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291. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Ne dirait-on pas que toutes les combinaisons sociales y ont été épuisées pour l’instruction des hommes ? […] Elle ignorait alors que, seulement dépositaire des idées conservatrices de la société, elle devait aussi religieusement garder les augustes représentants des traditions sociales. […] Lorsque Bonaparte se saisit du gouvernement consulaire, tous les écrivains travaillèrent à la restauration de l’édifice social avec une ardeur au-dessus de tout éloge, avec une sorte d’unanimité qui donnait les plus justes espérances. […] On n’a pas vu assez combien Bonaparte a été favorisé par les circonstances ; on n’a pas vu assez combien il lui eût été possible de relever l’autel des croyances sociales, dont les débris n’étaient pas encore enfoncés dans la poussière des décombres ; et combien on allait au-devant de lui pour l’accomplissement de l’œuvre de la régénération.

292. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Note »

« Le Jocelyn se profile jusque dans les balafres de Mirabeau. » « — La révolution à laquelle nous assistons est sociale plus encore que politique ; l’acte de M. de Praslin y a contribué peut-être autant que les actes de M. […] Arthur de La Bourdonnaye. — Il fit peu après sa brochure de la Politique rationnelledédiée à Cazalès, très-raisonnable et noble manifeste. — Puis il alla en Orient mettre une page blanche entre son passé et son avenir. — Il entra à la Chambre, et fut d’abord à peu près seul du parti social, s’exerçant à manier la parole. — Il devint conservateur en défendant le ministère Molé contre la coalition. — Peu après il eut l’idée un peu brusque d’être président de la Chambre, et, n’y ayant pas réussi, il reprit son vol et passa à gauche, et par delà la gauche. […] le voilà à même de pratiquer et de professer ces sciences faciles. » « — Ce n’est pas en lui-même ni dans son bon sens personnel que Lamartine puise ce qui lui reste de bon aujourd’hui : il le doit à ses habitudes antérieures, au milieu social d’où il est sorti, à une certaine atmosphère d’homme comme il faut dont il ne pourra jamais se défaire.

293. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

Le plus mauvais état social, à ce point de vue, c’est l’étai théocratique, comme l’islamisme et l’ancien État pontifical, où le dogme règne directement d’une manière absolue. […] En somme, il se peut fort bien que l’état social à l’américaine vers lequel nous marchons, indépendamment de toutes les formes de gouvernement, ne soit pas plus insupportable pour les gens d’esprit que les états sociaux mieux garantis que nous avons traversés.

294. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Les questions sociales elles-mêmes vont être traitées dans un sens rationaliste. […] Pour lui, une loi sociale n’est plus l’expression d’un vœu, mais l’expression de faits observés avec impartialité. […] L’homme, et l’homme social, intervient dans les premiers ; ainsi ils sont déjà sociaux dans une certaine mesure ; et leur demander l’explication de la société, c’est, pour une part, supposer ce qu’on se propose d’expliquer. […] Une cause physique, la concurrence vitale, explique de la sorte un fait social, la division du travail. […] Il y a d’ailleurs des degrés dans les lois sociales.

295. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Biot » pp. 306-310

Biot, il n’a jamais oublié d’y joindre le côté social, orné, ce soin de culture littéraire, qui faisait de lui depuis si longtemps un membre désigné de l’Académie française. […] dépend avant tout de l’appréciation des faits sociaux qu’il convient de ne jamais perdre de vue ; M. 

296. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

. — Ainsi, dans tout l’ordre social et moral, le passé justifie le présent ; l’antiquité sert de titre, et si, au-dessous de toutes ces assises consolidées par l’âge, on cherche dans les profondeurs souterraines le dernier roc primordial, on le trouve dans la volonté divine. — Pendant tout le dix-septième siècle, cette théorie subsiste encore au fond de toutes les âmes sous forme d’habitude fixe et de respect inné ; on ne la soumet pas à l’examen. […] Parce que nous les acceptons de confiance, elles n’en sont pas moins saintes, et elles n’en deviennent que plus saintes lorsque, soumises à l’examen et suivies à travers l’histoire, elles se révèlent à nous comme la force secrète qui, d’un troupeau de brutes, a fait une société d’hommes  En général, plus un usage est universel et ancien, plus il est fondé sur des motifs profonds, motifs de physiologie, d’hygiène, de prévoyance sociale. […] Vingt millions d’hommes et davantage avaient à peine dépassé l’état mental du moyen âge c’est pourquoi, dans ses grandes lignes, l’édifice social qu’ils pouvaient habiter devait être du moyen âge. […] La faute est à nous, aux compartiments sociaux, aux canaux encroûtés et rigides par lesquels nous les dévions, nous les contournons, nous les faisons croupir ou bondir. « Ce sont vos gouvernements mêmes qui font les maux auxquels vous prétendez remédier par eux… Sceptres de fer ! […] Discours sur l’origine de l’inégalité , 178. —  Contrat social , I, ch. 

297. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

L’individu est la cellule sociale. […] L’organisme social n’échappe pas à cette loi. […] C’est la famille qui est la vraie cellule sociale et non l’individu. […] Cette vision d’un immense fait social domine ces deux livres. […] Seule, sa valeur de psychologie sociale nous intéresse.

298. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Ce regard traversera les groupes sociaux, si nous divisons ceux-ci en ouvriers, bourgeois et paysans. […] Toutes les grandes folies, politiques et sociales, étagées de 1860 à 1919, sortent de là. […] Il faisait de la chimie politique et sociale, voire législative, avec une perversité raffinée. […] Car, si le manque d’élite est funeste, et contribue au désordre social, le simulacre d’élite ne l’est pas moins. […] Jules Lemaître l’a solidement établi dans ses conférences sur l’auteur du Contrat Social.

299. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

À gauche, comme à droite le roman social a foisonné. Romans sociaux, les derniers livres de Zola, ceux de M.  […] Le roman social est historique par une de ses faces, — et cela serait déjà bien légitime. […] C’est un drame social — au sens où nous disons un roman social — que l’Agamemnon d’Eschyle. […] Il y a de vastes causes sociales derrière les plus simples destinées privées.

300. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Tel est le rôle social de l’art. […] Tel est le rôle social de l’art. […] Elle n’a plus de valeur ; ou sa valeur, de sociale devient anti-sociale. […] Quel que soit l’état social, l’individu s’accommode à cet état, puisqu’il y vit et s’y reproduit. […] Il ne se charge volontiers d’aucune mission, ni religieuse, ni sociale, ni morale.

301. (1930) Le roman français pp. 1-197

Les domaines sont séparés… Il apparaît pourtant alors un roman moralisant et social — d’utopisme social — qui y eut un succès immense et durable, puisqu’il continue à faire partie du fonds de nos bibliothèques scolaires, Télémaque. […] Ils marquent seulement les faits individuels ou sociaux d’un trait si fort qu’ils en deviennent inoubliables. […] Parti d’en bas, un homme — ou une femme — pourra montrer toutes les vertus sociales. […] La littérature d’aujourd’hui n’est pas « sociale ». […] Serait-ce la nouvelle méthode littéraire d’introspection qui fait qu’aujourd’hui le roman social — j’entends par là celui où l’observation politique et sociale joue un rôle, comme dans Balzac, Stendhal, Zola, même Barrès dans Les Déracinés — est si rare ?

302. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Mais Lamennais, le plus fougueux, le plus âpre, et le plus sombre des trois, s’en prend, lui, à Rousseau, le Rousseau du Discours sur l’inégalité et du Contrat social, en attendant qu’il le rejoigne un jour ! […] Mais ici le bon sens se révolte ; le sens commun reprend ses droits ; le sentiment de la fonction sociale de la littérature et de l’art se réveille. […] — qu’un économiste faisait d’eux tous, et surtout du plus grand d’eux tous, dans son Jérôme Paturot à la recherche d’une position sociale, 1843. […] La doctrine évangélique du renoncement à soi-même, si étrange au sens humain, n’est que la promulgation de cette grande loi sociale » [Cf.  […] Et enfin, si le propre d’une littérature « sociale » est de tendre, comme on l’a dit, au « perfectionnement de la vie civile » ou, comme nous dirions de nos jours, au progrès de la civilisation, que pourrions-nous ajouter de plus ?

303. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Or ne peuvent la conquérir que des groupes sociaux qui ont su se donner la cohérence, l’organisation et la discipline et qui, par conséquent, sont des groupes aristocratiques. […] La richesse n’est pas une classe, ce n’est qu’une catégorie sociale. […] Fondez les rapports sociaux, en dehors des contrats authentiques, non sur la justice, mais sur l’altruisme. […] L’effort inutile est honorable si l’on veut, mais ne saurait être payé ; il n’a pas de valeur sociale. […] Aucune faculté n’a son plein exercice dans l’être humain quand il n’a pas suivi la voie normale, à la fois naturelle et sociale, telle que la tracent les conditions mêmes où vil l’humanité.

304. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

Par suite de ce démembrement et de ce développement sur tous les points, le poëte cessa d’être un organe indispensable et permanent, un précepteur social, un guide ; son individualité dut se creuser une place à part et se restreindre à un emploi plus spécial du talent ; il aborda, la plupart du temps, des genres curieux et délicats, qui réussirent auprès des lettrés, des oisifs ou des princes. […] Mais dans les Contrebandiers, le poëte n’élude rien ; il accepte la question sociale dans son énormité, il la tranche avec audace ; l’air pur du sommet des monts l’a enivré, et sa voix, que redit et renfle l’écho des hautes cimes, ne nous est jamais venue si sonore.  […] C’est à ce même fonds social, humain, d’une civilisation plus équitable et vraiment universelle, opposée aux misères de la nôtre, que sont puisées les inspirations si amèrement belles du Pauvre Jacques et du Vieux Vagabond.

305. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Si la rénovation du théâtre dans le sens des idées dites romantiques est impraticable en France, il faut s’en prendre à l’une ou à plusieurs de ces quatre causes : 1° notre constitution sociale, 2° le goût du public, 3° le manque d’auteurs, 4° le régime des théâtres. Mais, 1° notre constitution sociale, c’est-à-dire la liberté de la presse et les deux Chambres, bien loin d’être un obstacle, une distraction contraire aux grands spectacles dramatiques, doit en être considérée comme une condition essentielle, une inspiration puissante. […] Mais c’est que l’ordre nouveau lui-même était en question jusqu’ici, et que toutes les forces sociales affluaient à la lutte d’où l’avenir dépendait.

306. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

La destinée des hommes d’État et des grands citoyens qui ont ouvert, il y a quarante-quatre ans, l’ère mémorable de notre affranchissement politique et social, a été, dans la plupart des cas, orageuse, sanglante et violemment brisée. […] Personne n’a vu se consommer jusqu’au bout cette grande expérience sociale, si généreusement tentée, et qui se poursuit encore. […] Jeunes gens qui voulons nous retremper et nous affermir dans l’intégrité politique, qui voulons espérer en l’avenir sérieux dont l’aspect momentanément se dérobe, qui sommes résolus à ne nous immiscer d’ici là à aucun mensonge, à ne signer aucun bail avec les royautés astucieuses, à ne jamais donner dans les manèges hypocrites des tiers-partis, faisons donc, pour prendre patience et leçon, ce salutaire voyage d’Amérique ; faisons-le dans Jefferson du moins ; étudions-y le bon sens pratique, si différent de la rouerie gouvernementale ; apprenons-y la modération, la tolérance, qui sied si bien aux convictions invariables, la rectitude, la simplicité de vues, qui, si elle s’abstient maintes fois, a l’avantage de ne jamais s’embarquer dans les solutions ruineuses ; apprenons-y, quelle que soit la vivacité de nos préoccupations personnelles sur certains points de religion, de morale, d’économie ou de politique, à ne prétendre les établir, les organiser au dehors que dans la mesure compatible avec la majorité des esprits : car la liberté et la diversité des esprits humains sont le fait le plus inévitable à la fois et le plus respectable qu’on retrouve désormais dans le côté social de toutes les questions.

307. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XV. De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans » pp. 307-323

Sans examiner ici philosophiquement la destinée des femmes dans l’ordre social, ce qui est certain, en général, c’est que leurs vertus domestiques obtiennent seules des hommes toute la tendresse de cœur dont ils sont capables. […] La plus féconde des idées philosophiques, le contraste des qualités naturelles et de l’hypocrisie sociale, y est mise en action avec un art infini, et l’amour, comme je l’ai dit ailleurs54, n’est que l’accessoire d’un tel sujet. […] The seasons thus, As ceaseless round a jarring world they roll, Still find them happy ; and consenting spring Sheds her own rosy garland on their heads : Till evening comes at last serene and mild ; When after the long vernal day of life, Enamour’d more, as more remembrance swells With many a proof of recollected love, Together down they sink in social sleep ; Together freed, their gentle spirits fly To scenes where love and bliss immortal reign.

308. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Contreforts trop inégaux et placés tout à fait au hasard, diverses théories psychologiques et diverses thèses sociales soutiennent et écrasent chacun de ses livres. […] Elle n’est pas de force en ce moment à sentir le mensonge des conventions sociales et des affirmations officielles. […] Il faut s’évader, il le comprend, « des moules sociaux où la civilisation nous enferme », car ils « n’ont pas avec nos formes réelles une plus exacte relation que les figures conventionnelles des constellations avec la véritable carte stellaire ». — Triomphe moins vraisemblable et qui paraît la victoire définitive de la thèse : Phillotson, le vieux mari de Suzanne, et qui aime Suzanne, est persuadé par les arguments de sa femme.

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