Horace lui avait montré dans le bon sens, qui n’est en somme que le sens précis de la réalité, la qualité maîtresse du poète dramatique : mais surtout il lui avait fait concevoir quel art délicat, assortissant toutes les pièces d’une tragédie, donne à l’ouvrage une perfection charmante, dont l’agrément est infini. […] « Il y a dix fois plus d’invention dans Cyrus que dans l’Iliade. » Horace, les lyriques, la tragédie avec ses absurdes chœurs recevaient leur compte en passant : mais de Pindare surtout, il ne subsistait rien ; il n’y avait rien de plus ridicule que cet inintelligible poète, sinon ses forcenés adorateurs. […] Mais « pour la tragédie, nous sommes bien supérieurs aux Latins » ; et aussi pour le vaudeville.
Des tragédies furent composées par eux, dans lesquelles l’irrégularité de l’Eschyle britannique et de l’Euripide castillan était largement imitée, mais où leur génie était un peu plus sobrement reproduit. […] Il nous semble que Cinna et Horace, Phèdre et Iphigénie, Mithridate et Britannicus, Œdipe et Mérope, Brutus et Rome sauvée, tragédies puisées, les unes dans le théâtre grec, les autres dans les annales de l’ancien Univers, et toutes imitées ou créées avec un égal génie, sont des œuvres modernes et françaises, en dépit de leur origine ; qu’elles ne sont ni des calques, ni des copies, ni des pastiches ; qu’il y a de la sève et de la vie, et qu’enfin ce ne sont pas là tout-à-fait, comme on l’a dit, les productions d’un art pétrifié. […] s’écrient nos adversaires ; les tragédies dont vous venez de proclamer les noms, sont romantiques, et nous les adoptons comme telles.
Est-ce par hasard, en effet, que l’auteur de la médiocre tragédie de Didon a rencontré quelques strophes immortelles ? […] Quelle que fût toutefois cette trombe violente qui emportait alors les âmes et leur donnait son souffle pour génie, malgré tout le pathétique de ces tragédies des camps et de la rue, le contrecoup en était pour l’art plus accablant qu’inspirateur. […] On avait applaudi comme une belle œuvre d’art le Guillaume Tell de Schiller : mais sa tragédie des Brigands charmait aussi beaucoup d’esprits faux en Allemagne, comme autorisant la révolte contre une société où ils ne croyaient pas avoir assez bonne part.
On ne lit plus ses Tragédies, ni ses Comédies, ni ses Tragi-Comédies, ni ses Romans : on se souvient seulement que l’agrément de son esprit l’introduisit fort avant dans la familiarité du Cardinal de Richelieu.
Chabanon a donné au Théatre la Tragédie d’Eponine, qui n’est connue que par sa chute, justement méritée ; qu’il est Auteur d’une autre Tragédie, à qui le défaut de représentation a épargné la même disgrace ; d’une Traduction des Odes Pythiques de Pindare, où le plus animé de tous les Poëtes Lyriques paroît d’une froideur plus qu’Hyperboréenne ; & qu’il a aussi traduit les Idylles de Théocrite d’une maniere peu capable d’inspirer du goût pour cet Auteur.
Sa Tragédie de Mahomet II offre des beautés qui justifient le succès qu’elle a eu, & dont elle jouit encore.
De quatre Tragédies qu’il a données au Théatre, aucune n’a eu de succès solide, & n’étoit faite pour en avoir.
Tamerlan & Régulus, deux de ses Tragédies qu’on jouoit encore il n’y a pas long-remps, sont de beaucoup supérieures aux Pieces des Pradons de notre Siecle.
Si les Tragédies répondent à nos Romans héroïques, les Comédies, comme celles du Tartuffe & de l'Avare, à nos Romans d'intrigue & de caractere ; les Pieces de M. de Saint-Foix sont propres à nous retracer l'idée de ces jolis Contes de Fées, qui, sous d'agréables images, représentent dans le lointain la peinture de nos mœurs.
Aussi les recherches qu’on a faites sur l’origine de l’art théâtral, nous ont-elles appris que la comédie est née antérieurement à la tragédie, parce que les hommes sont plus prompts à se moquer qu’à s’attendrir, et sont en général moins bons que méchants. […] Enfin la comédie grecque étale aux regards un spectacle de travestissements imaginaires, et marche escortée de chœurs satiriques, dont le burlesque appareil imite les mouvements et la pompe des chœurs de la tragédie antique. […] C’est la parodie du coursier ailé sur lequel vole le Bellérophon d’Euripide, machine dont l’attirail embarrasse l’exposition d’une de ses tragédies. […] Tout doux, attendez : ne vous rappelez-vous pas que le calcul des conditions de la tragédie s’élevait à vingt-six ? […] mais l’art de la tragédie est grave et imposant ; il exige peut-être de plus grands frais de génie.
C’est ainsi qu’il fit plus tard en introduisant parmi nous les deux tragédies de Manzoni ; c’est ainsi qu’il fit d’abord pour la Parthénéide de Baggesen. […] Au printemps de 1816, nous trouvons Manzoni s’occupant avec ardeur d’écrire sa tragédie de Carmalogna, et le lien littéraire qui le rattache à Fauriel se renoue étroitement. […] Au sortir de ces études préliminaires, Manzoni aurait été en mesure, à volonté, d’entreprendre une histoire des Lombards comme auraient pu le faire Augustin Thierry et Fauriel, ou bien d’écrire une tragédie. […] Dans la tragédie en particulier, quel art insensible pour concilier le simple et le noble, l’expression libre, naturelle, par moments familière, et l’expression idéale ! […] Néanmoins, si les productions suivantes d’Alexandre trouvent au delà des Alpes des analyses et des éloges comme ceux qu’on vient de faire pour Carmagnola et Adelchi, je crois que ce sera le meilleur moyen de persuader à nos dilettanti de littérature qu’ils possèdent un grand poëte parmi leurs concitoyens, et peut-être, avec le temps, de les accoutumer à l’idée que les tragédies d’Alfieri ne sont pas les meilleures tragédies italiennes.
Nicomède, tragédie de M. […] La première de ces tragédies, « Pylade et Oreste, pièce nouvelle de M. […] Il vint trouver notre auteur, et lui soumit une tragédie qu’il avait composée pendant cette absence. […] On dit qu’il lui donna cent louis pour l’encourager à entreprendre une tragédie. […] Dans une tragédie, un prince meurt, un roi.
Malgré cela, il aura au dessus d’eux la gloire d’avoir rappelé parmi nous la Tragédie à sa véritable destination, en y retraçant, comme chez les Grecs, des événemens nationaux, & en offrant à ses compatriotes des Héros propres à les attendrir & à exciter leur émulation.
On a applaudi, avec justice, au Ballet des Elémens, & à la Tragédie de Callirhoé, dont l'ordonnance & la poésie sont également capables de satisfaire la délicatesse & le goût des Amateurs.
Ainsi donc les Provinciales, les tragédies de Racine, les Sermons de Bourdaloue sont des œuvres banales et vantées surtout par leurs défauts. […] Nous n’avons jamais prétendu que des chefs-d’œuvre comme les Provinciales, Sermons ou Tragédies n’ont pas eu de succès ; nous disons simplement que « la banalité est toujours applaudie ».
Sur ce principe vous ne voudriez donc pas affranchir notre poésie des entraves qu’on lui a données, y permettre plus de licence, introduire les tragédies en prose et les vers sans rimes ? […] Quant aux tragédies en prose, cette discussion nous mènerait trop loin ; et si j’y entrais avec vous, j’ose croire que vous ne seriez pas mécontente de moi : mais quant à la sévérité des lois poétiques, je n’en voudrais rien relâcher ; et quant à la rime, malgré la monotonie qu’elle cause dans nos vers, je la crois indispensablement nécessaire à notre poésie, qui sans cela ne me paraîtrait plus distinguée de la prose.
Mais, quand elle écrit de gros ouvrages, et des romans en plusieurs volumes, et des tragédies et des comédies en cinq actes, alors elle est auteur dans le sens laborieux et disgracieux du mot, et le bas-bleu, cette affreuse chose, apparaît dans son foncé terrible. […] à ce rutilant et truculent Gautier, obligé à vanter des tragédies jetées dans le vieux moule classique et écrites comme si le moule était si usé qu’il ne marque plus… Pour la Cléopâtre, il s’en tire habilement en nous donnant un médaillon de Cléopâtre, un Émail et Camée de sa façon : mais pour la Judith, il y reste, sentant bien, au fond de sa conscience, — poids fâcheux !
Le style fleuri nuiroit à l’intérêt dans la tragédie, & affoibliroit le ridicule dans la comédie. […] Une tragédie est foible, quoique le style en soit fort, quand l’intérêt n’est pas soûtenu. […] Un héros dans une tragédie dit qu’il a essuyé une tempête, qu’il a vû périr son ami dans cet orage. […] La tragédie peut s’abaisser, elle le doit même ; la simplicité releve souvent la grandeur selon le précepte d’Horace. […] La tragédie demande moins d’images, moins d’expressions pittoresques, de grandes métaphores, d’allégories, que le poëme épique ou l’ode ; mais la plûpart de ces beautés bien ménagées font dans la tragédie un effet admirable.