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1747. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

Dans un sujet comme celui des Perses, la Démocratie athénienne, justement soupçonneuse après Pisistrate, n’aurait pas supporté, du reste, les victoires du peuple personnifiées par des chefs, sur le piédestal de la scène. […] » — « Ils ne sont esclaves ni sujets d’aucun homme vivant. » — « Comment donc font-ils pour soutenir le choc de leurs ennemis ?  […] Mais défigurer la face vénérable de la Mère commune par des mutilations sacrilèges, déformer les traits de sa géométrie éternelle, rompre l’équilibre des éléments et des choses, faire craquer leur balance en y portant le poids exagéré du travail humain ; là commençait l’attentat, l’excès prévu par Némésis et sujet à ses châtiments. […] Le Grand Roi se fait petit maintenant devant ses sujets, il se rend à leur merci, s’offre à leurs reproches ; il les exhorte à lui demander compte des légions qu’il a perdues, des flottes qu’il a submergées.

1748. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Les rois ne sont pas propriétaires de leurs sujets, ils ne sont même pas des maîtres, ils sont des chefs. Ils ne doivent prendre le bien de leurs sujets, lever impôt que pour leur défense et avec leur agrément. […] Ils concevaient Dieu comme un roi très puissant qui a un adversaire très redoutable lequel lui dispute ses sujets. […] Ici encore, comme toujours, nous le prenons pour un roi, nous pour des sujets : « Nous te servons bien. […] Il est un roi qu’il faut servir bien, qui a de bons sujets qui a des ennemis, qui court des dangers, qui dispute le monde à quelqu’un, qui n’a pas victoire certaine.

1749. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

Rendre à la poésie française de la vérité, du naturel, de la familiarité même, et en même temps lui redonner de la consistance de style et de l’éclat ; lui rapprendre à dire bien des choses qu’elle avait oubliées depuis plus d’un siècle, lui en apprendre d’autres qu’on ne lui avait pas dites encore ; lui faire exprimer les troubles de l’âme et les nuances des moindres pensées ; lui faire réfléchir la nature extérieure non seulement par des couleurs et des images, mais quelquefois par un simple et heureux concours de syllabes ; la montrer, dans les fantaisies légères, découpée à plaisir et revêtue des plus sveltes délicatesses ; lui imprimer, dans les vastes sujets, le mouvement et la marche des groupes et des ensembles, faire voguer des trains et des appareils de strophes comme des flottes, ou les enlever dans l’espace comme si elles avaient des ailes ; faire songer dans une ode, et sans trop de désavantage, à la grande musique contemporaine ou à la gothique architecture, — n’était-ce rien ? […] J’ai parlé d’art grec : est-il rien qui le rappelle et le représente plus heureusement que ce conseil donné à un sculpteur de se choisir des sujets calmes et gracieusement sévères, comme des hors-d’œuvre à son ciseau, dans les intervalles de la verve et de l’ivresse : Sculpteur, cherche avec soin, en attendant l’extase, Un marbre sans défaut pour en faire un beau vase : Cherche longtemps sa forme, et n’y retrace pas D’amours mystérieux ni de divins combats.

1750. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

Nous sommes avec un esprit sage, prudent, modéré, doué des qualités civiles ; il a ses préférences, ses convictions ; il ne les cache pas, il les professe ; mais nous sommes aussi avec un esprit droit qui ne procède point par voies obliques ; lui du moins, en écrivant l’histoire, il ne songe à faire de niches à personne (ce qui est indigne d’esprits éclairés et mûrs, ce qui fait ressembler des hommes réputés graves, des hommes à cheveux gris et à cheveux blancs, à de vieux écoliers malins tout occupés à jouer de méchants tours à leur jeune professeur) ; il ne pense pas sans cesse à deux ou trois choses à la fois, il ne regarde pas toujours le présent ou l’avenir dans le passé : il étudie ce passé avec scrupule, avec étendue et impartialité, et il nous permet de faire avec lui, ou même sans lui, toutes sortes de réflexions sur le même sujet. […] Ferrand, un des membres du ministère, et l’esprit certainement le plus à contretemps, le plus fermé à toute idée saine, venant présenter à la chambre des députés un projet de loi relatif aux biens non vendus des émigrés, s’avisa de partager tous les Français en deux catégories : 1° la portion des sujets du roi désignés par le nom d’émigrés, et 2° ceux qui n’avaient pas émigré et qu’il embrassait sous la dénomination de régnicoles.

1751. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

C’était, en tout sujet, un presbyte qui voyait de loin, nullement de près. […] Sitôt que ces enfants étaient en âge, il leur faisait apprendre à tous un métier de leur goût, n’excluant que les professions oiseuses, futiles, ou sujettes à la mode, telles, par exemple, que celle de perruquier, qui n’est jamais nécessaire, et qui peut devenir inutile d’un jour à l’autre, tant que la nature ne se rebutera pas de nous donner des cheveux. » On reconnaît bien là notre consciencieux abbé qui faisait tout tourner à l’utile, même ses habitudes ancillaires, et qui peuplait de ses bâtards les divers corps de métiers.

1752. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

Dans une Introduction, l’auteur raconte somment, en un château assez voisin de Paris, chez le duc de…, qui, par ambition, s’est fait partisan très avancé des idées nouvelles, une société nombreuse, composée de militaires, de députés, d’artistes, de journalistes, se met à discuter un soir le grand sujet à la mode, à savoir si la source du progrès est dans la vie publique et sociale, ou s’il la faut chercher au foyer domestique. […] Qu’il veuille s’inquiéter moins de la démonstration et plutôt de la vie, du naturel, du pathétique de son sujet, comme il en est si capable.

1753. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Ils se gardent bien, en un sujet triste, de pousser l’émotion jusqu’au bout ; ils évitent les grands mots. […] Sujets et style, c’est là proprement notre littérature.

1754. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

» Cette morale est celle du pauvre, de l’opprimé, en un mot, du sujet. […] Il aime les jardins, mais parmi eux il voudrait encore « quelque doux et discret ami. » Il loue la paresse et le somme ; « ajoutez-y quelque petite dose d’amour honnête, et puis le voilà fort. » Ajoutez aussi les curiosités et le vagabondage de l’esprit, le discours promené au hasard sur tous les sujets, depuis la bagatelle jusqu’aux affaires d’Etat et au système du monde20, vous aurez la vie qu’il nous propose en exemple.

1755. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

En quelques mots bénins, l’auteur prévient qu’il sied parfois de répandre de riches rimes pour trois sous ; et partant il avoue les avoir accrochées à de vulgaires et très compréhensibles sujets. […] Théodore de Banville a été un des premiers poètes de ce temps qui aient suivi les traces de Chénier aux pentes fleuries de l’Hymette où Béranger n’éveilla pas les abeilles, un des premiers à faire sur des sujets antiques des vers nouveaux, ce qui fut la gloire vraie de Chénier.

1756. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Il y a de la gravité à toutes les pages où les sujets sociaux ou religieux sont touchés. […] On est beaucoup à s’éveiller chaque matin avec une admirable idée de roman, mais la journée se passe avant qu’une ligne en soit écrite, et le lendemain on s’aperçoit que le sujet a été traité, pour ne pas s’humilier on dit : gâché, par Maizeroy, par Théophile Gautier ou par Homère, et on a tort de s’en apercevoir et raison tout ensemble, parce que l’idée s’est fanée du jour au lendemain, faute qu’on ait songé à la planter au papier, à l’arroser d’encre vivifiante : la veille, oui, c’était original, le lendemain, oui, c’est banal.

1757. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

— L’homme fort est aussi l’homme libre ; le sentiment vivace de joie et de souffrance, la hauteur des espérances, la hardiesse des désirs, la puissance de la haine sont l’apanage du souverain et de l’indépendant ; tandis que le sujet, l’esclave, vit opprimé et stupide34. » La liberté de l’individu, c’est la dose supérieure d’énergie vitale ; c’est la diversité ; c’est la volonté d’indépendance ; c’est l’originalité triomphante. […] La reine Victoria, voyageant sur une côte d’Afrique, interrogea un roi nègre et lui demanda s’il pouvait se faire obéir de ses sujets.

1758. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VIII. La crise actuelle de la Physique mathématique. »

Rappelons-nous ce que nous avons dit au sujet du principe de relativité et des efforts faits pour la sauver. […] C’est pourquoi j’ai dit plus haut que les expériences sur les rayons cathodiques avaient paru justifier les doutes de Lorentz au sujet du principe de Newton.

1759. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

Mais, nous voici naturellement amenés au centre historique de notre sujet, à la récente crise qui mit comme en présence, toutes les tendances toutes les formes, toutes les forces de nos lettres modernes, et cela à l’époque où précisément, par une coïncidence merveilleuse tandis que sur la poésie le formisme régnait, dans le domaine du roman trônait l’empirisme à son apogée. […] Bourget, qui fut assurément un des esprits les plus conscients de son époque, transcrit à ce sujet une page de Taine, bien significative : « Du roman à la critique et de la critique au roman, la distance aujourd’hui n’est pas grande.

1760. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

Un point important sur lequel j’insisterai, c’est que des députés du sénat se transportent quatre fois par an dans chacune des classes, qu’ils fassent prêter serment aux professeurs et aux maîtres de quartier de dire vérité, et que ceux-ci leur indiquent les sujets ineptes qu’il faut chasser de l’école et renvoyer à leurs parents. J’entends par un sujet inepte celui qui n’a ni bonne volonté ni talent.

1761. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

» IV Les portraits abondent tellement dans ce livre qu’on se demande parfois si le sujet du livre n’est pas un prétexte, une manière de vous introduire dans une galerie très intéressante et très variée. […] À notre avis, le capitaine d’Arpentigny a fourvoyé, dans un livre paradoxal de donnée et scientifique de développement, des facultés qu’il pouvait appliquer d’une manière plus utile pour sa renommée à des sujets plus positifs et plus hauts ; mais, tout fourvoyé qu’il puisse être, il n’en est pas moins dans son livre un esprit piquant et même un penseur, — chez qui le détail vaut mieux que l’ensemble, il est vrai, — un penseur tout en étincelles !

1762. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Buloz »

Je ne connais guères qu’une personne de ce temps-ci qui ait eu un honneur égal à celui de Buloz, et c’est Véron, ce gros mauvais sujet de Philibert, devenu le docteur Véron vers le tard. […] Michelet, avant de faire paraître chaque volume de sa scandaleuse Histoire de France, y fait des communications qui ne révoltent nullement la pudeur de Buloz, de ce farouche, comme dirait Sainte-Beuve, qui trouvait autrefois qu’un éloge de Brummell était bien léger pour sa revue, et qui ordonnait de ne pas rire, en ce grave sujet, à John Lemoine, lequel, si vous vous le rappelez, fut superbe d’indignation puritaine contre les pots de pommade du dandy et l’immoralité de ses rouleaux d’eau de Cologne !

1763. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

La fade bergerie qui, du reste, n’y est pas la seule, et qui est la conclusion de son roman cette berquinade amoureuse et transie d’un roi épousant une bergère, d’un homme à qui l’auteur avait d’abord accordé de la force d’esprit et de caractère et qui devient le pastor fido d’une fillette, de pasteur de peuple que Dieu l’avait fait, n’est pas non plus la seule conclusion de ce roman, qui en a plusieurs, parce qu’il a plusieurs sujets. Or, avoir plusieurs sujets pour un même livre, c’est comme avoir plusieurs têtes pour le même organisme.

1764. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Assassin d’une partie de sa nation, et devenu le tyran de l’autre, César osait pardonner, comme s’il eût été un roi légitime qui eût combattu des sujets rebelles. […] Ce combat littéraire partagea Rome ; chacun prenait parti pour ou contre, et les vertus de Caton, le plus grand homme de son siècle, n’étaient plus qu’un vain sujet de conversation dans une ville corrompue et esclave.

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