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1674. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

A leurs pieds la vieille ville de Bayreuth et, au loin, la belle campagne verte que ferment sur l’horizon les chaînes du Sophienberg. […] Le plus grand nombre est allemand, mais il y a quantité de spectateurs venus de toutes les parties du monde, des Russes d’abord, et aussi beaucoup d’Américains, force Anglais et quelques Français, plus que notre renommée d’ennemis des voyages ne le ferait supposer. — Mais c’est encore là une vieille observation que tous répètent sans la vérifier, et, défait, les Français sont devenus, depuis la guerre, un des peuples les plus cosmopolites qui soient. — Les costumes les plus variés se rencontrent dans cette vaste salle de restaurant où les délices de la bière et du tabac alternent avec ceux de la musique. […] L’héroïque loyauté de Tristan, chargé d’amener la princesse Iseult au vieux roi Marke, et qui, sentant gronder en son cœur une ardente passion, se tient loin d’elle, à l’arrière du navire, et se refuse à l’aborder quand elle l’envoie quérir ; — la colère et le dépit d’Iseult, confuse de l’invincible amour qui la pousse vers le chevalier qui a tué son premier fiancé, Morold ; irritée de ne rencontrer que muette indifférence en cet orgueilleux vainqueur et résolue à l’empoisonner pour venger Morold ; — à côté d’eux, le dévouement complet, absolu, représenté par l’écuyer Kurwenal et l’aimable Brangœne ; — les sages conseils de ceux-ci, tantôt ironiques, tantôt affectueux ; la réserve obstinée de Tristan, la passion croissante d’Iseult et sa soif de vengeance ; l’irrésistible élan qui les jette dans les bras l’un de l’autre après qu’ils ont bu le philtre amoureux, servi par Brangœne, au lieu du breuvage de mort qu’Iseult croyait verser à Tristan ; — leur enivrante extase et leur douloureux réveil lorsque le navire aborde et que les cris des matelots saluent le roi Marke attendant sa fiancée au rivage : — voilà pour les épisodes du premier acte, que l’auteur a traduits avec une vérité et une variété dont on ne peut avoir aucune idée, à moins de l’entendre.

1675. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Le Figaro du 21 avril annonce officiellement la première de Lohengrin pour le samedi 23 ; fait un tableau encourageant des préparatifs ; donne la liste des gens inscrits pour la première, public bizarrement mêlé d’anciens wagnéristes connus, de quelques noms respectables, et de beaucoup d’inconnus, d’étrangers, de faux-mondains et de rastaquouères : d’où cette étrange première aux costume ; cérémonieux et vieille mode, si différente des grandes simples fêtes de Bayreuth ! […] Georges Duval, son ami personnel de vieille date, paraît-il ; interview d’ailleurs reproduit en d’autres journaux et non rectifié34. […] Fait essentiel, qui ne s’était point vu au théâtre, avec une netteté pareille, depuis les pieux mystères du moyen âge………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………… Peut-être, après des catastrophes qui semblent inévitables, un apaisement se fera-t-il, et notre pauvre humanité aura-t-elle le renouveau de cette jeunesse qui lui fut donnée il y a près de deux mille ans, en ce matin de Pâques où mourut le vieux monde.

1676. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Petit glossaire »

Las de nos regards lustrateurs de vieux âges. […] … Cette pauvre vieille libre pensée mourante d’une triste maladie pédiculaire. […] Soëve Adj. — Vieille forme de suave.

1677. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Attendez ; voici un de ces soupers et un de leurs personnages : « Madame Panache était une petite et fort vieille créature avec des lippes et des yeux éraillés à faire mal à ceux qui la regardaient, une espèce de gueuse qui s’était introduite à la cour sur le pied d’une manière de folle, qui était tantôt au souper du roi, tantôt au dîner de Monseigneur et de madame la Dauphine, où chacun se divertissait de la mettre en colère, et qui chantait pouille aux gens à ces dîners-là pour faire rire, mais quelquefois fort sérieusement et avec des injures qui embarrassaient et divertissaient encore plus les princes et les princesses, qui lui emplissaient ses poches de viandes et de ragoûts, dont la sauce découlait tout du long de ses jupes ; les autres lui donnaient une pistole ou un écu, les autres des chiquenaudes et des croquignoles dont elle entrait en furie ; parce qu’avec des yeux pleins de chassie, elle ne voyait pas au bout de son nez, ni qui l’avait frappée, et c’était le passe-temps de la cour. » Aujourd’hui l’homme qui s’amuserait d’un tel passe-temps passerait probablement pour un goujat de bas étage, et je ne raconterai pas ici ceux qu’on prit avec la princesse d’Harcourt. On répondra que ces gens s’ennuyaient, que ces mœurs étaient une tradition, qu’un amusement est un accident, qu’au fond le cœur n’était pas vil : « Nanon, la vieille servante de madame de Maintenon, était une demi-fée à qui les princesses se trouvaient heureuses quand elles avaient occasion de parler et d’embrasser, toutes filles de roi qu’elles étaient, et à qui les ministres qui travaillaient chez madame de Maintenon faisaient la révérence bien bas. » L’intendant Voysin, petit roturier, étant devenu ministre, « jusqu’à Monseigneur se piqua de dire qu’il était des amis de madame Voysin, depuis leur connaissance en Flandre. » On verra dans Saint-Simon comment Louvois, pour se maintenir, brûla le Palatinat, comment Barbezieux, pour perdre son rival, ruina nos victoires d’Espagne. […] Je copie au hasard un petit passage instructif : M. le duc d’Orléans ayant fait Law contrôleur général, voulut consoler les gens de la cour : « Il donna 600,000 livres à la Fare, capitaine de ses gardes ; 100,000 livres à Castries, chevalier d’honneur de la duchesse d’Orléans ; 200,000 livres au vieux prince de Courtenay, qui en avait grand besoin ; 20,000 livres de pension au prince de Talmont ; 6,000 livres à la marquise de Bellefond, qui en avait déjà une pareille, et, à force de cris de M. le prince de Conti, une de 60,000 livres au comte de la Marche son fils, à peine âgé de trois ans.

1678. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Cela continua ainsi jusqu’au moment suprême où la Providence sépara le maître et l’élève et fit tomber, chargé d’années, le vieux tronc à côté du fruit vert. […] Il envoyait à son vieux père, à la campagne, près de Lyon, les économies de son emploi et le salaire de son travail. […] La Raisin s’était établie, après la foire, proche du vieux hôtel de Guénégaud ; et elle ne quitta point Paris qu’elle n’eût gagné vingt mille écus de bien. […] vous iriez dire à la vieille Émilie Qu’à son âge il sied mal de faire la jolie, Et que le blanc qu’elle a scandalise chacun ? […] Cette grande roideur des vertus des vieux âges Heurte trop notre siècle et les communs usages ; Elle veut aux mortels trop de perfection : Il faut fléchir au temps sans obstination ; Et c’est une folie à nulle autre seconde, De vouloir se mêler de corriger le monde.

1679. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Nous préférons aujourd’hui la brièveté du drame, de la nouvelle ; n’oublions pas la relativité des goûts, et que même le théoricien Chapelain avouait se complaire à la lecture des vieux romans. […] Faut-il protester une fois de plus contre la vieille phrase qui dit : « Corneille montra les hommes comme ils devraient être, et Racine… etc. ?  […] Rostand a la recette. — Loin de moi l’idée de dénigrer le vieux Corneille ! […] On comprendrait aisément une préférence personnelle de Mme de Sévigné pour le vieux Corneille ; on comprendrait à la rigueur un succès passager de Pradon ; mais cette opposition presque générale ? […] Qu’on les prenne dans cet ensemble, ou isolément, elles sont une affirmation de l’art souverain, qui crée avec de vieux matériaux, qui renouvelle toutes les formes, qui est bien de son temps et de sa race, mais qui resplendit de vérité pour tous les temps et pour l’humanité.

1680. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Vieux, il dit : « Jadis j’aurais été le vicomte de Chateaubriand. […] Ils laissent tomber leurs « feuilles d’automne » quand ils sont jeunes ; et quand ils sont vieux ils font de la politique. Vieux, Lamartine a dû travailler pour vivre. […] On se promène dans un vieux parc du temps de Louis XIII. […] Un Terme grimaçant et sali, engagé dans sa gaine, au fond d’un parc, lui apparaît comme » la poignée en torse ciselée d’un vieux glaive rouillé qu’on laisse dans l’étui.

1681. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

On dirait un pastiche de vieilles ballades écrites sur vélin et enluminées d’or et de carmin. […] Le mot est vieux et presque vulgaire, mais il est vrai, désespérément vrai. […] Placé à l’âge de quinze ans chez un homme de loi, il profita des loisirs que son maître lui laissait pour déchiffrer ou inventer de vieilles poésies. […] En planant sur le vieux Paris du quinzième siècle, M.  […] L’art d’écrire et la logique ont le privilège de rajeunir et de renouveler les choses les plus vieilles ; mais ici, rien de pareil.

1682. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Son pauvre pion, sa bonne négresse, son petit veau, sa vieille avec ses vêtements qui sentent le fromage, tout cela appartient au cycle du « tout petit épicier de Montrouge », « du mécanicien de la ligne du Nord » et du « pharmacien d’en face ». […] Ce n’était là qu’un vieux cliché, et les panégyriques salariés de quelques vétérans du symbolisme égarés aujourd’hui dans des maisons de reportage n’ont pas réussi davantage à nous émouvoir. […] Rodenbach s’est fait l’historien réaliste et ému de petites âmes mystiques et vieillottes qui vivent simplement, dans de vieilles cités du Nord, selon des mœurs très calmes et des coutumes très anciennes. […] Déjà, le vieux pasteur Tyteca s’est plaint à ses amis de l’irruption soudaine de ces hommes qui vont défigurer le visage harmonieux de l’île, qui vont dégrader les âmes comme ils dégradent le paysage. […] Tous les habitants sont réunis dans l’auberge où Neele est servante, lorsque la vieille Barbara Lamm, la mère de Joos, vient accuser la jeune fille d’être la cause de la mort de son fils.

1683. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Il faut pourtant convenir que ces tragédies, tout extravagantes ou grossières qu’elles sont, n’ennuient point, et je vous dirai, à ma honte, que ces vieilles rapsodies, où il y a de temps en temps des traits de génie et des sentiments fort naturels, me sont moins odieuses que les froides élégies de nos tragiques médiocres. […] Il avait alors soixante-six ans (il n’était pas si vieux à cette date), une très bonne santé, et un visage d’une grande fraîcheur ; il y avait en lui un mélange de bonhomie et de finesse, de noblesse et de simplicité, qui le rendait l’homme le plus aimable que j’aie jamais connu.

1684. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Il remarque que ce n’est pas tout à fait une illusion à la première jeunesse de croire ainsi que l’âge mûr, par rapport à elle, est déjà vieux et doit se comporter comme tel : ce sont nos vanités, nos amours-propres, nos passions acquises et déjà tournées en vices, qui le plus souvent prolongent les légèretés d’un âge dans un autre ; le coup d’œil plus pur de la jeunesse ne s’y trompe pas, en nous montrant ces séductions premières comme devant cesser plus tôt et ne pas abuser l’homme plus longtemps. […] Le vieux siècle blasé se faisait mystique au besoin, par curiosité, par ennui.

1685. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Plus d’un auprès de lui, tel que le vieux Biron, ne voulait pas trop vaincre, de peur de devenir moins nécessaire et d’en être réduit ensuite à retourner planter des choux en son manoir. […] Il y a, dans les derniers chapitres de La Mare-au-Diable, une noce de Berry qui ne fait pas trop pâlir cette vieille noce de Touraine.

1686. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Ses Mélanges de Littérature, où il y a de jolis morceaux, un surtout sur Julie Talma, n’ont aucune consistance ; on y devine trop l’homme qui un jour, par besoin d’argent et pressé par le libraire, a ramassé dans ses tiroirs, a taillé dans ses vieilles brochures, et a réchauffé tout cela, comme il a pu, par une préface d’orateur. […] Ses passions sont tout artificielles… Constant est tellement usé, continua Béranger, il a tellement besoin que quelqu’un l’anime et le travaille, que je lui disais que, vieux et ne pouvant plus quitter le coin de son feu, il donnerait de la tête contre le marbre de la cheminée pour se secouer.

1687. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La femme au XVIIIe siècle, par MM. Edmond et Jules de Goncourt. » pp. 2-30

En voilà un exemple. » Cette éducation est celle que Mme de Luxembourg avait donnée à sa petite-fille, Amélie de Boufflers, duchesse de Lauzun, la plus accomplie, la plus pure des jeunes femmes d’alors ; en se dévouant à elle, elle s’était elle-même améliorée, et, comme l’ont dit très-bien MM. de Goncourt, cette vieille fée de l’esprit et de la politesse ne se montrait plus qu’accompagnée de cet ange d’innocence et de pudeur, Mme de Lauzun. […] Sa dévotion était, comme celle des vieilles femmes de son siècle qui prenaient ce parti, froide et sèche d’apparence, personnelle pour ainsi dire, non convertissante, mais aussi pleine de bonnes œuvres et de bienfaits positifs.

1688. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Et lors, à beaux gros bonnets gras de deux doigts d’épais, la camisole attachée avec épingle enrouillées jusques au-dessous du nombril, grandes chausses de laine venant à mi-cuisses, un oreiller bien chauffé et sentant sa graisse fondue ; le dormir accompagné de toux… Un lever pesant, s’il n’y a quelque argent à recevoir ; vieilles chausses repetassées ; souliers de paysan ; pourpoint de drap fourré ; long saye mal attaché devant ; la robe qui pend par derrière jusques aux épaules ; plus de fourrures et pelisses ; calottes et larges bonnets couvrant les cheveux mal pignés ; gens plus fades à voir qu’un potage sans sel à humer. […] Fille du vieux Chaos, garde-nous sous ton aile ; Et toi, sœur du Sommeil, toi qui nous as bercés, Mort, ne nous livre pas ; contre ton sein fidèle     Tiens-nous bien embrassés.

1689. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Si j’étais plus jeune, ou pour mieux dire moins vieux, ma tête n’y tiendrait pas… « En attendant le départ, je fais des têtes de soldats comme s’il en pleuvait. […] Les autres membres de la famille, comme je vous l’ai déjà dit, ne sont pas mal non plus ; en entendant le vieux Carle parler de son père Joseph, on éprouve du respect pour ces gens-là, et je prétends, moi, qu’ils sont nobles. » — Et c’est ainsi qu’une vive nature d’artiste sympathise avec ses semblables, les reconnaît à travers les diversités de genre et de langue, les salue, les aime, les fait revivre… et l’on est à cent lieues du cuistre, de l’être immonde, arrogant et dur.

1690. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

« Allons, chère amie, il faut finir ; mais ce ne sera pas sans vous embrasser tous et sans faire des amitiés à tous nos vieux et bons amis blanc, gris, noir, blond, vieux et jeunes mariés, débarrassés, embarrassés, garçons, etc. » Figaro n’a pas plus d’entrain.

1691. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Une autre fois, c’est un simple portefaix, l’honnête Miccalion, qui fait son offrande aux dieux : « Cette statue, ô Passant, est une consécration du portefaix Miccalion ; mais elle n’a pas échappé à Mercure, la piété du portefaix qui, dans son pauvre métier, a trouvé moyen de lui faire une offrande : toujours et partout l’homme de bien est homme de bien. » Mais la fleur des épigrammes de Léonidas en faveur du pauvre monde me paraît être l’épitaphe qu’il composa pour la bonne ouvrière Platthis, morte à quatre-vingts ans : « Soir et matin, la vieille Platthis a bien souvent repoussé le sommeil pour combattre la pauvreté ; elle a chanté aussi sa petite chanson à la quenouille et au fuseau, son compagnon d’ouvrage, jusqu’au terme de la blanche vieillesse ; se tenant à son métier jusqu’à l’aurore, elle parcourait avec les Grâces le stade de Minerve, dévidant d’une main tremblante, autour de son genou tremblant, l’écheveau qui devait suffire à la trame, l’aimable vieille !

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