Ce manque d’universalité dans les goûts est d’autant plus accusé que les admirations sont plus vives, fait dont le contraire paraîtrait à première vue plus vraisemblable, et qui s’explique seulement si l’on considère l’admiration comme formée par une sorte d’adhésion, de dévouement, par la reconnaissance de soi-même en autrui.
Ainsi l’ablation des lobes cérébraux fait perdre à l’instant la vue, tandis que l’iris n’en reste pas moins mobile, le nerf optique excitable, la rétine sensible.
« Nous pouvons observer, dit-il, que c’est ordinairement dans le milieu des cités, aux endroits les mieux garantis, les plus beaux et les plus marquants, qu’on choisit une place pour les statues et les monuments dédiés à la mémoire des hommes de bien qui ont noblement mérité de leur patrie ; pareillement nous devrions dans le cœur et le centre de notre âme, dans le meilleur et le plus riche de ses logis, dans les endroits les plus exposés à la vue ordinaire et les mieux défendus contre les invasions des pensées mondaines, élever des effigies vivantes et des commémorations durables de la bonté de Dieu832. » Il y a ici comme une effusion de gratitude, et sur la fin du discours, quand on le croit épuisé, l’épanchement devient plus abondant par l’énumération des biens infinis, où nous nageons comme les poissons dans la mer, sans les apercevoir, parce que nous en sommes entourés et inondés. […] Mais ce qui le distinguait entre tous les autres, c’était une large intelligence compréhensive qui, exercée par des études et des compositions philosophiques868, saisissait les ensembles, et, par-delà les textes, les constitutions et les chiffres, apercevait la direction invisible des événements et l’esprit intime des choses, en couvrant de son dédain « ces prétendus hommes d’État, troupeau profane de manœuvres vulgaires, qui nient l’existence de tout ce qui n’est point grossier et matériel, et qui, bien loin d’être capables de diriger le grand mouvement d’un empire, ne sont pas dignes de tourner une roue dans la machine. » Par-dessus tant de dons, il avait une de ces imaginations fécondantes et précises qui croient que la connaissance achevée est une vue intérieure, qui ne quittent point un sujet sans l’avoir revêtu de ses couleurs et de ses formes ; et qui, traversant les statistiques et le fatras des documents arides, recomposent et reconstruisent devant les yeux du lecteur un pays lointain et une nation étrangère avec ses monuments, ses costumes, ses paysages et tout le détail mouvant des physionomies et des mœurs.
Elle mettra en scène, sous des noms d’emprunt ou sous leur véritable nom, les hommes publics les plus en vue. […] Par un enchaînement et une progression de gestes qui forcent notre vue et qui s’impriment dans nos yeux.
Le lecteur a peut-être remarqué l’analogie entre ces vues et celles de Matière et Mémoire. […] Mais la vue soutient difficilement cette lumière de poésie pure, cette lumière intense qui mérite si peu le nom de clarté diffuse.
Combien les vues profondes du chimiste et du cristallographe sur l’atome dépassent la vague notion de la matière dont vivait la philosophie scolastique ! […] Si nous ne donnons jamais la nature tout entière, nous vous donnerons au moins la nature vraie, vue à travers notre humanité tandis que les autres compliquent les déviations de leur optique personnelle par les erreurs d’une nature imaginaire, qu’ils acceptent empiriquement comme étant la nature vraie. […] Cependant, la pension est encore très bien vue dans le monde des savants et des érudits. […] Mettons qu’il y ait là un phénomène de la vue. […] Et, par suite de cet étrange phénomène de la vue dont j’ai parlé, voilà qu’on a lu en toutes lettres dans mon article que je voulais supprimer l’imagination et faire de la banalité la règle des romans.
La nature vue par la personnalité, l’individualité d’une sensation ? […] Le petit geste démonstratif du Naturaliste satisfait les vues courtes et de plus il a cela pour lui qu’on le prendrait parfois (à n’y pas trop regarder de près, car rien n’est si triste, au fond, et si pédantesque) pour une plaisanterie plutôt gauloise encore que française. […] Poe, sa plus féconde vue en art. […] Peut-être la nature même de son talent, si souple, si divers, ingénieux à saisir tous les procédés, ne lui permettait pas cette unité de vues où il faut se réduire pour l’unité de l’œuvre.
Car, sans doute, il est louable d’avoir pâli consciencieusement sur d’antiques parchemins et d’avoir usé sa vue sur l’illisible. […] Faugère : « La dignité royale n’est-elle pas assez grande d’elle-même, pour celui qui la possède, pour le rendre heureux par la seule vue de ce qu’il est ? […] Ils sont pour nous des demi-dieux classiques, des demi-dieux de marbre et de bronze, et nous mêlons malgré nous à notre admiration réfléchie je ne sais quel respect superstitieux qui semble gêner la liberté de nos jugements, parce qu’il gêne en effet la liberté de notre vue.
A ses profondes préoccupations érudites, sir Herbert joignait par accident certaines vues libres, romantiques, comme des ressouvenirs du biographe d’Young.
Quel devin, s’il était privé de la vue comme Tirésias, pourrait discerner le blanc du noir, ou, s’il était sourd, distinguer les différences des voix et des sons ?
« Et l’âme ne pense-t-elle pas plus fortement et plus clairement que jamais, quand elle n’est troublée ni par la vue, ni par l’ouïe, ni par la volupté des sensations, et lorsque, concentrée en elle-même et dégagée autant que possible de son commerce avec le corps, elle s’applique directement à ce qui est, pour le connaître ?
Agissez avec moi selon vos vues, selon votre bon plaisir et pour votre plus grande gloire.
Napoléon avait dit à ceux qui lui demandaient grâce pour une femme : « Cette femme monte les esprits dans un sens qui ne convient pas à mes vues ; je ne sais comment il se fait que, quand on l’a lue, on m’aime moins. » L’exécuteur impassible de ses rigueurs, Savary, ajouta, dans la lettre qu’il répondit à madame de Staël, l’humiliation à la douleur.
A la vue d’Henriette, sa fille préférée, et de Clitandre, se tenant tendrement par la main, il s’écrie : Ah !
D’autre part, conformément aux vues de Richelieu, elle devait avoir dans la république des lettres une autorité officiellement reconnue ; et, conformément à l’esprit du temps, elle crut qu’elle pouvait fixer cette chose vivante et par suite incessamment changeante qui s’appelle une langue.
À ce propos, quelqu’un raconte, avoir ramené chez lui, une fille du quartier Latin, saoule, qui, à la vue sur sa commode d’un livre, ayant pour titre : Thérèse, s’écriait, la gueule tournée par la pocharderie : « Si ça s’appelait Pauvre Thérèse, je lirais ça, toute la nuit !
Il est le dedans et le dehors, le mobile et l’immobile de la nature ; par l’imperceptibilité de ses parties dans ce que nous appelons l’infiniment petit, il échappe à la vue ; il est loin, et cependant il est présent ; il est indivisible, et cependant il est divisé en toutes choses ; il est ce qui détruit et ce qui produit ; il est la lumière, mais il n’est pas les ténèbres » (nette protestation contre le panthéisme dont ces doctrines sont accusées) » ; il est la sagesse, l’objet et la fin de toute sagesse !
En ne les perdant pas de vue dans les différentes excursions que nous allons faire ensemble à travers les œuvres de l’esprit humain, nous saurons toujours où nous sommes, et nous pourrons pressentir peut-être où nous allons.