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288. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) I Finissons-en avec les théories imaginaires de ces législateurs des rêves, qui, en plaçant le but hors de portée parce qu’il est hors de la vérité, consument le peuple en vains efforts pour l’atteindre, font perdre le temps à l’humanité, finissent par l’irriter de son impuissance et par la jeter dans des fureurs suicides, au lieu de la guider sous le doigt de Dieu vers des améliorations salutaires à l’avenir des sociétés. […] Rousseau ; les théories matérialistes de la philosophie de l’intérêt ne peuvent aboutir qu’à la proclamation de droits aussi antisociaux, le droit de tuer ou le droit de mourir. Les théories spiritualistes de la société, qui sont les nôtres, aboutissent au commandement et à l’obéissance, qui sont, dans ceux qui commandent comme dans ceux qui obéissent, des devoirs, c’est-à-dire des libertés individuelles volontairement sacrifiées à la souveraineté générale dans ceux qui obéissent, et des autorités morales légitimement exercées dans ceux qui commandent. Vos théories de société répondent aux corps, les nôtres répondent à l’âme de la société. […] X Le vrai contrat social n’a pas été délibéré entre des hordes humaines faisant la métaphysique des prétendus droits de l’homme, et la théorie des sociétés avant l’existence de la société.

289. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

C’est cet important facteur de toute œuvre humaine, la personnalité propre et spéciale de l’individu, que la théorie nouvelle a le grand tort de méconnaître, c’est là même au fond le facteur essentiel dans tous les ouvrages de l’esprit. […] Traduit dans le langage de la critique, ce sage précepte peut s’énoncer ainsi : « C’est aux œuvres des disciples que se voit la valeur des théories littéraires. » Quel que soit en effet le système auquel s’arrête et que recommande un artiste supérieur, on peut dire que lui-même n’en est jamais complètement l’esclave : ses doctrines ne représentent qu’une partie de lui-même et pas toujours la plus originale. […] Mais c’est notre droit de critique d’interroger ceux qui le suivent et se réclament de lui, qu’il encourage et protège, pour juger ce que valent ses théories, pour montrer ce qu’elles préconisent, d’où elles partent, où elles conduisent. […] Quel déchet ce jour-là dans la théorie des tempéraments, dans les « innéités », dans les « élections du père ou de la mère », dans les « hérédités en retour », dans les « mélanges-fusion », dans les « mélanges-équilibre », et dans les « mélanges-dissémination » sans parler de tout le reste, et que je sais de gens qui riraient de bon cœur, et d’autres qui ne riraient pas ! […] On continuera cependant de le lire, non à cause de ses théories, mais en dépit d’elles, pour la vigueur de ses peintures, pour la puissance de ses conceptions, pour la façon magistrale dont il a souvent manié la langue française.

290. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Thiers ne conçut jamais d’autre théorie, même à ses débuts, même en ce concours académique. […] Ce qu’il y avait de peu compliqué dans les théories, soit politiques, soit littéraires, du Constitutionnel, ne lui déplaisait pas ; l’esprit de M. […] En y réfléchissant depuis, l’historien a cherché à se faire la théorie de sa manière. […] Mais ce n’est pas la théorie que je discute en ce moment ; je n’ai voulu que prendre sur le fait l’idéal de simplicité et de réalité de M. […] Puis viennent les basiliques, l’art roman, le mélange de l’ogive du nord avec l’art arabe : il a là toute une théorie déduite historiquement, et qu’il croit pleinement justifiable sous le point de vue technique aux yeux des gens du métier.

291. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Car encore qu’il ait écrit qu’« il ne faut ni blanc ni vermillon sur les joues d’une chose telle que la théologie », il admettait pourtant en théorie dans l’éloquence sacrée l’emploi des éruditions antiques et des histoires naturelles « comme l’on fait des champignons, pour réveiller l’appétit »,. Sa pratique n’a été que trop fidèle à sa théorie. […] Dans ce réveil de l’énergie morale se préparent et la théorie cartésienne de la volonté et la théorie cornélienne de l’héroïsme : et là se trouve l’explication de la faveur que rencontrera le jansénisme, cette forme forte du catholicisme.

292. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

En arrivant sur le grand théâtre de Paris, il trouva une nation en masse pleine d’illusions, et surtout enivrée dans la personne de ses conducteurs ; une nation en proie aux théories illimitées et à toutes les espérances. […] Ce n’étaient que théories générales et que panacées souveraines annoncées à son de trompe. […] Dans ces citations fréquentes que je me plais à faire des plus fortes pensées de quelques publicistes d’autrefois, je n’ai point la prétention d’ailleurs de proposer des recettes directes pour nos maux et nos inquiétudes d’aujourd’hui ; il n’est point de telles recettes souveraines. — « L’art de gouverner, disait très bien l’ancien Portalis dans une lettre à Mallet, n’est point une théorie métaphysique et absolue. […] Dans la note 8e du livre II de sa Théorie du pouvoir.

293. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Il vengeait encore les négociants et leur finesse de coup d’œil supérieure à la théorie, dans un mémoire écrit au nom de la même Compagnie, et par lequel il répondait à un écrit de l’abbé Morellet (1769). […] Necker, qui eut du succès malgré le choix du sujet ou plutôt à cause du sujet qui était alors de mode, fut son ouvrage Sur la législation et le commerce des grains, qui parut en 1775 ; c’était une attaque contre les théories absolues du ministère de Turgot et contre les économistes qui voulaient une entière liberté d’exportation. […] L’ouvrage, tel qu’il était, habilement combiné, à demi entendu, à demi lu, et où il y avait de l’oratoire et du sensible entremêlés à la théorie obscure, fit la plus grande impression dans l’état des esprits, et hâta l’avènement de M.  […] Malgré cette restriction qui ne vint qu’après coup, la théorie générale subsiste, et il y a décidément un proverbe qui manque : Heureux comme un sot.

294. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

c’est toute la théorie de M.  […] Renan n’a point inventée, et qu’il a commencé par appliquer à la théorie du langage, est cette méthode connue des Études religieuses dont nous parlons pour la première et dernière fois. La Critique n’a point à créer d’importances en s’acharnant sur des théories méprisables. […] Seulement, « pour construire scientifiquement la théorie des premiers âges de l’humanité, il faut étudier l’enfant et le sauvage », c’est-à-dire le sens sur le contresens, la lumière sur les ténèbres, et la montée sur la descente.

295. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Or, la méthode que je vais exposer est, depuis longtemps déjà, suivie par ceux qui la méconnaissent et qui la violent, professée par ceux qui la contredisent en théorie et en fait. […] Mais deux ou trois faits relatifs à la personne de ces philosophes nous en apprennent plus long sur la formation de leurs théories littéraires, et par là sur leur valeur, que toute la critique du Chevalier. […] Vous voyez poindre, n’est-ce pas, la théorie hegelienne de la tragédie404 ? […] Qu’on a bien raison de dire qu’un homme vaut toujours mieux que ses théories ! […] Voyez la théorie du chœur, Ire partie, chap. 

296. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Sur l’École française d’Athènes »

Nous dirions même que nous aurions peur des projets trop rédigés à l’avance, et qui anticiperaient sur l’expérience par la théorie : car notez que la théorie ici, ce serait probablement la routine.

297. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. De la France en 1789 et de la France en 1830 »

Quand la société est morale, avancée, et se tient volontiers dans le bon sens et le travail, quand les passions et les haines publiques n’ont plus d’objet, les théories absolues et les prestiges quelconques peu de séduction, les conséquences les plus nombreuses et les plus vraies de la liberté n’ont aucun péril ; car elles garantissent ce travail, exercent et développent ce bon sens, préviennent le retour des passions politiques, ou en dirigent le cours vers le bien général, et ferment la bouche aux théories des rêveurs.

298. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

Certains d’entre ces verbes techniques qui s’efforcent d’englober toute une théorie sous leurs syllabes barbares, ne valent qu’en raison de la théorie elle-même.

299. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mallarmé, Stéphane (1842-1898) »

Mallarmé, sa théorie du symbole, mot appelé à une si étrange et triomphante fortune ! ses théories sur le théâtre suprême, sur l’union de l’art et de la morale, tout cela rayonne dans ses écrits d’une telle irradiation, que je ne saurais sans altération vous en parler.

300. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

La théorie de Bentham me suffit. […] Voilà la fièvre… » Eh bien, messieurs, c’est cette théorie de la fièvre qui est devenue l’un des points d’attaque contre le professeur. […] cette doctrine (la doctrine ancienne et non actuelle de l’école de Montpellier) est exaltée, préconisée, par contraste avec les abjectes théories de la Faculté de Paris. […] La fin aussi semble excéder et entamer une question nouvelle, toute une théorie pénale, sans la traiter et l’embrasser suffisamment. […] Il est rédigé comme si la philosophie néo-platonicienne ou éclectique était unique et universellement reconnue, comme s’il n’y avait pas d’autre théorie qui explique par d’autres raisons et qui assoie sur un principe différent l’autorité des lois pénales65.

301. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Il suffit, pour s’en convaincre, de passer en revue la longue théorie des écrivains qui ont été en proie à l’inquiétude dont cette forme littéraire générale est la furtive expression. Théorie imposante et un peu bousculée, qui, pour prendre un exemple parmi les derniers venus, va de M.  […] Et toujours les problèmes sociaux ont hanté despotiquement la pensée de l’auteur des Rongon-Macquart, au point qu’il a fini par se perdre dans le réseau enchevêtré des théories et des expériences. […] Paul Bourget a opéré, soit dans la conception des personnages mis en scène au cours de ces romans, soit dans la description de certains organismes étudiés, soit enfin dans la composition de ses tableaux, une synthèse, saisissante d’exactitude, des théories nouvelles qui cherchent à s’emparer de notre société. […] C’est un fait que les observateurs et les moralistes s’inquiètent désormais des bouleversements possibles, des théories qui les préparent et de l’opposition qu’ils rencontrent.

302. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

On cherchera vainement une théorie du comique qui réponde d’une manière satisfaisante à cette question très simple. […] Et nous touchons ici à une nouvelle difficulté de la théorie du comique. […] De là un sens plus étroit du mot, le seul qui nous intéresse d’ailleurs au point de vue de la théorie du rire. […] Si notre théorie est exacte, il nous suffira d’appuyer sur le mot, de le grossir et de l’épaissir, pour le voir s’étaler en scène comique. […] Disons d’abord que ces trois lois sont loin d’avoir une égale importance en ce qui concerne la théorie du comique.

303. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Le code mosaïque avait consacré cette théorie patriarcale par une institution bizarre, le lévirat. […] Rien, on le voit, dans toutes ces théories, n’était absolument nouveau. […] Jésus lui-même, dans beaucoup de cas, se sert de manières de parler qui ne rentrent pas du tout dans la théorie apocalyptique.

304. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

De là naît une théorie ingénieuse, d’une symétrie extrême, si jolie qu’elle met en défiance, mais dont le résumé a la précision d’une formule et l’élégance d’une démonstration. […] On a dit que le propre de l’esprit français est d’éclaircir, de développer, de publier les vérités générales ; que les faits découverts en Angleterre et les théories inventées en Allemagne ont besoin de passer par nos livres pour recevoir en Europe le droit de cité ; que nos écrivains seuls savent réduire la science en notions populaires, conduire les esprits pas à pas et sans qu’ils s’en doutent vers un but lointain, aplanir le chemin, supprimer l’ennui et l’effort, et changer le laborieux voyage en une promenade de plaisir. S’il en est ainsi, l’idéologie est notre philosophie classique ; elle a la même portée et les mêmes limites que notre talent littéraire ; elle est la théorie dont notre littérature fut la pratique ; elle en fait partie puisqu’elle la couronne, et l’on peindrait en abrégé son dernier défenseur, en disant qu’avec les grâces aimables, la politesse exquise et la malice délicate de l’ancienne société française, il conserva la vraie méthode de l’esprit français.

305. (1891) Esquisses contemporaines

Pourquoi n’oppose-t-il pas théorie à théorie, explication à explication ? […] Il les aime trop pour apprécier objectivement chez les autres leurs calmes théories. […] Ce qu’il sent réel, ce ne sont pas les grandes masses d’idées et les théories spéculatives qui hantent la méditation de M.  […] Nulle affirmation des auteurs eux-mêmes ne confirme cette théorie. […] Scherer a fait fléchir cette interdiction en faveur d’une théorie spéculative.

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