Succédant à la génération puissante et féconde des Lagrange, des Laplace, des Monge, venant aussitôt après en tête des générations qui comptèrent avec honneur dans leurs rangs les Poisson, les Malus, les Gay-Lussac, les Ampère, les Poinsot, les Cauchy, les Fresnel, les Arago, il embrassa par l’étendue et la curiosité de son esprit la totalité des connaissances et des découvertes de ses devanciers et de ses contemporains ; il prit une part active, incessante, à tous les travaux de la science de son temps par ses recherches, par ses perfectionnements, par ses applications et ses allées et venues fréquentes d’une branche à l’autre, par ses remarques diverses, multipliées, et ses additions successives, par ses exposés et ses traités généraux que distinguent la netteté et même l’élégance ; mais il inventa peu, moins qu’aucun de tous ceux que je viens de nommer, et dont quelques-uns n’étaient peut-être pas appréciés par lui à leur juste valeur. […] Une réquisition générale appela à ce travail l’universalité des citoyens. […] Biot trouve de nobles paroles pour caractériser ce nouvel effort héroïque d’où sortirent l’École polytechnique dans sa première forme plus ouverte et plus libre que depuis, et surtout l’École normale d’alors qui dura peu, mais qui donna, dans cette résurrection des esprits, une impulsion puissante et décisive, — assez pour que sa destinée fût remplie : « On voulut qu’une vaste colonne de lumière sortit tout à coup du milieu de ce pays désolé, et s’élevât si haut, que son éclat immense pût couvrir la France entière et éclairer l’avenir… Ce peuple, qui avait vu et ressenti en peu d’années toutes les secousses de l’histoire, était devenu insensible aux impressions lentes et modérées ; il ne pouvait être reporté aux travaux des sciences que par une main de géant. » Ces géants civilisateurs et pacifiques qui remirent alors en peu de mois l’édifice entier sur ses bases, se nommaient Lagrange, Laplace, Monge, Berthollet… moment immortel ! […] La Notice, qu’il lut à l’Académie des Sciences en 1810, sur les travaux pour la mesure de la terre qu’il avait poursuivis en Espagne avec Arago, renferme des pages tout à fait littéraires et qui visent même au pittoresque, une entre autres qui pourrait se citer et se détacher : « Combien de fois, assis au pied de notre cabane, les yeux fixés sur la mer, n’avons-nous pas réfléchi… etc. !
On se mit donc à l’œuvre avec émulation et zèle ; l’honneur de l’Imprimerie Impériale était en jeu ; chacun le sentait ; chacun, dans cette sphère laborieuse où le ressort est intact comme dans une armée, fit son devoir à l’envi, depuis le chef des travaux typographiques jusqu’au dernier pressier, et l’on arriva à temps sans que l’œuvre produite accusât en rien la précipitation et sans qu’elle éveillât chez les connaisseurs en telle matière d’autre sentiment que celui d’une approbation sans réserve pour une exécution si parfaite. […] Le travail secret et souterrain échappe en partie. […] Qu’est-ce à dire aujourd’hui que le cours des saisons et des âges a de plus en plus marché, que le sourd travail des ans et le ralentissement de la sève ont fait de l’arbre un tronc antique, noueux, moussu, à demi creusé et ne se soutenant plus en quelques-unes de ses parties qu’à l’aide de supports ? […] L’Imprimerie Impériale a donc fait ce qui était le plus naturel et le plus indiqué ; elle s’est adressée aux artistes de nos jours que leur talent désignait pour un tel travail.
On peut prévoir le moment où, au nom du travail et de l’industrie, la société tout entière se retournera pour marcher résolument dans cette direction unique ; mais la conversion, dont on a mieux que le pressentiment, n’est pas faite encore. […] Pendant ces travaux où il faisait preuve d’habileté pratique et de connaissance des détails, il avait l’œil aux grands événements qui se déroulaient et qu’il considérait de haut et d’ensemble comme d’un belvédère, ou mieux encore comme du centre d’une fournaise ; car la Suisse, en ces années d’occupation et de déchirement, devenue un champ de bataille dans toute sa partie orientale, offrait « l’aspect d’une mer enflammée. » Jomini y suivit de près les fluctuations de la lutte, les habiles manœuvres de Masséna pendant les sept mois d’activité de cette campagne couronnée par la victoire de Zurich, les efforts combinés de ses dignes compagnons d’armes, les Dessolle, les Soult, les Loison, les Lecourbe : ce dernier surtout « qui avait porté l’art de la guerre de montagne à un degré de perfection qu’on n’avait point atteint avant lui. » Mais, s’il estimait à leur valeur les opérations militaires, il ne jugeait pas moins les fautes politiques, et ce qu’il y avait de souverainement malhabile et coupable au Directoire à avoir voulu forcer la nature des choses, à avoir prétendu imposer par décret une unité factice à treize républiques fédérées, à s’être aliéné une nation amie, à avoir fait d’un pays neutre, et voué par sa configuration à la neutralité, une place d’armes, une base d’opérations agressives, une grande route ouverte aux invasions. […] Le maréchal Ney, chargé d’une des opérations les plus importantes dans la combinaison de Napoléon, redoubla de confiance pour Jomini, et, depuis le passage du Rhin, il le tint près de lui pour le travail journalier de son cabinet et l’expédition des ordres ; il n’aimait pas, et pour cause, son chef d’état-major titulaire, le général Dutaillis, créature de Berthier, celui dont l’abbé de Pradt nous a tracé un portrait au naturel, et des moins flatteurs, dans son Ambassade de Varsovie. […] Nous continuerons à étudier les travaux et la carrière si souvent contrariée, si accidentée, de Jomini.
Chasles à son Traité de géométrie supérieure, on consultera surtout un profond et éminent travail de M. […] En chimie, sans remonter jusqu’à Lavoisier, dont la préface si souvent citée rend hommage à l’influence heureuse de la logique de Condillac sur son esprit, on trouvera encore chez les chimistes de nos jours de remarquables travaux de méthodologie scientifique. […] Par une étude approfondie de ces divers travaux, le philosophe réussirait à se former ce que j’appellerai volontiers la psychologie de l’esprit scientifique. […] Ce travail a été publié dans la Revue des Deux Mondes, à l’occasion de l’Introduction à la médecine expérimentale de M.
Ses grands travaux sont des éditions : Platon, en treize volumes, Descartes, en onze volumes, Proclus, en six volumes, Abailard et Maine de Biran. […] Cousin, comme Raphaël, s’est fait aider (trop aider) par ses élèves, d’accord ; il n’en est pas moins certain que, pour accomplir de tels travaux, il fallait être philologue dans l’âme. […] Le travail des pères serait perdu pour les enfants : il n’y aurait plus de famille humaine : il y aurait solution de continuité entre les générations et les siècles. […] II Tel est cet orateur que l’imagination poétique et l’esprit d’érudition ont promené dans l’érudition et égaré dans la philosophie, qui, après avoir voyagé parmi divers systèmes et hasardé un pied, et même deux pieds, dans le panthéisme, est venu se rasseoir dans les opinions moyennes, dans la philosophie oratoire, dans la doctrine du sens commun et des pères de famille ; qui, pensant faire l’histoire du dix-septième siècle, en a fait le panégyrique ; qui, croyant tracer des portraits et composer des peintures, n’a su que recueillir des documents et assembler des textes ; mais qui, dans l’exposition des vérités moyennes et dans le développement des sujets oratoires, a presque égalé la perfection des écrivains classiques, et qui, par la patience de ses recherches, par le choix de ses publications, par la beauté et la solidité de ses monographies, a laissé des modèles aux érudits qui continueront son œuvre, et des matériaux aux philosophes qui profiteront de son travail.
Appendice à l’article sur Joseph de Maistre Nous extrayons du numéro de la Revue des Deux Mondes, 1er octobre 1843, les quelques pages suivantes qui complètent ou appuient notre premier travail. […] Cet homme de bien et de bon conseil, que nous ne nommions pas, venait précisément de mourir le 16 juillet dernier, et aujourd’hui un écrivain lyonnais, bien connu par ses utiles et honorables travaux, M. […] Joseph de Maistre parut, j’étais, dit-il, occupé d’un grand travail que je ne pouvais interrompre : je me bornai à recueillir quelques notes, et ce sont ces notes que, devenu plus libre, je me sujs décidé à présenter à mon lecteur en leur donnant plus d’étendue. » Les Soirées de Saint-Pétersbourg ont paru en 1821 ; vingt ans et plus d’intervalle entre l’ouvrage et sa réfutation, c’est un peu moins de temps que n’en mit le Père Daniel à réfuter les Provinciales.
Il fut grammairien autant que poète ; il se donna pour mission de réformer la langue et le vers, et d’enseigner aux poètes à manier ces deux outils du travail littéraire. […] On peut blâmer ses décisions dans le détail, et il y en eut d’injustes, de bizarres, d’ineptes : en principe, par l’esprit général, son travail était excellent. […] Voilà la leçon excellente qu’il donnait : une leçon de travail et de patience ; ce n’est pas assez dire, une leçon de grand art.
Se regarder vivre est bon ; mais, après qu’on s’est regardé, fixer sur le papier ce qu’on a vu, s’expliquer, se commenter (à moins d’y mettre l’adorable bonne grâce et le détachement de Montaigne) ; se mirer longuement chaque soir, commencer ce travail à dix-huit ans et le continuer toute sa vie… cela suppose une manie de constatation, si je puis dire, un manque de paresse, d’abandon et d’insouciance, un goût de la vie, une énergie de volonté et d’orgueil, qui me dépassent infiniment. Car et c’est la première clarté que ces pages nous donnent sur leur auteur le journal de Stendhal n’est pas un épanchement involontaire et nonchalant ; c’est un travail utile. […] Le travail de roué naïf auquel il se livre, et qu’il nous raconte jour par jour, est impayable.
Cela se sent à ses articles, à ses livres ; et son besoin de se renouveler s’affirme par tout un travail pour la présentation de l’idée ; que ce travail soit d’apparence clownesque comme ici, sérieux comme entre d’autres choses de lui, il n’en existe pas moins, précieux à constater. […] … Le Chemineau n’en reste pas moins une œuvre intéressante, d’un joli travail, qui sera écoutée avec plaisir par ceux à qui les pures lettres suffisent pour l’intérêt d’une soirée.
Ainsi Desfontaines avoit à craindre de voir son travail de plusieurs années perdu, si les idées du président Bouhier avoient lieu. […] Ce qui fait, dit-il, que les grands poëtes de l’antiquité ont été traduits en vers avec beaucoup de succès chez nos voisins, & ridiculement chez les François, c’est la différence du génie des langues, La nôtre ne sçauroit se plier à rendre les petites choses ; à nommer, sans causer du dégoût (tant nous sommes des Sybarites dédaigneux & difficiles) les instrumens des travaux champêtres & des arts méchaniques. […] Le commun ne se doute pas qu’il faille du travail & du génie.
Le lecteur ne nous pardonnerait pas de rouvrir ce débat, Je crois avoir suffisamment réfuté ces objections dans mon dernier volume le Travail du style, et j’avoue qu’il y a peu de choses qui m’aient donné autant de plaisir à écrire. […] On cite même victorieusement, à ce propos, ces lignes de Louis Veuillot : « La page raturée, refaite, recopiée, est la bonne ; la page tracée d’un seul jet, sans point ni virgule, sans rature, est l’excellente. » Ceci est peut-être vrai d’un article de journal, où l’excès du travail risque parfois d’atténuer la force d’un premier jet ; mais Louis Veuillot connaissait bien la valeur de la retouche et l’importance du travail, lui qui écrivait aussi ces lignes, que je recommande également à mes adversaires bruxellois : « Aujourd’hui, on est écrivain pour vivre.
et ce fut ainsi que se réalisa une fois de plus le beau mot de Balzac l’ancien sur la France : « La France est un vaisseau qui a pour pilote la tempête. » Évidemment, en présence de ces événements et de ces immensités, l’écrivain peut se tenir dispensé du maigre travail des biographies, ou, s’il lui plaît d’en faire encore, ce ne doit pas être pour mesurer la grandeur des hommes, mais pour montrer leur petitesse, et la montrer avec l’implacable exactitude d’un niveau. […] Pour lui, la Révolution, qu’il disait — et avec raison — ne s’incarner dans aucun homme, se fait femme aujourd’hui, et tout aussitôt, avec la piété d’un enlumineur de fétiches, le voilà qui se met à nous peindre ce multiple visage de femme sous lequel l’idée révolutionnaire lui apparaît, peut-être d’autant plus puissante… Il est vrai qu’un remords le prend vers la fin de son travail : « Le défaut essentiel de ce livre — dit-il — c’est de ne pas remplir son titre. […] On dirait que son enthousiasme n’a qu’un certain nombre de phrases clichées et de moules, et que ces phrases une fois écrites, et que ces moules une fois remplis, il est obligé de recommencer mécaniquement un tel travail.
Dernièrement (si on se le rappelle), un travail de lui, insultant et faux, sur les filles de Louis XV, m’avait, dans un journal, passé par les mains, et je l’avais proprement et correctement déchiré en quatre morceaux, pour qu’il pût servir à quelque chose. […] Soury eût travaillé dans la Bible, l’exégèse, l’archéologie, et c’est la couverture de son livre sur Jésus et sur les Évangiles qui m’a appris les souterrains travaux de taupe auxquels, depuis longtemps, il s’est livré. […] Soury, désespéré, sans doute, de voir ses autres travaux restés obscurs, a voulu percer son trou à travers le même sujet que M.
III Telle est la partie de l’histoire de Bossuet que Floquet restitue et qui lui appartiendra probablement beaucoup plus en propre que les autres parties de son travail. […] Ni les controverses du temps de Bossuet, mortes maintenant, ni les conversions dues à sa parole et qu’on a oubliées parce que tout le monde n’est pas Turenne, ni les commissions apostoliques dont il fut chargé pour la réformation des monastères, ni les fondations auxquelles il prit part, ces travaux immenses ne pouvaient être rejetés sur le second plan quand il s’agissait de Bossuet. […] Ce sont les œuvres et les travaux du prêtre qu’il fallait dire, et Floquet les a dits avec une phrase forgée un peu trop peut-être sur la phrase de Bossuet ; car l’amour aime la dépendance.
C’est très consciencieux, son travail… On peut dire qu’il ne tomberait pas un bouton de la culotte de La Fontaine, que Walckenaer ne se fit un devoir de le ramasser. […] Son travail sur les Fables de La Fontaine fut l’aurore d’un talent qui n’a pas eu, malheureusement, le midi que promettait son aurore. […] III Je ne sais véritablement pas ce qu’on pourrait ajouter à ce travail de recherche intime et supérieure.
Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons expose dans un travail antérieur. […] Son travail sera d’ailleurs plus compliqué, et nous aurons à en énumérer les formes. […] Analysant le travail de la fonction, nous avons retrouvé un à un plusieurs des sens qu’on donne au mot religion. […] Bref, la fonction fabulatrice de l’esprit s’est arrêtée dans le premier cas ; elle a poursuivi son travail dans le second. […] Elle reprendra au besoin le travail interrompu.
Aussi passe-t-il à un travail acharné l’été même de son mariage. […] Mon travail d’atelier m’a appris tout ce qui me manque ; il faut que je l’acquière. […] Je compte en outre meubler mes cartons et amasser de quoi suffire à de longs travaux d’atelier. […] Les copies qu’il rapportera dans ses cartons alimenteront une vie de travail d’atelier, et ce travail, ainsi soustrait à l’influence et à l’action constantes de la nature, risquera de devenir une fabrique, de se racornir en poncif. […] Amiel a-t-il aperçu cet opérateur au travail ?
Dans ce qu’il a dit de ses longs et patients travaux pour la mesure d’un arc du méridien, il a insisté sur les diversions littéraires que s’accordait le savant, et sur l’attention tout humaine qu’il ne cessait d’apporter à travers ses mesures et ses calculs, aux mœurs des populations parmi lesquelles il vivait. […] Bien vieux, dans sa retraite de Mâçon, séparé à regret de ses confrères de l’Académie, il aimait à correspondre avec eux par lettres ; il suivait leurs travaux, il s’intéressait à tout.