, ainsi qu’on pouvait en juger sur les apparences, et que, par conséquent, on attribuerait mes refus non à la force des motifs et à des principes qui empêchaient le Pape d’adhérer, mais à l’animosité personnelle que l’on me supposait. […] « Cacault répondit à tout cela que c’était moins le nom de l’ambassadeur que ses fonctions et son rang qui, par-dessus toute chose, pouvaient toucher cet orgueil ; que si ces deux cardinaux avaient des titres de famille plus vieux et plus beaux que les miens, ils n’étaient pourtant pas secrétaires d’État ainsi que moi ; que, quant à ce qui m’était personnel et relatif à mes tribulations passées et à mon inimitié contre la France, ce n’étaient que des inepties qui fondraient comme la neige dès que j’aurais été vu et apprécié. […] Il ajouta que si Sa Sainteté leur prêtait plus de force par l’ambassade dont lui, Cacault, avait pris l’initiative, ambassade qui manifesterait la bonne volonté du Pontife, son estime pour la France, et l’intérêt qu’il prenait à rattacher de nouveau cette nation à l’Église, les choses s’arrangeraient, sans aucun doute, surtout si, par une marque de considération personnelle, on flattait le chef du gouvernement français. […] « Peu de paroles suffiront relativement à ce sujet, c’est-à-dire à l’opinion en partie personnelle et en partie inspirée que l’Empereur nourrissait sur mon compte. […] Il ajouta quelque chose sur les qualités personnelles qu’il rencontrait en moi, quoiqu’elles n’y fussent certainement pas.
Par Stéphane Mallarmé, se crée le mouvement de « poésie Symboliste » qui, nous le verrons, devait s’exprimer en modes divers quand elle viendrait à être plus ou moins étendue de sens sous la poussée de nouveaux tempéraments, personnels et puissants. […] Emile Verhaeren : les deux plus puissants poètes du « Symbolisme » Viélé-Griffin, lui, très personnel. […] Gustave Kahn publiait un premier recueil de poèmes remarqués où s’appliquait sa théorie prosodique, qui, sous l’appellation de « Vers-Libre » est demeuré le plus sûr et le plus général acquis prosodique du Symbolisme, encore qu’elle ne soit point spontanément personnelle. […] Ainsi que tout fragment soit semblable aux éclats du miroir brisé, qui reflètent encore l’unique étendue du ciel. « Il est un sens universel en tout caractère », a dit Goethe C’est là le sens universel de la « Poésie scientifique », telle qu’elle se présente, comme de principe impersonnel, en point de départ des orientations les plus personnelles et le plus lointainement évoluantes pour les poètes persuadés que la Poésie doive devenir l’émotion suprême de la connaissance et de la conscience humaines. […] Nous aimerons, à propos, rappeler de notre doctrine de Poésie scientifique d’autres précurseurs au cours des siècles, et sans remonter à l’Inde, en une tradition à rares représentants qui, sans en prendre conscience pour la généraliser, sortirent de l’égotisme comme mesure habituelle de leur émotion inspiratrice en s’élevant à du concept philosophique Nous avons dit Lucrèce, du Bartas, Hugo de la Légende des siècles, Goethe, Shelley, Leconte de Lisle, Sully-Prudhomme se reprochant de « croupir dans la poésie personnelle ».
Cet ensemble de scènes, les plus importantes que nous avons citées, les moins notables qui forment la contexture même de l’œuvre, sont faites, non d’indications descriptives, de traits anecdotiques, de considérations exposées par l’auteur, en son nom personnel, mais des actes mêmes, des paroles et des manifestations de la foule des personnages dont on admire et la variété, et la vérité, et l’étonnante vie fictive. […] La démonstration par situations, actes et paroles des dramaturges, les monologues à la Stendhal, l’intervention personnelle et discursive à la façon des romanciers idéalistes, tout lui est bon pour vivifier entières les créatures ainsi déduites. […] L’irréparable mort de sa femme, l’impossibilité d’expier ses duretés envers cet être frivole, le replongent dans son amertume et ses agitations, et c’est encore par un calme soir de givre et de ciel clair qu’il entend et accepte presque des paroles du prince Pierre, la promesse d’une vie future, l’existence d’un dieu personnel qui réveillent en lui la force de vivre et d’espérer. […] Son œuvre donne au monde une large représentation et saisit par ce vaste déploiement, par un art qui tend à égaler la grandeur, l’illogisme, l’existence autonome du réel, mis face à face avec lui en une contemplation si proche qu’elle paraît neuve et personnelle, le lecteur, pris d’impérieux attraits, pénètre dans les romans de Tolstoï comme en un monde dont il est, s’émeut de la bonté dont ses personnages sont pleins, s’affole des angoisses dont les attristent les problèmes de la mort et du sens de la vie, et plonge dans l’atmosphère grise de ces livres comme on se perd hors de soi dans un rêve. […] Il fallut que, se soustrayant en réfractaire à tout ce qu’enseignent de seconde main sur notre entourage les livres et les on-dit, il reçut par des sens naturellement aigus des impressions vraiment personnelles et propres à lui, de l’immense spectacle ambiant, que, coordonnées par une mémoire étonnamment continue, les diverses images des objets et des hommes, non pas agglomérées en idées générales, mais mises bout à bout en séries, lui apparussent en leur évolution aussi bien qu’en leur nature.
Il entre et débute en plein sujet par une suite de chapitres dont on ne voit pas très bien d’abord le lien et l’enchaînement : Des Ouvrages de l’Esprit, Du Mérite personnel, Des Femmes, Du Cœur, De la Société et de la Conversation. […] Le chapitre du Mérite personnel, qui est le second de son livre, et qui pourrait avoir pour épigraphe ce mot de Montesquieu : « Le mérite console de tout », est plein de fierté, de noblesse, de fermeté. […] On conçoit qu’un moraliste satirique et souvent personnel comme il l’était, se fût fait une nuée d’ennemis que l’incroyable succès de son livre excitait sans cesse.
Aussi ses rapports personnels avec Gœthe, tout en étant bons et parfaitement convenables, s’en trouvaient quelquefois un peu gênés : « Tieck, disait Gœthe à ce propos, est un talent d’une haute signification (très-significatif, c’était encore un des mots favoris de Gœthe), et personne ne peut mieux que moi reconnaître ses mérites extraordinaires ; mais si on veut l’élever au-dessus de lui-même et l’égaler à moi, on se trompe. […] L’un reste à Vienne, un autre à Berlin, un autre à Kœnigsberg, un autre à Bonn ou à Dusseldorf, tous séparés les uns des autres par cinquante, par cent milles, et le contact personnel, l’échange personnel de pensées sont des raretés.
Lamennais, le fougueux, le personnel, l’obstiné, celui qui croyait que la volonté de l’individu suffît à tout, ne pouvait s’empêcher à certain jour d’écrire : « Plus je vais, plus je m’émerveille de voir à quel point les opinions qui ont en nous les plus profondes racines dépendent du temps où nous avons vécu, de la société où nous sommes nés, et de mille circonstances également passagères. […] Taine faisait le travail de cinq ou six semaines en une seule, et les quatre ou cinq semaines restantes pouvaient être ainsi consacrées à des travaux personnels, à des lectures. […] Le savant critique l’attaque et l’investit, comme ferait un ingénieur ; il la cerne, la presse et la resserre, sous prétexte de l’environner de toutes les conditions extérieures indispensables : ces conditions servent, en effet, l’individualité et l’originalité personnelle, la provoquent, la sollicitent, la mettent plus ou moins à même d’agir ou de réagir, mais sans la créer.
Lorsqu’on possède une telle acuité personnelle, il serait — pour tout ce qui est susceptible d’observation directe — injustifiable de s’adresser à la vision des autres, aussi l’observation médiate est-elle en son œuvre aiguë d’emploi très limité. […] J’admets trois sources d’information : les livres, qui me donnent le passé ; les témoins, qui me fournissent, soit par des œuvres écrites, soit par la conversation, des documents sur ce qu’ils ont vu ou sur ce qu’ils savent, et enfin l’observation personnelle, directe, ce qu’on va voir, entendre ou sentir sur place. […] Antécédents personnels : Jusqu’à 32 ans, reste sobre et d’excellente santé.
Un nuage d’illusions et de souvenirs environne les rois ; mais les hommes élus, commandant au nom de leur supériorité personnelle, ont besoin de tous les signes extérieurs de cette supériorité ; et quel signe plus évident que ce bon goût qui, se retrouvant dans toutes les paroles, dans tous les gestes, dans tous les accents, dans toutes les actions même, annonce une âme paisible et fière, qui saisit tous les rapports dans tous les instants, et ne perd jamais ni le sentiment d’elle-même, ni les égards qu’elle doit aux autres ! […] Dès qu’on écarte une illusion, il faut y substituer une qualité réelle ; dès qu’on détruit un ancien préjugé, l’on a besoin d’une nouvelle vertu : loin que la république doive donner plus de liberté dans les rapports habituels de la société, comme toutes les distinctions sont uniquement fondées sur les qualités personnelles, il faut se préserver avec bien plus de scrupule de tous les genres de fautes. […] L’on n’appelait aux grandes places, dans l’ancien régime, que les individus accoutumés, dès leur enfance, aux privilèges et aux avantages d’un rang supérieur ; le pouvoir ne changeait presque rien à leurs habitudes : mais dans la révolution, des magistratures éminentes ont été remplies par des hommes d’un état inférieur, et dont le caractère n’était pas naturellement élevé : humbles alors sur leur mérite personnel, et vains de leur pouvoir, ils se sont crus obligés d’adopter de nouvelles manières, parce qu’ils occupaient un nouvel emploi.
On sent ici l’influence de Ruskin, mais cette gazette ne pouvait lui servir qu’à combler une satisfaction personnelle. […] Il fallait bien qu’il y eût chez Mallarmé, pour justifier son emprise, autre chose qu’un charme personnel et qu’une heureuse coïncidence. […] Et Retté, romantique malgré lui jusqu’à la moelle des os, s’élève contre cette prétention d’un langage spécial, convaincu qu’il est que le rôle du poète consiste à dépeindre, au moyen d’images frappantes, ses joies et ses douleurs personnelles, de telle sorte qu’elles offrent à tous une interprétation fidèle des joies et des douleurs communes.
Oui, je verrais toutes les vérités qui constituent ce qu’on appelle la religion naturelle, Dieu personnel, providence, prière, anthropomorphisme, immortalité personnelle, etc., je verrais toutes ces vérités, sans lesquelles il n’y a pas de vie heureuse, s’abîmer sous le légitime effort de l’examen critique, que je battrais des mains sur leur ruine, bien assuré que le système réel des choses, que je puis encore ignorer, mais vers lequel cette négation est un acheminement, dépasse de l’infini les pauvres imaginations sans lesquelles nous ne concevions pas la beauté de l’univers. […] Je dis spéculative, car nul n’est admissible à rejeter son immoralité personnelle sur le compte de son siècle ; les belles âmes sont dans l’heureuse nécessité d’être vertueuses, et le XVIIIe siècle a prouvé que l’on peut allier les plus laides doctrines avec la conduite la plus pure et le caractère le plus honorable.
., constituent les influences statiques dont dépend le développement de la littérature, il croit en trouver le principe dynamique dans la loi de l’évolution de la vie commune à la vie personnelle. […] Taine entrevoit le principe avec toutes conséquences : « Voilà, dit-il, l’art moderne tout personnel et manifestant un individu qui est l’artiste, par opposition à l’art antique qui est tout impersonnel et manifestant une chose générale qui est la cité. […] Je ne puis vous apporter l’expérience que je n’ai pas, mais j’ai l’amour des grands sujets que nous allons aborder, le désir de vous les faire aimer, la volonté de travailler avec vous en vous encourageant et en vous guidant dans les limites de mes forces, et surtout, vous pouvez y compter, une sympathie toute acquise à tous vos efforts personnels.
Paul Bourget n’a eu qu’une fois l’avilissant bonheur de renouveler en sentiment bas et personnel une pensée qui est basse et bête depuis des siècles. […] Voilà le reproche personnel que j’adresse à Léon Bloy bourreau. […] Il n’ose jamais exposer une doctrine d’un de ces mouvements larges où une synthèse personnelle emporte et renouvelle des éléments connus.
Chaulieu dit quelque part qu’il eut toute sa vie la manie de ne respecter que le mérite personnel ; c’était une manie, en effet, dans le monde et le siècle où il vivait. […] Ces lettres, pleines de sentiment, de grâce, de vive estime pour un mérite personnel si rare qu’outrageait la fortune, font honneur au cœur autant qu’à l’imagination de Chaulieu. […] Il fait même à ses ennemis personnels, comme Louvois, toute la part qui leur est due.
En 1880, il a fait paraître les Satires contemporaines, qui devraient plutôt s’appeler les « Satires inoffensives » et qui ne sont guère que des fantaisies plus malicieuses que méchantes ; puis, en 1884, Ad Memoriam, œuvre de poésie personnelle et intime qui exprime la tristesse d’un rêve brisé !
Ce sont quelques « notes personnelles », datées d’octobre 1862. […] Dans ses « notes personnelles », après avoir défini d’une formule si nette son « idée fondamentale ». […] Pour Pontmartin et pour Zola, cette méconnaissance s’explique par des dissentiments personnels. […] De là cet accent personnel qui anime les moindres phrases de ces huit gros volumes. […] Il semblait qu’une bonne fée présidât à la conduite de sa vie personnelle et littéraire.
Mais pour être aujourd’hui moins réglée, l’inspiration est-elle plus vigoureuse, plus hardie, et surtout plus personnelle et plus sincère ? […] Aussi, à la différence de l’être moral, l’artiste n’a-t-il aucun mérite personnel dans ses créations. […] Le sentiment du respect commence par le respect de soi-même, de sa dignité personnelle ; il est lié au sentiment de l’honneur. […] Le style est comme une empreinte, une effigie personnelle qui peut être frappée sur toute espèce de métal. […] Rousseau et Voltaire sont très dissemblables par le style, qu’ils ont chacun leur manière personnelle.
La note personnelle est, chez lui, d’une intimité discrète et pénétrante.
Il s’est inspiré du grand poète et de la belle Grèce, mais sans renoncer à être personnel.
Ils en sont venus à mêler à la psychologie des héros, ou des groupes destinés à personnifier telle ou telle conception de l’existence, un ressort moral qui n’était plus seulement la passion ou les émois personnels de ces hommes, ni les réactions produites sur leur âme par ces mouvements. […] Ainsi, agrandissant notre vie personnelle, nous sentirons des milliers de vies mêlées à la nôtre. […] Qui pourrait ne pas trouver qu’il est beau d’étudier une intelligence aux prises avec les problèmes les plus vivants qui soient : la dépense prodigieuse d’énergie que suppose une affaire prospère ; la lutte contre la concurrence, et les angoisses, et l’orgueil des triomphes rapides ; l’obéissance d’un personnel nombreux aux ordres d’un seul homme : ces milliers d’industries qui sont autant de petits États dans l’État, ayant chacun sa politique extérieure et intérieure, sa dynastie, ses drames ? […] Henry Bordeaux, dans une série de récits attachants et de plus en plus remarqués, parmi lesquels nous citerons, principalement, le Pays natal, l’Honnête femme, la Peur de vivre, la Petite Mademoiselle, les Roquevillard et Les Yeux qui s’ouvrent, a montré comment un romancier sincère qui est aussi un artiste personnel peut, sans sacrifier rien de sa personnalité, s’inspirer heureusement du traditionalisme de M. […] Mais deux originalités lui demeurent personnelles : sa vision, d’abord, qui refond mille éléments divers, anciens ou modernes, et qui met dans ses créations une si fraîche spontanéité ; puis son style qui toujours lui reste propre.
Édouard Ned est avant tout personnel.
Je veux dire que la vibration personnelle, passionnée, instinctive, ne s’y fait pas assez souvent sentir et que, par contre, la volonté de l’artiste y occupe trop de place. […] Il n’a jamais goûté la profondeur de la vie, il n’a accumulé aucune de ces sources d’émotion purement personnelle d’où les grands artistes ont tiré le fluide précieux qui fait le sang éclatant et vivant de leurs créations. […] Il a connu toutes ces choses, non comme matériaux pour faire des livres, mais pour satisfaire ses instinctives passions personnelles. […] Son génie consiste moins peut-être, dans sa propre et personnelle intuition de l’univers et de la vie, que dans le fait d’avoir apporté sa collaboration énorme à ce vaste et splendide mouvement vers la réalité, qu’il définit lui-même « le large mouvement analytique et expérimental qui est parti du dix-huitième siècle et qui s’élargit si magnifiquement dans le nôtre », et dans cette poussée brutale en avant qui demeure comme le symbole de son œuvre.
Qui pourrait ne pas trouver qu’il est beau d’étudier une intelligence aux prises avec les problèmes les plus vivants qui soient ; la dépense prodigieuse d’énergie que suppose une affaire prospère ; la lutte contre la concurrence, et les angoisses, et l’orgueil des triomphes rapides ; l’obéissance d’un personnel nombreux aux ordres d’un seul homme ; ces milliers d’industries, qui sont autant de petits États dans l’État, ayant chacun sa politique extérieure et intérieure, sa dynastie, ses drames ? […] Et en attendant ce jour, et même s’il n’arrive jamais, ne sait-on pas qu’il existe des esprits, en grand nombre, qui se penchent d’eux-mêmes, sans aucune préoccupation personnelle, vers la souffrance et vers la misère, et qui cherchent des devoirs à remplir comme d’autres des joies à prendre ? […] Elle répond qu’elle serait disqualifiée, qu’au lieu d’être une créatrice d’œuvres personnelles, je ne puis dire tirées, mais portées à un seul exemplaire, elle conduirait une fabrique où le modèle, copié et recopié cent fois, deviendrait banal. […] Ici, je suis obligé de parler de moi, d’analyser mon expérience personnelle.
Il sait rendre avec des mots et des tours latins exquis sa mélancolie toute moderne et sa pensée toute personnelle.
Les sotties étaient des espèces de farces, caractérisées par une satire effrénée et souvent même personnelle.
À vrai dire, toute personne qui, dans sa jeunesse, a vécu d’une vie d’émotions et d’orages, et qui oserait écrire simplement ce qu’elle a éprouvé, est capable d’un roman, d’un bon roman, et d’autant meilleur que la sincérité du souvenir y sera moins altérée par des fantaisies étrangères : il ne s’agirait pour chacun que de raconter, sous une forme presque directe et avec très-peu d’arrangement, deux ou trois années détachées de ses mémoires personnels. […] Valentine promet plus qu’Indiana, parce qu’Indiana, avec plus de profondeur, je crois, et d’originalité, pouvait sembler à la rigueur un de ces romans personnels et confidentiels comme on n’en a qu’un à faire avant de mourir, tandis que Valentine est véritablement l’œuvre d’un romancier peintre du cœur et de la vie, fécond en personnages, et qui n’a qu’à vouloir cheminer un peu patiemment pour arriver jusqu’au bout.
Le moyen le plus simple et le plus ordinaire qu’il ait employé, est l’incognito, à des degrés, et, pour ainsi dire, à des puissances diverses, selon l’écart du fait et des bienséances ; cet incognito est simple quand l’un des acteurs est connu de l’autre, réciproque quand ils se méconnaissent tous les deux, personnel quand le sujet s’ignore lui-même. […] Elève attentif du xviie siècle, il a des vues justes, moyennes, peu personnelles, sur le mécanisme de l’âme humaine.
Il n’y a pas de grief personnel dans cette opinion sincère ; personnellement M. […] Mais il nous paraît d’une forme plus amusante, plus personnelle et plus réussie que ses recueils de vers.
L’éducation scolaire trace chez nous une distinction profonde, sous le rapport de la valeur personnelle, entre ceux qui l’ont reçue et ceux qui en sont dépourvus. […] La négation du miracle, cette idée que tout se produit dans le monde par des lois où l’intervention personnelle d’êtres supérieurs n’a aucune part, était de droit commun dans les grandes écoles de tous les pays qui avaient reçu la science grecque.
Il devait s’y trouver très bien, dans ce tombeau splendide ; mais telle n’est pas l’opinion de Valfrey, — un exigeant, à ce qu’il paraît, — qui a voulu le tirer de là et lui bâtir, à part et de sa main, une petite colonnette… Chacun entend la gloire à sa façon, surtout quand on croit pouvoir la donner, et Valfrey est impatient d’ajouter à celle de Hugues de Lionne, qu’il ne trouve ni assez retentissante, ni assez personnelle. […] Les autres négociations qui suivirent, comme, par exemple, le mariage de Louis XIV et le traité des Pyrénées, quoique plus heureuses et plus brillantes, n’eurent pas, non plus, en ce qui concerne Lionne, le caractère d’action et de domination personnelle qui rapporte à un homme cette espèce de gloire qui est la vraie gloire, et qu’on ne partage avec personne… Lionne a toujours partagé avec quelqu’un… J’ai dit les facultés qu’il avait ; mais les résultats auxquels il arriva par elles ne furent jamais en équation avec ces facultés.