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314. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — I »

Mais on en peut dégager les traits principaux, tant il s’est plu à les souligner, soit chez lui, soit chez les penseurs qu’il biographiait.‌ […] Ce dernier trait, je suis heureux de le dire, ne me paraît guère exagéré.‌

315. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Louise Labé était disciple de Maurice Sève, et elle lui dut assurément beaucoup pour les études et les doctes conseils ; mais, si elle atteignit dans l’expression à quelques accents heureux, à quelques traits durables, elle ne les puisa que dans sa propre passion et en elle-même. […] Il faut ne pas oublier cette éducation pre mière en la lisant ; mais surtout un trait chez elle absout ou du moins relève la femme, et la venge des inculpations vulgaires : elle eut la passion, l’étincelle sacrée, c’est-à-dire, dans sa position, le préservatif le plus sûr. […] Puis, à mesure que, dans cette analyse prise sur le fait, il suit plus avant les progrès de la passion, le trait devient plus profond aussi, et le ton s’élève. […] Et en tous ces actes, quels traits trouvez-vous que de Folie ? […] Il nous serait possible de glaner encore dans les vingt-quatre sonnets de Louise Labé, de relever quelques traits, quelques vers : Comme du lierre est l’arbre encercelé… J’allois resvant comme fais maintefois, Sans y penser……..

316. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

On ne saurait mieux marquer que par de tels traits la différence qui nous sépare de nos pères ; ceux-ci et Désaugiers le dernier, dans leur manière d’entendre le vin, c’est-à-dire de le boire et de le chanter, tenaient un peu plus directement, on en conviendra, des façons du bon Homère et de celles du bon Rabelais. […] La sensibilité, chez Désaugiers, se glisse quelquefois dans l’air, même lorsqu’elle n’est pas dans les paroles. — Comme pendant à cette délicieuse chanson, il faut prendre aussitôt celle du Réformé content de l’être (1814), dont le refrain est d’un effet tout contraire au précédent, et dont l’air également va en sens inverse du trait final : Tout va bien (bis), Grâce au Ciel, je n’ai plus rien, Je n’ai plus rien, je n’ai plus rien. […] Dans l’Atelier du peintre, Désaugiers a des traits du grotesque Saint-Amant ; c’est la charge du genre David dans sa défroque et son mobilier. […] Désaugiers, si plein de traits, n’a pas fait une épigramme en sa vie ; il n’a pas blessé un ennemi, il n’en a pas eu. […] J’ajouterai seulement ici quelques traits puisés en bon lieu, et qui achèveront de dessiner cette physionomie heureuse.

317. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Les sujets de ces poésies sont, outre ces circonstances solennelles, des imitations, soit de Pétrarque, soit des imitateurs de Pétrarque ; des traits d’esprit de société, reproduits et quelquefois délayés en quatre, six, dix, onze ou douze vers ; quelques pensées amoureuses, avec ce tour de galanterie propre à notre nation. […] Les paroles de Du Bellay sont du plus grand prix : « Si deux peintres, dit-il, s’efforcent de représenter au naturel quelque vifpourtrait, il est impossible qu’ils ne se rencontrent pas en mesmes traits et linéaments, ayantmesmeexemplairedevantlesyeux. » Rien de plus élevé et de plus juste, mais il y faut une condition : c’est que les deux peintres soient supérieurs. […] C’est ce grand Ronsard qui a le premier chassé la surdité spirituelle des hommes de sa nation. » Du Bellay, qui, dans sa vieillesse, était devenu sourd, s’en félicitait comme d’un trait de ressemblance avec Ronsard L’enthousiasme qu’inspira ce poëte lui survécut au moins jusqu’à l’arrivée de Malherbe. […] Aux yeux de ses contemporains, la grossièreté même de ses imitations était son plus beau trait. […] Malgré la précoce beauté de ces grands traits de philosophie chrétienne, qui sont la part de la Réforme dans Ronsard, et quoiqu’il y ait en beaucoup d’endroits de son recueil de l’imagination, du feu, de la fécondité, quelque invention de style, ce poète équivoque placé entre les petites perfections de la poésie familière de Marot et la haute poésie de Malherbe, ne sera jamais un auteur qu’on fréquente ; mais, comme représentant d’une époque, il y aura toujours justice à l’apprécier et profit à l’étudier.

318. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Comme moraliste, que de vues sur les passions en général, sur les traits communs et sur les diversités des caractères et quelle abondance de fait publics et particuliers à l’appui de ses jugements ! […] On n’avait pas d’ailleurs cessé un seul jour en France d’écrire ou de parler en latin, en sorte que depuis longtemps, par la religion, par l’usage, par ces grands traits de ressemblance avec le peuple romain, nous inclinions du côté où nous poussait le catholicisme, vainqueur de la Réforme. […] C’est un nouveau trait de Montaigne il n’est guère moins curieux que sceptique. […] Nous nous piquons de reconnaître notre personne dans la personne qui s’appelait Montaigne, dans ce portrait qu’il se garde bien de faire en une fois, de peur d’omettre certains traits et d’en forcer d’autres, mais qu’il a comme répandu dans tout le cours de son ouvrage. […] Nous nous trouvons aussi quelques-unes de ses qualités, soit qu’en effet nous en ayons certains traits, soit qu’à notre insu, sous le charme de simplicité naïve avec lequel il nous en parle, le désir de lui ressembler nous persuade que nous lui ressemblons.

319. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

Une disposition invincible à narguer et à chansonner les gens de loi, les gens d’église, les puissants, le beau sexe et les maris, devint un des traits persistants du caractère national. […] Ce qui caractérise Béranger entre ceux de nos poëtes contemporains les plus justement célèbres, c’est d’avoir tous les traits purs du génie poétique français, de reproduire en plein ce génie dans tous les sens, d’y atteindre naturellement par tous les bouts : bon sens, esprit, âme, il réunit en lui ces qualités éminentes dans une mesure complète, auparavant inconnue, mais qui ne pouvait se rencontrer que chez nous. […] Mais il est deux autres prosateurs que cette préface de Béranger m’a fortement rappelés par la multitude de traits fins, de pensées sous forme d’images sensibles, et de comparaisons brèves dont elle est comme tissue.

320. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Dans les degrés divers et les mille formes dont elle est susceptible, elle oscille entre deux limites : la recherche du caractère général, qui remet l’objet dans une série, dans un genre, et la recherche du trait particulier, qui l’isole et le pose seul, dans son individualité distincte, en face de tous les objets analogues. […] En un mot, c’est le désert ; Buffon saisit le trait général, il l’appuie, l’enfonce, faisant abstraction de tout le reste. […] Cette description est aussi particulière que celle de Buffon était générale ; elle est faite des mêmes éléments, elle n’ajoute presque aucun trait : mais c’est un désert, ce n’est pas le désert ; c’est le Sahara vu d’El-Aghouat.

321. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

Dans le genre du tableau littéraire proprement dit, où il excelle, et dans le tableau qu’il a donné du xviiie  siècle en particulier, je me permettrai seulement de faire une remarque, de relever un trait de caractère qu’on ne saurait omettre en parlant du critique célèbre qui a été le maître de notre âge. […] En un temps où les hommes éminents ne pèchent point, en général, par trop de méfiance d’eux-mêmes, c’est là un trait presque touchant. […] Je rassemble, sur les rayons de ma bibliothèque, ce qui nous reste de quelques-unes de ces femmes ; je recueille des lambeaux de leurs correspondances inédites ou de mémoires manuscrits qui éclairent à mes yeux et marquent plus distinctement les traits de telle figure qui m’est chère.

322. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Ce Narcisse d’égoïsme lâche s’applaudissait lui-même en retrouvant dans des doctrines plus hautes que lui les traits épars de son image ! […] Du reste, il est aisé de prendre la mesure, en quelques traits, du monument (je ne retirerai pas le mot) qu’a élevé le Père Lacordaire à la gloire et au triomphe de la vérité chrétienne. […] je connais vos maux par les miens. » Massillon, qui avait lu dans son âme ses deux beaux et touchants sermons sur la Madeleine, a quelquefois de ces traits sur les passions qui étonnent la paix du sanctuaire.

323. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Les traits généraux sont vagues, et pour maîtriser l’attention du lecteur, la Bruyère, comme Balzac, est obligé de le toucher au vif par des traits particuliers, tirés de la vie réelle et des circonstances vulgaires. […] Il lui a suffi d’en grossir les traits pour trouver celle de Bixiou et de Vautrin. […] Il y a bu à longs traits, non le désespoir et l’extase, mais l’héroïsme et la paix. […] Par ce seul trait jugez des terreurs religieuses. […] Dans tout le reste les grands traits de leur développement s’étaient correspondus.

324. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Ils ne s’y tiennent, l’un et le plus grand, qu’en outrant le mystérieux, le satanique, l’horrible, l’angoissant des traits d’âme qu’il révèle, en s’abstenant presque de les décrire, en les grandissant ainsi et eu laissant porter de tout son poids leur sombre et magnifique effroi ; l’autre, Henri Heine, qu’en écourtant davantage encore le récit de ses souffrances à demi imaginaires d’amant déçu et en les grandissant par le choc de l’ironie presque démente dont il les raille. […] Réduits en termes précis, tous ces adjectifs heureux, pur, noble, élevé, plaisant, fort et doux, signifient que l’art idéaliste classique sait donner de la nature, du dehors et du dedans de l’homme une image où se trouvent réunis les traits corporels ou moraux qu’il est bon que l’homme possède pour son bonheur et pour le bien de sa race13. Cet art idéalise en ce qu’il représente de préférence ces traits comme possédés par certains êtres fictifs, quand la plupart des hommes en sont fort loin. […] Divers écrivains parmi les plus grands, ont reproduit dans leurs œuvres certains traits de son génie ; il n’a pas été sans influence directe sur Baudelaire, qui est comme Poe, artificieux et tout volontaire dans son esthétique, qui tend également à rehausser la beauté de ses poèmes d’images d’horreur et de nouveauté, qui, plus psychologue et moins déductif que le grand Américain, tâche comme lui d’analyser cruellement sa propre âme et chez qui dominaient également de liants et impassibles dons de pure intellectualité. […] Il est encore quelques poètes parmi les plus récents qui manifestent dans leurs œuvres certaine des traits qui marquent celle de Poe, M. 

325. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

La découpure belle, rigoureuse et juste, seroit celle qui suivroit le trait délié dans tous ses points et qui le partageroit en deux. […] Celle de l’enthousiaste, de l’homme sensible, de l’esprit chaud, prompt, violent, admiratif, laisse beaucoup de marge en dehors du trait ; et la découpure du critique froid, malintentioné, jaloux, blesse le trait. […] Est-ce qu’un trait comique pris dans nos mœurs, est-ce qu’un trait pathétique pris dans notre histoire ne m’attachera pas tout autrement… j’en conviens, dites-vous. […] … aux traits de la passion, se joignent sur le visage d’Hersé, la candeur, l’ingénuité, la douceur et la simplicité. […] Nul désordre qui marque la conquête, pas le moindre trait de conformité avec un rapt après un combat.

326. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

En achevant de lire Pariset sur Pinel et Corvisart, j’ai pris aussitôt Cuvier sur les mêmes sujets, et j’ai senti toute la différence qu’il y a entre un homme instruit, disert, comme Pariset, qui a du feu, du coloris, de la sensibilité, mais qui déborde et divague souvent, et un esprit du premier ordre, toujours maître de lui et de son sujet, qui, en se hâtant, touche à tous les points essentiels, ne néglige aucun des caractères de l’homme, retrace le trait principal des doctrines sans se détourner jamais, marque en passant les rapports, les dépendances des diverses branches, signale les influences positives, soulève ou écarte les objections. […] On a fort apprécié surtout, dans ce dernier éloge, le talent consciencieux avec lequel le biographe a su rendre le caractère, non seulement du maître et du praticien, mais de l’homme, et ce soin curieux de recomposer par une foule de traits une figure originale. […] Si l’on ne composait ces notices que pour les lire devant des confrères et des connaisseurs, gens du métier, on pourrait s’en tenir aux traits simples et rester dans un parfait accord avec le sujet ; mais les séances publiques amènent le désir et le besoin des applaudissements, et les applaudissements s’obtiennent rarement par des traits fins et justes, par des nuances bien saisies, ou même par des vues simplement élevées.

327. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Les Français, à travers toutes les formes de gouvernement et de société qu’ils traversent, continuent, dit-on, d’être les mêmes, d’offrir les mêmes traits principaux de caractère. […] Je me reconnus tout entier dans l’un et dans l’autre de ces états, où l’inconstance avait plus de part que toute autre chose, sans que l’amour-propre vint flatter le moindre trait qui empêchât de me reconnaître dans cette peinture. […] Les femmes, selon lui, n’étaient que des victimes et ne faisaient que leur rendre la pareille bien faiblement : Ce sexe plein d’attraits, sans secours et sans armes, Peut assez se défendre avec ses propres charmes ; Et les traits d’un critique affaibli par les ans Sont tombés de ses mains sans force et languissants. […] Le trait est lâché, le rire est parti du même coup : pourquoi ?

328. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 20, de quelques circonstances qu’il faut observer en traitant des sujets tragiques » pp. 147-156

Je souscris volontiers au livre qui a dit : que les plus grands ennemis de la gloire des heros, étoient leurs valets de chambre : les heros gagnent toujours à n’être connus que par le recit des historiens ; la plûpart se plaisent à rapporter ces traits naïfs et ces petits faits anecdotes qui font encore admirer davantage les hommes illustres, mais ils taisent volontiers tout ce qui feroit un effet contraire. […] Peut-être est-ce qu’elles n’ont point encore une juste idée de la dignité de la scene tragique : peut-être entre-t-il aussi dans leurs vûës quelque trait de la politique athenienne.

329. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 31, que le jugement du public ne se retracte point, et qu’il se perfectionne toujours » pp. 422-431

Les beautez dont ses ouvrages sont parsémez, étoient donc très-capables de plaire à des lecteurs qui ne connoissoient pas les originaux, ou qui en étoient assez idolâtres pour chérir encore leurs traits dans les copies les plus défigurées. […] S’ils se fussent contentez de dire que ses vers leur plaisoient infiniment et que les peintures dont ils sont remplis les attachoient, quoique les traits n’en fussent pas réguliers, nous n’aurions rien à leur reprocher.

330. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Vivant avec ces princes de la maison de Condé, il les a connus à fond, et il les a peints en traits assez inaperçus jusqu’ici, mais ineffaçables. […] Ceux qui ne le connaissent pas croiront, en le lisant, que la haine en a tracé les traits ; mais ceux qui le connaissent sentiront-à chaque mot que c’est la vérité : cette même vérité me va faire dire le bien qui est en lui. » En conséquence il lui reconnaît de l’esprit et même beaucoup, de la politesse de langage, de la pénétration, une plaisanterie vive et légère ; mais les traits généraux subsistent, et la physionomie dans son ensemble n’admet rien qui en puisse adoucir l’odieux. […] On voit que Lassay, quand il se mêle d’envisager et de définir, a bien de la netteté dans le trait, de la finesse et de la précision décisive dans l’esprit. […] Mais les malignités et les traits satiriques des écrits du temps, qu’on peut voir dans le curieux article de M. 

331. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Elle s’avance bizarrement accoutrée et la tête haute, dans ce salon bruyamment hostile, le fend d’un long sillage, va droit à la duchesse stupéfaite, boit d’un trait la tasse que celle-ci lui tend d’un geste méprisant, lui remet, en échange, un chèque de vingt-cinq-mille francs, et lui dit qu’elle espère bien, à son tour, avoir sa visite. « Nous parlerons de M.  […] Ce trait lancé, elle essuie tranquillement les regards moqueurs ou irrités qui la visent, et s’éloigne d’un pas résolu. […] Un seul trait le marque, l’adoration servile pour sa femme. […] L’hôtel lui appartient ; ses titres de propriété sont là, dans ce meuble, et le commissaire remarquant qu’il y manque sa signature, d’un trait de plume, elle les signe. […] Des traits d’observation saisissante, pris sur le vif de l’âme féminine, se mêlent au grimoire de ses caractères ; son héroïne est de fière étrangeté et de grande allure.

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